Un grand merci pour ce compte-rendu, Astarkan !
Je pratique les mises en abîme et le vertige logique à Inflorenza depuis environ un an, mais généralement cela fonctionne parce qu'avec la table on part avec un cahier des charges bien précis (décor en morphing dans Les Chemins de Compostelle / Venise Mortelle / Au Nord, sous les étoiles silencieuses, allers et retours dans le temps dans Pompéi, etc...). Ici, j'ai l'impression que le vertige logique a émergé des symboles et de l'aventure, sans préméditation de votre part. C'est encore plus gratifiant que vous ayez parvenu à jouer.
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LUMIÈRES ET TÉNÈBRES
Comment bâtir une aventure super-héroïque et sérieuse à partir d'une référence délirante, par Astarkan
illustration : William Blake, domaine public
N'ayant pas comblé mon quota rolistique depuis un moment, j'ai participé à trois partie de Inflorenza récemment. La première a été déjà postée, voici le second compte-rendu. Un cookie sera offert à celui percevant la référence culturelle sous-jacente à cette partie un tantinet délirante. Nous étions tous consentants (a priori) pour participer à cette intrigue, cependant aucun cahier des charges précis n'a été posé au préalable c'est apparu naturellement par 1/ ma faute car c'est moi qui est sciemment introduit cette référence culturelle et 2/ à cause des réflexion méta qui ont suivi...
Nous étions 3 à bien connaitre Inflorenza, les deux autres joueurs découvraient (ou avaient tout au plus fait une partie) bien qu'ils connaissaient déjà Millevaux.
Théatre :
1. Égrégore
2. Folie
3. Nature
4. Science
5. Corruption
6. Religion
Personnages :
Christophe - Le Prophète
[x] (Religion) Je veux invoquer mon dieu.
[ ] (Folie) Je sera son égal.
[ ] (Nature) Elle est quand même sacrément grande cette forêt.
[x] (Corruption) La nature considère que je suis maléfique.
[ ] (Science) Je sais comment libérer Ténèbres.
[ ] (Religion) Mon culte a brûlé...
[ ] (Corruption) Je suis à son service.
Marine - Ténèbres
[ ] (Corruption) Je veux être libérée et reprendre ma place.
[ ] (Religion) Je suis leur Dieu et ils m'obéissent.
[x] (Nature) La forêt est opposée à moi.
[ ] (Corruption) Mon pouvoir est maintenant totalement libéré.
[ ] (Sciences) Mes ennemis possèdent un artefact capable de m'enferme.
[ ] (Corruption) J'ai un bout de corruption de compagnie.
[ ] (Nature) Maintenant même Millevaux ne peut plus rien contre moi.
[ ] (Sciences) Tout mon pouvoir ne peut me protéger de ces artefacts.
Astarkan - Satoshi
[x] (Égrégore) Je veux découvrir le secret de cet objet.
[ ] (Religion) Les esprits m'ont dit comment la renfermer.
[x] (Nature) La nature guide mes pas.
[x] (Nature) La forêt serait notre salut face aux ténèbres ?
[ ] (Science) Grâce à cet objet l'amitié triomphera.
[ ] (Nature) Que puis-je face à cette entité contre-nature ?
[ ] (Folie) Je les attraperais tous !
Anaïs - Gaïa (Vaincue suite à un conflit)
[ ] (Nature) Je veux protéger Millevaux.
[x] (Folie) Tout mal fait à la forêt me touche.
[ ] (Folie) Je suis la déesse de la nature.
[x] (Religion) Le prophète de Ténèbres gagne en puissance.
[ ] (Égrégore) J'ai la puissance pour la stopper.
Anaïs - Pika
[ ] (corruption) Je veux aide Satoshi à vaincre la corruption.
[ ] (Religion) Je crois en lui.
Lucas - Petit être / Lumières (Affaibli puis capturé suite à un conflit)
[x] (Égrégore) Je veux empêcher la souffrance.
[x] (Religion) Je me considère comme un dieu mineur.
[ ] (Égrégore) Je peux créer un lien télépathique fort.
[x] (Folie) J'ai l'impression d'être mort.
[ ] (Égrégore) Je suis Lumières.
[ ] (Égrégore) Mes liens télépathiques sont permanents et immuables.
[ ] (Corruption) Je suis teinté d'ombre.
Tour 1 :
Le Prophète :
Un homme d'une soixantaine d'année se tient dans une salle en ruine, les murs sont couverts d'inscriptions. Il est habillé d'une robe de prêtre abimée et énonce un sermon devant une assemblée de fidèles.
Ténèbres :
Enfermée dans un lieu étrange au décors changeant. Elle veut sortir ! Son ennemi l'a enfermé ici bien avant Millevaux, elle peut cependant communiquer avec des êtres particulièrement réceptifs en particulier Le Prophète a qui elle a promis puissance en échange de sa libération.
Satoshi :
Une jeune garçon imprudent d'une dizaine d'années s'est aventuré dans les ruines de la communauté de Le Prophète et y a découvert des sous-terrains. Perdu, sans lumière il erre terrorisé, son ouïe lui joue peut être des tours mais il crois avoir entendu des voix. Il décide de les suivre, dans une salle dénotant avec le reste des sous-terrains il met la main sur une petite sphère en roche polie. Il continue son errance avec son trésor dans le creux de la main. Il entend toujours les voix le guidant, et parvient à la sortie de ces sous-terrains.
Gaïa :
Une jeune femme communie avec la nature, les animaux et toute une assemblée de créatures méta-humaines. Elle prêche le pouvoir de la nature par opposition à la science et aux armes de ceux voulant détruire Millevaux. Sa vie consiste à parcourir la forêt pour prêcher sa bonne parole.
Petit Être :
Petite créature née de l'égrégore, il peut sentir la souffrance des humains : ce qui lui est insupportable, il vit loin des hommes pour s'éviter une souffrance qui n'est pas la sienne. Il a toutefois ressenti la présence d'un jeune garçon égaré, il l'a guidé hors des sous-terrain. Mais il prend peur en sentant qu'il possède une relique puissamment chargée d'égrégore. Il sent que beaucoup de souffrance va apparaître d'ici peu de temps, il décide d'aller en avertir Gaïa.
Tour 2 :
Le prophète :
Il sent par l'égrégore qu'un artefact antinomique a son culte a fait surface. Il organise une grande chasse dans la forêt pour le retrouver. Un petit groupe de ses fidèles s'organisent et s'arment pour partir en expédition.
Ténèbres :
Ténèbres sent que les choses commencent à bouger, elle guide par l'égrégore son prophète sur la piste de sa libération. Elle a également senti Gaïa et de nombreuses créatures se rassembler autour d'elle. Devant la puissance qu'elle représente, Ténèbres décide d'entrer en contact avec Gaïa. (Conflit perdu) Gaïa la perçoit mais pressent le danger que Ténèbres représente pour la forêt.
Satoshi :
Satoshi a vu une silhouette dans le ciel, il ne le sait pas mais c'est une émanation de Ténèbres qui se tend vers Gaïa. Devant ce signe qu'il ne sait interpréter il prend son courage à deux mains et par à la suite de cette silhouette.
Gaïa :
Peu de temps après ce contact dérangeant de Ténèbres, Satoshi surgit non loin de Gaïa. Elle perçoit une aura étrange autour de Satoshi, c'est l'artefact qu'il a précédemment trouvé. Gaïa l'interroge à ce sujet et comprend que c'est un artefact "vide" permettant d'enfermer des puissante entités liées à l'égrégore. Cela explique pourquoi Petit Être ressent une appréhension en présence de cet artefact.
Petit Être :
Il sent les fidèles s'approchant ainsi que Le Prophète. Les fidèles sont près à mourir pour leur Prophète, il doit tenter à tout prix d'empêcher cette souffrance. (Conflit perdu) (Ellipse) On retrouve Le Prophète sacrifiant ses fidèles par le feu en pleine forêt afin de fragiliser la prison de Ténèbres.
Tour 4 :
Le prophète :
Il comprend désormais comment libérer Ténèbres. (Conflit perdu) Il devra sacrifier tous ses fidèles pour libérer Ténèbres, ceci lui prendra du temps. (Ellipse) Il réunit toute la communauté pour la sacrifier par le feu afin de libérer Ténèbres.
