LOURDES
Enseigner la maîtrise d'Inflorenza minima en se mettant à la place de joueur pour guider le meneur en mode tutoriel. Compte-rendu et maîtrise par Huldugarn, avec moi en joueur.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 08/03/2016 sur google hangout
Personnage : Eugène
crédits : Martin Labar, sahiljanata, zoriah, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
L'histoire :
Eugène, Pisse-coing et Mazoute la Chamane-Pute, membres de la communauté de la cimenterie, sont mis en quarantaine par leurs pairs car ils présentent des signes d’infection par la mouffe.
Eugène, qui souhaite trouver un remède à son état, interroge la Chamane-Pute, mais elle est en détresse respiratoire et n’est pas en mesure de l’aider.
Eugène convainc Pisse-coing de venir en aide à la Chaman-Pute, ils dissimulent ses symptômes en se délestant de leur hardes puis proposent de la transporter vers la carrière à la lisière de la forêt, pendant qu’Eugène va réclamer de l’aide à son papy avant leur départ.
Afin de ne pas se faire identifier, il se couvre de sable et ajuste son capuchon.
Aux portes de la cimenterie, il est hélé par des membres de la communauté sortants munis de torches et de carburant, dans l’intention explicite de bouter le feu aux contaminés. Ils sont suivi des proches impuissants et implorants des futures victimes, figure parmi eux le papy d’Eugène.
Eugène va à sa rencontre et se fait reconnaître, il persuade son aîné de l’aider à s’enfuir et ce dernier accepte de le retrouver le soir même lorsqu’il aura échappé à la vigilance de la garde pour les guider vers Lourdes.
Le soir venu, Eugène et le papy rejoignent Pisse-Coing et la Chamane-Pute, ils s’interrogent sur la route à suivre, le papy refuse de passer par la forêt et insiste pour prendre la route mais informe que transporter la Chamane les ralentira et les exposera aux attaques de pillards ; la Chamane, dans un sursaut de vigueur, leur promet que sa présence éloigne les dangers de la forêt et leur assure qu’il s’agit du chemin le plus court.
Eugène prend la décision d’abandonner la Chamane-Pute à son sort, et le petit groupe prends la direction de Lourdes par la route.
Ils parviennent a Lourdes sans encombre. Les vestiges sont envahis de mendiants et loqueteux amputés et difformes qui empestent la crasse et les maladies. Ils apprennent que seuls les pèlerins soumettant une offrande jugée digne de la miséricorde du puissant mage qui officie dans la grotte leur permettra d’accéder à ses services.
Eugène se résout à faire offrande de son papy. Celui-ci proteste et cherche un échappatoire, mais il est déjà conscient que son sacrifice est la clé du salut pour son petit-fils. Il accepte et le service d’ordre s’empare de l’offrande.
Eugène est amené au Chiromancien, il découvre l’envers du décor et apprend que la mouffe ne le tuera pas, mais qu’il se transformera en Horla a l’issue d’une longue souffrance. Pour en guérir, le Chiromancien l’informe qu’une autre affection de son choix lui sera inoculé dans le processus. Eugène accepte et choisi de souffrir d’Alzheimer.
Il quitte la grotte a l’issue d’une manipulation impie qui recouvre son corps de croûtes, le laissant sain de corps, mais plus d’esprit.
Commentaires :
Huldugarn est un joueur de Millevaux de la première heure, il connaît très bien l'univers, en revanche il n'a jamais maîtrisé dedans (et je crois qu'en règle générale, il a très peu maîtrisé, sinon jamais). Il a proposé de présenter le jeu lors d'une démo de deux heures, et il m'a sollicité pour l'aider à développer ses techniques de maîtrise. Il avait déjà un scénario, un genre de bac à sable qui partait du principe que les personnages étaient atteint de la même maladie de la chamane-pute, il avait en tête le décor de la cimenterie et de Lourdes, et du chemin entre les deux avec ses embûches, et les figurants qui peuplaient ces trois zones ainsi que leurs motivations. Nous avons ensemble opté pour Inflorenza minima comme système de jeu.
Les règles trouvables sur le net étaient loin de lui suffire pour maîtriser (et pour cause, il manque des exemples et des conseils de maîtrises complets). Je lui ai proposé qu'on se fasse une partie en ligne sur ce même format de deux heures, avec une particularité : il serait meneur, avec ce scénario qu'il a conçu et m'a donné à lire, et moi je serais joueur, mais tout en étant joueur, je le guiderais sur les choses qu'il aurait à faire en tant que meneur.
Plus exactement, j'ai commencé la partie en créant mon personnage, puis en lui expliquant le principe des prix à payer, et en lui demandant, dans une des premières situations, quel prix j'aurais à payer pour progresser dans mon objectif (en l'occurence, pour maquiller la Chamane-Pute, nous avons dû sacrifier nos habits, cela restait faible, mais l'idée des prix à payer c'est d'en demander souvent jusqu'à faire mouche, arriver au prix à payer qui pose un vrai dilemme moral, ou au moins un dilemme mécanique franc : en l'occurence sacrifier nos habits n'a eu aucune incidence dans l'aventure, donc c'est un prix à payer faible, voire nul.)
Alors qu'on progressait dans le jeu, j'ai déroulé un par un mes conseils de maîtrise de base pour Inflorenza Minima ("enquêter, offrir, reprendre" et "D.E.U.S. Ex. Machina"), en lui demandant à chaque fois, comment il pouvait appliquer le conseil en fonction de la situation. Ainsi, pour "enquêter", j'ai dû lui demander comment il pouvait chercher à en savoir plus sur mon personnage, et il a utilisé Pisse-Coing pour me dire : "Est-ce que tu connais quelqu'un à la cimenterie qui pourrait t'aider ?" et j'ai repondu : "Mon papy, parce qu'il a plein de connaissances et il connaît le chemin pour Lourdes.", et ça ça été générateur d'aventure, ça m'a créé une ressource et une attache qui ont fait à deux reprises l'objet d'un dilemme moral (quand il a fallu choisir entre prendre la route où seul le papy pourrait survivre et celle ou seule la chamane pute pourrait survivre ; et quand j'ai décidé d'offrir mon papy pour guérir de la maladie.)
Huldugarn s'est très bien réapproprié l'univers, il s'en est très bien sorti sans moi pour ça. En revanche, j'ai constaté un problème majeur dans l'application des règles d'Inflorenza minima : il avait tendance à me proposer des dilemmes faibles (choix entre deux solutions toutes deux ne présentant que des avantages et aucun inconvénient ; ou choix entre une solution très pourrie et une solution avantageuse), et quand il me proposait un dilemme moral pertinent (choix entre passer par la forêt avec ses dangers biologiques et par la route avec ses brigands), il avait tendance à casser lui-même le dilemme en validant toutes mes propositions tactiques. Le plus compliqué et le plus intéressant fut donc de l'orienter vers une maîtrise qui fasse fi des bonnes idées tactiques des joueurs (on les contourne ou on les invalide à chaque fois que c'est possible) et aille vers des vrais choix cornéliens. Je pense que c'était lié à son trac de débuter, et aussi au fait que le jeu moral sans concession prôné par Inflorenza minima est une gymnastique qui nécessite un apprentissage.
C'était pour moi une expérience très intéressante sur le partage des responsabilités. Je suis loin de prétendre qu'on était complètement dans le jeu parce que j'abandonnais ma combativité à chaque fois que je proposais à Huldugarn de compliquer la vie de mon personnage, mais j'ai quand même eu un pincement au cœur quand j'ai décidé d'abandonner mon papy, et surtout ça me semble une excellente façon d'enseigner la maîtrise, que j'apprécierais de réitérer avec une nouvelle personne apprentie d'Inflorenza minima, en l'enregistrant cette fois-ci (cela nous avait été impossible pour des raisons techniques).
Hors ligne
L'OGRE ET LE PETIT POUCET
Faire du jeu de rôle en narratif pur avec un enfant de six ans.
Jeu : Inflorenza, héros et drames dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 21/08/2015
Personnage : Le Petit Poucet
illustration : Gustave Doré, domaine public
Le théâtre :
On rejoue le conte du Petit Poucet. Le père du Petit Poucet et la marâtre viennent d'abandonner leurs sept enfants dans la forêt. Le Petit Poucet a pensé à semer des miettes de gâteau pour retrouver son chemin, mais un corbeau les a toutes mangées !
L'astuce du Petit Poucet n'a pas fonctionné et les enfants se retrouvent perdus.
Chaque joueur joue le Petit Poucet ou un autre des ses frères et sœurs, âgés de 5 à 18 ans.
L'histoire :
Le Petit Poucet et ses frères sont élevés dans une cabane par un couple d'adultes qui prétendent être leurs parents, mais en fait ce ne sont pas leurs vrais parents, ce sont de mauvaises personnes. Le "père" dit aux enfants de se préparer pour une promenade dans les bois. Le Petit Poucet pense à emporte une lampe-torche et un bâton.
Ils s'enfoncent loin dans les bois. Le crépuscule les rattrape. On entend les hiboux. Il y a des bruits de bêtes dans la forêt. Le croassement d'un corbeau fend la nuit.
Le beau-père allume un feu. Il raconte une histoire aux enfants. Dans la forêt, il y aurait un château, avec un ogre terrible qui aurait des bottes de sept lieues.
Il part ensuite chercher du bois. Mais il ne revient pas. Les enfants vont le chercher dans la forêt. Ils entendent un loup hurler à la lune ! Ils perdent le feu de vue et ils se sont tellement éloignées que la lampe du Petit Poucet s'éteint.
Ils se disent que le loup a peut-être capturé leur beau-père, alors ils montent le chemin pour attaquer le loup. Ils aperçoivent ses grands yeux brillants à travers la nuit, ils l'entendent pousser un grognement qui semble surgi du fond des âges, et enfin ils aperçoivent sa silhouette. Il a le ventre tout gonflé !
Les enfants prennent leurs jambes à leur cou et retournent au campement ! Ils abandonnent l'idée de retrouver le beau-père. Ils veulent rentrer à la maison mais il leur faudrait une carte. Ils n'en ont pas, mais ils savent que l'ogre en a une. Ils escaladent la colline pour aller au château de l'ogre. Cris des hiboux.
Quand ils arrivent au bord des douves du château, le pont-levis s'abaisse devant eux en grinçant, et la herse se relève dans un cliquetis sinistre. Des bruits de pas résonnent dans tout le château !
C'est l'ogre !
Il va au devant d'eux, immense, barbu. Il prend une voix très douce et leur demande s'ils sont perdus. Il leur dit qu'il n'est pas méchant comme dans les contes et il leur donne la carte, afin que les enfants puissent rentrer chez eux.
Retour sur le jeu :
Les parents de ce jeune homme de six ans m'avaient demandé de lui raconter une histoire pour l'endormir. J'ai pris le parti d'en faire un jeu de rôle.
L'enfant a plutôt orienté le rituel du conte. Il fallait éteindre la lumière et je devais avoir une lampe de poche, que j'ai utilisée pour faire des effets au mur, et que j'éteignais dans les moments les plus dangereux. Je n'ai pas pris la peine d'expliquer au joueur ce qu'était le jeu de rôle, je lui ai juste dit qu'il était le Petit Poucet et je lui demandais ce que le Petit Poucet faisait. Le joueur "malgré lui" a d'ailleurs plutôt décrit les actions des enfants dans leur globalité.
J'ai joué avec les règles d'Inflorenza Minima sans les expliquer.
En gros, les règles disent que quand le joueur veut réussir quelque chose de difficile, je lui demande un prix à payer.
Mais je n'ai demandé qu'une fois à prix à payer, pour trouver une trace de son beau-père, il fallait s'enfoncer dans la forêt assez loin pour perdre de vue la flamme du camp et pour que la lampe-torche s'éteigne. J'ai bien sûr coupé ma lampe-torche à ce moment-là .
Le joueur a dit lui-même quand le conte était terminé. Il a dit : "Maintenant l'histoire est terminée." quand j'ai décrit la herse qui se relevait. Je pense qu'il avait déjà eu un peu peur avec le loup et qu'il ne voulait pas affronter l'ogre. Je lui ai demandé si je pouvais quand même lui raconter la fin en une minute, en précisant que ça finissait bien, et j'ai donc conclu avec l'ogre gentil qui leur donne la carte.
Quand les enfants sont retournés au feu de camp après avoir fui le loup, le joueur a dit que le Petit Poucet avait une carte et j'ai émis un veto, racontant que la carte était chez l'ogre. C'était maladroit de ma part. Avec le recul, j'aurais préféré plutôt dire oui pour la carte et improviser une péripétie sur le chemin du retour.
Au total, ça a duré un quart d'heure. C'était plutôt minimaliste, mais c'était satisfaisant au vu de mes contraintes : j'étais seul avec un enfant que je ne connais pas bien, les parents étaient dans une autre pièce. Et ça m'a démontré qu'on peut faire du jeu de rôle avec les plus jeunes sans avoir besoin de dés ou de feuille de personnage.
Hors ligne
AL-ANDALUS
Une séance de cape et d'épées choral avec un Inflorenza sans phrases modifié pour que les joueurs restent bien dans leur personnage !
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier
Joué le 05/09/15 à l'association de jeu de rôle du Cercle Paul Bert, à Rennes
Personnages : Meriam Al Hahouach, Rodruvo, Ahman, Alexandro Del Vidriera, Da Silva, Isabella
crédits : nicholas hilliard, domaine public & angela7dreams, licence cc-by-nc, galerie sur flickr
Le théâtre :
On joue dans Al-Andalus, l'Espagne chrétienne et musulmane de Millevaux, plus précisément à Barcelone, la Cour d'Été, théâtre des intrigues politiques entre partisans de la royauté catholique et partisans du califat musulman. Après concertations, les personnages sont des agents secrets au service du chef du Parlement christianno-musulman, qui les charge d'aider à maintenir l'équilibre précaire du régime. Leur prochaine mission sera d'empêcher le mariage entre la Reine Alexandra la Catholique et le Calife Othmane El-Rikashi. Ils savent aussi par leurs espions que la Mano Senestra, une diabolique organisation, exerce un chantage sur la Reine, et qu'il faudra rapidement régler ce problème.
Personnages :
Meriam Al Hahouach
Objectif : payer ma dette d'honneur envers Da Silva en le protégeant (Da Silva a jadis sauvé l'honneur de mon père)
Symboles : indépendance, félin
Rodruvo
Objectif : monter en grade
Symboles : reconnaissance, chapeau à plumes
Ahman :
Objectif : équilibre
Symboles : équilibre, pur-sang
Alexandro Del Vidriera (en réalité, le personnage n'avait pas de nom, c'est un nom que le joueur lui a donné a posteriori)
Objectif : tuer tous les sbires de la Mano Senestra
Symboles : passé, main gauche
Da Silva, l'amant du Calife
Objectif : que le mariage de la Reine et du Calife ait bien lieu
Symboles : caballe (le cheval), rose trémière
Isabella, demoiselle d'honneur de la Reine
Objectif : acquérir plus de pouvoir
Symboles : Charme, classe
L'histoire :
Basilique de la Sagrada Familia. L'édifice baroque et végétal est atteint d'emprise, il a quadruplé de taille depuis son achèvement, amas de clochers en grappes, de champignonnières minérales, de statues, de feuilles et d'animaux sculptés, de piliers arborescents.
A l'intérieur, une forêt de piliers baignés de lumière, et devant l'autel le Cardinal Don Hernandez de la Roca, et le grand Imam de la mosquée d'Al-Milval, célèbrent un mariage. Agenouillés devant eux, le Calife et la Reine ! A cinquante ans, la Reine deux fois veuve est fraîche comme une adolescente et belle comme une madone.
L'un des témoins du Calife lui tend l'alliance destinée à la Reine. C'est Da Silva, le descendant d'une des plus anciennes lignées catalanes, tout de blanc et de plumes vêtu. Da Silva est l'amant du Calife, et il n'est pas partisan du célibat prolongé de ce dernier, qui fait courir les pires rumeurs à son égard. Pour Da Silva, le Calife doit se marier, et en cela il se montre infidèle à sa mission d'agent secret du Parlement.
Mais tous les autres agents sont là . Rodruvo, sergent de la garde royale, parmi les autres sergents et le Général. Ahman, celui des agents le plus acharné à maintenir l'équilibre du régime, et donc le plus farouchement opposé au mariage. Meriam, prédatrice orientale avec son cimeterre et sa panthère. Tous sont nobles et donc, tous ont le droit d'être là .
Alexandro attend derrière la grande porte, il prépare une entrée fracassante.
Le chef du Parlement, Rodrigue Ibn-El-Ahmek, est bien sûr présent aussi. Il ne tentera rien pour ne pas compromettre son rôle, mais il tient tous ses agents à l'oeil.
Ahman et Rodruvo s'interposent entre Da Silva et le Calife. Ruy, l'autre témoin du Calife (et rival de Da Silva dans le coeur du Calife) accuse Da Silva de traîtrise. Sur ordre du Général, les autres sergents se ruent sur Rodruvo, et l'estourbissent d'un coup de taser. Bousculé, Da Silva lâche l'alliance qui part dans les airs en arc de cercle, en haut de l'allée principale.
Alexandro ouvre la grande porte de la Basilique avec fracas, ses deux épées dehors. Une personne en capeline carmine se jette sur elle avec un mouchoir empoisonné : la Mano Senestra ! Mais Alexandro l'envoie valser d'un coup de coude.
Une autre personne en capeline carmine sort des rangs pour se jetter sur la bague : elle s'appelle Angela, c'est un membre notoire de la Mano Senestra, une femme au visage beau, mais grave, un oeil mort et blanc, et un tatouage d'ailes d'ange sur le haut de sa poitrine, dont le décolleté de son corset ne laisse masqué aucun détail.
Meriam se jette dans l'allée, tout cimeterre dehors. Mais plusieurs encapuchonnés l'empoignent et l'enlèvent hors de la Basilique.
Ahman ferraille avec Angela, qui est armée d'une dague empoisonnée. La panthère se rue aussi sur Angela, mais Ahman transperce le félin dans la mêlée. Meriam, alors emportée par ses ravisseurs crient : "Ahman, je vais te tuer pour ton crime !"
A la disparition de Meriam, le chef du Parlement tape sur l'épaule d'Isabella, une des dames de compagnie de la Reine, également son témoin. Isabelle est un agent dormant, il est temps pour elle de passer à l'action. Elle aussi se précipite sur Angela, mais écope d'un coup de dague empoisonné au venin-corbeau.
Un corvillon est en train de pousser dans son épaule, au creux de la blessure. Elle appelle d'urgence un médecin. Clara, l'autre dame de compagnie et témoin, lui offre ses services. Elle n'est pas médecin, mais désenvoûteuse, et d'après elle un médecin ne serait d'aucun recours pour cette blessure magique. Si on ne fait rien, le corvillon grandira et deviendra corbeau, il s'expulsera de la chair d'Isabella en faisant force dégâts. Elle entraîne Clara dans un confessionnal et lui soigne sa blessure avec un linge humecté d'eau bénite, et des prières égrénées sur son chapelet : elle utilise l'égrégore des sacrements chrétiens pour désenvoûter. Le corvillon dans son épaule meurt et devient blanc, Isabella va tousser des plumes blanches pendant quelques temps mais elle est tirée d'affaire.
Alexandro charge pour traverser l'allée, mais il est stoppé en chemin par Lion, le chef de la Mano Senestra, en encapuchonné avec un masque de lion doré et déformé, qui l'intercepte avec son épée à la garde garnie de crochets pour piéger les lames d'Alexandro.
La garde califale se jette sur Da Silva, qui s'écroule à terre et fait des simagrées. Ruy, écarte alors les dagues, et prend le visage de Da Silva dans ses mains : il est tellement désolé, et par ses gestes et ses pleurs, il avoue en quelque sorte l'amour transi qu'il porte à Da Silva en secret.
La garde califale s'empare d'Angela et récupère l'alliance. Le mariage est finalement bien prononcé ! De rage, le chef du Parlement démet Da Silva de son rôle d'agent secret.
Le lendemain, dans le palais du Calife. Le Calife a convoqué Da Silva dans une de ses antichambres, il lui demande pourquoi il a commis cette folie de s'opposer au mariage. Da Silva comprend que le Calife n'a plus de sentiments pour lui. La Reine l'a probablement envoûté ! Il lui jette au visage la bague qui porte les armoiries de sa famille, un objet chargé de l'égrégore de sa lignée et de son amour pour le Calife, et le charme est rompu.
Le Calife réalise l'erreur qu'il a commis. Il faut que les agents trouvent une stratégie pour invalider le mariage : le Calife ne peut prendre le risque d'annuler le mariage lui-même (il pourrait le faire, en tant que Commandeur des Croyants) car il y perdrait la face. Il faut trouver un autre stratagème.
Le temps presse, déjà la Reine et toute sa suite (dont Clara et Isabella) entrent dans le palais du Calife. Dans la suite, il y a de nouvelles personnes, visiblement des agents de la Mano Senestra, comme cette femme au port raide, avec un visage fixe et une fraise monumentale qui masque la probable monstruosité de son cou.
Isabella a dû favoriser Clara auprès de la Reine pour payer sa dette.
La prison de la garde royale. Rodruvo est au cachot. Le Général vient le voir pour le sermonner, mais Rodruvo lui explique le complot qui est à l'oeuvre, alors le Général lui restitue son poste et lui confie des hommes pour tirer ça au clair.
Sous couvert de rendre visite à Rodruvo en prison, Da Silva, Ahman, Isabella et Clara se rendent dans le cachot où est détenue Angela. Ils projettent de s'en prendre à la Mano Senestra, et pour cela il leur faut avoir un agent infiltré. Isabella demande à Clara d'exorciser Angela. Au départ, c'est très difficile. Clara tente quelques prières qui n'ont aucun effet. Angela prend un visage très dur et étrange, elle leur rie au nez ! Elle n'est pas un suppôt de Satan, mais d'une puissance sans nom, bien plus terrible et réelle que le Diable ! Isabella motive Clara, Clara se donne à fond et parvient à exorciser Angela, qui jure alors de les aider contre ceux qui l'ont envoûtée, profitant alors du pouvoir liée à sa haute lignée (plus une personne a de sang bleu, plus elle accumule d'égrégore) pour la conditionner à devenir une puissante sorcière. Mais Clara est profondément ébranlée par cette épreuve.
Mais Isabella lui demande encore une contribution. Grâce aux nombreux espions d'Ahman, ils savent que la Reine se rend tous les jours à la Maison Rouge, un établissement de plaisirs tenu par la Mano Senestra. Leur sarcomancienne accomplit un rituel de rajeunissement sur la Reine, et c'est pour ça qu'ils la tiennent sous leur botte. L'ont-elle envoûtée ou est-elle juste accro à la jeunesse éternelle ? Mystère. Le plan des agents : trafiquer le rituel pour que la Reine s'en trouve potentiellement enlaidie, et retourne sa colère contre la Mano Senestra. Colère qu'ils devinent terrible : si le sang bleu concentre l'égrégore, alors la Reine Alexandra la Catholique a certainement d'immenses pouvoirs.
Ils vont tous s'infiltrer à la Mano Senestra, mais ils ont aussi besoin de Clara : ses pouvoirs d'exorciste tomberaient à poing nommé. Clara est blanche de peur, mais elle accepte, pour faire son devoir de chrétienne contre les forces du Mal.
Les espions d'Ahman l'informent aussi qu'Alexandro a jadis fait partie de la Mano Senestra ! Ils lui montrent des polaroïds attestant qu'il a jadis fréquenté la Maison Rouge avec assiduité. Après une solide explication, Alexandro lui explique qu'il a jadis été victime de leur envoûtement, comme Angela, et qu'il désire ardemment se venger et tous les passer par le fil de l'épée. Ahman est rassuré sur ses motivations et le laisse prendre part à la mission.
Le soir, la Maison Rouge, où les enfants de haute noblesse viennent payer lr prix fort pour s'encanailler. Tous portent des masques d'animaux. La Reine porte un masque d'aigle, elle vient ici avec sa suite rapprochée, Isabella et Clara ont pu obtenir d'en faire partie. Da Silva, tout de blanc et de plumes vêtus, masque de chouette arctique, est parmi les nobles. Alexandro et Ahman sont là aussi, plus discrets. Tout est rouge dans la Maison : coussins, draperies, bougies, tapisseries. Un homme à masque de cochon poursuit un homme tout nu en riant. Des couples se forment et s'isolent dans des salons particuliers : bien qu'on ne voit rien de ce qui s'y passe, on le sent. L'égrégore est concentrée au point de donner la migraine. Clara est paniquée, Alexandro la prend en pitié et l'assure de sa protection.
Petroubo est placé dehors, avec dix hommes sous ses ordres. Ils sont postés à la sortie du tunnel de contrebande qui mène au sous-sol, parés à agir.
La Reine descend au sous-sol et les agents la suivent discrètement.
Le sous-sol est un enfer végétal, racines et troncs monumentaux, bougies rouges.
La Reine s'étend nue sur le tronc central. Au-dessus d'elle, une prêtresse sarcomancienne, femme asiatique au visage et aux bras tracés de spirales. Ses mains gantées trempent des aiguilles dans un tronc creux rempli de fluide sarcomantique. Elle commence d'abord à resculpter les jambes de la Reine, où déjà des varices crevaient de sous la peau, après vingt-quatre heures passées depuis le dernier rituel.
Clara verse subrepticement quelques gouttes d'un philtre de sa fabrication dans la vasque de liquide sarcomantique.
La sarcomancienne, qui n'a pas repéré le manège, revient à la vasque et y trempe de nouveau ses aiguilles.
La Reine insiste pour que Clara et Isabella subissent aussi le rituel, pour qu'elles connaissent "le même bonheur" qu'elle. Clara est terrorisée, mais elle s'allonge quand même sur un tronc, surveillant Alexandro du coin de l'oeil.
