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LES CAUCHEMARS DE NOIX ET D'OPIUM JAUNE
Des contrées du Rêve aux forêts limbiques, du Lovecraft servi tout chaud avec des cœlacanthes. Un récit de partie solo par Damien Lagauzère.
(temps de lecture : 21 minutes)
Traumavertissement : voir détail après l’image
image générée par Dall-E
Contenu sensible : agression pédophile
Joué en solo le 06/01/2020
Le jeu : Powered by the Dreamr, par Egg Embry, un jeu de rôle pour incarner un rêveur qui infiltre et transforme les rêves des autres
Le contexte:
Je pensais en avoir provisoirement fini avec Millevaux mais la forêt s'est invitée dans Powered by the Dreamr et elle m'a pas fait de cadeau! je crois que vous reconnaîtrez des bouts de Cœlacanthes ^^
J’ai eu la chance de recevoir à Noël la 1ère version de Powered by the Dreamr, le PBTA d’Egg Embry. Ce jeu propose de jouer des personnages capables d’infiltrer et de transformer les rêves d’autrui. Le jeu est intéressant d’une part par les rôles et les moves qu’ils proposent mais pas seulement. En effet, ce jeu est l’occasion aussi de réfléchir sur ce que sont les rêves (Egg explique bien la dimension surréaliste de tout ça et propose des outils narratifs à cette fin), sur ce qu’implique le fait de s’introduire sans autorisation dans les rêves des autres pour y faire plus ou moins n’importe quoi ^^ Et puis, ce jeu est aussi intéressant par la structure narrative, le Cycle, qu’il propose ; d’autant plus qu’il inclut une phase se situant durant la période d’éveil des personnages.
Pour ma part, j’ai décidé, pour changer, de jouer dans un contexte plus ou moins lovecraftien. Aussi, pour les phases d’éveil, j’ai ajouté aux règles que propose Egg un tirage sur les tables du Solo Investigator Handbook. Et, quand ce tirage nécessitait un jet de D, j’en ai profité pour tester une variante du traditionnel jet PBTA en utilisant les D de Zombie Dice ^^ Ainsi, au lieu de jeter 2D6, j’ai pris 3 D au hasard parmi ceux de Zombie Dice et j’ai tout simplement une partie de ce jeu m’arrêtant soit quand j’avais 3 « Blam ! » (soit un échec), soit quand j’avais obtenu entre 7 et 9 cerveaux (soit un 7 à 9, soit quand j’avais dépassé les 10).
L’histoire:
Damon Haze est un toxicomane. Étant sans emploi rémunéré, on peut considérer que c’est son métier puisque c’est une activité à plein temps ou presque. Il se défonce pour planer certes, mais pourquoi planer ? Parce que Damon Haze a eu sa période « occulte ». Il a beaucoup fureté. Il s’est intéressé à bien des choses étranges. Il a rencontré des gens. Il a vu et fait des choses. Et, au bout d’un moment, il s’est rendu compte que tout cela allait beaucoup trop loin pour lui. Mais, dans ce milieu-là , on ne fait pas marche arrière comme ça. Et puis, on oublie pas comme ça ce qu’on a lu, ce qu’on a vu, ce qu’on sait, ce qu’on a fait. Non, pour oublier, on s’assomme, on cherche tous les moyens de s’évader, de penser à autre chose. Bref, on se défonce. Mais, en l’occurrence, le remède n’est pas vraiment meilleur que le mal. Aussi, depuis quelques temps, Damon est convaincu qu’on lui a jeté un sort, qu’on l’a envoûté. Il se sent devenir autre chose. Il pense qu’il est en train de mourir à petit feu. Il pense que ce mal qui le ronge est en train de faire de lui… une goule ! Ne voulant pas devenir un monstre nécrophage, il décide de faire ce qu’il faut pour enrayer cette malédiction. Mais, pour ça, il doit remettre les pieds dans le monde de l’occulte et des cultistes. Toujours en possession du Masque de Morphée et de quelques poudres aux effets oniriques, il décide donc de se faire Dreamr afin de trouver, dans les rêves de ses anciens partenaires occultistes, les informations dont il a besoin pour se sortir de là . Autant il est difficile, pour ne pas dire impossible, de mettre la main sur certains volumes anciens ; autant il est par contre probable que ceux qui les ont lu en soient marqué à jamais au point que cela hante leurs rêves… et leurs cauchemars.
Nous sommes en 1927, à Kingsport. Haze a eu beau chercher à mettre la plus grande distance entre lui et son passé d’occultiste, il a quand même réussi à atterrir dans la seule ville du Massachusetts qui peut s’enorgueillir d’une telle concentration de voyants, de spirites et, surtout, de maraudeurs des rêves. Ainsi, au détour d’une conversation autour d’une pipe d’opium jaune lui est venu, lui a été glissé, l’idée qu’il pouvait, lui aussi, parcourir ce monde et y faire… ce qu’il voulait.
Ce matin, Haze s'est réveillé avec un bourdonnement bas et constant dans les oreilles. Tout au long de la journée, avec toutes les personnes qu’il a rencontrées, il a eu l’impression de pouvoir les entendre marmonner mais sans voir leurs lèvres bouger. Les marmonnements semblaient révéler les véritables pensées de chaque personne, comme elles le critiquaient et le rabaissaient.
Son état s’aggravant manifestement, Haze a donc décidé d’utiliser le Masque de Morphée pour espionner les rêves de Karl Athlee, le bibliothécaire, dont il sait de source « sûre » qu’il possède dans sa réserve des ouvrages dont même la direction ignore l’existence. Haze se doute bien que jamais il n’obtiendra l’autorisation de consulter ces volumes anciens mais il est très peu probable qu’Athlee ne les ait pas au moins survolés.
Haze remplit donc de poudre onirique, un mélange de viande noire et de noix millevalienne, le réservoir prévu à cet effet du Masque de Morphée. Il l’enfile, sert bien les lanières de cuir derrière son crâne. Il respire un grand coup, s’allonge et attend. Le Masque de Morphée possède des yeux, mais ce ne sont pas des ouvertures, juste deux yeux stylisés sculptés. Pourtant, au bout d’un moment, Haze voit ! Il est… ailleurs ! Pour l’heure, le paysage ne lui apparaît pas clairement, sauf cette tour de garde. Alors que le décor se précise, il a l’impression d’être au moyen-âge. Cette tour est en vieilles pierres. Il ne voit pas de route comme on en construit aujourd’hui. Il y a de grands champs et une forêt au loin. Alors qu’il se tourne, il est surpris de trouver une vieille femme juste à côté de lui. Elle a l’air plutôt conciliant. Elle lui demande s’il a besoin d’aide. Elle parle avec les mains et Haze est captivé par les reflets sur ces gros bracelets en argent. Oui, il a besoin d’aide. Il cherche un livre. Est-il dans cette tour ? La vieille femme lui répond que non. Elle le met en garde contre cette tour qui est/serait le repaire de monstres cruels et terrifiants, innommables. Elle lui explique qu’il n’a pas de chance. Il arrive à un moment où la région est secouée par une bien étrange affaire. Le seigneur local est victime d’un chantage et personne ne parvient à découvrir la vérité. Sautant un peu du coq à l’âne, elle le prévient qu’il est interdit de tuer les mages et les sorciers. De toutes façons, c’est inutile puisqu’ils reviennent à la vie. Haze avait oublié, l’espace d’un instant, qu’il était dans un rêve et qu’il ne devait pas forcément tout comprendre de manière littérale. Le rêve utilise nos mots mais avec sa propre grammaire et ses propres significations. Ainsi, dans son rêve, Athlee protégeait les détenteurs des savoirs occultes et l’accès à ce savoir ne pouvait se limiter à juste enfoncer la porte de cette tour pour voir ce qu’il y avait au dernier étage. Non, il était plus probable qu’il doive au contraire lever le voile sur cette affaire de chantage. Alors, le seigneur le récompenserait, peut-être, en lui faisant part de certaines révélations. Il en était là de ses réflexions quand la vieille femme se rappela à son bon souvenir. Il s’excusa d’être quelque peu dans la lune et lui demanda si elle avait d’autres conseils à lui donner. Outre cette injonction à ne pas tuer un sorcier ou un mage, elle le prévint également que certaines séries de chiffres et de nombres pouvait avoir des conséquences catastrophiques, voire cauchemardesques. Puis la vieille femme, une sorcière ?, s’en alla de son étrange démarche. Elle ne boitait pas pourtant mais… c’était une bien étrange démarche.
Haze ne put s’empêcher d’approcher de la tour. En vérité, il n’avait aucune intention de rentrer et souhaitait vraiment « jouer le jeu du rêve » et résoudre cette affaire de chantage. Non, il voulait juste la voir de plus prêt. Et, alors qu’il s’approchait, il vit une silhouette ailée s’échapper par le sommet. Il s’adossa à la porte, se laissa glisser par terre et réfléchit.
Il y a un seigneur victime d’un chantage. Les sorciers sont intouchables, immortels. Les nombres ont des conséquences cauchemardesques. Athlee est bibliothécaire. Il aime les livres, les mots, pas les chiffres. Le chantage suppose que quelqu’un sait quelque chose sur le seigneur, qu’il détient un secret que ce seigneur craint de voir révélé. Et si ce seigneur était, en quelque sorte Athlee lui-même ? Craindrait-il que quelqu’un ne soit au courant de certaines de ses pratiques plus ou moins « périphériques » ? Quelqu’un saurait qu’il possède des ouvrages à caractères occultes, des grimoires ayant appartenu à des… sorciers ? Maintenant, qui pourrait être au courant d’un tel secret et qui aurait intérêt à faire chanter Athlee et, par extension, le seigneur de ce rêve ? Dans le « milieu », c’est un fait connu qu’Athlee possède ces ouvrages. Pourtant, Haze n’a jamais entendu personne manifester le souhait ou l’intention de s’en prendre à lui. A la limite, ses supérieurs à la bibliothèque pourraient lui tenir rigueur de cet écart. Est-ce cela qu’il craindrait ? Peut-être que tout ça serait un peu plus clair si c’était moins… symbolique, fantaisiste ?
Haze se concentre. Il espère pouvoir faire en sorte que cette région ressemble un peu plus, finalement, à Kingsport. Là , il lui serait plus facile de mener son enquête mais… rien ne se passe. Ou plutôt, rien ne se passe comme prévu !
Haze suffoque. Il se redresse brusquement et arrache le Masque de Morphée de son visage. Que s’est-il passé ? Il… rêvait et… quelque chose l’a expulsé ! Athlee s’est-il réveillé ? Haze regarde l’heure. Il est… 20h00 ! Il a dormi presque une journée entière ! Et Athlee aussi alors ? A-t-il manqué une journée de travail ? Il va peut-être falloir s’en assurer.
C’est dingue ! On le lui a pas menti ! Athlee a bien été arrêté par la police. On ne sait pas pourquoi mais les forces de l’ordre sont venu le chercher à son travail. Il parait qu’il s’est évanoui quand on l’a emmené. Ce serait donc ça, Haze aurait profité de l’inconscience du bibliothécaire ? Que va-t-il se passer maintenant ? Son arrestation est-elle en lien avec ce secret à l’origine du chantage dont est victime le seigneur de son rêve ?
Athlee en prison, Haze décide de s’introduire chez le bibliothécaire pour en apprendre un peu plus. Devant la porte, les choses s’annonçaient plutôt bien mais cela n’a pas duré. Haze est interrompu dans son entreprise de crochetage par des membres de cette société secrète connue sous le nom de « Le Second Congrès ». On raconte que leur chef est complètement égocentrique mais, aussi et surtout, qu’il posséderait quelques pouvoirs « magiques » comme la télépathie, don de Tulzscha, la « Flamme Verte » membre de la cour d’Azathoth. S’agirait-il là d’un de ces sorciers immortels dans le rêve d’Athlee ? Ce dernier était-il en contact avec le Second Congrès ? Il faudra s’en assurer, notamment en retournant dans les rêves d’Athlee. Mais pour l’heure, comment s’enfuir sans se faire repérer ?
Les membres du culte l’ont vu mais, heureusement, ne l’ont pas reconnu. Pour autant, ils ne se contentent pas de le laisser filer. Ils lui courent après et… le rattrapent. Et Haze est conduit, sous bonne garde, au repaire du Second Congrès, une vieille tour en pierre à quelques kilomètres de Kingsport. On le traîne et l’enferme dans une pièce. Dans les couloirs, son sang s’est glacé en entendant de nombreux gémissements de souffrance.
Ne possédant pas le Masque de Morphée, il ne peut même pas s’enfuir en rêvant. Que faire ? Haze fait le tour de cette pièce. Évidemment, il n’y a pas de fenêtre par laquelle il pourrait s’enfuir. Pour autant, la porte et son verrou n’ont l’air ni récents, ni très solides. Alors, aussi discrètement que possible, il tente de faire jouer la serrure avec les quelques objets plus ou moins, moins que plus, adaptés à la tâche qu’il trouve là . Au passage, il note que cette pièce n'a rien d‘une cellule médiévale. Est-ce à dire que cette endroit n’en possède pas ou que, finalement, on lui réserve un autre traitement ?
Malheureusement, il attire l’attention des gardes. Avant que ceux-ci ne deviennent agressifs, Haze tente de les calmer, de les raisonner et demande à savoir ce qu’il se fait ici et ce qu’on attend de lui exactement. Mais les gardes ne veulent rien entendre. Ils le saisissent et le repoussent dans la pièce où il était enfermé. La porte claque et, est-ce parce que Haze les a énervé ?, ils oublient de la fermer à clé ! Il attend donc que les gardes s’éloignent et ouvre de nouveau la porte. Mais les gardes n’étaient pas encore assez loin. Aussi, ils lui sautent dessus et le maîtrisent. Cette fois, on ne l’enferme pas. Il traverse à nouveau ces couloirs d’où s’échappent ces gémissements de douleur et on le conduit dans un sous-sol grouillant de rats. Certains ont des jambes supplémentaires, tandis que d'autres ont des jambes qui bifurquent aux articulations. D'autres ont deux têtes, tandis que les têtes de certains n'ont pas de bouches. Bizarrement, mais faut-il vraiment en être étonné, c’est là que trône le Grand Maître du Second Congrès. Il porte une robe de cérémonie assez classique, se dit Haze. Mais son masque… une sorte de masque en cristal, translucide. Aucune expression n’y a été sculptée. On devine à peine les traits du visage du Grand Maître. Mais, ce qui étonne et effraie Haze, c’est cette lueur verte qui pulse à l’intérieur du cristal. Et de cette voix étouffée par le masque, il exige que Haze lui explique ce qu’il faisait chez Athlee.
