Le jeu : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux
Martin Peterdamm Photography, Simon Whitaker, cc-by-nc (sur flickr.com) & Raphaël Maître, par courtoisie
Liste des comptes-rendus de partie :
* : partie enregistrée
** : partie enregistrée, sans compte-rendu écrit
(V) : vidéo
(en) : en anglais
(DLMV) : intégré au roman-feuilleton Dans le mufle des Vosges
1. Le Pélérinage des Morts
(premier test du théâtre Les Chemins de Compostelle)
2. La Caravane
(voyage halluciné dans les plaines de Russie)
3. L'Arbre Dieu
(les intentions sont des règles)
4. Le Bagne Rouge
(l'aventure du jeu de rôle en solo)
5. La Tête
(un jeu narrativiste n'est pas un jeu littéraire)
6. L'Interdiction de l'Océan
(comment finir chaque conflit sur un cliffhanger)
7. Le Totem du Roi des Vosges
(nous sommes nos propres monstres)
8. Parasites
(premier test sans filet)
9. La pierre d'or
(quand le Confident devient MJ)
10. La Guerre des Falaises
(ou comment jouer pulp à Inflorenza)
11. L'arbre des supplices et la tour inversée
(quand les joueurs créent des paradigmes à la volée)
12. Le Marquis Noir
(Quand un PJ est le méchant de service et un autre est créé dans la souffrance.)
13. Habemus Papam
(Horreur messianique et coups de théâtre)
14. Florence Charnelle
(Premier tome de la campagne Tre Città Per Morire)
15. Le Monstre de Prague
(Qui est humain, qui est inhumain ?)
16. L'Abîme
(De Wastburg à X-Files à 2001 l'Odyssée de l'Espace)
17. Venise Mortelle
(Deuxième tome de la campagne Tre Città per morire)
18. HMS Wilderness
(En mode action movie à suspense)
19. La Morsure du Sheitan
(Western spaghetti au Moyen-Orient)
20. Rome Éternelle
(Troisième et ultime épisode de la campagne Tre Città per morire)
21. La Meute
(Une souffrance en amour et tout bascule)
22. L'Å“il de la Baba Yaga
(L'intensité des séances longues)
23. L'enfant perdu
(Construire la cohérence)
24. L'Arbre à Veuves
(Les limites du jeu de basse ou le piège de la surenchère Horla)
25. Le Monstre
(La légitimité des séances courtes)
26. Corbeaux des Balkans
(Le Mode Carte Blanche : Inflorenza avec un MJ !)
27. La Forêt-Galerie *
(Mode Carte Blanche avec un seul personnage et réflexions sur le partage de la narration)
28. Les Chemins de Compostelle
(Comment faire une grande partie avec un MJ monteur)
29. La Forêt du Docteur Chestel *
(Un enregistrement de partie / aide de jeu en mode Carte Blanche)
30. L'Eau de Mémoire
(L'épreuve du feu au Podcast de la Cellule)
31. Blandine et le Docteur Chestel
(Un théâtre prêt à jouer : la Forêt du Docteur Chestel)
32. Le Loup-Garou
(Nouvelle séance courte, Inflorenza sei, Carte Blanche sans instance)
33. La Reine des Horlas
(La beauté des dilemmes moraux non techniqués)
34. Le Secret du Docteur Chestel
(Une mise en abîme vertigineuse)
35. Le Saint-Suaire
(Les chemins de Compostelle en mode micro, la cruauté des objectifs simples)
36. La Moisissure de l'Oubli.
(La plus poignante des séances en Carte Blanche.)
37. Au CÅ“ur de la Bataille **
(Un enregistrement de partie / aide de jeu en mode Carte Rouge)
38. La Cité de la Chair
(Campagne Tre Città per Morire, premier volet, Mode Carte Blanche sans instance)
39. L'Anarchitecte
(Suite et fin de la campagne Tre Città per Morire en mode Carte Blanche sans instance)
40. La Forêt qui poussait sous la Mer
(Nouveau théâtre, nouvelle gestion des thèmes)
41. Une bague en offrande
(Un quart d'heure pour jouer son destin)
42. Tes paroles ne m'atteignent pas
(l'exemple de partie du livre de base disponible dans un document à part)
43. Se venger de la Sirène
(troisième séance de la Forêt qui poussait sous la mer, plus épique que les précédentes, d'une violente tristesse)
44. De Nantes à Compostelle 1/3
(Inflorenza en table ouverte, 3 jours, 20 heures, 23 joueurs.)
45. De Nantes à Compostelle 2/3
(Une épopée intimiste de la Madone des Noyés à l'Homme qui Rit)
46. De Nantes à Compostelle 3/3
(Fin du défi en table ouverte entre burlesque espagnol et histoires de fierté à restaurer)
47. La Main Sanglante
(Test du magnifique théâtre corse écrit par Orlov, de nouveaux termes de jeu, et d'une variante des règles, avec des points de vie au lieu des phrases !)
48. Éteindre le Soleil
(Premier test d'Inflorenza A Capella : une variante sans matériel : ni feuille, ni crayons, ni dés !)
49. La Forêt d'Aokigahara
(Millevaux dans le Japon contemporain pour une expérience fragile et émouvante.)
50. Moins Quarante *
(Faire forfait face aux rudesses du climat.)
51. Sur les défenses du Grand Dieu Morse *
(Deuxième incursion dans le cauchemar de glace de la zone de Moins Quarante.)
52. Le Petit Poucet
(Un conte revisité avec Inflorenza a cappella, sans symboles et sans SAFIR)
53. Le Loup et le Petit Poucet
(Nouveau test du théâtre du Petit Poucet. Pour expliquer des règles, le plus simple est d'y jouer.)
54. Haïkus de la Dernière Guerre
(Un projet de jeu de rôle sur le Japon médiéval testé avec les règles d'Inflorenza, que je traiterai finalement comme un simple théâtre d'Inflorenza)
55. Afromilval
(Pour ce théâtre africain explosif, nous testons une variante d'Inflorenza A Cappella sans hasard !)
56. Caligula *
(Orlov nous livre un compte-rendu de notre test du théâtre lunaire au souffle tragique d'Arjuna Khan, et d'une nouvelle variante : Inflorenza six en banque !)
57. Mortal Karthage
(Phénicie décadente, honneur et arts martiaux. Pour chaque guerrier, seulement six dés à faire durer au long d'une frénésie de combats !)
