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#21 21 Jan 2017 23:21

Johan Scipion
auteur de Sombre
Lieu : IdF
Inscription : 15 May 2006

Re : Sombre 2

Sur son blog, NĂ©bal a Ă©crit :

SOMBRE, N° 2 - DES RÉPONSES À DES RÉPONSES...



DIALOGUE

Quelque temps après la parution, toute récente, de ma chronique sur Sombre, n° 2, Johan Scipion, l’auteur dudit Sombre, y a répondu ; vous pouvez par exemple voir ça sur Terres Étranges, ou surCasus NO.

Et comme il souhaitait semble-t-il un dialogue, je suppose qu’une réponse aux réponses s’impose… Exercice pas toujours évident, mais sans doute enrichissant – je l'espère, en tout cas ; et, si je ne me retrouve par pour autant « de l’autre côté de la barrière », c’est une occasion de peser un peu plus mes propos, et de revenir sur leur pertinence ou pas…

Allez, c’est parti…



INSPIRATIONS ET RÉFÉRENCES

Johan Scipion a Ă©crit :

Je pense que Cube, un film que je kiffe bien comme il faut, est une inspi d'Ubiquité, mais inconsciente. Si je ne l'ai pas réalisé à l'écriture, c'est parce que j'étais parti sur des octogones plutôt que des carrés (il reste d'ailleurs une trace de cette idée dans le scénar). J'ai simplifié quand j'ai compris que c'était injouable car trop complexe. Mais du coup, avec les octogones toujours en tête, je n'ai pas percuté sur Cube avant mes premiers playtests. C'est con, hein ?

Ce n’est pas con du tout… Mais, à lire cette réponse, je me suis demandé s’il n’y avait pas un malentendu quant à mes intentions : je ne remettais pas en cause ta sincérité, hein…

Johan Scipion a Ă©crit :

Tu noteras au passage que je parle de « Références » et non d'« Inspirations » en ouverture de mes scénarios, l'objectif étant surtout de donner au meneur potentiel une liste de films/livres qu'il puisse regarder/lire en préparation de sa partie. Le côté cuisine créative, je le réserve plus volontiers aux premiers paragraphes de la section Feedback, en fin de scénario.

OK, pas de problème avec ça.



FESSE-MOI AVEC UNE PELLE, MAĂŽTRE !

Johan Scipion a Ă©crit :

Il me semble qu'une attitude un minimum volontariste est la condition sine qua non de tout jeu de rôle. Si le joueur n'a pas envie de jouer un palouf, un runner, un vampire, une tortue ninja ou une souris, et ben ça ne marche juste pas. La particularité de Sombre est qu'il demande qu'on soit volontaire pour un trip particulier : jouer un PJ-victime. Je comprends que ça désarçonne parce que ce n'est pas si courant, mais sur le fond, ce n'est en rien différent de ce que demande n'importe quel JdR : s'impliquer dans son perso.

Je suis tout à fait d’accord avec ça. Ce volontarisme chez le joueur me paraît essentiel, et, dès lors qu’il n’y a pas d’ambiguïté, j’imagine (simple question de prudence renvoyant au « contrat social », comme on dit), je suis finalement d’accord pour dire que « jouer un PJ-victime » n’est au fond pas si différent de tout autre rôle à jouer. C’est même un point qui me paraît tout spécialement important, en fait.

Mais, pour répondre à cette remarque, il faut prendre en compte la citation suivante…

Peut-être d’autant plus du fait de cet emploi de la première personne, d’ailleurs.

Ah ? Je veux bien que tu m'éclaires sur ton ressenti. En quoi est-ce que la première personne participe de ton impression qu'il faut être un peu maso pour jouer Ubiquité ?

Alors ça va être long et maladroit, hein – et éminemment subjectif.

Affirmer qu’il faut être un peu maso pour jouer « Ubiquité », lâché comme ça, ça n’a guère de sens, certes.

Même si, je suppose, la mécanique de Sombre Classic est sévère et mortifère, mais à raison, dans cette optique des PJ-victimes et de « la peur comme au cinéma ». Mais, du fait de la mécanique aussi bien, en l’espèce, que du présent scénario (mais « House of the Rising Dead », dans un genre pourtant très différent, m’avait déjà fait cet effet), les erreurs se payent éventuellement (systématiquement ?) très cher – là encore à bon droit (même si j’aurais un petit bémol, sur lequel je reviendrai bientôt).

Je suppose néanmoins que les spécificités du scénario « Ubiquité » accentuent cette dimension punitive : le chronomètre en rajoute, ça me paraît nécessaire ; l’écoulement du temps, ritualisé via les bougies soufflées, s’accompagne cependant d’autres dispositifs, et notamment celui du MJ-marionnettiste qui fait quitter la table aux joueurs absents et les dispose loin de ladite, aux emplacements appropriés pour les retrouver le moment venu… Euh, eh bien, oui, en combinant tout cela, des bases de la mécanique à l’obéissance du joueur, au doigt et à l’œil, jusque dans sa situation dans l’espace (!), je crois qu’on peut dire : « Oh, oui, fouette-moi, MJ ! » Et quand je visualise la scène, Johan Scipion (on revient temporairement à la troisième personne ici, mais justement, j'y arrive...) a un rictus sadique sur son visage de la première à la dernière minute – à côté, le Joker est un dépressif timoré.

Mais, point important : je ne dis pas que c’est mal vu, insupportable, ou que sais-je ! Si, en tant que MJ, je ne me sentirais franchement pas de mettre en jeu tous ces rituels, je suis bien certain que la chose est murement pensée et mise en œuvre, et que c’est probablement très, très amusant… Si c'est géré par quelqu'un qui sait y faire.

Or ce n’était probablement pas l’essentiel de mon propos – parce que je mettais l’accent sur le texte, le « formel », en parlant de cet emploi de la première personne (avec un « peut-être » qu’il ne faut surtout pas oublier !) ; dans cette optique, ce n’est pas tant le jeu que la lecture qui aurait cet aspect masochiste supposé (en notant éventuellement qu’à la lecture le MJ en puissance est à son tour une marionnette de l’auteur – et perçoit donc lui aussi le rictus sadique du Joker).

Mais cela vient sans doute en partie du jeu, je ne pourrais prétendre le contraire – après tout, en traitant de Sombre, n° 1, j’avais exprimé un vague scepticisme concernant la position particulière du MJ dans Sombre Classic – qui me paraît vraiment supérieure aux joueurs, mais, si ça se trouve, « paraît » donc sans l’être, c’est simplement que j’ai l’impression que les jeux que j’ai pu lire ces dernières années se montrent bien plus… « délicats » en l’espèce, ou moins « frontaux », on va dire. Ce qui n’est pas forcément un reproche, en fait…

Je voyais aussi le MJ de Sombre disposer d’une part d’arbitraire non négligeable, dans les règles le cas échéant, ou dans le scénario « House of the Rising Dead » ; et je suppose que ces éléments reviennent dans Sombre, n° 2, et donc, à ce stade, notamment dans « Ubiquité ». Je n’y reviens pas ; c’est autre chose, je pense, qui peut poser problème.

Car il faut donc ajouter à tout cela l’emploi de la première personne – mais à mon sens, et c’est vraiment d’un ressenti on ne peut plus subjectif dont je parle, même si je suppose qu’il peut être étendu. Au passage, ce n’est pas une critique en tant que telle : cet emploi de la première personne, qui me paraît assez rare en jeu de rôle (même si, côté « indépendant », j’ai lu quelques autres cas – mais justement : ils produisaient pour moi le même effet !), est une singularité de Sombre que je n’entends pas le moins du monde remettre en cause ; et qui serais-je pour faire une chose pareille ? D’autant que ça serait un peu tard.

Mais c’est donc un ressenti. Je n’ai bien sûr aucun problème, de manière générale, avec l’emploi de la première personne… En narration ou dans la conversation, c’est une évidence (merci Nébal !), et dans d’autres domaines aussi – comme, eh eh, ce genre de comptes rendus. Mais j’ai bien plus de mal avec cet emploi dans des « essais », au sens large – d’autant que c’est à cette catégorie que je suis intuitivement tenté d’accoler Sombre. Sans doute est-ce que je suis un peu trop rigide – on m’a bien trop répété qu’il fallait prohiber le « je »… Mais je (aha) crois qu’il y a en fait deux aspects de la question, distincts en apparence, mais qui se rejoignent pour susciter le même résultat (et l’amplifier du fait même de leur rencontre).

Le premier, pour employer une métaphore bien lourde et pompeuse, et pas très bien assurée, c’est le rapport à la Règle. Vive les majuscules ! C’est un ex-juriste qui parle, je suppose que ça peut expliquer bien des choses – en tout cas, j’ai toujours eu tendance à envisager les règles d’un jeu de rôle comme des règles juridiques… Ce qui n’est sans doute pas le moins du monde original, certes. Bon, bref : il y a la Loi, et il y a le Juge. La Loi se veut neutre et objective – qu’elle le soit ou pas, c’est encore une autre question ; mais elle est un monstre froid ; quand on s’y confronte, c’est avec la raison, l’émotion est hors-jeu (si j’ose dire) ; elle est sans doute contestable, mais sur le seul mode de la raison. Le Juge, c’est différent : s’il est censé n’être que « la bouche de la Loi », dans les faits, il l’incarne – mais ce seul procédé suffit déjà à introduire un biais dans le rapport que le justiciable, disons, a avec lui, et qui n’est donc pas le même que son rapport à la Loi. La loi est en principe dépassionnée, même si seulement sur le plan formel (cependant d’une importance cruciale, et ça nous renvoie directement à la question à laquelle je tente bien maladroitement de répondre…) ; à certains égards, ça ne la rend que plus redoutable… Mais, si elle peut susciter l’admiration, la révérence, l’intimidation, la crainte, c’est d’une manière abstraite. Le Juge me paraît dans une position bien différente – mais tout autant, car ce n’est en rien une dimension simplement corollaire de la question, dans une position « représentée » (aux yeux du justiciable, s’entend) elle aussi bien différente. Aussi le rapport n’est-il pas le même : les brutalités éventuelles de la Loi, peut-être parce qu’implacables, suscitent la soumission ; celles tout aussi éventuelles du Juge, qui demeure un humain sous la robe austère de la justice, peuvent par contre susciter l’agacement, voire le refus (d'obstacle), voire la révolte. Bon, je dis peut-être n’importe quoi, hein… Mais en tentant de formaliser un peu les choses, j’en arrive à ça.