Ténèbres :
Ténèbres sort de sa prison en se frayant un chemin à travers la réalité. Cela commence par un mirage flou puis un liquide noire suinte dans la réalité puis une créature informe commence à se reconstituer pour aboutir à une grande créature noire et squelettique sans yeux traînant des volutes sombres dans son sillage. Elle octroie son dû à Prophète pour le récompenser et le fait en partie sien.
Satoshi :
Satoshi terrifié par le récent sacrifice en forêt de Prophète va se réfugier à nouveau dans les sous-terrains en espérant trouver une solution.
Gaïa :
Gaïa rassemble les créatures de la forêt en préparation de l'affrontement prochain qui suivra le retour de Ténèbres.
Petit Être :
Abattu par son impuissance face au massacre des fidèles en forêt, Petit Être va se réfugier en forêt à nouveau loin de tout. Il parvient à créer un lien télépathique entre les humains proches afin d'utiliser leur peur de Ténèbres et les convaincre qu'il est l'entité opposée à cette dernière. C'est ainsi que par le biais de l'égrégore il devient ou redevient ce qu'il était ou ce qu'il a toujours été : Lumières, l'être opposé à Ténèbres.
Tour 4 :
Le prophète :
Prophète grisé par ses nouveau pouvoir par seul affronter Gaïa. (Conflit) Il l'emporte grâce à la puissance de Ténèbres, de puissants crépitement d'énergie résonnent à travers l'égrégore.
Ténèbres :
Lumières contacte Satoshi afin de préparer l'affrontement à venir. Un affrontement violent entre Lumières et Ténèbres se déclenche... Satoshi caché non loin devra utiliser son artefact pour capturer Ténèbres. (Conflit gagné) Cependant c'est Ténèbres qui prend le dessus, quand Satoshi lance son artefact en direction de l'affrontement c'est Lumières qui se fait enfermer à la joie de Ténèbres. Cependant avant de se faire enfermer Lumières parvint à placer un fragment de son être en Satoshi qui deviendra progressivement le nouveau Petit Être.
Satoshi :
Satoshi sent Lumières dans son artefact. Apeuré devant l'échec de la capture de Ténèbres, il fuit terrifié à travers les sous-terrains qu'il explora par le passé et ressort plus loin dans la forêt profonde. Il décide qu'enfermer Ténèbres est une priorité, cependant il ne fait pas le poids face à cette créature qui dépasse l'imagination. Il décide de se lancer dans un grand voyage à travers la forêt pour s'entraîner et devenir plus fort pour parvenir à enfermer Ténèbres un jour. Il rencontre une petite créature qui a récupéré l'un des fragments de Gaïa résultant de sa cuisante défaite face au Prophète.
Lumières :
Lumières enfermer dans l'artefact souffre la perte de sa liberté, il décide toutefois de maintenir son lien avec l'extérieur tant que possible pour aider Satoshi dans sa quête pour enfermer Ténèbres à nouveau.
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Ah oui vous avez fait fort quand même :) Encore merci pour ce CR !
C'est marrant, parce que malgré la référence culturelle délirante, on peut quand même lire la fiction de façon sérieuse.
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LE CORBEAU ET LA SCIENCE
Transformations corporelles, obscurantisme et final glauquissime, dans ce compte-rendu par Felondra !
illustration : Paul Fürst, domaine public
Partie au pied levé complet: on avait prévu de faire du Blades in the Dark, un des joueurs a oublié qu'il y avait partie et le MJ avait oublié les fiches. J'ai proposé Inflorenza, j'avais le livre en pdf sur mon téléphone et KamiSeiTo y avait déjà joué.
La partie a souffert de ce manque de préparation: je n'avais pas relu les règles depuis un bout de temps, j'ai du lire des morceaux de texte, je n'avais aucune aide de jeu avec - on a vite écrit les thèmes sur un papier -, etc.
Je voudrais bien faire un retour plus précis mais la mémoire me manque... ;)
Les joueurs dans l'ordre du tour:
- Felondra (moi), joueur confirmé, jamais joué à Inflorenza - confident.
- KamiSeiTo, joueur confirmé, a déjà joué à Inflorenza une fois.
- Marilyn, joueuse très occasionnelle de jeu de rôle, n'a jamais joué à Inflorenza.
- Filwin, joueur confirmé, n'a jamais joué à Inflorenza.
Après une explication de l'univers - post-apo forestier, Egrégore, Horlas, Mémoire qui flanche - je commence.
Felondra I
Phrase (technologie) : Je veux que toute technologie s'efface devant le sacré.
Un chariot s'approche par une vieille route de forêt, le long d'un précipice, d'un petit village. Il est tiré par un cheval maigre et fatigué - la peau lui colle aux os, il traine le pas. Aux rênes, une figure étrange, dans des habits sales d'où dépasse un bec de corbeau. Il marmonne des paroles inaudibles en conduisant le cheval.
KamiSeiTo I
Phrase (technologie): Je veux montrer à mon père que son sacré n'est que la peur de ce que peut accomplir l'humain.
Au village arrive le charriot. On voit les habitants se rassembler, le médecin est arrivé, la maladie va reculer enfin!
Un peu en retrait, à l'étage défoncé d'une tour de béton en ruine, une tente est plantée, un simulacre d'appartement. Au bord de cet appartement, un homme toise la scène - des bouts d'engrenages et de puces électroniques sortent de ses bras, son cou. Une souris pend comme un pendentif. L'Homme-Science toise le Corbeau, son père - il est revenu. Le Corbeau le toise en retour. Le village cesse de bouger - la tension est palpable.
Marilyn I
Phrase (technologie): Je veux un enfant de l'homme-science.
Dans la foule, une jeune femme d'une quinzaine d'années, grise, maigre, contemple la scène. Quel est cette créature qui perturbe l'homme-science, son héros? L'Homme-Science descend de sa tour d'un bond, arrive près du Corbeau qui s'avance aussi.
La jeune fille s'interpose, "tu ne le toucheras pas!" Le Corbeau avance sa main, elle la repousse. Le contacte crée des étincelles noires - elle a été corrompu par la religion du Corbeau, la résonance la touche au fond d'elle-même.
Filwin I
Phrase (technologie): Je veux montrer au village que la technologie ne peut rien devant la foi.
D'une bâtisse de claie et de torchis sortent six figures étranges, maigres, dans des habits sales pendant en loques. On ne peut en dire le sexe ni l'âge. Toutes ont des masques de théâtre grec sur le visage, sales, grossiers, en boue séchée - les marques de doigts se voient sur les masques. Ils s'avancent et le village se fige. C'est l'heure du sacrifice. Ils désignent sans bruit une femme, s'avancent vers elle. L'Homme-Science s'interpose - assez de souffrance, assez de sacrifices au nom de cette religion absurde!
Les formes s'arrêtent un instant, interloquées. Puis cinq continuent vers la femme, le sixième sort un couteau et le brandit vers l'Homme-Science, qui tend son bras d'où jaillit un harpon qui brise le visage de claie en mille morceaux. Les autres, pendant ce temps, ont abattu la femme qui hurlait et trainent son cadavre dans la terre vers l'extérieur, sous les yeux hagards du village qui ne fait rien. Sous le sourire du Corbeau, qui rejette son capuchon - ce n'était pas un masque, mais une excroissance de cuir et de métal qui fait dorénavant partie de son visage. "Ta science ne peut rien, mon fils, cesse donc!"
Felondra II
Tandis que L'Homme-Science fait rentrer dans sa chair le harpon à l'aide d'un engrenage fiché dans son épaule, Le Corbeau se tourne vers la foule. "Il est temps. Voici sa science qui ne peut rien. Je puis vous rendre la mémoire! Qui se portera volontaire?"
Un homme est là , près du Corbeau. Il s'en empare bien que l'homme n'ait rien dit. L'homme semble léthargique, les Dieux semblent plonger le village dans la stupeur depuis le sacrifice de la femme. Tandis que l'homme grogne, le Corbeau lui ouvre le front et saisit dans ses outils, de ses mains faites d'un alliage de chair et de métal, une sorte de disque gravé de runes. L'Homme-Science alors crie et tout le village reprend son cri. "NON."