La sarcomancienne s'apprête à refaçonner le visage de la Reine, mais celle-ci demande d'abord à ce qu'elle fasse le visage d'Isabella. Isabella ne pipe mot, et laisse la prêtresse pratiquer le rituel sur sa figure, sachant très bien le résultat.
Le produit met du temps à agir, alors la Reine ne constate pas qu'il y a un problème, et la sarcomancienne verse ensuite le liquide sarcomantique sur son visage.
Les hommes de la Mano Senestra surgissent. Baston fulgurante avec les agents. Alexandro parvient à sauver Clara, sa rédemption, mais il est tué par Lion, son ennemi juré. Petroubo et ses hommes déferlent à la rescousse.
Isabella se relève, son visage est couvert d'une crème de liquide sarcomantique en effervescence, les effets ne vont pas tarder à se manifester. Elle se jette sur la sarcomancienne et toutes deux plongent dans la vasque de liquide sarcomantique. Ainsi, Isabella ne sera pas partie toute seule !
Da Silva crame toute son égrégore de sang-bleu, il exorcise autant d'hommes de la Mano Senestra qu'il veut dans une explosion de lumières blanches, mais il s'écroule aussitôt après.
La Reine se redresse. Ses joues, son nez, son front se sont atrocement déformés, amas de globules et de verrues où poussent de longs poils solitaires....
Elle crie.
"MON VISAAAAAAGE !"
Règles utilisées :
L'objectif était de jouer du cape et d'épées, en mode flamboyant espagnol. Certes, il s'agissait de jouer dans l'esthétique, pour autant je voulais que les joueur.se.s puissent rester immergés dans leur personnage, ne pas faire trop de choix esthétiques eux-mêmes, ne pas se placer en surplomb de leur personnages.
J'ai opté pour un Inflorenza sans phrases, un peu comme celui testé dans La Main Sanglante.
Mais avec de substantielles variations pour coller à mon programme.
On joue toujours sans feuille de personnage, mais cette fois-ci, les phrases ne sont pas remplacées par des points de vie, mais par des d12 : comme ça tout le monde voit où ses petits camarades en sont.
Quand on veut agir lors d'un conflit, on doit décrire une action ou un inventaire (motivation, ressource ou handicap) pour obtenir de poser un de ses d12 au milieu de la table. Les actions et inventaires qui apportent de la nouveauté (comme sortir un pistolet alors qu'on n'en a jamais décrit avant) ne rapportent pas de dé pour cette fois, mais pourront en rapporter une prochaine fois.
Entre chaque posage de dés, le Confident raconte une action ou un inventaire des figurants, pour rendre l'affrontement dynamique.
Si possible, les joueurs ne réagissent pas à ce que viennent de faire les figurants s'ils ne peuvent ou veulent pas poser de dés, ils laissent ceux à qui il reste des dés les aider, pour rendre l'entraide propre au style de cape et d'épées, très collectif, que je recherche.
Quand le joueur en conflit et ses assistants en ont assez de poser des dés, le joueur en conflit lance les dés.
S'il y a un moins un 1, un 2, un 11 ou un 12, le conflit est remporté.
S'il y a des dés qui ont donné 11-12, ils font des enfants : des dés de fortune (un par dé 11-12, limité par le nombre de joueurs qui ont contribué à ce lancer de dés). Les 3-10 font aussi des enfants : des dés de revers (dans les mêmes proportions).
S'il y a un dé qui a donné un 1-2, il meurt, le Confident le récupère. Si les autres dés avaient fait des enfants, il tue aussi ces enfants. S'il y a plusieurs dés 1-2, ils meurent et tuent tous les autres dés et leurs enfants. (vous reconnaîtrez le fonctionnement habituel d'Inflorenza avec phrases).
Le Confident prend chaque dé de fortune et le relance pour obtenir un symbole (suivant le tableau des symboles habituel, à 12 entrées). Il annonce à haute voix le symbole et la conséquence, sans nommer le personnage qui la subit. Par exemple : Fortune en amour : un figurant tombe amoureux d'un personnage durant ce combat.
Idem pour les dés de revers. Par exemple : Revers en nature : Angela blesse un personnage avec un lame empoisonnée contenant un maléfice de corvillion.
Le joueur en conflit récupère d'abord les dés lancés qui ont survécu et les redistribue entre lui et ses assistants. Puis il récupère les dés de fortune et de revers, il les répartit entre lui et ses assistants. Toute personne qui récupère un dé de fortune et de revers pour le refuser, dans ce cas son personnage ne subit pas la fortune ou le revers annoncé par le Confident, mais sa réserve de dés ne grossit pas.
Si à l'issue d'un conflit, un joueur ne récupère aucun dé et qu'il n'a plus de dés dans sa main, son personnage est éliminé, il raconte comment. Il recrée un nouveau personnage avec autant de dés que l'ancien en disposait au début du conflit.
D'une façon générale, quand la réserve de dés d'un joueur diminue à l'issue d'un conflit, on sait juste qu'il est atteint, fatigué ou blessé, mais on n'a pas d'obligation de le narrer, et surtout on n'est pas obligé de sacrifier une de ses valeurs ou une de ses motivations, comme c'est le cas dans Inflorenza avec phrases. Cela permet au joueur de rester en posture de défendre les intérêts de son personnage, qui peut conserver la même moralité et les mêmes motivations tout au long de la séance.
J'ai organisé le jeu en tours invisibles. Si lors d'un tour, il n'y avait pas de conflit, je tirais un dé sur le tableau des symboles et je proposais au joueur une fortune ou un revers lié au tirage de symbole (par exemple, un dé de clan déterminait qu'Ahman avait des espions sous ses ordres), et j'offrais ce fait accompagné d'un "dé d'expérience" : le joueur devait accepter le fait s'il voulait récupérer le dé.
J'ai fait jouer deux affrontements avec des personnages bidon pour tester le système, puis j'ai lu aux joueurs la description d'Al-Andalus et de Barcelone tirées de l'Atlas.
Pour finir, je demande aux joueurs de créer leurs personnages avec les différentes contraintes : un groupe soudé, un objectif de groupe, un objectif personnel, deux symboles inventés par les joueurs (et non intégrés au tableau des symboles que j'utilisais pour les fortunes et les revers, ils m'ont juste servi pour ma narration). Tous les personnages devraient être nobles ou pouvoir se faire passer pour tels, afin d'avoir leur entrées à la cour, et devaient tous êtres des escrimeurs et des courtisans émérites.
J'ai trouvé pour ma part que le système a tout à fait tenu ses promesses, le jeu était fluide, les affrontements épiques. Cela ressemblait beaucoup à un jeu traditionnel, à une partie de Seventh Seas qui aurait été réussie. Peut-être qu'on n'a pas utilisé le décor autant que dans un Mortal Karthage, mais à part ça tous les marqueurs du cape et d'épées flamboyant étaient présents, tant dans les combats que les intrigues de cour.
Retour des joueurs :
Joueur d'Ahman :
on finit avec trois morts > je ne m'attendais pas à une telle létalité. Du coup, c'était riche en tension, mais comment faire pour jouer en campagne ? [ma réponse : en campagne, on va davantage s'économiser sur les jets de dés, en fait on garde un grand contrôle sur la mortalité de son personnage, du moment qu'on ne cherche pas à tout prix à remporter tous les conflits]
Joueur de Rodruvo :
+ Ce serait mieux de décider de ses symboles en cours de route, c'était difficile de le faire à la création. [ma réponse : on peut changer de symboles à tout moment, mais j'ai omis de le préciser lors du briefing].
+ Je me suis trop pris la tête sur la création de personnage. J'avais commencé à imaginer sa famille. [ma réponse : a priori, il m'aurait décrit sa famille, j'aurais essayé de l'exploiter]
+ Commentaire suite à la lecture du compte-rendu : Pour dire mon impression, résumé de cette manière, je n'ai pas vraiment l'impression de retrouver mon expérience de jeu. Cela me fait voir les choses autrement. Notamment, sur les actions auxquelles mon personnage a participé, c'est différent de mon souvenir. Peut-être parce que, finalement, les péripéties de ce personnage ne se sont pas révélées essentielles par rapport à l'intrigue. Je me suis rendu compte qu'à la vue du résultat, mon personnage pouvait aussi bien ne pas être là . J'en conclus donc une chose supplémentaire à postériori. C'était ma première expérience d'un système qui encourage la narration partagée et ça m'a un peu déstabilisé parce que je ne m'y attendais pas bien qu'au bout du compte j'ai trouvé ça sympathique. J'ai d'ailleurs pu approfondir depuis en découvrant la chaîne Youtube et les Magnétos. Toutefois, la narration partagée peut créer une accumulation d'informations inutiles comme celles dont je me souviens et qui, finalement, étaient superflues. Je crois que ce n'était pas forcément le cas dans l'enregistrement d'une autre partie que j'ai écouté. Du coup, je me demande si le jeu ne prévoit pas qu'il y a une «bonne» façon de jouer, en cherchant à raccrocher toutes les informations entre elles pour éviter de laisser cette tâche au Confident. Parce que, ça, je l'ai peut-être mal fait. Trop d'informations inutiles, c'est ce qui fait de mauvaises histoires. On ne s'en rend pas compte en jouant, donc en créant, mais à la lecture ou l'écoute c'est moins agréable.
- Réponse de Thomas : En mettant de côté les possibles erreurs et omissions de ma part lors de la rédaction de compte-rendu, ne crois-tu pas que pendant le jeu, les actions de Rodruvo ont eu un impact dans l'histoire, ne serait-ce que par ses actions qui rapportaient des dés dans les conflits ? Les conséquences de ses actions ne sont-elles pas aussi à lire dans ce qui ne s'est pas passé ? Par exemple, quand Rodruvo arrive à convaincre le Général de sa bonne foi et lui fait réaliser l'existence d'un complot, il met les troupes catholiques du côté des personnages : si leur aide est peu décisive (de mémoire, un dé dans le conflit final), le fait que cette faction soit dans le camp des personnages et non pas dans le camp des adversaires a été décisif. Une partie de jeu de rôle, c'est un ensemble de choses qui se produisent + un ensemble de choses qui sont évitées. Le compte-rendu ne sait pas mettre en valeur la deuxième chose, alors que c'est un ensemble très important dans le ressenti pendant la partie. De surcroît, Inflorenza est un jeu où on veut faire progresser l'objectif d'un groupe, mais aussi l'objectif de chaque personnage. Or, il me semble qu'on a tout à fait joué l'objectif de Rodruvo, qui était de monter en grade, et qui s'est joué par une série de grâces et de disgrâces. Rodruvo n'est pas comme Indiana Jones dans les Aventuriers de l'Arche Perdue, où l'histoire serait exactement la même sans l'intervention d'Indiana. J'entends aussi par là que l'objectif d'une partie de jeu de rôle, c'est la partie de jeu de rôle. Pas la ou les histoires qu'on pourrait raconter après. Même réflexion sur les informations inutiles. En jeu de rôle, avoir un surplus d'informations, tant que ça ne ralentit pas le rythme (et cette partie était assez rythmée), est utile, parce qu'elle fournit au MJ et aux joueurs des éléments pour rebondir. La partie de jeu de rôle se construit sur un semis d'éléments narratifs, certains sont retenus, d'autres oubliés, mais toute l'abondance initiale concourt à l'émergence de la partie. Ceci dit, puisque tu t'interroge sur la façon dont tu jouerais une prochaine fois, je crois que si ta préoccupation, c'est d'avoir un impact fort sur l'objectif de groupe, il te suffit de t'impliquer dans les conflits de tout le monde, de tisser des liens et des conflits d'intérêts avec les autres personnages ; supposons par exemple que Rodruvo se rapproche d'Ahman, de Da Silva ou d'Isabella pour leurs positions hiérarchiques enviables, ou qu'il cherche à apprendre des talents martiaux d'Alexandro ou d'Ahman. Les règles d'Inflorenza te permettent de fourrer ton nez partout.
Joueur d'Alexandro :
+ S'il y avait eu la version avec phrases et avec sacrifice, ça ne m'aurait pas convenu, car ça m'aurait forcé à casser l'image que je me faisais de mon personnage. [ma conclusion : en discutant avec françois, j'ai compris qu'il aimait surtout "jouer UN personnage", défendre les intérêts de son personnage, vivre dans sa peau, et non faire des choix esthétiques pour son personnage > cette version où les sacrifices engendrent seulement de l'attrition et non un bouleversement des valeurs ou de l'état du personnage, était donc en effet
plus adapté pour lui. Or, c'était le but de cette version, donc très cool.]
Joueur de Da Silva :
+ Cela fait un gros travail d'impro pour le Confident. [Ma réponse : le jeu fournit des routines d'impro, et si on veut que le Confident bosse moins, alors on n'a qu'à laisser les joueurs décrire leurs fortunes et leurs revers, ou même carrément jouer en Carte Rouge.]
Aménagements à tester :
+ Les joueurs prenaient toujours les fortunes et les revers, et ça m'a étonné. Je pensais notamment que Rodruvo ne prendrait pas le coup de taser car cela ridiculisait son personnage. Peut-être pourrais-je préciser que quand on refuse un dé ou de fortune ou un dé de revers, que ça a une justification en narratif : le héros méprise les honneurs et les récompenses, ou évite un mauvais coup de justesse.
[réponse du joueur d'Alexandro : « Je pense qu'un facteur important nous a aussi fait accepter tous les dés : leur rareté. Vu la vitesse à laquelle les dés disparaissent, et vu le nombre réduit que nous possédions, nous pouvions difficilement en laisser échapper. Pour moi en tout cas, c'était la motivation principale. »]
+ Quand un personnage est éliminé, comme ce fut le cas de Meriam, peut-être aurais-je pu permettre à sa joueuse de réendosser le rôle au bout d'une scène. Encore que le plus élégant serait de résoudre ça en narratif : si le groupe libère Meriam, alors la joueuse peut reprendre ce rôle ?
+ De même, je pourrais insister sur le fait qu'on peut changer de personnage si le nôtre nous a lassé, surtout en campagne.
Hors ligne
N'AYEZ PAS PEUR
Retour à l'Autoroute des Larmes, du difficile équilibre entre ambiance et tension.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 24/09/2015 sur google hangout
Personnages : Eyota Creek, Allison Blake
Enregistrement de la partie disponible sur ma chaîne youtube
Source : Museum of Photographic Arts, domaine public
Le théâtre :
L'Autoroute des Larmes
À travers la forêt canadienne, une route qui n'en finit pas. De jeunes amérindiens font du stop. Disparitions. Un road-movie triste et chamanique dans les forêts immenses du Grand Nord.
Qu'est-il arrivé aux disparus ? Les retrouvera-t-on ? Qui est responsable ?
Que vous soyez le proche d'un des disparus, un usager de la route, un membre de la police qui fait des recherches, un bénévole qui organise des battues, un auto-stoppeur, un habitant de la forêt, un indien qui survit dans la misère ou encore une de ces personnes infréquentables qui rôdent dans la région... la route ne vous épargnera pas.
Si les aventures d'Inflorenza ont lieu dans un futur post-apocalyptique, ce scénario a lieu de nos jours. On joue les prémisses de cet avenir sombre, les premières manifestations de l'oubli, de l'emprise, de l'égrégore et des horlas.
Ce théâtre a été publié dans le magazine Di6Dent
Personnages :
Eyota Creek, adjointe aux Affaires Autochtones.
Objectif : enquêter sur les disparitions de l'Autoroute des Larmes
Allison Blake, étudiante en dernière année de journalisme
Objectif : réaliser un reportage-choc sur les disparitions de l'Autoroute des Larmes
L'histoire :
Allison Blake est une pimpante étudiante en journalisme à Vancouver. Blonde, en tailleur, elle rêve de se faire une place chez les grands. Pour son sujet de fin d'études, elle a décidé de couvrir les drames de l'Autoroute des Larmes. Elle se réserve le rôle de la présentatrice, et s'est adjointe comme binôme à la caméra un autre étudiant, Matthew Washington, qui est afro-américain. Elle savait qu'il ne pouvait pas refuser ce service pour la bonne et simple raison qu'il est amoureux d'elle.
Cela fait trois jours qu'ils pérégrinent dans les contrées sauvages de la Colombie-Britannique. Ils sont arrivés à la "dernière station-service avant la fin du monde". Le gérant, un type a l'air dégueulasse, une tête de pervers, leur a dit qu'ils auraient un max d'infos s'ils poursuivaient jusqu'à la réserve indienne de Camp du Lac, à 3H de route de là ... avec bien sûr plus aucune station entre les deux. Les deux journalistes poussent donc jusqu'à Camp du Lac avec leur van bourré à craquer de matériel "de survie". Le pompiste leur a parlé du chamane Chayton Creek, qui aurait sûrement beaucoup de choses à leur dire sur le sujet. Ce chamane prétend que les malheurs qui arrivent aux natifs sont des punitions de la forêt pour l'avoir abandonnée aux mains des colons blancs. Pour l'approcher, ils devraient passer par sa fille, Eyota Creek, adjointe aux Affaires Autochtones.
Quand ils arrivent à Camp du Lac, Allison et Matthew foncent vers le bureau de la police autochtone, un bâtiment en préfabriqué de taille modeste. Matthew filme. Contre le mur du bureau, un clochard natif fait la manche, à l'insu des autorités. Allison y va de son commentaire misérabiliste.
L'accueil est tenu par une agente auxiliaire, Abey Leoni, une jeune italo-indienne en uniforme (ses collègues la chambrent en disant qu'elle est une taupe de la mafia). Il y a beaucoup d'affiches vantant les actions du Gouvernement, et notamment sur la campagne de formulaires pour faire reconnaître son statut de natif sur les papiers d'identité. Il y a aussi un grand panneau de bois sur lequel sont affichés une trentaine de portraits de disparus. Le lieu sert de chapelle ardente. Des bougies et des pièges à rêves sont déposés au pied. L'affaire commence à devenir réelle, aux yeux de la jeune étudiante.
Le rouge monte aux joues d'Allison. Elle a même une petite larme à l’œil. Washington la filme. Il y a un natif cinquantenaire, qui porte une doudoune et de grosses chaussures. C'est Bill. Ils le filment. Bill demande : "Pourquoi vous filmez ?". Allison demande à Washington de couper la camera mais lui fait le geste convenu pour qu'il bascule en caméra cachée.
Bill demande à Leoni s'ils ont des nouvelles de son fils, elle répond que non. Il se laisser interroger devant le panneau d'affiches. Il montre l'affiche de son fils, on voit que sa disparition date d'il y a sept ans. "Je viens ici tous les jours au cas où il y aurait du nouveau. Mon fils faisait les meilleurs home run de tout le Comté. Il devait intégrer une équipe à Vancouver. Il a fait du stop pour y aller et c'est comme ça que..." Bill a du mal à retenir ses larmes.
Leoni vient les chercher : Eyota Creek peut les recevoir. C'est une indienne mais elle ne porte pas de fioritures traditionnelles. Elle est en uniforme. Son bureau est sobre.
"On souhaitait vous parler en tant que sheriff adjointe.
- Je ne suis pas sheriff. Appelez-moi juste adjointe. Coupez la caméra, s'il vous plaît."
Matthew passe en camera cachée, Allison lui fait signe que non. Matthew lui passe un mot : "On se fait un dîner ce soir, sinon je coupe pas." mais il se fait griller par Eyota, il est contraint de couper.
Allison explique l'objet de son reportage, elle insiste sur le fait que c'est injuste que personne ne s'intéresse à ces drames. Eyota lui dit qu'une journaliste est venue il y a quatre ans et qu'elle a disparu elle aussi. Cela sonne comme un avertissement. Allison voulait parler de Chayton (elle ne sait pas qu'il est en froid avec sa fille, qui rejette la tradition et le chamanisme) mais elle n'en aura pas l'occasion.
Leoni fait irruption dans le bureau sans frapper. La gérante du drugstore lui signale une bagarre impliquant un policier du Comté. Eyota se lève pour aller sur les lieux. Leoni demande à l'assister, elle brûle de faire ses preuves, mais Eyota lui dit qu'une personne doit rester au bureau.
Il n'y a qu'à traverser la route pour rejoindre le drugstore. Allison et Matthew suivent Eyota, caméra au poing. Eyota arrive dans l'arrière-cour du drugstore, à côté des distributeurs de boissons. Il y a là Gordon, un policier du Comté, au visage rond, ventripotent. Il y a une femme indienne à terre, les cheveux longs avec un frange, maquillée, en jupe et talons hauts. Gordon lui donne des coups de pieds dans le ventre et l'insulte : "Sale connard !".
A la vue d'Eyota, il se calme aussitôt. Eyota s'assure d'abord que la femme n'est pas en danger de mort, puis elle prend rapidement Gordon à part. Gordon est en panique, il explique que ce "trans" l'aurait "dragué". Il lui demande de passer l'éponge, il est venu dans le cadre d'une enquête. C'est lui qui enquête sur la disparition de la journaliste il y a quatre ans, ça Eyota le sait, il a accumulé un gros dossier maintenant, et il vient à la réserve car il a de nouveaux éléments et qu'il veut interroger des personnes.
Eyota lui dit d'espérer que la jeune personne ne porte pas plainte, et pour ce qui est de l'enquête, il n'est pas dans sa juridiction. Elle lui dit de revenir avec une autorisation. Ensuite, Eyota amène la jeune personne au dispensaire pour la faire soigner. Elle a le visage tuméfié et une lèvre éclatée, des bleus au corps, mais heureusement pas de côte cassée. La personne dit s'appeler Angeni. Angeni Leoni. Eyota comprend que c'est le grand-frère d'Abey. Eyota lui demande ses papiers, elle dit qu'elle les a brûlés. Angeni lui explique que ça fait un an que sa grande soeur, Rose, a disparu. Depuis, Angeni a compris qui elle était vraiment au fond d'elle. Eyota la met en garde : "C'est risqué de s'habiller comme ça dans la réserve." Angeni se brusque facilement, elle suppose qu'Eyota veut la brimer, alors Eyota doit constamment revenir sur ce qu'elle a dit, elle essaye de professer la prudence sans passer pour une transphobe et sans chercher à la culpabiliser. Angeni raconte sa version des faits. Gordon cherchait à parler à des locaux, Angeni a engagé la conversation, elle a eu l'impression qu'il l'écoutait vraiment et de fil en aiguille, ils se sont embrassés. Gordon a caressé son cou de sa main, et c'est là qu'il a vu qu'Angeni avait une pomme d'Adam, et qu'il est entré en furie.
Elle propose de la ramener chez ses parents à Bois-Rouge, la réserve à une heure de route d'ici, loin de l'Autoroute des Larmes. Angeni accepte à condition qu'elle ne la ramène pas directement chez ses parents. Angeni lui fait une confidence, un truc qu'elle n'avait pas raconté à la police il y a un an car ils ne "comprenaient rien" : le soir de sa disparition, Rose l'a appelée. Elle lui a dit qu'elle avait été prise en stop par un gentil monsieur, mais qu'ils étaient tombés en panne d'essence. Mais qu'il n'y avait pas de souci à se faire, qu'un dépanneur arrivait."
Quand Eyota a séparé Angeni et Gordon, Allison et Matthew sont retournés au bureau de la police indienne interroger Abey Leoni en caméra cachée. Elle veut faire ses preuves, elle veut qu'Eyota la remarque. Elle est la petite sœur d'Angeni. Elle dit qu'il a changé depuis la disparition de leur grande sœur, Lune (elle l'appelle Lune alors qu'Angeni l'appelle Rose). La disparition de Lune est la raison de son engagement dans la police. Allison lui propose d'en reparler plus tard, en privé, par exemple ce soir lors d'un dîner. Washington la prend à part. Et leur dîner en tête à tête ? Allison le prie de se "la mettre sur l'oreille quelques temps", leur carrière doit avoir la priorité. Washington négocie de pouvoir interviewer Bill lui-même, en échange du report de ce dîner.
Eyota amène Angeni au bureau pour enregistrer sa plante. C'est là qu'elles retrouvent Leoni. Elles annoncent qu'elles vont à Bois Rouge, la réserve indienne enfoncée dans la forêt à une heure de route de là . Eyota a appris qu'il y avait une battue organisée par la cheffe du bureau, alors elle y participe aussi dans la foulée. Allison a très envie de les accompagner à Bois Rouge, ça pourrait être l'occasion d'y rencontrer le chamane Chayton, le père d'Eyota. Et filmer la battue l'intéresse également au plus haut point. Elle n'a pas de mal à convaincre Leoni de les y accompagner, elle aussi a envie de participer à la battue. Eyota part avec Angeni dans son 4 x 4.
Washington renâcle. Il voit toutes les perspective de confort de sa soirée s'amenuir. Il dit qu'il n'a pas prévu de bottes, Allison lui intime d'aller en chercher vite fait au drugstore, puis ils partent dans le van avec Leoni, pour prendre la route de forêt vers Bois Rouge.
En démarrant, Washington a un sourire niais sur le visage. Allison suppose qu'il a récupéré le numéro d'une fille et elle le charrie autant qu'elle le rabroue. Alors que le van s'éloigne, elle voit un groupe de routiers en train de rire derrière la vitre du drugstore. Parmi eux, il y a une femme, une caucasienne avec une chemise à carreaux, des cheveux longs avec des plumes dedans. C'est sans doute la fille qui a laissé son numéro de téléphone à Washington.
La route de forêt est vraiment une route de forêt, elle n'est pas carrossée. Le van de Washington est à la peine. Et à mi-trajet, c'est la crevaison. Ils joignent Eyota par la CB, mais elle les laisse se débrouiller. Ils appellent la dépanneuse avec le téléphone tribandes de Leoni, la dépanneuse de Camp du Lac car c'est la seule à des lieues à la ronde. Elle arrive. C'est une remorque qui a connu des jours meilleurs. Aux commandes, un natif qui répond au nom de Comanche. Il a un syndrome d'alcoolisation foetale, qui lui donne un faciès proche d'une personne qui aurait une trisomie. Il est visiblement alcoolique, son visage est rouge, il sent le gingembre. Il essuie souvent ses mains pleines de cambouis sur sa salopette. Quand il parle, il bégaie légèrement. Il leur demande où il faut les remorquer, Allison répond Bois Rouge, malgré les récriminations de Washington qui voudrait être rapatrié à Camp du Lac. Le dépanneur peut prendre deux personnes dans sa cabine, mais du coup au moins une personne devra rester dans le van qui est remorqué. Allison monte dans la dépanneuse avec Leoni, elle relègue Washington dans le van...
