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#131 11 Mar 2015 19:12

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

ETEINDRE LE SOLEIL

Premier test d'Inflorenza A Capella : une variante sans matériel : ni feuille, ni crayons, ni dés !

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 11/01/15 sur google hangout avec Arjuna Khan (l'enfant sans mère) et moi-même (l'enfant albinos)

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crédit photo : diana_robinson, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


Contexte :

Nous choisissons un petit théâtre, qui s'appelle Donjon Noir. Le décor est dark fantasy, la technologie est médiévale. A cause de l'épaisseur des arbres et du ciel, et d'une conjonction astrale funeste, il fait de plus en plus nuit, même en plein jour.

Les Horlas hantent les ruines de l'ancien monde, sous la terre.


Les personnages :

L'enfant albinos.

Il est considéré comme sacré, comme le porteur de lumière. On croit que ses membres peuvent régénérer. On lui a coupé un bras pour en faire un talisman, et vendu ce bras au Roi Sorcier, qui veut l'utiliser pour répandre les ténèbres sur le monde une bonne fois pour toutes.
L'enfant a fui sa tribu pour échapper à d'autres sévices, et pour se venger du Roi Sorcier.
Symboles : Vengeance, sorcellerie.

L'enfant sans mère.

Son père a été corrompu par le Roi Sorcier, il est devenu son bras droit et a commis les pires atrocités en son nom. Il a tué sa mère avec brutalité. L'enfant sans mère est à la recherche de son père, pour que justice soit faite.
Symboles : Justice, vérité.


L'histoire :

L'enfant albinos, première instance :

Les deux enfants, tous les deux à la recherche du Roi Sorcier, étaient faits pour se rencontrer. L'enfant albinos dit qu'il faut d'abord trouver une arme capable de tuer le Roi Sorcier. Ensemble, ils s'enfoncent au cœur de la forêt pour trouver la pythie, qui vit dans une grotte. Elle a un corps de jeune femme mais tremble comme si elle avait cent-vingt ans. Les enfants lui demandent quelle arme peut tuer le Roi Sorcier, elle répond : "allez trouver le Père des Ogres, encore plus profondément dans la forêt. Il m'a outragée par le passé et fait de moi le monstre que je suis. Tuez-le pour moi, et prenez son épée. Un seul humain ne peut la porter à lui seul, mais si vous vous en servez à deux, vous pourrez tuer le Roi Sorcier."

L'enfant sans mère, première instance :

Les enfants trouvent un vieux chêne immense et difforme. Une maison de pierre est perchée dans ces branches, c'est l'antre du Père des Ogres qui y dort. Seul un petit enfant peut monter dans les branches sans les briser. L'enfant sans mère est trop grand pour cela, il laisse l'enfant albinos monter seul. L'enfant albinos trouve le Père des Ogres endormi. Il lui fourre son bras valide dans la gorge pour l'étouffer. Le Père des Ogres meurt mais sa chair acide et verruqueuse corrompt le bras de l'enfant albinos. L'enfant descend de l'arbre avec l'épée du Père des Ogres. Il dit à l'enfant sans mère que si la corruption continue à ronger son bras, il va le perdre. Il sera manchot, incapable d'aider l'enfant sans mère à porter l'épée. En tant qu'albinos, s'il n'a pas les pouvoirs que lui confèrent la légende, il en a quand même certains. Il propose à l'enfant sans mère de lui confier sa corruption, pour équilibrer les handicaps. L'enfant sans mère accepte, il prend la corruption. Le bras de l'enfant albinos guérit aussitôt. L'enfant sans mère ne change pas d'apparence, mais sans le savoir, il s'apprête à vieillir prématurément.

L'enfant albinos, deuxième instance :

Les enfants gagnent la pyramide où officie le Roi Sorcier et ses séides. Cet édifice colossal est le seul qui dépasse les cimes des arbres. Ils profitent de leur petitesse pour déjouer la surveillance des gardes et atteignent le sommet de la pyramide où brûle un grand feu. Le Roi Sorcier est couvert d'une robe noire, faites de pièces de tissu, qui cache son corps et son visage.  Des corps humains suppliciés achèvent de se consumer dans le brasier au-dessus duquel le Roi Sorcier brandit le bras de l'enfant albinos. Autour de lui, ses séides, dont le père de l'enfant sans mère. Dans le ciel, la nuit, non pas comme une nuit normale, mais comme une frondaison céleste de branches mortes qui masquent les étoiles. Une grosse étoile blafarde au zénith ; c'est tout ce qui reste du Soleil. Et le Roi Sorcier est un train d'achever le rituel qui l'éteindra tout à fait.
Les deux enfants pourfendent le Roi Sorcier avec l'épée.
L'enfant albinos a eu sa vengeance. Mais cela ne l'apaise en rien. Au contraire, il veut se venger du monde entier, maintenant. Il enfile la robe du Roi Sorcier et brandit à son tour le cadavre de son bras blanc. L'enfant sans mère veut l'en empêcher, mais les séides, dont son père, le maîtrise.

L'enfant albinos hurle à la mort. Il jette son bras dans le feu, puis il jette sa robe et ses vêtements. Et enfin, il se jette à son tour dans le feu.

Le feu grandit dans une ardence surnaturelle.

Et le soleil, petit à petit, de s'éteindre, s'éteindre, s'éteindre !


Commentaires sur les règles :

Ce playtest est très important. C'est le premier d'une nouvelle variante des règles, qui s'appelle Inflorenza A Capella.

Inflorenza A Capella est elle-même une variante de l'Inflorenza sans phrases testé précédemment. Elle est conçue pour se jouer sans matériel : ni feuille, ni crayons, ni dés. Il n'y a pas de points de vie comme dans Inflorenza sans phrases, aussi on n'a que des détails de fiction à mémoriser, pas de détails de mécaniques.

Nous avons testé cette variante ici en version Carte Rouge, nous avons joué une grosse demi-heure. Le playtest a souffert de la précipitation (on ne pouvait pas jouer plus longtemps car j'avais des impératifs), ce qui fait que j'ai mangé quelques règles, mais ça reste un grand souvenir. L'envie de tester cette version intensivement est là : le jeu de rôle sans matériel est un Graal personnel que je cherche à atteindre depuis longtemps. Bien sûr, il en existe déjà certains, je pense à Qu'est-ce que le jeu de rôle ? d'Epidiah Ravachol, ou encore Sombre Zero si on mémorise les points de vie et qu'on remplace le dé par pierre-feuille-ciseaux, mais je voulais inventer le mien, et je voulais que le jeu ait une vraie profondeur. Produire une variante pour Inflorenza, même simplifiée, est l'aboutissement de ces objectifs.

Je crois même que cette version possède une meilleure cohérence mécanique / fiction qu'Inflorenza classique !


Détails de la version A Capella :

On peut y jouer en mode Carte Blanche (le Confident contrôle le décor et les figurants) ou en Carte Rouge (chaque joueur contrôle le décor et les figurants lors de son instance), avec ou sans instance, avec ou sans pouvoir.

Il n'y a ni phrases ni points de vie.

Création de personnage = On annonce un objectif (en lien avec un des personnages déjà créés) et deux symboles qui correspondant au personnage.

Les symboles :

A la création, chaque joueur annonce deux symboles pour son personnage, tiré du tableau des symboles ou inventés (par exemple : corps + esprit, nature + science, animal + mécaniques, clan + folie...). Les symboles sont connexes, opposés ou n'ont rien à voir entre eux. On peut changer de symboles en cours de séance, si la narration s'y prête.

Quand on doit raconter une fierté ou un revers, on raconte quelque chose en rapport à l'un de ces symboles. (ainsi, quand l'enfant sans mère prend la corruption du bras de l'enfant albinos, c'est un revers dans son symbole Justice).

Conflit

On définit le gain, le risque et le forfait. Puis le joueur en conflit annonce des actions / motivations / ressources / handicaps, chacune de ces déclarations lui rapporte un point de mise, à l'exception des faits qui ne sont ni des réactions à la scène, ni des rappels de ce qui a déjà été dit. Par exemple, si l'enfant albinos avait annoncé posséder un flingue au moment du conflit, cela ne lui aurait pas rapporté de point de mise, car cela vient de nulle part, c'est une invention sur le pouce. En revanche, on acte que le flingue existe, et il pourra rapporter des points de mise lors de prochains conflits. Si on est en panne de choses à dire pour collecter des points, on peut demander aux autres joueurs ce que font leurs personnage, le décor ou les figurants, et décrire ses réactions pour glaner des points supplémentaires.

En Carte Blanche, le Confident doit valider les points de mise.

On mise de 1 pt min à 6 pts max.

Puis le joueur en conflit définit à l'avance le sacrifice possible en cas de victoire avec sacrifice : il est proportionnel à la mise. (Si la mise de 6, le sacrifice comprend au moins l'élimination du personnage).

Le Confident ou un autre joueur frappe trois coups puis compte de 1 à 6 dans sa tête. Il n'est pas obligé de compter à partir de 1, ou de compter dans l'ordre.
Exemples : 1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6...
                  3 4 5 6 1 2 3 4 5 6 1 2...
                  6 5 4 3 2 1 6 5 4 3 2 1...
               4 3 2 1 6 5 4 3 2 1 6 5...

A tout moment, le joueur en conflit dit "action !". Le Confident révèle le chiffre auquel il était en train de penser.

On peut aussi jouer avec 1d6 si l'on en a un sous la main. Mais cette variante est conçue pour s'en passer.

Si le chiffre est inférieur ou égal à la mise, le joueur emporte le gain.
Si le chiffre est supérieur à la mise, il emporte le risque.
Si le chiffre est égal à la mise, il emporte le gain mais avec le sacrifice annoncé !
Si le chiffre = mise - 1, il gagne avec un revers, qu'il raconte.
Si le chiffre = mise + 1, il perd avec une fierté, qu'il raconte.

Conflit duel :

On définit l'attaquant puis chacun mise. Chaque duelliste tire un chiffre, celui qui obtient un chiffre inférieur ou égal à sa mise l'emporte. En cas d'égalité, le chiffre le plus élevé gagne. En cas d'égalité, avantage à l'attaquant. On applique les éventuelles fiertés et revers et sacrifices.

Instance sans conflit :

On conclut son instance par une fierté ou un revers.

Pouvoir :

Si on gagne un conflit avec sacrifice, on peut choisir de perdre pour obtenir un pouvoir en échange, lié à un de ses deux symboles. Quand on utilise son pouvoir dans un conflit, le sacrifice défini n'est plus proportionnel au score misé, mais proportionnel au gain. Une fois le résultat obtenu, le joueur peut choisir de troquer son résultat contre une victoire avec sacrifice.

Accomplissement :

On s'accomplit si on atteint son objectif initial. On peut renoncer à l'accomplissement, il faut alors se choisir un nouvel objectif.


Commentaires sur le jeu :

L'enfant albinos, première instance :

conflit simple, alliance avec l'enfant sans mère. Gain : la pythie dit quelle arme peut tuer le Roi Sorcier. Risque : la pythie nous ment. Forfait : la pythie ne nous répond pas, nous ne saurons jamais quelle arme peut tuer le Roi Sorcier. On perd le conflit. Fabrice propose que l'arme qu'elle nous suggère soit bien capable de tuer le Roi Sorcier, mais qu'elle ne nous dit pas tout. Je valide.

L'enfant sans mère, première instance :

Fabrice veut jouer une instance sans conflit. Je lui annonce qu'il va clôturer son instance en annonçant une fierté ou un revers, lié à un de ses symboles. Fabrice annonce à l'avance qu'il choisira un revers. Puis il raconte que mon bras est corrompu par la bouche de l'Ogre. Je réalise que nous nous sommes mal compris : comme c'est son instance, c'est lui qui doit subir un revers, pas moi. Plutôt que d'exercer mon véto (Fabrice avait dit quelque chose concernant mon personnage), je valide quand même mais j'ai cette idée de transfert de corruption pour que Fabrice encaisse bien un revers finalement.

L'enfant albinos, deuxième instance :

On a testé un conflit simple, je veux tester un conflit duel. Comme nous sommes tous les deux d'accord pour tuer le Roi Sorcier, je décide de ne pas en faire le conflit de l'instance, on décrit sa mort en narratif pur. C'est vraiment cool qu'Inflorenza nous permette un truc pareil, alors qu'un jeu traditionnel nous aurait imposé de jouer le combat contre le Roi Sorcier.
J'ai alors l'idée du revirement de l'enfant albinos. On aurait joué sur du long, ou sans test, j'aurais fait autre chose, mais là, c'était la chose à faire.
Gain de l'enfant albinos : achever le rituel du Roi Sorcier. Gain de l'enfant sans mère : tuer l'enfant albinos et empêcher toute réincarnation future du Roi Sorcier et de son rituel. Je parviens à miser 4 points (je jette mon bras dans le feu, je jette la robe dans le feu, je me jette moi-même dans le feu, et j'annonce, profitant que je contrôle le décor et les figurants, j'annonce aussi que le père de l'enfant sans mère se rue vers lui avec un couteau). Fabrice manque d'idées pour décrire ce qu'il fait, et ne récolte que deux points à miser. Je pense qu'il aurait voulu pouvoir miser davantage au vu de l'enjeu. Une règle le lui aurait permis, que j'ai oublié d'énoncer : il aurait pu me demander plus de détails sur mes actions ou celles du décor et des figurants, et glaner de nouveaux points et décrivant ces réactions à celle-ci, ce qui aurait contribué à la richesse de description de cette scène climatique.

A deux contre quatre, même en position d'attaquant sur le duel, ces chances étaient faibles de l'emporter, et c'est effectivement moi qui ai eu le dessus.