Le village et l'Homme-Science parlent d'une seule voix dorénavant. Assez de tes Dieux. Assez d'endurer tout ce mal. Assez!
Le village se jette sur Le Corbeau, le sépare de l'homme qui crie maintenant, le sang dans les yeux. Le village frappe le chariot, le cheval qui se cabre et s'emballe. Le Corbeau hurle, tente de reprendre les reines, mais trop tard. Hors du village, le cheval bute contre une pierre, tombe, le chariot se renverse. Le cheval tente de se relever, donne un dernier coup de sabot qui arrache le bec du Corbeau. Son cri déchire le jour qui décline. Une forme noire, Le Corbeau nu, s'enfuit dans les bois.
Dans la cohue, L'Homme-Science est tombé, sans doute était-il sur le chariot à essayer de frapper son père quand le cheval s'est emballé. Il a été piétiner, massacré par ceux qu'il a réussi finalement à protéger.
KamiSeiTo II
Une vieille femme sort d'un repli du village, d'une ombre, d'un porche. Elle s'approche de la jeune femme qui pleure la mort de L'Homme-Science de qui elle ne pourra avoir d'enfant, maintenant qu'il est mort. "Ne désespère pas, petit, et suis-moi. Prends tout ce qu'il te faut." Après un instant, la jeune fille sèche ses larmes, s'empare de son couteau, se met à découper le membre viril de L'Homme-Science, encore turgescent. Elle se relève et suit la vieille femme qui l'emmène loin, dans la forêt.
Marilyn II
La jeune fille et la vieille femme cheminent, il fait froid, la nuit tombe, la pluie commence. Dans la boue la petite fille glisse, se rattrape, le membre de L'Homme-Science toujours à la main, prenant garde à ne pas le salir.
Finalement, elles arrivent devant une porte dans une colline. Une porte ressemblant au sas d'un sous-marin.
"Ouvre-la", murmure la vieille. La petite fille tente. Sa main droite, celle corrompue par Le Corbeau et ses Dieux, n'y parvient pas. De l'autre, elle l'ouvre sans encombre. "La main du coeur", murmure la vieille femme.
Filwin II
Dans la forêt, on entend les cris du Corbeau puis le silence. Alors qu'il avance, sans visage, sans mains - les Dieux les lui ont reprises -, il tombe sur un enfant ,sur le borde de la route. Un enfant qui ne lui fuit pas mais le regarde, l'air sûr de lui.
"Viens, je t'emmène là où tu pourras te venger. Chez les Ingénieurs."
Le Corbeau renfile son accord. Son corps est noir, couvert de plumes naissantes, de plaques de peau, d'écailles. Son nez est une fente, ses yeux sont des fentes.
Felondra III (final)
Ils cheminent dans la forêt, Le Corbeau grognant, ruminant, l'enfant sans bruit. Ils arrivent eux aussi devant une porte dans une colline, la même porte de sous-marin. L'enfant la pointe. Le Corbeau veut l'ouvrir. S'y brûle. Insiste.
Elle s'ouvre soudain et des harpons en jaillissent, s'en emparent, le tirent à l'intérieur. La porte se referme sur l'enfant qui repart, content.
Au-dessus de la cuve des Ingénieurs, Le Corbeau les met une dernière fois au défi. La veille femme sourit, la jeune fille s'avance. Le membre viril de L'Homme-Science à la main.
C'est ainsi que se termine la partie (ma copine était enfermée dehors, j'ai du me grouiller de rentrer chez moi pour lui ouvrir). On a aimé le cliff-hanger final mais on était frustrés.
Je n'ai pas eu le retour du reste de la table.
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MILLE FOIS TU GRAVIRAS LA MONTAGNE
Dans ce compte-rendu par kF, le koan d'Inflorenza Bianca se déploie comme un rêve où les possibles s'entrelacent à l'infini.
illustration : Gustave Doré, domaine public
Première partie d'Inflorenza Bianca ce soir !
Le hasard veut que le jeu soit sorti le jour où j'écoutais le podcast sur le jeu esthétique avec Thomas et Eugénie. J'ai brièvement réagi à la publication sur les Ateliers, mais ça n'a pas trop d'influence (on ne ressent pas dans la partie les choses que j'ai exprimées dans ce post). Comme avec Minima, j'ai voulu prendre peu de joueurs, qui connaissaient déjà Millevaux. J'ai voulu jouer dans le noir ; en pratique, c'était la nuit, mais pas le noir complet ; une pénombre suffisante pour obtenir un effet assez sensible. A la base, je voulais me rapprocher des psychodrames et faire penser la partie du côté du rêve éveillé, ce qui est essentiellement le résultat obtenu.
J'ai donc réuni 2 joueurs, à qui j'ai lu le texte intégral et donné quelques indications sur la façon dont je proposais de jouer - assez peu. J'avais un peu peur qu'on tombe à côté de la plaque, c'est d'ailleurs pour ça que je voulais un mj, mais a posteriori je remettrai ce choix en question. Les joueurs ont ensuite choisi leurs symboles et quêtes en discutant quelques minutes de ce qu'ils avaient envie de jouer.
+ Romain choisit les symboles Photo et Arbres. Sa quête est de retrouver la personne ou l'endroit qui se trouve sur la photo qu'il possède. Le joueur précise qu'il voudrait jouer quelque chose qui implique fortement les arbres, décors habituel mais peu exploité dans nos parties à Millevaux.
+ Bertrand choisit Chouette et Couronne. Sa quête est de trouver ce qui est au-dessus de Millevaux, au-delà des cieux, et qui nous surplombe, pour s'en venger. Le joueur précise que pour la chouette, l'un des point important est que l'oiseau peut voler au-delà des cimes et voir la forêt de dessus.
Les personnages n'ont pas été nommés, et ne sont pas restés fixes, donc j'abandonne l'idée de les nommer a posteriori.
Fiction
Dur de rendre fidèlement ce qui s'est passé, même si la partie n'a duré qu'1h explications incluses : c'est comme un rêve.
Une flamme unique qui attire l'oeil, au coeur de la nuit. Elle dessine les contours des arbres. Une silhouette la tient à la main, c'est la flamme d'une bougie. La scène se fige, c'est une photo qu'un vagabond tient à la main. Il l'a trouvée dans les affaires de quelqu'un, sur le bord de la route, mais il n'y a personne d'autre.
Il fouille un peu plus les affaires de l'inconnu et trouve une lettre, écrite avec du sang. Il porte lui-même une bougie, c'est pourquoi la photo l'a étonné puisqu'elle est presque comme la scène actuelle. Il décide de faire un feu pour la nuit et pour mieux lire la lettre. Le feu se reflète dans les yeux d'une chouette qui le regarde.
Autre temps, autre lieu ? Une personne est assise devant un feu de camp, avec beaucoup d'autres gens. Mais tous les autres sont étranges, ils vont et viennent, semblent dormir ou pourrir, ils ne sont pas vraiment là : un seul est véritablement présent. Il lit une lettre de sang.
Une autre personne, autrepart, avec une autre photo : un feu de camp.
Malgré les autres, il se sent seul et abandonné depuis longtemps. Il avance avec les autres, longue procession de personnes indistinctes portant toutes des masques mortuaires, sauf lui. Il est différent, il en veut à celui qui a choisi cet ordre. Dans la procession, une personne porte une bougie allumée, une seule, pas toujours la même. Lorsqu'un masque tombe par inadvertance, on voit que le visage derrière a toujours les couleurs de la vie.
Quelqu'un est face à l'arbre : ce grand arbre, plein de ronces. En montant à son sommet on dominerait la forêt et l'on verrait tous les alentours. Mais autour de l'arbre et dans ses racines, une fange immonde, de la vermine qui grouille. Une main en dépasse, qui bouge encore. Le vagabond, voyant la scène, veut écrire, se sent le besoin d'écrire. Il a du papier, mais pas d'encre. Il arrache une ronce pour faire goutter son sang et avoir de quoi écrire, mais ce faisant il arrache la peau de son bras, et se blesse plus profondément qu'il ne l'aurait voulu.