Mais c’est là qu’on rejoint le deuxième aspect, un peu (nettement…) moins fumé de ma part, je suppose : il y a une confrontation d’intimités. Laquelle passe très bien dans nombre de registres, mais, dans d’autres, me hérisse un peu – et assez vite. Une règle « objective », à la troisième personne, reste sagement dans son coin. Mais quand elle s’exprime à la première personne, et, qui plus est – ça me paraît vraiment flagrant dans Sombre, pour le coup –, avec insistance (« je », « je », « je »…), il y a un risque non négligeable que je me sente envahi dans mon territoire. L’auteur décortiquant son jeu (et à bon droit, hein ! Là encore, il s’agit d’un ressenti tout personnel, pas d’un reproche, et encore moins de recommandations !), ici, dira à chaque paragraphe ou presque, « je fais», « je pense », « j'ai constaté », etc. Plein de « je », plein, partout, à tous les niveaux – et plus il y en a, plus je me sens repoussé dans mes retranchements ; au point, parfois, où j’ai envie de hurler : «STOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOP !!! » Parce que, pour dire les choses, j’ai le sentiment d’être… agressé, en fait.

D’autant qu’il y a un stade où le « je » systématique peut insidieusement se muer, pas forcément dans les faits d’ailleurs mais avant tout dans le ressenti, encore une fois, en « moi, je » ; et il n’y a pas beaucoup de choses aussi agaçantes que le « moi, je », dans semblable contexte…

En combinant tous ces aspects (pas seulement les derniers paragraphes, mais aussi ce que je disais avant en termes de ressenti plus ludique que formel), on aboutit donc (enfin, moi, en tout cas) à une représentation de l’auteur/MJ. Et j’insiste : c’est une représentation. Elle n’a pas à être fondée en réalité. Donc, précautions, le sinistre personnage que je vais tenter de décrire là tout de suite, et donc... à la troisième personne, n’est pas Johan Scipion (que j’ai croisé, à peine, et lu, tout juste, mais que je ne connais pas). Il est une représentation – ce qui est pratique pour charger la barque, eh !

Bref : quand je lis Sombre, au-delà de l’intérêt que j’y trouve, de la pertinence de la chose, du sérieux et de la finition de l’entreprise – traits dominants qui figurent bien l’essentiel de mes comptes rendus, je ne vais donc pas y revenir –, je suscite éventuellement malgré moi une image de l’auteur/MJ. Car c’est bien d’un auteur/MJ qu’il s’agit, déjà : Sombre, bien plus qu’à peu près tous les autres jeux que j’ai lus, met cette dimension « auteur/MJ » en avant, et l’emploi de la première personne y participe forcément. Mais il ne se contente pas, via cette image, d’être mis en avant : à la lecture, j’ai le sentiment qu’il est aussi clairement au-dessus de moi ; et il n’est pas seulement au-dessus de moi – ce qui est déjà une position utile pour me surveiller, comme dans un panoptique des « playtests », et presque par voie de conséquence me « juger » (tiens, on y revient) : il est aussi penché sur moi – figure paternelle qui conseille le gniard, éventuellement au point de la condescendance ; tyran qui sait, et qu’on ne contredira pas, parce que « he is the Law » ; démiurge qui, du fait de son immense expérience (que je ne nie certainement pas !), unique en tant que telle, dispose de clefs qu’il veut bien me confier, mais en ne marquant que davantage, au moment même de la transmission, et même sans le vocaliser, combien c’est là chose admirable de sa part, et qui, bien entendu, ne le dépare pas de ses atours de créateur, et m’autorise encore moins à m’en vêtir à mon tour (oui, je sais que c'est une vision totalement erronée, et que le jeu incite bien au contraire aux retours d'expériences comme à la création de settings, ou autres apports d'autres auteurs ; je ne parle bien ici que d'une représentation instinctive, s'en tenant au seul texte, et évacuant tout ce qui l'entoure).

Et, si on y rajoute la dimension du marionnettiste au rictus sadique envisagé en causant des spécificités d’ « Ubiquité », c’est là qu’on en arrive véritablement (ouf !) au : « Fouette-moi, MJ ! »

Noter cependant… que l’on peut aimer ça – n’est-ce pas justement le propos, en fait de masochisme ?

Mais le sentiment demeure.

Bon, je ne sais pas si j’ai su m’expliquer… Mais passons à autre chose : le format court, à partir des deux scénarios figurant dans Sombre, n° 2.



LE FORMAT COURT

Johan Scipion a Ă©crit :

À l'usage, c'est un format très intéressant. Court, mais pas trop. Il incite au dynamisme narratif (ce que j'apprécie, jouer dans une certaine urgence vivifie mon expérience de jeu) tout en laissant le temps pour de vraies modulations de rythme, qui donnent du relief à la partie. Je l'apprécie vraiment, même si aujourd'hui, je ne le pratique plus en Classic. En Zéro par contre, je m'y adonne très régulièrement.

Certes, je ne peux pas vraiment me targuer de nombre d’expériences en la matière – mais les quelques-unes que j’ai pu avoir m’ont bien renforcé dans mes préjugés (et ce n'était pas des parties aussi courtes, d'ailleurs, mais j'y arrive). Il faudra peut-être y revenir un jour ; mais pour l’heure, eh bien, je crains de ne pas en avoir... envie.

Johan Scipion a Ă©crit :

Mais oui, carrément ! Quinze minutes (de jeu), c'est le format d'Overlord.

C’était bien le propos.

Et là je dois dire que j’ai vraiment du mal à en voir l’intérêt – c’est tellement aux antipodes de mes conceptions du jeu de rôle (oui, au pluriel, même si je suis très « traditionnel » globalement, j’apprécie quelques alternatives) que ça me dépasse complètement…

Ça fait ça à plein de gens. Mais attends de lire Sombre 3, tu vas mieux comprendre où je veux en venir. Ne juge pas la variante sur son scénario de rodage (Overlord), ce serait un peu court (pun intended). Tu verras, Deep space gore, c'est pas le même braquet.

Le problème est que j’ai lu Sombre, n° 3 (je vais essayer d’en causer bientôt), et « Deep Space Gore » ne m’a franchement pas plus emballé que ça… Certes, j’y vois au moins de l’intérêt ludique – même vague ; pour moi, « Overlord » en était peu ou prou dépourvu. Mais… Non, décidément, je crains que ce ne soit vraiment pas ma came. Mais sans doute sont-ce mes préjugés qui s’expriment, et à vrai dire je serais tout à fait ravi qu’on me démontre que l’intérêt ludique est là !

En fait, peut-être ici faudrait-il forcer le trait, en définitive, en renforçant la parenté avec un jeu de plateau ?

Fait. Camlann, dans Sombre 6, est livré avec un mini plateau de jeu, qui participe de son accessibilité aux enfants de 7 ans.

C’est un peu hâtif de dire ça sans avoir lu la chose, mais sur le principe ça me paraît une très bonne idée. Peut-être contaminerai-je mes neveux, tiens…



DE LA BASTON ! ET DE L’HISTOIRE

Johan Scipion a Ă©crit :

C'est bourrin, hein ? Mon avis :

+ Overlord est archi efficace. C'est le scénario que je mène le plus en convention. Plus de la moitié de mes démos, c'est te dire. Je dois approcher les 500 parties. Il fonctionne avec presque tout le monde et produit de bonnes parties dans 99 % des cas. Après DSG, je l'avais un peu laissé de côté. Je l'ai redécouvert avec bonheur par la suite.

+ Sûr et certain que c'est un scénario. Je développe plus bas.

Sur l’efficacité, ça me paraît probable. Et le fait de le jouer en convention, pour faire découvrir, de même, rien à y redire.

Mais – et ça me renvoie à ces quelques mauvaises expériences en parties (relativement) courtes – arrive vite un point où je ne veux plus « tester », ou « découvrir » : je veux jouer...


Johan Scipion a Ă©crit :

Je pense que tu passes à côté de quelque chose. Pas que je veuille te convaincre de quoi que ce soit, hein. Vu que tu exprimes un ressenti, tu ne peux pas te tromper : c'est un point de vue perso. Mais le mien est tout autre.

Ă€ mon avis que j'ai, la baston est un truc fun parmi la tonne de trucs fun qu'on peut faire en jeu de rĂ´le. Et c'est un truc fun qui a l'avantage d'ĂŞtre facile Ă  mettre en place. Y'en a tellement d'autres qui sont hyper difficiles Ă  amener en jeu que ce serait bien dommage de s'en priver.

Tu as tout Ă  fait raison.

Au format d’une chronique (pourtant déjà bien longue ! Et peut-être bien trop, le cas échéant…), je ne me suis pas étendu sur la question et ai fait dans le lapidaire : ça vaut pour le « la baston tend à me faire chier », ici, et pour le « j’aime les histoires » juste après.

Le fait est que mon rapport à la baston en jeu de rôle, et à la notion d’histoire ou de scénario, est en fait plus complexe que ça.

Sans doute vaut-il mieux que j’envisage les deux aspects ensemble, après une citation de plus.

Johan Scipion a Ă©crit :

Mon vécu perso est qu'il ne faut pas se donner beaucoup de mal pour qu'une baston raconte une (bonne) histoire. Envoyer des mandales et en recevoir produit de la fiction, qui peut être de fort bonne qualité. Mieux encore, elle produit de l'émotion. Gros enjeux ludiques et dramatiques, rebondissements, dynamisme, soutien massif des règles, y'a tout pour faire monter la mayonnaise.

Je vois souvent des trucs excellents à ma table lorsque je mène Overlord, alors même que les persos sont fins comme des feuilles de papier à cigarette. Ça m'a vachement fait cogiter.

En préalable : il faut remettre ces citations dans leur contexte. Sombre, n°2, et plus particulièrement le scénario « Overlord » pour Sombre Zéro, m’a fourni l’occasion de ces développements, mais ceux-ci avaient un champ bien plus large – renvoyant le cas échéant à d’autres jeux, testés, ou à des notions plus ou moins vagues me venant en tête à l’occasion de telle ou telle lecture rôlistique. Ici, je ne parle donc que très marginalement d’ « Overlord » ou même de Sombre…

Et donc, la baston.

Je disais qu’elle tendait à me faire chier, mais c’est effectivement très contestable, et il y a plusieurs paramètres à prendre en compte.

En fait, je peux prendre du plaisir à une bonne baston rôlistique, surtout en tant que PJ – et même avec des systèmes pas forcément très indiqués pour rendre cette dimension du jeu, par exempleL’Appel de Cthulhu.

