Morjana, horsaine prĂ©sumĂ©e. QuĂȘte : trouver un foyer stable. Symboles : rejet, papillon de nuit
L'instant d'avant, Morjana Ă©tait prĂȘte Ă sacrifier son fils, le croyant perdue. Quelle ne fut pas sa surprise quand l'Ă©pine venimeuse, au lieu de le tuer, a prĂ©cipitĂ© sa transformation en papillon de nuit. Morjana Ă©tait tellement soulagĂ©e ! D'une, elle avait le sentiment d'avoir obtenu la protection de Vouivre pour rien, de deux Alekov son enfant Ă©tait vivant et elle n'Ă©tait donc pas une meurtriĂšre, de trois Alekov pourrait sĂ»rement survivre sans lait sous cette nouvelle forme : il trouverait lui-mĂȘme sa nourriture (laquelle ?) dans l'environnement. Que le papillon de nuit Ă©voque confusĂ©ment pour elle une forme malĂ©fique ne l'avait finalement pas effleurĂ©.
Et quand la dĂ©tonation rĂ©sonne, l'ascenseur Ă©motionnel s'Ă©croule d'une masse. VoilĂ qu'Alekov pourrait ĂȘtre Ă nouveau perdu !
Est-ce la balle de Boris qui l'a atteint ? Rien n'est moins sûr. Car au moins une autre personne a tiré un coup de fusil. Cette personne, c'est Vladislav, le sotnik de Prypiat, le chef de la ville, gaillard costaud au visage mangé par sa moustache, paysan opiniùtre et aussi pÚre de famille à la poigne dure, et enfin mari de Yulia.
Alors que le canon de son fusil est encore fumant, il gueule : "Ecartez-vous de ma demeure ! Va-t-en Morjana, sorciĂšre mutant, disparais de ma vue Ă jamais !"
Morjana s'empare du corps de l'enfant-papillon aux ailes froissĂ©es, dĂ©goulinant d'hĂ©molymphe, et elle court vers la forĂȘt aux murmures. Qui l'aime la suive.
Elle court alors que la forĂȘt lui chuchote exactement ce qu'elle ne veut pas entendre : "Infanticide - Catin - Fille perdue - Monstre" Ă travers le bruissement des feuilles et du vent.
Mais ce n'est qu'un détour pour revenir à Prypiat en cachette à la tombée de la nuit, émerger des arbres alors que le soleil se couche derriÚre les grands immeubles soviétiques mornes et bouffés par la ruine et la végétation.
Son enfant respire à peine. Elle est sous la statue géante de Triglav, le dieu aux trois silhouettes fusionnées : Karlmar, Len et Jossipstal.
Elle écarte les buissons de cornouillier au pied de la statue, révélant une porte rouillée. Elle sait que derriÚre se trouve le bidon sacré de rad, essence divine de Triglav réputée redonner vie et forme à qui sont en train de les perdre : à ses yeux, un bain de rad est la derniÚre chance de survie d'Alekov.
Alors qu'elle cherche à crocheter la serrure, elle pense à Gaïus qu'elle a déjà vu s'introduire dans ce cénacle. Quels secrets connaßt-t-il au sujet du rad et de Triglav ? Et si son dieu n'était pas une chimÚre ?
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GaĂŻus, Homme au savoir dru.Â
QuĂȘte : se baigner Ă la source des chants qui noient les forĂȘts-aux-murmures.Â
Symboles : boue, Triglav.
Dieu est un chien dans les arbres.
Serge Pey le complexe de la viande, poésie action
Sur les bĂątons fleurissent des mots.
La parole des bĂątons nous est vitale.
La scansion imprime la rétine,
Le regard vibre et chasse les vessies.
Nos bĂątons sont des lanternes.
Sur le chemin périlleux tracés par nos morts,
elles cheminent, paroles imprimées dans le froissement des feuilles.
Dieu est un chien dans les arbres.
Sa niche est mon alcĂŽve,
OĂč des vents mauvais je me dĂ©robe.
Je baigne aux sources de vie,
Je suis mort et je deviens renaissance.
Dans mon linceul de mots,
Que quĂȘtent les opiniĂątres liquidateurs,
Le souffle des éons oubliés
irrigue mes sens : rad.