Alors, Haze raconte une partie de son histoire. Il explique être victime d’une malédiction et savoir que le bibliothécaire était en possession de texte pouvant l’aider. Évidemment, il ne dit rien du Masque de Morphée et de sa tentative d’explorer les rêves d’Athlee. Il espère surtout que le Grand Maître n’usera pas de sa prétendue télépathie. Mais le sort s’acharne car alors même qu’il y pense le Grand Maître l’interroge à ce sujet. Haze n’en peut plus, il est à bout. Rien ne marche comme prévu. Alors, il reconnaît être en possession de ce Masque et, oui, il a bien essayé de percer les secrets d’Athlee en s’introduisant dans un de ses rêves. Et il s’avère que le Maître veut en savoir un peu plus sur ce rêve.
Haze explique alors qu’il y avait une tour, un peu comme celle-ci. Dans son rêve, les mages sont des « intouchables » qu’on ne peut pas tuer. Enfin, il évoque cette histoire de chantage mais explique aussi avoir été éjecté du rêve avant d’en apprendre plus. Alors, il propose au Grand Maître de retourner dans les rêves d’Athlee afin de lui en rapporter le contenu. Mais le Grand Maître n’est pas intéressé. Veut-il le Masque de Morphée ? Non, heureusement ! En fait, Haze le soupçonne de pouvoir lui aussi s’introduire dans les rêves des autres par ses propres moyens. Sentant que les choses peuvent très vite très mal tourner, il déclare être prêt à tout pour pouvoir sortir d’ici vivant. Alors, qu'attend-on de lui ?
D’une part, le Grand Maître exige qu’Haze renonce à s’occuper des affaires d’Athlee. Ensuite, il explique qu’il y a de nombreux rêveurs à Kingsport. Et certains sont dangereux. Alors, Haze aura la vie sauve s’il met le le Masque de Morphée au service du Second Congrès. Haze s’empresse d’accepter, oubliant la malédiction qui le frappe. Le Grand Maître semble satisfait. Et c’est ainsi que Haze promit de créer la plus grande frayeur possible à un certain Neil King, que ce dernier comprenne que le Second Congrès n’est pas de ces organisations sur les plates-bandes desquelles on peut se permettre de marcher. Ça, Haze l’avait déjà compris…
Haze s’endort et se réveille… à Kingsport. Neil King rêve donc de Kingsport. Et c’est alors qu’il fait le lien entre le nom de sa « cible » et celui de la ville. Toutefois, à quoi rêve Neil ? Et d’ailleurs, fait-il même partie de son rêve ou n’en est-il que le spectateur ? Si King rêve de Kingsport, peut-être est-il possible de le trouver tout simplement chez lui. Mais, dans l’immédiat, Haze constate qu’il se trouve dans un vieil immeuble abandonné. Est-ce que, par hasard, il s’agirait de celui de Neil ?
Il n’y pas de Neil King sur aucune des étiquettes des boites aux lettres. Toutefois, Haze reconnaît un nom. Ryan Butler, un antiquaire. Haze le connaît car il a la mauvaise réputation d’être un menteur pathologique. Aussi, il a tenté de revendre à des collectionneurs d’objets occultes des bibelots sans valeur. Autant dire qu’il n’est pas très bien vu. Et si King est dans le collimateur du Second Congrès, il a peut-être déjà eu à faire à Butler. A-t-il un compte à régler avec l’antiquaire pour avoir ainsi délabré son logement ? Quitte à être ici, autant s’en assurer.
La porte de l’appartement n’est pas fermée. L’intérieur est spacieux, d’autant plus qu’il n’y a quasiment pas, ou plus, de meubles. Toutefois, il règne là une chaleur excessive et désagréable. Haze fouille mais ne trouve rien. Il lui vient alors une idée. Par endroit, le papier peint se décolle. Aussi, il en arrache des pans entiers. Il se concentre et tente de suffisamment altérer le rêve de King pour que, derrière ce papier peint, il puisse trouver la porte de la tour qu’il a vu dans le rêve d’Athlee !
Mais point de porte ! Là , il y a en fait un énorme chiffre peint en noir. Le chiffre 1 ! Haze ne comprend pas et se retourne. Derrière lui se tient un homme, manifestement un membre du Second Congrès. Haze lui sourit, se considérant et le considérant du coup comme un allié puisqu’il est ici en mission pour leur Grand Maître. Mais l’homme ne sourit pas. Il y a un problème. Cet homme n’est pas un rêveur comme lui. C’est un « habitant du rêve de King ». Et pour lui, les membres du Second Congrès sont des ennemis.
Haze n’a que peu d’expérience en tant que rêveur mais il sait que bien des choses sont possibles ici. Il n’a rien d’un mage puissant dans le monde de l’éveil, il ne connaît pas de sorts ni de rituel, pas encore, mais il peut rêver qu’il en connaît. Alors, il exerce quelques mouvements avec ses mains et modèle l’air devant lui pour le solidifier et le projeter sur son ennemi. Le cultiste est projeté en arrière. Mais il se relève aussitôt et Haze est à son tour projeté contre le mur. Mais cela ne lui convient pas ! Mû par la seule force de sa volonté, Haze reprend sa place et se retrouve à , de nouveau, solidifier l’air devant lui. Cette fois, il n’y aura pas de contre-attaque !
Pas de contre-attaque mais… ce qui arrive est peut-être pire. L’immeuble se met à trembler sur ses fondations et des pans de murs commencent à s’effriter. Mais, à l’encontre de toutes les lois de la physique, les débris s’envolent et révèlent une forêt dense, sombre. Le plancher est bientôt transpercé par des racines et du lierre court sur ce qui reste des murs. Et l’homme, le soi-disant membre du Second Congrès, pousse un hurlement strident. Il rabat sa capuche et son crâne commence à se déformer, à s’allonger vers l’avant pour devenir une sorte de bec alors même que son visage se recouvre de plumes noires. Ce rêve était bien censé devenir un cauchemar, mais pour King, pas pour Haze !
Cet espèce d’oiseau se précipite maintenant sur Haze, toutes griffes en avant. Haze se rappelle du rêve d’Athlee. Il y avait une forêt aussi. Mais elle était… loin ! Aussi, Haze tente de « transformer » ce rêve, de le faire ressembler à celui d’Athlee mais, loin de s’éloigner, la forêt au contraire se rapproche. Et elle peut le faire car elle est… vivante ! Cette forêt est un monstre ! Et Haze connaît ce monstre pour en avoir lu des descriptions par le passé. C’est un Rejeton ! Un Sombre Rejeton de Shub-Niggurath ! Mais qu’est-ce qui peut bien pousser l’antiquaire à rêver de choses pareilles ? Et surtout, comment Haze va-t-il sauver sa peau face à ça ?
Haze pousse alors un hurlement de pure terreur et, involontairement, se tape la tête contre un pan de mur. Un bruit de gong résonne et la forêt disparaît. L’homme-corbeau disparaît aussi. Haze est de retour dans l’appartement abandonné. Là où se tenait le membre du Second Congrès se tient maintenant un autre homme, il ressemble étrangement à l’antiquaire mais pourtant ce n’est pas lui. Dans ses bras, il tient une machine à écrire. Ses touches cliquètent toutes seules. Sa coque vibre et craque bizarrement. L’homme ouvre la bouche :
« J’ai l’honneur de vous présenter Clarck Nova… et elle n’est pas contente… Voulez-vous bien introduire une feuille je vous prie ? »
Alors, Haze s’exécute et regarde les touches cliqueter toutes seules. Quand cela s’arrête, il prends la feuille et lit :
« Le sabre entre les dents, le Régent contre-attaque. Le périple des Affectés unifie les Martyrs Immortels. »
Haze ne comprend rien et regarde le « sosie » de l’antiquaire. Ce dernier lui explique que Clarck Nova parle la Langue des Oiseaux et Haze se rappelle alors une des mises en garde du Grand Maître du Second Congrès : la Langue Putride et la Langue des Oiseaux transformeront le rêve de King en cauchemar. Et, sous ses yeux l’homme se retrouve recouvert de lierre et de racines. Et autour de lui, la forêt reprend ses droits, envahissant chaque recoin de la pièce, chaque recoin du rêve.
Haze pense avoir rempli sa part du contrat. King aura fait un cauchemar et celui-ci sera lié, plus ou moins directement, au Second Congrès. Pour autant, il sent que quelque chose cloche. Alors, au lieu de se réveiller, il s’enfonce dans la forêt. Il cherche quelque chose. Il ne sait pas trop quoi mais pense l’avoir trouvé quand il se retrouve au pied d’un noyer. Et surgissant de derrière le tronc, une femme, ou un homme, il ne sait pas trop. Cette personne lui ressemble, un peu comme le porteur de la machine à écrire ressemblait à l’antiquaire. Elle porte un manteau fait de pans de cuir et de fourrures rapiécés et grossièrement cousus les uns aux autres. Elle porte aussi une toque faite de peau de loup. Elle dit s’appeler la Magicienne. Elle sourit à Haze et lui tend une poignée de Noix, lui expliquant que c’est cela qu’il est venu chercher. Ces Noix, lui dit-elle/il, sont gorgées d’Egrégore et lui permettront d’affermir son Emprise sur l’Eveil de la même façon que dans le Rêve. Avec ces Noix, affirme-t-elle, le monde entier sera comme un rêve…
Haze s’empare des Noix. Maintenant, il peut se réveiller.
Haze est chez lui. Il retire le Masque de Morphée et compte le nombre de Noix présent dans sa main : 8 ! Il se lève et va pour les ranger avec ses autres « produits » quand on frappe à la porte. Mais, le son est distant, lointain. Ne serait-ce pas plutôt chez le voisin qu’on frappe ? Haze regarde à travers le Judas : les murs du couloir sont recouverts de lierre et le sol est terreux, boueux. Pour autant, le couloir est vide.
Haze se demande où il est ? Est-il toujours en train de rêver ? Ou alors, comme le lui a dit la Magicienne, la Noix aurait brisé la frontière entre le rêve et l’éveil ? Comment en être certain ? Pourquoi en être certain ? Toutefois, Haze veut en discuter avec le Grand Maître. Mais, il ne veut pas perdre de temps à aller jusqu’à leur tour. Alors, comme cette tour se trouvait déjà dans un des rêves qu’il a visité, il décide d’utiliser une Noix pour faire venir la tour jusqu’à lui.
Mais rien ne se passe. Ou plutôt, rien ne se passe comme prévu. La tour n’apparaît pas mais, à la place, Haze se sent envahi par la substance contenue dans la Noix. Il est sous l’entière Emprise de cet Egrégore. Il sent… toute la puissance de cette énergie, l’énergie de cette forêt qui n’est qu’une manifestation de l’existence et de la puissance de la Chèvre Noire. Haze sent le pouvoir de Shub-Niggurath couler dans ses veines. Mais ce pouvoir est incommensurable et… incontrôlable. Ce ne peut-être le monde de l’éveil. Ou, s’il est réveillé… on l’a de nouveau plongé dans un cauchemar.
Haze n’a pas fait venir cette tour à lui. Pourtant, il est de nouveau dans cette tour. Il est là , dans ce sous-sol grouillant de rats, face au Grand Maître. Il ne lui laisse pas le temps de dire quoi que ce soit et se jette sur lui ! Il lui arrache son masque et dessous… dessous… un crâne ricanant avec un sabre entre les dents ! Et…
… Et Haze se réveille en sursaut. Il suffoque sous le Masque de Morphée. Il le retire et court jusqu’à la porte d’entrée de son appartement. Il regarde à travers l’œilleton. Pas de forêt mais… un oiseau passe dans le couloir. Un corbeau. Et Haze repense aux mots de Clarck Nova, en Langue des Oiseaux.
« Le sabre entre les dents, le Régent contre-attaque. Le périple des Affectés unifie les Martyrs Immortels. »
Le sabre entre les dents… le Grand Maître serait le « Régent » ? Mais quel est l’objet de cette contre-attaque alors ? Qui sont ces Affectés et ces Martyrs ? Haze devrait peut-être creuser un peu l’histoire du Second Congrès et comprendre en quoi Athlee et King y sont mêlés. Et si, pendant qu’il cherchait l’oubli dans diverses substances toxiques, tout ce que Kingsport comptait d’érudits concernant les affaires occultes étaient entrés en mouvement ? Et si… une sorte de guerre se préparait et que tout ça gravitait autour de Shub-Niggurath ?
Toutefois, Haze a deux problèmes. Il y a toujours cette malédiction qui le ronge et qui risque de le transformer en goule. Mais surtout, depuis sa rencontre avec la Magicienne, il n’est plus du tout certain d’avoir vraiment quitté le monde du Rêve. Alors, les frontières entre le rêve et l’éveil sont-elles devenues poreuses grâce ou à cause de cette Noix ? Ou alors, Haze est-il désormais prisonnier du monde du rêve ?
Haze essaye de réfléchir. Il peut, pense-t-il, trouver des élément de réponses auprès du Grand Maître du Second Congrès, mais aussi chez Athlee et King. Est-ce l’effet de cette Noix, il se sent capable d’affronter le Grand Maître. Quand bien même celui-ci serait également un Rêveur, il devra se soumettre à la volonté de Haze !