Eyota est arrivée à Bois Rouge. Elle a déposé Angeni dans un endroit discret, pour qu'on ne sache pas que la police l'a ramenée. Puis elle s'est rendue en forêt pour participer à la battue. Elle y retrouve la cheffe de la police indienne de Camp du Lac, mais aussi Chayton... et Gordon.
La cheffe de la police indienne est une native d'une cinquantaine d'années. Elle a pris beaucoup de poids depuis quelques années qu'elle ne mange plus que de la junk food. Elle a les cheveux courts. ça et l'uniforme, ça lui donne un air très occidentalisé.
Chayton participe à la battue en tant que volontaire. Il est vêtu d'un blouson et d'un pantalon en jeans à franges, il a des plumes dans les cheveux. La cheffe s'entretient avec Eyota. Elle lui confie que ce n'est pas normal de faire une battue si loin de l'Autoroute des Larmes. Mais des gens de Bois Rouge auraient entendu des cris, ils auraient aperçu le Wendigo, alors ils ont insisté pour qu'il y ait une fouille des lieux. "Entre nous, tout ça c'est de la connerie.", conclut la cheffe.
Mais l'un des volontaire les appelle. Ils trouvent un corps. Le squelette d'une femme que des prédateurs ont dû déterrer. Elle porte un reste de tailleur et un badge avec le logo d'une station de télé. C'est sûrement la journaliste disparue il y a quatre ans. Son crâne est fendu, la cause de la mort doit être un objet tranchant. Eyota fait interrompre la battue. Maintenant, c'est une scène de crime.
Gordon redemande à Eyota si Angeni a déposé plainte contre lui. Avec la découverte du corps, l'enquête sur la disparition de la journaliste va progresser à grands pas. C'est Gordon qui a constitué tout le dossier. Si son honneur est entaché, l'enquête va forcément en pâtir. Eyota sous-entend qu'il n'a rien à craindre pour le moment. Mais elle a la plainte d'Angeni dans sa poche et compte la déposer dès le lendemain.
Quand la dépanneuse dépose Leoni et les journalistes en herbe à Bois Rouge, il est trop tard pour participer à la battue. Pour autant, Leoni interroge Allison : doit-elle rester avec eux pour le dîner promis ou aller voir Eyota pour se rendre utile ? Comprenant que Leoni a toujours besoin de faire ses preuves, Allison l'enjoint à rejoindre Eyota.
Allison et Washington vont voir Chayton qui accepte de leur parler. Il leur propose de le suivre dans la forêt, maintenant, au milieu de la nuit, pour collecter des "indices". Washington refuse, au prétexte que ses bottes sont déjà foutues. Allison accepte, elle veut montre à Washington à quoi il faut être prêt pour faire une grande carrière. Washington dit qu'il aurait mieux fait de faire binôme avec celui qui faisait un reportage sur les plages de Vancouver.
Chayton propose à Allison de fumer le calumet pour se purifier et rester hors d'atteinte du Wendigo. Mais elle doit savoir qu'elle sera alors incapable de retourner en arrière. Allison accepte le calumet. En toussant des bouffées de fumée, elle explique la vie à Washington, qui lui répond : "Demain, on rentre à Camp du Lac et de là , je retourne à Vancouver. Tu n'as qu'à continuer toute seule."
Allison suit Chayton dans la forêt. Nuit. Elle se sent en effet incapable de rebrousser chemin. Elle a récupéré la caméra de Washington, elle filme en mode nuit. Ils arrivent jusqu'à une petite hutte en terre avec une seule ouverture bouchée par une toile. Ils entrent, c'est si petit qu'ils sont obligés de s'y tenir à genoux, face à face.
Une créature gratte dehors. Alors qu'Allison panique, Chayton a le visage grave. Il lui met sa main devant la bouche et murmure : "Shhh..." Dehors, des grognements. Bestiaux.
Derrière Chayton, accroché à la paroi de la hutte, un tomahawk. Très aiguisé.
Chayton bouche la caméra. Fondu au noir.
Eyota est de retour à Camp du Lac. Elle va voir Comanche le dépanneur dans son garage, demande le registre. Comanche l'amène dans l'aquarium, son petit bureau vitré d'où on voit tout l'espace du garage. Sur son bureau, il y a une bouteille de sky entamé et le registre. Comanche essuie ses mains sur sa salopette et prend le registre. C'est un vieux cahier avec la couverture qui porte une publicité pour une marque de camion. Le cahier est très usé et sale, les pages sont jaunies. A l'intérieur, il n'y a pas de dates et de noms comme on pourrait s'y attendre avec un registre de dépanneur. Mais des photos des disparus. Des polaroïds. Il lui montre la journaliste. Et il lui montre Lune-Rose. Eyota lui demande ce que ça signifie. Elle regarde par la vitre, effarée, et derrière il n'y a plus le garage, mais la forêt, la nuit.
Comanche lui dit : "N'a... N'ayez pas peur." Elle veut sortir son arme, mais s'abstient de peur qu'il ne se ferme. Elle lui demande de lui donner le registre. Il lui donne.
Elle fixe son visage.
Son visage lunaire.
Fondu au noir.
Règles utilisées :
Inflorenza minima, en mode Carte Blanche.
Commentaires sur le jeu :
J'avais trois joueurs de prévu, tous avaient lu le théâtre et les règles. On a eu un souci technique. Le troisième joueur a annoncé qu'il se loguerait en retard, et finalement il n'a pas pu se loguer du tout. Ce qui fait qu'on a eu une heure et demie de battement avant de commencer à jouer.
Nous avons mis ce temps à profit pour préparer la session. Parmi les ambiances listées dans le théâtre, j'ai demandé aux joueurs laquelle ils préféraient. Les joueurs étaient unanimes sur Onirisme / Chamanisme. Le joueur d'Allison a ajouté Enquête et celui d'Eyota Tranches de vie. On a convenu qu'on jouerait d'abord Enquête / Tranche de vie et qu'on basculerait progressivement vers Onirisme / Chamanisme.
Puis on a fait une création de perso et j'ai demandé à chaque joueur de décrire un lieu et un figurant. Le joueur d'Allison a décrit la station service et son gérant à demi-redneck, et elle a aussi décrit Washington. Le joueur d'Eyota a décrit Bois Rouge et Chayton.
On n'a pas fait de minute de silence, parce qu'on avait déjà pas beaucoup de temps. On a joué 1h3/4, puis j'ai fait une petite pause pour demander à chaque joueur une dernière chose que le personnage voulait faire pour le climax, et on a joué ce climax en une demi-heure (Chayton 1/4 h, Comanche 10 mn).
Retour des joueurs :
Joueur d'Allison :
J'ai été dedans du début à la fin.
Joueur d'Eyota :
Cela manquait de rythme et de tension sur les deux premières heures. Le système de résolution n'était pas assez visible.
Mon retour personnel :
J'ai eu des difficultés à improviser durant la première grosse moitié de la partie (les 1h3/4), et mon ressenti est le même que le joueur d'Eyota sur le manque de tension et de rythme.
Je pense que j'étais en manque d'énergie et j'ai eu des difficultés à amener des situations avec des enjeux forts, et à couper les scènes quand elles traînaient trop en longueur.
Explication :
+ Quand j'ai demandé les ambiances, j'ai laissé les joueurs énumérer les ambiances qu'ils aimaient, sans pour autant trancher sur une. Au final, je me suis retrouvé avec un agenda à trois ambiances : Enquête, Tranches de vie, Onirisme / Chamanisme. En quelque sorte, je ne savais pas où me fixer.
+ Les joueurs ont choisi des personnage (une enquêtrice, un journaliste) taillés pour explorer et récupérer les perches que je leur tendais. Mais ils ne prenaient pas d'initiatives, il n'y avait pas de ping pong.
+ Assez curieusement, sans doute à cause de mon manque d'énergie, je n'ai pas utilisé les nombreux outils d'impro que j'avais à ma disposition et qui m'auraient permis de faire monter la mayonnaise sans grand effort :
A. J'avais un tableau des thèmes pour le théâtre : 1 route 2 forêt 3 autochtones 4 police 5 chamanisme 6 prédateurs
B. J'avais les symboles des personnages. D'ailleurs, j'ai eu un rebond quand le joueur d'Allison a changé son symbole Modernité en Détermination. Le simple fait que je ne me rappelle plus des deux symboles initiaux des personnages est symptomatique.
C. J'avais les tours invisibles. D'ordinaire à Arbre, je joue en tours invisibles : je m'intéresse alternativement à chaque joueur.se en tentant de lui proposer un dilemme moral ou un choix mortel. C'est une technique que j'ai transposée depuis à Inflorenza en Carte Blanche (cf CR Al-Andalus) et qui fonctionne car elle motive à impulser de la tension, elle donne un agenda. Sous prétexte que je n'avais que deux joueurs, j'ai omis de le faire dans cette partie. Certes, j'ai alterné les focales, mais sans me préoccuper d'amener un dilemme moral ou un choix mortel à chaque focale. C'est ce qui a le plus manqué, avec l'application des symboles
D. Les pauses / questions aux joueurs. J'ai maîtrisé pour ainsi dire sans reprendre mon souffle. Sans doute parce que je m'étais mis la pression par rapport au temps réduit de jeu (je savais qu'on ne pourrait pas dépasser 2h1/4) et à l'agenda complexe que je m'étais fixé. Faire des pauses amène une respiration bienvenue dans le jeu. En hangout, il n'est pas évident de faire une vraie pause. Mais on peu au moins arrêter la fiction, passer un peu en méta, pour demander aux joueur.se.s ce qu'ils attendent, vérifier l'approbation (quand on joue en hangout, on n'a pas les signaux visuels) et aussi poser quelques questions aux personnages qui sont très fertiles comme :
"Qu'est-ce que tu crains le plus en ce moment ?"
"Qu'est-ce qui a la priorité pour toi en ce moment ?"
"Qu'est-ce que tu penses de la situation ?"
C'est le genre de pause que j'ai fait au bout d'1h3/4 de jeu et ça nous a permis de jouer ensuite un climax qui nous a satisfaits.
E. Les signes +,=,- (ou pouces vers le haut ou vers le bas) nous auraient peut-être été utiles dans cette partie, notamment pour détecter les attentes des joueurs par rapport à la tension. Quand on lit l'histoire, rien n'indique si les joueurs sont satisfaits ou non. C'est pareil en jeu. Pour le savoir, il faut employer un outil méta. D'où l'importance de recueillir régulièrement les impressions des joueurs, ne serait-ce que par un "ça va ?"
Et garder à l'esprit que chaque joueur.se a des attentes différentes et que certaines personnes peuvent être plus gâtées que d'autres, comme dans cette partie où j'ai trouvé quelques moyens pour challenger Allison, mais pas assez pour challenger Eyota.
+ J'étais venu avec deux idées de figurants au départ : Angeni et Comanche. Peut-être qu'ils ont pris trop de place dans le développement.
+ Tout ceci, ce sont des approches possibles. Ce qui est primordial, c'est le dialogue avec les joueur.se.s, et ce régulièrement pendant le jeu, pas seulement au début, à la fin ou une fois au milieu.
+ Parfois aussi, je me demande si je ne me gâche pas nos souvenirs de parties en voulant tout décortiquer. Ce peut être important de chercher à améliorer ses pratiques, mais c'est aussi important de lâcher prise de l'obligation de qualité, au moins pendant qu'on joue. Peut-être aussi que je veux changer la façon dont on debriefe une partie, qui me laisse un goût amer en bouche une fois sur deux. C'est important que les joueur.se.s puissent déballer leur ressenti, y compris moi, mais j'aimerais qu'on le fasse d'une façon plus détachée, bienveillante, y compris envers nous-mêmes. Quand j'entends une personne dire "J'ai mal joué." à la fin d'une partie, ça me navre parce que je ne crois pas qu'il y ait un bon ou un mauvais jeu. Et du coup, quand je m'entends dire "J'ai mal maîtrisé.", ça me navre pour les mêmes raisons. J'aspire à ce qu'on reformule le débriefing d'une façon plus charitable telle que : "Je m'attendais à --------------, c'est arrivé à X%, et par rapport à ça, j'ai été [sentiment], ou je ne m'attendais pas à cela, et du coup j'ai été [sentiment] parce que je voulais [attente]."
Retour du joueur d'Eyota après relecture du compte-rendu :
Je l'ai lu rapidement mais je trouve qu'il met bien en évidence le fait que l'histoire a été assez peu ponctuée d'enjeux et de dilemmes. Les seuls vrais dilemmes entre Allison et Washington sont mis en avant mais sincèrement en partie je trouvais qu'Allison s'en sortait à chaque fois sans vraiment devoir sacrifier quelque chose. Effectivement avec Eyota, je n'ai croisé aucun réel dilemme.
Bref, je ne reviens pas sur le fait que le système, plus utilisé, aurait sans doute permis à la partie de décoller plus vite. La pause qui a amené les climax a été en cela bienvenue.
Concernant ta dernière remarque, je te rappelle juste que malgré les petits soucis "techniques", le joueur d'Allison et moi avons beaucoup apprécié la partie, notamment en raison de l'ambiance qui se dégageait, La partie n'était certes pas parfaite, mais rares sont les parties parfaites; l'important est que nous y avons -toi aussi j'espère- trouvé du plaisir de jeu et que ce n'était pas du temps perdu.
Réponse de Thomas :
Bien sûr que non, ce n'était pas du temps perdu, et j'étais pour ma part satisfait, dans la mesure où une carence d'adversité est somme toute un problème qui concerne les joueur.se.s et moins le MJ (dans le sens où en temps que MJ, je trouve autant mon plaisir à décrire qu'à incarner une adversité).
Je me demande si le fait qu'on ait eu un théâtre contemporain, de surcroît assorti d'un agenda « tranches de vie » n'a pas contribué à la faiblesse de l'adversité, dans le sens où d'ordinaire à Inflorenza, j'utilise le surnaturel ou le réalisme pour m'aider à définir des prix à payer intéressants, et je suis moins familier à le faire dans un contexte plus réaliste. J'ai moins rencontré le problème dans mes autres tests de l'Autoroute des Larmes, car on mettait le surnaturel en jeu bien plus rapidement.
Retour du joueur d'Allison après lecture du compte-rendu :
Je confirme que j'étais dedans du début à la fin. J'ai passé un bon moment et je trouve que le système de choix/sacrifice est pas mal du tout. Pour revenir sur le cas d’Alison et Washington, en effet aux premiers abords cela ne semblaient pas être des sacrifices importants. Je pense néanmoins que tout se joue dans "jouer le jeu" de la part du joueur. Je m'explique.Â
Lorsque Thomas me fait comprendre qu'Alison doit accepter le dîner en tête à tête avec son comparse en échange de son aide, je comprend qu'il applique la règle du choix/sacrifice. A partir de là je me dois aussi de comprendre l'orientation subtile que Thomas donne au problème : "accepter ce RDV est un sacrifice donc cela doit être voire devenir problématique rétroactivement pour Alison". C'est ainsi tout naturellement qu'en tant que joueur je dois modifier le comportement de mon personnage pour refléter cette évolution. Soudain ça devient vraiment problématique pour Alison d'accepter ce dîner.Â
En conclusion un sacrifice n'est pas obligatoirement basé sur une donnée a priori problématique mais il peut générer une telle donnée a fortiori.
Réponse du joueur d'Eyota :
Yeeeees! :)
C'est très bien vu cette distinction entre d'une part l'émergence d'une problématique pour le personnage et d'autre part la création d'une problématique a priori, par le joueur pour le personnage. L'influence sur l'arc narratif du perso est dans les deux cas présentes en effet.
Réponse de Thomas :
Je t'avoue que je ne m'attendais pas à cet angle de vue, je te remercie Christophe pour me l'avoir signalé !
J'ai conçu pour impliquer les joueurs qui jouent en plaidant pour leur personnage (i.e., une fois qu'ils ont créé leur perso, ils évitent de raconter des choses qui nuisent à leur personnage ou le dévalorisent). Dans mes idées, je proposais une suite de prix à payer jusqu'à trouver le truc qui embête bien le personnage / le joueur, et par exemple quand j'ai proposé le dîner, je l'ai fait parce que je pensais que c'était quelque chose d'embêtant / source de tension pour le personnage / le joueur (pas hyper embêtant, mais je me chauffais, après j'ai enchéri, surtout vers la fin avec la défection de Washington).
Le fait que tu t'impliques volontairement en créant un problème pour ton personnage parce que tu veux répondre aux signaux que je t'envoie en tant que MJ, c'est une belle preuve de fair play, et ça me montre que le jeu a quelque chose à offrir à ceux qui jouent en posture d'auteur (i.e. qui n'hésitent pas à raconter des choses qui nuisent à leur personnage ou le dévalorisent, si ça peut créer une plus belle aventure, ou favoriser le jeu collectif). C'est une autre face de la monnaie que je n'avais pas prévue mais je suis très heureux d'apprendre qu'elle existe, ça augmente les capacités du jeu. A moi de voir si je dois la formaliser, ou si c'est aussi bien que ça reste un truc non écrit, émergent.
Hors ligne
LA PHOTOGRAPHIE
Deux frères, un retour dramatique vers une ville radioactive, une séance intense à partir de rien.
Jeu : Inflorenza minima, le jeu de rôle des contes cruels dans la forêt de Millevaux
Joué le 24/04/2016 avec l'équipe du podcast de la Cellule
Personnages : Karl, Mallory
crédit : skippy13, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
L'histoire :
Mallory s'entraîne au base-ball en tapant des balles contre une vieille grille en fer rouillé devant les feuillages. Ce jeune homme blond vit pour deux choses : faire du sport et protéger son grand-frère Karl. Un enfant s'approche. Son visage est ridé comme s'il était très vieux. Il demande à Mallory de lui apprendre à jouer au base-ball. Mallory lui tend son gant tout fripé et lui envoie quelques balles très douces. L'enfant peine, mais finit par en rattraper une.
Mallory fouille dans sa mémoire pour savoir à quelle occasion il aurait déjà vu un enfant atteint d'une telle maladie. Il se rappelle le jour où avec son frère, ils ont fui la ville de Priax à cause de la radioactivité. Il était en combinaison anti-radiations, il attendait son frère resté dans leur maison pour récupérer des affaires. Il a vu un enfant avec une jambe coincée dans les décombres, il voulait de l'aide. Mallory l'a libéré, mais il n'a rien pu faire de plus, il n'avait aucune combinaison à lui donner. Alors, à cause de la radioactivité, l'enfant s'est mis à vieillir sous ses yeux.
Retour au présent. Mallory va chercher de l'eau pour l'enfant. Il va dans leur cabane. Le groupe électrogène turbine pour faire tourner le purificateur d'eau. Boc, boc, boc. Il rapporte de l'eau à l'enfant.
Karl est équipé de pied en cap. Il a enfin trouvé une carte. Il est prêt pour retourner à Priax. Il veut y retrouver une photographie de leur famille, car c'est le dernier souvenir qu'il en a. Son souvenir est resté dans la photographie, alors il veut la récupérer pour s'en rappeler. Mallory a prévu de l'accompagner, pour le protéger.
Arrive l'Anglaise. C'est la fille qui répare leur matériel, elle vient parce que le groupe électrogène fait des siennes. Elle est rousse, toujours en salopette pleine de cambouis et chargée d'outils, dont cette grosse clé anglaise qui lui vaut son surnom. Mallory est amoureux d'elle, mais il s'est gardé de l'avouer pour l'instant.
L'Anglaise veut partir avec eux, car sinon elle va rester toute seule et va devoir se trouver une autre communauté. Mallory insiste pour qu'elle les accompagne. Elle leur demande s'ils comptent passer par la rivière, plus praticable mais surveillée par les pillards, ou par la forêt, plus mystérieuse.
L'enfant insiste pour aller avec eux. Karl dit qu'il est impotent, qu'il va les ralentir, il ne comprend pas pourquoi l'enfant voudrait retourner à Priax. L'enfant dit qu'il connaît le chemin. Il est venu par la forêt. Karl demande comment il a pu trouver le chemin. L'enfant dit qu'il a accepté une infortune, et ainsi il a chargé son cœur, ce qui lui a permis de faire le chemin tout seul. Ils l'acceptent dans le groupe.
Il leur faudra des combinaisons anti-radiations pour eux quatre. Cela tombe bien, ils en ont juste assez. Ils n'en avaient que deux quand ils ont fui Priax, mais depuis, Mallory a fait ce qu'il faut pour s'équiper.
Flash-back. Quand Mallory s'est procuré les combinaisons. Il se rend à la péniche du vendeur de reliques, une embarcation déglinguée qui glisse le long du fleuve, avec des enfants en capuche qui montent la garde, armés de longs fusils couverts de bandages. A l'intérieur, celui qui tient la boutique porte un énorme œdème sur le visage. Il vend des outils et des objets de première nécessité, mais aussi beaucoup d'objets-souvenirs : montres, horloges, alliances, photos. Dans ce monde, la mémoire vaut de l'or. Il peut céder deux combinaisons à Mallory, mais en échange, il veut la médaille de Saint-Christophe qu'il sait que Karl porte en sautoir. Il donne un savon à Mallory pour qu'il fasse une empreinte de la médaille, ensuite le boutiquier lui pressera une copie sans pouvoir, et il pourra l'interchanger avec la vraie médaille. Mais si cette médaille intéresse le boutiquier, c'est bien pour ses pouvoirs. C'est une médaille qui protège sur la route. Sans la médaille, ils risquent de perdre une personne pendant l'expédition. Alors Mallory tente de lui proposer un autre troc. Il lui confie sa casquette de base-ball. Le boutiquier croque dans la casquette pour voir si c'est un objet-souvenir truqué.
Mais c'est un vrai. Cette casquette lui a été confiée par ses parents. Il contient le souvenir de ses parents. Mallory est prêt à s'en séparer car il pense que ses parents sont morts.
Soudain, ses parents entrent dans la péniche. Sa mère se précipite dans ses bras. Elle veut le dissuader de donner la casquette, de les oublier. Il dit qu'il les perdrait une deuxième fois. Mais Mallory a besoin de ses combinaisons, pour la bonne cause. Alors il donne la casquette. Sa mère retient ses larmes, son père n'ose rien dire. Ils font leurs adieux en silence et redescendent dans les eaux. Mallory voit encore les cheveux de sa mère émerger de l'eau. Puis plus rien. Mais il a pu récupérer les combinaisons.
Ils partent dans la forêt vers Priax, guidés par l'enfant-vieux. Ils lui ont demandé son nom, il a dit qu'il s'appelait Feuille.
C'est l'heure du bivouac. Autour du feu, Feuille réclame une histoire. Mallory pense qu'il a intérêt à charger son cœur pour la suite. Alors, il va raconter plus en détail comment il a abandonné Feuille. Il fait alors même qu'il sait que cela aura un impact négatif sur les sentiments que l'Anglaise pourrait avoir pour lui.
Flash-back. Ils sont en train d'évacuer Priax. Mallory a une combinaison, mais il ne peut la donner à l'enfant qui vieillit. Il lui dit d'attendre là , qu'il va revenir. Il lui confie son gant de base-ball. L'enfant lui demande de promettre que le jour où il reviendra, ils feront ensemble un match dans le grand stade de Priax. Mallory promet. Il rejoint son frère dans leur maison. La maison est remplie des reliques qu'a collectées son frère au fil du temps. Des cafetières, des horloges, des photos, des ustensiles. Une myriade d'objets-souvenirs. Un trésor. Mallory lui confie sa combinaison. Il faut partir maintenant ! Karl hésite, il n'y a que très peu de place dans la poche de sa combinaison. Il prend quelques objets, mais il se résigne à laisser sur place la photographie de sa famille. Il se promet de revenir la chercher.
Mallory a fini de raconter son histoire. De l'autre côté du feu, Mallory le fixe, puis détourne le regard. Elle sera désormais incapable de l'aimer.
Monde parallèle.
Dans ce monde, Mallory a donné sa combinaison à l'enfant, et Karl a pu faire tirer par Mallory un chariot rempli de reliques. Dans ce monde, c'est Karl qui tient la péniche aux reliques. Leurs parents sont avec eux, ils tiennent la boutique avec Karl. Mallory est sur le toit de la péniche, en fauteuil roulant. Son corps est perclus de vieillesse. Feuille, a ses côtés, a gardé sa jeunesse. Il demande à Feuille d'aller chercher l'Anglaise. "Tu sais qu'elle viendra, mais ce sera par pitié.", répond Feuille. Mallory insiste, alors l'Anglaise vient les visiter. Tous les trois, ils jouent au base-ball. Feuille place le gant élimé dans la main de Mallory. L'Anglaise lui lance des balles toutes douces pour qu'il puisse lui rattrapper sans qu'elles tombent dans l'eau.
Retour au présent.
Le groupe a progressé dans la forêt. Le compteur Geiger de l'Anglaise s'est mis à crachoter, alors ils ont enfilé les combinaisons. Ils arrivent à un endroit où une vieille femme aux longs cheveux gris a le pied pris dans un piège à loups. Karl dit que c'est un fantôme, un horla, elle devrait être morte, sans combinaison. Mais Mallory s'approche. La dame dit s'appeler Érable. Elle vient de Priax. Elle a perdu sa combinaison plus loin, dans les ronces vivantes. Et là , elle s'est prise dans ce piège à loup posé par les braconniers qui rôdent dans le secteur. Elle dit qu'elle est partie de Priax parce que son mari est mort, et maintenant elle est à la recherche de ses enfants.