C’est plutôt en tant que MJ que ça coince… En fait, pour dire les choses, j’ai l’impression de ne pas être « câblé pour » ; je sature vite avec des règles d’action trop détaillées, et j’ai du mal à rendre « vivant » le combat, à le « filmer » et à exprimer cette dimension narrative ; enfin, je tombe très facilement dans le très fâcheux travers du « à toi, à moi », comme on dit dans Brigandyne… et il n’y a rien de pire pour plomber un combat.

(À part les règles de Shadowrun, bien sûr.)

Peut-être n’est-ce cependant qu’une impression – à vrai dire, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas mis l’accent sur cette dimension dans une partie que je maîtrisais… Mais j’ai justement le désir de tenter des choses – et notamment dans ce goût-là. Cela fait quelque temps que j’envisage, après ma chronique d’Imperium, et si une table adéquate peut être constituée, de jouer quelque chose plus orienté « action », même si pas seulement – genre de la (grosse ?) fantasy (je songeais à L’Anneau Unique, ou peut-être Chroniques Oubliées Fantasy ; et j’ai succombé à la hype autour de Barbarians of Lemuria, que je lis bientôt…) ou, pourquoi pas, du super-héroïque (j’avais envie de jouer enfin à La Brigade Chimérique...). Avec de la chance, si ça se fait, je pourrai revenir sur ce préjugé…

Qu’une baston puisse dynamiser un scénario, je n’en doute pas. C’est le moment où on agite les dés, après tout – il y en a même pour souffler dessus. Blague à part, il y a là une dimension ludique sans doute essentielle – et mettre ainsi en danger le personnage produit un effet émotionnel que peu d’autres procédés ludiques peuvent atteindre, j’imagine (même s’il y en a, et, bien entendu, je ne prétends pas par-là que le combat est la seule occasion de mettre en danger les personnages, bien sûr que non…).

Et, oui, c’est un outil qui en vaut bien un autre ; que je me pince éventuellement le nez par principe n’y change rien, au fond – c’est bien le plaisir de jeu (de l'ensemble de la table) qui doit dominer.

Certes, je suis toujours un peu perplexe devant la tendance du jeu de rôle (parce que orienté aventure notamment…) à développer autant le combat comme peu ou prou seul mode de résolution des conflits – et je suis curieux de lire des choses un peu différentes, ou tant qu’à faire d’y jouer. Hors jeux « narratifs » (avec tous les guillemets que vous voudrez – certains m’ont convaincu, commeInflorenza, d’autres vraiment pas, comme Monostatos, d’autres pas plus que ça, commeProsopopée, etc.), j’avais été particulièrement enthousiasmé à cet égard à la lecture de Dying Earth, mettant en avant les joutes oratoires au motif que, dans ce monde-là, le combat au sens martial était (sera) vulgaire…

Mais je m’accommode fort bien d’une bonne scène de baston. D’autant que mon opposition, « baston » d’une part, et « j’aime les histoires » de l’autre, ne tient pas vraiment la route – et encore moins dans ce contexte, puisque j’entendais opposer « Overlord » et « Ubiquité », et justement en relevant que ce dernier, pour être très centré sur la baston, constituait justement une bonne histoire ! Oui, le combat produit de la fiction et de l’émotion, s’il est bien géré. Et « Ubiquité » y incite d’autant plus que les joueurs ne sont pas là pour convertir du gobo en XP, ils sont impliqués d’une manière bien plus frontale et intime…

En fait, ma lassitude à l’égard de la baston est sans doute plus justement une lassitude à l’égard du schéma dont je parlais dans la chronique : un peu de social pour faire bonne mesure (quitte à partir sur un « vous êtes dans une auberge quand… »), un chouia d’exploration peut-être, et hop ! Baston. Une baston sans âme le plus souvent, et sans guère d’enjeux – pour moi, du moins, déjà frustré des occasions où j’aurais pu jouer mon perso, son rôle (eh) ; le voilà qui distribue des mandales, et c’est bientôt fini. Ça m’ennuie horriblement…

Tester est nécessaire. Les auteurs se le doivent (et tu es irréprochable à cet égard, c’est peu dire et ça se sent et c'est admirable), et je ne suis pas le dernier, après une lecture enthousiasmante, à avoir envie de tenter de la mettre en pratique (ce que je ne fais cependant jamais ou presque, pour tout un tas de raisons...). Mais, quand je débarque dans un truc pareil, j’ai envie de jouer. J’ai eu quelques mauvaises expériences où, au nom du test, on faisait l’impasse sur l’histoire – quantité négligeable. Le combat était loin d’être le seul responsable, à vrai dire…

Et, pour le coup, c’est l’impression que me fait « Overlord », scénario d’ « initiation » et/ou de « rodage ». C’est parfaitement légitime, et tout à fait bienvenu pour toi – quand tu en fais un bel outil de découverte (et de promotion), je suis convaincu que tu as tout à fait raison.

Et, bien sûr, circonstance qui change tout, on parle ici de quelque chose de joué en un quart d’heure… Je ne peux certainement pas prétendre que c’est alors « perdre son temps », là où c’était bien mon sentiment dans les one-shots de, disons, trois heures, dont je parlais juste avant.

Mais où est l’envie de jouer ? À titre personnel, la chose en l’état ne me tente pas du tout. C’est bien pour du test, oui, mais il faut aller au-delà, me concernant ; d’autant qu’en l’espèce le cadre est joliment amené – c’est bien pour cela que j’y voyais un gâchis… Pas dramatique, certes – et trop bref pour ça.

Ceci étant, la durée du jeu revient bel et bien en rapport avec cette notion d’histoire. Comme dit dansla chronique, je ne suis pas forcément un adepte acharné des romans fleuves (même si j’aime les campagnes touffues, le cas échéant) ; j’aime, cependant, disposer d’un minimum de temps, pour incarner véritablement les personnages, et approfondir l’univers.

Je ne doute pas qu’un bon joueur, à « Overlord », puisse trouver à incarner un personnage en dépit de sa « fiche » rikiki, de sa quasi totale absence de background, et en plus du format « flash ». C’est très possible – même si je doute d’en être moi-même capable.

Je n’en ai simplement… pas envie, sur un format pareil. Je ne sens pas l’enthousiasme, l’investissement me dépasse.

Et, donc, « Deep Space Gore » ne m’a pas beaucoup plus convaincu… si ce n’est de ce que cette approche n’était décidément pas pour moi. « Double Feature » ou pas.

Et on passe au « dark world » intitulé « Extinction ».



EXTINCTION (BIS)

Johan Scipion a Ă©crit :

Nyarlathotep est une concession ludique, dont je m'explique p. 58. Si j'ai ressenti le besoin de justifier sa présence, et même son omniprésence, c'est que je suis bien conscient qu'il s'agit d'un parachutage rôliste. Il est raccord avec l'apocalypse, pas trop avec l'horreur marine. Mais de mon point de vue de game designer, la jouabilité prime toute considération esthétique ou thématique. Au diable l'élégance, c'est l'efficacité qui compte.

Tu as sans doute raison. Mais ma remarque dépassait largement le seul cadre d’ « Extinction ». Je suis sans doute un peu trop rigide en matière de lovecrafteries (la faute à S.T. Joshi, sans doute !), et, si j’essaye de me sortir de ce piège, et y parviens à l'occasion, j’y retombe parfois, paf ! bêtement. Un accident – le coup est parti tout seul…

Or, ces derniers jours, je réfléchissais justement un peu au cas de Nyarlathotep, dans l’œuvre même de Lovecraft. Et je me disais que c’était décidément le « Grand Ancien » le plus problématique. En tant que trickster, et tout méphistophélique, il s’insère mal, voire pas du tout, dans le schéma lovecraftien censément orthodoxe, où le « Mythe de Cthulhu » est essentiellement d’obédience science-fictive, et non fantastique, et où les « dieux » (qui n’en sont donc pas) du pseudo-panthéon cthulien sont censément caractérisés par leur indifférence concernant l’homme (en fait, ce schéma est déjà sacrément contestable avec le Yog-Sothoth de « L’Abomination de Dunwich »…).

Dans le cadre science-fictif d’ « Extinction », Nyarlathotep me paraît donc d’autant plus figurer quelque cheveu sur la soupe. C’est peut-être efficace, mais, oui, ça m’a laissé perplexe.


Johan Scipion a Ă©crit :

Ce texte est le cadre général de ce qui devait être un supplément de plusieurs centaines de pages. Je l'ai publié dans le zine pour des raisons purement éditoriales (une affaire un peu beaucoup pénible).

Ce que tu as lu est l'équivalent des textes introductifs de Delta Green signés Tynes : un cadre global dans lequel viennent ensuite s'insérer d'autres textes, plus directement jouables. Dans DG, il s'agit de différentes organisations. Dans XT, j'ai opté pour sept settings.

OK, merci pour cette précision. M’aurait vach’ment intéressé, ce supplément…

Johan Scipion a Ă©crit :

Plus de précisions nous auraient bloqués dans le développement des settings. Par « nous », j'entends les auteurs et les meneurs d'XT, invités à y créer leur propre setting à leur mesure. Mon cadre devait leur laisser autant d'espace créatif que possible : poser des jalons clairs pour donner de la personnalité à l'univers sans les gêner. Une structure, quoi.

Ça se tient, certes.

Pour le coup, le goût de trop peu demeure, éventuellement : chacun de ces « settings » ne tient après tout qu’en une seule colonne…

Johan Scipion a Ă©crit :

Ce sont des résumés. Chacun d'entre eux devait occuper plusieurs de pages, des dizaines pour les plus costauds.

Et là ça m’aurait vraiment passionné – même si en l’état c’est déjà tout à fait intéressant.

On passe à l’article « Peur ».



TU AURAS PEUR

Johan Scipion a Ă©crit :

Pour un hardcore rôliste, dix, vingt, trente, cent casual gamers, dont la culture horrifique commence et s'arrête à Shining. J'en croise plein en convention, dans les salons et les festivals surtout (le public y est souvent plus mélangé que dans les convs). Ils ne sont pas plus branchés que ça par le cinoche d'horreur, mais Sombre les accroche par sa simplicité et son efficacité.

Cela dit, ce n'est pas pour eux que j'ai écrit cet article, en tout cas pas plus pour eux que pour n'importe qui d'autre. Le point n'est pas d'initier les gens au cinéma ou au jeu de rôle d'horreur. Il y aurait tant à dire, ce n'est pas dans un petit article que j'y parviendrais. L'objectif est de préciser la manière dont, *moi*, je les comprends. En particulier, j'ai besoin de définir certains termes dont je vais ensuite, tu le constateras en poursuivant la lecture de la revue, faire un usage abondant : « horreur », « fantastique », « peur », « aventure », etc.