Les rues ressemblent à celles de Kingsport. Il ne sont pas nécessairement dans un rêve. Mais pour autant, il n’est plus sûr de rien à ce sujet. Tout peut basculer à tout instant. Mais Haze a pris avec lui son stock de Noix et le Masque de Morphée.
Arrivée, étonnement sans encombre, à la tour du Second Congrès, il demande à être reçu par le Grand Maître. Les serviteurs lui expliquent avec courtoisie que cela ne va pas être possible, tout en refusant de lui donner la moindre explication. Qu’à cela ne tienne, il entend bien forcer le passage et gagner le sous-sol. Les serviteurs tentent de l’arrêter, le suivent dans les escaliers mais Haze courre plus vite, sans pour autant les distancer.
Une fois en bas, dans cette salle grouillant de rats, il assiste, ou plutôt interrompt une cérémonie. Le Grand Maître, armé d’un dague sacrificielle, vient d’énucléer un de ses disciples. Il jette les yeux aux rats et se tourne vers Haze. Derrière son masque, ce dernier devine qu’il est outré de cette interruption. Haze exige des réponses à ses questions ! Le Grand Maître se déclare tout à fait disposé à répondre. Il repose la dague sur un autel et murmure quelques instructions à un autre de ses disciples afin qu’il termine le rituel d’énucléation. Il prend Haze par le bras et le conduit dans les escaliers. Haze lui demande ce que signifie cette phrase : « Le sabre entre les dents, le Régent contre-attaque. Le périple des Affectés unifie les Martyrs Immortels. » Est-il ce fameux Régent ? Qui sont ces Martyrs ? Le Grand Maître sourit et le félicite.
Ils gravissent quelques étages et Haze se demande si cette tour n’est pas plus grande qu’elle en a l’air. Le Grand Maître le fait entrer dans une sorte de petit salon aux murs garnis d’étagères remplies de livres anciens. Il y a là quelques fauteuils confortables et un simple guéridon. Il invite Haze à s’assoir. Oui, Haze a mis le doigt dans quelque chose qui le dépasse. Il s’est éloigné de la sphère occulte il y a un moment maintenant et les choses ont changé. Les luttes d’influence n’ont jamais cessé. En tant que Grand Maître du Second Congrès et au nom de la Flamme Verte, il exerce effectivement les fonctions de Régent en attendant le retour d’Azathoth et de sa cour. Et non, ces mutilations auxquelles il vient d’assister ce sont pas que pure et inutile barbarie. Ces Martyrs sont effectivement destinés à devenir Immortels et à combattre lors de la Grande Bataille à venir. Les Dieux vont de nouveau venir sur Terre et y faire régner le Chaos. Seront-ils alliés ou s’entredéchireront-ils, nul ne le sait, mais il convient malgré tout d’être prêt. Alors oui, il entend bien prendre le pouvoir et exercer cette Régence en attendant le retour du Sultan des Démons, le Maître du Chaos.
« Et Shub-Niggurath ? »
Haze, en effet, ne peut faire l’impasse sur cette divinité à laquelle il a été confronté dans les rêves d’Athlee et King. Le Grand Maître explique que la Chèvre Noire avance elle aussi ses pions dans cette guerre à venir. Et il y a fort à parier qu’elle s’oppose à Azathoth. Selon lui, Athlee et King ne sont pas des serviteurs de Shub-Niggurath mais plutôt des pions involontaires, des vecteurs. Les véritables serviteurs de la Chèvre Noire se serviraient d’eux et utiliseraient non seulement leurs connaissances mais aussi leurs rêves pour permettre à la Chèvre Noire de gagner du terrain et de prendre de l’avance dans cette guerre à venir. Haze ne dit rien mais se demande si ces deux-là n’auraient pas eux-aussi croisé la Magicienne. Leur a-t-elle donné des Noix ? Puis, il se souvient que le Grand Maître est réputé pour être un télépathe. Et il devine qu’il vient de saisir tout ou partie de ses pensées. Alors, autant ne rien cacher. Oui, il a croisé cette Magicienne dont il pense qu’elle est peut-être au service de Shub-Niggurath et, oui, elle lui a donné ces fameuses Noix faisant qu’il ne distingue plus le rêve de l’éveil.
Le Grand Maître ne semble pas fâché de ces révélations. Toutefois, il attend quelque chose de la part de Haze. Quels sont les plans de la Chèvre Noire ? Et Haze réalise qu’on vient de lui demander de jouer le rôle d’espion. Shub-Niggurath utilise le rêve pour gagner du terrain, que Haze en fasse de même pour apprendre le plus possible et donner l’avantage à Azathoth. Qu’il fasse croire à cette Magicienne qu’il est à son service, qu’il s’occupe d’apprendre ce que savent Athlee et King, comment la Chèvre Noire comptait les utiliser, ce qu’elle attendait d’eux… et qu’il lui rapporte tout cela. En échange, que Haze se rassure, cette malédiction ne sera qu’un lointain souvenir quand Azathoth régnera sur la Terre.
De retour chez lui, à Kingsport, Haze ne sait pas s’il rêve ou non. En tout cas, il se voit investi d’une mission. Il ne sait pas vraiment par où commencer. Et il se dit qu’autant reprendre les choses depuis le début, en quelque sorte. Aussi, il décide de retourner chez le bibliothécaire. Sur le trajet, il traque toute trace lui permettant de décider s’il s’agit ou non d’un rêve mais tout a l’air si… réel. En fait, il aurait presque préféré l’inverse. Mais, même s’il avait dû être témoin de quelque d’extravagant, est-ce que cela aurait signifié qu’il était toujours en train de rêver ou seulement qu’il était en train de devenir fou, qu’il était victime d’hallucinations ?
Il tente de nouveau, sans succès, de crocheter la porte de l’appartement du bibliothécaire et se résout finalement à l’enfoncer d’un grand coup d’épaule. A l’intérieur… c’est la forêt ! Et déjà les arbres commencent à se recouvrir d’une sorte de boue ou d’huile noire. Et lui-même voit ses membre s’allonger, se couvrir de poils. Il sent sa barbe pousser en accéléré. Ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar. Alors Haze tente de récupérer le contrôle, si ce n’est du cauchemar, au moins de lui-même. Qu’il redevienne lui-même, celui qu’il était dans ses rêves précédents. Mais rien ne semble arrêter cette transformation. Haze vieillit à vue d’œil, mais pas pour devenir celui qu’il est censé être dans plusieurs années. Non, il devient… quelqu’un d’autre. Et cet autre, il le sent, est monstrueux. Plus jamais ! Non ! Mais rien n’y fait. Et, coincé à l’intérieur de lui-même, Haze assiste impuissant à une scène horrible. Le vieil homme qu’il est devenu se rend dans une salle de bains. Les murs sont humides, le vent s’engouffre par la fenêtre brisée. Dans la baignoire, il y a un enfant. Et Haze se souviendra toute sa vie de ce qu’il n’a pu empêcher ce vieil homme de faire à cet enfant…
Haze veut se réveiller. Il veut en finir d’une façon ou d’une autre. Il a touché le fond. Il ne peut plus que remonter, hein ? Que les choses redeviennent… normales. Si c’est possible. Pas comme avant car ça c’est impossible ; mais au moins, qu’il sorte de cette forêt de malheur ! mais c’est tout le contraire qui arrive ! Haze voulait en savoir plus, pas seulement pour obéir au Grand Maître mais également pour mettre fin à la malédiction qui le transforme peu à peu en goule. Mais maintenant, il veut juste en finir. Sortir de ce cauchemar. Mais comment ? Comment s’en sortir quand tout ce qu’il entreprend se solde systématiquement par un échec ? Et le voilà maintenant coincé à l’intérieur de ce vieil homme, ce monstre. Doit-il se résoudre à n’être que le spectateur passif des horreurs qu’il va commettre ? Y a-t-il la moindre chance que cet être horrible lui apprenne quoi que ce soit d’intéressant ?
Haze a une idée. Peut-être peut-il tuer cet homme… de l’intérieur. Alors, il essaye de le forcer à prendre un couteau et à se trancher la gorge. Mais le vieil homme se met à rire. Et se rire se double de hurlements. Les hurlements de douleur de Haze ! Qu’à cela ne tienne, s’il doit mourir pour s’enfuir, qu’il meurt ! Mais, alors qu’il a l’impression de sombrer dans l’inconscience, trois silhouettes se dessinent à la périphérie de son champ de vision. Il sait, au plus profond de lui-même, qu’elles ne sont là que pour lui. Le vieil homme ne les voit pas. Lui, le vieil homme, continue à rire alors qu’il se tranche méthodiquement la gorge. Les silhouettes se précisent. Elles sont grandes, presque deux mètres, voire plus. Et toutes trois portent des casques faites de plaques d’os. Non ! Ce ne sont pas des casques. Ce sont leurs têtes.
Ces trois Cœlacanthes, car c'est de cela qu’il s’agit, s’approchent. Ils ont un message pour Haze. Ils le condamnent à l’échec, à perpétuité ! Quoi qu’il tente, ce sera voué à l’échec. Il n’y a aucun espoir. Il n’y a rien à chercher, rien à trouver, rien à apprendre, rien à savoir. Pour lui, la seule option est le désespoir, infini, éternel… Et le vieil homme rit. Et les trois Cœlacanthes reculent de quelques pas et observent. Haze se débat, tente de quitter ce cauchemar, de faire en sorte en sorte que cet endroit redevienne normal. Les Cœlacanthes hochent la tête. Haze n’a-t-il pas compris ? Quoi qu’il tente, c’est voué à l’échec. Et, au désespoir, s’ajoute la folie…
Haze se réveille dans le noir. Il hurle. Il veut de la lumière. Il a besoin de lumière. Il veut voir. Il veut savoir. Comme un enfant, comme « cet » enfant, il a peur du noir, des ténèbres. Où est-il ? La lumière s’allume, une lumière faible qui projette des ombres étranges aux murs. Ces ombres, des Cœlacanthes ! Haze se remet à hurler, encore plus fort. Est-il mort ? Est-il en Enfer ? Ce serait peut-être mieux, mieux que cette succession de cauchemars, mieux que la forêt de Shub-Niggurath !
Puis sa gorge n’en peut plus de hurler. Alors, il regarde. Il n’est pas chez lui. Qui a allumé la lumière ? Qui a créé ces ombres ? Il n’y a pas encore assez de lumière. Haze est toujours en danger. Et il voit les ombres se détacher du mur. Les Cœlacanthes sont là , ils sont venus. Et ils vont le ramener, dans la forêt, la forêt du désespoir sans fin…
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UN BEL AVENIR
Deux désespérés engagés par une mystérieuse institution pour une mission étrange et inquiétante liée à des objets historiques. Un récit de partie par Claude Féry.
(Temps de lecture : 3 mn)
cottonbro studios, libre de droits
Joué le : 11/08/20
Le jeu : Veil 2020, un jeu de rôle cyberpunk pbta minimaliste par Fraser Simons
Univers : la forêt de Millevaux
L'histoire :
Camille doctorant en histoire allemande en Sorbonne est engagé avant même de soutenir sa thèse par l'institut pour une psycho histoire. Son petit frère Simon qui vivote de petits boulots de vigile après avoir échoué au concours de Police Judiciaire y est engagé comme gardien de nuit.
Le recrutement se réalise après un entretien avec son fondateur et directeur Sumit Gupta, un riche hindou jovial et un examen médical très détaillé
Dès la deuxième semaine, alors qu'il se balade pour tromper l'ennui, il remarque une tentative d'intrusion dans le parc arboré du complexe et obtient une prime de 500 euros, en récompense de son sérieux.
Son frère Camille consacre ses premiers temps à creuser les éléments de sa thèse.
Deux maîtres chiens sont engagés pour palier la faille de sécurité révélée par Simon.
Ils contrastent avec les chercheurs, qui semblent constituer un groupe multi ethnique d'étudiants attardés.
Deux colosses, ancien militaire ou policier.
Gaëtan l'aîné des deux frères qui travaille dans la sécurité informatique pour une agence gouvernementale, leur envoi des infos sur leurs mats sur les nouvelles recrues. L'ancien de la bac a été remercié après avoir tabassé et rendu paraplégique un clandestin et le second a été remercié sans les honneurs par l'armée fédérale en raison des soupçons qui pesaient sur lui autour de persécutions sur des civils ukrainiens indépendantistes lors d'un déploiement d'interposition.
L'origine des fonds de Sumit Gupta le directeur est trouble.
Dans un second temps il leur affirme qu'autrefois avec sa firme BellTroX il a été à la tête d'un puissant groupe de hackers, avant de disparaître.
Puis BellTroX revient sur le devant de la scène avec la commercialisation du Mat.
Le mandat américain pour espionnage vol de données et rançonnent disparaissent et la toile est soigneusement nettoyée par les services secrets de l'Inde. Gaëtan leur adresse un bot pour nettoyer l'historique de leur Mat.
Peu après, Sumit convoque Camille et exige qu'il rentre en contact avec les objets mémoriels demeurant du mouvement révolutionnaire allemand de 19 pour en retranscrire un témoignage personnel de ce qu'il ressent à leur contact.
Camille refuse et démissionne.
Son frère aussi.
Tout le monde souhaite éviter de sombrer dans la farde.
Chaque prolétaire doit contribuer aux besoins de la communauté, de la ruche.
Les gardiens de la révolution et les commissaires y veillent dans le respect de la prime directive du Grand Frère et de l'Oncle.
Il est vaseux.
La tête lui tourne.
Il appelle Gaëtan. Un petit vieux à la moustache savamment entretenue et maigre comme un clou le colle dans un fauteuil roulant.
C'est trop tôt !
Tu sors à peine de la cuve Samon !
C'est ça de vendre du rêve !
On a déjà raté un cycle !
C'est ça la dure vie de recycleur !
Une nouvelle mission nous attend et l'chef, Sumit Gupta, y s'impatiente !