Mallory la libère et la soigne. Il comprend qu'elle est en danger si elle reste seule et sans combinaison. Érable dit qu'elle connaît l'emplacement d'un trésor à Priax et qu'elle peut les y conduire en échange de leur escorte. Karl précise son intention à propos du trésor : il ne veut pas devenir un usurier de péniche. Il veut utiliser ce trésor, soit le vendre, soit utiliser la mémoire qu'il contient, pour fonder une communauté solide. Karl précise ainsi qu'il n'est pas motivé par l'appât du gain mais pas l'intérêt du plus grand nombre.
Il reste le problème qu'Érable a perdu sa combinaison. Mallory lui confie la sienne. Il décharge son cœur pour gagner la chance d'en retrouver une à Priax, celle du mari d'Érable.
Mais sur le chemin vers Priax, Mallory vieillit à chaque pas, et chaque pas est douloureux. Quand ils arrivent, son visage s'est creusé d'un large sillon de rides.
Priax. Les arbre qui ressortent des fenêtres des immeubles. Les grandes avenues soviétiques. Le parc d'enfant, avec son tourniquet rouillé. La fête foraine abandonnée. Grande roue couverte de lierre, auto-tamponneuses en décrépitude, figées dans une dernière collision.
Érable confie à Mallory la combinaison de son mari. Comme promis, Mallory amène l'enfant au stade de base-ball. Le stade est immense, couvert de feuilles. Cela fait longtemps qu'ils n'ont pas vu un endroit aussi vaste sans couvert d'arbres. Qu'ils n'ont pas autant vu le ciel. Le stade est comme baigné de lumière. C'est comme si on était dans l'au-delà . Et Mallory a toujours été fasciné par la lumière, par ce qu'elle signifiait. Il est temps de se faire quelques home-runs.
L'Anglaise, Karl et Érable se rendent sur les gradins, au loin. L'Anglaise les acclame, mais le cœur n'y est pas. Érable serre la main de Karl. Elle lui dit : "Je suis heureuse".
Alors qu'ils se frappent ces balles promises depuis longtemps, Feuille dit à Mallory : "Je ne t'ai pas expliqué comment j'ai fait pour charger mon cœur. J'ai troqué mon espérance de vie. Ce soir, je vais mourir. J'aurais pu confier ma combinaison à Érable, cela n'aurait rien changé pour moi. Mais je t'ai laissé faire à ma place. Je voulais que tu comprennes ce que ça fait."
Mallory s'arrête un instant.
Il enlève sa combinaison. Fini pour lui d'être un petit-frère. Il est temps pour lui d'être grand-frère. Il prend Feuille dans ses bras. Puis il lui relance la balle. Ils continuent le match.
Karl hésite. Il pourrait encore courir, forcer son frère à remettre sa combinaison. Mais il préfère charger son cœur, pour les épreuves qui l'attendent encore. Est-ce pour respecter la volonté de son frère, pour l'intérêt de sa future communauté, ou par égoïsme ? La chose n'est pas tranchée.
Érable le conduit à la maison où se trouve le trésor. Karl reconnaît tout : les cafetières, les pendules, les ustensiles, les portefeuilles chargés de photos. C'est à sa propre maison qu'Érable l'a conduit. Il y a un jerrycan d'essence au sol. Érable sort un briquet et une photographie. La photographie de la famille de Karl. Elle lui demande de choisir entre le trésor et la photo. S'il prend le trésor, elle brûlera la photo. Elle lui dit de renoncer à ses cafetières, de choisir sa famille. Karl lui dit qu'elle n'est qu'un horla, qu'elle brûle la photo !
Érable allume le briquet et met le feu à la photographie.
Flash-back. Karl est dans sa maison, en train de prendre les quelques objets qui tiennent dans ses poches de combinaison. C'est le moment où il renonce à prendre sa photo. Mallory le presse de partir. Ses parents sont au fond de la maison. Ils disent qu'ils vont garder le trésor jusqu'à son retour. Karl promet de revenir. Mais la maison brûle, parce que ce souvenir est à l'intérieur de la photo. La maison brûle, et Karl est persuadé qu'Érable va brûler avec elle.
Retour au présent. Érable s'asperge d'essence. Elle dit : "Je sors de la maison, pour ne pas abîmer ton trésor".
Elle sort, et elle allume son briquet à nouveau.
Les personnages :
Karl
Quête : retourner à Priax retrouver la photographie de sa famille
Symboles : "médaillon", "fraternité", puis "nord"
Mallory
Quête : protéger son frère durant la traversée
Symboles : "sport", "lumière"
Commentaires :
Durée :
1h1h/2
Règles utilisées :
Inflorenza minima, avec moi en MJ, sans aucune préparation préalable, et sans aucun matériel (j'aurais pu utiliser la playlist Millevaux mais me suis abstenu pour démontrer le potentiel du jeu en brut)
Profils des joueurs :
Expérimentés. Le joueur de Karl avait déjà joué quatre fois avec moi dans l'univers de Millevaux, mais le joueur de Mallory, jamais.
Brainstorm initial :
Limité à la création des personnages.
Défis :
+ C'était une séance spéciale puisque c'était une démo en préambule d'une émission One-Shot pour le podcast de la Cellule.
+ Je voulais faire tourner le jeu en brut : zéro matériel, zéro préparation. Le plus proche du jeu brut que j'avais fait jusqu'à présent, ce fut une séance avec une préparation limitée à six mots (L'inconnu) et une autre sans préparation mais avec utilisation de la playlist Millevaux (Orchidée, CR à venir).
+ Je voulais mobiliser la majeure partie des règles : codes de sécurité, prix à payer, symboles, charger son cœur, flash-backs, flash-forwards, obole...
Debriefing :
+ Je vais éviter de m'étendre pour laisser la primeur au podcast de la Cellule.
+ De mon point de vue, les défis ont été relevés.
+ Le joueur de Mallory et moi avons rencontré une sacrée émotion de jeu.
+ Les joueurs ont été très proactifs et ont pris en main le système, réclamant notamment à charger son cœur, genre de comportement pro-actif que je vois rarement. J'ai toujours tendance à dire que le jeu fonctionne mais si seul le MJ comprend les règles, néanmoins quand les joueurs s'y mettent, ça crée encore une tension supplémentaire.
+ Le joueur de Karl a eu le sentiment que dans Inflorenza Minima, et dans plusieurs autres jeux moraux, on faisait de grands sacrifices pour atteindre au final un objectif minime. Je comprend cette impression, pour autant je vois les choses différemment. L'économie du jeu, basée sur les prix à payer, offre vraiment au personnage l'opportunité d'atteindre son objectif. Si l'objectif atteint est décevant, c'est peut-être qu'il était décevant au départ. Le personnage de Karl a manqué son objectif puisqu'il a perdu la photographie, mais il avait depuis longtemps bifurqué vers un nouvel objectif (récupérer le trésor pour financer et instruire une communauté) et surtout il a manqué la vraie opportunité que les règles lui offraient d'avoir le beurre et l'argent du beurre : il lui suffisait de décharger son cœur (chargé en acceptant rien moins que la mort de son frère) pour avoir le trésor ET la photographie. Je comprends qu'un jeu où il est obligatoire de perdre ou de gagner une chose minuscule après des immenses sacrifices peut apporter comme frustration. J'estime qu'Inflorenza minima propose une expérience différente : il est possible de gagner de grandes choses, c'est juste que c'est cher en sacrifices. Après chacun analyse comme il veut l'ironie que ça comporte. Cela comporte une certaine violence et c'est légitime de ressentir de l'inconfort et de préférer jouer à autre chose. Ces remarques que ce joueur nous a faites au sujet de son inconfort sont très utiles pour moi, pour continuer à penser le jeu de rôle moral, à évoluer.
+ L'utilisation concentrée des règles a entraîné un train de conséquences très complexes, une pelote qu'on pourrait détricoter à l'infini. Dans le podcast, le joueur de Mallory essaye de résumer une scène et cela l'oblige à expliquer toutes les autres scènes tellement elles sont imbriquées.
+ Cela, et la réaction d'inconfort du joueur de Karl me fait penser qu'avec Inflorenza minima, on atteint une expérience de jeu moral vraiment radicale, plus encore que ses modèles.
+ Je suis conscient d'être allé très loin dans le climax, que ce soit celui de Mallory ou celui de Karl (notamment avec l'immolation d'Érable, parti du fait que le joueur de Karl avait suggéré qu'Érable allait brûler avec la photo). L'inconfort du joueur de Karl s'en est trouvé renforcé. C'était un de ses inconforts où il devenait pour lui douloureux de jouer, alors que notre inconfort au joueur de Mallory et à moi était au contraire fertile en intensité de jeu. Le joueur de Karl sous-entend dans le podcast que les codes de sécurité sont inefficaces, car il n'osait pas les invoquer de peur de ruiner notre plaisir. Je crois pour ma part que les codes de sécurité ne peuvent être efficaces que si on veut bien croire en leur efficacité. Dès lors qu'on les aborde avec scepticisme et qu'on refuse de les utiliser, ils sont en effet caduques. En revanche, pour donner raison au joueur de Karl, je crois que si j'avais de temps à autres demandé aux joueurs si ça allait, ou si je leur avais demandé les pouces, il aurait pu se sentir autorisé à signaler son inconfort, et je suis certain qu'on aurait amendé le jeu pour le meilleur.
Hors ligne
AUX GRANDS MAUX LES GRANDS REMÈDES
Émotion au rendez-vous pour ce nouveau tutoriel d'Inflorenza minima, cette fois-ci enregistré, avec Valentin en meneur !
Jeu : Inflorenza minima, le jeu de rôle des contes cruels dans les forêts de Millevaux
Partie enregistrée sur ma chaîne Youtube
Joué le 20/04/2016 sur google hangout
Personnages : Brute, Darren
Crédits : devastar, fouquier, georgie sharp, Shawn Clawson, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
Théâtre :
Aucune préparation préalable, tout est parti de la création de personnage et de leurs objectifs.
Feuilles de personnages :
Darren
Objectif : guérir de sa maladie de fourrure et d'écailles
Symboles : Volonté, Science
Brute
Objectif : amener Darren à accepter son nouvel état
Symboles : Acceptation, Animaux
L'histoire :
Darren a contracté une maladie en s'aventurant dans la forêt. Sa jambe a commencé à se couvrir de fourrures et d'écailles. Darren est un homme de science, il refuse de devenir un monstre et d'être rejeté. Il veut trouver un remède avant que la maladie ne couvre tout son corps.
Il s'en est ouvert à Brute. Brute est un homme massif, une barbe noire, des sourcils noirs, des mains énormes, d'où son nom. Mais en réalité, il est tout en douceur. Il passe son temps à ramasser les animaux éclopés et à les soigner de son mieux. Brute s'en est rapproché pour apprendre l'anatomie et comprendre son mal. Il a fini par s'ouvrir à lui de sa maladie.
Brute lui propose qu'ils refassent ensemble le chemin qu'il avait pris, pour comprendre ce qui a pu le mordre ou le piquer au passage. Connaissant l'origine de la maladie, ils devraient comprendre comment la soigner. Mais Darren a peur de retourner en forêt, il préfère rester en sécurité au village.
Brute est loin de désirer la guérison de Darren, au contraire il voudrait qu'il accepte sa nouvelle nature, car Brute voit les hommes, les bêtes et les monstres comme des personnes qu'il faut aimer de la même façon. En fait, il a le projet de perdre Brute en forêt pour qu'il ne retrouve pas l'origine de son mal et abandonne l'idée de chercher un remède.
Il insiste encore et Darren se laisse convaincre de refaire le chemin. Il faut partir de suite car dans un jour ou deux de violentes tempêtes vont éclater, avec leur lot d'inondations et de boues qui rendront la forêt dangereuse et effaceront le chemin. Mais Brute a deux animaux en convalescence qui nécessitent des soins constants : une renarde et un chat sauvage qui tous deux se sont pris une patte dans un piège de chasseur. La renarde est intransportable. Sans ses soins, elle ne passera pas la nuit. La mort dans l'âme, Brute la fixe dans ses grands yeux et lui fait ses adieux. Il charge le chat sauvage dans un panier qu'il fixe sur le dos de Darren ; Darren s'est engagé à le soigner en échange de l'aide de Brute.
Brute entraîne Darren au hasard dans la forêt. Darren commence à se douter de quelque chose. Brute propose qu'on bivouaque le temps de reprendre ses esprits. Il s'entête à le perdre, et Darren s'entête à retrouver le vrai chemin. Ils finissent par le retrouver mais cela prend du temps. Le ciel se couvre de nuages noirs, le retour au village ne se fera pas sans encombre.
Darren reconnaît enfin le chemin où il s'est promené le jour avant de se découvrir la maladie. Ils rencontrent un enfant qui a la même maladie, mais à un stade beaucoup plus avancé. Tout son corps est couvert de fourrures et d'écailles, et il a une tête de chien ! Darren est révulsé. Il est plus que jamais déterminé à s'éviter un tel sort. L'enfant et Brute lui demandent pourquoi il a si peur de devenir un homme-bête. Darren dit que sa femme l'a rejeté quand elle a découvert sa maladie. Il craint aussi le rejet du reste de la société.
L'enfant est capable de leur parler, il est disposé à leur donner des indices. Il les conduit dans une grotte où vit un vieillard qui a le même aspect bestial. Il vit entouré de livres. Il explique à Darren que c'est la connaissance qui a fait de lui ce qu'il est.
Darren se rappelle ce fameux jour où il se promenait dans la forêt. Il étudiait un livre, comme il faisait tous les jours. C'était un livre spécial, un livre sur la pharmacopée qui expliquait comment guérir les animaux de tous les maux. Brute l'accompagnait et il a insisté pour qu'il lise le livre, même si le livre risquait de le corrompre. Ensuite, pour tester l'efficacité de ses nouvelles connaissances, il lui a apporté un petit chaton sauvage qui ne se remettait pas d'une grippe, qui perdait ses poils. Darren a échoué à le guérir cette fois-là , le chat est resté malade. C'est le chat sauvage qui est dans le panier sur son dos aujourd'hui.
Le vieillard fabrique une décoction. Il dit que c'est le remède contre la maladie. Mais si Darren en boit, il perdra tous ses souvenirs, le souvenir de sa femme, tous ses savoirs. Il a jusqu'à demain matin pour se décider. Après, la maladie aura trop progressé, la potion pourra toujours le faire redevenir humain mais sera toxique pour lui, il lui restera moins d'un an à vivre.
Arrivent dans la caverne une femme, un enfant et une vieillarde. Ils ont l'air insouciants et heureux. Ils racontent les petits détails de leur journée, la vieillarde dit comment elle a ramassé telle baie. Mais ils n'ont aucun autre souvenir. Ils ont bu la potion pour redevenir humains et dès lors, ils ne se rappellent que de leurs dernières heures. Le vieillard et l'enfant-bête ont l'air maussades : impossibles d'avoir une vraie conversation avec ces miraculés incapables de se projeter dans le passé comme dans le futur.
Brute sait que le temps est compté. Il demande à Darren de soigner le chat sauvage tant qu'il en est encore capable. Darren lui avoue alors pourquoi il a échoué de le guérir la première fois. Il a simplement refusé d'en payer le prix. Ce chat a la maladie des os de verre, et la seule façon de l'en guérir, c'est de transférer à la maladie a un autre. Brute dit alors que le chat a trop souffert. Il demande à Darren de lui transférer la maladie. Darren essaye de le convaincre : il sera très difficile à Brute de continuer à soigner d'autres animaux s'il est cloué au même endroit, incapable de se déplacer ! Brute que le sacrifice d'une personne lui coûte encore plus que le sacrifice d'un ensemble. Alors Darren fabrique de quoi faire un échange sanguin avec les matériaux de fortune trouvés chez le vieillard, et il transfuse à Brute la maladie du chat. Brute sombre dans l'inconscience. Darren passe la nuit dans les cauchemars et la sueur.
Il se rappelle le soir où sa femme a découvert sa maladie. Il avait fait ce qu'il avait pu pour la cacher, il bandait sa jambe. Il trouvait sa femme si belle, il avait consacré tant d'efforts, de temps et de cadeau à la séduire, lui qui se trouvait laid. Et quand il lui a enfin montré sa jambe, à sa femme enceinte de lui, elle lui a dit de quitter leur foyer ! Elle ressentait peur et dégoût.
Il se rappelle le jour où il a confié le secret de sa maladie à Brute. Brute lui a demandé si l'enfant avait été conçu avant ou après cette promenade en forêt. C'était après. Mais heureusement, l'enfant est sauf. Avant de quitter sa maison, Darren a demandé aux meilleurs médecins de la communauté de prendre soin de sa femme et de l'enfant à naître, car lui n'aurait plus le droit de les approcher.
Au petit matin, Darren est à l'entrée de la caverne, le bol de potion entre ses doigts. La fourrure et les écailles couvrent déjà tout son buste. Brute est allongé à côté de lui, il a mal partout, il regrette un instant son geste. Il veut rendre sa liberté au chat sauvage qui se porte maintenant comme un charme, mais le chat insiste pour rester à leurs côtés. Brute essaye un temps de convaincre Darren de boire la potion : il deviendrait insouciant, mais il pourrait lui apporter des animaux malades chaque jour. Puis il se rétracte. Il avoue à Darren les motivations qui l'ont poussé et lui dit de suivre son cœur.
Darren met le contenu du bol dans une gourde. Il ne boira pas cette fois. Peut-être un autre jour, mais alors la potion lui rendra son apparence humaine mais tuera sa mémoire et le tuera ensuite à petit feu. En attendant, Darren veut vivre son humanité, quelle que soit son apparence.
Brute lui demande s'il veut revoir son enfant une dernière fois avant de se cacher définitivement dans la forêt. Darren le veut. Alors Brute empoigne des béquilles. Ils vont retourner ensemble vers le village, mais Darren restera caché à l'orée de la forêt. Brute fera venir la femme et l'enfant de Darren au bord de l'orée pour leur raconter l'histoire de Darren, et ainsi Darren pourra les voir en cachette.
Il y a un risque qu'alors sa femme le repère quand même et qu'elle ait une mauvaise réaction. Brute refuse que Darren connaisse encore une infortune supplémentaire. Il décide de prendre l'infortune sur lui. Sur le chemin du retour, à cause des torrents et de la boue, Brute se casse une jambe. Quand il arrive au village, on le soigne et on lui confie un fauteuil roulant, mais Brute sait bien qu'il ne remarchera pas. Il fait venir la femme et l'enfant de Darren à l'orée du bois. Mais un homme les accompagne. La femme dit qu'il s'agit du père de l'enfant. Brute dit : "Je suis sans haine pour vous, monsieur, mais je sais que Darren est le vrai père. Je comprends les raisons qui vous poussent à dire que vous êtes le père, et je ne ferai rien pour détromper les gens. Mais vous devez tous savoir qui était Darren en vérité.". Et il raconte toute l'histoire, il ment juste en disant que Darren s'est enfui dans la forêt et qu'il est impossible de le retrouver.
Brute jette un minuscule coup d'oeil vers Darren caché dans les fourrés. Il lui promet en silence de parler souvent à cet enfant de son vrai père.
Et Darren part sans se retourner.
Commentaires :
Durée :
1h3/4
Règles utilisées :
Profils des joueurs :
Valentin et le joueur de Darren avaient tous les deux lu les règles et tenté de mener Inflorenza Minima, sans être complètement satisfaits.
Brainstorm initial :
J'ai demandé s'ils avaient des priorités de test. Ils étaient plutôt curieux de découvrir mon tutoriel, mais Valentin a insisté sur le fait que dans ses tests, il lui était plus facile de gérer des personnages en opposition que des personnages en collaboration. Donc avec le joueur de Darren on est parti sur une équipe collaborative, pour tester "en conditions de stress".
Défis :
+ Accompagner Valentin dans la gestion d'une équipe de personnages en collaboration
+ Dérouler les étapes de mon tutoriel pour produire une partie enregistrée qui puisse être utile à d'autres (et pourquoi pas, il est permis de rêver, fournir un outil audio qui se substitue au livre de base).
Mise en jeu :
Comme pour Lourdes, j'ai plusieurs fois demandé à Valentin d'appliquer certains conseils de maîtrises d'Inflorenza minima comme des contraintes, des étapes à franchir : prix à payer, charger son coeur, connaître pour faire mal, donner pour reprendre, D.E.U.S. Ex. Machina. Dans une partie normale, on applique ces conseils au feeling, dans le désordre. Les appliquer dans un ordre précis relevait de la démarche de tutoriel, du conseil le plus important au conseil le plus superflu. En cours de jeu, j'ai réalisé que j'avais omis de mentionner les codes de sécurité, alors pour les tester, quand Darren a déclaré qu'il avait conçu l'enfant après avoir contracté la maladie, on a simulé un bras en croix, qui sert à signaler un malaise à désamorcer. Valentin a pris la balle au bond en disant que l'enfant était tout à fait humain malgré tout.
Debriefing :
Joueur de Darren :
+ Sur le didactique, c'est super intéressant.
+ Quand Valentin a mentionné le fait que la femme de Darren avait refait sa vie, j'ai découvert que la cruauté dépassait largement le cadre des prix à payer. [réponse de Thomas : oui, les prix à payer sont le squelette du jeu, la cruauté c'est le gras, c'est bien que le Confident souligne que l'univers est injuste, tant qu'il reste des choses auxquelles s'accrocher par ailleurs.]
Valentin, le Confident :
+ Il y avait un méta-prix à payer sur toute l'aventure, qui était de savoir si Darren prendrait le remède ou non.
+ Cela m'était difficile de me positionner, j'ignorais quel contrôle je pouvais prendre ou pas. [Réponse de Thomas : tu as le dernier mot sur les décors et les figurants, mais tu les manipules au service du destin des personnages, c'est vraiment l'objectif des personnages qui conduit l'aventure. Tu peux dire des choses au sujet des personnages, mais les joueurs ont le dernier mot, et je te conseille d'éviter de prendre trop souvent le contrôle de leurs personnages ou des émotions de leurs personnages, notamment dans les moments d'introspection, parce que tu prives les joueurs d'incarner pendant ces scènes d'introspection, alors que c'est une clé pour s'impliquer. Quand tu as dit que Brute tombait inconscient ou que Darren adorait sa femme, c'eut été mieux de laisser les manettes aux joueurs, quitte à aller là où tu veux en posant des questions : "Brute, après une telle opération, est-ce que tu tiens le choc ?" ou en évoquant pour laisser le joueur se créer et vivre sa propre émotion : "Darren, ton épouse, c'est la plus belle femme que tu aies jamais connue. Et la plus intelligente aussi."
Pour aller plus loin : Combativité et absorption, par Frédéric Sintes
+ C'était agréable d'avoir des conseils.
+ Dans le manuel, au conseil "Destin", je lisais qu'il fallait relier les figurants existants aux personnages, mais en jeu quand tu m'as expliqué le conseil, j'ai compris qu'il fallait créer de nouveaux figurants, c'est ainsi que j'ai créé les insouciants. [réponse de Thomas : en fait les deux sont bien. C'est juste que le texte de règle est laconique : "Relier décors, figurants, intrigue à leurs quêtes par coïncidences et correspondances. Donner une quête à chaque figurant.". Un texte de règle est comme un bourgeon. Il contient la fleur en lui, mais il faut que le lecteur sache la faire éclore.
+ C'est un jeu difficile à mener. Il faut prévenir les joueurs de la règle du prix à payer, sinon ils partent en système zéro, ils jouent tactique, essayent d'éviter les prix à payer. [Réponse de Thomas : c'est vrai que je joue souvent sans prévenir, et je gère le jeu tactique en le retournant contre le joueur, mais c'est tout à fait valable de prévenir à l'avance, c'est une excellente chose que peut faire un Confident débutant pour se faciliter la vie, et c'est vrai que le jeu prend beaucoup de saveur avec des joueurs qui acceptent la proposition et même l'accompagnent, comme ici le joueur de Darren et moi l'avons fait.]
+ La cruauté, c'est le conseil le plus important du jeu. Mais Connaître pour faire mal et Donner pour reprendre viennent juste derrière : ils construisent le jeu.
+ La promesse de jouer sans matériel et sans préparation est vraiment tenue. Je peux joueur dans le train, au débotté, par exemple.
+ J'ignore encore quel est le potentiel de ce jeu, sa durée de vie.
Mon retour personnel :
+ Lors de notre échange, il est apparu que le jeu est si riche que vingt pages de livre de base sont insuffisantes à en faire comprendre chaque nuance. Inflorenza minima, c'est ma théorisation du jeu moral, et chaque ligne de texte pourrait donner lieu à une discussion. A l'heure actuelle, je conçois qu'il soit difficile de mener avec le seul livre de base, malgré les exemples. La lecture des comptes-rendus de partie et l'écoute de ce tutoriel (le fichier audio est bien plus instructif que ce compte-rendu de partie) me semblent une excellente façon d'approfondir.
Retour de Valentin, à froid :
+ C'était une expérience assez déstabilisante d'avoir le rôle de meneur sans avoir le rôle d'animateur ni le rôle de garant des règles. Parfois, je ne savais pas très bien quand intervenir par rapport à Thomas.
+ J'avais du mal à savoir comment réguler mes interventions et quelle autorité sur les décors et les personnages je devais adopter par rapport aux autres joueurs. J'ai décidé pour cette partie de me placer dans une structure de jeu de rôle classique par défaut, pour avoir une référence et me faire recadrer par Thomas si besoin (ce qui a été le cas, ce qui est bien).
+ Le fait de devoir appliquer les conseils dans l'ordre était difficile, puisque les éléments du système étaient utilisés sans attendre le moment propice.
+ Inflorenza Minima me semble très efficace comme jeu en ligne (pas de matériel).
+ J'ai beaucoup d'autres retours sur Inflorenza Minima en général par rapport à cette partie en particulier. J'ai beaucoup été confident depuis, j'ai été joueur, j'ai enseigné le jeu plusieurs fois à la façon de cette partie, j'ai eu pas mal de retours de joueurs ayant testé de leur côté, j'ai joué dans un théâtre Warhammer 40.000, un théâtre Lycéennes Japonaises, j'ai produit une grosse variante, j'ai joué dans des situations insolites (train, plusieurs fois au cours d'un discussion, à l’insu même du joueur, etc...)