Commentaires sur les règles :

Fabrice se demande si l'accumulation de détails pour obtenir un gros score de mise n'est pas une porte ouverte au power gaming ou au gonzo. Je ne crois pas. Le power gaming est équilibré par le risque accru d'obtenir un gros sacrifice : on continue donc de faire des mises faibles quand le gain n'est pas élevé. Quant au gonzo, je crois que ce style de jeu vient d'une surenchère cumulée avec le fait qu'on ignore ce qui a été dit avant (par exemple : je me fais trancher un bras dans le tour précédent, je décrète qu'il repousse dans ce tour-ci). Or, dans a capella toute narration qui ignore ce qui a été dit avant ne peut rapporter de mise. Je crois au contraire que toute mise supplémentaire enrichit le jeu. Quand je demande aux autres joueurs ce que font les autres personnages, le décor et les figurants, dans le but de décrire ma réaction et d'obtenir des mises supplémentaires, en fait je suis en train de jouer, je suis même en train de détailler ce qui se passe pendant le conflit, chose qui pouvait être passée sous silence dans Inflorenza classique.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#132 03 Apr 2015 13:47

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

LA FORÊT D'AOKIGAHARA

Millevaux dans le Japon contemporain pour une expérience fragile et émouvante.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 18/01/2015 avec Melody (Nakamura) et Anna (Miyako)


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crédit image : dentarg, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


A lire en écoutant ceci.


Contexte :

La Forêt d'Aokigahara est un théâtre pour Inflorenza assez spécial, puisqu'il ne se passe pas en Europe dans le futur comme la plupart des théâtres de Millevaux, mais au Japon, de nos jours. Il s'agit de montrer que les dangers de Millevaux (Syndrome de l'Oubli, emprise, égrégore, Horlas) sont intemporels et universels. Ce théâtre est en quelque sorte une prémisse de Millevaux, un des premiers frémissements qui annoncent l'avènement de la forêt sur terre.
Ce théâtre est inspiré d'une histoire vraie : la forêt d'Aokigahara, au Japon, est une immense forêt où beaucoup de jeunes femmes et hommes se rendent pour s'y perdre et pour s'y donner la mort. Bien des spéculations existent sur les propriétés de cette forêt et sur cet engouement des jeunes suicidaires pour ce lieu, mais à ce jour le problème n'est pas résolu. Des personnes continuent à se rendre à Aokigahara pour y rendre leur dernier souffle.


Les personnages :

Nakamura a 50 ans. Kyo, son fils étudiant a disparu. La police a lâché l'affaire au bout d'un temps. Nakamura pense qu'il est parti dans la forêt d'Aokigahara, alors il décide de partir là-bas, à sa recherche.
Objectif : se rendre dans la forêt pour retrouver son fils
Symboles : Culpabilité / Espoir

Miyako est une secrétaire/salarywoman de 30 ans
Objectif : partir dans la forêt pour mettre fin à ses jours
Symboles : Identité / Mort


L'histoire :

Miyako est dans sa salle de bains, elle coiffe ses longs cheveux. Soudain, dans le miroir de son lavabo, elle se voit telle qu'elle était il y a plus de dix ans. Cheveux courts, en uniforme de lycéenne. Son reflet semble l'accuser de ne pas lui avoir offert une vie qui en vaut la peine. Miyako a le sentiment qu'elle peut faire quelque chose pour se réconcilier avec ce fantôme du passé si elle arrive à traverser le miroir pour lui parler. Le décor derrière le fantôme change, c'est maintenant une forêt obscure.
La silhouette d'un homme apparaît à l'orée de la forêt, il semble attendre Miyako. Miyako n'arrive pas à traverser le miroir. Le fantôme lui tourne le dos et court vers l'homme. Elle comprend que comme elle n'a pas réussi à lui parler, ce fantôme est devenu malfaisant.

Nakamura est dans sa maison. Il prépare ses bagages. Il veut emporter quelques affaires personnelles de Kyo, notamment son journal intime. Mais il ne le retrouve pas, alors qu'il était posé bien en vue dans la chambre de son fils !
Après avoir fouillé toute la maison, il inspecte le jardin. Derrière un bosquet, il trouve un jouet perdu par Kyo quand il était enfant, et des empreintes de baskets féminines qui continuent dans les pelouses des voisins.
Par politesse, Nakamura ne va pas sur les pelouses de ses voisins, mais il va sonner à leurs portes. On est en journée, en semaine, personne n'ouvre. Mais finalement, une vieille veuve le reçoit. Elle l'invite à prendre le thé, Nakamura se sent obligé d'accepter. Elle a vu la voleuse passer sur sa pelouse, elle était dans sa maison. Elle a même eu le temps de la prendre en photo à travers la baie vitrée. Elle se plaint que ses enfants lui ont acheté un téléphone portable et un ordinateur pour lui parler davantage mais qu'ils ne trouvent pas le temps de le faire pour autant. Elle lui imprime la photo de la voleuse : c'est la jeune Miyako, en uniforme de lycéenne. Elle court avec le journal au bras. Son visage est flou à cause de la vitesse, mais on reconnait bien sa coupe de cheveux.

Miyako va voir son chef de bureau pour présenter sa démission. Son chef est surpris, il essaye de vérifier que tout va bien. Miyako s'étonne de son intérêt, mais remarque aussi qu'il ne se rappelle plus son prénom.

Miyako est rentrée chez elle. Elle se coupe les cheveux devant son miroir. Elle les avait fait pousser pour se faire un chignon, c'était plus correct pour le boulot. Les cheveux tombent dans le lavabo. Elle a maintenant la coupe courte de sa jeunesse. L'espace d'un instant, elle a l'impression que les cheveux se multiplient dans le lavabo. Elle l'ignore, mais c'est peut-être une manifestation de l'emprise.

La femme de Nakamura, d'ordinaire effacée, demande à son mari de partir avec lui. Elle est pourtant dans le déni, elle n'a ni rangé ni nettoyé la chambre de Kyo depuis qu'il est parti (Kyo est étudiant à Tokyo, il rentrait à la maison les week-end et les vacances). Nakamura refuse. Elle s'incline avec violence et insiste : "Nakamura-chan !". Nakamura n'a pas le coeur de refuser à nouveau. Sa femme conclut : "De toute façon, mes valises sont déjà prêtes."

Le bus pour Aokigahara. Nakamura et sa famille sont dans le fond du bus. Nakamura a pris le moins d'affaires possibles, mais quand même une couchette et une lampe-torche, car il sait qu'il dormira à la belle étoile dans la forêt. Sa femme a pris des affaires pour passer quinze jours à l'hôtel. Le bus s'arrête à une station dans la banlieue de Tokyo. Miyako monte, elle a juste un sac à main. Elle n'a pas pris d'affaires pour se suicider (corde, couteau), elle pense se laisser mourir d'inanition une fois dans la forêt. Elle a pris des baskets en prévision de la marche en forêt. Comme elle n’en a plus acheté depuis qu’elle travaille, ce sont des chaussures qui datent du lycée. Nakamura la reconnaît : ça ne fait aucun doute que c’est la fille de la photo. Même coupe de cheveux, mêmes baskets. Mais il se garde bien d’en faire la remarque.

Par politesse, Nakamura et sa femme se sont installés dans le fond du bus, pour laisser les places avant à ceux qui viendraient plus tard. Miyako fait de même, et comme il n’y avait pas eu de passager entre les deux, ils se retrouvent côte à côte.

Le bus roule depuis un petit temps quand il s'arrête en rase campagne pour prendre un passage en rase campagne. C’est un vieil homme. Il a un chapeau en osier et des tongs en bois. Il porte un goban (un plateau de jeu de go) dans un sac de toile en bandoulière.

Il va dans le fond du bus, sort son goban, le pose sur ses genoux, et demande qui veut jouer une partie. Miyako décline, Nakamura accepte.
Quand il joue, il réalise assez vite que les pions du vieil homme, noirs, sont comme la forêt d’Aokigahara. Ils l’encerclent. Nakamura réalise que les pions blancs qu’il pose, sont comme Kyo, perdus, étouffés par la forêt noire.
Nakamura réalise que le vieux utilise le jeu de go pour lire dans ses pensées. S’il perd la partie, le vieux saura tout de son histoire, peut-être même qu’il la divulguera à haute voix, qu’il lui fera perdre la face. Nakamura n’a pas le choix, il doit gagner la partie. Miyako sent qu’il est en difficulté, elle l’aide discrètement en lui montrant ou poser son prochain pion.
Finalement, Nakamura gagne la partie.

Le vieux lui concède sa victoire et en dit alors plus sur lui-même. Il est l'ancien garde forestier et qu'il connait des passages secrets dans la forêt, il guide qui lui en fait la demande. On comprend à demi-mot qu’il rend ce service aux jeunes suicidaires.

La participation de Miyako à la partie de go a brisé la glace. La femme de Nakamura lui demande ce qu'elle est venue faire ici. Elle répond : « Visiter la région. ».

La nuit est tombée. Le bus s’arrête à nouveau. Monte un jeune otaku, avec un appareil photo numérique au cou, avec un gros téléobjectif. Quand il voit Miyako, il la prend aussitôt en photo.
Miyako insiste pour qu'il efface la photo. Nakamura se joint à elle dans cette requête. L’otaku leur montre la photo, dit qu’elle est trop belle, qu’ils pourront en avoir une copie s’ils le veulent. Sur la photo, à cause de la nuit et du flash, Miyako a l’air d’un spectre. Ils insistent davantage et l’otaku appuie sur le bouton « corbeille » à contrecœur.

Enfin, le bus arrivé à l'hotel qui fait face à la forêt d’Aokigahara. Il y a un grand parking, avec beaucoup de places de bus, signe que l’endroit est attractif : la réputation des lieux fait venir les touristes. La forêt est entourée par un grillage, avec un seul portail d’entrée, qui est fermé à cette heure-ci. Parking. Il y a des panneaux en japonais et en anglais, qui disent « La vie est belle, n’allez pas vous perdre dans la forêt. ». L’hotel est un motel, construit après les premières vagues de disparition, et les chambres sont disposées de façon à avoir une vue imprenable sur la forêt.

L’ancien garde forestier sort le premier, il dit qu’on pourra le trouver à sa cabane, non loin d’ici. / Cantine. Les autres passagers se rendent à la cantine du motel, pour prendre un repas. Miyako se place à la même table que Nakamura et sa femme. L’otaku s’incruste aussi. On comprend qu’il est fasciné par le folklore morbide d’Aokigahara, et qu’il est venu prendre « des bons clichés ». Il révèle à Nakamura qu'il était un camarade de Kyo à l’université. Kyo était d’un naturel rêveur, mélancolique. Il disait souvent qu'il était né trop tard. Cette phrase était lourde de sens pour lui. Il était fasciné par cette forêt, c’est par lui que l’otaku en a eu connaissance. Il montre une photo qu’il a prise de Kyo. On voit que c’est un jeune homme, fragile et beau. Sur le cliché, il regarde ailleurs, hors-champ. Il est comme son prénom. Pur.

Un policier en gilet jaune fluo passe dans la cantine. Il distribue à chaque convive un flyer avec des photos de disparus, qu’il recherche. Sur le flyer, il y a la place pour 9 photos, en 3 par 3. Il y a 8 photos plus un emplacement vierge. La huitième photo est celle de Kyo, c’est une copie de la photo jadis prise par l’otaku. Mise dans cette perspective, on a l’impression que Kyo regarde la place vierge, dédiée à une neuvième photo, à la prochaine personne qui va disparaître.

Miyako est rassurée de voir que les disparitions ne sont pas si fréquentes. A cause de l’otaku et du motel, elle avait l’impression que le suicide dans la forêt d’Aokigahara était devenu une mode hystérique, et ça la peinait. Elle veut que ce moment soit rare, privilégié.
Elle avoue à demi-mots à Nakamura la raison de sa venue. Par pudeur ou par respect, Nakamura ne dit rien pour la dissuader, il clot le sujet.

Miyako va trouver sa chambre de motel. Elle croise une femme de ménage, qui s’étonne qu’on lui ait confiée cette chambre. C’était la chambre de Kyo. Elle avoue à Miyako qu’elle est tombée folle amoureuse de Kyo quand elle l’a vue. Mais il lui a dit qu’il en aimait une autre, d’un amour impossible.

Dans la chambre, il y a un autel bouddhiste, disposé de telle façon qu’en priant on se tourne vers la fenêtre, qui donne sur la forêt. Noire, bruissante sous le vent. Comme son nom l’indique, une mer d’arbres. Avec ses vagues, ses houles et ses ressacs.

Dans le tiroir de sa table de nuit, elle découvre un objet. Le journal de Kyo. Elle ne peut s’empêcher de le lire. Elle découvre que Kyo n’avait pas de rancune envers son père, le sentiment de culpabilité de Nakamura n’est pas fondé. Elle lui dira quand elle pourra, mais d’abord elle doit poursuivre sa lecture. Elle découvre, à la dernière page, un portrait au fusain. Ce portrait ressemble beaucoup à Miyako, quand elle était jeune.  Il lui ressemblerait même trait pour trait si ce n’était pas impossible.

Miyako passe la nuit à lire le journal.

Pendant ce temps, dans sa chambre de motel, au lit avec sa femme, Nakamura fait des cauchemars.
Avant de s’endormir, il avait allumé posé une bougie sur le rebord de sa fenêtre, comme pour envoyer un signal à Kyo. C’était une bougie qui lui appartenait.

Dans son cauchemar, il voit le spectre malfaisant de la jeune Miyako à sa fenêtre, qui le regarde. Elle s’empare de la bougie et court vers la chambre de Miyako. Nakamura comprend que Miyako est en danger !

Nakamura se réveille, il se rue vers la porte de sa chambre, mais elle est bloquée, comme si le spectre de Miyako l’avait verrouillée de l’extérieur. Le temps qu’il réussisse à ouvrir la porte, et qu’il arrive à la chambre de Miyako, celle-ci a disparu, la porte est grande ouverte.

Dans sa chambre, Miyako lève un temps la tête de sa lecture. Son spectre se tient en face d’elle ! Elle lui dit « Il est temps qu’on en finisse, suis-moi, je t’emmène vers la forêt. Nous allons en finir et tu ne reverras jamais Kyo. ». Miyako essaye de résister, mais le pouvoir du spectre est trop fort. Elles partent toutes deux, en chemise de nuit, pieds nus, elles sortent la nuit et le vent déchaîné. Le spectre la conduit à un trou dans le grillage. Elles passent là pour entrer dans la forêt. La forêt est noire, le spectre court, pour que Miyako n’ait pas le temps de reprendre ses esprits, elle est forcée de la suivre sans réfléchir. On sent quelque chose dans cette forêt, noire. Une présence. Une présence !