La lettre de sang dit : tu m'as donné mille cadavres pour faire de moi ce que je suis, donne-m'en mille autre encore et pour toi je monterai jusque dans les cieux. Les êtres avec des masques mortuaires s'approchent doucement de l'arbre. Le vagabond prend un bâton. Il dit qu'il a besoin d'eux. Que nous donneras-tu en échange, demandent les masqués ? Rien, vous n'êtes que des outils pour moi : c'est au monde que je vous donne, et je ne réponds qu'à lui. Et pendant qu'il parle, il en abat un, fait craquer ses os, le disloque petit à petit. Un deuxième puis un troisième subissent le même sort. Un à un, il les brise. L'odeur de l'immonde terre de chair.
Une procession de personnes avec des masques mortuaires. Tout un village s'est déplacé pour les voir passer. Mille cadavres ! Mille cadavres ! clame-t-on tandis que les masqués avancent sans un bruit. Un roi à la couronne de ronces les regarde passer. Un enfant se saisit de son appareil photo et photographie celui des masqués qui porte une bougie.
Sous la pluie il avance, trébuchant dans la boue. Autour de lui des masques brisés gisent dans la terre de chair. Il court comme un dératé, atteint enfin une cabane, s'y réfugie. A l'intérieur, les affaires de quelqu'un d'autre. Il regarde : une photo, celle d'une flamme au milieu des ténèbres, devant un arbre gigantesque. Puis la photo des corps disloqués. L'oeuvre a été accomplie. Parmi les affaires, une couronne de ronces.
L'ascension. Un arbre haut comme une montagne. Chaque avancée est difficile, douloureuse. L'arbre est enlacé par les ronces, et celui qui grimpe s'y arrache la peau, se retrouve bientôt tout écorché. Avant d'avoir atteint le sommet, il n'aura plus de peau. Des chouettes hululent, le narguent de souffrir autant. Finalement, il parvient au sommet.
Finalement, il n'est pas parvenu au sommet. Il n'en a pas eu la force. Alors il s'est simplement collé à l'arbre, il s'est laissé happer par lui, il est devenu le tronc et l'écorce. Il restera là , saillie étrange et humanoïde, pour le prochain qui tentera l'ascension.
Finalement, il est tombé avant d'arriver au sommet. On l'a vu s'écraser au sol. Les autres, au villages, hésitent, monteront peut-être. En regardant bien, on voit sur le tronc de nombreuses aspérités étranges. Elles ressemblent à des torses, à des bras, à des ailes.
Au sommet, celui-là a trouvé la couronne, et il en est revenu.
Le grand arbre au milieu de la forêt, sans habitations, sans hommes proches. Juste une jeune enfant, fascinée par le tronc majestueux. Elle prend une photo, bien qu'il fasse très sombre. Quand elle la développe, elle aperçoit une silhouette avec une bougie, qu'elle n'avait pas vue. Elle veut retourner voir l'arbre.
Son grand-père la retient. Il a une couronne de ronces. Attends demain, dit-il ; n'y va pas. Elle abandonne l'idée de retourner auprès l'arbre.
Elle allume un feu.
Commentaires
+ Une partie mémorable en 45min à peu près. J'avais parlé de vertige logique brièvement, et on a aimé la partie du texte du jeu qui parle de jouer le passé et le futur. Tout le monde a beaucoup participé à cet onirisme, cette réalité incertaine. Le point où c'est le plus clair, c'est quand on a décrit coup sur coup l'ascension qui échouait et qui réussissait. Deux époques, ou deux réalités, ou deux rêves, on sentait que les joueurs arrivaient à être parallèles et à aller dans la même direction tout en racontant chacun des bribes d'histoires différentes sans se marcher sur les pieds.
+ La voilà , ma porte d'entrée vers Dragonfly Motel ! Je me suis senti à l'aise à proposer cette partie dans Millevaux, parce que je connais l'univers, que je suis habitué à jouer esthétique dedans. Cette expérience était impossible dans les autres jeux que j'avais dans les mains. On a joué avec 0 métajeu, en restant dans la fiction, et en donnant leur place aux silences. Je voulais parler des silences de Prosopopée avant de jouer, j'ai oublié, mais on s'est débrouillés tout seuls : parfois le silence tombait et on attendait que quelqu'un ait quelque chose à dire.
+ Mon rôle de mj a été léger. J'ai cadré des scènes, en changeant assez souvent pour proposer d'autres tableaux, d'autres bribes de fictions sur lesquels rebondir ou pas. J'espérais, et ça m'a été confirmé, que les joueurs se sentent libres d'aller ou non dans les directions que je leur ouvrais, et pouvaient ouvrir des scènes d'eux-mêmes. J'ai dit explicitement que je n'étais pas là pour valider, que les joueurs devaient décrire ce qu'ils faisaient et ce qui se passait sans passer par moi. Mon rôle était donc juste de relancer ; j'ai eu peur d'être trop intrusif, d'ouvrir trop de portes, mais les joueurs étaient contents de ce que j'amenais. Bertrand dit que ça redonnait de la matière une fois que les scènes étaient à peu près vidées de leur substance.
+ Ce n'est pas le rôle de mj que je pensais avoir. Je pensais faire intervenir des prix à payer, des rétributions des actes des personnages. Pas pour amener du jeu moral, mais pour soutenir l'esthétique doloriste d'Inflorenza. Ca s'est un peu vu avec les masqués qui demandent une compensation en échange de leur mort, et avec l'escalade de l'arbre qui arrache la peau, mais c'est tout. En fait ce rôle m'a paru complètement superflu une fois dans la partie, vu qu'on était bien harmonisés et très impliqués dans cette fiction floue.
+ Les deux joueurs décrivent qu'ils n'avaient pas l'impression de jouer de personnages. Quelques archétypes reviennent : on comprend que le personnage de Bertrand est celui qui a réussi l'ascension, et que c'est le grand-père à la fin, mais la plupart du temps c'était très flou. D'ailleurs, à part le grand-père et la fillette, toutes les identités de genre étaient floues - on parlait souvent au masculin à cause du terme vagabond mais ce n'était pas fixé. J'ai entremêlé les symboles des joueurs, dès le début : je décrivais une photo, symbole de Romain, mais j'ai dit à Bertrand que c'était lui qui la portait à la main. Ce sentiment de jouer pour le plaisir de décrire, pour les scènes et pour le style, a plu à tout le monde. Le fait de ne pas avoir de personnage était un retour (positif) que j'avais fait sur ma partie de Dragonfly Motel, et j'ai retrouvé ici quelque chose de très similaire, très onirique.
+ Jouer dans la pénombre a beaucoup aidé pour l'ambiance. L'intégralité de la fiction a eu lieu pendant la nuit, j'ai même dit à un moment que c'était étrange et probablement surnaturel, mais en fait on l'a rarement précisé à part quand il fallait faire ressortir une flamme ; par contre, c'était évident pour tout le monde. J'essayerai volontiers de jouer dans le noir complet à l'occasion.
+ J'AI TROUVE MA NOUVELLE CAME
+ Sommes-nous d'accord que le minimalisme extrême d'Inflorenza Bianca le rend peu accessibles aux néophytes ? Dans un registre complètement différent, j'ai joué à Ghost/Echo récemment, un jeu qui souffre d'être trop peu écrit. Inflorenza Bianca a marché mais ç'aurait été différent si nous n'avions aucune idée de ce que sont Millevaux, le jeu esthétique, le vertige logique. Ou au moins, connaître un peu ta vision des folklores forestiers.
Dernière modification par kF (11 Oct 2016 22:49)
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Je rajoute mes commentaires / impressions en tant que joueurs.
+ Tout d'abord, j'ai beaucoup aimé le format d'écriture du jeu. Il faut le préciser, parce que ça m'a pas mal influencé une fois en partie. On a déjà parlé des phrases sur la douleur (qui a été très bien intégrée dans la narration par les joueurs) et celles sur le temps qui ont donné le côté "fuite en avant". Une scène très forte pour moi, qui n'est pas présente dans le compte-rendu de la fiction (et c'est normal, cf un de mes points suivants), était un tableau décrivant un vagabond au milieu de la foule, alors que celle-ci se disperse. Lui a réussi l’ascension, mais il est le seul à le savoir. Ce souvenir, si précieux, il le gardera jusqu'à la mort, et ce sera sa plus grande richesse. Dans cette scène, j'ai directement repris le "La mémoire et les confidences valent de l’or". Cette phrase m'avait marqué et je suis content d'en avoir fait quelque chose.