Jâavais dĂ©cidĂ©
de jeter
une pierre
au fond de moi
Une pierre dans une autre pierre
Je voulais construire mon Ăąme
Ă coups de fourmis
dâĂ©pines de fleurs
de coquilles dâescargots
Une petite maison
qui diminuerait sans cesse vers lâinfini
Ses trois voyelles
ou ses trois rires
(AOA)
Puis ses consonnes
(M, R, J, N)
Les lettres de ton Nom
comme trois dés
jetĂ©s dans lâordre
Et qui Ă©crivent mon nom dans la poussiĂšre des chiffres
SĂ©parer la voyelle de la consonne est le premier travail qui trouve le nom.
SĂ©parer la consonne de ce qui reste est le second travail pour voir le nom.
Mais sĂ©parer les Nom de son Nom câest entendre le Nom.
Et sur le mur je peins encore les initiales de lâappartenance secrĂšte en plaçant seulement des ponctuations dans le noir.
(âŠ.)
120 mSV au-delĂ du gouffre de la porte qui se refuse encore Ă tes doigts.
Au-delĂ des mots, dans sa cage de bĂ©ton, gĂźt la dĂ©pouille de Dieu qui pour jamais dort, lâIndicible, revĂȘtu des haillons dâalgues jaunes.
Nâaie crainte, au-delĂ nous trouverons notre demeure.
Je lance un appel sur les ondes grĂ©sillantes de la radio portative de lâhomme constant, le porteur de Boris, BellĂ©rophon, pour quâil tâescorte dans cette derniĂšre course en eaux lourdes.
Ma conscience sâĂ©tiole lâenfant Ă©crase le vieillard, qui sâenfonce dans la boue primordiale, poussĂ© par ses puissantes nageoires.
GaĂŻus, Homme au savoir dru.Â
QuĂȘte : se baigner Ă la source des chants qui noient les forĂȘts-aux-murmures.Â
Symboles : boue, Triglav.
Aleko, ziom, petit dâHomo
QuĂȘte : Ă©difier la maison qui abritera sa sĆur de cĆur.
symboles : Triglav, le bùton.
La porte sâouvre en grinçant et Aleko, vagit faiblement.
DerniĂšre modification par gaius (11 Mar 2018 21:05)
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BAM.. . . .. ! ! . . ! BAM !! ! !. .. :..... ! BAM ! !!.. ... !
Boris couche Vladislav en crachotant salement entre deux explosions. Le type s'effondre vaguement dans le tas de fumier qui lui servait de baraque et dont il sortait.
// clac.
\\ clac. recharger immĂ©diatement. rĂ©flexes bien ancrĂ©s. venus d'oĂč ?
Seule certitude : ne jamais laisser personne dans son dos, avec un fusil chargé.
Le dégueulis suinte dessous mon masque suite au coups de Gaïus.
â Fils de guenon, je reviendrai pour toi !
Heureusement j'ai peu bouffĂ© derniĂšrement, la bile se mĂȘle Ă la sueur que j'exsude par tous les pores, dĂ©gageant cette odeur caractĂ©ristique dans l'espace confinĂ© qui sĂ©pare ma gueule du cuir souillĂ©. Impossible de biter grand chose Ă ce qu'il se passe ici, aveugle. La petite pute s'arrache avec son monstre dans les bras, sans doute pour l'aller nourrir au sein irradiĂ© du blockhaus - en tous cas rien de recommandable. Je la poursuis tout en rengageant deux cartouches supplĂ©mentaires dans la chambre de Boris. TrĂ©buche, perd de la distance. J'aperçois derriĂšre la morve et la gerbe qui maculent mes verres, la silhouette de la fille, ajuste mon tir, perdue de vue, putain !
â RAMĂNE TA SALOPERIE MORJANA, CETTE CHOSE N'EST PAS TON ENFANT !
Ma course m'égare, je me foule la patte dans un trou, aïe !, cours encore et finit essoufflé paumé entre chien et loup. La luminosité décline depuis un moment déjà . L'heure arrive, je le sais. Alors que je vide mon casque entre les racines noueuses d'un gros champignon délabré, j'entends le bruit détestable d'une flopée de papillons de nuits crevant la surface boueuse de la mare écoeurante dans laquelle je patauge. Morjana est là , j'aperçois sa silhouette sombre, la Chose accrochée à son flanc.
