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Retrouvez ici les règles du jeu de rôle textuel Les Forêts Mentales
crédits : thejaymo, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
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Bellérophon, chaman radioactif.
Quête : achever la décontamination des lieux.
Symboles : radioactivité, totems et colifichets.
Bellérophon cache son visage sous un masque à gaz ancien et bricolé. On dénote ses scarifications rituelles au long de ses bras nus et jusqu'à la racine de son cou, duquel pendent un grand nombre de grigris. Toujours flanqué d'un antique fusil à levier, il erre entre les ruines de Mogadovosk et les forêts-aux-murmures où, dit-on, il entonne parfois les litanies purificatrices destinées à cicatriser les plaies béantes de la terre et à purger la pourriture du ciel.
Antoine St. Epondyle
http://saint-epondyle.net/blog
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GaĂŻus, HOMME AU SAVOIR DRU.Â
QuĂŞte : se baigner Ă la source des chants qui noient les forĂŞts-aux-murmures.Â
Symboles : boue, Triglav.
Gaïus erre au sein des forêts-aux-murmures vêtu de la tourbe et du limon originel dont les tribus ont toutes émergées. Ses mains noueuses étreignent son bâton de marche, taillé dans une basse branche de Cornouiller. Une effigie de Triglav pend autour de son cou. Ses cheveux mêlés de brindilles et de boue, couvrent jusque ses cuisses. Les communautés éparses établies dans les ruines de Mogadovosk l’appellent lorsque les chants mauvais les noient. Certains le craignent et le considèrent possédé par les âmes torturées des forêts.
Dernière modification par gaius (28 Feb 2018 20:17)
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Vouivre, chasseuse de horlas.
Quête : retrouver l’Indicible et l’emprisonner dans une cage de mots.
Symboles : serpents, Ă©motions.
Vouivre voyage entre les communautés des forêts-aux-murmures, à la recherche des vibrations si particulières qui précèdent la naissance d’un horla – dans le but avoué de dévorer ces étranges créatures dans l’œuf. Son visage cuivré est encadré d’une chevelure blanche, et percé de deux yeux ronds et jaunes qui ne clignent jamais. Elle évite les ruines de Mogadovosk, car c'est là qu'Il réside. Un jour, peut-être. Lorsqu’elle sera prête.
Dernière modification par Vouivre (27 Feb 2018 16:01)
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Je m'en reviens des structures sombrantes de l'ancienne Mogadovosk ; hanté peut-être par les cris et les glapissements de ceux qui s'y sont vus vitrifiés par la manne infecte. Le travail abonde par ici, et pourtant je n'arrive pas à m'en réjouir. Il était plus que temps de repartir vers la forêt dont les murmures déjà assoupissent mon oreille et engourdissent ma vigilance. J'espère ne pas avoir trop tardé car il me faudra, dès demain, revenir aux alentours du silo de béton défoncé, c'est de là , je crois, que sourd une infiniment nauséabonde présence. Le travail, en effet, abonde.
Arrivé aux abords de la forêt, éloigné des restes infectés, je m'accorde enfin quelques instants de repos. On étouffe, pas là . Et l'humidité n'arrange rien. Il me reste probablement un peu de cette eau au goût de fer dans ma gourde cabossée, et je crois quelques quignons d'une viande séchée d'origine incertaine. Je dépose Boris, ma carabine, entre les nœuds d'un énorme tronc et songe aux statues pétrifiées que j'entrapercevais encore cet après-midi. Qui furent ces gens qui sont maintenant figés dans l'expression de leurs derniers instants ? Quelle face horrifiée déforme leurs traits !
Le bruit assourdi d'un pas sous les frondaisons.
Sans geste brusque ni inquiétude particulière - il n'y a pas de horla si près de l'usine - je me relève et plante mes yeux dans les noirs bosquets environnants. Je jette un œil à Boris, dissimulé derrière l'arbre, et à défaut de m'en emparer tout de suite je porte ma main valide au lourd poignard que j'ai à l'arrière de ma ceinture... en même temps que Gaïus sort du sous-bois. Je le connais et parle en premier :
— Hé Gaïus ! Tu m'as presque fait sursauter.
Sans ajouter un mot ni relâcher la poignée de liège de mon arme, je guette à travers mon masque la réaction du vieux prêtre de Triglav.
Dernière modification par Bellérophon (28 Feb 2018 14:42)
Antoine St. Epondyle
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La Mère des Eaux vomit les Dieux, ceux que l’on appelle les Anciens
Car l’Homme n’était pas encore Homme pour comprendre
Et Père le Ciel ordonna aux très Anciens d’assembler les Quatre
Et Triangle s’inséra dans la Sphère : tel est le vrai du Monde.