+ L'aspect "Fuite en avant" et "tableaux successifs". J'ai beaucoup aimé la dynamique qu'on avait à la table, c'était très fluide, chaque tableau était cohérent au moins thématiquement avec le précédent, et aucun joueur ne se préoccupait de 'jouer un personnage'. D'ailleurs, assez vite, les quêtes et symboles sont devenus communs à la table et plus pris comme des axes de narrations que comme des objectifs personnels. On enchainait des tableaux avec une non-cohérence agréable. Un ami m'a demandé si c'était "pas trop mindfuck ?". La fiction produite l'est peut-être (et c'est pour ça que c'est pratiquement impossible à retranscrire : bravo à kF pour avoir réussi à transmettre une partie, on en a perdu une partie mais en fait, ce n'est pas important), mais pour nous en tant que joueurs, la narration était fluide et simple à suivre. Le fait de savoir que l'on peut mettre des scènes passées, à venir, dans une autre réalité, en rêves, des visions jamais réalisées ou autre permet vraiment de se lancer à corps perdu dans la narration de ces tableaux, sans savoir si 'on emmène l'histoire dans une mauvaise direction.
+ J'ai totalement ressenti le côté "rêve éveillé" que décrit kF. C'était un peu comme une veillée : on était tous concentrés sur la personne qui parlait, et on enchainait les uns les autres. La distribution de la parole s'est faite naturellement et de façon très fluide (c'était ma première expérience aussi peu cadrée d'un point de vue narration) et j'ai beaucoup apprécié ça.
+ En effet, le rôle de "MJ" de kF a été assez inutile, mais assez vite, il s'est mu en 'joueur comme les autres' puisque comme personne n'incarnait vraiment de personnage fixé, il y avait peu de différence entre une narration de 'joueur' et une narration de 'MJ'. Je pense que si on veut rejouer de la sorte, un rôle de Confidente suffit, dont les attributions seraient de relancer la narration si elle retombe, de rajouter de temps en temps des détails si elle le trouve pertinent, ou de façon plus pratique mais tout aussi importante, d' "orienter" la parole pour que celle-ci soit équitablement répartie.
+ A la relecture, je suis conscient que ce qu'on a joué est basé sur une des mille interprétations possibles de ton jeu. Mais c'était vraiment une super expérience. Le texte est extrêmement évocateur et a beaucoup contribué. A la réflexion, j'ai l'impression que ce texte est une "inspiration pour créer un jeu esthétique autour d'Inflorenza", comme si sa lecture ne donnait pas naissance à une partie directement, mais à la naissance d'un système qui lui-même donne lieu à une partie. Je ne sais pas si je suis très clair.
Bref, j'ai aimé.
Dernière modification par Piouh (11 Oct 2016 23:20)
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A. Merci à kF pour ce CR : le premier d'Inflorenza Bianca, ça fait grave plaisir ! (J'ai fait aussi un test, "La Source", CR au propre à venir, version pdf ici). Et merci à Piouh pour le commentaire argumenté de joueur, c'est toujours très appréciable. Je m'étais dit qu'il était temps que je sorte un maximum des choses qui sont dans mes cartons, avec une contrainte d'une publication par semaine, et voir le jeu aussitôt diffusé, aussitôt joué, ça récompense mon effort, donc merci à vous.
B. En fait, Inflorenza Bianca est une compression d'Inflorenza Minima (plutôt axé jeu moral) mais aussi d'Inflorenza classique (plutôt axé esthétique). Cela en fait un jeu moral-esthétique, c'est un peu à la table de choisir. Quand j'ai testé, j'ai plus ou moins fait du Minima en carte rouge, donc très moral, je suis intéressé de voir que vous êtes plutôt partis sur la pente esthétique.
C. Est-ce que l'idée de jouer dans le noir t'est venu du vers On voit en nuances de gris ? C'est un vers qui veut à la fois dire que l'univers est moralement très nuancé et qu'il faut imaginer les scènes comme jouées en noir en blanc (feeling qu'on retrouve dans le CR, avec du coup une grande importance des moments où certaines couleurs sont soulignées, comme le sang de la lettre ou lorsque les hommes qui ont des visages colorés sous leurs masques)
D. C'est cool que tu aies lu le texte de jeu à toute la table. Je réalise que ce genre d'artifice n'est possible que lorsque le texte est très court. (même pour Dragonfly Motel, je pense que le texte est un poil trop long pour que les joueuses soient tentées de le lire toutes)
E. Tu noteras que le texte de règles omet volontairement la notion de MJ. C'est à la table de se décider si c'est nécessaire.
F. En fait, je serais curieux de savoir si dans votre partie le MJ a toujours géré le décor ou les figurants ou si les autres personnes s'en sont emparés.
G. On voit bien l'utilisation des symboles, on dirait que ça a bien fonctionné. Peut-être parce que c'est moins noyé dans les autres règles que dans Inflorenza Minima.
H. La série d'itérations finale avec la montagne (y compris les versions que kF a oublié, comme celle de Piouh) et le climax qui s'en suit, sont un grand moment de vertige logique qui me semble directement inspiré des derniers vers :
Revivre le passé
Ou le futur d’un choix possible
Pour mieux peser le présent
I. Je trouve que votre table commence à trouver son propre style de vertige logique qui m'intéresse beaucoup ; on voit des références aux choses que j'ai tentées de mon côté et en même temps il y a votre propre patte, dont j'adore suivre le développement, depuis Le dernier songe d'une mourante et La Forêt de Möbius.
J. C'est très cool que vous ayez tenté (et réussi) de jouer sans métajeu comme c'est préconisé dans Dragonfly Motel et dans Shades. Je l'ai moi-même tenté avec Inflorenza Classique dans Venise / Compostelle / Au Nord et réussi dans Duels (le lien pointe vers la partie enregistrée, le CR écrit reste à diffuser au propre, mais je vous ai mis la version pdf ici). Je crois que ça demande une solide harmonie autour de la table pour amener ça dans Inflorenza classique. Pensez-vous que le côté haiku zen du texte d'Inflorenza Bianca incite à ce procédé ?
K. J'ai déjà eu le cas de personnages évanescents dans Inflorenza classique vu que les pré-requis pour créer un personnage sont très courts. Mais c'était quelque fois vu comme un problème (le personnage du saint-esprit dans Les Chemins de Compostelle) et il fallait une bonne dose d'harmonie et de solipsime pour le résoudre (le personnage de l'Ombre dans La succession de Shaman ours), deux qualités que je reconnais sans problème à votre table. Est-ce que le minimalisme absolu d'Inflorenza Bianca rend la chose plus ludique, plus acceptable ? L'indéfinition des personnages est aussi une chose très pregnante dans Les Remémorants (et vous pourriez bien être murs pour y jouer).
L. Le fait que tu as décrété que c'était la nuit éternelle est une super façon de répondre au vers On voit en nuances de gris. J'aime beaucoup ton projet de jouer dans le noir complet, avec pourquoi pas des lampes de poche en joker pour évoquer les moments où il y a des lumières dans l'aventure.
M. Ben je suis bien content que tu aies ta nouvelle came. Je trouve que vous utilisez les choses ludiques qui sont dans l'air pour tracer votre propre voie d'expérimentation, et c'est super intéressant d'en voir les évolutions de CR en CR.