Boris.
Boris ?
La proie se rebiffe.
Antoine St. Epondyle
http://saint-epondyle.net/blog
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Vouivre, chasseuse de horlas.
QuĂȘte : retrouver lâIndicible et lâemprisonner dans une cage de mots.
Symboles : serpents, Ă©motions.
« Je tâavais pourtant dit de laisser cette relique derriĂšre toi, chaman. »
La voix de Vouivre nâest quâun murmure au creux de son oreille, mais elle heurte BellĂ©rophon comme une masse ; il se retourne en levant un poing devant lui, comme un lutteur groggy, et la voit debout entre deux arbres, droite comme un i. Elle est entourĂ©e dâun nuage de pensĂ©es noires et poisseuses ; lâhomme a le sentiment de sentir mille paires dâyeux sur sa nuque. Il sent leur haine qui couve sous la terreur que leur inspire Boris.
Elle nâest pas bien grande. Câest sans doute la premiĂšre fois quâil la regarde vraiment â sans le masque. Elle a, quoi, deux tĂȘtes de moins que lui ? Une gamine. Si ces deux disques jaunes ne lui mangeaient pas la moitiĂ© du visage, si elle nâĂ©tait pas un avatar de la contamination de cette foutue rĂ©gion, il lâenverrait balader dâun revers de main, comme lâautre gamine. Mais cette mutante est une proie dâun autre ordre.
Vouivre suit le cheminement de pensée du chaman avec un sourire figé.
« Elle Ă©tait Ă moi. Et il a fallu que tu fasses cracher ton cauchemar de poudre. Comprends-tu seulement que tu sĂšme toi-mĂȘme la corruption que tu chasses, chaman ? Comprends-tu seulement toute lâĂ©tendue de ton absurditĂ© ? »
La masse sombre de la terreur des villageois ondule soudain en rythme, se contracte, et vient former une boule pulsatile aux pieds de BellĂ©rophon. Il voit en Ă©clore un homoncule monstrueux, minuscule parodie de chaman dĂ©formĂ© par la radioactivitĂ© flanquĂ© de deux effrayants appendices-fusils en guise de bras. Vouivre le saisit entre deux doigts et lâavale prestement â dâune traite, Ă la maniĂšre d'un reptile. Elle affecte une grimace dĂ©goĂ»tĂ©e.
« Faudra-t-il que je te suive Ă la trace pour effacer lâĂ©pouvante que tu rĂ©pands, homme-mensonge ? Ou vas-tu enfin accepter de me dire ce que tu sais de lâIndicible, de cette chose qui se terre dans ton enfer de bĂ©ton ?»
La dĂ©gustation du horla naissant lâĂ©lectrise, comme toujours ; le tourbillon de souvenirs et de secrets que recĂšle ces mille peurs enfouies est enivrant. Rien ne la console dâavoir perdu Morjana, mais cette victoire lui offre un petit rĂ©confort.
// clac.
\\ clac.
La double brĂ»lure a un goĂ»t de fer. Elle est presque moindre dĂ©sagrĂ©able que lâaffreuse cacophonie de la dĂ©tonation. Vouivre tombe contre un arbre, les yeux vers le ciel et les oreilles encore bourdonnantes. Le chaman recharge mĂ©thodiquement lâarme sans lui jeter le moindre regard, et repart. Elle soupire.
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Bellérophon, chaman radioactif.
QuĂȘte : achever la dĂ©contamination des lieux.
Symboles : radioactivité, totems et colifichets.
***
â Vouivre ! Ne pars pas. Tu veux savoir ce que j'ai vu dans les entrailles maudites de l'ancien sĂ©pulcre ? LĂ oĂč s'entassent les cercueils sans Ăąge de l'abomination, qui ronge, pullule, et fait changer les choses, les gens, macule toute vie de sa souillure primordiale ? Je vais te le dire. Je n'ai rien contre toi, je n'ai rien contre personne ici. C'est vous, et nul autres que vous qui nous empĂȘchez, Iouri, moi et les autres, de mener Ă bien la mission que nous a confiĂ© le politburo. Crois-moi, je n'essaie que de rendre les choses plus faciles pour tout le monde.
Je rechausse mon masque ; quelle connerie de l'avoir retirĂ© ; tout en jetant un Ćil par dessus mon Ă©paule Ă Morjana qui ne bouge pas, l'engeance toujours collĂ©e Ă elle.