58. L'Archipel d'Eireann
(Test du théâtre irlandais écrit par Kantelder, retour à Inflorenza classique, et réflexions sur le jeu intimiste et épique.)
59. La succession de Shaman Ours
(Test du théâtre "Au Nord sous les étoiles silencieuses", entre trip chamanique et rébellion dans le Grand Nord, au sein d'un village de devoirs et de non-dits, harmonie de groupe et solipsisme.)
60. Les Chemins de Compostelle / Venise Mortelle / Au Nord, sous les étoiles silencieuses *
(Tri-théâtre joué en Carte Rouge, vertige logique à tous les étages où le temps, l'espace, la mémoire, la causalité et l'évolution se confondent. Une ascension du mont Mindfuck par la face Nord et sans oxygène dont ne sort pas indemne.)
61. Al-Andalus.
(Une séance de cape et d'épées choral avec un Inflorenza sans phrases modifié pour que les joueurs restent bien dans leur personnage !)
62. La mémoire et la peau
(Test d'un théâtre centré sur l'oubli et les tatouages, avec souvenirs dynamiques et taureaux mécaniques.)
63. Mercenaires !
(Rejouer un scénario classique avec prétirés dans Inflorenza : une révélation jouissive.)
64. Cuisine aux Orgones / Green Void / Le Château des Possibles.
(Glisser entre les paradigmes : une seule aventure décomposée en trois réalités.)
65. Les Orphelins de Vienne.
(Entre la dentelle et le sordide, grandeur et décadence de l'Empire d'Autriche-Hongrie, avec le pire MacGuffin depuis longtemps.)
66. Venise Blanche, Venise Noire.
(Deux mondes parallèles pour une revisite mindfuck-trash de Roméo & Juliette sous forme d'heptagone amoureux)
67. Les Jardins Statuaires.
(Le contexte de fantasy poétique du livre de Jacques Abeille transposé dans Millevaux ! )
68. Si par une nuit d'hiver un voyageur.
(Plongée à l'intérieur d'aventures gigognes avec les sorcières, les cavaliers célestes, les scarabées et les enfants vengeurs. )
69. Duels*
(Une série de défis gigognes pour ce Millevaux décalé sous la forme d'une uchronie des guerres napoléoniennes, une aventure entièrement composée de flash-back, un hommage au films Duels de Ridley Scott, du cape et d'épée badass et du jeu sans instance ! )
70. Othello / Damoclès *
(Inflorenza, les règles audio, à travers une partie solo riche en duels de cape et d'épée ! )
71. Combattre l'avenir
(Test d'Inflorenza Comedia pour un Millevaux Super-Héros épique, crépusculaire et fort en gueule ! )
72. Le Destin des Arbresang
(Hommage au Trône de Fer, séduction sans parole, cruauté féodale et test des règles de handicaps)
73. Aborigenalyptica
(Vivre l'Apocalypse forestière dans une Australie du 19ème siècle fantasmée, envahie par la nature folle, les colons et les maladies. Entre poésie et fatalisme.)
74. La Guerre de Cent ans.
(Un show médiéval-uchronique avec une variante rapide pour l'écriture des phrases)
75. The Highway of Tears ** (en)
A sad and shamanic road-movie in the vast forests of the Great North
76. La Tour de Malombre *
Une quête mystique au cœur des Pyrénées. Une partie-découverte des règles aussi technique que touchante.
77. North, under the silent stars * (en)
A tribal drama in the coldest and darkest place in the world. With a written report by Orane !
78. London Girls ** (en)
Playing loser girls in search of love, friendship and success in a city invaded by the forest (but who cares ?)
79. La Jetée *
Une adaptation rôlistique et millevalienne du photo-roman de Chris Marker pour une partie tout en instants suspendus. Bienvenue dans le vertige logique sans mouvement.
80. The Caminos de Santiago ** (en)
Passion walks next to faith towards the sacred basilisk of Santiago de Compostella.
81. Caligula ** (en)
May they hate me, as long as they fear me. Absurd tragedy on Lunar Roman Empire
82. La Forêt du Coma
Dans cette adaptation du projet de jeu de rôle "Coma" d'Adrien Cahuzac, un trip à la The Cell où une équipe d'explorateurs de l'inconscient s'affrontent durement pour les derniers fragments de conscience d'un mourant.
83. Below Forty ** (en)
Men, beasts and Gods in the icy hell of Milesvale's Great North
84. The Cabin ** (en)
Passionate love, hatred and coldness amongst the ponds and wrecks of Estonia
85. Isula di Suspiriu **(en)
The one Mauru notifies, this one dies. A story of revenge and supernatural fate in Corsica, the Island of Sighs
86. Dieflorenzhard en quête d’auteur
Une nouvelle ascension du mont Mindfuck par la face Nord et sans oxygène. Un récit de partie par Eugénie !
87. Mortal Venice * (en)
Swashbuckling in the dried city of the Doges ! With a written report by Orane
88. L'Hôpital **
Une partie jouée avec le théâtre d’horreur psychiatrique « L’hôpital », par Eugénie. Au menu, un patient en conflit avec la réalité, accompagné de deux allégories : Le jugement et la déviance. Et comme de bien entendu, du vertige logique à tous les étages.
89. Cancer Zone ** (en)
Path covered with asphalt, pierced everywhere by roots. Time for wrath, faith and riot ! Burn the road, burn !
90. Epistolia
On continue les contraintes créatives un peu folles avec cette expérience de shonen épistolaire !
91. Ubu en Jaune
Quand l’absurde de la pataphysique banlieusarde rejoint l’horreur organique. Avec des illustrations de Thibault Boube !
92. L’envoûtement au noir (DLMV)
Pour cette suite du séjour à Xertigny, test de mon projet de bac à sable profond Écheveuille, avec Inflorenza comme système de résolution. Or, les dés ont provoqué une issue des plus tragiques !