Nakamura va réveiller le flic, et lui explique que Miyako a fugué de sa chambre, qu’elle est partie dans la forêt. Le flic a toutes les raisons de le prendre au sérieux, alors il enfile son gilet fluo, prend deux lampes torches, un téléphone satellite et un gilet fluo supplémentaire pour Nakamura, et tout deux ils s’enfonçent dans la forêt par le trou du grillage, suivant les empreintes de pas.

Miyako et le spectre arrivent à une clairière, très calme. Le spectre l’invite à s’assoir à ses côtés contre un arbre. Miyako ne veut pas en finir comme ça, ce n’est pas comme elle l’avait prévu. Mais elle n’a plus la force de résister au spectre, alors elle s’assoit. Ensemble elles tiennent la bougie. Il n’y a plus qu’à attendre. Plus le temps passe, plus la bougie chancèle. Miyako a la bouche de plus en plus sèche. Le spectre sourit et la tient dans ses bras, paisible.

Sur le chemin, le flic et Nakamura font une découverte. Une jeune femme en habits de week-end qui semble léviter sous les arbres. De plus prés, il réalise qu’elle s’est pendue. Elle est déjà en décomposition. C’est une autre des disparues, une lycéenne. Le flic la décroche, il note les coordonnées GPS de l’endroit, et dit qu’il reviendra la chercher demain avec une équipe, pour l’instant la prioriété est pour la personne qu’on peut encore sauver. Nakamura a vaguement conscience que Miyako est dans un endroit où le temps s’écoule beaucoup plus vite qu’ici, et que chaque minute compte, alors il acquiesce et ils repartent tous deux en courant.

Quand ils trouvent enfin Miyako, il s’est déroulé trois heures depuis son départ. Mais elle est dans un état de dénutrition effroyable, comme si elle était restée ici plusieurs jours sans manger. La bougie est morte. Au pied de Miyako, il y a une touffe de cheveux noirs. Tout ce qui reste du spectre.

Le lendemain matin, alors que sa femme dort encore, Nakamura se rend au chevet de Miyako. Voyant qu’elle est sur pied, il lui dit qu’il va voir le Garde Forestier pour qu’il le conduise à Kyo. Il insiste pour qu’elle soit présente à ses côtés. Il n’a pas prévenu sa femme car il pense qu’elle n’est pas prête à accepter la vérité, quelle qu’elle soit.

Quand ils se présentent à l’ancien Garde Forestier, celui-ci les attendait. Il a pris son bâton de marche, des bouteilles d’eau et des beignets. Ils entrent ensemble dans la forêt par la porte autorisée, mais bientôt ils s’enfoncent dans des sentiers que seul le vieux connaît. On comprend qu’il a servi de guide pour Kyo.

Sur le chemin, Miyako trouve un sac à dos abandonné, rongé par les intempéries. Elle l’ouvre et comprend que c’est le sac de la lycéenne que Nakamura et le flic ont trouvée la veille. Elle savait que les suicidés de la forêt abandonnaient des objets sur leur chemin, elle en a la confirmation. A l’intérieur, il y a des objets personnels, à l’abri dans des sacs plastiques.  Des figurines kawaii et un agenda. Tout en marchant, Miyako parcourt l’agenda. Elle y trouve beaucoup de photos collées, on y voit la lycéenne prendre la pose avec ses amis. Elles sont toutes jolies et souriantes et superficielles. Puis il y a des photos d’un garçon, on comprend qu’il obsède la lycéenne. Puis une photo volée de ce garçon, qui embrasse une autre lycéenne, une de ses meilleures amies, celle qu’on voit la plus souvent à ses côtés dans les plus anciennes photos, en selfie. C’est là toute l’histoire qui a conduit cette jeune femme dans cette forêt. Un chagrin d’amour, une amitié trahie. Miyako s’offusque d’un motif aussi trivial pour un acte aussi grave. En ce qui la concerne, elle pense avoir de plus hautes motivations.

La marche dure huit heures. Ils franchissent un antique torii en bois recouvert de mousse. Ils comprennent alors qu’ils ne sont plus tout à fait dans le même monde.
La forêt est apaisée. Il n’y a pas de vent.

Ils arrivent à une clairière. Il y a de la lumière. « C’est lui qui a choisi cet endroit », dit le Garde Forestier. Il écarte les plantes d’un bosquet, et révèle une tombe cachée là, une tombe rudimentaire, seulement quelques pierres et un autel.

Il n’y a pas de nom sur la tombe, mais une photo. Une photo de Kyo au milieu de ses parents.

Miyako craque et raconte son histoire, celle du spectre. Mais le Garde Forestier remet en cause son existence. Personne ne les a jamais vues toutes les deux ensemble. Rien n’interdit de croire que c’est Miyako qui a volé le journal de Kyo chez Nakamura, c’est chronologiquement possible. Dans la forêt, on n’a trouvé qu’un type d’empreinte de pas, les pieds de Miyako. Bref, il soutient qu’elle a tout inventé, et Miyako commence à douter de sa santé mentale. Nakamura n’ose rien dire qui fasse peser la balance d’un côté ou de l’autre. Puis le Garde recule au bord de la clairière. « Si vous voulez passer un peu de temps avec lui, je m’éclipse. »

Miyako et Nakamura se recueillent un long moment. L’émotion est palpable.
Puis ils se relèvent. Le Garde Forestier fait mine de faire demi-tour, et Nakamura lui emboîte le pas. Au seuil de la clairière, il se retourne. Miyako est restée debout près de la tombe.

Il lui demande : « Vous venez ? ».

Miyako ne répond pas.

Son visage. Son visage. Son visage.


Playlist :

Jack or Jive / Absurdity (ambient ritualiste japonais)

Tangerine Dream / Rubycon (ambient à la fois cotonneux et massif)
Radiohead / Amnesiac (la tristesse faite musique)
Boris / At last feedbacker (drone lumineux, tout de larsens tendu)
Envy / Insomniac Dose (screamo hardcore évanescent)


Règles utilisées :

Nous avons utilisé Inflorenza a Capella en mode Carte Blanche, exactement comme dans le précédent test, Eteindre le Soleil. De même, nous avons joué sans dé, en faisant les tirages à la voix. Nous avons joué environ trois heures, sur les canapés puisque nous n'avions pas besoin d'écrire ou de lancer des dés. Le jeu continuait même quand une joueuse faisait une pause au balcon, on se parlait à distance. Cette façon de jouer apportait un confort, une fluidité et un feeling inédits pour nous !


Commentaires sur le jeu :

C'est vraiment un de mes meilleurs souvenirs sur Inflorenza, une partie tout en nuances, complètement dans le ton du fantastique japonais, et vraiment riche en émotions. Je serais heureux si je pouvais jouer plus souvent comme ça. Il y a eu une bonne conjonction entre le système, le théâtre, le groupe de jeu, le feeling du moment et mon expérience. Je pense que je prendrai le temps de coucher ce théâtre en détail dans la deuxième édition d'Inflorenza, ça en vaut la peine.

Quand Anna m’a annoncé que l’objectif de Miyako était de se suicider dans la forêt, je lui ai demandé s’il était possible que les évènements fassent changer Miyako d’avis, et Anna a dit que c’était en effet une possibilité. Cette nuance a conféré une grande ouverture à la partie. Ouverture que je n’ai pas voulu entamer, et c’est pour ça que j’ai proposé qu’on finisse en cliffhanger. Au final, on ne sera pas quelle aura été sa décision.

Même avant que Miyako et Nakamura se rencontrent, les deux joueuses pouvaient s'allier dans des griefs communs, grâce à l'égrégore. Cette règle de l’égrégore nous a permis de démarrer avec des scènes solo, qui posent les personnages, et de prendre notre temps pour les rapprocher, et de faire ensuite encore de nombreuses scènes solo, sans craindre que l’autre joueuse ne se sente délaissée.

Quand Miyako veut traverser le miroir pour parler au fantôme, c'est un grief que je lui propose. Elle échoue au dé et prend donc le risque que j'avais défini comme tel : Miyako s'échappe vers un homme dans la forêt, devient la méchante Miyako.

Quand Nakamura veut retrouver le journal intime de Kyo, je propose un grief pour le retrouver. Il échoue au dé et prend donc le risque : il ne le retrouve pas, mais trouve un jouet perdu par Kyo enfant, et des empreintes de baskets féminines qui partent dans les pelouses des voisins.

Quand Nakamura veut interdire à sa femme de partir avec lui, je lui propose un grief. Il échoue au dé et prend donc le risque : Elle part avec lui.

La scène du jeu de go est l’objet d’un grief complexe. C’est moi qui ouvre les hostilités, j’annonce comme risque : « le vieux dit tout haut que Nakamura recherche son fils parti mourir dans la forêt ». Nakamura annonce comme gain : « je perce à jour les intentions du vieux. ». Il choisit comme sacrifice : « Le vieux connaît aussi mes intentions mais se tait ». J’ai apprécié cette façon de trouver un sacrifice, qui est en fait d’accepter une partie du risque. Elegant. Ça va directement aller dans les suggestions de la deuxième édition.
En suggérant le déplacement d’un pion (une déclaration, qui augmente la mise de un), Miyako entre dans le grief comme alliée. Elle propose comme sacrifice : « Le vieux connaît les intentions de Miyako et les dit à haute voix ».
Au final, le duo mise 4 et obtient exactement 4 au dé : une victoire avec sacrifice. C’est à Nakamura de choisir, et il choisit de prendre le sacrifice pour lui. C’est ainsi que le vieux explique son rôle à l’issue de la partie et sous-entend à Nakamura qu’il peut lui être utile pour retrouver son fils.

Un des derniers griefs importants, c’est quand le spectre veut entraîner Miyako hors de sa chambre. A ce stade, Miyako n’a pas du tout envie de suivre le spectre, et Nakamura s’allie avec elle pour contrer ce fantôme malfaisant. Mais le jet dé échoue, et le risque se réalise, tel que je l’avais formulé : « Le spectre entraîne Miyako dans forêt ET elle ne reverra jamais Kyo. ». J’ai pris beaucoup de risques en fermant ainsi une option à jamais. Je ne conseillerais pas de proposer souvent ce genre de risque. Miyako aurait-elle eu le droit de jouer un nouveau grief pour retrouver Kyo ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si c’est bien de poser en risque des choses qu’on ne peut pas réparer au court d’un grief suivant.  Est-ce que je dois écrire dans les règles que oui, on pourra jouer plus tard un grief pour retrouver Kyo mais qu’on ne pourra pas le retrouver en narratif pur ? Ou est-ce que j’écris que ce qui arrive par un risque est irréparable, irréversible ? La première option ouvre le jeu mais abîme la sensation d’adversité. La deuxième renforce le jeu en posant une adversité nette mais propose une causalité étrange, trop surnaturelle. Je pense me ranger vers la première option, car sommes toutes, Anna, la joueuse de Miyako, avait intégré qu’elle ne reverrait pas Kyo, pas vivant en tout cas, et c’est ce qui est arrivé, à aucun moment plus tard Anna n’a fait de tentative pour qu’il en soit autrement. La chose avait été dite, que ça a été dit était suffisamment fort. Que j’ai renforcé les choses par de la règle, en précisant qu’on ne pourrait pas casser cet état de fait en demandant un nouveau grief, ça aurait pourri l’ambiance. Une troisième option se dessine, qui est de dire : « on ne formule comme risque que des conséquences très directes de l’échec. ». Mais là encore, adjoindre ce commentaire « ET tu ne reverras jamais Kyo » était d’une grande force. Je dois revoir avec Anna ce qu’elle a éprouvé à ce moment-là.


En revanche, Anna va remettre en question l'énoncé de ce risque par une autre façon. Quand le spectre l'invite à s'asseoir et à attendre la mort, Anna ne veut pas que ça se passe comme ça, elle en a assez de suivre le spectre et veut reprendre le contrôle. On réfléchit ensemble sur comment j'ai énoncé le risque, et j'admets avoir dit "Miyako part avec le spectre mourir dans la forêt", en supposant qu'une fois arrivé dans la forêt, la question de la mort effective peut être l'objet d'un autre grief. Encore une fois, on propose à un personnage séparé d'apporter son aide, bien que les personnages soient ici non seulement séparés physiquement, mais aussi dans des dimensions différentes : Miyako et le spectre sont dans une dimension où le temps s'écoule beaucoup plus vite : on peut y mourir d'inanition en quelques heures. Je l'ai fait pour préserver l'esthétique du suicide proposée par Anna, mais aussi pour mettre la pression à Nakamura : bien que Miyako ait choisi un suicide lent, le temps leur est compté. Il faut vraiment que je systématise ça dans les conseils, cette idée de favoriser à la fois la séparation des personnages dans des espaces très différents (réalité / rêve, dimensions différentes, passé / présent...) et leur interaction lors de griefs. C'est l'effet de surnaturel le plus élégant que je puisse produire dans une séance d'Inflorenza.


Les joueuses ont remporté quelques revers et fiertés au cours des griefs, mais surtout je leur en ai accordé à chaque fois que je voulais faire un point. Pour décrire leurs fiertés et leurs revers, elles ont fait selon les règles, c'est-à-dire qu’elles choisissaient un de leur symboles et y associaient un fait (Symboles : Culpabilité / Espoir pour Nakamura, Identité / Mort pour Miyako). Ces fiertés et des revers étaient souvent de simples déclarations sur leurs sentiments à ce moment-là, ça a donné un côté « Confessionnal », mais jamais forcé, et cela permettait de cerner de mieux en mieux la psychologie des personnages, et leur évolution.

Moi aussi, je me suis beaucoup reposé sur ces symboles pour ma narration, j’espère que ça se sent dans ce compte-rendu.

Enfin, on suppose dans la séance que les disparitions ne sont pas très fréquentes. Ceci dit, Wikipedia avance le chiffre de 108 pendaisons en 2004.

On rapporte également que le site est le siège de perturbations magnifiques qui explique que les gens s'y perdent. Je ne l'ai pas exploité en jouant, mais c'est bien sûr une supposition intéressante, qui pourrait être fertile en jeu.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#133 07 Jul 2015 07:42

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

MOINS QUARANTE

Faire forfait face aux rudesses du climat

Le Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyres dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 07/12/15 sur google hangout

Personnages :
L'inspecteur, Dragon, Inok, Roche, Nobody

Retrouvez l'enregistrement de partie sur ma chaîne youtube.