N. Pour revenir sur le minimalisme extrême d'Inflorenza Bianca. J'ai eu l'idée de ce jeu après une expo sur des peintres minimalistes coréens (oui j'assume d'être un hipster et de m'inspirer de la peinture contemporaine ). L'un des peintres disait "Je veux être un artiste de peu de mots". Facile quand on peint, je trouve :) J'ai voulu relever le défi de cette citation en dégraissant Inflorenza Minima qui a force de conseils et d'exemples était devenu bien moins minimaliste que ce que je voulais au départ (mais il s'est trouvé de mes lecteurs de le trouver encore trop implicite, comme quoi la dose de matériel est à varier selon chaque personne). Inflorenza Bianca a en commun avec Ghost/Echo de nécessiter une expérience sur des jeux similaires (Apocalypse World et Otherkind pour G/E, l'ensemble de mon travail pour IB) et/ou une interprétation de la part des joueuses. Mais la comparaison s'arrête là . Ghost/Echo propose peu d'outils : un système de résolution axé sur la succession frénétique d'actions qui ont toujours des conséquences et un univers minimaliste. Inflorenza Bianca propose en réalité une pléthore de conseils de jeu, chaque ligne est un conseil et chaque conseil a plusieurs interprétations différentes (ainsi, Piouh a interprété La mémoire et les confidences valent de l’or à sa façon, mais on peut aussi y lire la mémoire comme monnaie telle qu'elle est présentée dans les mécanismes de petite et grande obole dans Inflorenza Minima, et mis en pratique dans la partie L'Enfer de Dante). Ghost/Echo est avare de conseils de mise en scène. Il offre une intro in media res forte et propose ensuite une courroie d'entraînement des actions, mais Inflorenza Bianca te tient davantage par la main : dès que tu es en panne d'inspiration, il te suffit de prendre un vers et de réfléchir à comment l'appliquer en jeu. C'est pour ça que c'est important d'avoir le texte sous les yeux pendant toute la partie. Bien sûr, je te parle ici de mon intention. Il appartient à d'autres de juger si le résultat est là ou non. Mais nous sommes d'accord qu'une partie va être très différente d'une table à une autre.
O. Quelque part, je rejoins beaucoup toutes les remarques de Piouh, notamment que le fait qu'Inflorenza Bianca est plus un guide pour créer un jeu qu'un jeu en lui-même.
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A. Je me doutais bien que tu m'avais doublé, mais bon, c'est facile pour toi ! ^^
Une question : certains jeux en cours de rédaction peuvent être testés et joués si l'auteur a toutes les idées en tête, même avec rien de rédigé. Mais pour quelque chose comme Bianca, as-tu joué avec le texte déjà intégralement écrit ? (si non, comment savais-tu que tu jouais à Bianca !?)
B. D'accord. Je pense que la première raison pour laquelle je l'ai pris du côté esthétique, mise à part que j'avais envie de vertige, c'est que je m'attendais à voir une nouvelle variante esthétique d'Inflorenza sortir bientôt, et comme celle-ci se présentait sous une forme stylisée, je l'ai prise comme telle. Ceci dit même si on lit en filigrane le mécanisme de résolution de Minima, je n'aurais pas interprété Bianca comme un jeu avec une quelconque intention de jeu moral ! A la lecture, j'ai vu les sacrifices comme des conséquences (ainsi qu'à Inflorenza après un jet de dé) plutôt que comme des prix à payer (ce qui implique que celui qui paye ne choisit pas consciemment d'arracher une part de lui pour avancer).
C. C'est une envie ancienne, depuis que j'ai acheté De Profundis sans en savoir grand-chose. C'est un jeu qui propose de jouer à des psychodrames : des parties dans le noir complet, où l'on ne fait qu'incarner son personnage en parlant et décrivant à travers lui. Je n'y ai toujours pas joué et ce n'est pas ce qu'était Inflorenza Bianca mais j'avais envie de tenter le jeu dans le noir, pour voir ce que ça amène en termes d'ambiance. Déjà que quand j'organise des parties, je le fais pratiquement seulement de nuit (enfin en soirée), j'évite de jouer à tout jeu avec un minimum d'ambiance tant que le soleil est levé. Peu de jeux peuvent se jouer avec 0 matériel, et j'ai pensé que Bianca était de ceux qui gagneraient à être présentés dans cette ambiance.
Plus généralement, depuis quelques mois je commence à réfléchir à la ritualisation du jeu de rôle. Avoir des routines systématiques, ou des pratiques qui conduisent à améliorer l'expérience de jeu. L'an dernier je t'avais piqué la minute de silence, que j'utilise dans presque toutes mes parties, et qui est une brique importante de ma façon de jouer. Il y a un mois ou deux j'ai joué le gn Old Friends de Jason Morningstar et Ole Peder Giæver, dans lequel on commence les phases de jeu par "ouvrir" un masque qui sert à faire des possessions (au sens du spiritisme) ; le jeu demande aux joueurs de se réunir autour du masque, en se tenant la main, et de fredonner de concert une minute ou deux. Ca avait le même effet de rupture - laisser derrière soi la phase de création et le brainstorm, commencer la partie, se mettre dans la peau de son personnage, s'harmoniser avec les autres - mais c'était intradiégétique, super thématique, ça avait même un genre d'impact mécanique ("maintenant, les possessions peuvent avoir lieu"), bref, j'avais trouvé ça génial. Plus vieux, je découvre en ce moment Polaris et toutes ses phrases-clés qui rythment le jeu (Et il en fut ainsi), ouvrent et ferment la partie / les scènes, qui forment un rituel spécifiquement raccord à Polaris plutôt qu'à d'autres jeux. Le jeu propose aussi d'allumer une bougie en début de partie pour la souffler à la fin. Un rituel comme la minute de silence est une routine de mj ou de table, mais je me demande si chaque jeu écrit ne cacherait pas, latents, ses propres rituels (parmi lesquels piocher et adapter en fonction des envies et des joueurs). Pour Inflorenza Bianca, la lecture lente et détachée du texte du jeu, qui permet à chacun de s'attarder un instant sur chaque phrase, en est certainement un.
E. Oui, je l'avais compris comme ça. J'ai choisi de me donner une place de mj pour chercher une certaine expérience mais j'étais conscient que c'était un choix.
F. Je mettais en scène les personnages, c'était le plus important. J'ouvrais de nouvelles scènes en décrivant par exemple un personnage qui gravit l'arbre, et par le regard je suggérais à un joueur de prendre le relai en racontant ce que fait le personnage, qui est probablement le sien. Du coup, je m'occupais de figurants et décors mais aussi des persos. Par contre, une fois les scènes amorcées, les joueurs décrivaient tout dedans, figurants et décors, échecs et réussites, conséquences C'est pour ça qu'une des conclusions était que mon rôle de mj était finalement très amaigri. Parfois je donnais la voix à des figurants (les masqués) mais pas toujours. Enfin, certaines scènes étaient démarrées par les autres joueurs.
G. Oui, les symboles ont tous été très utilisés. Photo aura été le plus marquant, parce qu'il permettait énormément de jeux de description et notamment des transitions super stylées : on décrit une scène, un instant, et puis on réalise que la scène est une phot tenue par un personnage dans une autre scène.
H. Ce n'est pas une montagne, c'est l'arbre qui a grandi ! Mais oui, ces vers nous ont interpellés tout particulièrement. En fait en écoutant le texte lentement on se laisse marquer par certaines phrases plus que d'autres, chacun pioche ce en quoi il trouve de l'écho. Les mots sur le passé et le futur viennent à la fin et donnent envie de jouer avec.
I. On en reparlera après quelques parties du genre, parce que pour moi c'est presque la première avec ma table ! (ces autres CR se sont joués sans moi)
J. Maintenant que tu en parles je crois que c'était aussi une des raisons qui m'ont poussées à me placer en mj, pour réduire la probabilité qu'un joueur demande s'il peut faire telle ou telle chose. Jouer sans méta n'est pas dans mes habitudes (à Inflorenza, nous aimons débattre parfois longtemps des termes d'un conflit et de ses conséquences futures) mais c'est plein phares sur mon terrain d'expérimentation en ce moment. C'est d'ailleurs un objectif important d'Elle voyage, mon jeu court de voyage ambigu, que je n'ai pas retesté depuis août mais qui reprend désormais les 2 symboles + 1 quête par joueuse. Je ne me vois pas trop amener ça à Inflorenza classique, à cause de nos habitudes de jeu : justement, autant sortir un autre jeu dans Millevaux pour bousculer les habitudes, nommément Bianca !
Pour ce qui est de l'incitation du jeu, oui, il y a de ça. Déjà techniquement : par rapport à Minima, dans mon interprétation on n'a pas explicitement de prix à payer à énoncer, donc le jeu est plus fluide et on conserve le flow narratif. Ta question portait plus sur le mode de rédaction, et je pense que ça a aussi de l'influence. J'ai lu le texte une ligne par ligne, lentement en faisant des pauses, et ces alternances de lectures et de silences étaient un miroir de la partie elle-même (scènes presque ininterrompues, silences en attendant le début de la prochaine). En plus, regarde la mise en page de mon CR, mes sauts de ligne très fréquents sont calqués sur ce rythme et presque donc sur la structure du texte !