93. L’Enfer (DLMV)
Plongée au cœur du Jugement Dernier ! (temps de lecture : 7 mn)
94.Millevosges (DLMV)
Les dés sont tellement cruels ! (temps de lecture : 6 mn)
95. Le lac (DLMV)
Quand pointe la lumière au bout du tunnel, on se prend à chérir l’obscurité. (temps de lecture : 6 mn)
96. Les Abysses (DLMV)
Trouver la sortie du purgatoire est au prix de cette visite ! (temps de lecture : 9 mn)
97. La gravité
Sexe, drogue et doom metal : la recette d’un Paris sub-urbain où l’on connaît l’extase à l’approche de la mort. Retour sur une incartade d’Inflorenza hors de Millevaux dans le contexte d’un roman qui ne verra jamais le jour. (temps de lecture : 7 minutes)
98. Psychonometricon
Une rencontre avec les insondables mondes mémoriels... effleurée du bout des doigts. (temps de lecture : 5 mn)
100. Le tombeau des livres
Aventures dans un théâtre poétique de Julien Pouard où la Bibliothèque Nationale de France est devenue une jungle littéraire. (temps de lecture : 5 min)
101. Un mystérieux naufrage de vaisseau **
Une partie de jeu de rôle enregistrée dans l’univers forestier d’un Cameroun afrofuturiste ! (temps d’écoute : 1h13)
102. Le choix de Maman
Test par votre serviteur d’un golem de règles entre Inflorenza, Oriente et Les Sentes. Un récit par Armand (temps de lecture : 3 min)
103. M?M?R?
Oubliez tout ce que vous saviez sur le passé. Les premières pages d’un roman psychométrique qui ne verra jamais vu le jour, motorisé par Inflorenza. (temps de lecture : 21 min)
104. Mariée et veuve (V) **
Aussitôt mariée, aussitôt veuve, cette jeune pélerine va connaître un calvaire sur la route de Compostelle. Toute la puissance d’Inflorenza condensée en 12 minutes ! traumavertissement : meurtre, menace de torture – évoqués sans être décrits
105. Le pacte d’Yggdrasil
Quand une troupe de récolteurs d'écorce sont poussés à de terribles extrémités suite à leur pacte avec un arbre sacré. Le récit par Killerkown d'une partie jouée en compagnie de votre serviteur ! (temps de lecture : 5 min)
Hors ligne
Le pélérinage des morts
"Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu.", Ernest Hemingway
J'ai toujours joué à Millevaux de deux façons. En premier lieu, j'ai fait du survival horrifique, d'abord avec le basic system puis sous Sombre qui s'est avéré bien mieux adapté. Mais j'ai également souvent exploré Millevaux sur le mode héroïque. J'appelais ça de l'horreur épique. Les personnages étaient puissants, disposant de grands pouvoirs et de grandes responsabilités, ils étaient le centre de violentes intrigues de coeur et de cour et affrontaient des entités mythologiques dévastatrices. J'utilisais pour cela le basic system en le customisant au fur et à mesure pour rajouter des écoles d'escrime, des tableaux de diplomatie, des pouvoirs psy et des tableaux de décoctions. Il y avait un système de combat très complexe, avec des actions multiples et des points de souffle. ça a donné quelques campagnes épiques et dantesques. On explorait toujours Millevaux mais d'une façon complètement différente. Ce basic system revisité à la sauce épique avait sans doute beaucoup à voir avec le system d'Anima : Beyond Fantasy. Aussi ambitieux que boursouflé.
Puis je me suis spécialisé dans le Millevaux motorisé sous Sombre. J'ai laissé le basic system aux oubliettes. Je me disais que d'ici quelques années, je proposerai un supplément pour explorer Millevaux en mode épique, peut-être sous dK system ou Sombre max. J'avais quelques vagues idées de système maison, mais rien de concret.
Le temps a passé et j'ai commencé à m'intéresser aux jeux indie et à tout ce qui se fait d'expérimental dans le jeu de rôle. Sans en pratiquer forcément beaucoup, j'ai pas mal appris sur le sujet, en lisant les forums, les blogs, en écoutant des podcasts.
J'ai fini, un peu fortuitement, par agréger tout ce qu'il y avait dans l'air. J'ai imaginé Inflorenza, un système pour jouer des tragédies avec des héros, des salauds et des martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux. Un système centré sur le personnage, favorisant la démarche créative narrativiste. J'ai fait hier soir le premier playtest d'une longue série.
Dans Inflorenza, la feuille de personnage et son background ne sont pas dissociées. La feuille de personnage EST la feuille de background. Un personnage se définit par 3 à 12 phrases (des Sentences) sur son histoire, ses sentiments, ses projets. Un personnage démarre avec 3 Sentences et va en gagner tout au long de sa carrière. Il y a une sentence par thème d'univers et 12 thèmes d'univers (ou infloressences) : la chair, la mémoire, la nature, la corruption, l'égrégore, la société, le clan, la religion, la science, l'amour, la pulsion, la folie. Une sentence est une phrase qui se rapporte à une infloressence, d'une façon ou d'une autre. Exemple avec le personnage de Georges pour l'inflorescence 10 (amour) : "je suis fasciné par Frère Auguste" puis "J'ai accepté de mentir pour suivre Frère Auguste" puis "je me suis détaché d'Auguste depuis qu'il est un moine défroqué" puis "l'Inquisitrice quitte les ordres pour me demander en mariage". Chaque sentence dispose d'un grade. Il y a quatre grades : accompli, héroïque, vaincu, détruit. Un personnage meurt s'il atteint 3 sentences au grade détruit. (le Prince de Clèves meurt de chagrin, Hector meurt de la main d'Achille, Hamlet se suicide). S'il atteint 6 sentences au grade accompli, sa geste se conclut en apothéose (Ulysse retrouve Ithaque et Pénélope, Conan devient roi). Les personnages sont créés avec trois sentences au grade héroïque.
C'est un jeu avec MJ mais le pouvoir narratif du MJ est faible, il sert surtout à cadrer, à s'assurer que les situations soient dans la couleur de l'univers et à aider les joueurs en panne d'inspiration à développer des situations intéressantes. A mon sens il est même possible de jouer sans MJ mais il faut que je le vérifie avec une session de playtest.
Dans ce premier playtest, joué dans les Vosges le samedi 22 décembre, j'incarne un personnage de moine pélerin illuminé, Frère Auguste, tandis que ma soeur Géraldine incarne un autre pélerin, Georges, un pélerin lambda qui va être embarqué par Frère Auguste, puis deviendra un nécromant et enfin un saint.