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crédits images : Travis S, Jasmic, Phil Mclver, Sophus Tromholt, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com, visit finland, Granbergs Nya Aktiebolag, licence cc-by, galeries sur wikipedia commons

Le Théâtre :

Moins Quarante : Hommes, Bêtes et Dieux dans l'enfer glacial du Grand Nord est une création d'Orlov pour le recueil de scénario Le défi des quarante ans du JDR. On s'aventure dans une région éludée dans l'Atlas de Millevaux : la frontière entre l'ancienne Russie et l'ancienne Finlande, autour de Mourmansk, terre désolée, sauvage et fière, territoire des hommes, bêtes et dieux, lieu des nations premières, des grandes chasses millénaires et des pêches industrielles, carrefour des hégémonies et domaine de la mort, du tout Puissant Père Gel et entrée de la mythique Terre Creuse.

Puissamment exotique et pour autant complètement empreint des marqueurs de Millevaux, Moins Quarante est un théâtre qu'il nous était urgent d'arpenter.


L'histoire :

L'Inspecteur

+ (barré) Je veux conserver mon petit pouvoir de fonctionnaire.

Printemps.
Petit fonctionnaire corrompu de l'appareil communiste chinois, je coule des jours mornes à l'entrée du Mur vers la zone de Moins Quarante. Le Parti contrôle cette zone car les sources marines de l'endroit sont un des derniers viviers de nourriture pour la masse prolétaire affamée de l'empire communiste panasiatique. Ici, le Mur n'est plus une barrière mais une frontière, contrôlée par nos douanes. Et dans ces circonstances, il y a toujours du pouvoir et de l'argent à se faire pour ceux comme moi assez malins pour jouer de leurs influence, rançonner et se faire graisser la patte. Mon seul péché mignon, ma seule passion coupable, qui fera ma perte, c'est mon engouement pour les langues, pour le mythe de Babel. C'est ce qui m'a convaincu d'aller me perdre dans ce trou. Parce que c'est dans ce trou qu'échouent tous les peuples et tous les idiomes du monde. Ainsi, j'ai fort à faire avec les migrants pansibériens, Bouriates, Yakoutes et autres Tchoutchkes fuyant la panlèpre et voyant dans Millevaux un genre d'eldorado, se ruant vers elle comme sur une femme à conquérir.

+ Je vais accompagner Roche jusqu'à la Terre Creuse.

Été
J'ai arraché les faveurs d'une femme qui voulait faire passer sa tribu à l'ouest. Roche, une princesse mongole au visage martelé par le vent. Mais c'était une erreur. J'ai cédé devant sa noblesse. Elle m'a dit que dans la zone de Moins Quarante se trouvait l'entrée de la Terre Creuse, et dans la Terre Creuse se trouverait la mère de toutes les langues. Elle m'a dit qu'un fonctionnaire corrompu serait toujours utile pour sa tribu, alors j'ai laissé mon bureau en désordre et je suis partie avec eux.

+ Très mauvaise réputation auprès des membres du Clan.

Automne.
Dans la tribu, j'ai fait connaissance de Dragon, un exilé de l'Alaska, un chasseur illuminé en motoneige. Il m'a dit vouloir gagner la Terre Creuse, domaine des chasses éternelles. Un allié dans ma quête. Alors, j'ai utilisé mes connaissances "théoriques" du terrain pour l'aider à faire une superbe chasse qui allait le faire grimper dans la hiérarchie de la tribu.
Mais il ne m'en a attribué aucun mérite quand il est revenu avec un grand renne rouge. Il est plus difficile d'assoir mon influence ici que dans les alcôves miteuses de la bureaucratie. Ici, je ne suis personne, et pour mes collègues fonctionnaires, je ne suis plus personne non plus, maintenant que j'ai déserté mon poste pour poursuivre une chimère.

Hiver.
La saison est terrible. La tribu essaye de passer cette mauvaise période enfermée dans une prison de glace. Les plus faibles meurent de froid ou de gel, ils se brisent rien qu'en les touchant. Inok, le chef de la Tribu, annonce qu'on se rendra vers le Sud, là où le sol n'est pas gelé toute l'année, là où la tribu pourra survivre de façon pérenne. Je ne suis pas d'accord, mais il est inenvisageable de fuir la tribu ou même de la scinder : si nous ne sommes pas au complet, nous sommes morts. Dragon exige qu'on se rende à la Terre Creuse, la véritable terre promise pour la tribu selon lui, et bien sûr j'appuie cela en sous-main, j'applique les leçons politiques apprises dans les coursives de l'appareil soviétique.

Mais Dragon s'emporte ; il se bat avec Inok, Inok tombe et se brise le crâne sur un pic de sol gelé. La tribu en fait un martyr, elle hisse un portant pour son corps et fera le voyage vers le Sud en son honneur, elle portera son corps comme une bannière. Elle devient la Procession. Nos manoeuvres ont échoué et je me suis fait une solide réputation de langue de vipère.

+ Hélène est mon ennemie.

Été.
Nous vivons des péripéties fabuleuses pour sauver Roche, et la tribu nous abandonne comme on abandonne les traînards.
Nous allons vers le Sud à sa recherche et rencontrons les Marchants, migrants paneuropéens qui viennent de la forêt et la fuient parce que c'est l'enfer. Ils sont plus grands, plus forts, mieux équipés que nous, et pourtant leur terre de vie n'est pas l'eldorado qu'on nous avait vanté. Nous comprenons avec amertume que l'eldorado n'existe pas : nous n'avons plus le choix que de choisir notre enfer.
Une tempête de bois éclate : tornade meurtrière emportant branches et troncs de la forêts toute proche. Nous nous en réfugions avec les Marchants et cette épreuve commune fait que nous sommes adoptés, comme on adopte des chiens errants.
Les marchants nous accueillent. Nous découvrons qu'un de leurs vieux sages est en possession d'une carte, artefact miraculeusement conservé, plastifié, annoté à l'encre, folie de comprendre le territoire.
Hélène est la cheftaine des Marchants. Quarantenaire, blonde, des rides sur le visage comme une écriture rectiligne de dureté.
Les Marchants ont croisé la Procession, mais ça ne m'intéresse pas de les rejoindre, je veux toujours gagner la Terre Creuse.

Automne

Je manœuvre pour qu'on rejoigne la Horde d'Or de l'Ataman-Lama : seule cette hégémonie pansibérienne a les moyens de gagner l'une des mythiques entrées. Cette fois-ci, mes manœuvres fonctionnent et les Marchants font route vers le campement de l'Ataman-Lama. Mais ainsi ils prennent le risque de se faire absorber par la Horde d'Or, qui poursuit l'objectif de faire de la zone de Moins Quarante un domaine de chasses éternelles, et une tête de pont pour l'invasion des forêts fertiles de Millevaux, en somme l'opposé du rêves des Marchants, qui ne rêvent que de franchir le mur, alors que la Horde s'en éloigne de plus en plus. En tuant ainsi le rêve des Marchants, je me fais d'Hélène une puissante ennemie.

+ Je suis le prochain sur la liste des victimes.

Aussi, quand nous arrivons au campement de l'Ataman-Lama, je profite de la disparition de Leife Antikrist Snorri, l'âme damnée de l'Ataman, pour me faire une place au sein des conseillers de l'Ataman. Je retrouve mes aises de fonctionnaire corrompu, même si les yourtes et les chevaux ont remplacé les bureaux et les postes de douane.
Mais je sais qu'à ce poste, il me faudra avoir des yeux derrière le dos, et que bientôt, fatalement, je finira un couteau entre les omoplates, sans doute, d'ailleurs, sans jamais avoir eu la chance de découvrir la Terre Creuse, d'entendre son murmure primordial, la langue putride, la Mère de toutes les langues.


Dragon

+ (barré) Je veux créer mon clan dans la Terre Creuse.

Automne

Exilé de l'Alaska après en avoir tué le dernier ours, je suis un fou. Un fou de chasse. J'ai traversé toute la Sibérie pour gagner la Terre Creuse, la terre des chasses mystiques où le Tout Puissant Père Gel mène ses meilleurs veneurs à la poursuite d'une mégafaune que même la préhistoire n'a jamais connu.
Je suis en fourrures et en motoneige, incohérent, sauvage. Je suis la chasse.
Je suis parvenu au plus proche de mon but. Je suis arrivé dans la zone de Moins Quarante, je suis tout proche. J'ai élu refuge dans la tribu d'Inok, car aussi farouche puissé-je être, je ne peux pas survivre seul : à Moins Quarante, on ne survit qu'en groupe.
C'est l'Automne, dernière et fugace saison de vie, temps de la chasse de tous par tous, pour faire des réserves pour l'hiver. Il me faut chasser un gibier mythique, pour gagner le respect de la tribu. L'inspecteur, étrange gratte-papier qui a sa place ici comme un glacon sur un brasier, me donne des conseils sur les zones de chasse. Au début, je l'ignore, mais après avoir arpenté la taïga en motoneige en tous sens sans succès, je me résigne à aller là où il m'a dit d'aller, et c'est payant : je trouve un tue un Mégaceros, un grand renne rouge, qui va nourrir toute une famille pendant un mois.
La tribu me respecte désormais. Bien sûr, je n'évoque pas l'aide du fonctionnaire : personne n'a besoin de savoir que Goliath a eu besoin de l'aide de David.

+ Le sang noir bout dans mes veines.

Hiver.
Nous sommes prisonniers sous la glace. Et moi, mon sang noir m'ordonne de passer à l'action. Je ne suis pas de ces bêtes molles qui se résignent à l'attente et à la peur. Mon besoin de violence trouve un exutoire dans un conflit avec Inok, le chef de la tribu. Il ne veut pas entendre parler de mes histoires de Terre Creuse. Il ne veut qu'aller vers le sud : à la promesse du vertigineux eden des chasses éternelles et mortelles de la Terre Creuse, il préfère l'éventualité d'une survie modérée dans les pauvres forêts du Sud, une survie de peur, de comptage et de ratiocination. Nous nous affrontons, et je le tue. Par mégarde ? Le sang noir a parlé.
Mais c'était un mauvais calcul. La Tribu en fait un martyr. Si j'y conserve une certaine influence en tant que chef des chasseurs, je dois abandonner l'idée qu'elle gagne la Terre Creuse.

+ Je suis l'amant d'Hélène.

Été.
Après notre passage dans la Terre Creuse, bref mais intense, nous perdons la trace de la Procession mais croisons la route des Marchants. La force d'Hélène me frappe. Nos deux sangs s'attirent, et la fatalité fait son œuvre : nous devenons amants.

Mais mes délires de Terre Creuse m'amènent à laisser les Marchants se rapprocher de la Horde d'Or de l'Ataman-Lama, qui dans sa voracité de troupes, fait de notre équipage un de ses régiments.
Avec Hélène, j'ai le sentiment que si nous restons au sein de la Horde d'Or, nous survivrons, mais pas notre fierté. Notre sang noir se diluera dans cet esprit de civilisation nomade et violente. Nous ne serons plus des grands veneurs partis à la tête de chasse éternelle, la mort courant à nos côtés. Nous ne serons que les têtes anonymes d'une vie de razzias et de terre brûlée. Une vie de confort, une vie de parasites.

Mais une vie sûr, avec Hélène. Alors, un soir, alors que mes bagages étaient faites pour partir à l'horizon, retrouver ma Terre Creuse, je me suis couché dans la yourte avec ma femme, sachant que le lendemain serait le même, et le lendemain, et le lendemain. J'ai rendu forfait devant les rudesses du climat.


Inok (mort)

+ (barré) Je veux aller vers le sud pour trouver un temps clément pour le clan.

Hiver.
Je suis le père de Roche, je suis le chef de cette tribu de chiens et de fous que j'ai emmenés dans mon sillage à travers toute la Sibérie pour fuir le froid, la faim et la panlèpre. Je n'ai pas fait tout ce chemin pour poursuivre des chimères de Terre Creuse et aller droit devant des dangers pire que ceux que nous fuyons. Quand l'insolent Dragon parle, alors que nous claquons tous des dents ensevelis sous la glace, alors qu'une chance sur deux nous sépare de l'éradication, quand il parle de conduire ma tribu dans la Terre Creuse, je crie à la folie ! Seule la mort nous attend là. Si nous avons fait tout ce chemin, si j'ai laissé ma fille, la plus noble des princesses mongoles, sacrifier son honneur pour nous faire franchir le Mur à tous, c'est pour gagner les forêts fertiles du Sud, pour gagner Millevaux, cet éden où il y a de la végétation, où chasses, cueillettes et cultures sont possibles, où le sol n'est pas gelé toute l'année. C'était ça le but de la tribu !
Mais Dragon est une bête enragée. Il n'écoute pas mes arguments. Il me pousse et me brise la tête. Alors je deviens un martyr. Alors c'est désormais mon esprit qui conduit la tribu. Alors ma mort était un petit prix à payer. Pour que la tribu trouve enfin paix et sécurité, dans les forêts du Sud.


Roche

+ Je veux aller faire mes adieux au corps de mon père.

Hiver.
Mon père dit de moi que je suis la plus noble des princesses mongoles. Je veux juste être la plus dure. J'ai fait de grands sacrifices pour la tribu. Je me suis compromis avec l'Inspecteur pour que la tribu franchisse le Mur, c'était comme frayer avec un rat.
Quand mon père est mort, avec Tania ma mère, j'ai conduit la tribu vers le Sud, pour continuer son œuvre. C'est ainsi que procèdent les personnes de mon sang. Nous avançons, sans jamais broncher. Nous franchissons les obstacles, ou ils nous passent au travers.

Printemps.
La tribu est sorti de sous les glaces aux premiers signes du dégel. Avec à notre tête le portant de bois sur lequel gît le corps de mon père, et son esprit tutélaire, nous avons marché vers le sud. Mais le printemps est la saison la plus traître de la zone de Moins Quarante. Le dégel brusque rend les rivières à moitié folles et une coulée m'a emporté. C'est un same, un autochtone, pouilleux, perdu, alcoolique qui a franchi la muraille des eaux pour me sauver. Il m'a plaquée sur une roche qui faisait île au milieu du torrent. J'ai senti sa respiration rauque. J'ai vu que sous sa crasse il y avait toujours un homme. Nos regards se sont croisés. J'ai bien compris tout le désir qu'il avait pour moi, pas le petit désir vaniteux du fonctionnaire, non, un grand torrent de sang noir. Mais il n'a rien fait. Je pense que quelque chose lui a interdit de me toucher. Une morte.