â Il y a, lĂ bas, l'ancienne chambre forte d'une pile nuclĂ©aire ayant achevĂ© sa fusion. Une fondue totale, impossible Ă stopper, entre mĂ©tal, bĂ©ton, hallucinations et tellurismes anciens. Un peuple dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© semble y avoir Ă©lu refuge, je ne sais mĂȘme pas comment ils ne sont pas brĂ»lĂ©s vifs par la nuisance du lieu. Moi mĂȘme,
tu as vu mon visage, il ne m'a pas fallu une heure mĂȘme caparaçonnĂ© dans des linges mouillĂ©s pour sentir la fournaise qu'Ă©tait devenue ma peau. Heureusement, mes lunettes scellĂ©es et mes amulettes saintes et les effigies sculptĂ©es m'ont prĂ©servĂ© un Ćil.
Mais je ne parle pas pour attirer ta pitiĂ©, dont je n'ai que faire. Je veux juste te prĂ©venir de ceci : pendant que nous nous Ă©charpons sur la terre, les vers grouillants, enfants putrĂ©fiĂ©s de je-ne-sais-quoi, pullulent et s'infectent, gangrĂšnent notre bonne vieille mĂšre la forĂȘt. Elle qui fut ici de toute Ă©ternitĂ©, d'aussi longtemps que je me souvienne.
Je porte Boris, c'est vrai, il est peut-ĂȘtre le seul vrai ami que j'ai jamais eu, et je l'ai gravĂ© des insignes anciennes et du pentacle de YagĂŒn-Khol qui fait de lui un homme comme nous. Je ne veux pas me battre contre toi. Ne nous battons pas. Faisons la paix.
Je roule des yeux vers Morjana, toujours stoïque, et devine son souffle haletant malgré la distance et l'obscurité.
Doucement, trÚs doucement, je porte la main à la lourde lanterne à pétrole que je porte à la ceinture et l'allume en choquant la pierre qui y est fixée. Le halo jaunùtre qui éclaire vaguement le bosquet fait de moi une cible facile dans le noir.
â Vouivre, la petite Morjana doit comprendre qu'elle doit nous donner son enfant.
Antoine St. Epondyle
http://saint-epondyle.net/blog
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Morjana, horsaine prĂ©sumĂ©e. QuĂȘte : trouver un foyer stable. Symboles : rejet, papillon de nuit
Bande-son : The Code of the Flowers, par Ayla Nereo, folk féminin à fleur de peau.
La lueur de la lanterne est tout ce qu'il manquait à Morjana pour achever son crochetage. La vieille porte rouillée s'ouvre en grand. A l'intérieur, il fait si sombre qu'on ne voit pas le bidon de rad.
Morjana comprend ce que Boris veut faire. Alekov s'Ă©broue dans un rĂąle de souffrance, sa petite face de bĂ©bĂ© aux joues gonflĂ©es souffle, des yeux et des tĂȘtes de morts s'Ă©veillent et meurent dans les bruissements de ses ailes dĂ©chirĂ©es, son gros corps d'insecte poilu dĂ©gueule de l'hĂ©molymphe noire et puante. Alors elle joue son dernier atout : "Ne le tue pas ! Alekov est ton fils !"
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Aleko, ziom, petit dâHomo
QuĂȘte : Ă©difier la maison qui abritera sa sĆur de cĆur.
symboles : Triglav, le bùton.
Bande son : Oren Ambarchi Gunter Muller et Vocie Crack oĂč les objets du quotidien nous chantent leur monde obscur et puissant
LâĂ©difice bruisse de mille bruits diffus et indistincts qui sâentremĂȘlent.
Un bourdonnement incessant, ponctuĂ© par des Ă©clats mĂ©talliques provient des profondeurs ou lâeau ruisselle dans un flux incessant.
De la masse dense dâobscuritĂ©, que le regard tente alors de percer, en vain, aveuglĂ© par de phosphorescentes leurs qui sourdent du bĂ©ton fendillĂ©, un halo indistinct dâabord, Ă©merge. Une noirceur plus intense, que mĂȘme les restes des machines corrodĂ©es semblent Ă©viter.
Une masse noire, un profilĂ© de bĂ©ton noirci dâhumeurs malignes.