Cet article n'est pas du tout une aide de jeu. Il ne prétend à aucune utilité directe autour d'une table, raison pour laquelle je l'ai voulu aussi court que possible. Il s'agit de mon lexique de base, fondation essentielle de tous mes futurs articles. C'est pour cette raison que je l'ai publié en premier : il n'y avait pas d'article dans S1 et le premier qu'on lit dans S2, c'est « Peur ». Pas du tout un hasard.

Quand tu construis une maison, tu commences par couler une dalle de béton. Ça ne paye pas mine, ça ne te sert à rien directement (ça ne te met pas un toit sur la tête, je veux dire), mais si tu ne le fais pas, ta baraque se casse la gueule. « Peur », c'est ma dalle de béton, mon socle théorique.

Je ne suis pas un théoricien du jeu de rôle, pas même du jeu de rôle d'horreur, mais j'en écris un. Or le game design tel que je le conçois ne saurait faire l'économie d'un cadre théorique minimum. Parce que Sombre, tout générique qu'il soit, est une production d'auteur, c'est-à-dire qu'il déploie une vision personnelle du genre horrifique. Mon avis est que pour être suffisamment robuste, j'entends par là efficace à ma table et à celle d'autres meneurs, cette vision ne peut pas s'appuyer sur du rien. Il lui faut un soubassement théorique, aussi modeste soit-il (et le mien est minimal, six pages dans S2).

Mais je suis bien convaincu de tout ça, en fait…

Johan Scipion a Ă©crit :

J'ai trois scénars d'horreur gothique sur le feu, dont deux en cours de finalisation. Je vais en publier un tout bientôt, dans Sombre 7. L'horreur gothique est l'un de mes sous-genres préférés. Chuis un die hard fan de la Hammer et de Chill première édition.

De manière générale, tous les sous-genres horrifiques sont le propos de Sombre. Il s'agit d'un jeu d'horreur générique, qualité que je m'emploie à démontrer numéro après numéro. Faut juste me laisser le temps d'aller au bout de ma démarche. À raison d'une sortie par an, ça avance lentement. Mais ça avance. Y'a maintenant pas mal de diversité dans le matos officiel.

OK, merci pour ces précisions.

Je ne suis à vrai dire pas moi-même un über-fan de la Hammer et ce genre de choses, même si j’aime bien, mais je suis curieux de voir ça.



UTILISER SOMBRE, N° 2

Johan Scipion a Ă©crit :

Hé mais tu as déjà fait [utilisé Sombre 2] ! Pour preuve :

[…] un rapport assez complexe, en fait… et qui, dans le cadre de ce deuxième numéro, m’a amené à questionner mes envies, et mes limites.

[…] (je m’en doutais, mais l’Adrénaline ne sert que pour les jets de Corps, pas ceux d’Esprit)

[…] mettre en lumière des dimensions évidentes de la mécanique, mais qui m’avaient pourtant échappé (plus le niveau de Corps diminue, plus les dégâts variables diminuent – ça tombe sous le sens, mais je n’y avais pas fait gaffe, con de moi…) […]

C’est pas faux. Peut-être un peu spécieux quand même, mais c’est pas faux.


Johan Scipion a Ă©crit :

Comme je l'écris dans son édito, S2 est une manière de Master's companion, dont la fonction essentielle est d'aider le meneur à passer de la lecture au jeu, de la revue à la table. C'est pour cela que je recommande toujours S1 + S2 pour débuter, plutôt que S1 tout seul. Car dans S2, on trouve :

+ Des propositions ludiques diverses et variées pour inciter les gens à se demander ce qu'ils veulent faire avec Sombre. Parce que c'est la question fondamentale que posent tous les systèmes génériques : vu qu'on peut tout faire (à Sombre, dans le cadre précis du cinéma d'horreur, mon jeu est générique horrifique), quoi qu'on fait exactement ? Tous les jeux de rôle posent bien sûr cette question à un degré ou un autre, mais la généricité lui donne une importance particulière.

+ Une variante et des scénarios (beaucoup) plus courts pour essayer Sombre sans avoir besoin de recruter pour une séance longue.

+ Des articles pour bien intégrer les concepts fondamentaux du jeu et réviser le système avant de l'utiliser. Chaque mot des règles de Sombre compte, donc ça vaut la peine de s'assurer que tout a été compris jusque dans les moindres détails. C'est important dans la perspective de la maîtrise des scénarios officiels. Playtest intensif oblige, ils sont finement équilibrés pour les règles officielles.

Globalement, je suis d’accord – demeure cependant mon scepticisme concernant Sombre Zéro ; mais accoler les deux premiers numéros est révélateur des possibilités variées du jeu, c'est certain.


…


Mazette, avec ces « réponses aux réponses », je livre un deuxième article deux fois plus long que la chronique originale… N’importe nawak…

(Je ne ferai pas ça tous les jours, honnêtement ; mais je ne vais certainement pas me plaindre de ce genre de retours, en même temps.)

(Et bientôt Sombre, n° 3…)


Source : http://nebalestuncon.over-blog.com/2017 … onses.html


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Hors ligne

#22 27 Feb 2017 08:49

Johan Scipion
auteur de Sombre
Lieu : IdF
Inscription : 15 May 2006

Re : Sombre 2

Je réponds à la réponse de Nébal



À l'origine, une critique de Sombre 1 par Nébal, blogueur littéraire et rôliste. Fort longue et détaillée, comme il en a l'habitude. Je la lis avec intérêt. Peu après, une seconde, toute aussi longue et détaillée, consacrée celle-là à Sombre 2. Je la lis derechef et cette fois-ci, ressens le besoin d'y répondre. Considérant qu'il est de bon ton de laisser la critique critiquer en paix, je le fais assez rarement, mais quelque chose me pousse au dialogue. Sans doute la taille de son texte et le fait qu'il y met très en avant sa sensibilité personnelle. Ou peut-être tout simplement parce qu'il soulève des points intéressants.

Décrochant un moment de mon boulot, je lui tartine un looong post de réponse. Ce qui n'est guère raisonnable. En vrai, je n'ai pas le temps pour ça. Les premières conventions de l'année sont en approche (Orc'Idée : loin, long, fatiguant, mais si cool), j'ai des démos publiques prévues ici et là (à Starplayer, aux IRL Opale), deux animations chez des particuliers, et suis à la bourre sur la préparation de mes playtests d'hiver. Par-dessus tout ça, Sombre 7, qui ne s'écrit pas tout seul.

Mébon, j'ai envie de causer, donc je cause. Et puis je poste. Quelques jours plus tard, Nébal répond une tartine à ma tartine. Tout aussi intéressante que ses premiers textes. Vous vous en doutez, je brûle de répondre à sa réponse à ma réponse (on s'y perd, hein ?). Sauf que là vraiment, je ne peux plus. Trop charrette de partout. Que faire ? Je cherche une solution et pense aux mécènes qui soutiennent la production de matériel gratuit pour Sombre.

M'appuyant sur eux pour poursuivre ma discussion avec Nébal, je décide que ma deuxième réponse constituera leur contrepartie Tipeee et Patreon du mois de février et qu'après leur en avoir réservé l'avant-première, je la posterai sur les forums rôlistes de France et de Navarre. La voici donc. Avant de poursuivre votre lecture, je vous recommande de jeter un œil à mes échanges avec Nébal. Les liens suivants renvoient au forum de Terres Etranges, sur lequel j'ai copié-collé tous nos messages :

+ NĂ©bal sur S1 :  http://bit.ly/2jTbDdp
+ NĂ©bal sur S2 :  http://bit.ly/2jsUIQ8
+ Je lui rĂ©ponds :  http://bit.ly/2iBGRXq
+ Il me rĂ©pond :  http://bit.ly/2jsMcAP

Okay, maintenant que vous êtes à la page, voici ma seconde bafouille. Pour une meilleure compréhension, je reproduis en italique des extraits du texte de Nébal (les titres graissés sont de moi par contre).



Inspi Cube
je me suis demandé s'il n'y avait pas un malentendu quant à mes intentions : je ne remettais pas en cause ta sincérité, hein…

Non non, pas de malentendu. Je précisais juste parce c'est un authentique cas d'influence inconsciente. Je crois vraiment avoir été inspiré par Cube lorsque j'ai écrit Ubiquité, mais ne m'en suis rendu compte à aucun moment, alors que le processus de développement et de rédaction fut tout de même assez long : plusieurs jours de travail pour l'écriture, plusieurs semaines pour la conceptualisation. Pendant tout ce temps, pas une seule fois, je ne me suis dit que mon setting devait beaucoup au film de Natali, que j'adore. Je l'ai revu il y a quelques mois et suis toujours aussi fan.

Mes cours de français du lycée (très longs et très chiants, véritables tue l'amour littéraires) m'ont convaincu que passé un certain point, l'analyse vire à la fumisterie. Pour peu qu'on fasse tourner son gros cerveau assez longtemps sur n'importe quel texte, on finit par y trouver tout, le contraire de tout et le contraire du contraire de tout, particulièrement si on a une grille de lecture psychanalytique. Là, c'est nawak en trois minutes !

N'empêche qu'il y a effectivement des choses cachées dans ce que les gens écrivent. Pas forcément beaucoup et pas autant dans tous les textes bien sûr, mais quand même. Y'a des trucs que l'auteur y a mis en toute connaissance de cause et qui n'apparaissent pas en première lecture. Y'en a d'autres qu'il y a mis à l'insu de son plein gré, juste parce le feeling est en bonne partie une concrétion de références plus ou moins digérées, plus ou moins oubliées. C'est ce qui m'est arrivé avec Ubiquité : je voulais très consciemment faire un Battle Royale (le PvP horrifique, rien que du bonheur), j'ai embarqué du Cube en contrebande. Il a fallu qu'on me le fasse remarquer en playtest pour que je le réalise. How weird.



Système Sombre
les erreurs se payent éventuellement (systématiquement ?) très cher – là encore à bon droit

Il est clair que Sombre à ma table ne pardonne rien : je mène sans écran, tiens compte du résultat de tous les jets, applique les règles à la virgule près, presse les joueurs de jouer vite lorsque nous sommes en situation de stress extrême (en combat, typiquement), et ne brade jamais mes antagonistes. Si j'ai Dracula sous la main, grave que je vais utiliser tous ses pouvoirs vampiriques. Du moins tous les pouvoirs vampiriques que je lui aurai octroyés à l'écriture du scénario. Si j'ai décidé qu'il pouvait lancer 2d6 de dommages à chaque attaque et choisir le meilleur (car il a, le précise Stoker, « la force de dix hommes »), c'est que je pense qu'il en aura besoin pour tenir son rôle d'antagoniste horrifique face aux PJ. L'équilibrage, ce casse-tête de game design vieux comme le jeu de rôle.