On joue en Tour, un Tour par joueur. Lors de son Tour, le joueur imagine un Conflit qui part d'une de ses sentence. Il définit l'objectif que cherche à atteindre son personnage (séduire un PNJ, convaincre un PJ, vaincre un adversaire au combat, traverser la mer...). Il compte le nombre de ses sentences qui sont impliquées dans le conflit (quitte à etoffer la description des actes de son personnage pour faire rentrer une sentence dans le conflit), chaque sentence impliquée lui donne un d12. Il jette son pool de d12. Chaque 12 ou groupe de dés (sauf les 1) dont la somme fait 12 donne une réussite. Chaque 1 donne une complication. Pour remporter le conflit, il faut au moins une réussite. Chaque réussite modifie une sentence et la fait augmenter d'un grade, ou crée une nouvelle sentence au grade héroïque. Chaque complication modifie une sentence et la fait diminuer d'un grade, ou crée une nouvelle sentence au grade vaincu. Toute sentence ainsi modifiée ou créé raconte l'issue du conflit. Ainsi, gérer sa fiche de personnage est indissociable de raconter la geste du personnage.
La fiction, donc.
J'ai joué Frère Auguste en solo pendant une demi heure puis Georges, le personnage de Géraldine a rejoint la geste et nous avons continué avec ces deux PJ pendant 2 heures et demie. Nous avons conclu l'histoire à ce terme. Georges était arrivé à 4 accomplis et Frère Auguste à 2 détruit, mais la conclusion se dessinnait bien.
Pour vous raconter la fiction, je vais reprendre les feuilles de personnages en développant juste un tout petit peu. Je raconte d'abord l'histoire de Frère Auguste puis celle de Georges.
La fiction était très intéressante, je crois que Géraldine a apprécié. Il y avait plein de petites règles que je n'ai pas testées, j'ai aussi eu tendance à trop cadrer les conflits de Géraldine, bref à trop "faire le MJ". J'ai constaté que les conflits étaient quasiment toujours remportés par les joueurs. En moyenne, ils avaient souvent 5 à 6 dés pour les conflits parce qu'on écrivait des sentences très cohérentes entre elles (tournant autour de la foi, des miracles, des morts-vivants, de l'amour), c'est très facile d'avoir des 12, surtout avec les combinaisons. Il faut que je voie par d'autre playtests si cette abandance de réussite pose problème ou pas. ça encourage les joueurs à explorer une ligne directrice pour leur personnage, mais est-ce que cette facilité à réussir ne tue-t-elle pas le plaisir de joueur ? Je jouais à la fois le rôle de MJ et de PJ. Passer en mode sans MJ ne va-t-il pas aller contre le principe de Czege (on ne doit pas jouer son personnage et l'adversité en même temps) ? Je n'ai pas les réponses pour l'instant.
La geste de Frère Auguste :
Ma geste commence dans la forêt d'Aquitaine.
Je suis un moine pélerin en route vers St Jacques de Compostelle. J'avais trouvé un compagnon de route mais il a été tué lors d'une attaque de bandits de grands chemin. Sa tête a roulé à mes pieds, je me suis enfui en gardant sa tête comme la relique d'un martyre de Compostelle. J'ai rejoint d'autres pélerins. Ils m'ont humilié et frappé comme passage rituel pour intégrer leur communauté. j'ai décidé de me venger d'eux en devenant leur maître spirituel quitte à les conduire à leur perte. Je les ai persuadé que je serais leur guide contre la corruption. Mon visage tuméfié, mon discours illuminé, la tête de martyre que je brandis, les a convaincus de se ranger sous ma croix. Je les ai fait quitter la route pour éviter les bandits, nous nous sommes enfoncés dans la forêt. Nous avons trouvé une chapelle abandonnée. J'ai ouvert le tombeau d'un saint et j'ai touché son corps resté intact. L'âme du saint a alors pris possession de moi et j'ai su que je pourrais accomplir des miracles. Ivre de puissance, brandissant la tête du martyre, j'ai mené mes frères pélerins à l'assaut du camp des brigands. Les brigands ont massacré tous mes frères et m'ont fait prisonnier. J'ai été enfermé avec trois autres personnes. Line est une Corax, une femme en osmose avec les corbeaux. Le Docteur Aloysus, un savant fasciné par la corruption. Othello, un pauvre veuf en conflit avec ses désirs les plus noirs. [J'ai créé ces PJ que j'ai joué un temps avant que Géraldine rejoigne la geste. J'ai donc contrôlé quatre PJ pendant quelques temps]. Line nous a fait évader par je ne sais quel moyen. Lors de notre fuite, je remaque que Docteur Aloysus fait un détour dans une roulotte de brigands ou ils ont entreposé des livres maudits. Je le rattrappe et l'admoneste. Hormis la Bible, les livres sont mensongers et démoniaques. Je mets le feu à la roulotte et rattrappe mes compagnons, ivre de cet autodafé.
Nous arrivons à Rift, l'ancienne Bordeaux. La Gironde est un large fleuve chargé d'embarcations. La ville n'est que deux falaises creusées de maisons troglodytes penchées sur le fleuve. Nous demandons asile à l'Abbaye des Ursulines, qui accueille les pélerins. J'y rerouve Janice, j'ai été mariée par le passé avec elle, la mémoire me revient à présent. La guerre nous avait séparé et tous les deux nous étions rentré dans les ordres, de chagrin. Mon coeur bat la chamade, je la croyais morte et je la retrouve encore plus belle qu'avant. L'austérité et la tristesse l'ont rendu plus désirable que jamais. Je suis partagé car Line, la femme corbeau, me fascine également. Je crois que Line est une sainte.
Mais Othello, pauvre brebis égarée, remarque aussi Soeur Janice. Il vient la visiter dans sa cellule la nuit tombée. Il lui demande de lui accorder la rédemption, puis lui avoue son désir pour elle. Elle le repousse alors comme il ne peut lui faire l'amour il lui enfonce un couteau dans le ventre. Puis il l'enterre dans le jardin de l'Abbaye et s'enfuit.
Je cherche Soeur Janice et ne la trouve pas. Je comprends qu'il est arrivé quelque chose de grave. Je demande à Line de m'aider à la chercher. Nous découvrons un tas de terre retournée dans le jardin. Nous creuson et découvrons le corps ensanglanté de Janice. Son visage que le sang a déjà quitté est troublant de sérénité.
Je prends la main de Line pour appeler sa sainteté au secours. J'appuie ma main sur le front de Janice et la rappelle d'entre les morts. Un autre pélerin qui ne trouvait pas le sommeil nous a vus : il s'agit de Georges [le PJ de Géraldine, qui vient d'entrer dans la geste]. Je ne veux pas que les Ursulines apprennnent mon miracle. J'ai peur du bûcher et j'ai peur de perdre Janice à nouveau. Je convincs George que je suis un saint. N'ai-je pas fait ce que le Christ fit pour Lazare ? Si Georges le veut, je le guiderai vers Compostelle. Il accepte de devenir notre complice et fuit avec Line et moi. Nous volons une barque et partons sur la Gironde, quittant la ville de Rift et ses deux falaises illuminées de la fiévreuse activité humaine.