Mais pour le coup ça va attendre, car ça va me prendre vraiment beaucoup de temps.
Hors ligne
POMPÉI
Vivre le dernier jour de Pompéi, à travers le temps, encore, toujours.
Jeu : Inflorenza minima, le jeu de rôle des contes cruels dans les forêts de Millevaux
Joué le 27/11/2015 chez l'habitant lors de la tournée Paris est Millevaux 2
Personnages : Rufius, Sura, Marcus
crédits : kaveman743, lacylouwho, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le théâtre :
On joue dans l'empire romain, transposé dans Millevaux : c'est l'empire romain à son apogée avant les invasions barbares, les révoltes des gladiateurs, des esclaves ou de la plèbe (ruines), alors que la forêt le menace de toute part, que la mémoire se fane (oubli), que la décadence corrompt les mœurs (emprise). Tous les cultes sont autorisés (égrégore) hormis celui des chrétiens car ils refusent l'autorité de César, mais les dieux ne répondent plus aux prières et aux sacrifices. Parmi les cultes autorisés, on voit émerger les cultes de démons infernaux et sauvages, les horlas, fruits de l'emprise et de l'égrégore.
Les personnages habitent à Pompéi. Ils se réveillent un matin, à la suite d'un rêve prémonitoire, avec la certitude qu'ils ne survivront pas jusqu'à l'aube prochaine. Dans ce théâtre, on joue donc le dernier jour de la catastrophe de Pompéi. Avec la certitude que les personnages des joueurs ne survivront pas jusqu'à la prochaine aube, mais sans savoir à l'avance dans quelles circonstances ils mourront. A quoi vont-ils consacrer le temps qui leur est imparti ?
Les personnages :
Rufius, sénateur
Objectif : sauver sa fille Camilla
Symboles : cité, apparat
Sura, scientifique
Objectif : sacrifier Camilla pour en extraire le sérum
Symboles : lois, mensonge
Marcus, scientifique
Objectif : sauver Camilla pour l'étudier et apprendre à produire le sérum
Symboles : Peur, technologie
L'histoire :
Le sénat de Pompéi tient une réunion extraordinaire dans un amphithéâtre blanc qui donne sur la mer et le ciel bleu. Il est caché de la ville et de sa plèbe par des grandes tentures pourpres. Au-dessus du Vésuve, le ciel est gris, comme un jour d'orage. L'objet de la réunion est de statuer sur le sort d'un quartier contaminé par l'emprise, une maladie mutagène. Aussi deux scientifiques, Sura et Marcus, chargés d'étudier ce mal, ont-ils été conviés en tant que conseillers.
Un vieillard fait irruption dans l'amphithéâtre. Il traite les sénateurs d'imposteurs et de spoliateurs, il clame que Pompéi est condamnée. Il touche une tenture pourpre, celle-ci pourrit instantanément et répand son mal aux autres tentures.
Les sénateurs ordonnent aux gardes de s'emparer du vieillard. Othon, un jeune sénateur, neveu de César à qui il doit sa place, grand et bel homme, musclé, statuaire, pur, au visage marmoréen, réclame qu'on crucifie ce sorcier. Sura et Marcus insistent pour qu'on leur permette d'étudier ce sorcier avant son supplice : peut-être sa façon d'utiliser l'emprise leur permettra d'apprendre comment la combattre. On vote et, sur la proposition de Rufius, les sénateurs décident de reporter la crucifixion au lendemain, et de confier le vieillard à l'étude des scientifiques entre temps : c'est tout le délai qu'il leur fallait. Les deux hommes se sont réveillés ce matin avec la prémonition qu'ils ne verraient pas la prochaine aube.
< <
C'était il y a quelques jours.
Othon vient voir les scientifiques, dans leur laboratoire situé dans le quartier contaminé. Il leur présente Siléas, son favori, un beau jeune homme aux cheveux blonds bouclés. Son cuir chevelu se détache comme un tapis, il est moisi : Siléas est atteint par l'emprise. Othon les couvrira d'or s'ils le guérissent. Sura et Marcus ne connaissent hélas aucun remède à l'emprise pour le moment. Tous leurs espoirs de recherche reposent une jeune femme parmi les esclaves à qui ils inoculent des ferments d'emprise : Camilla, qui n'a pas contracté la maladie. Elle est porteuse saine, et en l'étudiant, ils pourraient trouver un sérum pour guérir de l'emprise. Mais à l'heure où Othon vient les trouver, ils n'ont rien. Lysine, une autre scientifique du laboratoire, également prêtresse de Salus, la déesse de la guérison, leur propose une option. Elle peut "racler" les parties putréfiées grâce à la chirurgie. Cela lui accordera un sursis.
I I
Marcus a une vision du présent, dans l'amphithéâtre. Il aperçoit Siléas, au côté d'Othon, la tête grossie d'un épais bandage. Dans ce présent, Lysine a procédé à l'opération. On lui a coupé un de ses bras, parce que l'emprise avait progressé malgré tout.
I I
Il voit un autre présent, où ils ont avoué leur impuissance à Othon. Ils se retrouvent avec un puissant ennemi au Sénat, qui veut faire arrêter leurs expériences.
< <
Sura et Marcus laissent Siléas aux bons soins des couteaux de Lysine. Deux gardes d'Othon apportent de lourds sacs. Othon leur ordonne de se mettre à genoux. Ils les fait couvrir de pièces d'or.
< < Rufius, le sénateur, s'est réveillé ce matin avec la prémonition qu'il ne passerait pas l'aube. Il avait eu une concubine, par le passé, Annia, et quand elle était devenu un poids, il l'avait fait supprimer. Il avait fait en sorte que le fruit de leur union, Camilla, soit écarté de sa vue. Mais alors qu'il pressent la catastrophe de Pompéi et qu'il ne sait qu'il ne lui reste qu'un jour à vie, il veut sauver Camilla de la mort.
< <
Ce n'est pas une chose qu'il avait en tête quand il est venu visiter le laboratoire il y a quelques jours, pour rencontrer Sura et Marcus. Échappée de sa cage, Camilla se présente à lui. C'est une adolescente aux cheveux courts, au visage androgyne. Sa tunique cache ses formes. Elle a un cathéter à son bras, on lui prélève du sang régulièrement pour tenter de trouver un sérum. Elle supplie son père d'interdire que les scientifiques fassent d'elle une cobaye, et il lui dit qu'elle doit faire son devoir pour la cité. Marcus la raccompagne de force dans sa chambre, et sur le chemin, elle lui demande de la laisser s'enfuir.
> >
Dans un futur impossible, Marcus est dans un laboratoire roulant, aux côtés de Camilla. L'emprise a eu raison de l'empire romain. Le laboratoire erre par monts et par vaux, tâchant de se soustraire à la convoitise des pillards. Camilla a soixante ans, elle est alitée, câblée à des tuyaux qui lui pompent du sang. Ils arrivent à soigner quelques personnes en leur transfusant le sang de Camilla, comme Siléas, qui en reçoit depuis tout ce temps. Mais ils n'ont pas encore trouvé comment fabriquer le sérum en quantité. Camilla est restée leur cobaye car elle s'est résigné à son sort, elle a reconnu que c'était son devoir. Elle est en train de rendre son dernier soupir. Elle ricane : "Et vous n'avez jamais songé à me faire un enfant, alors que le remède contre l'emprise aurait exigé des générations de recherche !"
< <
Juste avant que Marcus emporte Camilla dans sa chambre, Rufius lui dit au revoir. Ils sont presque intimes. Rufius aurait-il déjà en tête la prémonition de mort qui lui va venir ? Il n'avait pas revu Camilla depuis sa plus tendre enfance et il la retrouve presque femme. Alors qu'ils se séparent, chacun agrippe le bras de l'autre.
"Vous ressemblez à votre mère.
- Et vous, vous ressemblez à un père."
I I
Retour au présent. Othon veut murer le quartier des contaminés pour que l'emprise ne s'étende pas au reste de la ville. Ses maçons sont prêts à agir dès que la décision sera votée. Marcus proteste, si le quartier est muré, il ne pourra pas sauver Camilla.
> >
Rufius se voit dans le futur. C'est la nuit, il embarque sur un bateau, avec son frère armateur. Des boules de feu pleuvent sur la ville. Un vent de tempête s'est levé. Son frère le regarde, et le vent lui frappe le visage. Le vent qui vient du quartier contaminé, qui n'a pas été muré, le mur aurait empêché le vent de colporter les miasmes. Son frère le regarde, et des tumeurs minérales lui poussent sur le visage.
> >
Un autre futur impossible, où Sura aurait survécu malgré la prémonition. Le lendemain de la catastrophe. Il est dans l'amphithéâtre, gris de cendres. Recroquevillés sur les marches, Othon et Siléas, statufiés dans une ultime étreinte. Lysine a fait dresser un bûcher. Elle dit à Sura qu'il est temps de sacrifier Camilla dans un holocauste à la gloire de Salus, c'est la bonne date comme l'a prédit l'astrologie. Camilla est ligotée, Sura n'a plus qu'à la traîner sur le bûcher.
I I
Le présent. Rufius va voir le bateau de son frère dont il sait qu'il sera le seul à pouvoir quitter Pompéi à temps. C'est un petit bateau amarré au quai le plus avancé. Rufius sait d'après sa vision que seules trois personnes pourront monter à bord, sans quoi le bateau ne sera pas assez rapide, il le voit déjà transpercé par une chute de pierre. Quand il arrive au bateau, il trouve son frère en discussion avec Othon, qui veut lui acheter le bateau, qui veut quitter la ville parce qu'il n'a pas réussi à faire murer le quartier contaminé. Il emmène Siléas, et aussi Lysine, qui porte avec elle sa trousse à couteaux : Othon l'a débauchée pour qu'elle se consacre aux "soins" de Siléas.
Rufius ne veut pas de ce futur possible dans lequel Othon, Siléas et Lysine seraient les seuls à s'échapper de Pompéi. Il les convainc de passer une dernière soirée dans la villa d'Othon, sur les flancs du volcan. Othon accepte à condition qu'il passe la soirée avec eux. Rufius sait que la villa est trop éloignée pour qu'il ait un quelconque espoir de gagner les quais à temps, mais il se sait condamné de toute façon. Le bateau, c'est pour Camilla. Alors il accepte de passer la soirée avec Othon et Siléas, dans la ville. "Je me chargerai du vin."
> >
Dans un futur où Camilla a été sacrifiée. Lysine et Sura sont à Rome, dans un immense sanatorium sous leur responsabilité. Ils sont riches. Ils passent leur temps à charcuter des malades. Sura confie à Lysine ses doutes éthiques. Lysine argue que la science progresse. Les incisions sont de plus en précises, les patients survivent de plus en plus longtemps. Un jour peut-être, on trouvera un remède. En attendant, ils sont tous les deux les personnes les plus influentes de Rome !
< <
Dans le passé. Annia a convié Rufius dans sa villa. Le lieu est envahi de fleurs aux senteurs musquées, et de végétation luxuriante. Annia est plus belle et sensuelle que jamais. C'est le moment où leur relation est à son apogée, avant que Rufius ne se lasse. Annia lui dit qu'elle a fait un rituel de fertilité en l'honneur de Bacchus, ce soir ils pourront faire un enfant. Rufius accepte et l'enlace. Pour autant, à la regarder, il se demande si elle n'est pas un horla.
Au dehors de la villa, on entend tac, tac, tac.
Le bruit des chutes de pierre ponce envahit même ses souvenirs.
> >
Dans un futur, aux dernières heures de Pompéi. Rufius court à travers la ville pour gagner les quais. Il voit autour de lui les premières personnes statufiées par la pluie de cendres. Il s'adresse devant l'une d'elle, stupéfait. C'est Annia, les bras tendus, plus belle que jamais.
C'est la statue qu'il avait faite ériger en son honneur, à l'époque de leur idylle.
< <
Dans le proche passé, pendant la réunion du sénat. Marcus évoque l'intérêt de Camilla pour leurs recherches. Othon pense qu'elle est un horla, il n'a aucune confiance en elle, et pense qu'elle est à l'origine de l'épidémie plus qu'elle n'en est que la solution. Il paraît évident qu'Othon ne laissera jamais Siléas se faire transfuser du sang de Camilla.
> >
Dans un futur impossible. Othon, Siléas et Sura sont dans le bateau au large de Pompéi, qui à l'horizon disparaît avec le Vésuve dans un immense nuage noir. Malgré son amputation d'un bras, l'emprise s'est développée dans l'autre bras de Siléas. Othon, le visage crispé à l'extrême, tend à Sura la trousse de couteaux de Lysine et lui ordonne d'opérer. Alors Sura s'exécute et ampute le deuxième bras de Siléas.
I I
Le présent. Othon, Siléas et Rufius sont réunis dans la villa. Rufius apporte des coupes de vin. Il a empoisonné celle d'Othon. Marcus fait irruption. Au dehors, les pluies de cendre font rage. Il est grand temps de partir.
Par l'intermédiaire de l'égrégore, Marcus, Rufius et Sura sont d'accord sur qui doit partir dans le bateau. Les deux seules personnes qui sont vraiment innocentes.
Dans le laboratoire, Lysine a fait monter un bûcher en toute hâte. Camilla est ligotée. Lysine se prépare pour le départ, elle range ses couteaux dans sa trousse. Lysine dit à Sura qu'il faut faire l'holocauste maintenant, il suffit de mentir au peuple quant à la date donnée par l'astrologie. Ce qui compte n'est pas l'efficacité intrinsèque du rituel, mais la confiance que le peuple va mettre dans le rituel, confiance qu'il va reporter dans le culte de Salus. C'est ce qui permettra au culte de Salus d'avoir le crédit nécessaire pour prendre en charge tous les malades de l'emprise.
Sura s'empare d'un des couteaux et frappe Lysine. Lysine se débat et le transperce à son tour. Ils s'écroulent tous les deux par terre, l'un contre l'autre, Lysine au dessus de Sura. Elle a le temps de lui dire ces derniers mots :
"J'avais... tellement de projets pour nous deux."
Rufius tend sa coupe de vin pour trinquer à la santé d'Othon. Marcus prend une coupe et se joint à eux. Il faut occuper Othon pour qu'il ne remarque pas que Siléas ne boit pas. Othon entrechoque sa coupe avec celles de Rufius et de Marcus, de telle sorte que les vins se mélangent. Il boit lentement, pour s'assurer que Rufius et Marcus boivent également.
Le lendemain.
Camilla et Siléas sont dans le bateau. À l'horizon, Pompéi et le Vésuve ne forment plus qu'un immense nuage noir.
Rufia, Sura et Marcus observent la scène. Ils sont dans la barque, mais ne sont plus que des fantômes.
Camilla rame puisque Siléas n'est pas en état de le faire. Elle fixe le ciel bleu en face. Puis elle se retourne vers les fantômes.
Et sourit.
Commentaires sur le jeu :
On a joué deux heures, en Inflorenza Minima, j'étais meneur.
Je crois qu'on était tous les quatre très satisfaits de l'aventure. Pour ma part, quand j'ai développé et maîtrisé Odysséa, j'ai appris pas mal de choses et je les ai réincorporées ici, notamment les voyages dans le temps pour approfondir le passif des personnages et leur faire explorer les conséquences de leurs acte. J'ai parfois fait jouer des futurs impossibles, où un des personnages avait survécu, ça a amplifié le vertige logique. Je retiens aussi la scène où dans un futur impossible, Marcus parle à Camilla qui a soixante ans, et les deux autres personnages, restés dans le passé ou Rufius rencontre Camilla, lui parlent depuis là . En pratique, c'était une discussion méta entre joueurs, mais ça donnait vraiment l'impression que les temporalités se mélangeaient, que les personnages se parlaient à travers le temps et les potentialités via l'égrégore. Tout ceci, avec la scène des pierres ponces qui tombent dans un souvenir de Rufius, relevait d'une esthétique au service du jeu moral.
Les joueurs ont été très bons dans le choix de leurs objectifs, ils ont mis en place une situation de départ très problématique. Mention au joueur de Sura, qui malgré le fait qu'il n'aime pas trop la compétition d'habitude, s'est dévoué pour écrire un objectif en nette opposition avec les deux autres. Les joueurs ont très bien su jouer l'évolution de leurs personnages. Nous avions fait le pari de savoir si l'on pouvait jouer une fois que l'enjeu de la survie du personnage était écarté, et je peux croire que ce pari a été relevé.
Retour du joueur de Sura après lecture du compte-rendu :
C’est la première fois que je jouais dans l’univers de Millevaux et à un jeu de Thomas Munier. Nous avions été mis au courant dans les semaines qui précèdent de la nature du scénario. J’appréhendais le coté mort annoncée et j’avais peur de ne pas savoir comment le jouer. J’ai trouvé que le fait de fixer son objectif au départ permettait d’une part de combler ce potentiel manque de ressort ludique, et d’autre part, pour quelqu’un qui n’a pas une grosse expérience rôliste, je trouve que ça donne des guidelines sur comment jouer son personnage.
Je tiens également à revenir sur la structure temporelle éclatée. Pour un lecteur du rapport de partie ça doit être perturbant, mais à jouer c’est extraordinaire ! On fait mention d’un fait nouveau qui prend racine dans le passé, bam ! on joue cet événement fondateur. Le joueur hésite sur un choix moral de son personnage ? Soupesons le pour et le contre en examinant concrètement ce qui se passe avec des futurs possible !
Tout cela réalisé avec fluidité et une main de maître par Thomas, cette partie est une de mes meilleurs expérience rôlistes.
Hors ligne
LA MÉMOIRE ET LA PEAU
Test d'un théâtre centré sur l'oubli et les tatouages, avec souvenirs dynamiques et taureaux mécaniques.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 04/12/15 sur google hangout
Personnages : Guy, Samuel, Franck, l'anonyme, l'alchimiste
(l'enregistrement de la partie démarre seulement à la quarantième minute suite à une avarie technique, aussi j'omets de mentionner le lien vers cet enregistrement).
crédits : man under stress, michael flick, sheenyie, thomas fisher rare book library, licence cc-by-nc & Thor, Wikipedia commons
Théâtre :
La mémoire et la peau.
Les prémisses : Les personnages errent à la surface de Paris en ruines, à la recherche de leurs souvenirs perdus.
Pour combler le vide, ou pour comprendre comment achever une quête qu'ils ont en cours.
Ils ont beaucoup de questions, et la réponse réside... dans les tatouages.
L'histoire :
Une rue de Montmartre en pente raide. Au bout, on voit la forme Sacré-Cœur à travers les branchages. L'édifice est envahi par les arbres, on ne voit presque plus le blanc des façades d'origine. Un grand vol d'oiseaux s'élance de la coupole crevée, effrayé par une quelconque menace hors-champ.
Ils sont arrivés à la destination. Une boutique de tatoueurs. Vitres brisées et poussiéreuses, photos de tatouages bleuis par la lumière du jour. Ils sont tous plus ou moins là à cause de Franck. Franck perd la mémoire, comme tout le monde, mais en pire. Il ne se rappelle que des épisodes de sa vie où son frère Samuel était présent. Alors, Samuel l'accompagne partout, pour le protéger avec son fusil et aussi pour lui rappeler avec ses histoires. Ils ont pris contact avec Guy, un détective, qui aide les gens à retrouver tout un tas de choses perdues, dont des souvenirs. C'est Samuel qui l'a rencontré parce que Guy est entré en possession de deux objets qui lui appartiennent : deux doigts qu'il a perdus dans le passé, qui portent des tatouages en cyrillique. Ils ont commencé à en discuter, mais Franck a orienté la discussion sur ses propres problèmes de mémoire. Guy leur a conseillé d'aller voir l'alchimiste, un tatoueur qui a le pouvoir de rendre la mémoire par ses tatouages. Franck veut que Samuel se fasse tatouer par l'alchimiste, ainsi il retrouvera des souvenirs perdus, qu'il pourra lui raconter à loisir. Guy est là , parce qu'il les a conduit à l'échoppe de l'alchimiste. Il a ses propres problèmes de mémoire, mais il le cache. C'est son ami Hutte qui l'a aidé à monter son affaire de détective. Mais Hutte vient de partir, et avant de se faire la malle, il a déconseillé à Guy d'enquêter sur son propre passé. Le problème, c'est que Guy, comme tout le monde, a perdu toute sa vie. Il ne se souvient que de ces trois dernières années, passées en compagnie de Hutte dans les ruines de Paris, à faire le détective pour les autres. Il serait tenté de savoir tout ce qui a pu lui arriver avant, ce qui l'a conduit là . En plus, Guy se rend compte que plus il oublie, plus une sorte de ténèbre végétale s'empare de lui. Une quatrième personne les a accompagnées, qui aurait bien besoin des tatouages remémorants de l'alchimiste, car elle est en phase terminale d'oubli et d'enténébration. Elle a oublié jusqu'à son nom, on l'appelle l'anonyme. C'est un enfant avec un visage tout ridé et des yeux qui sont des puits de noirceur.
Dans la boutique de l'alchimiste, il fait très sombre, la seule lumière provient de son creuset. L'alchimiste approche sa tête du creuset. C'est une femme, elle a les cheveux noirs avec une mèche bleue, des piercings, un Arbre des Sephiroth tatoué sur le visage. Elle travaille avec une aiguille à tatouer reliée à un groupe électrogène, elle est en train de tatouer une peau de chèvre. Est-ce un entraînement où un rituel nécessaire à sa pratique de l'alchimie ?
A la lueur du creuset quelques objets apparaissent dans le labo. Des fioles avec des contenus étranges. Des grimoires. Un athanor.
L'alchimiste demande à être payée pour tatouer Samuel. Elle demande cher. Un souvenir. Et pas un souvenir anodin. Quelque chose de très heureux, ou de très négatif. Et il ne suffira pas de le raconter comme on le fait dans une taverne pour avoir une bière. Le souvenir sera définitivement perdu. Il appartiendra à l'alchimiste. Comme c'est Franck qui est à l'origine de la commande, il se dévoue. Il se dit que de toute façon, Samuel, Franck et l'anonyme seront témoins de son histoire, ils pourront lui raconter ce qu'il a perdu.
C'était la nuit. Franck et Samuel bivouaquaient dans la forêt. Un homme barbu s'est présenté à eux. Franck a sorti son couteau et a tué l'inconnu.
Tous ceux qui sont là voient le souvenir comme s'ils y étaient. Ils visitent le souvenir. L'anonyme reconnaît l'inconnu. C'était son père. Il était à sa recherche, pour l'aider à ne pas oublier, à ne pas sombrer dans les ténèbres. L'inconnu avait toute son histoire tatouée sur la peau. Il recherchait son enfant pour lui raconter son histoire, pour que l'enfant s'en rappelle. Et il est mort bêtement.
Samuel est sous le choc. Il voit que le petit frère qu'il a toujours pris sous son aile a perdu son innocence.
Quand il a vu que sa victime avait toute sa vie tatouée sur le corps, Franck a voulu préserver ça. Peut-être par respect, peut-être aussi parce qu'à Millevaux un souvenir est plus précieux qu'une vie, on ne sait jamais, tout souvenir est utile, les siens, ceux des autres.
Alors Franck dit qu'il a traîné le corps de l'inconnu dans la forêt, jusqu'à un lac gelé, il l'a jeté dans le lac pour qu'il soit conservé.
L'anonyme le supplie de lui indiquer où se trouve le lac. Il pourrait le suivre le sentier qui mène au lac, mais Franck refuse de se rappeler de cette partie-là . Est-ce qu'il a vu ou fait des choses pas nettes au lac, où est-ce que c'est trop douloureux de se rappeler de jeter un corps au lac, toujours est-il que Franck refuse d'aller plus loin.
L'alchimiste est parmi eux, dans le souvenir. Elle observe chaque détail, le feu, le coup de poignard, Franck, Samuel, elle les regarde partir avec le corps de l'inconnu dans le sentier. Elle n'en perd pas une miette, de ce souvenir qui maintenant lui appartient.
Samuel s'en veut terriblement car l'inconnu s'est présenté au bivouac à cause de lui. Il lui avait fixé rendez-vous. Il devait lui rendre ses deux doigts.
Guy regarde aussi les tatouages. Si les deux doigts sont maintenant en sa possession, cela veut dire qu'il a été en contact avec l'inconnu. Il réalise que l'inconnu a un rapport avec son propre passé, et donc ses tatouages ont un rapport avec son propre passé. S'il avait plus le temps de les regarder, il en apprendrait sans doute sur qui il est vraiment...
Franck revient à lui. Alors que le souvenir se dissipe dans sa tête, il annonce que les tatouages du père sont encore là , quelque part sous sa propre peau, en gestation. Son esprit les a oubliés, mais son corps s'en souvient.
C'est trop pour l'anonyme. Ces tatouages, il les lui faut. Alors il se précipite sur Franck, il veut lui arracher la peau, toute sa peau ! Guy s'interpose, il ne les a pas conduit pour ça, tout ce qu'il veut avec son travail de détective mémoriel, c'est rendre service, pas provoquer de tels accès de violence ! Il se concentre, et les ténèbres qu'il recèle à force d'oublier prennent possession du laboratoire de l'alchimiste. La lumière du creuset s'éteint. Mais ça ne suffit pas pour stopper l'enfant sans nom ! Et puis Guy ne peut pas s'en approcher d'assez près pour le ceinturer. Les ténèbres de l'enfant lui font mal.
L'alchimiste allume une ampoule, elle farfouille dans ses affaires, elle sort un pistolet, un colt à la crosse gravée de symboles cabalistiques dans le style graphique des tatouages, elle tire vers ses clients forcenés, mais n'atteint personne.
Déjà , le temps que Samuel réagisse et épaule son fusil, l'anonyme plante ses mains sur la peau de Franck. Samuel peut pas tirer. Mais c'est Franck qui se charge de tuer l'enfant.