Il m'a sauvée des eaux mais le froid et les mauvais esprits étaient en moi comme le gel est dans les roches les plus dures. J'ai traversé des mois de souffrance et de coma.

Quand je me suis enfin réveillée, j'ai compris que je devais encore ma survie à Nobody, le chamane perdu.
Je lui suis deux fois redevable, c'est plus qu'une princesse mongole doit l'être. Mais avant de l'aider, j'ai une chose à faire. Retrouver la tribu. Dire adieu à mon père.

+ Je veux aider Nobody à trouver une placer dans le camp de l'Ataman.

Quand les Marchants s'éloignent du Sud pour gagner le camp de l'Ataman, je comprends qu'il me sera difficile de m'acquitter de ma dette envers Nobody, et en même temps de retrouver ma tribu. Mais Nobody m'en acquitte. Il me dit qu'il a besoin de régler ses problèmes seuls. Il me dit aussi qu'il est attiré par moi, que c'est son sang noir qui parle, et que si nous restons côte à côté, trop longtemps, nous finirons par accoupler, et ce n'est pas ce qu'il veut, il est là pour retrouver sa vraie famille. Je finis par comprendre. Je ne l'aiderai pas si je le détourne de sa quête. Une princesse mongole doit mettre ses sentiments et sa fierté de côté. Alors je lui fais mes adieux et je pars vers le Sud.

+ J'ai peur de la réaction d'Inok lorsque je verrai son corps.

Me suis-je bien comportée pour mériter la fierté de mon père dans l'au-delà ? Je n'étais pas là quand la Procession a emporté son cœur vers le Sud. Je sais qu'ici-bas, nous pouvons parler aux morts, il suffit de passer du temps avec eux. Que me dira mon père quand je le retrouverai ?

+ Je surmonte ma peur.

Mais alors que je fais mes bagages pour quitter le camp de l'Ataman, je n'ai plus peur. Une personne de mon rang ne doit pas se laisser abuser par la peur. C'est la leçon que je dois retenir de mon père. La peur marche face à nous, et nous ne détournons pas le regard. Je suis prête. Je pars.

+ Celui qui a abusé de moi obtient une place de choix.

Mon seul regret, c'est d'être partie sans ouvrir la gorge du fonctionnaire. Qu'importe. Quelqu'un le fera forcément à ma place. Quant à moi, les tigres ne doivent pas perdre leur temps à chasser les insectes. Le tombeau de mon père m'attend.


Nobody

+ Je veux persuader le clan d'Inok d'atteindre le campement de l'Ataman.

Printemps.
Avant, j'étais le chamane de ma tribu de sames, les vrais habitants de la zone de Moins Quarante. Avant, j'avais des âmes sur qui veiller. J'avais une famille. J'avais une femme et des enfants. Mais c'était avant. C'était avant que nos valeurs soient foulées aux pieds. C'était avant la folie sédentaire. C'était avant l'alcool. C'était avant que je vende toutes mes romances contre de l'alcool. J'ai vendu la mémoire de ma tribu, j'ai vendu l'âme de ma tribu, pour pouvoir me brûler le ventre. J'ai vendu la mémoire de ma famille pour oublier que j'étais un homme. J'ai vendu le visage de ma femme et de mes enfants, j'ai vendu le nom que la nature m'a donné. Maintenant, je suis Nobody.
Il ne me reste qu'un nom : Liki "Antikrist" Snorri, le barde scandinave à qui j'ai vendu mes romances. Cet homme achète la mémoire du monde. Et maintenant, je dois le retrouver pour qu'il me redonne au moins une romance, celle de ma famille. Je dois le retrouver car c'est ma seule chance de retrouver ma femme et mes enfants, dont j'ai oublié jusqu'au visage.

Alors, j'erre, soûl en permanence, dans le sillage du clan d'Inok. Je les suis comme les chiens vagabonds suivent les caravanes, et ils ne me voient pas autrement : un inutile pique-assiette. Mais j'ai besoin d'eux, j'ai besoin qu'une tribu me conduise au campement de l'Ataman-Lama, pour que je puisse retrouver l'âme damnée de l'Ataman,  le barde Snorri, pour que je puisse me venger. Je guette la moindre occasion d'obtenir une influence sur la Procession, et je la trouve quand l'inondation emporte Roche, la fille du défunt Inok.

+ J'ai sauvé Roche mais j'ai presque perdu mes habits.

L'eau du torrent est en-dessous de zéro, seul le mouvement l'empêche de geler. Je vois des personnes mourir à son simple contact. Moi-même, depuis que je suis alcoolique, j'ai peur de l'eau, mais je ne réfléchis pas, je n'aurai pas d'autre occasion. Je plonge, et c'est la chaleur de l'alcool, du sang noir, qui m'empêchent de mourir. Je sauve Roche, je la plaque au sol d'un îlot formé au milieu du torrent. Je suis au-dessus d'elle. Le sang noir frappe à mes tempes. Je suis pris d'un violent désir pour cette femme, quelque chose qui n'appartient ni au domaine de la raison, ni au domaine des sentiments. Quelque chose de bestial. Mais je m'accroche. Je repense à ma famille, à ce souvenir de famille, à cet espoir de famille, et je ne passe pas à l'acte. Si j'ai sauvé Roche, c'est pour cette cause, pas pour mon désir. Mon désir a déjà fait trop de mal.

Je reviens à la rive avec elle. On nous enlève nos habits et on nous frictionne. On me passe des habits de sibérien. Je garde mon ancienne tenue de chamane, devenues des loques de vagabond, je les garde en paquet. En revêtant des habits de sibérien, j'ai encore perdu de mon identité.

Mais Roche ne se remet pas. Elle grelotte en permanence, elle ne peut plus parler, elle est dans l'inconscience. Je pense que c'est l'esprit d'Inok. Si je ne la sauve pas, je perds toute chance d'avoir une influence sur la trajectoire de la Procession. Alors, j'implore Tania, la mère de Roche de me laisser exercer mes talents de chamane pour la sauver. Elle pense que je ne suis qu'un vieil alcoolique, pas un vrai chamane, en cela elle a presque raison. Mais Dragon et l'Inspecteur sont de mon côté, alors elle se résigne à me laisser faire.

Je demande à Dragon de me chasser une bête au sang noir. Il me ramène un loup gris.

Avec elle, Dragon et l'Inspecteur, nous rentrons dans leur tente. Roche est étendue au milieu. Nous faisons cuire du bois de bouleau jusqu'à ce que toute la tente soit enfumée. Tania refuse de faire plus sa part au rituel que l'enfumage. Nous poursuivons sous sa surveillance : je bois le sang du loup à même sa gorge, puis je m'asperge de vodka, j'en bois aussi, il me faut être ivre. Laisser monter l'ivresse chamanique du sang noir, succomber au chaos.

Le rituel fonctionne. Avec Dragon et l'Inspecteur, nous réalisons qu'à travers la fumée, les parois de la tente ne sont plus là. Nous sommes dans la Terre Creuse, le sol est plat et la brume bouche l'horizon. Nous suivons une corde tendue à travers la brume, c'est le fil de vie de Roche. Nous la retrouvons, mais elle n'est pas avec Inok comme je le pensais : elle est entourée de Horlas, ce sont eux qui convoitent son esprit. Avec Dragon et l'Inspecteur, nous les affrontons, en rage. Je n'ai plus de pouvoir, il ne me reste que mon sang noir. Je brise ma bouteille de vodka vide pour en faire une arme, et je monte à l'assaut, hurlant, couvert de sang.

Fondu au noir.

+ (barré) Le désir de vengeance est la seule fierté qui me reste.

Été.
Quand nous reprenons nos esprits, la fumée s'estompe dans la tente. Roche pousse un long râle, elle revient à elle. Tania, assommée par la fumée, reprend ses esprits. Le rituel est une réussite. Mais dans la Terre Creuse, le temps ne s'écoule pas comme ici-bas : trois mois ont passé. La Procession ne nous a pas attendu. Du camp, il ne reste que notre tente.

Nous sommes ivres de faim et de soif, nous avons jeûné pendant trois mois !
Dragon ramène un gibier et nous nous ruons vers les abats. Sang noir !
J'enrage, je sens que je deviens vraiment un animal. Seul mon désir de vengeance me guide encore. La vengeance, c'est la seule part d'humanité qui me reste.

+ Je renonce à l'aide de Roche.

Automne.
Nous avons intégré la tribu des Marchants et les avons convaincus de rejoindre le campement de l'Ataman. Je touche au but. Roche insiste pour m'aider, elle dit que je lui ai sauvé deux fois la vie. C'était exactement ce que j'attendais elle, mais je lui rends sa liberté. J'ai trop de désir pour elle pour qu'elle reste à mes côtés plus longtemps. Je veux livrer une dernière bataille contre mon sang noir. Je dois me venger seul.

Je m'approche de la yourte de Snorri. Je fais un dernier rituel : je me plonge la tête la première dans un tonneau de vodka, dussè-je en mourir. Rituel de sang noir. Cela me permet d'atteindre Snorri par la Terre Creuse. J'entre dans la version creuse de sa yourte. Suspendu aux cuirs du sommet de la yourte, je vois toutes les romances que Snorri a volée.
Je sais que Snorri est à ma merci à ce moment précis.
Mais je ne me venge pas. Je dérobe juste la romance de ma famille. Je reprends juste mon visage, et je m'éloigne à pas feutrés, alors que je sens mon corps s'approcher du coma.

Je suis Nobody. Je vais peut-être mourir ce soir. Mais j'ai retrouvé leurs visages.


Règles utilisées :

J'ai testé trois règles nouvelles cette fois-ci.

A. Je trouvais que le théâtre se prêtait bien au temps long, à la saga. J'avais le jeu Saga of the Icelanders en tête. Le théâtre Moins Quarante insiste sur les saisons, et si nous l'avions joué comme à l'ordinaire, je sais qu'on aurait déroulé la fiction sur quelques jours seulement, voire quelques heures. Alors j'ai proposé qu'une saison s'écoule entre chaque instance. Et comme les saisons sont folles dans la zone de Moins Quarante, on n'était pas obligé d'enchaîner les saisons dans l'ordre précis.
Cette règle a très bien fonctionné. Quand les personnages sont sortis de la tente enfumée, une instance avait passé, c'est ce qui nous a amenés à conclure qu'une saison entière était passée pendant le rituel et que la tribu nous avait abandonnés. C'était énorme ! J'avais déjà testé des libertés avec la temporalité avec le théâtre Au cœur de la bataille, mais cette règle des saisons a amené de nouvelles surprises en terme de gameplay !

B. Autre innovation, j'ai testé le jeu en mode Carte Noire. En quelque sorte, c'est du Carte Blanche, mais en Confident tournant : le Confident change à chaque instance. Le Confident ne peut pas être le joueur dont c'est l'instance, et si pendant l'instance, le personnage du Confident prend part au conflit, on change de Confident, ou on joue le conflit sans Confident, les deux étaient possibles, les deux sont arrivés. J'ai refait deux autres tests en Carte Noire et le mode est concluant, il sera proposé dans Inflorenza 2. Il me semble que c'est une bonne transition vers Carte Rouge, mais qu'il a aussi un grand intérêt pour lui-même.

C. Enfin, j'ai verbalisé davantage la règle du forfait (que j'appelais non-objectif pendant le test) : ce qui se passe si le joueur, à l'annonce du contre-objectif (ce que je vais sûrement appeler risque dans Inflorenza 2), se dit que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Nous avons fini en conflit de masse, et le conflit de Dragon avait pour enjeu de partir mener une vie de chasse solitaire aux côtés d'Hélène. Le risque, c'était de se faire massacrer par la horde d'or, qui ne supporte pas les déserteurs. Le joueur de Dragon a préféré prendre le forfait, une vie de confort, une vie sans sang, aux côtés d'Hélène, au sein de la horde d'or. En terme de gameplay, pouvoir choisir le forfait, pouvoir choisir de se coucher, ça apporte des nuances nouvelles. Cela permet d'aborder une chose peu explorée en jeu de rôle à mon sens : la résignation. Certes, la résignation est abordée dès que la mécanique prévoit de se coucher, comme dans Dogs in the Vineyard. Mais dans Dogs, les conflits sont de courte portée. Ici, on était sur un conflit à longue portée, le fait que Dragon fasse forfait le condamnait à une vie aux antipodes de celle dont il rêvait. Ce fut le dernier conflit de la partie, et c'était une excellente fin. Verbaliser le concept de forfait m'a permis de rendre en mécanique ce que j'avais observé lors de mon test de la Moisissure de l'Oubli, des conclusions dans le calme, hors-conflit, où l'on explore autre chose que de la combativité, où l'on explore les territoires surprenants et tristes de la résignation.


Feuilles de personnages :

L'Inspecteur

+ (barré) Je veux conserver mon petit pouvoir de fonctionnaire.
+ Je vais accompagner Roche jusqu'à la Terre Creuse.
+ Très mauvaise réputation auprès des membres du Clan.
+ Hélène est mon ennemie.
+ Je suis le prochain sur la liste des victimes.

Dragon

+ (barré) Je veux créer mon clan dans la Terre Creuse.
+ Le sang noir bout dans mes veines.
+ Je suis l'amant d'Hélène.

Inok (mort)

+ (barré) Je veux aller vers le sud pour trouver un temps clément pour le clan.

Roche (d'abord figurante, ensuite jouée par le joueur d'Inok après la mort d'Inok)

+ Je veux aller faire mes adieux au corps de mon père.
+ Je veux aider Nobody à trouver une placer dans le camp de l'Ataman.
+ J'ai peur de la réaction d'Inok lorsque je verrai son corps.
+ Je surmonte ma peur.
+ Celui qui a abusé de moi obtient une place de choix.


Nobody

+ Je veux persuader le clan d'Inok d'atteindre le campement de l'Ataman.
+ J'ai sauvé Roche mais j'ai presque perdu mes habits.
+ (barré) Le désir de vengeance est la seule fierté qui me reste.
+ Je renonce à l'aide de Roche.