K. Nous on a adoré ! Les instances de chacun avaient quand même chaque fois leur ton, leur couleur propre. Bertrand m'a dit récemment qu'il avait trouvé un point commun à ses personnages de jdr - ils sont souvent ambitieux - et ça se sentait dans chaque personnage qu'il a incarné ici : celui qui escalade l'arbre épineux, celui qui tue les masqués pour les intégrer à son oeuvre, etc. Ce sont des comportements qui sont d'ailleurs induits par ses symboles et la façon dont il les a choisis : la chouette qui le nargue du haut du ciel, la couronne de tyran contre qui se révolter.
Pour les Remémorants, je vais en parler à Steve ^^
L. Si la pénombre est une réponse à on voit tout en nuances de gris, c'était inconscient ! J'avais pris la ligne dans son sens moral. Mais c'est intéressant de voir qu'on peut quand même trouver une racine à cet artifice dans le texte. Pour les jeux de lumière, je suis sûr qu'il y a plein de trucs à expérimenter. Pour un certain jeu stressant / horrifique auquel je réfléchissais il y a un moment, je voulais faire des phases dans le noir avec une unique lampe torche, qu'il faut utiliser pour chercher les dés et lire certaines infos / caracs sur les feuilles de personnages, possiblement inconnues à l'avance. Là comme ça, je pense aussi à Coma d'Adrien, pas encore publié, où l'un des deux joueurs porte un bandeau sur les yeux pendant toute la partie. Et après les questions de lumière et de vision, il reste les autres sens à explorer :)
N. Ah j'aurais pu mettre le texte à disposition. Il était sur mon téléphone, on n'y a pas retouché pendant la partie. (en même temps, imprimé dans le noir...)
O. Et je suis bien content d'avoir joué avant de savoir que tu pensais aussi au jeu moral en écrivant Bianca !
Dernière modification par kF (13 Oct 2016 22:48)
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A. Comme tu t'en doute, j'ai testé Inflorenza Bianca sur la base du texte déjà écrit, que j'ai fait lire à toute la table.
B. Oui c'est une façon d'interpréter Qui perd gagne / maintenant ou plus tard, mais comme j'ai dit, il y a d'autres façons de voir les choses (comme par exemple de se dire que le personnage a connaissance de cette loi métaphysique et sacrifie consciemment des choses pour atteindre son objectif)
C. Dans Coyote won't talk, chaque joueuse porte un masque de son personnage animal. Manuel Bedouet (Sur les Frontières, Summer Camp) prépare un american freeform qui fait une utilisation très ritualisée de la bougie. Peut-être acceptera-t-il de t'en dire un peu plus, voir de te le laisser playtester. Au passage, je répète que j'aime beaucoup ton projet de JDR où les personnages sont muets, ou du moins où le discours direct est absent.
F. Je trouve originale cette façon de maîtriser, en mode "Le MJ commence la scène, les joueuses finissent", ou "Le MJ apporte parfois des détails pointillistes".
G. La photo peut être un super élément de vertige logique. On l'utilise assez à fond dans ce CR : La Photographie.
H. Le vieux contresens que j'ai fait ! Tant pis, je conserve le titre et l'illustration du CR sauf si vous y voyez un inconvénient :) C'est amusant de constater à quel point l'ordre de rédaction des vers a été important pour votre expérience de jeu (mais ça a été aussi important cette histoire de passé et de futur dans mon test). A retenir donc, sur un nano game, l'ordre de présentation des règles est crucial.
I. C'est vrai. Pour ton compte, tu as eu ta dose de vertige logique avec moi lors de la Tournée Paris est Millevaux de mars 2016. J'ignore si ça t'a influencé.
J. Oui, je te l'accorde, moi aussi dans Inflorenza classique je passe en fait quand même en méta au moins quand il s'agit de définir l'objectif et le contre-objectif d'un conflit. Le zéro méta est en effet davantage permis par Inflorenza Bianca, ou par une variante qui s'en inspirerait.
Les pauses de lecture sont incitées par le fait que chaque vers est espacé d'un saut de ligne, comme tu le fais remarquer. C'est intéressant de voir que ça influe jusqu'à la forme du CR !
K. L'indéfinition des personnages permet notamment une identification plus forte au personnage, intéressante pour le jeu moral mais pas que.
Je crois que Steve a quelques regrets sur les règles de son jeu, mais pour ma part je trouve qu'il permet une super expérience du moment qu'il y a une bonne convergence des envies à la table de jeu.
N. Le texte du jeu sur le téléphone, seule source de lumière, c'aurait pu avoir un certain cachet :)
O. Peut-être qu'il vaut mieux en effet cesser d'écouter le méta-discours des auteur.e.s autour de leur jeu et profiter de ce que le texte de règles peut offrir, qui est souvent plus large !
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L'ENFANT-FLEUR
Quand hommes et monstres se déchirent, tout est création, par Felondra.
crédits : felipe ascencio, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
Deuxième partie: jeudi 6/10
Pour cette partie, les conditions étaient meilleures: j'ai pu relire le livre (et notamment l'exemple de partie, Tes paroles ne m'atteignent pas, très éclairant), imprimé les aides de jeu (très très bien faites) et proposer aux joueurs de le lire (ce qui est le cas de Ledo et aidera bien la partie).
Les joueurs (dans l'ordre du tour):
- Felondra (moi-même);
- Oracle, joueur débutant, n'a fait qu'une partie d'initiation Pathfinder à une convention bruxelloise cet été.
- Blakerts, joueur "intermédiaire", a une ou deux campagnes de Warhammer et DD à son actif.
- Ledo, joueur débutant, n'a qu'une ou deux parties de DD à son actif.
Je présente l'univers selon le résumé de l'aide de jeu et leur propose de présenter les mécaniques au fur et à mesure. Je les préviens rapidement sur le ait qu'il n'y a pas de meneur de jeu, ce n'est pas un jeu de rôle dit "classique", mais que je les aiderai si ils ont un blanc, qu'on est tous ensemble pour raconter une histoire, qu'il ne s'agit pas de juger la qualité de ce que les autres inventent, etc.
Felondra I
Phrase (corruption): Je veux savoir pourquoi les arbres ont corrompu mon coeur.
C'est le crépuscule, dans un petit village fait de bois et de pierre, entouré d'une palissade. Mon personnage est à la fenêtre, il regarde en soupirant vers la forêt tout autour. On l'a enchainé aux bras parce que, tous les soirs, il veut rejoindre la forêt. Ce personnage est très pâle, longiligne, avec de longs cheveux très noirs. On me demande son genre, je ne sais pas encore.
Je termine là , explique la fin d'instance sans conflit, écrit une nouvelle phrase.
Phrase (nature): A la nuit tombée, je me referme comme une fleur.
Le soleil finit de se coucher, ses rayons me laissent dans le noir de la chambre. Je me replie sur moi-même, comme une fleur, j'attends le soleil du lendemain.
Oracle I
Phrase (chair): La nuit, ma faim de chair me pousse à chasser les humains.
C'est la nuit. Le personnage d'Oracle marche dans les bois. Il est grand, il marche on ne sait depuis quand, il ne suit pas le temps des humains. Il est dans cette forêt depuis toujours d'après lui. Il mesure environ 3m50 mais se recourbe. Peut-être qu'il était humain avant, maintenant il a davantage l'air d'une sorte de crocodile, de serpent, avec des pointes lui sortant du dos, sur deux puis quatre pattes.
Dans le village au loin, c'est la fête. Deux villageois se sont éloignés, ils voulaient s'épandre loin du village, tant pis si on dit que les bois sont dangereux. Je les piste un temps. Quand ils se séparent, je leur tombe dessus.
Je propose un conflit simple, dont l'objectif serait de parvenir à tuer le couple. Comme ça, ça pose un enjeu, ça fait de la mort ou de la vie du couple un carrefour narratif. Oracle accepte avec joie. Il obtient un dé de sacrifice. Je lui propose alors, pour ne pas que son personnage ne disparaisse, qu'il développe un pouvoir. Comme dans l'exemple de partie, relève Ledo. On sourit tous les deux, la ressemblance est un peu troublante.