Vassily les rejoint.
Fin de l'épisode de la phase création de personnages version Veil 2020 et suite demain.
Durée de jeu 2h15.
photo par Claude Féry (par courtoisie).
Thomas :
Un grand merci merci pour ce nouveau retour !
B. Peux-tu nous en dire plus sur Veil 2020 ?
C. Qu'est-ce que le Mat ?
D. Qu'est-ce que ça veut dire "sombrer dans la farde " ?
E. Est-ce que les joueuses ont bien vécu le twist de fin qui annule la fuite des personnages ?
Claude :
B. Variation tendance osr de The Veil
Les carac sont des couples de gammes d'émotions dingo/ paisible par exemple qui oscille entre-2 et jusqu'à concurrence de 5. A ce stade les jets des classiques se font avec désavantage. C'est à dire qu'on ajoute un troisième d6 et on retient les deux résultats le plus faibles.
On coche un pic dans l'opposé de la carac avec laquelle on obtient un 6-.
La joueuse choisit l'émotion dans laquelle est son personnage au moment d'entreprendre l'action et joue les conséquences.
Système létal, 4 à 6 gnons selon la classe avec des dommages à 3d4 voire 4d4 pour les armes lourdes
C. C'est un bracelet d'interface homme machine qui récolte des données pour la ruche et en rend disponibles certaines pour le porteur. Biotechnologie dont le point de contact réel est le fungus qui assure les échanges et colonise son hôte.
D. Devenir un hors caste, un fardeau pour la collectivité.
E. Cette mini série est destinée à ce que nous trouvions un ancrage commun avec Lesly.
De ce point de vue, Xavier est ravi, il est Simon qui a survécu aux sévices infligés par Joey et cherche à oublier le traumatisme en se forgeant une nouvelle identité.
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LA CHASSE AU HORLA
Le chamane doit affronter le horla, quoi que cela le terrorise. La survie de son clan est en jeu. Damien Lagauzère teste un micro jdr solo maison !
(temps de lecture : 6 min)
John Prosper Carmel, domaine public
Joué le 26/03/2020
Le jeu : système maison conçu pour du solo
Univers : la forêt de Millevaux
Le contexte:
J'ai évidemment incorporé Millevaux à mon nouveau solo structuré en partie par Microscope mais, pour le coup, j'en ai aussi profité pour tester un pti système maison pour faire du micro-jdr en solo. si je ne tape pas ma partie en même temps, ça me permet de me faire un pti scénar à 30mn environ. évidemment, c'est loin d'être parfait et tralala mais… ça fait le job ^^
Le système de jeu :
I-Choisir une « ambiance », un univers de jeu, en l’occurrence Millevaux.
II- Créer son personnage :
a-un historique rapide. Il s’agit de déterminer quelques éléments qui viendront nourrir la narration. En effet, dans un scenario lovecraftien, par exemple, on ne trouve pas les mêmes indices de la même façon selon que l’on joue un universitaire ou un détective privé. Dans un contexte d’exploration de donjon, on ne fait pas face à un danger de la même façon selon qu’on joue un voleur ou un guerrier.
b-jeter 3DX+X et répartir le résultat entre le Corps et l’Esprit. X = le nombre de scènes ou manches de la partie. Pour une partie en 6 scènes, on jette des D6, en 10 scènes des D10 etc.
c-prévoir un espace où noter le nombre de D à lancer lors de la Confrontation Finale.
III-Définir une accroche, un début d’histoire : on peut en décider en toute liberté en fonction de l’historique du personnage ou utiliser des outils comme des cartes ou des tables aléatoires.
IV-Prévoir un espace où noter le score de la Menace Finale.
V-Jouer les scènes :
a-une scène ou une manche ne possède pas d’unité de temps prédéfinie. Une scène peut durer quelques instants et une autre s’étendre sur plusieurs heures ou jours. De même, il peut s’écouler quelques minutes ou plusieurs semaines entre deux scènes.
b-jeter 1D6Â :
1-2 : Indice : le personnage trouve un indice qui prend la forme d’un Témoin OU d’une Preuve Matérielle OU d’une Manifestation Étrange, Magique OU la découverte d’un Lieu Spécifique.
jeter 1DX et ajouter le résultat au score de la Menace Finale.
ajouter 1D Ã ceux du PJ en vue de la Confrontation Finale.
3 : Repos : jeter un DX et répartir le résultat entre le Corps et l’Esprit sans dépasser le score initial.
jeter un DX et ajouter le résultat au score de la Menace Finale.
4 : Danger : il s’agit d’une menace physique et/ou magique et/ou psychologique etc. Sa nature dépend du contexte de l’histoire et de l’imagination du joueur.
jeter un DX pour quantifier cette menace et ajouter le résultat au score de la Menace Finale ET répartir ce même résultat entre les caractéristiques de Corps et d’Esprit. Le personnage perd ainsi plus ou moins de points de Corps et/ou d’Esprit selon qu’il est affecté physiquement et/ou psychologiquement par cette menace.
5-6 : Repos (cf 3) OU Se Préparer pour la Confrontation Finale : ajouter un DX à ceux que le joueur jettera lors de la dernière scène.
c-la dernière scène : la Confrontation Finale : narrer les circonstances en fonction du contenu des scènes précédentes.
jeter les DX réservés à la Confrontation Finale et les soustraire au score de la Menace Finale. Répartir la différence entre les points de Corps et d’Esprit. Si le score de l’une ou des deux caractéristiques tombent à zéro ou moins, la partie est perdue. Sinon, le personnage l’emporte.
Confrontation Finale = Résultat du jet du ou des DX récoltés par le joueur durant la partie – Score de la Menace Finale. Répartir le résultat en perte entre les points de Corps et d’Esprit.
Phase de narration = Imagination + respect de la cohérence de l’univers, de l’historique du personnage et du contenu des scènes précédentes.
XxXxX
L’histoire:
La forêt de Millevaux et le domaine et l’avatar de Shub-Niggurath. Elle est le territoire des terribles Horlas, incarnations des peurs et des sombres fantasmes qui animent les hommes.
Là , NoAnde est le shaman du clan des Arbres, une tribu de chasseurs-cueilleurs nomades. Ils doivent traverser le territoire d’un Horla. NoAnde est parti en éclaireur. Il veut trouver le Horla et le contraindre à laisser passer les membres de son clan dans leur causer de tort.
Je compte jouer en 8 Scènes ; je jette 3D8+8 et obtiens un score de 24.
Corps : 10 - 6
Esprit : 14 - 9
Nombre de D pour la Confrontation Finale : 5D8.
Score de la Menace Finale : 22.
Tôt ce matin, NoAnde a quitté le campement provisoire de son clan. Il s’enfonce dans les bois à la recherche du Horla. Il espère que les Esprits des Arbres veilleront sur lui.
Scène I : 5 : Repos ou Préparation. Je choisis la Préparation.
NoAnde marche dans la forêt. Il écoute le chant du vent dans les feuillages et, quand le moment lui semble le plus propice, il enlace un tronc d’arbre, colle son front en fermant les yeux et entonne une prière afin de s’attirer les bonnes grâces des Arbres. Ce Chêne est plusieurs fois centenaires. Ses racines sont profondes et sa sagesse est grande. NoAnde espère que sa prière sera entendue.
Scène 2 : 1 : Indice.
NoAnde est à la recherche de n’importe quelle trace pouvant le mener au repaire du Horla. Celui-ci est un monstre, un chasseur. Aussi, il cherche des cadavres d’animaux ou des traces de luttes. Et il finit par en trouver. Tout d’abord, ce sont des griffures écorchant des troncs, puis des traces de sang. Le vent charrie aussi une odeur de putréfaction. NoAnde remonte lentement la piste.
Scène 3 : Repos (n’ayant pas perdu de points de Corps ou d’Esprit, je ne fais qu’ajouter le résultat du jet au score de la Menace Finale).
Le soleil et les gargouillis dans son estomac lui signifient qu’il est temps de manger. NoAnde s’assoit contre un tronc d’arbre et mange tout en discutant avec l’Esprit du Totem de son clan.
Scène 4 : Indice.
NoAnde remonte ce qu’il croit être la piste du Horla. Il suit les traces de luttes, de chasses. Mais là , il est convaincu d’être tout proche car cette clairière est chargée d’égrégore. Beaucoup plus que le reste des bois. On a pratiqué quelque sorcellerie ici il y a peu. Ce ne peut être que le Horla…
Scène 5 : Indice.
Le vent souffle dans les feuillages. NoAnde comprend la langue de la forêt. Les bois lui parlent et lui disent qu’il se rapproche. La tanière du Horla n’est plus très loin mais… est-ce vraiment une bonne idée que de s’y rendre ?
Scène 6 : Danger.
NoAnde entend bien que les Arbres veulent le protéger mais il s’est engagé auprès de son clan. Et puis, faire un détour prendrait du temps. Son clan serait surpris par l’hiver et il ne peut se permettre de rester coincé dans cette partie des bois. Non ! Ils doivent absolument gagner des territoires plus cléments, et vite.
Mais, alors que NoAnde progresse dans les bois, il est attaqué par une créature. Est-ce un homme ou un animal ? Sa silhouette tordue prête à confusion. Elle est noire de crasse, recouverte de boue et de feuillage. Elle grogne et feule. Elle est corrompue par l’égrégore. Sert-elle le Horla ou ce dernier l’a-t-elle abandonnée là après avoir joué avec comme un chat joue avec une souris ?
NoAnde commence par s’enfuir mais, voyant que cette chose en a toujours après lui, il se réfugie dans les branches d’un arbres après avoir ramassé des cailloux. De là -haut, et alors que la créature entreprend de le rejoindre. Il lui jette des pierres et cet être étrange finit par s’enfuir.
Scène 7 : Indice.
NoAnde attend d’être sûr que le monstre ne lui a pas tendu un piège. Puis, avant de redescendre de son arbre, il entreprend au contraire de monter aussi haut qu’il peut. Et, de là , il voit le domaine du Horla dans toute son étendue. Il se dit qu’il aurait dû y penser plus tôt. Mais il se dit aussi qu’il n’était peut-être pas encore assez près pour la voir. Quoi qu’il en soit, il discerne l’entrée d’une caverne et est maintenant convaincu qu’il s’agit bien de la tanière du Horla. Sans plus attendre, il s’en approche… prudemment tout de même et non sans avoir fait une provision de cailloux.
Scène 8 : la Confrontation Finale.
NoAnde arrive à l’entrée de la caverne. Le silence règne. Les lieux semblent déserts. Sur ses gardes, NoAnde rassemble du bois à l’entrée de la grotte et, frappant deux cailloux l’un contre l’autre, entend allumer un feu. Il espère ainsi suffisamment affaiblir le Horla pour le contraindre à laisser son clan traverser son territoire.
5D8 (24) - 22 = 2
Le Vent est avec lui, il souffle et la fumée s’engouffre dans la grotte. Alors, étouffant, le Horla va pour regagner l’air libre. Mais il est arrêté par les flammes. Il gronde, il rugit, il maudit. A travers la barrière de fumée, NoAnde distingue sa silhouette corrompue, tordue. Il se rappelle la créature qui l’attaqué dans les bois. Le Horla l’avait donc façonnée à son image.
Dans cette clairière sur laquelle s’ouvre la grotte, les Arbres semblent loin mais ils encerclent NoAnde et ce dernier sait qu’ils sont là pour le protéger. Alors il s’avance. Le Horla gronde et le shaman expose sa demande. Il demande l’autorisation pour son clan de traverser le domaine. Le Horla suffoque et accepte. Alors, les branches des Arbres s’agitent et font souffler le vent en direction de la grotte. Quand le rideau de fumée disparaît, l’entrée de la caverne est vide. Le Horla s’est réfugié au fond de sa tanière.
NoAnde n’attend pas et court rejoindre son clan pour reprendre la route. Il espère que le Horla tiendra sa parole.
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UPAS, SOUS LE CIEL DE PARIS
Entre la chaleur oppressante de La Ruche et des expéditions périlleuses, mêlant intrigues technologiques, spirituelles et sociales. Une partie entre Paris et Little Hô, par Claude Féry
Francis Danby - The Upas, or Poison-Tree, in the Island of Java, domaine public
(Temps d'écoute : 1h55 ; temps de lecture : 10 mn)
Joué le : 13/08/2020
Le jeu : Veil 2020, un jeu de rôle cyberpunk pbta minimaliste par Fraser Simons
Univers : la forêt de Millevaux
Lire / télécharger le PDF illustré du récit de partie
L'histoire :
Deux heures de fiction alternant entre Paris 2028 et La Ruche.
Gaétan pousse Samon avachi dans son fauteuil roulant vers les profondeurs de l'Institut.
Si la ruche est imprégnée toute entière d'une moite chaleur, le vieil immeuble est chauffé par sa machinerie débridée.
Dans l'ancienne salle de classe, où trône une machine de Turing, les recycleurs sont rejoints par leur assistant Masao Kido.
Sumit Gupta surgit pour déposer leur pâtée à ses prolétaires avant leur départ. Il rappelle à Masao qu'il est au bord de la farde.
Machine de Turing révisée par un tuyauteur étranger.
Sitôt le chef d'équipe parti, Masao les enjoint, avec déférence, à se laver aux bains publics des sanies de la cuve, tandis qu'il finira la préparation de Blue, l'artifice.
Les bains publics sont aménagés dans une arrière-cour typique de La Ruche. Les façades lépreuses des bâtiments voisins sont gangrenées d’une exubérante masse de liserons et de lierres qui dispensent une fraîcheur bienvenue aux baigneurs. Ici, des serviteurs s’agitent entre les cloisons de bois et de papier de riz. Avec diligence, ils disposent des linges propres et secs, renouvellent les pierres de la cellule de sudation, lavent les linges souillés des visiteurs. Ici, ils servent l’ensemble de la communauté, La Ruche. Ce privilège est offert gracieusement par les Commissaires du Peuple. C’est un moment hors des bousculades incessantes, des mouvements et des cris, du grondement des machines. Ici, et maintenant, est un temps immobile et apaisé, loin du tumulte. La Ruche est tenue à distance par l’agréable grésillement de l’eau fraîche répandue sur les pierres chaudes, le bruissement du feuillage dense au dehors, qui offre un refuge aux baigneurs.