Le temps de Merdier nous a abondamment pourvu en cornouilles. Zdrav Kao dren ! Nous quitterons bientôt le temps du Péril à l’avènement de Messe, sera venu le temps de l’Akitu.
A trop entendre le pépiements des bois, j’en oublie que le temps est proche, si proche.
Bientôt, à la nouvelle ascension d’Ohen, Marduk quittera sa cella.
Le dit du Monde est formel, la promesse est faite. Je dois m’apprêter pour la danse au sommet.
Ma sœur, La Forêt se dérobe à moi. Oublieux de mes devoirs, je l’ai par trop négligée. Elle se remémore à mon bon souvenir et de ses ronces me tancent et m’enjoignent à plus de rigueur et d’observance dans mes devoirs. Mes cheveux s’accrochent à elles et souhaitent encore jouir du chant qu’Onde dispense.
Mais le temps n’y est plus. C’est le temps du mouvement. Hors de l’eau, vers l’Etemmanki, pour se joindre aux chants au plus vite.
Lorsque Svarog noiera Ohen, alors le temps de l’Akitu sera et la boue de jouvence me couvrira pour un nouveau cycle de temps à courir le bois.
Incongru au cœur du bois sacré, surgit au détour du buisson l’errant Bellérophon.
« Que fais-tu là , à tintinnabuler ta dernière heure aux trois vents ? N’entends tu pas les pets retentissants des flétrissures les plus terribles de ces bois ? Les horlas ! Crois-tu que ton brave Boris est de taille à cancaner et les repousser ? »
A ces mots, le sol est parcouru d’une sourde vibration. L’œil noir et valide de Gaïus s’éclaire d’une lueur de malice qui irradie sa noire prunelle.
Les feuilles tournoient alors comme en plein Vomembre. Des brindilles voletent et s’attardent sur les visages interdits. Une pulsation sourde enfle, comprime leurs viscères.
Elle semble provenir droit du cénacle de béton dont s’éloignait l’industrieux Bellérophon. La froideur de la saison morte vrille leurs entrailles.
Ils déglutissent avec peine, leurs oreilles emplies d’harmoniques impies.
« A croire qu’ils nous écoutent ces étrons ! Vouivre écoute mon appel et noie cette vile engeance dans la boue ! »
Horreur, malheur !
Alors que la boue se soulève alentour et arrache avec force les halliers qui nous entourent, se profile le visage familier de la douce Morjana. Son regard est habité. Est-ce elle que j’aurais voué à l’ire de l’implacable Vouivre et au belliqueux Boris ?
Que fait-elle là si proche de la tour de béton ?
Dernière modification par gaius (06 Mar 2018 20:40)
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Vouivre rêve, pelotonnée dans un trou creusé dans la terre glacée, couverte de feuilles mortes, les mains plongées dans le pelage d’un renard mort depuis longtemps déjà . Elle rêve d’un triangle enchâssé dans un cercle. L’image la réconforte. La réchauffe étrangement. Lorsqu’elle dort, elle aime s’abriter dans le flux de pensées de Gaïus. La première fois, elle a cru se noyer dans le flot de ses mots insensés ; mais elle s’est vite raccrochée au fil d’or de sa foi.
Lorsqu’il hurle son nom, là -bas, dans la forêt, l’interpellation la heurte donc doublement ; elle redresse subitement la tête, soulevant un nuage de brindilles et de feuilles écarlates. Un sourire bienveillant naît sur ses lèvres. Elle passe ses doigts dans ses cheveux ébouriffés ; grimace lorsqu’ils rencontrent un nœud.
Ses pensées s’étirent comme des membres ankylosés ; se déploient vers la cime des arbres, traversent l’esprit d’innombrables oiseaux, goûtent leur peur et leur soif de vivre, puis redescendent en piquet vers Gaïus.
Lorsque les yeux de son esprit atteignent le prêtre, elle comprend soudain son erreur, et se mort la langue jusqu’au sang. Un goût acre et métallique emplit sa bouche ; elle crache le liquide rouge-noir, qui se répand sur le sol pour former une silhouette coiffée d’un masque.
L’homme-plaie. L’homme-poudre. L’homme-béton. Bellérophon.
Elle le déteste en cet instant, sans qu’elle sache réellement pourquoi. Sur le sol, son sang s’est solidifié : il s’est mué en épine de venin, symbole de sa haine pour tout ce qui vient de la Ville. Il lui sera bien utile lorsque viendra le temps de lutter contre le chaman masqué et tout ce qu’il représente.