Au petit matin, alors que Georges tient la barre, nous entrons dans la partie la plus vaste de l'estuaire. Le brouillard bouche toute visibilité. Soudain, une galère de pirates apparaît devant nous. Déjà plusieurs sautent dans la barque. Georges en pousse un dans l'eau avec sa sagaie. Il ne remonte pas. Je dis à Georges de cesser cette violence. Je parle aux pirates et leur révèle que je suis l'envoyé du Christ et qu'ils seront mon vaisseau sacré pour Compostelle. Les pirates se rallient à ma croix et nous montons à bord de leur galère. Le capitaine pirate est un bonhomme hideux, sa barbe n'est que varech. Il m'insulte et blasphème, agite son bras crochu. Je lui demande de céder ses pouvoirs de capitaine à Georges. Le pirate refuse et sort un pistolet. "Pauvre fou, cette arme est démoniaque, tu blasphèmes". J'allume mon briquet en amadou et je le pose contre le canon de son pistolet. Le pistolet se couvre d'un feu sacré, le feu se communique au pirate. Il meurt en hurlant et se jette à l'eau. L'eau est hanté par les noyés qui se repaissent aussitôt de son corps.
Nous cabotons le long des côtes atlantiques. Je confectionne une robe blanche dans une voile de marine et j'allume des bougies sur le pont. Je demande à Georges, le nouveau capitaine, de me marier avec Janice. Nous quittons les ordres de fait mais une grande destinée d'amour et de foi nous attend. Avec Janice nous nous enfermons dans notre cabine et célébrons notre nuit de noces au rythme du roulis de l'océan.
Au matin, je suis reveillé par les rumeurs de la ville et par des odeurs du sud. Nous sommes déjà arrivé à Compostelle. Je comprends que les choses ne sont pas normales. A mes côtés, Janice est troublante de beauté mais commence à pourir. Elle réenfile sa robe de mariée à la hâte. Je monte sur le pont et vois qu'une Inquisitrice inspecte les navires un par un !
Je descends aux bancs des galériens et je découvre que des cadavres de noyés, immondes, boursouflés, ont ramé toute la nuit. Les pirates se sont réveillés à leurs côté et poussent des hurlements de terreur. Je les calme par quelques prières et leur ordonne de jeter les noyés à la mer.
Je retourne dans ma cabine et j'impose les mains sur Janice pour régénérer son corps. Par la grâce de Dieu, cela fonctionne mais la pourriture gagne mes mains. Je les enfouis sous ma chasuble.
L'Inquisitrice monte à bord et s'entretient avec Georges le capitaine. Georges vient me voir avec elle. Il me semble qu'il l'a séduit par quelque démoniaque magie. L'Inquisitrice ne me fait aucun reproche mais Georges annonce qu'il ne veut plus subir mon influence et que nos chemins se séparent.
Si près du but ! Je ne supporte pas cette humiliation supplémentaire, je ne supporte pas la trahison de Georges.
Accompagné de Janice et de Line, je prends en filature Georges et l'Inquisitrice à travers la ville cosmopolite de Compostelle, encombrée de pélerins à l'allure misérable et déchue. Ils dépassent la file d'attente des pélerins et pénètrent dans la majestueuse basilique de Compostelle érigée sur une pointe face à l'Océan. C'est un grand édifice de pierre, de vitraux, de coquillage, au toit fait de la charpente d'un bateau. La lumière coule dans ce lieu saint comme un baume. L'inquisitrice et Georges traversent la basilique et atteignent l'autel et l'évêque qui bénit les miséreux et guérit les impotents.
Je me rue vers Georges armé d'un couteau, je hurle ma déception en pleurant. Georges et moi échangeons des injures, évoquant les pactes passés, chacun trahi, chacun révélé aux oreilles des pélerins qui s'exclament de consternation.
La lumière des vitraux se pose sur Soeur Janice et dévoile sa pourriture. Elle pousse un seul cri et se décompose en un instant. Line sent que les choses se gâtent et m'abandonne.
Je lâche mon couteau. Georges et l'Inquisitrice me pardonnent. L'éveque les marie et me bénit. Il guérit mes mains.
Mais c'est trop tard. J'ai perdu la raison. Je répète sans cesse : "Compostelle... Compostelle... Compostelle...".
La geste de Georges :
Je suis un artisan qui a quitté sa boutique pour traverser la forêt et accomplir le pélérinage de Compostelle. Au terme d'un long et dangereux périple, je suis arrivé à Rift et j'ai trouvé asile chez les Ursulines. La nuit, ne trouvant pas le sommeil, j'arpente le jardin. Je découvre Line et Auguste qui déterrent le cadavre d'une nonne. Auguste ressuscite Janice. La morte se tourne alors vers moi. Elle me dit qu'elle aime Auguste mais que sa nature de morte la pousse à se vouer au mal. Elle tente de me posséder. Je porte sur moi une fiole contenant la sève d'un arbre qui a poussé sur une tombe, il me protège des morts et la tentative de possession échoue.
Je m'apprête à tout raconter aux Ursulines mais Auguste me dit de ne rien à faire. Son charisme me fascine. Il doit être un saint. J'accepte de tout lâcher pour le suivre sur la Gironde avec Line et Janice. Janice me dit qu'Othello l'a tué par concupiscence mais je ne le révèle pas à Auguste, ne sachant pas comment me servir de cette information. Je sais juste que désormais je peux parler aux morts en pensée et ça me fait peur et me fascine à la fois.
Quand les pirates sautent sur notre barque, j'entre en communication avec les cadavres des noyés qui sont au fond de l'eau. ils sont en colère contre les pirates qui les ont tué. Je leur offre un pirate en échange de leur protection.
Les choses s'arrangent pour moi, et grâce à Auguste je deviens même capitaine du bateau. Après quelques jours passé à me former, je mène les pirates vers une crique au nord des Pyrénnées. je ne veux pas qu'ils se nourissent en attaquant les autres bateaux qui cabotent, alors je les mène à la chasse. Dans la forêt, les morts me révèlent l'emplacement d'un cimetière de cervidés et nous pouvons nous repaître de deux carcasses de cerfs. Ils étaient peut-être un peu avancés car un pirate décédera de dysenterie.