Alors qu'ils se délassent, Samon est abordé par un vieux bonze.
Son physique lui remémore les statuaires de Bouddhas, en bien plus gras, et plus volubile.
Blue, l'artifice, après sa révision par Masao Kido.
Le bonze converse avec le jeune recycleur, sans retenue. Les lobes de ses oreilles, longs et hors de proportion, s’agitent et ponctuent ses paroles. Dans un désordre qui ne rompt pas avec l’éveil inachevé des vendeurs de rêves, le vieux prêtre s’enquiert du voyage auquel se prépare Samon. Sans attendre de véritable réponse, en contradiction avec l’esprit de sa charge, il évoque le fluide qui lui a manqué pour guérir ses semblables et l’a conduit à renoncer à son emploi de guérisseur. Il évoque son espoir de glaner ici, la souillure des âmes qui lui manque pour renouer avec sa vocation. Mais le jeune Samon l’entend à peine. C’est sa sœur qui est en son esprit. Comment échapper à ses cauchemars ? Le prêtre s’est saisi de son poignet et alors qu’il dit le mantra « tout est lié », il marche en songe vers la statue.
Une statue de bouddha, dans une cour intérieure, qu’il rejoint quittant la fraîcheur d’un temple millénaire, dans le soleil gras de la mi-journée. Mais ici, la statue n’est pas celle d’un bouddha, mais celle d’une femme débordée par les pleurs. Une femme entourée de cadavres et d’ombres qui pleure, de la matière noire coule à la commissure de ses lèvres. Le ciel s’est obscurci, est devenu une ténèbre presque palpable.
C’est là sa sœur Lesly, et il est Simon. Elle lui a été arrachée par d’atroces coups de hache, dans les profondeurs d’un laboratoire où le retenait leur créateur Joey.
Le petit hériss’homme quitte les bains hagard sous la surveillance de son équipier Vassily.
Ce dernier prend soin d’essuyer la matière noire qui lui coule aux lèvres et craint de n’avoir attiré l’attention d’un yakuza exécuteur, chargé d’éliminer les fardeaux et autres contaminés.
Paris est toujours surprenante. Depuis l’aube, de sombres nuages s’amoncellent en son ciel et menacent d’un terrible orage, mais rien n’éclate. Seule la moiteur s’insinue partout. Le temps est caniculaire, celui de l’été et pourtant c’est l’automne, bien après la rentrée universitaire. Le « gamin » est seul maître des caprices du ciel et tient à sa merci les métropoles des hommes.
Le métro, malgré les mesures de sécurité liées à la pandémie, et aux masses de réfugiés climatiques qui se pressent aux frontières de la forteresse Europe, est bondé. Un gros homme d’une soixantaine d’années occupe le compartiment, et de ses genoux interdit aux deux frères de s’asseoir sur leurs sièges. Le bonhomme s’agite et répand sa mauvaise sueur, en discutant vivement avec une jeune fille qui pourrait être sa fille. Il a une voix bien timbrée qui porte et la jeune japonaise une voix suraiguë qui érigent le trajet de métro, déjà éprouvant de par les cahots de la voiture et les changements de pression, en une torture pour les deux jeunes gens.
Camille a obtenu un rendez-vous le jour même, jouant du « prestige », dérisoire en ces heures sombres, dont jouissent les membres du bureau des étudiants de Panthéon Sorbonne.
Son état comme celui de son jeune frère a empiré. Leurs joues sont raidies par une infection qui irradie depuis leurs conduits auditifs. Les sons du dehors s’invitent toujours plus fort au-dedans, perçant obscurément le bouchon qui obstrue leurs oreilles.
Le rendez-vous est dans une rue autour de la place d’Italie, dans le quartier asiatique.
Ils s’extraient de la bouche du métro pour tourner en rond au milieu des immeubles modernes et déjà prématurément vieillis. Camille, en bon parisien, se fie à sa connaissance du territoire et tourne inutilement en rond, son MAT n’étant à ses yeux qu’un piètre recours.
Finalement les deux frères parviennent au lieu de leur rendez-vous. Une impasse en bordure de la place, où subsistent quelques rares immeubles de la période haussmannienne. Un immeuble cossu, dont les hauts murs extérieurs s’ornent de lierres et de liserons. À l’intérieur, une jolie cour où une pelouse encore verte malgré les désordres climatiques entoure un petit sanctuaire shinto et une plaisante fontaine s’offre à eux.
À l’intérieur, malgré l’aspect extérieur, l’immeuble est nanti de tous les oripeaux de la modernité et un ascenseur à déclenchement MAT les mène directement au niveau où se situe le cabinet médical. Les couloirs et halls ont conservé leurs dimensions initiales et hors du temps, mais les murs sont blancs immaculés, les sols revêtus de stratifiés clinquants, et des rampes aux plafonds condamnent à l’exil la moindre obscurité. Un Néo surgit de sa ruche et les invite à patienter. Iel recueille avec déférence et force de « san » leurs antécédents médicaux en se connectant à leur MAT, puis regagne sa niche et revient à la première sollicitation du jeune Simon. Celui-ci lui demande si le docteur Jiro Kido qui les recevra est versé en matière noire. Le robot restitue avec un enthousiasme détaché, que seules ces machines savent dispenser avec constance, les récentes découvertes scientifiques en la matière et les attentes autour du retour de la mission des taïkonautes chinois sur la planète rouge. Il perçoit la déception de son auditoire et bogue en ne pouvant satisfaire cet humain aux questions hors contexte pour un robot d’accueil médical.
Face à Camille, sur le mur nu figure un cliché noir et blanc vieillot d’une femme et son enfant sur fond de ruines. Au-dessous est précisé « Jiro Kido_1945 », tant en idéogrammes japonais qu’en transcription européenne.
Le robot regagne son alcôve puis reçoit peu après un appel et les invite à le suivre pour se raviser à un second appel ayant retenti à l’accueil pour les inviter à se rendre par eux-mêmes dans le cabinet du docteur au fond du couloir, la seconde porte à gauche.
Enfin, un japonais svelte, la soixantaine, portant beau, les accueille dans son cabinet austère. Ici les murs sont tendus de noir, d’épais rideaux noirs aussi occultent les fenêtres et en dehors de la console dernier modèle du médecin et de sa table d’examen, seule une étrange sculpture de pieuvre occupe cette grande pièce.
Le médecin les questionne et entreprend de les examiner attentivement, sans grand ménagement pour leur confort par ailleurs. Simon l’interrogeant sur la matière noire, Jiro Kondo lève les sourcils circonspects, et interrompt momentanément son examen. Il se propose de l’évoquer en marge de la consultation, heureux de rencontrer un jeune homme que préoccupent ces questions de sciences, fondamentales pour l’avenir de l’humanité.
Alors soudainement, les rideaux noirs se tendent et escamotent la tête du patricien dans un silence assourdissant. C’est un souffle puissant qui semble surgir et du dehors et des tréfonds de l’immeuble qui agite les deux frères. Une onde de choc puissante qui souffle leurs graisses et assèche leurs oreilles avant que la sirène d’alarme incendie ne tinte faiblement à leurs oreilles éprouvées.
Lorsque resurgit le visage du médecin, il est constellé de morceaux de verre arrachés aux grandes fenêtres que recouvraient les rideaux. Du sang couvre son visage et ruisselle sur son complet sur mesure. Il les invite à quitter la pièce et doit même hausser le ton tant Simon est impressionné par son aspect ensanglanté. Tous se ruent dans le hall d’accueil, mais la cage d’escalier de secours est inaccessible, la porte refusant de s’ouvrir sur les tentatives répétées du praticien.
Ils repartent en bel ensemble, en sens inverse vers le cabinet, où sous les tentures, Jiro ouvre une porte à l’ancienne. Au dehors, c’est un charivari indescriptible, un concert de sirènes d’alarme ébranlées par la secousse, une explosion qui a soufflé les fenêtres de l’immeuble.
Des coups de feu étouffés par la distance retentissent maintenant. Lorsque Jiro referme la porte derrière eux, une lueur vive orangée se dessine dans les interstices ménagées entre la porte et l’huisserie. De la fumée roule sous la porte. Ils empruntent alors un escalier classique haussmannien. Jiro s’arrête après avoir franchi un deuxième palier, essoufflé.
— « Continuez, ce n’est plus de mon âge tout cela… En bas le code pour la porte blindée du labo c’est 1945 ! »
Ils reprennent leur descente effrénée. Une porte s’est ouverte plus haut à la volée. Des bruits de pas précipités plus haut dans l’escalier et bientôt une rafale d’uzi vient faucher le médecin dans sa course.
Simon est devant la porte du laboratoire Kido Bio Medical. Il frappe précipitamment le code et les portes s’ouvrent en chuintant lentement…
Alors qu’ils franchissent le seuil terrorisés, une nouvelle rafale retentit.
Un japonais, que Camille, dans un instant de terreur pure qui l’a figé sur le seuil, reconnaît pour être le chef du poste de sécurité de l’Institut pour une psycho-histoire, vient de lui tirer dessus. Sur son bras, un brassard « police ».
Camille s’effondre à l’intérieur du labo alors que les portes se referment.
Simon est abasourdi et désemparé. Une femme juchée sur des hauts talons surgit. Elle parle du docteur, que ce jeune homme doit recevoir les bons soins du Docteur. Camille grogne qu’il est mort. Alors elle gémit puis s’enfonce dans les profondeurs du laboratoire tandis que Camille s’évanouit.
Derniers préparatifs de l’expédition. Tout le monde s’assemble dans la cave.
La nuit s’immisce de sa fraîcheur.
Chacun revêt sa combinaison. Kwolia veille à ce que chacun soit correctement harnaché.
Blue ouvre la marche et signale l’expédition aux gardiens de la révolution postés dans leurs miradors.
La nuit est déjà installée et un orage sec d’égrégore couve.
Suivant la sente dans la nuit parcourue d’éclairs lumineux, sans que la pluie d’orage ne se déverse, la cohorte progresse lentement.
Enfin, alors que les souliers lestés et les combinaisons épaisses malgré la froidure de la nuit d’orage pèsent tant et trop, chacun en vient à regretter la chaude promiscuité rassurante de La Ruche, la voie de berge s’offre à eux. Longtemps encore, éclairés par le pinceau étroit de leurs lampes frontales, ils peinent parmi les roncières qui envahissent le chemin, pour parvenir au cœur de nuit en vue du bastion, qui marque la frontière. Au-delà s’étendent les eaux lourdes du lac bleu. Masao Kido a traîné derrière eux la pompe.
Maintenant à pied d’œuvre, il convient de plonger dans le lac.
Derrière le scaphandrier, le fanal qui guide l'égaré vers La Ruche.
Gaétan, Samon, Vassily et Kwolia entrent dans l’eau épaisse. Masao pompe avec Blue.
Le sol est traître. Il convient de suivre la marque du chemin d’autrefois, entre les arbres morts de la forêt submergée, ne pas s’en écarter. La forêt est immense et morte dans ces eaux à la couleur si intense, malgré la nuit. Leur progression est lente et très désagréable.
Aux premières lueurs de l’aube, ils parviennent dans la vallée de l’éternel retour. Ici la lumière a dissout les acides et autres matières qui alourdissent l’eau. La forêt nage sous ces eaux, avec d’étranges poissons.
L’air est devenu de plus en plus rance.
Il est temps de faire surface. Le groupe s’agglutine dans le sas et entreprend la remontée.
Les fleurs grises annoncent la flore du plateau.
Sur la hauteur à l’abri d’une petite forêt, le sas débouche dans les ruines d’un village d’autrefois. Ici tout semble apaisé, hors du temps. Nous abandonnons nos scaphandres et chaussons nos sabots et revêtons les chemises larges que portent les habitants du lieu.
La vie a repris ses droits, mais au-delà de cet étroit havre de paix, ce refuge inespéré, s’étend la cendre grise qui a mué en grisaille les fleurs qui nous ont accueillis dans le sas.
Au-delà de la ligne de crête, une étendue grise et maussade, dont l’uniformité est seulement rompue par la silhouette à l’horizon, encore indistincte du Spomenik.
Le sol ici aussi est traître. Sous la cendre grise, des monceaux de débris rouillés du temps jadis guettent le marcheur imprudent. Désormais, Gaétan ferme la marche et nous guide aux miaulements itératifs des impacts radioactifs sur son compteur Geiger.
Nous avançons très lentement, tels des escargots à la peine dans une mer de sel.
Autour, tout est mort, gris, cassant, désespérant.
Après avoir dépassé la masse grise de béton égarée au milieu de cette immensité stérile, notre nouveau cap est un arbre isolé qui pointe à l’horizon.
Un arbre qui ne manque pas de débusquer un souvenir chez Vassili, un tableau d’un certain Francis qui ornait un cabinet cossu.
Un arbre pareil aux arbres qui poussent ailleurs, mais là isolé.
À son ombrage, nous contemplons une nature apaisée.
Nous sommes libérés des impacts incessants. Gaétan remise son compteur et s’adosse à l’arbre.
Upas de Francis Danby.
Kwolia cueille des feuilles. Ensemble, nous mangeons la feuille amère pour convoquer des souvenirs.
Kwolia affirme que nous étions amis au-delà de l’Institut.
Ensemble, nous renouons un pacte, mêlant nos coulures de matière noire que sont devenues nos mains, en entonnant le mantra « tout est lié ».
(partie du 13/08/20) Suite jouée ce soir
Deux heures de fiction alternant entre Paris 2028 et La Ruche.
Gaetan pousse Samon avachi dans son fauteuil roulant au sein de l'Institut.