Elle sourit à nouveau ; sourire de joie vengeresse. Aveuglée par sa colère, elle ne sent pas le horla qui s'élève peu à peu dans la boue.
Dernière modification par Vouivre (29 Mar 2018 15:02)
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« Que fais-tu là , à tintinnabuler ta dernière heure aux trois vents ? N’entends tu pas les pets retentissants des flétrissures les plus terribles de ces bois ? Les horlas ! Crois-tu que ton brave Boris est de taille à cancaner et les repousser ? »
— Ce que je fais ne regarde que moi, vieil homme. Sache quand même qu'aux abords du silo principal de Mogadovosk rôdent les présences imperçues que je cherche depuis un temps qui me paraît bien long, à éradiquer. Pas au fusil non, celui là ne m'est utile que contre les rôdeurs et autres nuisibles. Ce faisant je darde d'un œil mauvais Gaïus avant de reprendre : j'ai connaissance de certaines façons de me prémunir d'elles-autres, si jamais je m'en venais à les croiser ici. Mais Gaïus, tu sais comme moi qu'il n'y a pas de horlas par ici.
« A croire qu’ils nous écoutent ces étrons ! Vouivre écoute mon appel et noie cette vile engeance dans la boue ! »
— A qui parles-tu ? Cesse de révulser tes yeux comme si tu regardais à l'arrière de ton crâne, j'ai mes raisons de croire que toi et ton foutu Triglav avez votre part de responsabilité dans le néant qui recouvre cet ancien sanctuaire. Les hommes ont eu tôt fait d'oublier à quoi servaient jadis ces immenses tours et le dédale de labyrinthes qui en ronge les entrailles souterraines. Mais je ne croirais pas que les anciens dieux aux visages effacés qui régnaient jadis ici voient d'un œil compatissant tes imprécations. Maintenant réponds : qu'es-tu venu faire dans ces ruines ?
Tout en parlant, je sangle Boris et mon paquetage sur le travois, moins par peur de devoir m'en servir contre Gaïus que pour m’apprêter à reprendre le large. Sa présence par ici ne peut que présager des ennuis à venir.
Antoine St. Epondyle
http://saint-epondyle.net/blog
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Siffle l’air, tourbillonnent feuilles et brindilles, tout l’univers vacille. Les mots dits de haut par l’homme-fer se mêlent, s’intriquent aux chants de naguère.
GaĂŻus sent un souffle chaud sur sa nuque. Le sifflement de Vouivre le dispute aux scansions du vent de droite que souffle la petite Morjana.
Petite ? Son visage doux et grave emplit tout l’espace. Le sol frémit, tressaille s’agite, le soulève. Une bile chaude remonte le long de son œsophage, se déverse sur sa langue, la brûle, l’inonde. La main du Duchov, l’esprit néfaste s’empare de son front. L’homme-fer, se retourne en parlant des mots devenus inaudibles sous le déluge sonore qui déferle de la bouche du Duchov qui est Morjana. Morjana qui est le Duchov, ce horlas.
Tel un fétu de paille, l’homme est violemment projeté contre le tronc de l’arbre tordu qui l’abritait de ses branches griffues. Le choc est terrible, mais le vacarme tel, qu’il est silence au sein du déferlement. Les pièces de métal ploient comme du plomb en fusion et s’immiscent dans l’écorce de l’arbre supplicié dont les racines sortent de terre, arrachent la boue qui coulent tel le sang de l’arbre, tel sa sève que chasse le fracas.
« La Vie est un linge qui sèche celui de la Mort.
Nous séchons les mots que nous avons parlé, pour qu’ils nous lavent.
Nous nous lions les mains avec des cheveux, mais toujours nous écoutons le froissement d’une colombe dans le feu.
Et nous nous appelons du nom de la seule pierre qu’elle vomit. »
La ritournelle a franchit les lèvres craquelées de Gaîus, alors qu’il se redresse, péniblement. Il s’est effondré, d’un bloc. Il a tournoyé dans le temps, dans le temps de Bellérophon et dans le temps de Morjana, pour que le souffle de l’hôte du silo de béton, le fauche dans la boue.
Bellérophon est interdit. Surpris par l’incohérence du comportement de l’errant, tour à tour emphatique, puis il se tourne, pour ajuster son harnais et le voilà en pâmoison, blême livide, la face contre terre, telle une vieille souche pourrie rappelée à la forêt.
Un ton dogmatique puis un silence de mort, qui se prolonge, au point de sérieusement inquiété l’industrieux homme-fer. Une présence, qu’est-ci qui a conduit le vieux fou à s’écrouler ainsi, comme terrassé.