Et ses murs palpitentâŠbruissent aussi, Ă rythme diffĂ©rent. Une frĂ©nĂ©sie cliquetante. Une masse grouillante de mousses et de vermines qui ronge ce coffre de bĂ©ton gigantesque.
Autour, une piscine pleine dâune eau lourde de puanteur, monte une garde sans cesse renouvelĂ©e par deux buses dâacier gauchies qui dĂ©tournent une partie des Cinq.
Ă, mes PĂšres,
LĂ est la boite aux lettres des cimetiĂšres.
LĂ est mon berceau,
LĂ est mon linceul.
Penchent,
Penchent avec les Fous.
Le poing
ouvre
le nom
déplace le ciel
Jâai vu le zĂ©ro
de la main fermée
dans le soleil
Un lieu
Entre lâhomme
Et le premier mot
On apprend
La mort Ă lâenfant
Quand ce point.
redescend dans la main
Quand on laisse
Les oiseaux le remplacer
dans le Ciel.
Ă, PĂšres trĂšs distants,
Contemplez vos enfants !
Leur rĂšgne arrive,
Le triangle sâinscrit dans le cercle.
MĂšre, Morjana, entend mon chant,
entend, ma priĂšre, entend la voix issue de la chrysalide de tes nuits !
Je frappe les bĂątons de mon cĆur,
pour que les mots gouttent
sur les leurs.
Bellérophon !
PÚre, des terres stériles, combattant de la radioactivité !
Je suis nĂ© de lâinnocence.
Je suis ton Isandros !
PĂšre, consent Ă ma vie et rejoint ma lumiĂšre.
DerniĂšre modification par gaius (12 Mar 2018 23:16)
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Bellérophon, chaman radioactif.
QuĂȘte : achever la dĂ©contamination des lieux.
Symboles : radioactivité, totems et colifichets.
***
Je ne comprends rien. Le respirateur artificiel de mon casque me psshhhhhht dans l'oreille. Je n'ai rien pigé à ce que dit la petite. Ou rien voulu piger.
Mais j'ai vu le regard du nain.
Si on peut appeler ça un gamin.
Je suis au centre des attentions, entre Vouivre et Morjana qui me darde d'un oeil d'acier. Elle s'est arrĂȘtĂ© net Ă la porte du blockhaus. Je ne connaissais pas cette entrĂ©e, les sols bougent dans les forĂȘts-aux-murmures. Je m'approche accompagnĂ© de Boris qui me dit "â Doucement, doucement."
â Morjana, je - .. . . .BAM !
putain de
L'impact dĂ©chire la figure du marmot ; Alekov ou je ne sais pas son nom ; est arrachĂ© des bras de sa gĂ©nitrice et tombe lourdement dans la boue fangeuse d'oĂč s'envolent une peuplade de mouches albinos dĂ©rangĂ©es dans leur ponte.
â Non ! Non ! Je ne voulais pas ! Boris qu'a tu fais ?
L'arme traĂźtresse pĂšse soudain un poids infini. Ne sais plus oĂč me mettre, quoi, que faire ? J'empoigne par rĂ©flexe les amulettes protectrices, celles avec la tĂȘte de chien, et regarde mĂ©dusĂ© le petit corps agonisant au sol.
Sous le masque que je porte, personne ne voit mon Ćil s'exorbiter en voyant le cadavre du gnome remuer encore.
Aleko n'est pas mort, je le vois ramper, le visage trouĂ© mais le regard intact. Ses iris sont des fers chauffĂ©s Ă blanc qui me transpercent de part en part. Il profĂšre un son dans une langue si odieusement inhumaine que j'en perdrais la raison Ă l'entendre - alors je deviens sourd sur le champ. Le gouffre s'ouvre sous moi et je m'abandonne aux tĂ©nĂšbres. Juste assez de conscience pour entendre la mĂ©lopĂ©e des sorciĂšres "â AĂŻĂ©ha nohĂ©a nohĂ© nohĂ© A A ! AĂŻĂ©halefordo mormohĂ©a nohĂ© nohĂ© A A A A!"
// clac.
\\ clac.
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réflexes bien ancrés.
suis-je encore vivant ?