Je pense que cette traversée de l'océan vers Compostelle ne devrait pas s'attarder. Alors je prie les noyés de m'aider à aller plus vite. La nuit quand les pirates dorment, ils montent dans la galère et rament à leur place. Au petit matin, nous sommes arrivés à la ville sainte.
Une Inquisitrice monte à bord mais Auguste a déjà escamoté les morts-vivants. Je séduis l'Inquisitrice et nous faisons l'amour dans le bateau. Ensuite je me sépare d'Auguste, je n'ai plus besoin de lui.
L'Inquisitrice me mène à la basilique. Auguste fait un scandale mais ça ne sert qu'à me faire passer pour un saint aux yeux des pélerins. Je me marie avec l'Inquisitrice et dans ma clémence je pardonne à Auguste.
Hors ligne
J'ai oublié de le préciser mais c'est sans préparation. Au mieux, on prépare un micro-setting mais le système permet d'improviser facilement des lieux et des situations et surtout comme c'est très libre, toute préparation risque de tomber à l'eau.
La création de perso est aléatoire. On jette 3D12 et ça donne les scores des sentences à écrire pour commencer.
Hors ligne
Le qualificatif d'« horreur épique » est bien raccord avec le souffle tragique qui parcourt ton compte rendu. Je pense que tu es sur la bonne voie pour bâtir « un système pour jouer des tragédies avec héros, des salauds et des martyres dans l'enfer forestier de Millevaux. »
Quelques remarques au fil de la lecture :
« Un système centré sur le personnage » : techniquement (feuille de perso = background) oui, mais au niveau du jeu, beaucoup de choses sont centrées sur le personnage de frère Auguste.
Les « 12 thèmes d'univers (ou infloressences) » sont ils indépendants, cloisonnés, ou peuvent-ils s'influencer ?
Si je comprends bien les Sentences ne sont pas à proprement parler des objectifs, mais qu'elles peuvent en introduire justement... Du coup comment déterminer les grades ? Et surtout, un personnage peut-il changer d'objectif/de destin, sans que cela n'entre en contradiction avec la règle selon laquelle « un personnage meurt s'il atteint 3 sentences au grade détruit. »
Dans l'exemple de Georges, Inflorescence 10 (Amour) :
- "Je suis fasciné par Frère Auguste" me semble pourtant inaccompli ;
- "J'ai accepté de mentir pour suivre Frère Auguste", accompli voire tragique, (plus héroïque en tout cas) ;
- "Je me suis détaché d'Auguste depuis qu'il est un moine défroqué", vaincu si l'on considère que l'attachement à frère Auguste était un objectif à atteindre, mais héroïque si le fait de se détacher de son influence sert un intérêt « supérieur » du le personnage ;
- "L'Inquisitrice quitte les ordres pour me demander en mariage", la fascination pour frère Auguste est détruite, mais le personnage pourrait changer d'objectif : se marier avec l'Inquisitrice.
« S'il atteint 6 sentences au grade accompli, sa geste se conclut en apothéose » : un personnage peut il en accomplir plus jusqu'à devenir un figure divine (12 Sentences accomplies) ?
« On joue en Tour, un Tour par joueur. » Il faudrait mieux définir ce que tu entends pas Tour, moi j'ai l'impression que c'est à tour de rôle.
Je ne comprends pas bien l'articulation entre « Chaque réussite modifie une sentence et la fait augmenter d'un grade, ou crée une nouvelle sentence au grade héroïque. » et « Chaque réussite modifie une sentence et la fait augmenter d'un grade, ou crée une nouvelle sentence au grade vaincu. »
« J'ai joué Frère Auguste en solo pendant une demi heure ». Pourquoi, si l'on joue un Tour par joueur ? Pour expliquer le système ?
« J'ai aussi eu tendance à trop cadrer les conflits de Géraldine, bref à trop "faire le MJ". » N'est-ce pas une conséquence du solo d'une demi heure ? Qui du coup centre le jeu sur le personnage de frère Auguste ? Et peut-être aussi parce que tu maîtrises mieux l'univers de Mx, ce qui t'amènes plus « à cadrer, à s'assurer que les situations soient dans la couleur de l'univers et à aider les joueurs en panne d'inspiration à développer des situations intéressantes » ?
L'omniprésence de frère Auguste se ressent aussi au niveau du compte rendu : sa geste (amputée du solo) est deux fois plus longue que celle de Georges.
« Passer en mode sans MJ ne va-t-il pas aller contre le principe de Czege … ? » Vous avez jouez sans en tenir compte puisque que tu était à la fois joueur incarnant un PJ et meneur gérant l'adversité.
Marche ou Rêve
Hors ligne
Merci polo pour ces encouragements et ces remarques !
Je dois éclaircir un point : j'ai joué Frère Auguste en solo, ça veut dire que je l'ai joué tout seul (oui Inflorenza permet donc de jouer en mode schizo). A partir du moment où Géraldine s'assoit à la table, son personnage apparaît dans la geste et il est aussi important qu'Auguste.
Je ne sais pas si les choses étaient si centrées sur Frère Auguste au final. J'aurais pu écrire la geste de Georges en premier, tu aurais peut-être eu l'impression inverse (puisque dans la geste de Georges je me contente de "remplir les blancs" que ne raconte pas la geste d'Auguste). Après c'est vrai que comme Auguste voulait aller à Compostelle on a raccroché les wagons en disant que Georges partageait le même objectif. En plus, Auguste a fait un conflit contre Georges (chacun lance ces d12, celui qui fait le plus de réussites l'emporte) pour le persuader de le suivre. Après, la nécromancie de Georges et son idée de faire ramer les morts amène vachement de choses dans la fiction.
Les sentences peuvent être des objectifs tout comme autre chose. Pour la religion, les sentences "je suis un moine", "je veux aller à compostelle", "je suis miné par le remords de mes anciens péchés", "je pense être un saint" sont toutes aussi valables. Les grades, tu les affectes de façon mécanique. Quand tu crées une sentence, tu la crée en héroïque, sauf si tu la crée à la suite d'une complication où elle est au grade vaincu. Comme les complications font baisser de grade et les réussite augmenter de grade, on s'achemine quand même vers une cohérence entre les sentences et les grades. Ainsi, à la fin du scénario, Georges a la sentence : "j'ai achevé mon pélérinage à Compostelle" en accompli.