Mais il se redresse tout soudain, comme grandit pour vociférer cette réponse incohérente.
Alors, Gaïus, reprend, plus posément :
« L’évangile, cette vérité révélée de la vision céphale me dit que le temps du sacrifice au sanctuaire est venu. Quelque chose d’atroce grandit dans le silo de béton que tu convoites homme-fer. Et les miens et mes familles sont dans la danse. Et pour clore, le bal, nous devrons, tous deux plonger dans le bassin de ton foutu silo du temps jadis... auquel je n’entrave que pouic, certes. Mais, moi, le vieux fou, j’éprouve les choses que tu ignores, et je vis notre trépas et la chance de libérer du joug des chants de ténèbres les pauvres miséreux qui vivotent dans ces bois ! J’ai du m’agenouiller... mon genou a ployé sous le chant hystérique du diable horlas tapis dans ce sarcophage de béton, mais je n’ai point rompu. Le souffle du serpent m’a insufflé la force de résister. Merci Vouivre. Mais toi, j’ai vu ton fer fondre dans l’immondice qui dort là aux tréfonds de nos histoires ! Cette défaite je la lui concède volontiers, car elle nous enrichit d’un savoir : nous pouvons tordre les mots pour essorer les maux qu’il jette sur nous
Viens-t’en, allons au village quérir la jeune Morajana. Ce n’est pas du calcul. Elle est l’équation. Elle est proche et lointaine. Elle ne parle pas, mais toi qui a les mots, tu sauras la comprendre. Soyons proches.»
[Je suggère l'écoute du morceau BLAAACK de Sister Iodine]
https://sisteriodine.bandcamp.com/track/blaaack/
Dernière modification par gaius (11 Mar 2018 10:14)
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Vouivre prend l’épine noire à deux mains, avec la lenteur et la délicatesse que d’autres réserveraient à un oiseau blessé. Elle la plante dans un nœud au cœur de son épaisse tignasse blanche ; la chaleur du venin lui picote les doigts. Elle soupire, passe le dos de sa main sur le coin de sa bouche pour chasser un filet de sang, et se relève en souriant.
Elle aimerait fermer les yeux. Juste une fois. Elle a l’impression qu’elle ne pourra jamais cesser de penser tant que son regard balaiera cette forêt, analysant le moindre signe, cataloguant les symboles qui naissent dans les rêves des vivants et qui prennent forme, inlassablement, dans la boue et l’écorce, depuis que le vent des esprits souffle sur cette terre.
Mais ses yeux ne se ferment pas. C’est la règle. Ils sont faits pour la chasse. La nature est bien faite. Ces globes inhumains sont des rouages nécessaires à son propre équilibre, comme elle est un rouage indispensable à l’écosystème de ces lieux. Elle rit. « Écosystème ». Un mot du monde ancien, qui roule étrangement sur sa langue mutilée. Le mot favori du Professeur. Ses paroles avaient coloré sa mémoire. Indélébiles. « Tu es un mal nécessaire, gamine. On n’écrase pas les bêtes comme toi. »
Vouivre sent soudain le choc qui vient heurter le vieux Gaïus ; le ressent dans son ventre, comme un coup au plexus ; sa mâchoire se serre. Elle court soudain, à perdre l’haleine qu’elle a déjà perdu, et l’on peine à distinguer ses pieds nus et cuivrés dans le tapis de feuilles et de mousse brune. Elle arrive devant les deux hommes ; trop tard pour agir.
Ses pupilles fendues se posent sur Bellérophon, qu’elle toise quelques secondes, imperturbable. Puis elle souffle quelques mots :
« Oui. Nous irons voir la jeune Morjana. Elle doit nous enseigner ce qu'elle sait. Et répondre de ses actes.»
Puis, déployant son ombre et ses pensées venimeuses vers la tête de Bellérophon :
Mais sans ton bras de métal, homme-plaie, sans ton engin de poudre, sans ton vil symbole, sans ton Boris, non – ça, je te l’interdis –
Mais quelque chose résiste ; le flux de son esprit s’accroche, trébuche, s’entremêlent dans les mille colifichets qui pendent de son cou, et sa puissance s’évanouit avant d’avoir pu infecter les pensées de l’homme-masque.
Elle peste intérieurement, mais se console en découvrant un souvenir que le chaman désirait sans doute conserver pour lui : les mots solennels et anciens d’une litanie secrète. Elle les avale goulument, se jurant de les conserver pour toujours.
« Morjana. Allons. »
Dernière modification par Vouivre (07 Mar 2018 18:21)
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