Auteur de Millevaux.
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#134 12 Jul 2015 10:33

Badury
monsieur Bad
Inscription : 14 Jul 2011

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

J'aime beaucoup les nouvelles règles, en particulier, l'idée qu'une saison complète puisse s'écouler entre deux instances. C'est génial... on est tellement habitué à s'enfermer dans une temporalité classique...

La règle du "forfait" semble aussi très intéressante... peux-tu nous en dire plus avant "Inflorenza 2" (que j'attends avec grande impatience...d'ailleurs c'est pour quand ??? !!!!). bcbig_smile


"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)

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#135 13 Jul 2015 08:18

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

La règle du forfait consiste à expliciter ce qui va se passer si le joueur renonce à lancer les dés. Ici, le conflit portait sur l'objectif de Dragon de fuir la horde avec Hélène pour ensuite mener une vie de chasse solitaire avec elle. En tant que Confident, j'ai formulé ainsi le contre-objectif (ce qui se passe si Dragon échoue au lancer de dés) : "la Horde vous rattrappe et vous tue comme déserteurs". Ensuite, j'ai formulé le forfait (ce qui se passe si Dragon renonce à lancer les dés, et donc renonce à fuir la horde avec Hélène) : "une vie de confort, une vie sans sang, aux côtés d'Hélène, au sein de la horde d'or". Dragon a préféré le forfait, qui était certes moins glorieux, mais qu'il était certain d'atteindre sans difficulté.

Concernant Inflorenza 2, j'ai plein de notes, je ferai une édition préhistorique dans quelques temps, et je t'en tiendrai informé !


Auteur de Millevaux.
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#136 13 Jul 2015 08:43

Badury
monsieur Bad
Inscription : 14 Jul 2011

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

bcwub


"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)

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#137 18 Aug 2015 14:22

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

SUR LES DÉFENSES DU GRAND DIEU MORSE

Deuxième incursion dans le cauchemar de glace de la zone de Moins Quarante !

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 14/12/2014 sur google hangout :

Personnages :
L'homme au bras mort, Mikhailkov le Roi Chasseur, Dimitri, le Lieutenant Wheelis, Cassandra, le Chef des Morses

Cette partie a fait l'objet d'un enregistrement, à retrouver sur ma chaîne Youtube.

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crédits images : cquintin ; ejorpin ; foilistpeteer ; warluzel ; pratt ; the.leafmaker : sheenyie ; andra[bah! la realtà!], licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Le Théâtre :
Moins Quarante, Hommes, Bêtes et Dieux dans le Cauchemar de Glace du Grand Nord, théâtre écrit par Orlov pour le recueil "Le Défi des Quarante Ans du Jeu de Rôle".


L'histoire :

Printemps

Un Marchant retourne vers son campement après des mois d'errance avec des proches, qui sont morts depuis. Il retrouve le campement sur une plage au bord de l'Océan Arctique, non loin de Mermansk. Le Marchant a un bras gelé.

Icebergs, craquements de la glace, rumeur de l'océan et des vagues qui se rompent sur la plage. Un capelan est rejeté sur les cailloux. Un enfant du campement court pour rattrapper le poisson. Alors les vagues prennent l'enfant et comme en échange, elles recrachent sur le rivage des centaines de poissons, capelans, sprats, une véritable pêche miraculeuse.

Les Marchants s'approchent pour ramasser les poissons. L'homme au bras gelé tente de les en dissuader, pour lui les poissons ne sont que les fragments d'un Dieu Horla qui cherche à étendre son emprise. Il crie pour les en dissuader, mais meurt d'une congestion cérébrale.

Hiver

Un Roi Chasseur surveille le campement à la recherche de nourriture à acheter. On sait que les gens du campement ont retenté plusieurs fois de sacrifier des enfants pour retrouver une manne de poissons.
Il a tellement faim, il ignore un "Nilzia !", un tabou, il va déterrer leurs morts, il déterre l'homme au bras gelé qui lui dit d'aller sauver l'enfant.
Il va sur la banquise en face, voir le Dieu Morse qui lui rend l'enfant, mais comme Mikhailkov peut pas manger l'enfant (c'est un "Nilzia !" qu'il n'ose pas ignorer), il se mange un bras.

Été

Les gens du campement deviennent des morses. Dimitri, un migrant Sibiriaki atteint le campement avec son fils Arthur. Les Marchants y sont restés, ils commencent à prendre l'apparence de morses car ils ont accepté la manne régulière de poissons du Dieu Morse.
Arrive Ze Wang, le sarcomantien de Mermansk, qui étudie de près les transformations en morse, qu'il juge être la forme suprême de la nature. Sous ses ordres, on met les canoës à la mer et on part vers l'Ile aux Corbeaux
Ils arrivent à l'Île aux Corbeau, sinistre monastère aux trois bulbes reconverti en pénitencier, en lieu de torture pour les disciples de Khlyst, adorateurs à la recherche du Christ dans la souffrance et le blasphème.
Les canoës arrivent à un quai qui s'ouvre dans le ventre du monastère par une herse. Chacun a le choix de descendre par un des trois pontons : l'un pour ceux qui se vouent à se transformer en morses, l'un pour ceux qui se dédient à être des victimes (ils reçoivent une aube blanche), l'un pour ceux qui se dédient à être des bourreaux (ils reçoivent une aube noire). transformations, victimes, bourreaux (aube noire). L'homme au bras gelé va sur le ponton de la transformation, comme Dimitri et Arthur. Mikhailkov ne voulait pas aller au monastère mais il a été entraîné de force. Il veut aller sur le ponton des bourreaux mais il est entraîné sur le ponton des victimes. Il est accueilli par le prophète Raskolnikov qui l'embrasse sur la bouche. Il est debout mais ses pieds sont coupés.

Cassandra suit Raskolnikov comme son ombre, silhouette encapuchonnée, costume rouge. Comme Raskolnikov, elle est un Corax. Elle suit la Voie de la Souffrance. Les victimes vivent dans une grande fosse au centre du monastère, dominée par des balcons où vivent les bourreaux et les morses. Raskolnikov force Mikhalo a se faire clouer sur une table, Mikhailkov pleure mais avec un bras en moins, il est trop faible pour se défendre. Raskolnikov se transforme en ange avec des ailes de corbeaux noires. Il apporte à Cassandra une faucille, des clous et un marteau. Il lui demande de lui arracher les ailes. Cassandra retire sa capuche. Elle a de beaux yeux, mais le reste de son visage est défiguré, sa bouche est cousue. Raskolnikov veut que Cassandra lui arrache ses ailes pour les coller à Mihalkov et le transformer en Corax : ainsi le dicte la Voie de la Conversion, à laquelle obéït Raskolnikov. Cassandra lui arrache ses ailes et les jette à terre comme un immondice, elle l'accuse d'être dévoyé et d'avoir manoeuvré pour sauver les enfants, que Cassandra a fait amener ici par ses servants pour le démontrer. Mikhailkov ne devient pas un ange. Une bataille générale éclate, entre les victimes qui veulent sauver, les bourreaux, les fidèles de Cassandra et de Raskolnikov. L'enfant que Mikhailkov avait sauvé des morses se penche au-dessus du balcon pour tout voir, et tombe dans la fosse. Alors Dimitri et l'homme au bras gelé doivent descendre aussi dans la fosse pour tenter de le récupérer. Cassandra exhale du limon putride, elle prend le contrôle du Monastère.

Automne

Le char d'assaut du Lieutenant Wheelis file à travers la steppe, avec la meute de chasseurs américains qui sont d'habitude en station dans les  navires de pêches au large de Mermansk, et que Wheelis amène ici pour se délasser en chassant la mégafaune locale avec des armes démesurées.
Dans son char, Wheelis se rase devant son miroir. Il voit qu'avec le temps, son visage ressemble de plus en plus à celui d'Hermann Göring. Wheelis est en plein combat intérieur avec l'âme de Göring qui prend de plus en plus son contrôle. Pour comprendre, il faut remonter à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Son ancêtre, le Lieutenant Wheelis, était le geôlier d'Hermann Göring pendant le procès de Nuremberg. Göring lui a confié tous ses secrets. Il était un Néandertal de la Loge Noire, comme Hitler, et comme Hitler il a provoqué la Seconde Guerre Mondiale pour porter un coup fatal à l'humanité. Mais Göring, grand amateur d'occultisme comme Himmler, ne pensait pas que la guerre suffirait à instaurer la suprématie des Néandertal. Il pensait qu'elle ne serait qu'un déclencheur. Ce qui intéressait Göring, c'était ouvrir une porte vers la Terre Creuse, car celui qui atteindrait la Terre Creuse atteindrait le pouvoir suprême. Cependant, pour ouvrir une porte vers la Terre Creuse, ce qui équivalait quasiment à créer ce lieu mythique, il fallait beaucoup une énorme quantité d'égrégore. Et c'est pour cette raison exacte que Göring a oeuvré avec les autres nazis de la Loge Noire à provoquer la Seconde Guerre Mondiale et à commettre toutes ces atrocités. Pour récolter l'égrégore.
Göring a échangé à Wheelis une carte de la Terre Creuse contre une capsule de cyanure. Wheelis pensait s'en sortir à bon compte : il obtenait une fabuleuse carte au trésor et en échange, il n'avait qu'à aider un salopard à mourir. Mais ce que Wheelis n'avait pas compris, c'est qu'en procédant à cet échange, Göring créait un lien d'égrégore avec lui, il le contaminait lui et sa lignée, par-delà la mort, et ainsi il s'est infiltré dans sa généalogie, jusqu'à aujourd'hui où il est sur le point de revenir complètement à la vie.
Aux côtés du char, les chasseurs de grand chemin rushent dans leurs véhicules noirs, ils rabattent un troupeau de rennes.
Göring prend le contrôle de Wheelis. Il lâche le rasoir, se saisit du micro, annonce qu'on va clôturer la saison de chasse par une chasse au plus dangereux gibier humain : cap vers le Monastère de l'Île aux Corbeaux pour une grande bataille ! Wheelis veut résister mais Dimitri et le Mort prennent le camp de Göring par la pensée, pensant que l'assaut tuera les humains, race faible et épargnera les morces, race élue. Alors l'âme de Wheelis s'éteint tout à fait. Göring est maintenant complètement aux commandes de ce corps.


Les chasseurs américains attaquent le monastère, des victimes offrent leur gorge, des morses se ruent au combat. L'homme au bras gelé va mourir dans l'assaut, cette fois pour de bon. Des chasseurs attaquent les enfants en priorité car les innocents doivent mourir en premier. Mikhailkov s'y oppose, il se métamorphose en ange aux ailes noires, armé de la faucille et du marteau et s'abat sur Göring qui, armé d'un fusil d'assaut, fait partie de ceux qui veulent tuer les enfants en premier pour produire davantage d'égrégore, Göring vise l'enfant de Dimitri et celui sauvé des morses, Dimitri arrache le visage de Göring, ce qui rend son âme à Wheelis, mais Wheelis meurt et Dimitri devient un dévot de Mikhailkov. 

Printemps

Après la bataille, en haut du tunnel de Zapalyarki. S'y tient le Chef des Hommes-Morses, évadé du Monastère. Il plonge dans la Terre Creuse, avec Mikhailkovv et Dimitri. Ils y trouvent le Grand Dieu Morse, animal titanesque. Sur ses défenses est gravé toute la fresque de la création du monde, avec toutes les bêtes qui ont jadis peuplé la Terre. Le Chef des morses demande au Dieu Morse de tuer l'humanité, mais les autres demandent aux Dieu Morse de "rebooter" la création.  Le Grand Dieu Morse accepte de dévorer Mikhailkov en sacrifice, alors ses défenses explosent, et toutes les espèces animales et végétales qui ont jadis peuplé la Terre reviennent ici-bas dans un grand déversement, pour un nouvel âge d'or biologique.

Cassandra redevient un limon à travers les ruines du Monastère qui sera vénéré par les Corax alors que la planète recommence à se recouvrir d'un milliard d'animaux disparus qui reviennent à la vie.


Feuilles de personnages :

Le Mort (mort)

+ (barré) Je veux savoir ce qui est arrivé à mon bras.


Le Mort (mort) (joué par un autre joueur à la suite de sa première mort)

+ (barré) L'enfant veut reste avec les morses.

+ (barré) Arthur, le fils de Dimitri, est venu jouer avec nous et il a parlé de l'Ile aux Corbeaux.

+ (barré) Je commence à perdre la mémoire.

+ (barré) Mon fils est tombé dans le camp des victimes.


Le chef des morses

Il n'a pas de phrases, mais un potentiel de 4 dés, réduit ensuite à 3 dés.


Cassandra

+ Je veux prendre la place de Raskolnikov.

+ (permafrost) J'exhale un limon putride afin de tous les mettre à l'épreuve.

+ Le pouvoir qui m'investit m'a détruit mentalement.

+ Une de mes blessures s'est ouverte, je me vide de mon sang.


Mikhailkov, le Roi Chasseur (mort)

+ (barré) Je ne veux pas qu'ils me capturent pour me sacrifier à leur dieu.

+ Ils m'ont donné l'enfant d'un mort et c'est mon seul tabou.

+ J'ai perdu un bras et je ne pourrai plus jamais chasser.

+ Je ne serai jamais un martyr et je reste une loque.

+ (barré) J'arrive à devenir un Corax. C'est le Jugement Dernier, je suis un ange.


Dimitri

+ (barré) Je ne veux pas qu'on me prenne mon fils.

+ (barré) J'avais déjà perdu un enfant dans la Terre Creuse.

+ J'ai été souillé par le limon.

+ Je vois réellement Mikhailkov comme un ange.


Le Lieutenant Wheelis

+ Je veux remporter le combat contre Göring.

+ (barré) J'ai perdu une bataille décisive contre Göring, mais pas la guerre.

+ J'ai perdu mon visage mais ça m'a sauvé de Göring.