Je reprends pour toi l'exemple de Georges, avec les grades :
"Je suis fasciné par Frère Auguste", héroïque;
- "J'ai accepté de mentir pour suivre Frère Auguste", Héroïque (je te l'accorde c'est pas hyper cohérent mais on est tout début de jeu, la cohérence augmente plus tard)
- "Je me suis détaché d'Auguste depuis qu'il est un moine défroqué", accompli (Georges vivait mal sa dépendance à Auguste)
- "L'Inquisitrice quitte les ordres pour me demander en mariage", accompli
J'ai pas envisagé qu'un personnage cherche à atteindre 12 accomplis. Je pense que mécaniquement c'est guère possible. L'avenir me le dira.
Tu as raison de dire qu'on joue à tour de rôle, c'est en effet ça. Pendant son tour, un personnage peut avoir un conflit tout seul. ceux qui ne jouent pas peuvent aider le joueur dans le conflit en lui donnant autant de dés qu'ils ont de sentence impliquées. Ils peuvent même le faire si leur personnage est absent, grâce à l'égrégore qui leur permet d'aider à distance et sans même s'en rendre compte. Le joueur peut aussi demander un conflit en opposition avec un autre personnage (typiquement quand Auguste cherche à convaincre Georges de le suivre sans le dénoncer aux Ursulines). C'est forcément un conflit à deux. les autres joueurs peuvent donner des dés mais n'en lancent pas. Enfin, le joueur peut demander un conflit complexe, qui implique alors tous les personnages. On fait alors une suite de conflit, un par joueur, sans que les joueurs puissent s'aider les uns les autres. Par exemple, quand les pirates attaquent la barque, c'est un conflit complexe, Georges et Auguste doivent lancer les dés chacun de leur côté sans pouvoir s'aider l'un l'autre.
Sinon, tu marques un point en soulignant que ma participation soulève un biais énorme : je suis à la fois démonstrateur des règles, auteur de l'univers et en plus j'amène un perso expérimenté alors que Géraldine en crée un de toutes pièces. Il y a donc un biais énorme comme il y en aura toujours à ma table. Johan évoque le même problème de biais quand il maîtrise. C'est ma croix. La meilleure solution est de trouver des autres meneurs playtesteurs.
Cela dit, j'ai prévu des équilibrages pour les joueurs qui arrivent en cours de route. En théorie ils créent des persos avec autant de sentences que le perso vétéran qui en a le moins. Si tu changes de perso après l'abandon ou la mort du précédent, tu repars avec le même nombre de sentences.
Avoir beaucoup de sentences augmente tes chances de réussite parce que tu vas avoir plus de dés dans les conflits. C'est d'autant plus flagrant dans les conflits en opposition.
L'expérience et l'équilibrage sont important à mes yeux car ce sont des domaines cruciaux dans les jeux héroïques. Je m'assure que la progression des personnages soit permanente et non ponctuelle (en fait, c'est même le principal enjeu ludique du système : faire progresser son personnage en lui créant de nouvelles sentences et en faisant monter les grades), je m'assure que l'adversité augmente avec la progression des personnages : par exemple il y a des jetons d'adversité quand des personnages commencent la partie avec des sentences accomplies, je m'assure aussi que des joueurs puissent prendre le train en marche ou changer de perso sans être à la traîne des autres. C'est des choses que je gérais à la louche dans mon basic system aux hormones mais qui sont intégrées organiquement au système Inflorenza.
Hors ligne
Ok, je n'avais pas capté que dans la geste de Georges n'était pas complète... ça change effectivement pas mal de choses.
Autres questions/ remarques :
En mode schizo (j'adore le principe), juste pour savoir quel a été ton ressenti (c'est un peu trop tôt pour une réponse catégorique), est-ce que tu es arrivé à générer de l'adversité suffisamment crédible, satisfaisante, intéressante ?
Concernant l'attribution des grades, j'ai saisi le principe général, mais j'avoue que ça reste encore assez obscur, peut être parce que « les sentences peuvent être des objectifs tout comme autre chose » et qu'il me semble difficile d'attribuer un grade à un objectif tout neuf (mais j'entends bien qu'en toute logique ce devrait être Héroïque). Le système ne gagnerait-il pas en clarté en différenciant les sentences-objectifs des sentences-qui-n'en-sont-pas ? Par ailleurs, un PJ peut-il avoir plusieurs Sentences dans un thème d'univers donné ? Et puis, la Sentence "j'ai achevé mon pélerinage à Compostelle" m'invite à penser qu'il n'est pas nécessaire de remporter un conflit pour accéder au grade accompli.
« Ceux qui ne jouent pas peuvent aider le joueur dans le conflit en lui donnant autant de dés qu'ils ont de sentence impliquées. » Avec ou sans son accord ? La soif de gloire d'un PJ pourrait amener son joueur à vouloir qu'il soit seul et unique vainqueur d'un conflit. Inversement, est-ce qu'un joueur peut gagner un ou plusieurs dés d'un autre joueur sans son accord (oui, je sais c'est tordu, et potentiellement frustrant (quoique ça se discute), mais je me dis qu'en utilisant l'égrégore ça pourrait être possible ?
Marche ou Rêve
Hors ligne
Je vais avoir du mal à te dire si l'adversité et la fiction étaient satisfaisante en mode schizo. Je peux au moins dire que j'étais été surpris du résultat. Dans le JDR traditionnelle on imagine la majeure partie de la fiction avant de lancer les dés. Les dés apportent la conclusion d'un scénario dont toutes les arborescences ont déjà été prévues à l'avance. Ainsi dans Sombre, avec ma politique de choix informés je peux facilement prévoir et dire aux joueurs ce qui va se passer s'ils réussissent leur jet de Corps et ce qui va se passer s'ils le ratent. A Inflorenza, le résultat du lancer de dés donne beaucoup plus d'informations imprévisibles. Si le conflit est remporté ou non mais surtout sur quels aspect de la fiction ça influe. Si je me frite avec un Horla et que le lancer de dés me dit que non seulement je remporte le combat mais que j'augmente d'un grade ma sentence de religion et que je diminue d'un grade ma sentence de chair, il va falloir que je tricote la fiction autour de ça. Pendant le combat le Horla m'a arraché le bras. Je l'ai vu comme un démon et dorénavant je me prends pour un martyr vengeur qui doit occire le plus de démons possibles.
Le fait même de décider qu'on va lancer des dés influe sur la fiction. Primo, il ne peut y avoir de conflit si aucune sentence ne peut être impliquée ; les conflits concernent forcément le personnage.