Dans ces conditions, les joueurs ont tout intérêt à faire tourner leurs neurones pour survivre. Le challenge tactique participe à l'intérêt et au fun de pas mal de parties de Sombre. Thomas Munier m'a un jour fait remarquer que c'était très OSR. Ne connaissant pas grand-chose à ce courant, je ne saurais dire jusqu'à quel point il a raison. Pour moi, c'est tout bêtement rôliste. Surtout, c'est horrifique. La doctrine Perceval (« À force d'être con, on finit par être mort ») ne saurait s'appliquer à Sombre. Du temps où je menais Kult, je trichais pour brider le système et diminuer sa létalité, ne laissant la technique écraser les PJ que lorsque les joueurs l'avaient à mes yeux mérité. Rétrospectivement, je me dis que j'étais bien con. Tu fais trop de conneries, paf t'es mort. Quel intérêt ? Je ne viens pas à table pour punir les joueurs, mais pour les distraire et les faire flipper. Plus exactement, les distraire en les faisant flipper.

La doctrine Perceval n'a pas grand sens dans le cadre d'un film d'horreur imaginaire. À Sombre, on joue des victimes. Conneries ou pas conneries, les PJ ont 99 % de chances d'y passer. Allez, je pousse un peu. 90% disons. Le scénario, le setting, les antagos, le système, jusqu'à leur Personnalité et parfois leurs compagnons (les autres PJ, ces boulets), tout conspire à réduire leur espérance de vie. Cela ne retire rien au plaisir de jouer pour survivre, bien au contraire. Y'a juste plus de challenge, et c'est stimulant. Mais le point est que même quand on ne démérite pas, on a toutes les chances d'y passer. Quand on joue by the book et qu'on a Dracula face à soi, un instakill est vite arrivé. Dans mes parties, il n'y a pas systématiquement de final girl et quand il y en a une, c'est loin d'être toujours le PJ le plus méritant. Cela ne pose aucun problème dans le cadre du paradigme ludique de Sombre. Le fait est que la vie est injuste, surtout quand on est une victime dans un film d'horreur.



Le gameplay d'Ubiquité
Je suppose néanmoins que les spécificités du scénario « Ubiquité » accentuent cette dimension punitive [...] MJ-marionnettiste qui fait quitter la table aux joueurs absents et les dispose loin de ladite, aux emplacements appropriés pour les retrouver le moment venu… Euh, eh bien, oui, en combinant tout cela, des bases de la mécanique à l'obéissance du joueur, au doigt et à l'œil, jusque dans sa situation dans l'espace (!), je crois qu'on peut dire : « Oh, oui, fouette-moi, MJ ! » Et quand je visualise la scène, Johan Scipion [...] a un rictus sadique sur son visage de la première à la dernière minute

Carrément pas. Là vraiment, tu te trompes du tout au tout, et j'escompte bien que ta première maîtrise de Sombre dissipera cette confusion. Pour ma part, je n'éprouve aucune jouissance sadique, bien au contraire : je m'éclate à me mettre au service des joueurs. Je ne mène pas pour me faire plaisir, mais pour leur faire plaisir. Et quand j'y arrive, c'est ça qui me fait plaisir. Tu vois le truc ? Juste, je m'en tiens à ma proposition ludique : jouer des victimes dans un film d'horreur imaginaire. Mon jeu promet « la peur comme au cinéma », je m'emploie du mieux que je peux à tenir cette promesse. À quoi bon sinon ? Quand tu joues au Monopoly, tu veux que la partie ressemble à du Monopoly, pas à du Risk. Parce que dans ce cas, tu jouerais à Risk. Pour Sombre, c'est la même. Tu viens à ma table pour chercher du Sombre, je m'échine à t'en donner. C'est un bon deal, me semble-t-il. Le seul qui me paraisse un tant soit peu sensé.

Pour ce qui est de l'obéissance du joueur, je ne sais pas exactement quelle est ton expérience du jeu sur table (à ce que je comprends, tu joues beaucoup via le Net), mais ce genre de didascalies est hyper courant. Exclure temporairement de la table les joueurs dont le PJ se sépare du groupe est une technique archi classique de maîtrise IRL. Dans Ubiquité, j'en abuse pour des raisons liées à mon pitch PvP et à la gestion pratico-pratique des actions des PJ, leurs déplacements en particulier, mais fondamentalement, c'est une ficelle vieille comme Arneson. De mon point de vue et d'après mon expérience, elle ne réclame pas plus d'obéissance que n'importe quelle autre convention de jeu. C'est une règle comme il y en a plein, librement acceptée et fun.



Le gameplay d'Ubiquité, suite
en tant que MJ, je ne me sentirais franchement pas de mettre en jeu tous ces rituels

Je ne pense pas trop m'avancer en disant que tu instaures déjà bien d'autres rituels à ta table, fut-elle virtuelle (au sens faible du mot « rituel », il va de soi. On ne parle ici que d'habitudes de jeu). Sans doute sont-ils moins spectaculaires, mais ce n'est pas parce qu'ils passent inaperçus qu'ils n'ont pas une incidence importante sur le déroulement de la partie. Mon expérience perso est que, comme n'importe quelle activité humaine, le jeu de rôle s'organise en une collection de petits, moyens et gros rituels, imbriqués les uns dans les autres. Y'a des règles, des habitudes et des conventions, plus ou moins explicites ou implicites, pour un peu tout. La manière de s'asseoir à table, de parler, de remplir sa feuille de personnage, de lancer les dés, de consulter (ou non) les manuels en cours de jeu, de tracer des plans, de gérer la nourriture et les pauses clope, etc. À ma table en tout cas, et à toutes celles auxquelles j'ai participé depuis que j'ai découvert le hobby (au pléistocène, une autre époque), cela s'est toujours passé comme ça. Parce que sinon, on n'arrive tout bêtement pas à jouer. Donc bon, un rituel de plus ou de moins...



Le gameplay d'Ubiquité, suite de la suite
je suis bien certain que la chose est mûrement pensée et mise en œuvre, et que c'est probablement très, très amusant… Si c'est géré par quelqu'un qui sait y faire.

Ben écoute, ça s'apprend. Je ne suis pas né meneur de Sombre, je le suis devenu. Et pour Ubiquité aussi, tout auteur que j'en sois, j'ai appris à le mener. Ce n'est pas parce que tu inventes le surf que tu sais surfer. La première fois que tu montes sur la planche que tu viens de créer, tu te casses la gueule, comme n'importe qui d'autre le ferait à ta place. Et la deuxième fois aussi. Et la troisième. Au bout d'un moment, ça commence à rentrer : moins de gamelles et qui font moins mal. L'intérêt d'Ubiquité, c'est d'être une planche hyper bien carénée (des dizaines de playtests), qui plus est livrée avec un mode d'emploi détaillé (le texte est, tu l'as constaté, très didactique). Mon objectif est de limiter tes gamelles. Ce que je te vends dans le zine, ce n'est pas que le scénar, c'est aussi (surtout ?) mon retour d'expérience. Je t'explique mes plantages et mes succès pour te faire gagner du temps et du fun. Je mentirais si je disais qu'Ubiquité est un scénario facile. Sa maîtrise est technique, au point qu'elle en intimide certains, dont toi. De fait, ce n'est pas le scénar idéal pour se lancer dans Sombre, Overlord ou House sont bien plus adaptés. Mais ce n'est pas non plus l'Everest en tongs. La barrière est surtout d'ordre psychologique, me semble-t-il. Du psychotage d'avant partie. Une fois qu'on est dedans, si on a bien potassé mon texte, ça roule tout seul. Par contre, via Skype, c'est pas gagné. Ubiquité est un scénario très physique (les fameux rituels de déplacement), une sorte de semi GN. Cela fait son efficacité, son intérêt, son charme.



Le meneur de Sombre, ce Superman
j'avais exprimé un vague scepticisme concernant la position particulière du MJ dans Sombre Classic – qui me paraît vraiment supérieure aux joueurs, mais, si ça se trouve, « paraît » donc sans l'être, c'est simplement que j'ai l'impression que les jeux que j'ai pu lire ces dernières années se montrent bien plus… « délicats » en l'espèce, ou moins « frontaux », on va dire.

Moi qui suis bien à l'ouest de l'actualité du jeu de rôle, je ne saurais confirmer ou infirmer ton impression. Je peux juste dire que oui, certains compartiments bien précis (tout à été mûrement réfléchi et abondamment playtesté, je n'ai rien fait à la pifette) du système de Sombre s'appuient plus ou moins massivement sur le jugement du meneur. D'une, cela correspond à mon style de maîtrise. De deux, je pense que c'est adapté à l'horreur ludique, du moins à la conception que je m'en fais. De trois, cela me paraît nécessaire pour produire du jeu dynamique et fluide, qui est selon moi l'une des conditions de la création d'une ambiance horrifique de qualité. En clair : plutôt que d'empiler de la règle, l'auteur fait confiance au meneur. Il lui donne un cadre, très souvent accompagné d'une fourchette d'effets, mais n'hésite pas à s'en remettre à son intelligence technique et narrative. Ouais, je fais le pari que les meneurs de Sombre ont eux aussi un cerveau. Je m'adresse au grand public, mais s'il y a bien quelque chose que je ne supporte pas, c'est de prendre les gens pour des débiles. Niveler par le bas n'a jamais été mon truc.

Pour ce qui est de la supposée supériorité du meneur par rapport aux joueurs, je te conseille de ne pas trop t'accrocher à cette idée car tu risquerais de tomber de haut lors de tes premières maîtrises. Oui, l'une des fonctions du meneur de Sombre est d'incarner l'adversité. C'est une disposition classique, « tradi » dirais-je même, mais elle a une importance particulière dans mon jeu parce que les joueurs y incarnent des victimes horrifiques. Et faut être clair : pas de victimes sans bourreau. Si Jason n'est pas en mode vénère, les campeurs sont juste des jeunes qui s'éclatent dans les bois. D'un autre côté, le système de Sombre s'applique aux PNJ comme aux PJ. Les antagos ont des avantages bien sûr (adré permanente, absence d'Esprit, Niveau parfois plus élevé), mais cela ne les booste pas tant que les PJ n'aient aucune chance de leur démonter la tronche. De fait, ça arrive souvent. À ce niveau, White trash, le scénario de Sombre 4, est hyper formateur. Il montre bien que les antagos aussi tombent comme des mouches, même les gros bourrins.