Ils se tournent vers l'alchimiste. Mais elle ne peut plus tatouer Samuel après ce qui s'est passé. Si quelqu'un meurt dans son entourage plus ou moins à cause d'elle, elle perd ses pouvoirs d'alchimiste. Dans cet état, elle est incapable d'exécuter un tatouage mémoriel.
Guy a une idée de qui pourrait savoir comment restaurer les pouvoirs de l'alchimiste. L'alchimiste et les deux frères le suivent jusqu'au marché de la mémoire, sur les quais de Seine.
La Seine est devenue une mangrove couverte de palétuviers. Le ciel brille d'une lueur spectrale au-dessus de la couche de nuages. Sur le quai, des dizaines de boutiques avec des toits en tôle ondulée et des portières de voiture en guise de porte. On peut manger des madeleines de Proust et des gâteaux d'anniversaire. Un bijoutier en boubou étale des alliances sur un tapis, il vent aussi des robes de mariées, des bouquets de mariées. Il y a un peu de foule. Un grand-mère pousse un caddie dont le contenu est masqué par une toile de jute.
Il y a des vieilles horloges, des vieux portraits. Un gars est posté devant des platanes avec des cœurs et des noms gravés, il vent des graines de ces arbres.
Un enfant vend ses premières dents dans des boîtes en porcelaine en forme de cœur.
Guy leur présente son contact boutiquier. Il s'appelle Sona Jitsé, c'est un Gnome bossu qui prétend avoir toute sa mémoire, il porte des mitaines et une loupe de bijoutier sur l’œil. Il frappe l'épaule de Guy : "Mon ami !".
Sona Jitsé veut bien expliquer à Guy comment guérir la tatoueuse, mais il veut les doigts de Samuel en échange, parce qu'ils ont une histoire, c'est un objet de pouvoir qui peut l'intéresser pour sa boutique. Guy les a donnés à Samuel. Samuel pose les doigts sur le comptoir, il les cache avec ses mains, on voit que tous ses doigts sont tatoués en cyrillique. Ils négocient, Sona Jitsé va avoir les doigts, mais en échange il doit leur traduire ce qui est écrit sur les doigts. Sona examine les doigts, ils les renifle comme pour sentir l'égrégore qui s'en dégage. Puis il raconte ce que disent les doigts.
Samuel est dans un hammam. Il est nu, avec d'autres hommes. Des mafieux russes. Tous les hommes sont tatoués, des étoiles sur les genoux pour signifier qu'ils ne sont jamais mis à genoux, des étoiles sur les épaules pour signifier leur rang, des icônes, des inscriptions en cyrillique, des clochers, une par année passée en taule, des aigles sur un bras pour l'attaque et la conquête, des lions sur un autre pour la défense, la famille, toute leur vie est sur le corps. Ceux qui ont manqué à certains idéaux se sont fait retirer le tatouage qui correspond. Avec la peau.
Le Pakhan, le parrain, le plus haut gradé, demande à Samuel d'aller voir l'alchimiste récupérer les souvenirs qu'elle aura volés à ses clients pour leur compte. La mafia a mis en place un juteux trafic de souvenirs, ils forcent les tatoueurs à voler les souvenirs plutôt qu'à les rendre pour payer leur "protection". La tatoueuse doit de temps en temps arnaquer un de ses clients, le laisser repartir complètement amnésique plutôt que régénéré, quand ils demandaient ce qu'ils faisaient là , la peau encore rouge du tatouage voleur de mémoire, l'alchimiste leur disait : "Je ne sais pas, vous vous êtes trompé d'adresse."
Samuel dit : "Je t'avais dit que je faisais plus ce boulot.". Le parrain prend un drôle d'air, il embrasse Samuel sur la bouche.
Sona Jitsé dit : "C'est là que s'arrête l'histoire des doigts."
Alors Samuel le laisse lire la suite, qui est inscrite sur ses autres doigts. Samuel ramasse une des pierres chaudes qui alimente la température du hammam, il en prend une qui s'est refroidie, et il essaye d'écraser la tête du Pakhan, il veut le tuer parce que sinon c'est lui qui va y passer.
L'alchimiste se concentre pour causer la fin de Samuel, parce que confusément elle ne veut pas le tatouer, elle en a assez de tatouer les gens, de se laisser intimider et dicter des travaux.
Franck est présent dans le souvenir, il est dans le hammam avec eux. Mais à cette époque, il est lâche, il se recroqueville, il n'ose rien faire pour venir en aide à son frère.
Guy se concentre pour aider Samuel, il plaque un voile de ténèbres sur les yeux du Pakhan.
Un garde du corps attrape Franck, le lance sur Samuel, Samuel repousse Franck, l'envoie valdinguer pour ne pas être gêné dans son combat, un autre mafieux attrape Franck et le tabasse.
Samuel est sous le choc, il sent qu'il revit le moment où son frère a perdu son innocence, a appris en réagir en tueur, et quelque part c'est lui son grand-frère qui lui a montré le mauvais exemple.
Samuel bloque un bras du Pakhan, il lui saisit le visage de l'autre main, alors le Pakhan la mort à pleine dents et lui arrache ses deux doigts.
Au terme de cette baston dégueulasse, Samuel réussit à tuer le Pakhan et ses hommes. Sona Jitsé s'exclame : "ça c'est de la baston ! Franck, t'as rien fait pour aider ton frère ! T'es un gros lâche !".
A bout de nerfs, Franck sort son couteau et essaye de planter le gnome. Sona Jitsé prend la fuite dans la foule, il renverse le caddie de la grand-mère et son contenu, qui est en fait un souvenir de la grand-mère, c'est juste une grosse tumeur de souvenirs honteux et dégueulasses, que la grand-mère gardait avec elle, car quand même c'était mieux que le vide.
Franck poursuit Sona Jitsé avec les autres à leurs trousses, ils piétinent les montres étalées au sol, sous les protestations des boutiquiers. Ils arrivent à ceinturer Franck et l'empêchent de suriner Sona Jitsé.
Sona Jitsé, une fois sauvé, dit à Guy qu'il ne devrait pas écouter ce que lui a dit Hutte, qu'il avait de bonnes raisons pour lui interdire de fouiller dans son passé, qu'il l'a embobiné, et ce n'est pas la première fois. Guy lui dit qu'il a tort, mais finalement il en doute. Alors Sona lui dit : "Si tu veux en savoir plus long, on va aller te faire tatouer."
Alors, comme promis, le gnome s'acquitte de sa part du marché, il les conduit à l'endroit où on peut rendre à l'alchimiste ses pouvoirs mémoriels. C'est une maison de retraite abandonnée, parmi les gravas traînent des déambulateurs rouillés, des portraits de personnes âges que venaient visiter des enfants des écoles. Dans un couloir, des dizaines de pièces de scrabble éparpillés. Il leur présentent un enfant qui réside ici, habillé en sari orange, et qui disposent d'une aiguille à tatouer alimentée à un groupe électrogène.
L'alchimiste a trop de remords pour vouloir récupérer son pouvoir de bonne grâce, mais les autres l'intimident, Franck la menace avec son couteau, et Samuel essaye plutôt de la convaincre, les souvenirs qu'il a avec son frère, ce sont les choses qui le convainquent qu'il n'est pas uniquement une brute. Et puis elle a une dette envers les deux frères, alors elle accepte finalement que l'enfant lui retatoue son pouvoir.
Ensuite, ils étalent Samuel sur un lit et l'alchimiste commence à lui tatouer tout le corps. Franck lui décrit les tatouages de l'inconnu sur sa peau, il insiste pour que l'alchimiste les tatoue aussi sur Samuel, tout souvenir est bon à prendre.
Guy pourrait se faire tatouer les tatouages de l'inconnu à son tour, qui sont liés à son propre passé, il saurait alors ce qui s'est passé il y a trois ans. Mais quand ils se retournent pour lui demander son avis, il n'est plus là . On voit juste une silhouette, qui est happée dans le noir, puis disparaît.
L'alchimiste est en train de finir de tatouer Samuel, elle se promet que c'est la der des ders.
Samuel est submergé par la douleur de ce tatouage intégral, lui sur la table froide, et il sent que cette douleur de chaleur se transforme en une autre douleur, une douleur de froid intense.
Il est là .
Prisonnier sous la glace du lac.
Feuilles de personnage (de tête, je n'ai pas eu accès aux phrases exactes) :
Guy
+ Je voudrais résister à ma curiosité sur mon passé mais autour de moi un vent de putréfaction végétale fait tout s'obscurcir.
+ Les tatouages du père ont un rapport avec mon passé.
+ Ébahi par les ténèbres de l'enfant. Quand je m'approche de lui, j'ai mal.
+ Est-ce que les gens souffrent à cause de moi ?
Samuel
+ (barré) Je veux comprendre comment j'ai perdu mes doigts.
+ (barré) Franck a perdu son innocence.
+ J'avais donné rendez-vous au père de Samuel.
+ (barré) Samuel est une brute.
+ (barré) Je suis une brute.
Franck
+ (barré) Je veux trouver l'alchimiste.
+ (barré) J'ai tué l'inconnu.
+ Tatouages du père en gestation.
+ (barré) Je règle les conflits par la violence.
L'anonyme (mort)
+ Je veux sortir des ténèbres.
+ La perte de mon père, c'est la perte de mon avenir.
+ J'ai trahi la confiance de Guy.
L'alchimiste
+ Je veux m'emparer des souvenirs des autres en faisant un pacte avec le diable.
+ J'ai le souvenir d'un homme qu'on a assassiné à coups de couteau.
+ J'ai une dette envers Samuel.
+ La mort me fait perdre mes pouvoirs.
+ Je ne me laisse plus intimider.
+ J'ai arnaqué des clients en leur prenant leurs souvenirs pour le compte de la mafia.
+ Je suis las d'être importante.
+ Je me suis encore laissé intimider.
+ J'ai honoré ma parole.
Règles utilisées :
J'avais envie de jouer en confort, alors j'ai proposé du Inflorenza classique, en mode Carte Blanche. Seule petite variante, j'ai proposé aux joueurs, s'ils préféraient que j'interprète moi-même les thèmes tirés, s'ils pensaient avoir besoin de cadre. Au début du jeu, j'interprétais donc les thèmes pour le joueur de Guy, de Franck et de l'anonyme. En cours de jeu, les joueurs ont fini par interpréter les thèmes eux-mêmes, puis à les ignorer.
Temps de jeu :
1h1/4 de briefing / création de personnage (j'ai été copieux, sur le coup...)
2h40 de jeu
1/2 h de debriefing
Retour des joueurs :
+ Joueur de l'anonyme / l'alchimiste :
J'ai été déstabilisé car j'ai besoin d'une vision globale pour pouvoir construire, avec cet univers fluctuant, j'étais largué. J'ai eu des difficultés au début de la partie. Quand j'ai compris comment ça marchait, j'ai mieux perçu les potentialités du jeu.
Je me suis senti limité par le système au début. Tu m'as trop pris en charge dans un premier temps en interprétant toi-même mes symboles ou en introduisant des intrigues liées à mon perso (quand tu as dit que Franck a tué mon père, que les tatouages de mon père contenaient mon passé).
Et après, on s'est calé différemment, vous m'avez plutôt posé des questions plutôt que de décréter des choses sur mon personnage, ça m'a aidé. Au final, j'ai trouvé ça intéressant.
Le système incite à mettre en place des conflits intéressants, c'est par là que j'ai construit mon jeu.
+ Joueur de Franck :
C'était assez cool pour ma première partie de jeu de rôle. C'était vraiment sympa. Quand on crée les phrases, les thèmes, j'ai trouvé çà interessant.
+ Joueur de Samuel :
J'ai apprécié la richesse de l'univers. Le mode de jeu était très ouvert, très peu cadré. C'était un bordel créatif libérateur. Cela m'a donné envie d'utiliser le même cadre avec un système de jeu plus cadré. Au final, j'étais très content.
+ Joueur de Guy :
Mon petit bémol, c'est que du point de vue de la narration, c'était pas fluide. Le fait d'aller créer ses phrases, on perd en fluidité, ça sort de la narration. Le mécanique devrait être en sous-main, presque invisible. Les battles, c'était pas possible pour moi, ça cassait trop la fluidité de la narration, je préférais quand les joueurs balançaient d'un coup toutes les phrases qu'ils avaient à balancer. J'aurais préféré si on avait utilisé nos phrases sans l'énoncer, juste en l'intégrant dans le roleplay. Le joueur fait son roleplay, et il annonce au final combien de dés ça lui fait. Puisqu'en tant que meneur de jeu, tu nous faisais confiance sur le résultat des dés, tu pouvais aussi nous faire confiance pour comptabiliser nos dés.
[réponse de Thomas : dans cette partie, j'ai eu quelques problèmes à gérer. Le jeu sur hangout qui me frustre car je perds le langage corporel. Des ambitions sur le scénario, sur l'ambiance, donner à voir l'univers, tester quelques acrobaties narratives comme les souvenirs dynamiques. Puis savoir comment permettre au joueur de Franck, dont c'était la première partie, de se mettre dans le bain. Puis voir comment permettre au joueur de l'anonyme / l'alchimiste de construire son jeu. Le résultat, c'est que j'ai eu des doutes sur ma capacité à faire comprendre les règles. Je m'en moque de la triche, on est sur un jeu d'ambiance. je craignais juste que les joueurs ne retiennent pas les règles. Alors j'ai eu tendance à verbaliser à chaque fois les mécaniques, c'est vrai que je redemandais bien à chaque joueur quelle phrase il mettait... Et c'est vrai que ça nuisait à la fluidité. Quand on est entre joueurs confirmés, c'est beaucoup plus comme tu dis, chacun roleplaye, chacun sait s'il utilise ses phrases ou pas, et chacun dit au final combien il a de dés à lancer. C'est vraiment plus fluide. Si je pouvais refaire notre partie, j'aurais détourné mon effort d'animation de l'utilisation des phrases, comme c'est l'aspect le plus simple des règles. En laissant les joueurs gérer leurs phrases en autonomie, on aurait gagné en fluidité et j'aurais pu me concentrer sur autre chose.]
Retour du joueur de l'anonyme / l'alchimiste après lecture du compte-rendu :
OK pour moi. Je ne sais pas si tu es souvent confronté à des joueurs comme moi qui bloquent méchamment en début de partie ; je te propose si c'est le cas quelques solutions :
- Expliquer sommairement l'ensemble des règles dès le début de partie. Comme j'étais largué, le rajout de règles au fur et à mesure me donnait l'impression que rien n'était stable, même pas les règles.
- Introduire une scène de départ où tous les joueurs ont déjà une place. C'est-à -dire, demander aux joueurs de se positionner dans la scène de départ.
- Faire attention à ne pas construire à la place des joueurs, ou les inciter à construire eux-mêmes (par exemple, décrire tous leur personnage en début de partie), de manière à leur donner prise sur l'univers et l'histoire.
- Esquiver certaines richesses de ton univers pour une première partie. Ton univers est très riche, avec beaucoup de concepts étranges (et sympathiques) auxquels il faut s'habituer (égrégore, horlas...). Par exemple, la perméabilité temporelle est selon moi à réserver pour une seconde partie. Vouloir tout montrer dès le début, c'est "dangereux" sauf si tu connais déjà bien tes joueurs.
A mon avis, avec ces 4 solutions tu t'évites de perdre des joueurs comme moi. Je pense que c'est vraiment une conjonction de facteurs qui m'a largué, à chaque fois que je voulais reprendre pied un nouveau coup du hasard me remettait la tête sous l'eau.
Par ailleurs, et pour atténuer l'aspect négatif qui peut ressortir de mon message, j'ai apprécié la partie, vraiment. J'étais très frustré au début, sur la défensive, pas à l'aise du tout. Par contre, dès que j'ai pu me remettre le pied à l'étrier j'ai passé un moment très agréable. J'ai également apprécié l'histoire, la narration que tu créais, les idées des autres joueurs et la richesse des conflits entre personnages. Le bilan est positif, indéniablement.
J'espère avoir l'occasion de refaire une autre partie car à mon avis, je ne serai plus en bute à ce genre de blocage maintenant que je connais mieux le jeu.
Merci encore à tous les joueurs et à toi-même, Thomas, pour m'avoir permis de découvrir ce jeu et ses mécaniques si particulières.
Hors ligne
MERCENAIRES !
Rejouer un scénario classique avec prétirés dans Inflorenza : une révélation jouissive.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 18/12/2015 à l'association La Ligue des Vannetais Ludiques, à Vannes
Personnages : Grégoire de Morteburne, Bushi, Robin, Jeannerette, Canopée
crédits : (c) Chaos Spider Team, cc-by-nc Pulpolux !!!
Théâtre :
Mercenaires ! est un scénario que j'ai créé pour Millevaux Sombre, avec 7 personnages prétirés. L'adapter à Inflorenza est une expérimentation, la première du genre, puisque j'ai toujours fait jouer des théâtres conçus exprès pour le jeu, et jamais avec des prétirés ou une succession d'évènements prévus à l'avance.
Un one-shot sanglant pour Millevaux. Pour 4 Ã 7 joueurs.
Les joueur.se.s joueront des personnages pré-tirés au parcours trouble, des mercenaires engagés par un village agricole pour le protéger d'impitoyables pillards !
Darfour, petit village agricole au sud de Métro est sous la menace d'une troupe d'écorcheurs mené par l'Artificier, un pillard de sombre réputation.
Les villageois engagent 7 mercenaires pour les défendre dans la perspective d'un siège qui sera sans pitié.
Ce scénario est inspiré du classique Les 7 Samouraïs d'Akira Kurosawa, mais aussi de son remake, Les 7 Mercenaires, de John Sturges.
Les thèmes de ces films (un combat inégal, la loyauté des samouraïs contre la veulerie des paysans, l'inhumanité des pillards, le western crépusculaire) sont recyclés dans ce scénario en y apposant les couleurs brutales et désespérées de l'univers de Millevaux. Les mercenaires sont certes des personnages hors-normes dans l'univers de Millevaux, « bigger than life », mais ils sont plus sombres que les héros des 7 Samouraïs.
Le décor de ce western tragique sera le village de Darfour, bâti sur une ancienne zone commerciale, et subira la menace de la Bande de l'Artificier.
L'histoire :
C'est par un des derniers après-midis d'été que la bande de mercenaires arrive au village de Darfour. Leur marquant le chemin, Chignole le rémouleur pleutre et Mortier le maçon bien bâti, dont Jeannerette la femme-enfant sanguinaire s'est déjà entichée. Ils traversent les champs du village. Une vieille monte sur son dos un boisseau de blé qui pèse plus lourd qu'elle. Les récoltes touchent à leur terme et l'ambiance est lourde : les villageois savent que les mercenaires attaqueront bientôt, une fois que les récoltes seront vendues.
Le village est juste cerné d'une maigre palissade sans intérêt défensif. C'était une ancienne zone commerciale, on en voit des vestiges ça et là , notamment les enseignes Darty et Carrefour effondrées l'une sur l'autre, et qui en fusionnant ont donné la bannière du village : Darfour.
Arrivés sur la place du village, les mercenaires constatent les préparatifs de la fête des moissons. Au centre trône un mât de misaine graissé au saindoux. A son sommet, une roue où pendent divers trophées : des fanions, un jambon, des jouets, un bouquet de fleurs.
Grégoire de Morteburne, le preux chevalier au visage maigre, veut impressionner Canopée, l'archère qui œuvre en secret pour la Caste des Veilleurs. Il tente l'escalade du mât pour lui décrocher le bouquet de fleurs, mais échoue lamentablement.
Des cris résonnent. On attaque le village !
Un brigand en motochenille, harnaché et casqué, dérape jusqu'à la place du village, armé d'un flingue fumant. Jeannerette comprend qu'il s'agit de Tréclaude, ce jeune villageois passé à l'ennemi, avec qui elle connaît un début d'histoire d'amour. Elle est censée être mercenaire et protéger le village, c'est d'ailleurs Tréclaude qui lui a demandé de s'engager pour espionner à son compte. Elle veut épargner son amant, mais là , elle veut donner le change. Elle avise Hadjo, le boucher alcoolique qui lui a sauvé la vie à Metro et la suit partout désormais. Il a un faible pour elle, c'est certain. Jeannerette en profite, sans savoir si elle aussi a des sentiments pour lui. En attendant, elle l'utilise autant qu'elle peut. Elle lui demande de l'aider à tendre une corde pour faire tomber Tréclaude de la motochenille et le faire prisonnier dans l'espoir de permettre plus tard son évasion.
Mais Canopée, l'impitoyable chasseresse, la prend de vitesse. Elle tire une flèche qui vient briser la visière du casque de Tréclaude et se ficher dans son crâne. Dans le village, c'est la stupéfaction quand on reconnaît Tréclaude. Jeannerette cache sa peine. Elle vient de perdre le premier des hommes de sa vie.
Robin le vengeur masqué, Bushi le ronin pétri d'honneur, et Grégoire de Morteburne, sont retournés à l'entrée du village. Ils voient un cavalier, engoncé dans une armure de boîtes de conserves, rentrer dans le village. Il poursuit la vieille au boisseau de blé. Avec son coupe-chou, il lui fait sauter la tête comme un bouchon en ricanant.
Il y a aussi des enfants par ici, qui courent un grand danger ! Parmi eux, Robin reconnaît Philémon, son plus jeune fils. Robin habitait dans ce village par le passé, il a dû fuir après qu'Homère, le chef du village, l'ait affronté et laissé pour mort dans la forêt. Maintenant, il revient pour se venger d'Homère et reprendre sa femme et ses enfants. Mais ça fait longtemps qu'il est parti. S'il se rappelle de tout, les villageois se rappellent-ils encore de lui ?
Pour sauver Philémon, Robin doit agir vite. Il abat la monture du brigand d'un coup de pistolet. Le cavalier vide les étriers. Déjà , Bushi est sur lui et lui tranche les deux bras à coups de katana !
Ils le capturent et lui retirent son armure de fortune. Ils réalisent alors que c'est un homme avec une trisomie. Difficile d'envisager qu'il ait choisi la vie de pillard de son plein gré. Ils le capturent quand même.
Robin rattrape Philémon. Mais l'enfant ne le reconnaît pas. Cependant, les villageois font de lui un héros, et le portent en triomphe.
Une femme court pleurer sur le corps de la vieille au boisseau. C'est une belle femme, même si son corps a forci au terme de nombreuses grossesses. Elle explique à Grégoire et Bushi que cette vieille femme était une sainte, qu'elle portait de lourds boisseaux et de lourds fagots parce qu'elle voulait rester utile jusqu'au bout. Elle leur demande de tout faire pour venger sa mort. Leur honneur chevaleresque est en jeu.
Les mercenaires mettent le cavalier trisomique au frais, puis vont voir le chef du village, Homère. Sa hutte ronde donne sur la place du village. Ils passent un rideau de perles et ils sont à l'intérieur. Homère est un solide gaillard, au visage noir comme l'ébène coupé par un bonnet de laine. Il embrasse une icône de la Vierge qu'il porte autour du cou. Les représentations de la Vierge, il y en a dans toute la hutte. Icônes, tableaux, bougies, partout.
Aux côtés d'Homère, le chamane du village, vêtu d'un costume de paille et d'un chapeau de paille. Il cache son visage sous un masque de foire, le masque de Darth Maul, un des méchants de Star Wars. Il donne régulièrement une mixture noire à boire à Homère. Les mercenaires comprennent qu'il se trament quelque chose de pas net.
Homère ne reconnaît pas Robin, et ce dernier se retient de s'identifier. Quand on lui parle de Tréclaude, Homère donne une explication à son passage à l'ennemi. Il s'est révolté contre Homère et ce dernier a demandé à ses hommes de lui casser les genoux. Tréclaude voulait certainement se venger.
Robin, Hadjo et Jeannerette s'isolent avec le cavalier trisomique pour l'interroger. Hadjo le torture avec son arme préférée : la chaîne de vélo. Au terme de plusieurs strangulations, le cavalier leur dit tout ce qu'il sait. Les pillards sont au nombre de quarante, leur chef c'est l'Artificier, un dingue de la pyrotechnie, il a un lance-flammes et la troupe disposes de grenades incendiaires et de produits accélérant le feu. Et surtout, ils ont trois redoutables raptors laineux ! Ils sont retranchés dans un campement au fond de la forêt. Pour le retrouver, il suffit de suivre certains symboles gravés dans l'écorce des arbres, utilisés par les pillards pour retrouver leur chemin.
A l'issue de cet interrogatoire musclé, le cavalier est dans un triste état. Amputé des deux bras, à peine bandé, tuméfié. Jeannerette en conçoit de la pitié et de l'affection pour lui. Hadjo commence à se sentir mal.
Les mercenaires sont tous invités à manger chez Chignole le rémouleur, dans sa maison de bois sur pilotis. Chignole leur apporte du gruau et du gnac dont il sert juste un fond de verre, dans une opération de pauvreté ostentatoire. Alors que Canopée insiste pour être bien payée de ses services (en réalité, elle joue un rôle, elle ne vient ici ni pour la prime ni pour le village, mais pour éliminer Darth Maul, que ses maîtres les Veilleurs lui ont désigné comme un dangereux sorcier), Chignole arrive à comprendre que Grégoire, Bushi, Jeannerette et Robin seraient prêts à les protéger pour rien, et il s'en réjouit.
Il appelle sa femme et ses enfants à se joindre à eux pour la suite du repas. Son épouse sort de la cuisine... Et ce n'est autre que la femme qui pleurait tout à l'heure la mort de la vieille au boisseau. Mais surtout, Robin reconnaît... Cloveline, son ancienne épouse, du temps qu'il était bûcheron au village ! Ainsi donc, elle a épousé ce rebut de Chignole ! Quelle déchéance !
Et ils ont eu des enfants !
Philémon laisse entendre dire que la nuit, ils font de drôles de bruits dans la chambre. Pour Robin, c'en est trop.