Si la ruche est imprégnée toute entière d'une moite chaleur, le vieil est chauffé par sa machinerie débridée.
Dans l'ancienne salle de classe, ou trône une machine de Turing, les commandos sont rejoints par leur assistant Masao Kido.
Sumit Gupta surgit pour déposer leur paté à ses prolétaires avant leur départ. Il rappelle à Masao qu'il est au bord de la farde.
Sitôt le chef d'équipe parti, Masao les enjoints à se laver aux bains publics des sanies de la cuve tandis qu'il finira la préparation de Blue, l'artifice.
Alors qu'ils se délassent, Samon est abordé par un vieux bonze.
Son physique lui rappelle les statuaires de Bouddhas en plus gras et plus volubile.
Photo : Claude Féry (par courtoisie).
Thomas :
D. J'adore le concept de "hériss'homme"
E. J'aime beaucoup l'ambiance de ce Paris une seconde dans le futur, où Millevaux gagne du terrain.
F. C'est sympa de vous voir continuer l'alternance entre deux réalités, deux histoires, deux mondes.
G. J'adore la légende de l'Upas et de ses supposées vapeurs toxiques. Je l'intègre aussitôt dans le lore de Millevaux :slight_smile: Merci pour la découverte !
Claude :
F. Gabrielle apprécie, mais je ne sais pas encore si cette dynamique peut être pérenne et ne remettra pas en cause notre immersion à un certain stade.
A trois, sans Alex donc, nous avions envisagé de pousser plus encore le curseur en jouant une session avec Cobwebs.
E. Pour cet aspect nous intégrons des éléments de nos vies. Les prénoms sont les troisièmes prénoms des garçons et le cursus universitaire est celui auquel se destine effectivement Gabrielle. Le domaine d'activité de Gaétan est voisin du domaine d'études actuelles de Mathieu. Je pense que cela confère beaucoup de cohérence à ce protho Millevaux, qui en devient extrêmement inquiétant, notamment pour Xavier.
Thomas :
A. Super ambiance Little Hô-Chi-Minh-Ville dans cet intro !
Quelques remarques après écoute :
A. Quand le PNJ attrappe avec sa pince du tout est lié, vous l’avez fait en convergence ?
B. Super la description post réchauffement climatique de Paris
C. Le poussah dans le métro parisien est-il une réincarnation du bouddha vu en rêve ?
D. Intéressant d’accentuer le côté Chinatown du 13è, on se morphe avec Little Hô
E. Le PNJ Jiro Kando est-il une réincarnation du Jiro Kando historique ?
F. Xavier a pas eu trop peur dans les scènes de fusillade ?
G. Trop sympa le concept de forêt sous les eaux
H. Trop chelou l’épisode du chewing gum :)
Claude :
A. Oui
C. Oui
E. Son fils, avec des traitements pour maintenir sa jouvence
F. Au début énormément, mais Il a pris graduellement de l'assurance. L'aspect vraisemblable de la scène l'a grandement impressionné. L'émergence du fantastique l'a rassuré, Alex aussi.
H. Ils n'ont pas mâché le chewing-gum improvisé fait d'anciennes feuilles utilisées avec Sève, moi oui... :yum:
Hors ligne
PERCÉE
Suite du morphing de destins entre Paris et Little Hô Chi Minh Ville, quand la matière noire progresse et que les choses deviennent de plus en plus métaphoriques. Un récit de partie par Claude Féry
Temps de lecture : 5 mn
Internet Archive Book Images, libre de droits
Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).
Joué le : 16/08/2020
Le jeu : Veil 2020, un jeu de rôle cyberpunk pbta minimaliste par Fraser Simons
Univers : la forêt de Millevaux
Lire/télécharger le PDF illustré du récit de partie
L'histoire :
(Percée) Aujourd'hui, avec Xavier, Alexane, @A.l.e.x/A.l.i.x , et Gabriel, @Le cri rouge , nous joué une nouvelle session vers La forêt aux Chimères, intitulée Percée.
1h55 de fiction, toujours entre notre Paris hantée et la forêt aux Chimères.
Percée
1h55 de fiction, toujours entre notre Paris hantée et la forêt aux Chimères.
Système de résolution Veil 2020.
Lesly a rejoint les recycleurs réfugiés sous leur Upas.
Elle a ressenti, dans sa chair, les fluctuations de lumière noire suscitées par le pacte scellé par les trois prolétaires.
Curieusement, Vassily est ressorti profondément affaibli du rituel.
Kwolia s'en inquiète mais le radio le repousse.
Lesly est hésitante et circonspecte.
Doit-elle renouer avec Samon, ce héris'homme en qui elle voit son frère défunt Simon ?
Doit-elle accepter l'aide envahissante du jeune Kwolia ?
Elle les flaire, joue sans comprendre les règles au jeu du cercle avec Kwolia, pour que Simon la brusque tout soudain de questions auxquelles elle ne souhaite pas répondre.
Elle éprouve confusément la faiblesse qui habite l'épaule de Vassily, mais elle ne peut se résoudre à baisser sa garde.
Elle a tant souffert sous le carcan que lui imposèrent les …?????
Lesly
Kwolia
Elle est enfin parvenue, au terme de tant de privations et de souffrances, à recouvrer sa liberté, brûlant ses pieds dans la poussière des temps enfouis, ce n'est pas pour bêtement ployer l'échine pour quelques jeux espiègles.
Kwolia cueille quelques colchiques dont il extrait la sève et lui donne à boire.
Elle se laisse convaincre et alors que l'amertume peine encore à quitter sa bouche, la douleur qui a conquis ses pieds s'évanouit.
Le gamin lui tresse une couronne de fleurs blanches et veut ensuite la convaincre qu'elle détient le secret de l'eau pure dont ils manquent tous ici, sur cette faigne vouée à la mort.
Il parvient à l'attendrir et ajuste sa couronne.
Ainsi elle ressemble à sa mère et déjà moins à une jeune fille tombée dans la farde.
Sa main s'attarde sur son poignet et ses yeux s'écarquillent alors qu'il semble lire en elle.
Xavier joue Simon et Samon
Il l'a vue en rêve dresser la nue, essorer les nuages après les avoir capturés d'une corde tressée d'herbes et de fleurs.
Elle se souvient l'avoir croisé dans La Ruche. Un carcan la contraignait, l'avilissait, retenue par une chaîne à un odieux ?????.
colchiques
Là , dans la maison de thé, au milieu des vieillards, Kwolia a profité de l'inattention de son maître pour régaler un vieux bonhomme racorni. Puis redoublant d'audace et risquant de choir en la farde, il l'a habilement régalée au passage.
Ainsi convaincue de sa bienveillance, Lesly a accepté de mâcher l'amère feuille d'upas pour plonger dans l'illusion de dresser la nue.
faigne
Paris,
Dans une réalité outragée d'un déluge de violences,
Simon regarde son frère Camille évanoui, l'épaule ensanglantée.
Une trace de sang macule le hall blanc du laboratoire dont il ignorait encore tout quelques instants auparavant.
Les pas de la laborantine se sont évanouis dans les profondeurs du laboratoire.
Une odeur de métal en fusion envahit ses narines.
Un chalumeau dessine un L inversé sur l'envers du sas.
Ses yeux s'attardent sur un MAT de première génération, massif et encombrant, qui repose sur la console d'accueil.
Des brindilles tissent des arabesques de fumée d'où s'échappe une diablotine : Lesly.
Elle fustige aussitôt, narquoise, l'indécision de son frère qui pleure son sort.
Il pleure des larmes de matière noire.
Elle hésite, plus sérieuse, pénétrée de l'enjeu pour elle.
Soigner l'épaule de Camille et mêler sa chair et ses souvenirs à sa matière noire ou endiguer l'avancée du chalumeau ?
Camille répond à la porte.
Elle recueille les larmes noires de son frère et colmate les atteintes du sas. Elle rebouche tout et provoque une explosion de l'autre côté de la porte en projetant les restes de larmes en une boule massive.
À nouveau, elle hésite.
Lesly, (C) Alex Begyn
Derrière, elle perçoit la présence de l'?????, cause de ses tourments.
Son cœur et son esprit luttent.
De la rage, de la haine, de la frustration se déversent de son cœur vers ses membres.
Elle délaisse Camille et se rue nantie du code que lui donne Camille.
Derrière la porte, en tenue d'assaut, un commando la menace de son uzi.
Elle s'en empare en un souffle et le canon de l'arme fond et se mêle à la main de l'homme qui s'effondre en se tordant de douleur.
Derrière lui, sa némésis, l'?????, descend les marches vers elle, un katana brandi.
Elle bondit vers lui, portée par sa rage, et lui arrache le cœur.
Elle le tient dans sa main sculptée de matière noire, celle perdue dans l'arène aux Chimères.
Alex joue Lesly
Plus haut, quatre soldats la menacent de leurs fusils d'assaut.
Elle est sous l'arbre. Elle sent le cœur encore chaud sous son sarrau. Elle rêve de le dévorer, mais elle ne peut pas le faire sous les yeux de Kwolia qui tente de la convaincre qu'elle a bu aux nuages pour survivre à la faigne de cendres.
Non, elle ne le peut pas.
Mais elle a besoin de cette force pour éliminer les autres.
Non, trois la menacent, et un tire par les cheveux un gamin, Kwolia.
Celui-ci lui mord la main et dévale les marches.
L'homme tire.
Lesly interpose sa main de matière noire, mais la balle la perce, l'inonde de douleur et emporte la cervelle de Kwolia au bas des marches.
Camille répand la matière noire en lui.
Il s'éveille.
Il est Camille, Vassily et le laboratoire, tout cela à la fois.
Le Laboratoire Kido Bio Medical grille l'électronique des commandos.
Ces derniers balancent leurs casques et visières et remettent en joue Lesly.
Alors, Simon rageusement joue à Mario sur sa console pour conjurer la peur et la folie, et hip, hop, bazarde la clique qui se transforme en pièces qui dégringolent les marches.
Mais non, sa main, cette matière noire, cette douleur... à quoi bon si Kwolia est mort ?
La porte se referme sous le crépitement des balles et Lesly s'effondre dans le hall du labo à la suite de Kwolia sauf.
Fin de la session
Gabrielle joue Camille et Vassily
Bilan :
Nous avons utilisé le système Veil 2020, et, une fois n'est pas coutume, nous avons utilisé nos dés à plusieurs reprises.
Nous avons utilisé une opportunité de relance offerte par le système à une joueuse ayant essuyé un échec, pour jouer un flash forward et revenir ensuite en flash-back sur notre opposition. Chacune des phases a été jouée et Kwolia est mort puis a dévalé les marches pour retenir Lesly grièvement blessée.
Toute notre histoire aurait certes pu être le fruit d'instances successives d'Inflorenza, mais la souplesse et l'orientation émotionnelle du système Veil 2020 nous a soutenu, nous a enjoint à une forme d'inventivité au rythme vif.
En tant qu'arbitre j'ai beaucoup apprécié.
En prime la partie a épousé le changement de rythme, l'accélération prévue par Little Hô-Chi-Minh-Ville.
Un autre aspect très agréable de la session est la dimension d'interprétation qu'a adopté @A.l.e.x/A.l.i.x.
Cela ne sera pas manifeste à l'enregistrement, mais Alexane a vraiment investi le personnage de Lesly, nous fkairant par exemple.
Ce n'est pas du à Veil 2020 ni à une préparation non préparation commune de la session, mais à son choix assumé de jouer en profonde immersion son personnage et d'investir la dimension corporelle en mode semi GN.
Cobwebs est un jeu procédural, comportant trois rôles, l'ombre, une personne disparue, the darling celle qui la recherche et the machine qui assure la dynamique de l'histoire.
Le jeu consiste à rechercher un ou une disparue volontaire ou involontaire, avec un système de résolution qui gère l'érosion des motivations.
Le jeu peut se jouer avec deux darlings ayant des motivations différentes.
Lesly, (C) Alex Begyn
Thomas :
Trop marrant le sujet de Cobwebs, parce que je viens juste de développer un concept : les forêts profondes. En fait, c'est la partie des forêts limbiques la plus éloignée de la réalité, la plus abyssale, la plus cauchemardesque, quasiment sans espoir de retour, et j'imaginais qu'on puisse l'explorer à la recherche d'un proche disparu.
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PERCÉE
Suite du morphing de destins entre Paris et Little Hô Chi Minh Ville, quand la matière noire progresse et que les choses deviennent de plus en plus métaphoriques. Un récit de partie par Claude Féry
Temps de lecture : 5 mn
Internet Archive Book Images, libre de droits
Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).
Joué le : 16/08/2020
Le jeu : Veil 2020, un jeu de rôle cyberpunk pbta minimaliste par Fraser Simons
Univers : la forêt de Millevaux
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L'histoire :
(Percée) Aujourd'hui, avec Xavier, Alexane, @A.l.e.x/A.l.i.x , et Gabriel, @Le cri rouge , nous joué une nouvelle session vers La forêt aux Chimères, intitulée Percée.
1h55 de fiction, toujours entre notre Paris hantée et la forêt aux Chimères.
Percée
1h55 de fiction, toujours entre notre Paris hantée et la forêt aux Chimères.
Système de résolution Veil 2020.
Lesly a rejoint les recycleurs réfugiés sous leur Upas.
Elle a ressenti, dans sa chair, les fluctuations de lumière noire suscitées par le pacte scellé par les trois prolétaires.
Curieusement, Vassily est ressorti profondément affaibli du rituel.
Kwolia s'en inquiète mais le radio le repousse.
Lesly est hésitante et circonspecte.
Doit-elle renouer avec Samon, ce héris'homme en qui elle voit son frère défunt Simon ?
Doit-elle accepter l'aide envahissante du jeune Kwolia ?
Elle les flaire, joue sans comprendre les règles au jeu du cercle avec Kwolia, pour que Simon la brusque tout soudain de questions auxquelles elle ne souhaite pas répondre.