De la même manière que les joueurs, le meneur est soumis à l'aléa : lui aussi lance les dés et applique leurs résultats. C'est un point sur lequel je reviendrai en détail dans un futur article de la revue, mais les règles de Sombre ont été développées et testées pour être utilisées sans tricher. Comme aux petits chevaux : tout le monde fait les jets devant tout monde et tout le monde applique sans discuter les résultats. Vachement moins confortable que de mener derrière un écran, mais super super *super* fun. Moi perso, j'adore. Ça vivifie mon expérience de jeu et m'oblige à être rigoureux dans l'écriture des scénarios, toutes choses que j'apprécie.



Le « je » haïssable
cet emploi de la première personne, qui me paraît assez rare en jeu de rôle (même si, côté « indépendant », j'ai lu quelques autres cas [...])

Encore une fois, je n'ai pas la culture rôliste suffisante pour confirmer (ou non) ton impression. Mon préjugé est que la première personne est atypique, mais est-elle rare ? Je n'en ai aucune idée. Je peux simplement dire que la première fois que j'ai rencontré du « je » dans un manuel rôliste, c'était dans Maléfices. Son point commun avec Sombre est qu'il porte une puissante vision d'auteur(s), que l'emploi de la première personne du singulier exprime de manière adéquate. C'est le bon outil. Du moins, est-ce mon sentiment.



I am the Law
j'ai toujours eu tendance à envisager les règles d'un jeu de rôle comme des règles juridiques… [...] il y a la Loi, et il y a le Juge. [...] les brutalités éventuelles de la Loi, peut-être parce qu'implacables, suscitent la soumission ; celles tout aussi éventuelles du Juge, qui demeure un humain sous la robe austère de la justice, peuvent par contre susciter l'agacement, voire le refus (d'obstacle), voire la révolte.

Là j'avoue, je suis totalement largué. Aucun background juridique de mon côté. Mon rapport aux règles ludiques est nettement plus décontracté. Je veux dire, je ne considère pas, même à titre de métaphore, que mes joueurs sont des justiciables. Ce sont des partenaires de jeu, des potes pour certains. Donc j'y vais cool. ^^



I am the Law (bis repetita)
Une règle « objective », à la troisième personne, reste sagement dans son coin. Mais quand elle s'exprime à la première personne, et, qui plus est – ça me paraît vraiment flagrant dans Sombre, pour le coup –, avec insistance (« je », « je », « je »…), il y a un risque non négligeable que je me sente envahi dans mon territoire.

Ce passage m'a interpellé parce que j'ai justement fait un effort conscient pour objectiver la partie règles. Je parle des règles pures, hein. Je suis d'accord avec Jérôme Larré pour considérer que dans un jeu de rôle, tout est règle, y compris les settings, les scénarios et les conseils. Mais quand j'emploie le mot « règle » c'est généralement dans son sens le plus commun : la partie technico-technique du bouquin. Du coup, j'ai épluché « Sombre classic » le chapitre d'ouverture de Sombre 1, celui que j'ai sous-titré « Règles ». Je pense que la présentation de ton exemplaire est différente : tu me l'as acheté à la sortie de Sombre 4, donc avant que je ne toilette ma maquette. Mais peu importe, je parle ici des quinze premières pages de Sombre 1, FAQ incluse. Or donc, j'ai été attentif à écrire ce chapitre de façon distanciée : « le meneur fait ceci, le meneur fait cela », et non « je fais ceci, je fais cela ». J'ai été vérifier : si on exclu la FAQ, que j'ai à dessein rédigée comme une auto-interview (déformation professionnelle, je fus pigiste), il n'y a que deux occurrences de la première personne. Dans le tout premier paragraphe, un usage délibéré pour appuyer l'idée que les PJ sont des victimes, et dans l'introduction de l'exemple de combat, où je dis « je » pour des raisons essentiellement stylistiques. Tout le reste est écrit de la manière la plus classique du monde. Pour les articles par contre, c'est une toute autre paire de manches. Et justement, venons y.



Cachez ce « je » que je ne saurais voir
L'auteur décortiquant son jeu [...] dira à chaque paragraphe ou presque, « je fais», « je pense », « j'ai constaté », etc. Plein de « je », plein, partout, à tous les niveaux – et plus il y en a, plus je me sens repoussé dans mes retranchements ; au point, parfois, où j'ai envie de hurler : «STOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOP !!! » Parce que, pour dire les choses, j'ai le sentiment d'être… agressé, en fait.

Tu psychooooooootes ! bcsmile

Je suis bien conscient que l'usage de la première personne est clivant. Il y a des gens qui aiment, d'autres (dont toi) pas. Ce qui explique sans doute que la pratique ne soit pas plus répandue dans les jeux mainstream. Commercialement, ce n'est pas idéal. Mais bon, tu te doutes bien que ce n'est pas le genre de considérations qui vont m'empêcher d'écrire mon jeu comme j'ai envie de le faire. Parce que c'est vraiment ça, une envie. Mon « je » n'est ni un calcul ni une afféterie, c'est quelque chose de l'ordre du viscéral. Dans mes tripes, je *sais* que c'est comme cela que je dois écrire Sombre. À la limite, c'est un no-brainer. Je ne me pose même pas la question, pas plus sans doute que tu ne te demandes si tu dois rédiger tes critiques à la première personne du singulier. Cela va de soi, c'est naturel, ça sonne juste. Pour Sombre, j'en suis exactement là.



La dictature du « je »
D'autant qu'il y a un stade où le « je » systématique peut insidieusement se muer, pas forcément dans les faits d'ailleurs mais avant tout dans le ressenti, encore une fois, en « moi, je » ; et il n'y a pas beaucoup de choses aussi agaçantes que le « moi, je », dans semblable contexte…

J'entends la critique car je sais bien que si on n'y prend garde, l'egotripping peut virer à l'arrogance. Une question de ton, je pense. Connaissant le danger, je suis vigilant. Et puis, j'ai embauché un pitbull dans mon équipe de relecture. Ça aide pas mal : dès que je fais mine de choper le citron, bam!, il mord. Radical. Du coup, j'aimerais bien que tu pointes des exemples dans mes textes pour appuyer tes propos. Pas que je conteste ton impression, c'est par définition un truc sur lequel tu ne peux pas te tromper. Mais je suis hyper curieux de savoir à quels moments tu l'as ressentie.



He is the Law
à la lecture, j'ai le sentiment qu'il est aussi clairement au-dessus de moi [...] figure paternelle qui conseille le gniard [...] tyran qui sait, et qu'on ne contredira pas [...] démiurge

Écoute, je ne vais pas venir chez toi menacer de tuer ton chien si tu ne joues pas à Sombre de telle ou telle manière. Comme n'importe quel auteur rôliste, je produis une proposition de jeu, que le lecteur est libre d'accepter, refuser ou tordre dans tous les sens, ce dont une partie du public de Sombre ne se prive pas. Je propose, tu disposes. La première personne du singulier ne change rien à l'affaire. Si je dis « je », c'est aussi parce que te considère comme mon égal : un rôliste intéressé par l'horreur ludique, auquel je peux m'adresser comme je le ferais à moi-même. Comme le dit Ramirez : « Nous sommes pareil, nous sommes frères ! ». Sauf que lui, il le braille au milieu des éclairs, ce qui a tout de suite une autre gueule.



Mon Sombre Ă  moi que j'ai
qui, bien entendu, ne le dépare pas de ses atours de créateur, et m'autorise encore moins à m'en vêtir à mon tour

Cette question de l'appropriation est cruciale. D'une part parce qu'elle conditionne le passage du manuel à la table, de la lecture au jeu. D'autre part, parce que Sombre est un jeu d'horreur générique, ce qui implique que chaque meneur qui veut l'exploiter un tant soit peu en profondeur doit le faire sien. S'il ne s'agit que de mener les scénarios officiels, la question ne se pose pas. Mais si tu veux tirer le meilleur de mon jeu, il faut que tu trouves le Sombre qui est en toi. Car le meilleur Sombre pour ta table, c'est le tien. J'ai trouvé le mien et c'est pour cela que je t'en cause à la première personne du singulier. Parce que c'est mon Sombre à moi et que je pense qu'en te le racontant comme je le vis, pile-poil à hauteur de ma table, je vais t'aider à trouver le tien, quel qu'il soit. Je suis auteur, tu es lecteur, peut-être bientôt meneur, on est pareils. Ce qui me donne le droit de la ramener sur Sombre comme je le fais, ce n'est pas ma condition de créateur. C'est ma pratique qui légitime ma grande gueule : je mène (très) souvent mon jeu. Et ça franchement, c'est à la portée de tout le monde. Suffit de se retrousser les manches. Je vois les jeunes qui kiffent Sombre, ils ne se posent pas la question de l'appropriation : ça leur vient direct. Ils ne se retournent pas le cerveau, ils prennent le système à bras le corps pour rejouer leurs films d'horreur préférés. Et ils ont vachement raison. Just do it, nom de Dieu.



It was my best shot
Le problème est que j'ai lu Sombre, n° 3 (je vais essayer d'en causer bientôt), et « Deep Space Gore » ne m'a franchement pas plus emballé que ça…

Arf, can't win them all.



De la chique et du mollard
Une baston sans âme le plus souvent, et sans guère d'enjeux – pour moi, du moins, déjà frustré des occasions où j'aurais pu jouer mon perso, son rôle (eh) ; le voilà qui distribue des mandales, et c'est bientôt fini. Ça m'ennuie horriblement…

Je ne vais pas trop m'étendre là-dessus parce que ce sera le sujet de certains de mes futurs articles, mais ma conviction, appuyée sur mon expérience de jeu et de maîtrise, est que ta dichotomie baston/rôle n'est pas très pertinente. Je ne nie pas que cela puisse être une réalité, ou du moins une impression de jeu, mais mon avis est qu'on peut tout aussi bien, et parfois mieux, jouer son rôle quand on se castagne que quand on cause. Show, don't tell, n'est-ce pas. La baston est du roleplay. Juste pas théâtral, technique. Utiliser telle arme plutôt que telle autre, fuir ou attaquer, se porter au devant du danger ou se cacher, donner des ordres ou les suivre, trahir ou se sacrifier, c'est du roleplay. Et pas du roleplay que tu peux déployer quand tu causes à la serveuse de l'auberge. Tu ne peux le jouer que quand tu te retrouves face à une horde de goules en maraude. C'est ce qui fait d'Overlord un scénar efficace et fun. Et c'est aussi pour cela que je bosse sur Sombre max, une variante de Sombre pour faire des actioners horrifiques.



Le bon joueur, y vois un truc qui bouge, y tire
Je ne doute pas qu'un bon joueur, à « Overlord », puisse trouver à incarner un personnage en dépit de sa « fiche » rikiki, de sa quasi totale absence de background, et en plus du format « flash ». C'est très possible – même si je doute d'en être moi-même capable.