Antoine St. Epondyle
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Morjana, horsaine prĂ©sumĂ©e. QuĂȘte : trouver un foyer stable. Symboles : rejet, papillon de nuit
Sievert, par Nadja, du drone mélodique et texturé pour traverser l'hiver nucléaire.
Quand la détonation de Boris crible l'air, Morjana voit ses derniers espoirs de recoller les morceaux avec lui s'envoler. Qu'il ait tiré sciemment ou qu'il se laisse manipuler par Boris, quelle importance, quelle différence ?
Quand elle le voit recharger comme un robot, elle sait qu'Aleko doit ses deux premiĂšres chances Ă sa nature de horla. Il n'en aura pas trois. Car personne n'a jamais de troisiĂšme chance, et ça c'est une loi magique, et mĂȘme les horlas ne peuvent s'y dĂ©rober.
Alors Morjana s'empare de la lanterne et du fusil et les jettent à l'intérieur du blockhaus, et elle referme la porte derriÚre elle, laissant Béllérophon désarmé, à la merci des habitants de Pripiat endeuillés de leur sotnik, que la lanterne et le coup de feu ont tiré de leurs lits, et qui convergent maintenant vers la statue de Triglav.
A l'intérieur, à la lueur de la lanterne, elle découvre que le blockhaus a été envahi par une végétation torve et verruqueuse, sur les tiges de laquelle bourgeonnent des formes de vie impossibles à catégoriser. L'emprise est forte en ces lieux, il y a comme cette odeur de métal pourri qui plane au-dessus des remugles de fermentation et de condensation végétale.
Elle avise le bidon de rad, frappé du symbole sacré de Triglav, un cercle cerné par trois triangles, la trinité qui enfante le monde.
Elle porte Aleko au-dessus du bidon de liquide vivant. Elle l'ignore encore, mais l'emprise l'a déjà contaminée à un degré élevé. Elle en subira les conséquences plus tard.
Elle immerge entiĂšrement son enfant-ziom dans le rad.
Boris, jeté dans un coin, tente une connexion télépathique.
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Vouivre, chasseuse de horlas. QuĂȘte : retrouver lâIndicible et lâemprisonner dans une cage de mots. Symboles : serpents, Ă©motions.
Vouivre reste assise contre lâarbre, en silence ; elle digĂšre le horla produit malgrĂ© lui par BellĂ©rophon. Elle a cru quâil lâavait abattue dâun coup de carabine, tout Ă lâheure. Parfois, la consommation dâune abomination est vectrice dâillusions trĂšs vivaces. Il voulait simplement parler. Et les mots du chaman tournoient encore autour de la tĂȘte de la petite chasseuse: Il y a, lĂ -bas, l'ancienne chambre forte d'une pile nuclĂ©aire ayant achevĂ© sa fusion. Une fondue totale, impossible Ă stopper, entre mĂ©tal, bĂ©ton, hallucinations et tellurismes anciens. Un peuple dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© semble y avoir Ă©lu refuge, je ne sais mĂȘme pas comment ils ne sont pas brĂ»lĂ©s vifs par la nuisance du lieu.
Elle revoit BellĂ©rophon articuler ces mots, et elle sent la puanteur de la sincĂ©ritĂ© sur chaque petite syllabe ; le chaman croit ce quâil affirme. Et les souvenirs de lâhomme-masque ouvrent une voie Ă Vouivre dans lâĂ©grĂ©gore. Un fil dâor naĂźt devant ses yeux ; un parfum de chairs calcinĂ©es et dâozone. Elle fait claquer sa langue. Il est temps de partir.
Si Morjana ne veut pas de son enseignement, de ses bras accueillants, elle en prend son parti. LĂ -bas, dans lâenfer de bĂ©ton, des ĂȘtres privĂ©s de mots ont grand besoin des siens.
La nuit tombe, cependant. Par habitude, Vouivre cherche alors la flamme de GaĂŻus dans le vent des esprits, et la dĂ©couvre absente. Une larme noire coule sur sa joue squameuse ; elle la laisse atteindre le fil de son menton, ne cherche pas Ă soulager le picotement qui nait peu Ă peu sur son Ă©piderme. Elle attise les quelques braises de ses souvenirs du prĂȘtre, en espĂ©rant quâils lui tiendront chaud dans l'obscuritĂ© grandissante.
Ton feu me manquera, vieil ami.
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