Cloveline gronde son mari parce qu'il ne sert pas assez de gnac aux héros du jour et Hadjo en profite pour se soûler la gueule. Le repas touche à sa fin. Chignole leur indique le chemin de la grange abandonnée où ils pourront dormir. Bushi et Canopée ont remarqué une chose : Veine a évité de participer au repas.
Leur logis est une grange pleine de fumier, il ne reste que deux murs, et ils devront se serrer avec un locataire déjà présent : un âne qui va braire toute la nuit. Hadjo confie ses états d'âme à Jeannerette avant de s'écrouler sur sa paillasse : il est fatigué de tuer. Jeannerette s'éclipse dans la nuit, elle va préparer des collets qu'elle a empruntés à Chignole, elle les étire pour qu'ils soient à taille humaine et les pose à l'orée de la forêt. Elle installe aussi le cavalier trisomique à l'entrée du village, dans une guitoune, et campe une ribambelle de casseroles censées donner l'alerte si une troupe en franchit le seuil. Elle dit au cavalier que si ses amis pillards arrivent, il doit leur dire qu'ils peuvent entrer sans danger.
Canopée non plus ne va pas dormir. Elle se campe devant la hutte du chef, attend que le chamane en sorte et le suit à la trace. Le chamane rentre chez lui. Il passe sous un dolmen et rentre dans sa grande hutte de paille circulaire aux ouvertures obturées par de la bâche plastique.
Canopée comprend que ce dolmen marque le passage vers un autre monde, et elle se résout à le franchir à son tour. C'est comme si elle passait d'une masse d'air froid à une masse d'air très chaud. De l'autre côté, l'égrégore distend la réalité. Elle s'infiltre dans la hutte à la suite du chamane, et le voit gagner sa couche à l'autre bout. Dans la hutte, il y a des bols et des bocaux qui contiennent toutes sortes de choses impies, et des animaux empaillés et des poupées vaudou. Sur une table, un cœur de bœuf est cloué, avec sur le clou une icône de la Vierge. Signe que le chamane envoûte le chef du village.
Mais surtout, sous la charpente de la hutte, accrochée à la rencontre des poutres maîtresses, il y a cette énorme cage avec dedans cette femme, enfin cette chose-femme, la Grosse Mère, une masse de bourrelets et de cheveux noirs, et cette toison pubienne infestée de mouches qui pend jusqu'au sol !
La Grosse Mère s'adresse à Canopée : "Soumets-toi..."
Canopée, révulsée, a juste la présence d'esprit d'encocher une flèche et de clouer le chamane dans son sommeil, puis elle prend ses jambes à son cou et refranchit le dolmen avant que la Grosse Mère ait le temps de tenter quelque chose contre elle.
Bushi ne dort pas non plus, il part à la recherche de Veine, son absence de repas l'a intrigué. Il la retrouve en bordure de village. Veine est la plus inquiétante des mercenaires. Sauvageonne qu'on dit sorcière, a demi-nue, avec son tomahawk en bois, son crâne de bouc sur la tête, des yeux exorbités, du sang caillé sur le visage en guise de peinture de guerre. Veine prétend qu'elle faisait une ronde. Elle lui sourit et l'invite à aller explorer la forêt avec elle. Grégoire les prend en filature.
Veine et Bushi repèrent les traces d'un animal monstrueux de la forêt : le sangleros. Sur l'injonction de Veine, ils le suivent jusqu'à un point d'eau. Caché dans les buissons, du haut du talus, ils observent la bête qui s'abreuve. Un énorme rhinocéros laineux avec deux cornes sur le museau et des défenses de sanglier qui dépassent de la mâchoire. Il pousse un long brame qui effraie les oiseaux de nuit. Veine dit à Bushi que cela ferait une chasse magnifique. Bushi veut qu'elle bénisse sa lame avant d'aller au combat. Veine lui fait un large sourire. Elle lèche son katana jusqu'à se couper la langue et couvrir la lame de son sang. "Magie du sang. Ta bravoure passera dans ta lame, maintenant, si tu combats en pensant à moi." Puis elle dévale le talus un hurlant un cri de guerre. Bushi se rue vers la bête, et Grégoire à leur suite en poussant des "Montjoie Saint-Denis !" à tue-tête.
Quand Canopée revient à la grange abandonnée, elle y trouve un bouquet de fleurs disposé à son intention. Ce fou de Grégoire a finalement réussi à escalader le mât et à lui décrocher le bouquet. Le cœur dur de Canopée s'ouvre enfin. Elle n'était pas venue pour ça, elle avait une mission... Mais malgré tout, elle tombe amoureuse de Grégoire.
Le lendemain, Mortier vient lui conter fleurette, mais Canopée l'éconduit sans ménagement. Quand Jeannerette lui demande d'aller renforcer les défenses du village, il prétexte qu'il a plus urgent à faire : la fabrication d'un four à pain l'attend... Jeannerette vient de perdre le deuxième homme de sa vie.
Bushi, Veine et Grégoire apporteront la tête du sangleros au village. On les considère définitivement comme des héros. Des villageois montent sur le mât. Ils décrochent des jambons et des trophées pour fêter les chasseurs.
Canopée vient voir le chef, elle le trouve en train de brûler ses icônes de la Vierge dans sa cheminée : apparemment, avec la mort du chamane, l'envoûtement est levé. Homère lui raconte que les derniers mois, il y avait de fréquentes disparitions, et le chamane usait de son emprise sur lui pour qu'il fasse interrompre toute recherche.
Robin demande de l'aide à Canopée. Ils vont voir Cloveline dans la maison de Chignole. Robin enlève le foulard qui lui masque le visage, mais sa bien-aimée n'affiche pas de réaction. Canopée, à qui ses maîtres Veilleurs ont enseigné la science des points vitaux, touche Cloveline au cou, et enfin elle se rappelle de Robin, son époux tant aimé. Elle lui demande pardon pour avoir épousé Chignole : elle le croyait mort, et si elle restait fille-mère, les villageois l'auraient mise au ban. Pour garantir la survie de ses enfants en restant au village, elle s'est résignée à se laisser courtiser par ceux qui se contenteraient d'une fille marquée par l'opprobre, et c'est ainsi qu'elle devint l'épouse de Chignole alors qu'elle le méprise.
Chignole paraît dans sa maison ; alors Robin le moleste. Le rémouleur implore sa pitié ! Il peut le payer pour sa vie ! Il désosse certaines lattes du plancher et lui dévoile une cache qui contient une armure, de l'or, des coupes. Cloveline enrage : "Chignole ! Tu m'avais promis que tu n'avais pas pris part à ce répugnant commerce ! Ils achèvent les soldats blessés sur les champs de bataille et leurs volent leurs possessions !"
Robin enferme Chignole dans sa cache, et il confie l'armure à Grégoire, qui aura enfin un équipement digne de ce nom.
Un bruit de casseroles à l'entrée du village. Et le cavalier trisomique qui crie : "Les amis ! Vous pouvez rentrer !"
Un parti de trois brigands cavaliers fait irruption dans le village, dont un sur raptor laineux ! Ils ont des torches enflammées couvertes d'un produit accélérant. Grégoire, Bushi et Robin s'en chargent. Bushi saute sur le cavalier du raptor pour lui voler sa monture, et la fureur des mercenaires fait le reste.
Hadjo a ignoré le combat, qui pourtant promettait du sang et de la violence. Il dit à Jeannerette : "Je t'ai toujours aimé, petiote. Partons tous les deux sur les routes, oublions les meurtres, recommençons à zéro !
- Hadjo, je veux bien de toi, mais je vais devenir une grande mercenaire ! Le sang, la gloire, la reconnaissance du peuple !
- Cela ne m’intéresse plus. Partons tous les deux sur les routes. Si tu restes, je pars.
- Je dois réfléchir...
- Ne traîne pas trop..."
Robin réunit tous les villageois devant la hutte du chef. Il met à jour la duplicité et la lâcheté d'Homère, il met en avant sa propre gloire et celle des mercenaires, les villageois finissent par l'acclamer comme nouveau chef.
Jeannerette pousse un cri.
Hadjo est monté au sommet du mât de misaine. Il a accroché sa chaîne de vélo à la roue, et s'est attaché l'autre extrémité en nœud coulant autour du cou.
Il regarde Jeannerette.
Et saute !
Il est temps d'en finir. Robin, Bushi, Grégoire, Jeannerette et Canopée vont devant le dolmen. Veine se dresse sur leur passage. "Canopée, espèce de salope ! Le chamane allait m'apprendre tout ce qu'il savait. J'allais enfin connaître de grands secrets de sorcellerie." Canopée comprend que le chamane capturait des villageois pour nourrir la Grosse Mère. Peut-être que la Grosse Mère protégeait le village en échange. Qu'à cela ne tienne, la Grosse Mère est un horla, de la pire espèce. C'est pour éliminer cette engeance de la surface de la Terre que les Veilleurs l'ont entraînée si durement. La Grosse Mère doit mourir.
Veine brandit son tomahawk. Canopée lui plante une flèche en pleine poitrine.
Veine était une bonne camarade de lutte pour Robin, la seule mercenaire pour qui il avait de l'affection. Il l'achève d'une balle en pleine tête, pour écourter l'épreuve.
Puis les cinq mercenaires passent le dolmen, ils entrent dans la hutte. La Grosse Mère leur ordonne à nouveau de se soumettre, mais ils font parler les armes. Une scène rapide et sanglante, bourrelets tranchés, hurlements, poches de pus percées, et enfin, quand Canopée porte le coup fatal, comme un summum, s'impose à elle une image du passé qu'elle aurait préféré laisser dans les limbes de l'oubli, sa souillure originelle, celle à cause de quoi les Veilleurs l'ont recueillie, soignée, punie, éduquée...
Un visage noir et poilu, garni de crocs, écumant de bave !
Enfin les mercenaires ont rameuté tous les villageois qu'ils pouvaient, femmes et hommes, ils les ont équipés avec des fourches et des épieux, et ensemble, menés par Bushi sur son raptor, ils ont traversé la forêt vers le campement des pillards.
Alors les pillards ont préféré l'attaque à la défense. Ils sortent du campement comme une déferlante harnachée de cuir et d'acier, avec à leur tête les deux raptors laineux et les cavaliers armés de grenades incendiaires, et, raide comme la justice sur son cheval noir, l'Artificier avec son tablier et son masque de soudeur, son réservoir d'essence dans le dos et son lance-flammes !
Et c'est l'assaut final !
Feuilles de personnage :
Bushi
(barré) Se battre avec honneur toujours
Je veux trouver un clan
Chercher de nouvelles techniques
(barré) une cicatrice sur le torse (très viril)
(barré) trop bon, trop con
Soutien important (?)
Autorité sur raptor
Solitude, cherche l'illumination
Robin
Je veux me venger d'une trahison
Je suis toujours amoureux de ma femme et des mes enfants
Je cache mes véritables intentions aux autres mercenaires
(barré) J'enrage de ne pas avoir été reconnu par mon fils
Le village est reconnaissant du sauvetage de mon fils
Je me suis endurci après la torture d'un trisomique
(barré) Je suis devenu insensible
(barré) Je suis rongé par le désespoir
Je suis devenu le chef du village
J'ai été trahi par Canopée et Grégoire
Grégoire de Morteburne
Vouloir faire de bravoure en toute circonstance
(barré) J'ai subi une lobotomie
Je veux impressionner Dame Canopée
(barré) J'ai l'air ridicule
Je veux aider le chef du village
Jalousie obsessionnelle envers Mortier
Mauvais diplomate
Jeannerette
Je ferai tout pour aider mon amour
Je veux devenir la plus grande mercenaire
J'ai une vigilance à toute épreuve
Mutilation et contrôle du sang (pouvoir)
Connaissance des pillards
(barré) Empathie pour les handicapés
Protectrice des braves
Canopée
Je veux remplir la mission donnée par les anciens
Je maîtrise le combat à distance et suis équipée d'un arc, et de couteaux de lancer
(barré) Je suis sociopathe
Le chef est lié au chamane, ou manipulé
(barré) Pouvoir : Maîtrise des points sensibles
Je ressens de plus en plus de sentiments envers Grégoire car il a pris l'initiative de soutenir le chef.
Règles utilisées :
Nous avons joué en Inflorenza classique, en Carte Blanche, avec la règle des pouvoirs.
Grande première, on a joué un scénario écrit pour un autre jeu, en l'occurrence, Mercenaires ! est un scénario pour Millevaux Sombre. Cela induisait un lieu de jeu (le village et ses alentours) assez détaillé, une série de révélations et de "coups" des antagonistes prévus à l'avance, et surtout, des personnages prétirés assez détaillés, avec historique, feuille de matériel et feuille de mémoire.
J'ai demandé aux joueur.se.s de lire leur historique et leur feuille de matériel et ensuite de remplir une feuille de personnage avec trois phrases (dont une phrase d'objectif) qui résumaient les choses les plus importantes à savoir sur le personnage.
Commentaires sur le jeu :
Les joueur.se.s n'ont jamais utilisé le tableau des symboles, en revanche, les joueurs de Jeannerette et de Canopée ont utilisé la liste des pouvoirs pour choisir leur pouvoir. Canopée a d'ailleurs fait une utilisation très sympa de son pouvoir "Maîtrise des points sensibles", puisqu'elle a redonné la mémoire à Cloveline en lui touchant un point sensible !
Un point sur la façon de gérer les conflits à Inflorenza. La première fois que Grégoire veut monter au mât de misaine, j'aurais pu faire un conflit avec pour objectif : "décrocher le bouquet de fleurs", mais c'était un peu faible. J'ai plutôt dit à la joueuse de Grégoire de décider elle-même si elle réussissait ou échouer, et de décrire comment. La joueuse a décidé que c'était bien dans le style de Grégoire d'échouer à escalader le mât.
Plus tard dans la nuit, Grégoire veut retenter le mât. On discute de ce que Grégoire veut atteindre. Ce qui intéresse la joueuse, ce n'est pas tant de récupérer le bouquet de fleurs, mais que ce bouquet permette à Grégoire de gagner l'amour de Canopée. On a discuté avec le joueur de Canopée, et lui s'en fichait que Grégoire réussisse ou non à récupérer le bouquet. Ce qu'il voulait, c'était éviter que Canopée tombe amoureuse de Grégoire. Donc cette fois-ci, j'ai établi que Grégoire arrivait à récupérer le bouquet, sans jet de dés, et on a fait un conflit duel entre Grégoire et Canopée pour savoir si le bouquet rendrait Canopée amoureuse ou non.
Cet exemple montre un subtil décrochage par rapport à un jeu carac-compétences, où on aurait d'abord fait un jet pour escalader le mât, alors que là ce n'était pas nécessaire, vu que l'intérêt dramatique était ailleurs.
Pareil, lors du combat contre Tréclaude, on a discuté des objectifs de chaque personnage impliqué, et finalement on a joué un conflit duel entre le camp qui voulait capturer Tréclaude et le camp qui voulait le tuer. Dans les deux cas, on savait que Tréclaude perdait le combat sans avoir lancé les dés, puisque l'intérêt dramatique était ailleurs : si Tréclaude allait y survivre ou pas.
Comme le jeu met l'accent sur le drama, j'ai eu plus de latitude et de plaisir à incarner les mercenaires figurants, Veine, et Hadjo, à développer leur personnalité.
L'expérience était très sympa. En tant que Confident, j'étais en confort, car si j'avais passé un peu de temps à repotasser le scénario (une heure et demie au total, entre relecture des textes et impression des aides de jeu manquantes), pendant le jeu j'avais moins de travail d'improvisation que d'habitude. Cela m'a permis d'incarner Hadjo et Veine en figurants alors qu'ils sont en général enlevés du cast quand je maîtrise le scénario à Millevaux Sombre.
Mercenaires ! est un scénario un peu limite pour Millevaux Sombre dans le sens où il propose d'incarner des persos assez badass, et que les bastons deviennent assez tactiques vu la taille et la complexité du terrain, et les moyens que peuvent mobiliser personnages comme antagonistes.
A Inflorenza, le jeu se prête tout à fait à incarner des badass, et les bastons les plus complexes peuvent se gérer en un seul jet de dé. Pour la petite histoire, sur l'affiche que j'avais réalisée pour la convention Éclipse 2012, ce scénario portait la mention : "7 Héros. 7 Salopards. 7 Martyrs". Précurseur.
Pour autant, je pense que cela va rester un scénario pour Millevaux Sombre, dans le sens où le système de Sombre donne aux antagonistes la dangerosité qu'ils méritent, alors que là , les persos ont défoncé la Grosse Mère en un seul jet de dé, les enjeux étaient ailleurs, plus sur le drama et l'évolution des personnages. Ou alors, il faudrait que je dote mes figurants les plus coriaces d'une feuille de personnage, avec entre 3 à 6 phrases, pour qu'ils représentent une vraie adversité.
En revanche, la leçon que je tire de cette partie est que c'est tout à fait intéressant de rejouer avec Inflorenza un scénario et des prétirés prévus pour un autre jeu, et ainsi en offrir une relecture tout à fait savoureuse. Je ferai ensuite l'expérience avec un autre scénario pour Millevaux Sombre : Cuisine aux Orgones, lui aussi assez enlevé.
Commentaires sur le scénario :
L'arrivée de Tréclaude, le brigand-félon, amant de Jeannerette, en introduction de scénario est faible, parce que je grille tout de suite cette cartouche-là . Ce serait mieux si Tréclaude rendait au moins une fois visite à Jeannerette pour avoir des informations.
Le personnage de Bushi reste aussi le maillon faible en terme d'agenda. Je pourrais peut-être rajouter une rivalité avec le chef Homère, qui verrait en lui un possible rempart contre son autorité.
Hors ligne
CUISINE AUX ORGONES / GREEN VOID / LE CHÂTEAU DES POSSIBLES
Glisser entre les paradigmes : une seule aventure décomposée en trois réalités.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 08/01/2016 en cercle privé dans le Morbihan
Personnages : Yawiqo, Mask, Ombre
crédits : thomas hawk, verlaten, licence cc-by-nc, collection of old photos, Sam Droege, domaine public
Théâtres :
Dans cette séance, on joue une seule aventure (on garde son personnage, sa feuille de personnage tout du long, sauf décès ou élimination), mais on va glisser entre trois réalités : autrement dit, on alterne trois théâtres complètement différents, pour obtenir une aventure décomposée en trois paradigmes, comme dans le film The Fountain, de Darren Aronofsky.
Décliner ce concept en jeu de rôle est une idée d’Épiphanie.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il s'agit plus qu'un simple voyage entre des mondes parallèles. En réalité, les aventuriers sont fixes : c'est leur réalité (redessinant à la fois leur passé, leur présent et leur futur) qui change de visage alors même qu'ils continuent la même aventure.
1. Cuisine aux Orgones
Little Ho Chi Minh Ville...
Cité tentaculaire au coeur de la Forêt Noire... Construite sur les vestiges des industries chimiques, bardée de passerelles, de conduits et de cheminées fumantes... Saturée de vapeurs toxiques... Cité des mille Orients... Capitale commerciale en microcomposants et fibres nanorganiques, grand bidonville où se concentrent bricoleurs,
trafiquants, et chercheurs de reliques.
Des vieilles camionnettes aux AK-47 de contrebande,en passant par les machines à orgones, tout se trouve, se répare, se customise et se marchande à Little Ho Chi Minh Ville, le Chaos des Reliques.
Little Ho Chi Minh Ville, cité des apothicaires, des triades maudites, et des geishas à la beauté sans pareille, sera ce soir le théâtre d'une tragédie hédoniste, violente et occulte, où un commando se chargera d'infiltrer le Temple du Singe du Besoin pour récupérer une mystérieuse matière : la Viande Noire.
Cuisine aux Orgones est au départ un scénario pour Millevaux Sombre, avec six personnages prétirés. On conserve les prétirés, les joueur.se.s démarrent avec trois phrases : un objectif, un pouvoir, une relation avec un autre des personnages.
2. Green / Void
Un vaisseau-monde générationnel en dérive dans l'espace. Alors que la nouvelle génération émerge des caissons cryogéniques, elle réalise que la végétation des serres a envahi le vaisseau et a muté. De même, les insectes qui pullulaient à bord du vaisseau ont muté ; ils sont atteints de gigantisme et ont accédé à la conscience. Pour survivre, les humains vont devoir lutter contre les végétaux et les insectes, mais aussi s'hybrider avec eux.
Green / Void est un cadre de campagne générique créé par l'équipe du podcast La Voix d'Altaride.
3. Le Château des possibles.
Dans un Millevaux médiéval-fantastique, des aventuriers atteignent le but de leur voyage : le Château des Possibles : un édifice eschérien au cœur duquel vit le grand Arbre des Possibles. Le Château est décomposé en de nombreuses pièces. Lorsqu'on entre dans une pièce, on retombe à un moment de son passé qu'on peut alors choisir de vivre différemment. En connaissant les conséquences des actes qu'on avait accomplis au départ, on peut choisir de se comporter d'une autre façon, pour tenter de changer son destin.
L'histoire :
Le minuscules cabinet d'apothicaire de Versailles Cixi Lin Chu. Herbes qui pendent du plafond et frottent les têtes. Choses dans des bocaux. Artefacts laissés en gage. Versailles expose la mission pour laquelle elle a convoqué son mari Klaus Tenh Lao le concepteur de machines molles au tempérament de suiveur, l'excentrique cuisinier vénitien Vitello Manzeleini, son serviteur Ombre - un tueur des Triades que paye Vitello pour être son garde du corps - , Yawiqo Wang N'Guyen, une lieutenant de la Triade du Grand Timonier, qui se bat au pistolet lance-scorpion et refile de l'elixir de mémoire cellulaire et de la drogue du Yagé (la drogue des réalités) à Versailles, et enfin "Mask" Tao Leung N'Guyen, frère de Yawiqo, un sarcomancien, spécialisé dans les expériences d'hybridation entre l'homme et l'animal, membre récent du Temple du Singe du Besoin.
Quand Versailles leur expose le plan, elle n'a aucune expression faciale. Et pour cause, son visage est paralysé depuis qu'elle a absorbé une dose frelatée d’élixir de mémoire que lui a refourgué Yawiqo. Au rayon des comportements bizarres, il y a aussi Ombre. Il fait partie des Triades, d'ailleurs il a là -bas une réputation d'un type qu'il faut éviter de chercher, pour autant Yawiqo ignore comment il a pu y échouer. Il a comme un passé vide. Et là , ce type à la peau tannée, dans sa combi noire, comme prêt à commettre un meurtre ou un cambriolage, tire depuis un quart d'heure sur une cigarette qu'il n'a jamais allumée, et surveille en permanence la sortie.
Versailles leur propose une mission pour un commanditaire dont elle tait l'identité. A la clé, il y a assez de fric pour que chacun se mette au vert pour le restant de ses jours. La mission : s'infiltrer dans le Temple du Singe du Besoin et récupérer une matière spéciale, la Viande Noire. Versailles ignore elle-même les priorités et l'intérêt de cette matière, elle sait juste que c'est très précieux pour son commanditaire et qu'il faut la transporter dans un caisson "risque biologique".
Mask fait partie du commando en tant qu'agent double, puisqu'il est officiellement l'apprenti de Maître Liu Khan, qui dirige le Temple. Il a envisagé un temps de dérober les plans du Temple, mais ceux-ci sont stockés dans des tiques mémorielles. Ce sont des énormes tiques, si on les laisse vous piquer, elles vous injectent le sang contenu dans leur poche abdominale, et ce sang contient de la mémoire, en l’occurrence, la mémoire de tous les lieux du Temple. Mais en échange, la tique absorbe votre propre sang, et un de vos souvenirs avec. Mask a renoncé à se faire piquer par une de ses bestioles dégueulasses.
Vitello propose d'organiser un festin rituel au Temple, ce sera l'occasion rêvée pour s'infiltrer et dérober la Viande Noire. Tout le monde acquiesce.
Mask prend Versailles à part, il propose de lui faire une opération sarcomantique pour qu'elle retrouve la plasticité de son visage. Elle accepte, l'opération est un succès, mais Mask y a investi une grosse part de son énergie. Une fois que Versailles retrouve à nouveau des expressions faciales, elle pardonne à Yawiqo de lui avoir refilé la dose frelatée d’élixir de mémoire à l'origine de son infirmité.
Versailles va alors voir Yawiqo. Elle lui explique qu'une personne a fait appel à elle comme intermédiaire : elle souhaitait rencontrer Yawiqo et prétendait savoir qui étaient ses vrais parents. Comme Versailles en voulait à Yawiqo, elle a laissé traîner cette commission jusqu'à maintenant qu'elles sont réconciliées. Versailles entraîne Yawiqo sur la terrasse. Elle hèle un cornac qui dirige un hippocampe géant et elles montent dans le panier harnaché sur le dos de l'hippocampe. L'hippocampe émet des tentacules filamentaires qui viennent se coller aux parois des constructions de Little Ho Chi Minh Ville, et il s'enfonce ainsi dans les niveaux inférieurs, tracté par ses filaments. Ils arrivent tout au fond de la ville-bidonville, dans les bas-fonds interdits, les lieux les plus pauvres et miséreux, où elles n'ont jamais mis les pieds. Les brumes toxiques recouvrent tout. Sur les terrasses, des silhouettes couvertes dans des capuches et des manteaux de bure. Des vieilles vendent à la criée des marmites au contenu immonde. Sur les passerelles se tient le marché aux serpents bioniques, lovés dans des caissons de surgélation fumants.
Yawiqo avait eu le pressentiment, dans un trip narcotique, que ses vrais parents appartenaient à une lignée qui commandait le monde en secret. Elle est surprise d'arriver dans un tel endroit. Elles accostent à une terrasse. Un garde contrôle l'entrée d'une porte. Sur son crâne chauve, des idéogrammes tatoués, dans un chinois très ancien : "Nous régnons." Versailles ne peut franchir ce seuil, Yawiqo doit rentrer seule.
A l'intérieur, des tentures rouges, un labyrinthe.