Commentaire sur le jeu :

L'homme au bras gelé est mort au terme de sa première instance sur un sacrifice. Il a été ensuite de nouveau incarné par le joueur de la troisième instance, ce qui explique sa résurrection dans l'histoire. Le premier joueur de l'homme au bras gelé a ensuite incarné Cassandra. Quand l'homme au bras gelé meurt une seconde fois, son joueur incarne cette fois-ci le Chef des Morses

Cassandra était un Corax de la Voie de la Souffrance. Le joueur a inventé sa propre Voie, quoiqu'on puisse la rapprocher de la Voie du Repentir, et dans une moindre mesure, de la Voie de l'Extase. Cela m'a inspiré et alors que j'avais le rôle de Confident, j'ai improvisé une nouvelle Voie pour Raskolnikov, la Voie de la Conversion.

Le joueur qui a joué l'homme au bras gelé pour la première fois a perdu son personnage dès la fin de sa première instance, il n'a littéralement pas joué avant sa prochaine instance (donc cinq instances plus tard), quand il a commencé à interpréter Cassandra. Je lui ai certainement proposer d'interpréter un nouveau personnage bien avant (puisqu'il n'est nul besoin d'avoir commencé à rédiger des phrases pour ce faire), mais il a préféré attendre tout ce temps-là. Ça m'a semblé fonctionné parce que le joueur m'a paru concentré par l'écoute. Mais pour des joueurs qui ont besoin d'agir souvent, je conseillerais à nouveau de commencer à imaginer et incarner un nouveau personnage dès l'élimination du premier, voire même de commencer à imaginer et incarner son nouveau personnage même avant sa première instance, si l'on ne joue pas en premier.


Règles utilisées :

Comme le premier test de Moins Quarante, nous avons joué en Carte Noire (Le Confident change à chaque instance), et nous changions de saison à chaque instance.


Commentaires sur les règles :

Quand l'homme au bras gelé meurt une seconde fois, son joueur incarne cette fois-ci le Chef des Morses, il aurait dû recréer un personnage avec 4 phrases, mais nous étions bien avancés dans le jeu, pour tout dire on était parti sur l'idée que c'était la dernière instance. Aussi, nous avons convenu que le joueur du Chef des Morses fasse l'économie d'écrire 4 phrases, et nous lui avons à la place accordé un potentiel de 4 dés. Il se trouve que j'avais en tête l'idée de faire des tests où l'on remplaçait l'écriture de phrases par la gestion d'un pool de dés, en quelque sorte le Chef des Morses a inauguré ce principe. On retrouve cette gestion de pool de dés dans le playtest La Main Sanglante.


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#138 27 Aug 2015 14:16

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

LE PETIT POUCET

Un conte revisité avec Inflorenza a cappella, sans symboles et sans SAFIR.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 25/01/15 à Education en Jeux, Vannes
Personnages : l'aîné, la première cadette, la deuxième cadette

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illustration : Gustave Doré


Le théâtre :

On rejoue le conte du Petit Poucet. Le père du Petit Poucet et la marâtre viennent d'abandonner leurs sept enfants dans la forêt. Le Petit Poucet a pensé à semer des miettes de gâteau pour retrouver son chemin, mais un corbeau les a toutes mangées !
L'astuce du Petit Poucet n'a pas fonctionné et les enfants se retrouvent perdus.
Chaque joueur joue le Petit Poucet ou un autre des ses frères et sœurs, âgés de 5 à 18 ans.


L'histoire :

Le Petit Poucet est en pleurs parce que sa ruse n'a pas fonctionné. L'aîné, un ado râleur, et les deux filles cadettes prennent la situation en main.

La plus jeune a peur dans cette forêt obscure. Comme l'aîné, elle veut surtout rentrer à la maison au plus vite. La deuxième cadette trouve au contraire cette forêt fascinante. Elle recherche des créatures extraordinaires et notamment une licorne.

La toute petite pleure. Elle a fait pipi. La deuxième cadette l'entraîne à l'écart pour la changer. La toute petite craint qu'il y ait des loups dans la forêt. Et d'ailleurs, on en entend hurler !

Le Petit Poucet veut s'enfuir pour retrouver un chemin et l'aîné est obligé de prendre les choses en main. Il arrive à calmer le Petit Poucet et ses autres frères. Il monte à un arbre pour voir s'il trouve un chemin. Dans la nuit étoilée, à la lumière de la pleine lune, il voit un château sur une colline. L'aîné veut reprendre la route de suite vers la maison, mais les deux petites insistent pour aller au château, la toute petite car elle a trop peur de passer la nuit à la belle étoile, la deuxième cadette parce qu'elle ne veut pas rentrer à la maison avant d'avoir croisé une créature extraordinaire. L'aîné est obligé de céder et tout le monde va au château.

Ils sont reçus par un géant. C'est le propriétaire des lieux. Il a l'air très content de les voir et les invite à un festin grandiose, il y a notamment du gâteau et du pain d'épice tout chaud. Tout le monde mange, sauf la deuxième cadette qui se méfie, malgré son goût pour le pain d'épice.

Le géant les amène dans une chambre qui a un lit avec sept places. Il leur dit de ne faire aucun bruit car ses sept filles dorment dans la chambre du haut.

La deuxième cadette se méfie. A peine sont-ils couchés qu'elle se faufile dans le couloir et approche de la grande salle où ils ont pris le repas. A la lueur d'un feu de cheminée, elle voit l'ombre du géant qui converse... avec la licorne !

La licorne le supplie de ne pas mettre à exécution son projet de manger les enfants pendant la nuit. Le géant ricane. Il dit à la licorne qu'elle est à sa merci jusqu'au lever du jour et qu'elle ne pourra rien faire pour l'en empêcher.

La deuxième cadette revient dans la chambre rapporter ce qu'elle a entendu. L'aîné émet le plan d'échanger leur place avec les filles du géant. Il monte dans leur chambre en passant par le conduit de la cheminée. Il séduit l'aînée des filles du géant et la convainc de dire à ses sœurs d'échanger de place avec eux. En fait, il est prêt à sacrifier les filles du géant, à l'exception peut-être de l'aînée. Il commence déjà à s'y attacher. Disons qu'il ne la sacrifiera qu'en dernière extrémité.

Mais les deux petites ne l'entendent pas de cette oreille. Elles veulent qu'on tue le géant plutôt que de le laisser manger des innocentes. On entend un bruit de pas et d'un couteau qu'on aiguise. C'est le géant qui s'approche dans le couloir ! La deuxième cadette profite de sa petite taille pour passer dans les ombres du couloir sans se faire voir du géant. Elle va voir la licorne et la supplie de les aider, mais la licorne ne peut rien faire avant le lever du jour, à cause d'un mauvais sort. Les deux petites se ruent vers le géant. Elles n'ont aucun espoir de lui faire le moindre mal, mais elles lui font lâcher le couteau, et surtout elles ruinent le stratagème de l'aîné. Alors celui-ci est obligé de prendre ses responsabilités. Il ramasse le couteau et tue le géant.


Un point sur Éducation en Jeux :

Ayant lieu à l'ESPE de Vannes (ex-IUFM), Éducation en Jeux est un programme d'ateliers et de conférences autour du jeu de société utilisé pour l'éducation, inscrit dans le réseau CANOPE (création et accompagnement pédagogiques). On m'a fait l'honneur de m'y convier pour organiser un atelier autour de Marins de Bretagne, un jeu de conte et de rôle, et du jeu de rôle en éducation en général.
J'ai animé deux séances de cet atelier.
Lors du premier, j'ai eu huit participants.
+ J'ai commencé par une demi-heure de Marins de Bretagne "de base", c'est-à-dire en narration partagée.
+ Puis une demi-heure de Marins de Bretagne "en forme libre". C'est-à-dire que j'ai contrôlé le décor et les figurants. Les joueurs ont joué un équipage de bateau le lendemain du jour où tous les poissons ont disparu de la mer.
+ Puis une demi-heure pour définir le jeu de rôle et faire un inventaire à la Prévert des applications en animation.
+ Puis une demi-heure de brainstorming de création d'un jeu de rôle autour du thème de la Table Ronde.

Pour le deuxième atelier, j'avais avec moi trois participantes, dont deux professeuses des écoles et une étudiante en IUFM, toutes trois à la fois intéressées par le jeu de rôle et le jeu de conte, et sans expérience du jeu de rôle. J'ai commencé par une demi-heure de Marins de Bretagne "de base". Constatant leur grande aisance à raconter, j'ai voulu être plus ambitieux pour la deuxième demi-heure. Au lieu de présenter Marins de Bretagne "en forme libre", j'ai présenté Inflorenza a cappella. Inflorenza est un jeu pour un public adulte, mais ici il s'agissait d'utiliser ses règles pour faire une démonstration de ce que pourrait donner un jeu de rôle autour du conte de forêt hantée, pour un public de collégiens. Les règles me paraissent trop compliquées pour un public de primaire, même si le thème de la forêt hantée leur aurait plus convenu qu'à des collégiens.


Les règles utilisées :

On a joué A Cappella, sans feuille ni dés, pour montrer la simplicité de mise mise en place, et sans symbole ni sacrifice/fierté/revers pour en faire quelque chose d'accessible, qui puisse tenir en une demi-heure, sans passer beaucoup de temps sur les mécaniques.

La pari a été réussi puisque la fiction a pris beaucoup plus de place que la pure mécanique. On n'a joué que deux conflits duels, l'un opposant les deux petites et l'aîné (se diriger vers le château ou pas), l'autre opposant la deuxième cadette contre la petite et l'aîné (tuer le géant ou le laisser manger ses propres filles). Cela n'a donc que fait que deux gains / risques / forfaits à définir, des actions / inventaires, et deux jets de dés "dans la tête" (on ne lançait pas un vrai dé, je comptais de 1 à 6 dans ma tête et une joueuse m'arrêtait pour avoir le score).

Mettant au propre ce compte-rendu quelques mois après avoir joué, je sais aujourd'hui que je peux proposer encore plus simple avec Inflorenza minima, la version d'Inflorenza sans dés ni chiffre ni hasard. Mais je dois reconnaître que le jeu A Cappella, avec ses actions et ses inventaires, apporte beaucoup de nuances qui ont enrichi cette partie.

Quand les joueuses étaient à court d'actions et d'inventaires, je décrivais ce que faisait le décor et les figurants, ce qui leur permettait de réagir en décrivant d'autres actions / inventaires, et donc d'engranger des mises.

Cela a fait que le deuxième conflit a été vraiment détaillé (cf les deux derniers paragraphes de l'histoire), les personnages ont eu l'occasion de se déplacer dans plusieurs pièces et de faire beaucoup de choses entre l'établissement du gain et le lancer de dés "dans la tête".

Cette richesse a fait que dans ce cadre de jeu court et de thématique enfantine, le système se passait très bien de symbole et de SAFIR (sacrifice - fierté - revers : les retombées des conflits). J'ai vu plusieurs fois les joueuses décrire des actions des figurants, je vais réfléchir à le permettre dans le texte en mode Carte Blanche, de cette façon : les joueurs qui incarnent un personnage peuvent dire ce qu'ils veulent au sujet du décor et des figurants, mais le Confident peut y opposer un véto.

En revanche, l'une des professeuses des écoles a trouvé que le système cadrait trop la narration. Et pour lui donner raison avec le recul des mois passés, Inflorenza minima le cadrerait moins.

Cela me laisse à penser que si on développe un jeu de rôle spécifique à l'intention des primaires, il faut très peu cadrer la narration et s'appuyer sur la créativité des enfants. Autrement dit, Marins de Bretagne est plus approprié en primaire qu'Inflorenza. Je pense aussi que les règles de Qu'est-ce qu'un jeu de rôle ? d'Epidiah Ravachol conviendraient bien. Il faudrait changer le contexte, par contre (le jeu parle d'astronautes qui commettent un braquage !).


Auteur de Millevaux.
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#139 05 Sep 2015 14:08

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

LE LOUP ET LE PETIT POUCET

Nouveau test du théâtre du Petit Poucet. Pour expliquer des règles, le plus simple est d'y jouer.

Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux

Joué le 01/02/15 en cercle privé.
Personnage : l'aîné.

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illustration : Gustave Doré, domaine public


Le théâtre :

On rejoue le conte du Petit Poucet . Le père du Petit Poucet et la marâtre viennent d'abandonner leurs sept enfants dans la forêt. Le Petit Poucet a pensé à semer des miettes de gâteau pour retrouver son chemin, mais un corbeau les a toutes mangées !
L'astuce du Petit Poucet n'a pas fonctionné et les enfants se retrouvent perdus.
Chaque joueur joue le Petit Poucet ou un autre des ses frères et sœurs, âgés de 5 à 18 ans.


L'histoire :

L'aîné compte sur le Petit Poucet pour trouver une solution, mais celui-ci est en pleurs, il ne se remet pas de l'échec des miettes de gâteau. Il essaye de remonter le moral du Petit Poucet pour qu'il retrouve le chemin, mais il échoue tout à fait.

Le voilà contraint de prendre les choses en main. Il fabrique une lance avec un branchage. Il monte à un arbre et voit un château.

Quand il redescend, le Petit Poucet a disparu ! Les autres enfants disent qu'il est parti seul en forêt à la recherche du corbeau qui a mangé les miettes. Le Petit Poucet se sentait coupable d'avoir échoué, et finalement il a pris de gros risques pour trouver une solution.

L'aîné dit à ses frères des rester près du feu. Il s'enfonce dans la forêt et trouve ses frères, mais trop tard ! Il vient de se faire manger par un loup. Le ventre du loup est tendu, on entend le Petit Poucet gémir à travers sa panse. L'aîné ordonne au loup de le recracher. Mais le loup ricane, il dit qu'il va le manger aussi. L'aîné donne un coup de lance vers le ventre du loup, le loup casse la lance avec ses dents. L'aîné appelle ses frères à sa rescousse, ils arrivent avec des torches. L'aîné dit au Petit Poucet de donner des coups de pieds dans le ventre du loup pour le forcer à le recracher.

Finalement, il sort son couteau, il tue le loup et ouvre le ventre du Petit Poucet. Il a fait son devoir d'aîné, il a sauvé le Petit Poucet mais malheureusement les enfants sont toujours perdus dans cette forêt hostile...


Règles utilisées :

Inflorenza A Cappella, Carte Blanche, sans symboles. GRIEF seul pour le premier conflit (convaincre le Petit Poucet de trouver une solution), GRIEF + SAFIR pour le deuxième conflit (combattre le loup).


Commentaires sur le jeu :

Durée de la partie : un quart d'heure.