Elle éprouve confusément la faiblesse qui habite l'épaule de Vassily, mais elle ne peut se résoudre à baisser sa garde.
Elle a tant souffert sous le carcan que lui imposèrent les …?????
Lesly
Kwolia
Elle est enfin parvenue, au terme de tant de privations et de souffrances, à recouvrer sa liberté, brûlant ses pieds dans la poussière des temps enfouis, ce n'est pas pour bêtement ployer l'échine pour quelques jeux espiègles.
Kwolia cueille quelques colchiques dont il extrait la sève et lui donne à boire.
Elle se laisse convaincre et alors que l'amertume peine encore à quitter sa bouche, la douleur qui a conquis ses pieds s'évanouit.
Le gamin lui tresse une couronne de fleurs blanches et veut ensuite la convaincre qu'elle détient le secret de l'eau pure dont ils manquent tous ici, sur cette faigne vouée à la mort.
Il parvient à l'attendrir et ajuste sa couronne.
Ainsi elle ressemble à sa mère et déjà moins à une jeune fille tombée dans la farde.
Sa main s'attarde sur son poignet et ses yeux s'écarquillent alors qu'il semble lire en elle.
Xavier joue Simon et Samon
Il l'a vue en rêve dresser la nue, essorer les nuages après les avoir capturés d'une corde tressée d'herbes et de fleurs.
Elle se souvient l'avoir croisé dans La Ruche. Un carcan la contraignait, l'avilissait, retenue par une chaîne à un odieux ?????.
colchiques
Là , dans la maison de thé, au milieu des vieillards, Kwolia a profité de l'inattention de son maître pour régaler un vieux bonhomme racorni. Puis redoublant d'audace et risquant de choir en la farde, il l'a habilement régalée au passage.
Ainsi convaincue de sa bienveillance, Lesly a accepté de mâcher l'amère feuille d'upas pour plonger dans l'illusion de dresser la nue.
faigne
Paris,
Dans une réalité outragée d'un déluge de violences,
Simon regarde son frère Camille évanoui, l'épaule ensanglantée.
Une trace de sang macule le hall blanc du laboratoire dont il ignorait encore tout quelques instants auparavant.
Les pas de la laborantine se sont évanouis dans les profondeurs du laboratoire.
Une odeur de métal en fusion envahit ses narines.
Un chalumeau dessine un L inversé sur l'envers du sas.
Ses yeux s'attardent sur un MAT de première génération, massif et encombrant, qui repose sur la console d'accueil.
Des brindilles tissent des arabesques de fumée d'où s'échappe une diablotine : Lesly.
Elle fustige aussitôt, narquoise, l'indécision de son frère qui pleure son sort.
Il pleure des larmes de matière noire.
Elle hésite, plus sérieuse, pénétrée de l'enjeu pour elle.
Soigner l'épaule de Camille et mêler sa chair et ses souvenirs à sa matière noire ou endiguer l'avancée du chalumeau ?
Camille répond à la porte.
Elle recueille les larmes noires de son frère et colmate les atteintes du sas. Elle rebouche tout et provoque une explosion de l'autre côté de la porte en projetant les restes de larmes en une boule massive.
À nouveau, elle hésite.
Lesly, (C) Alex Begyn
Derrière, elle perçoit la présence de l'?????, cause de ses tourments.
Son cœur et son esprit luttent.
De la rage, de la haine, de la frustration se déversent de son cœur vers ses membres.
Elle délaisse Camille et se rue nantie du code que lui donne Camille.
Derrière la porte, en tenue d'assaut, un commando la menace de son uzi.
Elle s'en empare en un souffle et le canon de l'arme fond et se mêle à la main de l'homme qui s'effondre en se tordant de douleur.
Derrière lui, sa némésis, l'?????, descend les marches vers elle, un katana brandi.
Elle bondit vers lui, portée par sa rage, et lui arrache le cœur.
Elle le tient dans sa main sculptée de matière noire, celle perdue dans l'arène aux Chimères.
Alex joue Lesly
Plus haut, quatre soldats la menacent de leurs fusils d'assaut.
Elle est sous l'arbre. Elle sent le cœur encore chaud sous son sarrau. Elle rêve de le dévorer, mais elle ne peut pas le faire sous les yeux de Kwolia qui tente de la convaincre qu'elle a bu aux nuages pour survivre à la faigne de cendres.
Non, elle ne le peut pas.
Mais elle a besoin de cette force pour éliminer les autres.
Non, trois la menacent, et un tire par les cheveux un gamin, Kwolia.
Celui-ci lui mord la main et dévale les marches.
L'homme tire.
Lesly interpose sa main de matière noire, mais la balle la perce, l'inonde de douleur et emporte la cervelle de Kwolia au bas des marches.
Camille répand la matière noire en lui.
Il s'éveille.
Il est Camille, Vassily et le laboratoire, tout cela à la fois.
Le Laboratoire Kido Bio Medical grille l'électronique des commandos.
Ces derniers balancent leurs casques et visières et remettent en joue Lesly.
Alors, Simon rageusement joue à Mario sur sa console pour conjurer la peur et la folie, et hip, hop, bazarde la clique qui se transforme en pièces qui dégringolent les marches.
Mais non, sa main, cette matière noire, cette douleur... à quoi bon si Kwolia est mort ?
La porte se referme sous le crépitement des balles et Lesly s'effondre dans le hall du labo à la suite de Kwolia sauf.
Fin de la session
Gabrielle joue Camille et Vassily
Bilan :
Nous avons utilisé le système Veil 2020, et, une fois n'est pas coutume, nous avons utilisé nos dés à plusieurs reprises.
Nous avons utilisé une opportunité de relance offerte par le système à une joueuse ayant essuyé un échec, pour jouer un flash forward et revenir ensuite en flash-back sur notre opposition. Chacune des phases a été jouée et Kwolia est mort puis a dévalé les marches pour retenir Lesly grièvement blessée.
Toute notre histoire aurait certes pu être le fruit d'instances successives d'Inflorenza, mais la souplesse et l'orientation émotionnelle du système Veil 2020 nous a soutenu, nous a enjoint à une forme d'inventivité au rythme vif.
En tant qu'arbitre j'ai beaucoup apprécié.
En prime la partie a épousé le changement de rythme, l'accélération prévue par Little Hô-Chi-Minh-Ville.
Un autre aspect très agréable de la session est la dimension d'interprétation qu'a adopté @A.l.e.x/A.l.i.x.
Cela ne sera pas manifeste à l'enregistrement, mais Alexane a vraiment investi le personnage de Lesly, nous fkairant par exemple.
Ce n'est pas du à Veil 2020 ni à une préparation non préparation commune de la session, mais à son choix assumé de jouer en profonde immersion son personnage et d'investir la dimension corporelle en mode semi GN.
Cobwebs est un jeu procédural, comportant trois rôles, l'ombre, une personne disparue, the darling celle qui la recherche et the machine qui assure la dynamique de l'histoire.
Le jeu consiste à rechercher un ou une disparue volontaire ou involontaire, avec un système de résolution qui gère l'érosion des motivations.
Le jeu peut se jouer avec deux darlings ayant des motivations différentes.
Lesly, (C) Alex Begyn
Thomas :
Trop marrant le sujet de Cobwebs, parce que je viens juste de développer un concept : les forêts profondes. En fait, c'est la partie des forêts limbiques la plus éloignée de la réalité, la plus abyssale, la plus cauchemardesque, quasiment sans espoir de retour, et j'imaginais qu'on puisse l'explorer à la recherche d'un proche disparu.
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LE VOYAGE DES OMBRES ET DES RÊVES
Alors que les couleurs de l'automne font place à la neige de l'hiver, nous savons que les Géants entreront bientôt en hibernation. Nous voyageons avec un de ces Géants, le gardant en sécurité pendant son voyage pour se rassembler avec d'autres comme lui. Un récit de partie solo par Damien Lagauzère !
Paul VanDerWerf, cc-by
(temps de lecture : 7 min)
Joué le 28/08/2020
Le jeu : L’automne des géants, par Melody Saturn, un jeu de rôle feegood pour escorter un géant ami.
Univers : la forêt de Millevaux
L’histoire:
Je m'appelle NoAnde. Je suis, ou j'étais, le chamane de mon clan, le chef d'une armée de Rêveurs au service d'un dieu extérieur du nom d'Ojiakw-A'nihlea'. Cette divinité vit avant tout dans le Rêve. Elle y a établi son royaume qu'elle accroît en partant à la conquête des rêves de ses victimes et des victimes que nous lui offrons. Ojiakw-A'nihlea' sait être reconnaissant. Ainsi, mon dieu m'a remis l'« Armée de la Foi », une couronne qui me permet de convoquer et contraindre un rêveur à me faire don de ses capacités oniriques.
Je vis dans la forêt de Millevaux, domaine et avatar de la Chèvre Noire des Bois aux Mille Chevraux. C'est dans ce monde cauchemardesque que nous nous sommes trouvés avec Ojiakw-A'nihlea'. Mais ses ennemis m'ont trouvé aussi et m'ont fait payer cher mon allégeance. Ainsi, mon clan fut décimé. Ainsi, Ojiakw-A'nihlea' m'a abandonné. Je suis seul maintenant. De l'« Armée de la Foi » je n'ai plus que cette couronne inutile puisque mon armée de rêveurs n'est plus !
Abandonné, seul, que puis-je faire dans cette forêt qui, je le sens, ne veut plus de moi ? Ithaqua, comme chaque année, s'invite dans la forêt. Il va la recouvrir de neige. Certains Horlas n'aiment pas le froid et préfèrent passer cette saison à dormir. Alors, pour ne pas être seul, je me propose de conduire l'un d'eux vers sa demeure hivernale.
Cette Linvenn, que certains appellent aussi Mort Lente, est énorme. Elle est composée principalement de terre, de branches, de racines... mais aussi de rocaille, de chair et de sang. Ce type de Horla n'a pas de forme propre. On pourrait dire que c'est un ensemble de filaments qui s'insinue dans toute matière et ne cesse de croître en absorbant toute forme de vie. On dirait qu'elle me tolère à ses côtés. Pour l'instant, elle n'a pas tenté de m'absorber. Pour l'instant...
Si ce qui pourrait me symboliser le mieux est cette couronne, seule relique qui me reste des batailles oniriques que j'ai mené au nom d'Ojiakw-A'nihlea', je crois que la forêt est ce qui symboliserait le mieux ce Linvenn. Ou alors, est-ce lui qui serait plutôt un symbole de la forêt ? Millevaux, avatar de Shub-Niggurath et ce Linvenn, avatar de Millevaux...
Je m'enfonce dans les sous-bois à la recherche d'un endroit où passer l'hiver. Non pas que je déteste Ithaqua mais... le froid ne me réussit pas. Cette frêle créature me suit depuis peu. Je ne sais pas ce qu'elle me veut. Je n'ai pas faim. Pour l'instant...
J'ai peur. J'ai peur que le Linvenn ne s'en prenne à moi. Pourtant, je fais le choix de l'accompagner. Je ne fais pas que le suivre. Je l'accompagne. Il n'a pas besoin de moi pour veiller sur lui et il ne veillera pas sur moi. Pourtant, nous marchons ensemble.
Nous traversons la forêt, nous nous enfonçons dans les sous-bois. Je sais, ou crois savoir, que la Mort Lente cherche un endroit chaud pour passer l'hiver... ou un endroit propice pour « changer de forme » et devenir un Horla plus puissant. Mais moi, que vais-je trouver dans ces sous-bois ? Que cherchè-je ? Vais-je moi aussi juste trouver un endroit ou passer l'hiver au chaud ou un lieu propice pour devenir autre chose ? Sont-ce de « simples » sous-bois ou bien le Linvenn m'accepte à ses côtés car il sait, il veut, que je découvre quelque chose ? Sur moi ? Que je devienne autre ? Je ne sais pas. Ce voyage a-t-il vraiment un but ? Je doute. Et le seul moyen de me délivrer de ce doute n'est-il pas d'aller au bout du voyage, au plus profond des bois ?
Ce soir, la petite créature allume un feu de camp. Nous avons cela en commun de ne pas aimer le froid. Je la laisse faire. Elle me parle. Elle me parle d'elle. Je n'ai pas prévu de m'en nourrir, pour l'instant. Pourtant, je me nourris de ses souvenirs. Cette créature sait-elle que plus elle se raconte, plus elle s'oublie ?
Ce soir, j'allume un feu. La Mort Lente est près de moi. Je la sens. Le regard perdu dans les flammes, je ne me rends pas tout de suite compte que mes doigts jouent avec l'« Armée de la Foi ». Et je lui raconte mes batailles oniriques, celles qui ont permis à Ojiakw-A'nihlea' d’accroître son royaume. Je partage mes souvenirs avec la Mort Lente. Par conséquent, ils ne m'appartiennent plus vraiment. Je n'en suis plus le seul propriétaire. En racontant, je me dépossède de cette mémoire mais aussi, peut-être, du remord de ces vies sacrifiées...
Je continue mon voyage. Mes « pas » me guident au fond d'un canyon. La créature qui m'accompagne a-t-elle le sentiment que je l'entraîne dans un piège ? Cela pourrait être le cas. Après tout, comment savoir ce qui est là , tapi dans l'ombre ? Je ne suis pas le seul à pouvoir le manger dans cette forêt...
Des sous-bois, nous arrivons au fond d'un sombre canyon. Nous traversons de larges zones d'ombres mais, pourtant, je ne ressens aucune angoisse. J'ai confiance dans la Mort Lente. Si elle veut quelque chose de moi, elle ne laissera pas autre chose m'emporter. Et si elle n'attend rien de moi... peu importe... qu'on m'emporte...
Malgré tout, je reste prudent, à l'affût. Je scrute les ombres et suis rassuré de ne rien y voir. Je scrute le sol et suis rassuré de ne voir aucune trace de pas, aucune empreinte d'une créature, un autre Horla ?, qui pourrait s'en prendre à moi.