Bref, il accepte.
Pouvoir (pulsion): Par mes hormones, j'attire les êtres masculins à moi.
Alors qu'il va se jeter sur eux, la fille se retourne, hurle. Le personnage d'Oracle souffre de cela, il ne pensait pas être si repoussant. L'homme, par contre, reste. Face à tant de fragilité, le personnage d'Oracle fuit au coeur de la forêt. Il se sent impuissant, vide. Horrible.
Blakerts I
Phrase (mémoire): Je veux retrouver celui qui enlève une personne du village tous les trois ans, même si personne d'autre ne s'en souvient.
Dans le village, la fête bat son plein. Un homme, vieux, fourbu, barbu, tranche dans le décor. Il passe près des gens, un carnet à la main, leur montre des visages barrés, les exhortent à la prudence. Eux le repoussent - ils veulent simplement s'amuser, qu'il les laisse tranquille avec ses absurdités, au moins pour ce soir! Le vieux n'arrête pas de répéter les mêmes paroles sans sens, comme si des gens disparaissaient régulièrement, on s'en rendrait bien compte!
La fille du couple arrive, en criant, il leur dit "vous voyez!" mais ils tournent le dos.
Fin de l'instance sans conflit.
Phrase (mémoire): Je garde dans mon carnet les souvenirs de ceux qui ont été enlevés et de tous les habitants du village.
Ledo I
Phrase (sacré): Je veux convertir le village à la foi d'Irminsul.
De la forêt arrive un homme, il est fort, massif comme un chêne, des muscles saillants couverts de tatouages. Ce qui marque le plus, c'est l'arbre qu'il a sur tout le front, les racines semblent plonger dans son nez, les branches se perdre dans ses cheveux.
Lui écoute le vieil homme, la fille qui crie, et décide d'aller avec eux pour retrouver celui qui a fait ça. En lui, cette certitude: si il fait ça, il aura fait un premier pas vers le coeur de village.
Ils annoncent donc vouloir retrouver trace du personnage d'Oracle. Lui ne veut pas qu'ils le retrouvent, j'explique donc les règles du conflit duel.
J'aide Oracle dans ce conflit - les bois ont corrompu mon coeur, je ne désire pas qu'on débusque ce qui s'y cache. Le personnage de Blakerts aide logiquement Ledo, son carnet lui rappelle les disparus de son village, il veut faire la lumière sur cette affaire.
Au final, Oracle l'emporte. Les personnages de Ledo et de Blakerts, qui suit Ledo dans la forêt, sont perdus. En se perdant, le personnage de Ledo s'éloigne de la zone corrompue de la forêt, vers une zone saine, où (phrase de puissance - nature): "les arbres me parlent".
Je ne sais plus ce que j'écris comme phrase.
Le personnage d'Oracle a peur des humains, il les fuit, se sent traqué. (puissance: pulsion): "ma peur des humains me rend plus fort." Blakerts, lui, doit écrire une phrase de souffrance en technologie. Finalement, il écrit qu'en se perdant, il bute contre une branche et brise un élixir de mémoire qu'il boit régulièrement pour se souvenir de tout. Les visages sur le livre ne lui sont plus familiers.
Felondra II
Une trace de sang mène dans les bois. Je veux retrouver mon père. J'ai poussé, poussé et mes poignets ont lâché, libérant Ysaïs (mon personnage) de ses fers. C'est un jeune garçon.
Je lance un conflit simple visant à retrouver le personnage d'Oracle.
On se dit que ce n'est pas le même conflit qu'avant, d'ailleurs le personnage d'Oracle m'aide, il veut que je le retrouve, je ne suis pas comme les autres.
J'obtiens un sacrifice. Je réussis et ne suis plus une fleur fermée la nuit. Je prends des risques à sortir seul, je me sens faible face à l'immensité de la forêt. Comme un papillon sorti du cocon.
Oracle II
Le personnage d'Oracle est là , face à Ysaïs. Ombre horrible parmi les ombres, nous nous sommes retrouvés dans un cercle d'arbres. Sa faim est trop forte, il se jette sur moi pour me dévorer.
J'accepte de mettre la vie de mon personnage en péril. En retour, si je l'emporte, il sera attaché à mon personnage au-delà de toute raison.
Les dés sont lancés, je l'emporte.(puissance, amour) "Ce qui se cache au fond des bois est mon père."
Le personnage d'Oracle s'est jeté sur moi mais je suis là , innocent, pûr. Finalement il m'enserre dans ses bras, sentant qu'il faiblit. Parce que (souffrance, amour): "Mon amour me fait redevenir humain."
Suite et fin
Là j'ai un coup de flou. En résumé, le personnage d'Oracle m'a déposé dans sa caverne, énorme, pleine des trophées de ses précédentes victimes disposées sur un rocher couvert du sang séché des villageois précédents. Il est ressorti pour tendre une embuscade aux personnages de Ledo et Blakerts, mais ceux-ci l'attendaient, parce que les arbres ont soufflé au personnage de Ledo de se préparer à l'arrivée de celui d'Oracle. Ils l'ont mis hors-combat, s'étonnant de voir un humain trop grand, quelques pointes lui sortant du corps, mais surtout il raptisse à vue d'oeil, reprendra bientôt forme humaine totale.
Ils le ramènent au village, Ledo veut qu'on le brûle selon les rites de son ordre, il est la source de corruption de la forêt autour. Blakerts, lui, défend que la forêt est corrompue et que ce pauvre hère n'est qu'une victime de la corruption environnante.
Le village décide finalement en faveur de Ledo, qui réalise trop tard qu'en gagnant le village à sa cause, il perd l'amitié naissante qui le liait à Blakerts.
Les villageois vont dans la grotte pour que le monstre leur montrent que c'est bien lui, qu'il a tué tous ces villageois. Ils l'ont mis dans les fers qui ont servi avant à enserrer les bras d'Ysaïs, lui maintiennent la tête dans un collet de fer qu'ils tiennent par de longues perches. Ysaïs voit tout ça, caché dans les buissons près de la grotte. Il décide de se venger de ce village qui l'a trahi. Il retourne au village, le brûle et veut finir par brûler la forêt. Comme ça tout partira en cendres.
A ce moment intervient la fin de partie, le conflit de masse final.
Le personnage d'Oracle se jette dans les flammes, attirant tous les hommes du village avec lui par ses phéromones. Il meurt malgré qu'Ysaïs ait tenté de l'en empêcher.
Le personnage de Blakerts meurt en essayant de tuer le personnage de Ledo, la source de tout ce mal selon lui.
Le personnage de Ledo, lui, parvient à sauver la forêt des flammes et part, laissant ces villageois incapables.
Ysaïs, enfin, observe ce qu'il a fait. Il passe parmi les villageoises restantes et leur murmurent des paroles de haine, crée la discorde, révèle tous les secrets du village. Toutes se jettent les unes sur les autres en entendant les tromperies, les malheurs, tout ce qui était caché.
Le sourire au visage, Ysaïs part.
Partie hyper satisfaisante!! Tous les joueurs étaient très contents de ce qu'on avait fait ensemble. Ils étaient tous étonnés qu'on ait réussi à faire une telle fiction sans meneur, sans structure pré-existante.
De mon côté, ce qui m'a le plus étonné, c'est la force du ressenti. Sans faire d'interprétation ou presque (ce que je préfère en jeu de rôle), la partie créée est forte, on s'y immerge. A certaines écritures de phrase, l'émotion sort. L'histoire est forte, dense, même si on ne l'interprète pas à fond. On était souvent en méta, à se demander quelle phrase écrire, à faire des propositions, à se relancer entre joueurs.
Autre point qui nous a rassemblés, tout est création. La moindre phrase, le moindre dé lancé. Ça c'est vraiment fort.
Voilà , finalement c'est plus long que quelques lignes. Mais je voulais un peu détailler parce que je trouve que ça valait le coup, pour des parties faites entre (quasi) étrangers (je joue beaucoup avec KamiSeiTo, sinon personne n'avait joué avec personne avant ces parties) :)
Bravo à toi d'avoir pondu un tel bijou!
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