Voulant expliquer Inflorenza A Cappella au joueur, qui est un rôliste vétéran et a déjà joué à Inflorenza avec moi (version première édition), j'ai trouvé plus simple de le faire jouer que de lui expliquer. On a donc joué un quart d'heure, debouts au milieu d'une fête d'anniversaire. Exactement le genre de scène insolite qui me récompense d'avoir développé Inflorenza A Cappella. C'était aussi l'occasion de rôder les démos flash en table ouverte au stand, que j'envisageais sur Eclipse (sur un théâtre vénitien, compte-rendu à venir). Je voulais aussi tester une introduction progressive des règles, c'est pour cela que je n'ai présenté le SAFIR qu'au deuxième grief, j'aurais d'ailleurs pu introduire les symboles s'il y avait eu un troisième grief.

J'ai eu la confirmation qu'Inflorenza A Cappella tourne même dans sa forme la plus squelettique. Je constate aussi que la narration lors des griefs est beaucoup plus riche au deuxième grief, parce que moi comme les joueurs, on est plus rôdés.

La lutte contre le loup n'avait rien à envier en détail à un combat en rounds. Au contraire, elle était plus nuancée, puisqu'au lieu d'enchaîner les frappes / esquives, on a enchaîné du dialogue, des frappes / parades, des manœuvres de troupes, de la coopération. Tous mes combats en jeu de rôle n'ont pas la même saveur ! Une nuance quand même, l'action du couteau relevait pas mal du deus ex machina, et le joueur de l'aîné ne l'aurait pas sorti s'il n'avait pas eu un besoin mécanique d'avoir une mise de plus.

Du coup, j'avais hâte de tester Inflorenza A Cappella sur une durée plus copieuse. Je l'avais prévu en trois heures au prochain Colloque Bob le Rôliste, mais finalement j'y ai plutôt testé une évolution d'Inflorenza A Cappella : Inflorenza sans dé !

Autre détail : Le joueur de l'aîné avait défini comme gain qu'il sauvait le Petit Poucet du loup et tuait le loup. Je lui ai proposé, pour abréger le jeu, que le fait de retrouver le chemin fasse aussi partie du gain, ce qu'il a accepté. Le joueur a gagné avec un revers. Il a d'abord paru désorienté parce qu'il pensait qu'il s'agissait là de décrire un revers de fortune en mode auteur. J'ai nuancé en précisant que ce pouvait être un dépit intériorisé. Alors le joueur a dit : « Mon revers c'est de dire : " J'ai sauvé le Petit Poucet, mais nous sommes toujours perdus, je n'ai pas été à la hauteur de mon rôle de grand frère !" ». Spontanément, le joueur a utilisé son revers pour renoncer à une partie du gain. Une possibilité que je serais bien inspiré d'intégrer aux règles.


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#140 21 Sep 2015 14:38

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Inflorenza : Héros, salauds et martyrs à Millevaux] Comptes-rendus

HAÏKUS DE LA DERNIÈRE GUERRE

Un projet de jeu de rôle sur le Japon médiéval testé avec les règles d'Inflorenza, que je traiterai finalement comme un simple théâtre d'Inflorenza

Joué le 27/10/13 aux 24 H du Jeu 11 avec Maxime (le seigneur), Catherine (le fils du seigneur) et moi-même (l'émissaire).

En convention, j'ai pris très récemment l'habitude de faire des démos de jeu de rôle flash (un quart d'heure à une demi-heure) sur mon stand à l'intention des curieux qui peuvent se présenter à moi. Ainsi, j'ai fait des démos de Millevaux Sombre Zero, Marins de Bretagne et Inflorenza. Maxime, qui avait participé à une démo d'Inflorenza la veille, est assez motivé pour remettre le couvert le dimanche. Je décide alors, avec la complicité de Catherine, une joueuse récurrente de mes tables qui se joint à nous pour l'occasion, je proposer une démo d'un jeu qui me trotte dans la tête depuis quelques mois que je n'ai jamais eu l'occasion de tester. Nous allons donc jouer une séance complète en une demi-heure

La partie a été assez intéressante et m'encourage pour la suite. Si je n'ai pas l'intention de me remettre sérieusement sur ce jeu avant un moment, ayant d'autres priorités, je ne serais pas contre ouvrir une première réflexion sur le sujet à l'occasion de ce compte-rendu de partie. Mes premières questions : le propos du jeu semble-t-il suffisant pour offrir une jouabilité ? L'autorité sur la narration, ici très libre (c'est un hack d'Inflorenza, chacun cadre sa scène à tour de rôle, avec un contre-pouvoir des autres joueurs seulement possible pendant les conflits.), mérite-t-il d'être révisé ? Enfin, ce jeu se veut un jeu sur la violence et la vérité ? Ces thèmes vous paraissent-ils apportés par les mécanismes. Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

Le concept est le suivant : à l'instar de Poison'd de Vincent Baker, chaque séance de Haikus de la Dernière Guerre démarre de la même façon. Dans le japon médiéval, les seigneurs vassaux de l'empereur se font une guerre perpétuelle. C'est alors qu'un émissaire (un PJ) de l'empereur se présente devant un seigneur (un autre PJ) et les autres personnes présentes dans le château du seigneur (les autres PJ et les PNJ). Il apporte ce message secret de l'empereur à la connaissance du seigneur :

" Par ordre de l'empereur,
pour faire régner la paix
tout seigneur doit mourir"

En revanche, la différence avec Poison'd, c'est qu'aucun évènement n'est prévu à la suite de ça : tout ce qui va suivre est à la discrétion de la table de jeu. De même que la "backstory" des personnages, le background est entièrement à la discrétion de la table de jeu. Ainsi, c'est au joueur de l'émissaire de déterminer si le message de l'empereur est écrit ou oral, comment l'émissaire l'apporte à l'empereur (en le disant à haute voix devant toute l'assemblée ou en le laissant lire discrètement), si le message est un vrai ou un faux, si l'émissaire est véritablement un envoyé de l'empereur ou s'il est un imposteur, quel est le véritable but de l'empereur, si le message a été envoyé à un seul seigneur où à tous les seigneurs.

Les autres joueurs répondent à une série de questions pour décrire le château du seigneur et son pays. Le château est-il petit ou grand ? Et son pays ? Le château est-il riche ou pauvre ? Et son pays ? Le château est-il peuplé ou abandonné ? Et son pays ? Le château est-il en ordre ou en désordre ? Et son pays ? Y a-t-il des combats dans le château ? Et dans le pays ? Quels types de combats ? Batailles de chevaliers, assassins, empoisonnement, joutes verbales, joutes juridiques ?

Le joueur du seigneur a ensuite toute latitude pour déterminer comment est son seigneur.

Les autres joueurs ont ensuite toute latitude pour créer leurs personnages, héritiers du seigneurs, concubins, serviteurs, chevaliers, paysans, adversaires martiaux...

Il est en revanche impossible de jouer l'empereur ni même de le faire intervenir en PNJ (afin de rendre ses motivations les plus opaques possibles, et de faire d'une tentative d'assassinat sur sa personne un challenge absurde ouvert à toutes les spéculations, tel atteindre le château dans Le Château de Kafka)

Pour finir, j'ai dit que c'était un hack d'Inflorenza, mais l'idée est d'être fondamentalement plus simple. Ainsi, j'ai supprimé le concept d'inflorescence, qui donnait une contrainte de couleur à chaque conséquence des conflits ou création de traits. J'ai également supprimé les essences, qui étaient des traits magiques. Je veux que ce soit un jeu simple et poétique, et c'est aussi pour ça que j'évite les termes techniques même les plus basiques. Ainsi, je dis chevalier au lieu de samouraï, assassin au lieu de ninja...

En tant qu'émissaire, je décide d'être un chevalier en armure. Je suis blessé et sale pour avoir dû braver la guerre pour venir jusqu'ici, je porte la bannière de l'empereur, déchirée et maculée de sang. Le message est calligraphié sur un parchemin. C'est un vrai message et je suis un vrai émissaire.

J'arrive dans le château de l'empereur, grand château aux murs en papier de riz pour un grand pays, riche château pour un pays pauvre. Le pays est mis à sac par les chevaliers ennemis . Le château est presque abandonné, il ne reste plus que le dernier carré de chevaliers, de proches, de courtisans et de serviteurs. Il y a de nombreux assassins ennemis infiltrés dans le château. Les chevaliers du seigneur luttent pied à pied contre les assassins pour protéger leur seigneur.

Maxime joue un seigneur arrogant et mégalomane, dans la force de l'âge.

Catherine joue son fils, un jeune chevalier adulte ambitieux, héritier direct de son père.

Pour comprendre la fiction qui va suivre, il faut savoir que les divers points de protocole (la transmission du sabre symbolisant la transmission de la charge de seigneur) ont été improvisés en jeu.

L'émissaire (joué par moi)

+ (barré) Je veux à tout prix que l'ordre de l'empereur soit appliqué.
0 Je fais d'abord tout pour transmettre et faire appliquer l'ordre de l'empereur. Je précise au seigneur que je dois rentrer vivant auprès de l'empereur pour lui dire quelle a été la réponse du seigneur à son ordre. Je réaliserai ensuite l'absurdité de l'ordre impérial en voyant les luttes intestines de succession qu'il peut engendrer.
+ Je ne fais pas confiance au seigneur.
0 Je laisse lire le message au seigneur mais il ne me le rend pas et ne dévoile à personne son contenu. je comprends alors qu'il ne compte pas appliquer l'ordre.
+ J'ai tué un courtisan.
0 Alors que je me suis cloîtré dans une chambre pour méditer sur la suite des évènements, je surprends un courtisan qui m'espionne et je le tue de mon sabre. Je me retrouve à devoir être jugé par le seigneur pour mon crime. Je ne suis pas emprisonné avant d'être jugé, car en ma qualité de chevalier, on compte sur mon honneur pour me mettre à la disposition du seigneur dès lors qu'il voudra prononcer mon jugement. Ce que je fais. Quand le seigneur abdique en faveur de son fils, je soupçonne un coup fourré.
Mais le procès n'aura pas lieu car je vois le fils du seigneur fondre sur son père et le tuer avec le sabre qu'il venait de lui donner en lui transmettant sa charge. Le fils retire le sabre du corps de son père, mais réalisant ce qu'il vient de faire, laisse tomber le sabre au sol, abdiquant à son tour.
C'est alors plus fort que moi. Je m'approche du corps du seigneur ensanglanté. Et je ramasse son sabre.

Le fils du seigneur (joué par Catherine)

+ Je veux que mon père me lègue son royaume au plus vite.
+ Mon fidèle serviteur sera mes oreilles.
0 Ignorant la teneur du message de l'émissaire, j'envoie mon serviteur l'espionner mais il se fait tuer. J'accuse alors l'émissaire de meurtre puis viens le trouver pour lui tirer les vers du nez et m'attirer les faveurs de l'empereur en échange de mon appui lors de son procès. Entre temps, mon père a abdiqué en ma faveur et m'a donné son sabre, symbole de son pouvoir.   C'est alors qu'il m'explique la teneur du message. Je comprends que mon père compte que ce soit moi qui obéisse à l'ordre de l'empereur en me donnant la mort, et qu'ensuite il reprendrait sa place comme si rien n'était. Peut-être même projette-t-il de m'assassiner.
Je pars le trouver pour avoir des explications. Une dispute éclate. Je le vois sortir son sabre court, je pare ses coups avec le sabre qu'il vient de me donner et je le tue. Je comprends alors toute l'horreur de la situation. J'enlève le sabre du corps de mon père. Et je le laisse au sol. Je voulais ce royaume mais je n'ai jamais voulu tout ce sang.


Le seigneur (joué par Maxime) (mort)

+ Je veux acquérir du pouvoir.
+ Je découvre la vérité sur l'émissaire et son message et qu'il doit rentrer vivant.
Quand je lis le message de l'émissaire, je le range sans lui rendre. Pour temporiser, j'annonce publiquement que l'ordre de l'empereur sera obéï. Mais je réfléchis comment je peux tirer cette situation à mon avantage. Je ne veux certes pas mourir. Surtout si le même message a été envoyé aux autres seigneurs. Ce serait l'occasion rêvée de s'emparer de leurs pays et d'enfin gagner cette guerre. Mais les choses seraient plus simples si je pouvais assassiner le messager. Cependant, s'il ne revient pas vivant apporter son message à l'empereur, j'aurai des problèmes. Aussi, je décide d'abdiquer publiquement en faveur de mon fils. Je pars du principe que l'ordre de l'empereur ne doit être obéï qu'une fois, et non une infinité de fois. Aussi, une fois le seigneur mort, son héritier peut vivre. Peu après avoir transmis mon sabre de seigneur à mon fils, je tente de l'assassiner avec mon sabre court, mais il est plus fort que moi et m'enfonce mon propre sabre dans le ventre. Alors que ma vue devient rouge, mes pensées sont enfin claires. Sot que je suis ! A quoi me servait-il de calculer pour demeurer le seigneur de ce pays et de tous les autres sous le ciel si je n'avais nulle descendance pour faire ensuite régner mon nom dans l'éternité ?


Si je suis relativement satisfait de la fiction obtenue (surtout en une demi-heure) et enthousiaste au sujet des ramifications possibles de mon intrigue de départ, je reste sceptique sur mon système de résolution et sur le partage des responsabilités en jeu. Le fait qu'on ait cadré nos scènes à tour de rôle, en un temps court, nous a invité à surtout jouer des conflits les uns contre les autres. Résultat : très peu de PNJ mis en scène (à part ce serviteur espion très cosmétique). Nous avions convenu que le château était infesté de ninjas mais en réalité, ils ne sont pas intervenus en jeu. Dois-je faire le deuil de la possibilité d'exploiter tous les détails inventés avant de jouer ou compter sur le fait que les choses aillent mieux avec plus de joueurs ou sur une durée plus longue ? Y a-t-il le moindre intérêt pour un joueur à rejouer ce jeu ? Est-il envisageable d'y jouer en campagne ? Sur ce point, je suis très sceptique mais ça ne me dérange pas dans l'absolu, considérant que les jeux de rôle dédiés aux one-shots sont tout aussi légitimes que ceux dédiés aux campagnes.

Merci de votre attention, je vous promets d'être attentif à tous vos commentaires.


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