Mes doutes ne concernent finalement que le but de ce voyage. Pour le reste, je suis confiant ! Et quand je me rappelle cette couronne, l'« Armée de la Foi », je me dis que, au pire, je trouverais refuge dans un rêve... ou les Forêts Limbiques.
Cette petite chose est encore trop accrochée à son passé, à ses rêves.je dois lui montrer quelque chose. Alors, je fais un détour et je la conduis sur la côte. Là , à la surface de l'océan, on peut voir émerger les reste d'une épave. Va-t-elle comprendre, cette pauvre petite chose, ce que j'essaye de lui faire comprendre ?
Et maintenant que nous sommes là , tous les deux face à la mer, scrutant cette épave, je me demande si moi aussi je n'ai pas quelque chose à comprendre.
Face à l'océan je réfléchis. Je ne savais pas que Millevaux avait une mer. Une mère ? Millevaux n'est-elle pas la Mère des Mille Chevreaux justement ? Ou bien, est-ce autre chose... L'océan est un domaine, celui du Grand Rêveur, celui sur le royaume duquel empiète Ojiakw-A'nihlea'. Ojiakw-A'nihlea', nous le savons, profite du sommeil du Grand Rêveur pour accroître son royaume onirique mais... que se passera-t-il quand Il s'éveillera ? Mon clan a été décimé. Ojiakw-A'nihlea' m'a abandonné. Mais est-ce que cela me protégera de Sa colère ? J'ai peur.
Derrière nous, des trompettes sonnent brusquement. Des chasseurs ! Ils n'en ont pas après nous. Ce serait stupide de leur part. Je n'ai pas besoin de me cacher. Ils ne peuvent pas me voir. Mais la créature qui m'accompagne, elle, ressent le besoin de se dissimuler. Je la laisse s'éloigner et observer le manège de ces hommes et de ces femmes. Ils font ce qu'ils ont à faire pour se nourrir, comme je fais ce que j'ai à faire pour me nourrir. Mais pour l'heure, je n'ai pas faim. Je veux seulement me mettre à l'abri du froid.
Je ne sais pas si la créature a compris quoi que ce soit à notre présence ici mais notre halte prend fin maintenant. Nous traversons la plaine. La brise, légère, fait onduler les brins d'herbe. Je vois des lueurs prismatiques courir au sol. Je ne les voyais pas avant. Ces couleurs sont le symbole de la proximité du rêve. Elles signifient que la frontière entre le rêve et l'éveil est devenu bien floue. Pourquoi est-ce que je vois ceci ? Comment sais-je ces choses ?
Nous traversons une plaine onirique. Je ne sais pas si elle est totalement onirique, ni même ce que « totalement onirique » peut bien signifier mais... ces couleurs qui glissent le long de l'herbe, elles sont vivantes. Ce sont des traces de rêves, des signes du rêve. Ces choses sont le signe que la frontière entre le rêve et l'éveil s'efface. Cela veut-il dire que nous approchons du but ? Mais avons-nous vraiment le même but, la Mort Lente et moi ? Peut-être que cette « plaine du rêve » est la fin de mon chemin à moi et à moi seul ?
Et peut-être que ces couleurs n'ont rien à voir avec le rêve, qu'elles ne sont que le reflet des rayons du soleil sur la rosée du matin ?
Pourquoi ces couleurs m'intriguent-elles autant ? Je ne suis pas une créature du rêve. Je suis un Horla, un symbole de la forêt dévorante. Mais si je vois le rêve, est-ce... est-ce que je serais en train de « changer » ? serait-ce que sous l'influence des souvenirs de cette créature ? Elle, elle rêve !
Je ne veux pas changer ! Partons !
Le lac et son moulin ! Ses mécanismes à moitié submergés. L'océan est le domaine du Rêveur et maintenant, je vois le Rêve moi aussi !
L'épave, le moulin... et si ces lieux étaient des messages adressés non pas à cette créature mais à moi ! Et si ce n'était pas moi le guide ?
Les mécanismes de ce moulin me font penser à une horloge, au temps qui passe, qui passait. Au temps cassé ! Le temps ne veut rien dire dans le rêve. Je crois que la Mort Lente veut me dire quelque chose. Et si je n'en avais pas fini avec le rêve. Et si, même seul sans mon clan, je restais un chamane capable de rêver ? Et si Millevaux n'était pas seulement une porte ouverte sur le Rêve mais un Rêve en soi ? Ou un cauchemar ? Mais, je suis né dans ce cauchemar ! Je ne connais rien d'autre. Le cauchemar, la folie... ce sont les prisons dans lesquelles nous avons enfermé ceux dont nous avons profané les rêves pour accroître le royaume d'Ojiakw-A'nihlea'. Mais si je suis né moi-même dans une telle prison, qu'est-ce que ça veut dire ? Que suis-je ? Un prisonnier dont on a profané les rêves ou le gardien de la prison d'un autre ?
Est-ce le moment ? Celui où nous devons nous séparer ? La créature qui s'appelle NoAnde m'a raconté ses rêves, son passé. Il est une partie de moi maintenant et cette partie voit le rêve dans la forêt. Je vois comment le rêve s'introduit dans Millevaux. Je vois ce que Millevaux a d'onirique. Je suis une créature de Shub-Niggurath. Je sers la Chèvre Noire. NoAnde servait Ojiakw-A'nihlea' mais a été abandonné par son dieu. NoAnde n'est pas une menace pour moi. Mais Ojiakw-A'nihlea' reste une menace pour tous ceux qui rêvent. Millevaux est un cauchemar. À ce titre, Ojiakw-A'nihlea' peut être assez fou pour l'attaquer. Il perdrait cette bataille, de la même façon qu'il perdrait face à Grand Rêveur si celui-ci devait se réveiller... rêver éveillé.
La Forêt ou l'Océan, le Cauchemar, le Rêve ou l’Éveil. Nous allons devoir choisir.
Ce choix sera la fin de mon voyage...
Et nous arrivons en la Terre du Sommeil. Là , je m'apprête à passer l'hiver à dormir... et à rêver !
J'entre dans la caverne et discerne une forme au fond. Qui est cet être, cet autre géant ? Au fond de la caverne, un miroir d'eau. Cet autre géant, c'est moi ! Je ne suis plus un Linvenn, je suis devenu un Modlag. Cette caverne est assez haute de plafond pour accueillir mes 8 mètres de haut. Je ne suis plus de terre et de bois mais uniquement de rocailles... et de peurs !
Jusqu'alors, je me nourrissais de matière vivante. Maintenant, je vais me nourrir de peurs.et mon premier festin, ce sera les cauchemars que je vais faire naître dans l'esprit de cette pauvre créature, le pauvre NoAnde.
Je détruis son esprit en faisant de ses doutes d'horribles certitudes. Il n'est plus qu'un pantin vide, une marionnette dont je vais tirer les ficelles.
Nouveau pouvoir qui est le mien, j'ouvre une faille vers un ailleurs et j'y jette NoAnde.
Ithaqua est proche. Je vais passer l'hiver à dormir et à rêver. Je vais rêver de NoAnde...
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LES MARAIS DU DEUIL
Ce pèlerinage annuel vers la tombe de sa bien-aimée se transforme en cauchemar lorsqu'il perd le fil de sa propre mémoire. Une partie solo par Damien Lagauzère!
Tableau « We are Making a New World », 1918, par Paul Nash, domaine public
(temps de lecture : 2 min)
Joué en solo le 01/11/2020
Le jeu : The Swamp you die in, par Ive Sorocuk, un jeu de rôle solo de marécages et d’inquiétante étrangeté sous forme de BD interactive.
Univers : la forêt de Millevaux
L’histoire:
Demian Nofink est un clerc Black et True Neurotic. Cela signifie, entre autre, que sa haine le fait frapper plus fort et qu'il encaisse bien mieux les coups que bien d'autres. Il a eu entre les mains un exemplaire de la Déposition d'Abdul Alhazred qui ne l'a pas laissé intact. Ce n'est pas bien grave mais... si un sort de magie lumineuse est lancé près de lui... il se met à briller !
Pour l'heure, Demian n'en peut plus de rire. Il s'est rendu visiter l'Arcane Zoo de Sangre Flambos. Le célèbre sorcier prend sa retraite d'aventurier et a ouvert ce zoo pour assurer ses vieux jours. Là , Demian s'est laissé prédire l'avenir par une Fée Stygienne qui a vu qu'il allait bientôt se perdre dans les marais de Millevaux, la forêt qui entoure la cité de Castle Rot. Demian Nofink n'avait pas prévu de se rendre dans les bois de Millevaux, et pourtant...
Comme chaque année, Demian entreprend son « pèlerinage » vers la tombe de sa bien-aimée Random-Maria, dont la mort l'a en quelque sorte fait passé du côté « Black » ! A moins... que cela ne lui ait seulement servi de prétexte... C'était il y a longtemps maintenant. Il a préféré oublier. Repensant à la prédiction de la Fée, il ne rit plus quand ses pas le font entrer dans la forêt.
Demian commence à se dire qu'il n'aurait pas dû venir seul cette fois. Il connaît les lieux pourtant. Il est déjà venu. Il en est sûr. Pourtant, est-ce l'influence de la forêt ?, sa mémoire lui joue des tours. Si son frère était là , il saurait retrouver son chemin. Demian tente de se rappeler mais... la seule chose qui lui vient à l'esprit est le visage grave de la Fée lui annonçant sa perdition.
Soudain, un cri ! Une femme en détresse ? Demian, plus par curiosité que par héroïsme, se dirige vers la source de ce hurlement. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée. Là , point de « belle à secourir ». En réalité, une vieille sorcière est en train de commercer avec un immonde Horla. Il a beau être un Clerc Black !, l'influence de la Chèvre Noire le met mal à l'aise. La prudence s'impose et il s'esquive discrètement, ne cherchant finalement pas à en savoir plus. Autant pour sa curiosité.
Sa marche est plus longue que dans son souvenir. Mais ses souvenirs sont soudain si flous, si lointain... Demian a envie de crier. Il a mal. Pas dans son corps. Son corps ne le fait pas souffrir. C'est sa mémoire. Il sent sa mémoire, non pas le quitter, c'est pire ! Sa mémoire meurt ! Et il sent qu'il mourra avec elle s'il ne quitte pas ces bois rapidement. Mais que peut-il faire alors qu'il lui apparaît clairement qu'il a perdu son chemin ?
Impossible de faire demi-tour ! Les bois s'ouvrent sur une clairière donnant accès au marais. Demian s'approche. Ayant même oublié la prédiction de la Fée, il sent une « force » l'attirer vers les marécages. Tel Narcisse, il se penche mais, dans la boue, impossible de contempler son reflet. Mais la boue l'attire... vraiment ! Un tentacule de boue émerge et le saisit par le cou, forçant pour l'entraîner vers le fond. Demian résiste mais...
Un chat sauvage lui saute dessus, par derrière ! Demian bascule dans les marais ! Ses dernières pensées sont, non pas pour sa bien-aimée qu'il a oubliée mais pour son frère, Sodek. Il espère que ses pensées lui parviendront et le mettront en garde contre les marais et les bois de Millevaux !
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L'APICULTEUR
Dans un Millevaux devenue une décharge à ciel ouvert, nos jeunes héros affrontent un manipulateur de lumière noire. Un récit et un enregistrement par Claude Féry
(Temps d'écoute : 1h55 ; temps de lecture : 2 mn)
Odilon Redon, domaine public
Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).
Joué le : 30/08/2020
Le jeu : Veil 2020, un jeu de rôle cyberpunk pbta minimaliste par Fraser Simons
Univers : la forêt de Millevaux
L'histoire :
Lesly Simon et Camille ont affronté et défait Constantin Kleber, l'apiculteur une créature manipulant la lumière noire.
Après qu'il se soit coulé sous forme d'un essain d'abeilles dans le laboratoire désireux d'éliminer Lesly, Constantin a été dévoré par le bondissant Simon.
Sur les terres ingrates du Wonderland, sous les instructions radio du Corbeau, Simon, Vassily et Lesly ont tenté de semer un piège à Hommes.
Simon a été projeté par une explosion de méthane du haut du tuf vers une grotte étrange ou reposait un sarcophage cryogénique.
Après qu'elle ait semé la chenillette qui s'est noyée dans un lac d'acide, Lesly a rejoint Simon et ensemble ils ont délivré celui qui s'est révélé être le véritable président de la fédération européenne.
Mais qui tient son rôle et qui tire les ficelles ?
Xavier et Alix ont beaucoup aimé notre histoire.
Gabrielle jette l'éponge. J'en suis profondément attristé.
Nous avons prévu de jouer la suite à 3 avec Lost Roads comme une échappée vers La Forêt aux Chimères.
Thomas :
A. Salut Claude et merci beaucoup pour ce retour !
B. Avez-vous finalement utilisé du matériel de Troïka dans cette partie ?
C. Pourquoi Gabrielle jette-t-elle l'éponge ?
Claude :
B. Non Je l'avais prévu si ils utilisaient l'ascenseur intérieur du laboratoire.
C. Bonne question. À la fin de la partie elle a déclaré que le jdr ne l'intéressait plus.
L'argument est un peu court.
Je pense qu'il y a autre chose.
J'attends qu'elle veuille m'en parler
Thomas :
J'ai écouté l'épisode ! Voici mes commentaires :
A. En fait, Jiro Kando n’est pas très exploité mais c’est dans l’esprit d’Écheveuille, c’est avant tout le MJ qui connaît la profondeur de chaque personnage
B. C’est glaçant le casque de vision qui mesure la valeur de la vie des gens
C. L’apiculteur est bien flippant comme antagoniste
D. « Tas de feraille, viens me chercher, j’ai plein d’organes ! » > Trop drôle la diversion de Xavier:)
E. Chouette description de la décharge ensuite
F. Trop drôle l’homme politique perdu au milieu de la décharge !
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