Comme je vais vouloir impliquer un maximum de sentences je vais rajouter un maximum de détails dans le conflit. Par exemple, j'ai commencé mon premier personnage avec les trois traits suivants : chair - mon épée a soif de sang / mémoire - ma femme bien-aimée est morte / nature - je traverse la forêt vers St Jacques de Compostelle.
J'ai imaginé qu'un Horla attaquait mon personnage lors d'un bivouac dans la forêt. (pour ça je me suis appuyé sur la sentence de nature. On est dans la forêt, donc il y a des Horlas). J'implique aussi le fait de chair - je sors mon épée pour éventrer la bête. Mais plus audacieux, pour avoir un dé de plus, j'implique ma sentence de mort - ma femme bien-aimée est morte. Le visage de ma femme apparaît sur le corps noir et visqueux du monstre, le Horla essaye de me séduire par cette caricature. J'ai été très satisfait de ça parce que j'ai ainsi imaginé une scène très mizayakienne grâce au système. Le système booste mon imagination. Et ça, c'est juste du bonheur à tartiner.
Concernant les sentences qui sont des objectifs et celles qui n'en sont pas. Les sentences sont plastiques. Ce sont des éléments de fictions qui disent quelque chose sur le personnage. Ce qui m'intéresse, c'est que le joueur en fasse ce qu'il veut, qu'il me surprenne. A la rigueur, un joueur pourra décider que toutes ces sentences sont des objectifs. Mais ça ne sera pas évident car les réussites et les complications issues de conflits sont rarement des objectifs. Si j'ai une complication sur la sentence de chair à l'issue d'un conflit, ça me paraît évident de dire que je me suis fait trancher le bras. Je pourrais écrire "mon objectif est de guérir mon bras" mais ça me paraît moins cool. A la rigueur, ce qui m'intéresse, c'est que le joueur cherche à optimiser en rédigeant ces sentences de telle sorte qu'elles lui paraissent faciles à impliquer dans les conflits suivants. C'est comme ça qu'Othello s'est retrouvé à écrire un max de sentences en rapport avec les morts. Je ne crois pas que sans ça il aurait eu l'idée de demander aux morts de ramer pour faire avancer son bateau. C'est une des surprises du sytème.
Mais je réalise que l'articulation avec les grades n'est pas forcément évidente. Sans doute parce que comme l'intitulé des sentences, ça relève du feeling. ça peut faire la force du système autant que sa bizarrerie. Quand le joueur doit créer une sentence en vaincu, ou modifier une sentence en la baissant d'un grade, c'est à lui de déterminer ce que ça implique. A la rigueur, une autre personne pourrait lire la fiche et ne pas comprendre le lien entre les intitulés des sentences et les grades.
Pour avoir une sentence au grade accompli, il faut forcément remporter un conflit. Tu dois avoir un 12 sur les dés, pour augmenter le grade d'une sentence héroïque. Or, avoir un 12 signifie que le conflit est remporté.
Cela dit, le système permet des "victoires à la Pyrrhus". Tu peux remporter un conflit parce que tu as un 12, mais avoir trois 1 à côté. ça te fait une réussite (on augmente une sentence d'un grade) et trois complications (on baisse trois sentences d'un grade). Genre tu as gagné la bataille mais tous tes camarades sont morts, tu as perdu une jambe et tu es possédé par un symbiote Horla.
Je rappelle pour être clair, que quand tu as une réussite (un 12 au dé), tu augmente une sentence d'un grade et tu la réécris dans la foulée. Quand tu as un échec, tu baisse une sentence d'un grade et tu la réécris dans la foulée. Exemple : je me frite contre un horla. ma sentence de chair (héroîque) s'appelle :"mon épée a soif de sang". Lors du conflit, j'ai un 1 sur la sentence de chair. Je passe la sentence en vaincu et je la réécris ainsi : "le Horla m'a arraché un bras.". Ici, je suis allé jusqu'à dire quelque chose de complètement différent pour tenir compte du changement de grade.
C'est intéressant que tu me propose de "voler des dés" aux autres joueurs quand leurs sentences sont impliquées. Pour l'instant le système ne le prévoit pas. Je peux voir si c'est possible (par exemple en dépensant des jetons qu'on gagne par ailleurs on dégradant des sentences avant les conflits).
Parce que je l'ai pas précisé, mais au début d'un conflit, avant de jeter les dés, un joueur peut dégrader certaines de ses sentences pour simuler le fait qu'il "met tout son coeur dans la bataille". Il gagne un jeton par grade dépensé. (par ex : ta sentence 4 passe de accompli à vaincu, et ta sentence 3 passe de vaincu à détruit, tu gagnes 2+1 jetons). Ces jetons peuvent être dépensés maintenant ou plus tard pour avoir des dés en plus, et pour d'autres petits trucs.
Hors ligne
Merci Pika pour toutes ces précisions.
Ce qui me paraît chouette dans Inflorenza c'est que le système (le focus porté sur le personnage, les sentences qui le définissent - je comprends mieux leur plasticité désormais - puis viennent acter son évolution, et la nécessité de les impliquer dans les conflits) a boosté ton imagination et celle de Géraldine.
Que tu aies été surpris par l'imprévisibilité des informations offertes par le résultat du lancer de dés, ce qui t'amènes à préciser que « le fait même de décider qu'on va lancer des dés influe sur la fiction. », me semble vraiment positif.
J'aime bien aussi l'esprit de ces "victoires à la Pyrrhus", bien raccord avec l'univers de Millevaux.
au début d'un conflit, avant de jeter les dés, un joueur peut dégrader certaines de ses sentences pour simuler le fait qu'il "met tout son coeur dans la bataille".
ça me fait un peut penser à la manière dont un joueur de Monostatos gagne des points de puissance lorsqu'il met en scène la souffrance de son personnage.
Mais je réalise que l'articulation avec les grades n'est pas forcément évidente. Sans doute parce que comme l'intitulé des sentences, ça relève du feeling. ça peut faire la force du système autant que sa bizarrerie.
Je crois surtout que, comme tu le précisais plus haut, c'est le commencement d'une longue série de playtests, et qu'à force d'engranger de l'XP cette articulation va se préciser et s'illustrer.
Marche ou Rêve
Hors ligne
J'ai eu Monostatos pour mon nowel, je vais regarder ça !
Ensuite, je vais passer en mode Johan et playtester pendant 15 ans dans les conditions les plus extrêmes !
Hors ligne