Tu pourrais te surprendre. Dans mon expérience d'Overlord, et elle commence à être colossale, ce ne sont pas nécessairement les « bons joueurs », quelle que soit la définition qu'on en ait, qui incarnent le mieux leur perso, mais ceux qui s'immergent le plus. En quinze minutes, avec une structure narrative aussi simple, la sincérité et l'envie de jouer priment souvent l'expérience rôliste. T'es à fond dans ton perso, tu le joues bien.



Please allow me to introduce myself
Or, ces derniers jours, je réfléchissais justement un peu au cas de Nyarlathotep, dans l'œuvre même de Lovecraft. Et je me disais que c'était décidément le « Grand Ancien » le plus problématique. En tant que trickster, et tout méphistophélique, il s'insère mal, voire pas du tout, dans le schéma lovecraftien censément orthodoxe, où le « Mythe de Cthulhu » est essentiellement d'obédience science-fictive, et non fantastique

Je n'irai pas donner des leçons au distingué lovecraftien que tu es. Pour ma part, je ne suis qu'un fan de base. J'ai cependant une opinion, affinée par mon boulot sur Extinction. J'ai mené ce projet pendant deux ans et ai longuement dialogué avec mes collaborateurs sur ces questions. On était une sacrée équipe, les discussions partaient dans tous les sens et il me revenait, en tant que chef de projet et auteur du cadre général (le texte que tu as lu), de trancher. Donc j'ai pas mal cogité. Je te livre ça un peu en vrac.

Pour ce qui est des genres, Lovecraft a une palette remarquablement étendue, qui va du merveilleux au polar en passant par toutes les nuances du fantastique et de l'horreur. On le voit qui tâtonne, une nouvelle après l'autre, une influence après l'autre (Poe, Dunsany, Shelley, Machen, Chambers, Bierce, etc). Il cherche, essaie des machins, se vautre, en essaie d'autres, et petit à petit se bricole un univers. Il trouve sa voie, et sa voix. Son œuvre est un work in progress. S'il n'était mort si jeune, peut-être aurait-il fini par avoir envie de tout lisser, mais il ne l'a pas fait. Il n'a jamais eu le temps de mettre le crépi sur le Mythe, c'est resté poutres apparentes. Moi, ce côté brut me plait beaucoup. Il m'accroche.

De mon point de vue, cogiter au Mythe comme si c'était une vraie mythologie revient à s'engager du côté obscur des lovecrafteries. C'est le champ que labourent Derleth, Carter ou Price, et il faut bien avouer qu'il n'y pousse pas grand-chose de très intéressant. Ce terreau littéraire est bien pauvre. Comme je le disais, peut-être Lovecraft s'y serait-il laissé prendre lui aussi, mais la mort lui a épargné ce travers. Il n'a pas eu le temps d'aboutir suffisamment son panthéon pour en arriver au point Godwin du Mythe, ce moment où tu commences à avoir envie d'écrire des textes pour combler des vides ou expliquer des incohérences. À mon sens, c'est le pire du pire de ce que peut proposer la littérature lovecraftienne.

Du coup, ma position est : Nyarla est orthogonal au Mythe ? On s'en branle ! Parce qu'en fait, on se branle du Mythe. Il n'a aucun intérêt en lui-même. Ce n'est qu'une putain de mythologie imaginaire, comme la fantasy, le fantastique et la SF en produisent à tour de bras. Ouais je sais, le matérialisme mécaniste, le cosmos indifférent, l'inanité de l'existence humaine, bla bla bla. Des thèmes cool et efficaces, qui portent bien les histoires d'horreur cosmique. Mais la mythologie qui s'appuie dessus, aussi sympa soit-elle (perso, je kiffe l'onomastique lovecraftienne, cet homme avait un don pour choisir et inventer des noms), n'a de véritable intérêt que comme outil littéraire (et rôliste). Du moins, c'est ainsi que je l'ai utilisée dans Extinction.

Lovecraft a fait évoluer cet outil à mesure de ses besoins, ce qui explique que son ergonomie soit un peu étrange. La vision globale que la critique lovecraftienne en a aujourd'hui est rétrospective. Lovecraft n'a pas eu le temps de devenir son propre exégète, auquel cas c'est lui qui aurait inventé l'expression « Mythe de Cthulhu ». Il faisait bourgeonner sa cosmogonie à mesure de ses besoins. C'est d'ailleurs à mon sens l'une de explications de son efficacité : c'est du matériel littéraire vivant, taillé sur mesure pour chaque texte dans lequel il tient un rôle. Y'a une indéniable dynamique de construction qui porte l'œuvre et lui donne de la patate. Quand on aborde le truc de cette manière, Nyarla ne pose aucun problème : il est là quand Lovecraft en a besoin, pour faire ce dont il a besoin, sous la forme qui l'arrange le mieux. Comme tout le reste de son panthéon, sauf que Nyarla, particulièrement plastique, se retrouve accommodé à toutes les sauces.

J'ai essayé de m'inscrire dans cette perspective. En fait non, je mens : à la vérité, j'ai tout pompé sur Tynes. Quand il écrit le cadre général de Delta Green, il prend le Mythe Chaosium, ce machin tout boursouflé, l'essore, en jette 95% (tabula rasa ou peu s'en faut, absolument jouissif) et utilise les 5% restants comme un outil pour développer ses propres factions, settings et scénarios. À mon petit niveau, j'ai essayé de faire pareil, sauf que je me suis dit que j'allais plutôt jeter 99% du Mythe Chaosium (allez non, je mens encore : 98%, j'ai gardé Nyarla !). Toujours moins toujours, telle est ma devise.

Pour clore ma digression, je reviens à la question du genre. Le Mythe science-fictif est à mon sens une vision 1/ tardive (les premiers textes sont plutôt fantastiques, occultes en vérité) et 2/ rétrospective. L'idée que la magie lovecraftienne n'est qu'une forme de science incompréhensible m'a toujours semblé une rationalisation abusive. Dans pas mal de textes, il s'agit juste de magie standard. Du pur fantastique, qui correspondait au work in progress lovecraftien de l'époque, avant qu'il ne vire SF pour donner plus de souffle à son univers. Or il se trouve que moi, j'aime beaucoup le Lovecraft asthmatique, celui d'avant le pneuma science-fictif. C'est pour cela que j'avais décidé très tôt qu'Extinction ne serait pas un supplément SF. Sa timeline est futuriste, mais ce n'est ni Cthulhutech ni Cthulhupunk. On n'avait prévu qu'un seul setting vraiment typé SF, tout le reste était orienté post-apo contemporain ou carrément low tech, façon agonie de la civilisation moderne.



N'est pas mort qui Ă  jamais dort
M'aurait vach'ment intéressé, ce supplément…

Don't hold your breath.

Extinction ne verra jamais le jour sous la forme que j'avais au départ envisagée. Je ne veux pas me relancer dans ce type de projet. Manager une grosse équipe fut très fun, mais ça va, j'ai eu ma dose. Or ce n'est pas à moi tout seul que je pourrais aller au bout de ce que nous avions prévu. Ou alors, il faudrait que j'y passe dix ans. C'est exclu : j'ai d'autres projets pour la décennie à venir. Et puis, je n'ai plus l'envie. À l'époque où on a monté le projet, qui à l'origine se présentait comme un supplément amateur pour L'Appel de Cthulhu, le jeu était en déshérence : Descartes avait liquidé son stock, Asmodée n'avait pas jugé bon de racheter la licence, Chaosium commençait sérieusement à patauger dans le potage, Sans-Détour n'existait pas encore. Y'avait un vide éditorial, qui fonctionnait comme un appel d'air pour les projets amateurs tels que le nôtre.

Aujourd'hui, de vide, il n'y en a carrément plus. Depuis que Lovecraft est tombé dans le domaine public, on est envahis par les produits cthulhiens. Moi perso, ça me démotive un petit poil. Pas que je n'aime pas me laisser porter par le zeitgeist (House of the rising dead est pour une bonne part le produit de la vogue récente des films de zombies), mais sur des trucs plus ponctuels : un scénario par ci, un petit setting par là. Pas un immense projet comme Extinction. Pour me (re)lancer dans un machin de cette envergure, faudrait que j'aie l'impression (l'illusion ?) de pouvoir apporter un truc de, si ce n'est neuf (les lovecrafteries sont par définition du recyclage) du moins personnel et un peu différent. Avec le raz-de-marée de tentacules qu'on se mange ces dernières années (et qui ne fait que commencer, c'est rien que le début du tsunami), je ne le sens carrément pas. Mais il y aura tout de même d'autres bouts de Lovecraft dans Sombre. Et d'ici pas trop longtemps encore. Juste, ce seront des petits bouts.



Stay tuned
(Et bientôt Sombre, n° 3…)

J'attends ta prochaine critique avec impatience. En particulier, je suis très curieux de lire ce que tu as à dire sur Deep space gore.



*



Remerciements

Ce post vous est offert par les mécènes qui soutiennent la production de contenus gratuits pour Sombre. Merci de tout cœur à Glayroc, Chroniques d'Altaride, Alias, Kayaane, Florent, Steve J, Batro, leiatortoise, Tholgren, furst77, Dorothée, Valentin T., pseudo, Vincent, Peggy, Yusei, Eliador, Nefal, Sevoth, Fabrissou, Olivier, Sandra, Abyss Andromalius, Esteren, Yellow, Orlov et Romain Durand.


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#23 16 Jul 2017 22:46

Johan Scipion
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Re : Sombre 2

Sur le Grog, Guillaumet Hatt a Ă©crit :

BLAM ! Ça commence fort. Un scénario compétitif ! Et toujours cette très bonne façon de présenter le scénario avec les explications du comment du pourquoi et les conseils du MJ. Tout est préparé par Johan Scipion au cordeau. Ce scénario m'a rappelé un certain nombre de films (Cube par exemple), de bons souvenirs.

L'article sur la Peur est bien construit, didactique et permet de comprendre la démarche de Johan Scipion et donc d'en profiter si on le souhaite. Sa façon d'introduire le jeu aux joueurs est indiquée, il me semble que se soit en effet nécessaire pour réussi une partie de Sombre bcsmile.

L'article sur le Briefing m'a beaucoup plu et beaucoup aidé à mieux comprendre les règles bien que je les aie lues il n'y a que 2 jours. On a une vraie mine pour y faire son propre Briefing !