Au cœur du labyrinthe, elle trouve une personne assise en tailleur devant un bol de thé. Son visage est dissimulé derrière un masque en or, un masque de mante religieuse, et elle porte une robe ample qui masque sa silhouette : impossible de déterminer son genre. Cette personne se présente à Yawiko, comme "son parent". Elle confirme appartenir à une lignée non-humaine, dissimulée dans la société humaine pour échapper aux persécutions, et profitant de cette ressemblance et de sa supériorité mentale pour gouverner en secret. Le parent a confié Yawiqo à une famille humaine pour la protéger et l'initier, aujourd'hui il est temps qu'elle fasse allégeance à sa véritable lignée. Son parent lui demande de récupérer la Viande Noire et la lui confier. Yawiqo demande des garanties de loyauté. Le parent donne à Yawiqo le masque qui lui revient de droit : un masque de scorpion. Seule un membre de la lignée peut enfiler ce masque sans risque. Un humain s'y brûlerait. L'intérieur du masque est couvert de mucus et de dizaines de petites pattes articulées et vivantes. Yawiqo ose enfiler le masque, les pattes lui rentrent dans le visage, sans douleur. Elle retire le masque, il lui reste une couche de mucus sur le visage, qui sèche rapidement, elle n'a subi aucune séquelle. Yawiqo demande une contrepartie en échange de la Viande Noire : que le parent lui retire le scolopendre qu'elle a dans le ventre. Jadis, elle est allé voir Maître Liu Khân, qui dirige le Temple du Singe du Besoin. Elle était alors tout en bas des échelons de la Triade, elle lui a demandé d'obtenir plus de pouvoir, alors Maître Khân a accepté d'envoûter la Triade et Yawiqo s'est vu confier la direction de tout un quartier. Mais en échange, elle a dû accepter que Maître Khân lui implante un scolopendre dans le ventre. Elle ignore le rôle de cette bestiole, mais elle le sent remuer dans son ventre et elle veut s'en débarrasser. Le parent plonge sa main dans son ventre, à toute vitesse il en retire le scolopendre - juste pour prouver qu'il en est capable - et le remet aussitôt dans son ventre. Yawiqo repart d'ici avec plus de questions que de réponses. Sur le chemin du retour, Versailles ne peut l'aiguiller, elle ne sait rien sur le Parent. En revanche, elle est aussi capable d'enlever le scolopendre de Yawiqo. Elle lui promet de le faire en échange d'un service : espionner Klaus, son mari, qu'elle soupçonne de le tromper. Si elle lui ramène des clichés minute par minute de sa prochaine sortie, alors, quelle que soit la douleur de la révélation, Versailles tiendra sa parole et l'opérera. Yawiqo promet de faire cette filature, même si elle sait pertinemment que l'amant de Klaus, c'est Mask, son frère par adoption. Mais elle n'aura pas le temps d'orchestrer la filature, les événements vont se précipiter.
Tous les membres du commando, sauf Versailles, se rendent au Temple, dans l'aile-ambassade, pour proposer l'idée du festin à Maître Liu Khân. L'aile-ambassade ressemble à un magasin de grand luxe. Le seul aspect religieux, ce sont les grandes colonnes-statues qui représentent un singe grimaçant - dans le style oriental - en train de chevaucher un misérable humain et de pomper son énergie vitale. Il y a des fétiches de singe en jade dans de grandes vitrines et des employés en costume-nœud papillon pour servir les riches clients-aspirants fidèles.
Le commando est invité à venir présenter son concept à Maître Khân en personne. Ils passent entre deux statues de lions aux yeux mobiles - Klaus reconnaît là des droïdes de surveillance et de combat, et sont conduits dans le saint des saints, une grande salle vide, où se tient Maître Khân, petit homme sans expression faciale, vêtu d'une tunique blanche très simple.
Quatre portes conduisent à des chambres cachées. Derrière l'une d'elles se trouve sans doute la Viande Noire. Juste à quelques mètres d'eux.
Vitello a amené un plat sous cloche. Il prétend être venu à Little Ho Chi Minh Ville pour s'initier aux mystères de la cuisine panasiatique locale, et veut proposer aux fidèles du Temple un festin qui satisfasse toute leur décadence. Pour cette introduction, il a fait une déclinaison autour du thème de la souillure. Il soulève la cloche du plat et révèle un plat de nouilles répugnant. Les nouilles sont en fait de longs vers, vivants, et la garniture est faite d'excréments d'une espèce indéterminée. "Je les relevé avec une préparation d'épices." Maître Khân invite à goûter, Mask s'y risque. Le mélange d'épices est tel que le plat est délicieux. Maître Khân avait hélé un goûteur, un jeune enfant, mais il le renvoie. "Mask, tu as goûté, j'ai confiance en toi.". Il mange quelques pincées du plat avec ses baguettes. Ceci conclut l'accord : l'équipe pourra présenter son festin au temple lors de la prochaine orgie, avec carte blanche pour le menu. Maître Khân adresse un regard creux à Mask qui veut dire : "Je sais que tu as pour ambition de me surpasser et m'écraser, mais je te sens si inférieur à moi que je te montre que malgré tes ruses grossières, je peux t'accorder la confiance la plus totale sans craindre que tu sois capable de me faire le moindre mal." Quand il réalise cela, Mask se soumet à cette révélation, et perd toute foi en lui-même et en sa sarcomancie.
Khân demande également à Yawiqo de rejoindre le Temple. Il lui confie un sari rouge, signe d'appartenance. Yawiqo l'accepte, mais intérieurement elle ne lui voue aucune loyauté. En gage de loyauté, Maître Khân lui demande de lui livrer une personne vivante : le Bodhan Lama.
Yawiqo en discute avec l'équipe. Vitello propose les services d'Ombre, son garde du corps. Ombre se rend au temple bouddhiste ou vit Bodhan Lama. Il le trouve entouré de six nonnes adolescentes. Bodhan Lama est en méditation dans la position du lotus, son visage lui donne la cinquantaine, et sa robe masque ses formes. Les nonnes se placent en position de combat autour du prêtre. Ombre somme les nonnes de se retirer ou mourir. La nonne la plus âgée, dissimulant sa terreur tant bien que mal, l'invite de la main à commencer le combat. Ombre lance une première lame entre les deux yeux de la femme. Les autres nonnes se précipitent sur lui en pleurant, il les déchire toutes de ses lames sanglantes. Il emporte Bohan Lama qui n'offre aucune résistance, et le livre à Khân sans lui demander ce qu'il compte en faire.
Toute l'équipe, à l'exception de Versailles restée en back-office, retourne ensuite au Temple pour organiser le festin. Même le timoré Klaus est présent, car ses machines molles sont indispensables pour percer les défenses, et il doit être à proximité pour les commander. Yawiqo a revêtu le sari rouge des officiants du Temple. Dans le chariot de cuisine de Vitello, il y a la cuve "risque biologique" pour emporter la Viande Noire.
Dans le lieu de culte, l'orgie a déjà commencé. Tous les riches fidèles et leurs malheureux esclaves sont sous l'emprise de la drogue. Vitello a cuisiné une déclinaison autour du thème du singe. Cervelles de singe servies dans leur calotte, têtes de singes avec divers plats servis dans le creux de leur crâne. Et le clou, plusieurs singes vivants et décalottés, la cervelle à vif, qu'on pourra déguster.
Klaus a injecté des machines molles dans la nourriture, et Yawiqo a rajouté du Yagé, la liane mystique, drogue des réalités. Les fidèles et leurs esclaves en mangent tous, les machines molles leurs massent les entrailles, ils se roulent tous par terre, en proie à l'extase.
Mask hybride des fidèles et des esclaves avec des singes dans une opération sarcomantique dégueulasse et ratée. Il pleure, son esprit a sombré.
Maître Khân a ordonné à ses officiants en sari de tendre une tenture rouge qui barre l'accès au saint des saints, là où se trouve la Viande Noire. Il a placé les singes vivants sur des chaises de l'autre côté, et fait percer la tenture pour qu'on voit leur crâne avec la cervelle à vif, et les fidèles sont invités à déguster la cervelle des singes, alors que ceux-ci sont toujours vivants.
Au centre de la tenture, il y a une ouverture plus grande, et le cerveau que l'on voit est assurément celui d'un humain.
Il dit à l'équipe que le temps est venu pour eux de prendre aussi part à l'orgie. Il tend des baguettes à Yawiqo et lui indique le cerveau humain, l'invitant à le déguster. Yawiqo refuse. Khân est alors assuré de leur duplicité.
Ombre sort une lame. Il s'apprête à frapper Khân, mais celui-ci réagit. Il tire la tenture. On voit les singes encore vivants, leurs crânes dégustés, et au centre, ligoté à une chaise, le cerveau à vif, Bodhan Lama. Mais le plus étrange n'est pas là . Derrière eux, ce n'est pas l'entrée du saint des saints, ou plutôt ça l'est, mais dans un autre monde. Une longue passerelle de métal grillagé s'étend vers un gigantesque sas circulaire, verrouillé par des vérins. Cette passerelle est-tendue au-dessus d'un vaste puits artificiel qui semble sans fond. Sur les parois de métal, des lianes partent à l'assaut et colonisent la structure. Elles semblent croître à vue œil. Khân part sur la passerelle. Son apparence change quelque peu. Il est maintenant vêtu d'une combinaison de plastique luisante, et il y a le bouchon d'une fistule sur son abdomen. Le suivre, c'est partir avec lui dans l'autre monde.
Toute l'équipe lui emboîte le pas. Ombre se précipite sur Khân, et c'est le duel de deux grands maîtres en arts martiaux. Ombre vient à bout de Khân, mais cela consomme toute sa substance. Il se liquéfie, il est n'est plus qu'une flaque qui coule le long de la passerelle. Une flasque liquide.
Yawiqo libère Bodhan Lama. Il a... des bras de mante religieuse. Elle est maintenant sûre qu'il est son Parent.
Yawiqo se rappelle... le jour où elle est allée voir Maître Khân pour obtenir de lui une promotion au cœur de la Triade qui contrôle toutes les parties du vaisseau-monde habitées par les humains. Dans cette réalité, l'ambassade avait une toute autre apparence. C'était un étroit cockpit, Maître Khan était installé sur un fauteuil de pilote, à ses pieds, il y a avait ses fidèles, roulés dans la misère mentale, et derrière lui, un tableau de bord défoncé et poussiéreux, et une console qui porte d'emplacements à cylindres. Et enfin, en lieu et place de statue du Singe du Besoin, un gorille en combinaison de cosmonaute, avec des tubes implantés dans le crâne et qui partent alimenter le vaisseau.
Dans ce passé aussi, Yawiqo a accepté le scolopendre. Maître Khân a sorti un cylindre de sa console, une capsule vitrée contenant le scolopendre, vivant, remuant. Il a dévissé le bouchon de la fistule ventrale de Yawiqo - tous les humains de cette génération en ont une - et y a inséré le cylindre avec le scolopendre.
Yawiqo lui a demandé pourquoi c'était si important pour lui implanter un scolopendre. Khân a répondu : "Parce que tu appartiens à la Lignée. Ces insectes qui se font passer pour des humains. Vois-tu les membres de la lignée ont chacun un signe zodiacal, il y en a douze. Toi, tu es un Scorpion. Et je veux mater ta nature de Scorpion, sinon tu prendras le pouvoir. Maintenant, tu seras du signe du Scolopendre. Tu ramperas.
- Et de quel signe êtes-vous ?
- Du signe de l'Araignée. Qui étend sa toile sur les êtres. Et je ne supporterai pas ta concurrence."
Mask était présent lors de cette scène. Il a manipulé les végétaux qui envahissaient le temple, comme tout le reste du végétaux. Grâce à la sarcomantie, il a commencé à entrer en communion avec eux. Il s'est implanté des lianes dans les veines, et a laissé la sève s'irriguer...
... Jusqu'à atteindre le contrôle ultime. Mask se tient sur la passerelle. Il semble raffermi. Les lianes rampent jusqu'à lui, et l'aspirent dans leur sève. Il se dissout complètement dans les végétaux. Il a maintenant le contrôle du vaisseau. Mais l'être humain qu'il était n'existe plus.
crédits : (c) La Loutre Rôliste
Yawiqo demande à Bodhan Lama, son Parent, où est son autre Parent. Bodhan lui répond qu'il l'a conçue par auto-fécondation. Yawiqo lui demande si elle aussi elle serait capable de faire une telle chose. Bodhan lui répond qu'il est de la lignée de la Mante, mais à chaque génération d'insecte, le code génétique se transforme. Yawiqo est une Scorpion. Il ignore quel est exactement son potentiel. Mais en tout cas, il sait que derrière le sas, il y a la Viande Noire, et qu'elle doit s'en emparer, ce sera l'arme fatale pour que sa lignée contrôle le vaisseau.
Vitello a utilisé sa science du Tissage d'Ombre pour refaçonner Ombre. Mais ce nouvel Ombre est encore plus instable, libre, que le précédent. Un serviteur incontrôlable. Le premier Ombre était déjà hanté de visions d'horreur, le nouvel Ombre voit clairement ce qui se trame dans ce vaisseau. Il perçoit l'emprise occulte et noire qui l'enserre... Il entend ce nom résonner dans ces tympans... Shub-Niggurath...
Yawiqo tient son masque de scorpion. Elle est tentée de l'enfiler. Mais Ombre lui arrache, il sait que c'est une arme et il la veut pour lui. Il enfile le masque, et il n'est pas brûlé - sans doute parce qu'il n'est pas humain. Son corps se transforme : il est maintenant un centaure-scorpion.
Dans cet autre monde, Vitello est bardé de ceintures portant des cylindres, contenant ses ingrédients : des bouillies immondes, des insectes vivants... et aussi un cylindre qui est le pass pour ouvrir le sas de la Viande Noire.
Vitello révèle à Ombre le but final de sa quête : "Nous sommes tous proches du but... La Viande Noire... L'ingrédient ultime... Qui fera de moi le plus grand cuisinier de l'histoire...". Yawiqo veut comprendre davantage les motivations de Vitello. Il ouvre sa combinaison et dévoile un gros scarabée noir dont les pattes sont implantées dans son thorax. Il dit : "Je suis de la Lignée du Scarabée. Je ne cherche pas le pouvoir comme les autres insectes. Je cherche avant tout... la connaissance."
Ombre, depuis le début, savait que Vitello l'avait créé pour l'aider dans sa quête de la Viande Noire, il savait que Vitello était le commanditaire secret qui payait Versailles pour monter l'expédition. Mais il ignorait que c'était pour un but aussi futile... Pour... de la cuisine !
Ivre de rage, Ombre tourne son dard contre son maître. Yawiqo veut l'en empêcher, mais elle est bien moins rapide. Elle agrippe Vitello a juste l'occasion de lui arracher le cylindre-pass. Tous les cylindres tombent de Vitello, s'écrasant sur la passerelle ou tombant dans le vide. Le dard a écrasé la tête de Vitello. Son corps bascule en arrière, et sombre dans l'abîme à son tour.
Ombre, Yawiqo et Bodhan Lama se jaugent. Mais Klaus les interrompt. Dans ce monde, il est un homme-tronc en combinaison. Il y a des jointures à la section de ses membres, et en émanent des tentacules de métal mou, qui lui servent d'organes arpenteurs.
"Attendez ! Nous savons que la Viande Noire est très dangereuse. Peut-être que celui qui contrôlera la Viande Noire contrôlera le vaisseau. Mais il sera alors lui-même sous le contrôle de la Viande Noire. Avec mes machines molles, je peux colmater les verrous du sas, et le couvrir de métal de façon à ce qu'il soit à la fois caché et infranchissable, pour que personne ne mette la main sur la Viande. Mais si vous refusez mon aide et préférez rentrer dans le sas, alors je vous fuirai." Yawiqo lui dit qu'elle veut ouvrir le sas.
Alors Klaus expulse des filaments de métal mou sur les parois du puits. Ses filaments se rétractent et entraînent Klaus loin derrière eux.
Yawiqo insère son pass dans le sens. Les vérins se déclenchent dans un grand souffle et le sas s'ouvre. Derrière, une immense salle sphérique couverte de de dalles blanches hexagonales. Ils sont sur une passerelle qui parcourt la circonférence de la salle. Et au centre de cette sphère, la Viande Noire. Dans ce monde, elle est bien trop grande pour rentrer dans la cuve "risque biologique". C'est une énorme boule, un astéroïde de chair noire, suintante de sang et de bile, creusée de galerie spongieuses. Elle étend des pseudopodes de toutes parts pour se coller aux parois de la sphère. Elle dégage une emprise, une attraction phénoménale, presque gravifique.
Yawiqo se penche sur le bord de la passerelle, fascinée. Ombre, trop impatient de savoir ce qui va se passer, pousse Yawiqo par-dessus bord. Elle tombe à la surface de la Viande Noire... qui l'absorbe aussitôt. Yawiqo devient la Viande Noire, la Viande Noire devient Yawiqo... Elle contrôle le vaisseau mais elle a perdu toute identité...
La réalité implose !
Ombre, Bodhan Lama et Yawiko sont maintenant habillées à la mode médiévale. Ombre est redevenu humanoïde, il a juste le masque-scorpion sur le visage. Ils sont dans un autre monde. Dans le Château des Possibles. Un édifice escherien avec des escaliers et des portes dans toutes les directions et dans toutes les dimensions. Ils sont sur un palier. Sous leurs pieds, sous un dédale d'escalier, il y a le plancher du Château, en damier. On y voit Klaus courir vers la sortie.
A ses mains, Yawiko tient une clé. Devant eux, une grande porte de bois. Ils sont une minute dans le passé, juste avant d'avoir franchi la porte de la Viande Noire. Yawiko lâche la clé, qui tombe dans le vide. Ombre exécute Bodhan Lama d'un large coup de couteau circulaire, juste en dégainant, puis il le tranche dans tous les sens. Le corps du père-mère de Yawiqo tombe dans un escalier eschérien, il dégringole l'escalier... qui part vers le haut.
Les chemins d'Ombre et de Yawiko se séparent, loin de la porte de la Viande Noire, chacun de son côté.
Yawiqo ouvre une porte au hasard. Derrière, elle voit le saint des saints, tel qu'il est dans le premier monde, Maître Khan et ses officiants l'attendent. C'est le moment où elle était venu les voir pour demander à prendre du galon dans la Triade. Maître Khân a le scolopendre dans les mains, prêt à lui implanter. Mais cette fois-ci, Yawiqo refuse. Elle s'apprête à quitter le temple, décidée à vivre libre, hors de l'emprise des Triades, du Temple, de la Lignée. Ne supportant pas cette insubordination, Khân abat son bras sur elle.
Elle fait glisser une ampoule-scorpion de sa manche, elle brise l'ampoule dans sa main et laisse le scorpion la mordre : maintenant qu'elle a accepté l'essence du scorpion, ses ongles sont empoisonnées. Elle se retourne vers Khân pour le foudroyer.
Mais il est plus rapide. Il agrippe un ganglion vital dans sa nuque et sert de toutes ses forces. Alors que Yawiko rend son dernier souffle, elle l'entend dire : "J'ai toujours su que les scorpions étaient indignes de confiance !"
Ombre évite de choisir une porte au hasard. Il choisit la porte qui le ramène à un instant précis.
Il est retourné dans le vaisseau. Il se tient devant le sas avec Yawiqo et Bodhan Lama, au moment où ils s'apprêtaient à l'ouvrir. Vif comme l'éclair, il s'empare du pass dans la main de Yawiqo. Yawiqo n'a émis aucune résistance. Elle le regarde. Et il jette le pass dans le vide.
Feuilles de personnage :
Yawiko :
+ (barré) Je dois faire retirer mon scolopendre de mes viscères par Versailles et j'en profiterai pour me venger du Temple du Singe du Besoin
+ (barré) Pouvoir : Mes vrais parents font partie des Loges des Masques d'Or et j'ai été mise en nourrice chez mes parents adoptifs. Révélation récente lors d'un trip. Vrai ou faux ? J'en suis persuadée.
+ (barré) Mask est mon "frère" mais c'est tout. Il peut faire ce qu'il veut. ça ne me concerne plus.
+ Je suis d'une autre espèce capable de maîtriser l'emprise.
+ Je deviens scorpion quand je mets mon masque.
+ Je suis amputée de moi-même par la perte du masque.
+ Je vais chercher par tous les moyens à tuer Ombre.
+ J'ai le pass pour ouvrir la porte de la salle de la Viande Noire.
+ Je sais ce que fait la Viande Noire.
+ Je suis tuée par un insecte.
Mask (première itération) :
+ (barré) Prendre la place de Maître Liu Khân
+ (barré) Pouvoir : Maîtrise la sarcomantie. Joue avec l'emprise, fait des des expériences sales et morbides autour de l'animalisme.
+ (barré) Lien familial avec Yawiko (et elle me fournit des champignons hallucinogènes).
Ombre (première itération) :
+ (barré) Dévoué à Vitello jusqu'à la mort
+ (barré) Pulsions de mort réfrénées qui sont entretenues par des visions éveillées ou des cauchemars.
+ (barré) Pouvoir : Collectionneur d'armes de ninja et d'assassin, avec préférence pour les lames tranchantes qui font les choses proprement. Praticien des arts martiaux complet.
Mask (deuxième itération) :
+ (barré) Cherche à devenir le Maître maintenant que Khân est mort (chef du groupe)
+ (barré) Pouvoir : Sarcomantie animale, végétale, minérale.
+ (barré) Entend des voix étrangères. Visions d'horreur. Shub-Niggurath.
Ombre (deuxième itération) :
+ Pouvoir : Prend du plaisir à tuer, comme une drogue.
+ (barré) Dévoué à Vitello, devoir qui prime sur tout, prêt aux sévices.
+ (barré) Visions d'apocalypse.
+ Transformé en scorpion.
Playlist :
Jack or Jive : Absurdity (ambient ritualiste japonaise)
Om : God is Good (dub, stoner doom orientalisant)
Inade : Aldebaran (space dark ambient)
Tokyo Mask : Route Painless (électro speed)
Rosetta : The Galilean Satellites CD 2 (space post-rock)
Commentaires sur le jeu :
J'ai révisé mon tableau des symboles, maintenant les sous-symboles sont numérotés de 1 à 12, comme ça on peut faire deux tirages, un pour le symbole, un pour le sous-symbole. Quand la joueuse de Yawiqo a voulu déterminer son pouvoir elle a tiré Clan > Loges des Masques d'Or. Je lui explique alors que les Masques d'Or sont une lignée de non-humains dissimulés parmi les humains pour éviter les persécutions et qui les gouvernent en secret. La joueuse a alors décidé que Yawiqo était une Masque d'Or, elevée en secret dans une famille humaine, et qu'elle recherchait ses vrais parents pour en savoir plus sur ses origines et obtenir sa part du gateau. C'est alors que le théâtre Green / Void a commencé à envahir le théâtre Cuisine aux Orgones de façon émergente : je voulais éviter d'introduire trop de nouvelles factions qui compliqueraient la transition d'un théâtre à un autre et j'ai donc fusionné les Masques d'Or et les insectes sentients du théâtre Green / Void. Cela a cimenté la cohérence et facilité la transition vers Green / Void qui suivra.
Quand le parent donne son masque à Yawiqo, je propose à la joueuse de choisir si elle décrit son masque ou si elle me laisse faire, elle choisit un masque de scorpion. Cela a été décisif dans les choix esthétiques suivants, introduisant notamment l'idée que la Lignée était décomposée entre plusieurs familles d'insectes.
Comme à mon habitude, en Confident, il m'arrive de tirer des symboles pour m'inspirer, et j'en ai tiré un pour le premier plat de Vitello. Ici, j'ai tiré Corruption > Souillure. D'où ce plat de nouilles-vers et d'excréments aromatisés.
Quand on passe dans le deuxième monde, la joueuse de Yawiqo me demande des explications sur comment le glissement fonctionne. Et moi, fou que je suis, pour lui illustrer le fait que c'est toujours la même aventure mais dans un décorum différent, je ne trouve rien de mieux que de lui faire jouer un flash-back redécoré façon vaisseau ! C'était risqué, c'était plus audacieux que ce que j'avais prévu (je m'étais interdit les voyages dans le temps pour éviter d'en rajouter dans le mindfuck) mais ça a fonctionné, et ça m'ouvre des perspectives !
Le passage dans le Château des Possibles était pour moi l'occasion de me permettre un climax plus mindfuck, car il m'a servi à tester un nouveau procédé : les aventures potentielles : on rejoue différemment des scènes du passé, en l'occurrence.
Le joueur de Mask et d'Ombre a défié toutes les probabilités : trois fois il s'est fait éliminer son personnage sur un jet à trois dés, dont deux sacrifices (qui contaminaient alors toute la main, et l'éliminaient car il n'avait que trois phrases). Il a donc d'abord joué Mask, puis Ombre, puis a rejoué Mask, puis a rejoué Ombre.
On a joué Cuisine aux Orgones 2h30, Green Void une heure, et Le Château des Possibles seulement une petite demi-heure. Ce serait à refaire, j'équilibrerais davantage le temps passé sur chaque théâtre, mais j'ai déjà apprécié. de réussir à caser les trois théâtres sans trop précipiter le déroulé de l'aventure.
Bref. Un grand moment de mindfuck. J'avais couvert mes arrières en jouant Carte Blanche, avec deux personnes seulement, et en planifiant à l'avance qu'on allait jouer, d'abord dans Cuisine aux Orgones, ensuite dans Green Void, enfin dans Le Château des Possibles. La semaine prochaine, on retente un tri-théâtre, mais en plus ambitieux : en Carte Rouge, à quatre personnes, en s'accordant des transitions d'un théâtre à l'autre à tout moment, et en se permettant d'autres expérimentations mindfucks : voyages dans le temps, rêves, aventures potentielles... [Cette séance a fait l'objet d'un compte-rendu diffusé plus tôt : Les Chemins de Compostelle / Venise Mortelle / Au Nord, sous les étoiles silencieuses. ]
Hors ligne