Sombre light ne m'a pas enthousiasmé, je lui préfère le système standard.
Le setting post-Eshaton inspiré de Lovecraft et son œuvre majeure Cthulhu est désespérant. ... dans le sens où il atteint incroyablement bien son objectif de désespoir et et d'atmosphère horrifique. Un des meilleurs que j'ai eu l'occasion de lire, à l'opposé total de Achtung ! Cthulhu par exemple. Ici, pas de pulp ! En quelques traits, Johan Scipion nous dresse un steering global horrifique et nous propose 7 possibilités à enrichir pour les MJs. Bravo !


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#24 19 Apr 2018 13:05

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Sur CasusNO, on cause du format flash


Jicey a Ă©crit :
Virgile a Ă©crit :

Je rebondis sur le témoignage de Solaris dans la partie Retour, qui parle de parties très courtes de 25/30mn.
...
Je trouve que c'est un format qui fonctionne très bien, avec bien entendu ses qualités et ses défauts.

C'est comme ça que j'utilise Sombre Zéro. Le format ultra court (pour nous rolistes) permet d'initier sans faire peur. Comme généralement les "victimes" en redemandent, je fais d'autres parties avec des univers différents pour illustrer que dans le JdR il y en a pour tous les gouts.

Ca marche avec les jeunes (temps de concentration très limité tant qu'ils ne sont pas mordus), en convention (série de parties variées sans se prendre la tête, et adaptable au temps libre de chaque participant), mais aussi avec des amis non-rolistes après un repas.

On pourra objecter que Sombre Zéro ce n'est pas vraiment du JdR, mais pour moi ça contient assez de l'essence du JdR, à savoir:
- Les joueurs incarnent un PJ (certes simpliste, mais la tag-line suffit à donner un axe directeur pour un minimum de role-play, qui vient naturellement aux joueurs novices sans qu'on aie besoin de leur expliquer la théorie du role-play en 12 volumes)
- Les joueurs ont une foule de choix offerts (notamment stratégiques), ils décident librement, et on dialogue autour de ça.
- On lance des dés pour déterminer le résultat de certaines actions incertaines.
 


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#25 19 Apr 2018 13:06

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Jicey a Ă©crit :
Virgile a Ă©crit :

Sinon ,je me souviens que la première fois sur ce type de format, c'était en joueur sur un Sombre Zero "Overlord" et j'étais sorti assez dubitatif.

Johan dit que c'est un des scénars qui tournent le mieux avec les débutants, mais personnellement je ne le fais jamais fait jouer, je trouve que les joueurs n'ont pas assez de choix, et le thème n'est pas très porteur/immersif. Camlann est très limité aussi en terme de choix, mais le pitch parle plus aux joueurs, et il y a un petit coté tactique explicite (mais je réserve plutôt ce scénar aux enfants de moins de 10 ans).

Je verrai bien un hors-serie Casus (ou une rubrique récurente) dédié à plein de petits scénars "25 min" pour des jeux différents. Non seulement ça serait pratique pour l'initiation, mais aussi pour les rolistes endurcis afin de pouvoir "gouter" avant de s'engager sur une campagne (avec tout ce que ça demande d'investissement en terme de création de PJ et d'assimilation d'un minimum de règles et de background).

Là par exemple on vient d'arriver au bout des scénars VF de Symbaroum et on se demande à quoi jouer ensuite. Le MJ est motivé pour 3 jeux et on a aucune préférence à priori. Une scéance de speed-playing ça serait sympa pour avoir un avant-gout et choisir.
 


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#26 19 Apr 2018 13:07

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Jicey a Ă©crit :

Johan dit que c'est un des scénars [Overlord] qui tournent le mieux avec les débutants

Oui, entre autres raisons pour ça :


les joueurs n'ont pas assez de choix

Quand tu es vraiment novice, la proactivité rôliste est difficile. C'est une tournure d'esprit qui s'acquiert avec l'expérience.


le thème n'est pas très porteur/immersif

Pas d'accord. La Seconde Guerre mondiale parle au grand public. Plus que le med-fan et la SF, en fait. Mais pas aux enfants de moins de 11-12 ans, cela dit. Faut un minimum de culture historique.


As-tu lu Sombre HS2 ? J'y ai publié un article de conseils d'une douzaine de pages entièrement consacré à Overlord.


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#27 19 Apr 2018 13:08

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Jicey a Ă©crit :
Johan Scipion a Ă©crit :

As-tu lu Sombre HS2 ? J'y ai publié un article de conseils d'une douzaine de pages entièrement consacré à Overlord.

Oui. Ca m'a convaincu de donner une chance à ce scénar, mais je n'ai pas eu l'occasion. J'essaierai peut-être à l'Alchimie du Jeu où je vais consacrer deux créneaux à Sombre.

Mais même avec tout ce que tu as détaillé dans HS2, je le sens moyen ce scénar. Autant tous les autres j'ai pensé de suite "excellent, faut absolument que je le fasse jouer", autant j'ai du mal à me projeter avec Overlord. A moins d'être vraiment en forme et d'arriver à mettre une atmosphère immersive de ouf. Mais c'est vrai que l'article du HS2 donne toutes les clés pour exploiter Overlord au max.
 


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#28 19 Apr 2018 13:08

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Jicey a Ă©crit :

Oui. Ca m'a convaincu de donner une chance à ce scénar

Ah, ça fait super plaisir à lire. Je n'écris pas en vain, c'est cool. bierre



A moins d'être vraiment en forme et d'arriver à mettre une atmosphère immersive de ouf.

Ouala, c'est ça.

C'est un scénar qui tient pour beaucoup sur l'animation. Je ne le défends pas sur le mode richesse du gameplay ou complexité de la structure narrative ou subtilité tactique, hein. De ce point de vue, Deep space gore, Les Grimmies ou Toy Scary sont bien plus aboutis. Ce qui est une bonne nouvelle en soi car ils sont arrivés après Overlord, qui fut mon scénar de rodage système. Ils montrent que j'en ai tiré des leçons de game design. Bon pour moi, bon pour le jeu.

Mais Overlord a des qualités que les autres n'ont pas : la spontanéité et la simplicité. C'est le tout premier scénar de Johan avec son nouveau système. Quand je l'écris, tout il est neuf, tout il est beau, et ça se sent. C'est simple vraiment simple, sans fioritures techniques ou narratives. Et du coup, ça laisse toute latitude au meneur pour animer. Même Camlann, tout simple qu'il soit, ne permet pas ça. Sa structure technico-narrative (l'enchaînement des combats) est trop rigide.

Alors qu'Overlord, c'est vraiment la fête de l'anime. Du coup, avec un peu de pratique et une table un minimum réceptive, ça produit souvent des parties hautes en couleur. Et avec tous les publics car il est peu exigeant côté joueurs, ce qui le rend très accessible. Facile à jouer, facile à mener et excellent support d'animation, c'est un super scénar de démo.

Pour te dire les choses comme elles sont, je travaille depuis des mois à essayer de produire un Overlord bis, qui sans le décalquer aurait les mêmes qualités et me permettrait de varier un peu les plaisirs en conv. Mais je me galère parce que je n'ai plus la fraîcheur que j'avais lorsque je l'ai écrit. J'ai désormais des centaines de parties de Zéro au compteur et elles pèsent sur mon game design.


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#29 26 Apr 2018 06:23

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Florent Poulpy critique Sombre 2


Sur YouTube : RĂ´listiquement court


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#30 17 Aug 2018 18:43

Johan Scipion
auteur de Sombre
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Re : Sombre 2

Sur CasusNO, Gulix a Ă©crit :

1.) Quoi que c'est ?

Sombre 2 et 6


2.) Vous en avez entendu parler où pour la première fois ?

Sûrement sur Casus NO, à travers les nombreux messages de son auteur. Et puis, j’ai lu le premier Sombre il y a quelques années.


3.) Achat compulsif, impulsif ou réfléchi ?

Suite à ma pratique qui tend de plus en plus vers le court, et ma lecture agréable du premier numéro, je voulais en savoir plus sur Sombre Zéro et ses scénarios depuis quelques temps. Le passage à l’Espace Culturel de Quimper, son bac à soldes avec du JDR (deux numéros de Sombre et Skull & Bones) et la présence en rayon d’autres numéros de Sombre (dont ceux chroniqués ici) ont achevé de me convaincre.


4.) Vous pensiez trouver quoi ?

Une revue à l’aspect spartiate, avec un système light et des scénarios bien gores, regorgeant de conseils.


5.) Vous avez trouvé quoi ?

Des scénarios … étranges … J’avoue qu’en première lecture, les scénarios comme Camlann ou Overlord me semble bien trop scripté, limités pour faire une bonne entrée en matière en JDR. Mais, quand on lit le « making-of » de Johan, on comprend les intentions et le but. Et ça fait tilt. Si ce gars mène autant ces scénarios, c’est qu’ils fonctionnent.

Les Grimmies me semblent plus intéressant comme scénario, mais c’est mon côté Improviste qui parle. Devoir générer la situation selon le tirage de cartes est un challenge qui me plaît. Et la forêt est un environnement qui me plaît.

Maintenant, ces deux numéros ne servent pas que des scénarios. Il y a le jeu, Sombre Zéro. Minimaliste, mais malin. Qui fait de l’économie du matériel sa force. Une réussite.

Le scénario Ubiquité était intéressant à suivre, mais le PVP et les apartés ne sont pas ma tasse de thé. je ne me vois clairement pas y jouer.

Par contre, les articles sur la Peur dans Sombre, sur les Briefings, sur ce qu’est Sombre Zéro sont clairement la force de ces revues. Les retours d’expérience de Johan Scipion font le sel de ses revues, et c’est bourré d’idées, d’anecdotes et d’explications : ce qu’il propose en matière jouable ne vient pas par hasard. J’aimerai avoir la force et la disponibilité qu’il a pour tester autant mes créations.

Je passe rapidement sur Extinction, le setting Cthulhu-Marin, qui est sympa sans plus. Je n’ai pas accroché.


6.) Allez vous vous en servir ?

Oui. Au boulot, le midi, déjà. Je parle assez de JDR à mes collègues, je vais leur faire tester. Et puis avec les gamins du quartier, pour Halloween. L’occasion rêvée ! Et puis pourquoi pas en convention. Aux Utopiales, je dois tenir la table de Taverne Production pour discuter et présenter le JDR, et faire des parties courtes. Gangs of Mutants of New York, notamment, mais pourquoi pas du Sombre Zéro ?


7.) En conseilleriez vous l’achat ?

Oui, trois fois oui ! Pour 20 boules, là, vous avez une sacrée matière (et gardez 10 boules pour le numéro avec Deep Space Gore !)

bierre


(Également consultable sur son blog.)


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