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#1 17 Sep 2015 11:50

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

[Les Remémorants] Comptes-rendus de partie

Les Rémémorants, chasseurs de souvenirs dans le monde sans passé de Millevaux

Un jeu de rôle de Steve Jakoubovitch.

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crédits image : Kotomi, Bogdgmx Dan, nooccar, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
police : Powderfinger Type


Liste des comptes-rendus de partie par Thomas Munier :

* : partie enregistrée

1. La faute aux mains *
            (Un premier test poignant du jeu autour de la mémoire et de Millevaux)

2. De sources sûres *
            (Archives, Père Castor et figurants, le dilemme de la gestion des remémorances.)

3. Le cœur de la forêt ensorcelée
            (Les Remémorants en table ouverte, pour un voyage dans la tristesse, les histoires croisées, les souvenirs cruels et apaisants)


Liste des comptes-rendus de partie par Steve Jakoubovitch :

1. Naturalisme paysan à Millevaux
            (Test du jeu par son auteur, puissance des souvenirs polyphoniques et faible portée du doute.)


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#2 17 Sep 2015 13:19

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Les Remémorants] Comptes-rendus de partie

LA FAUTE AUX MAINS

Un premier test poignant du jeu autour de la mémoire et de Millevaux

Jeu : Les Rémorants, de Steve Jakoubovitch : Chasseurs de souvenirs dans le monde sans passé de Millevaux

Joué le 08/09/15 sur google hangout
Personnages : Anicette, Blandine

Partie enregistrée sur ma chaîne youtube ici 

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crédits image : aftab,Anne Marthe Widvey, JMVerco, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Feuilles de personnages :

Anicette
Originaire d'une communauté
Rôle dans la communauté : infirmière
Conséquences de son départ : elle les ignore encore

Blandine
Vagabonde
Blessure : un œil crevé
Étincelle de vie : j'ai promis à quelqu'un (qui ?) de revenir de la Grande Forêt.


L'histoire :

La rumeur du vent.

La Grande Forêt Lyonnaise. Le voyage a été plus long que prévu. A l'arrivée, c'est l'hiver. Congères de neige. Campagnes immaculées.

Il fait froid. Dès l'orée de la forêt, on comprend que les choses ne sont pas ordinaires. Une horloge à coucou sur l'écorce d'un arbre, avec un oiseau mécanique qui sort quand sonne l'heure.

Anicette est arrivée au terme de son long voyage. Elle est maigrichonne, ses cheveux étaient d'un blond fade avant que la crasse ne teinte ses nattes en noir. Ses grands yeux bleus et son visage angélique inspirent la confiance. Des scarifications sur un de ses bras : le nom ANICETTE gravé. Le nom FERDINAND gravé sur l'autre bras.
Elle a fait un long chemin depuis sa communauté. Elle a emporté un petit garçon. Il voit dans le sol les empreintes d'un renard, empreintes qui se chevauchent pour donner l'impression que l'animal qui les a laissées est une sorte de bipède. L'enfant est fasciné à l'idée de voir un renard.

Le vent charrie des feuilles et plaque quelque chose sur le visage d'Anicette. Une photo de polaroid, le cliché jauni d'une famille. Peut-être la sienne ? Il y a aussi des voix qui murmurent dans le vent. Familières.
Des bijoux traînent dans la neige. Des chouettes plantées dans les arbres, comme celles qu'on plante sur les portes de grange pour éloigner le mauvais œil.
Sous la forêt, des buttes et des fossés, et au bas des talus, des entrées de terriers où brillent comme des tessons de miroir.
Dans le vent, comme une musique.

Ailleurs, une autre personne entre dans la forêt. Blandine. C'est une grande femme d'âge mûr, abîmée par la vie. Ses cheveux sont rabattus sur une moitié du visage, en vain ils tentent de cacher son œil qu'ont mangé les corbeaux. Elle porte une robe qui a été blanche un jour, elle est pieds nus. Elle est tiraillée par une promesse qu'elle a faite alors elle pénètre dans la forêt : celle de revenir. A qui a-t-elle promis cela ? Revenir où ?

Blandine aperçoit une araignée qui lui rappelle ses peurs d'enfance, mais il lui est impossible de savoir si c'est une réminiscence qui lui revient du fond d'elle-même ou si c'est un mensonge de l'araignée...

L'enfant n'est pas venu pour se souvenir, il a peur de la Grande Forêt. Il a suivi Anicette parce qu'il la suit partout et qu'elle le protège. On entend un bruit de pattes, l'enfant veut aller voir, mais Anicette l'en dissuade. Elle pique son doigt avec une aiguille et place son doigt ensanglanté dans un trou de pivert. Elle dit "je souhaite me rappeler pourquoi j'ai quitté ma communauté."

Elle se souvient de son village ; elle soignait les blessés, c'était son rôle. Un jour, elle a apporté de l'eau dans ses mains à un homme qui s'était fait écraser la jambe par une chute d'arbre. Et lui, dans ses mains, il a vu un oiseau, un oiseau qu'il avait quand il était enfant. Il a demandé d'où venait l'eau, Anicette a répondu elle vient du seau, il a demandé mais où as-tu rempli ton seau, elle a répondu de la source. Malgré ses récriminations, il s'est redressé sur sa béquille et a insisté pour qu'elle aille lui montrer la source. Elle a juste obtenu qu'il se fasse porter par deux bûcherons. Ils sont arrivés avec Anicette à la source, un cours d'eau bouillonnant au fond d'une ravine. Le blessé s'est penché, il a dit : "Vous entendez ? L'oiseau !". Anicette a crié aux deux bûcherons de le retenir, mais c'était trop tard ! Il s'est penché au-dessus de la ravine, tellement qu'il est tombé et s'est écrasé en contrebas. Le sang de son crâne s'est mêlé à la source, et peut-être bien qu'on entendait le gazouillis de l'oiseau.

Blandine a allumé un feu de camp. Elle entend des bruits de pas dans la forêt. Elle ne réagit pas. Si ce sont des gens, ils viendront la voir s'ils le désirent.

Elle marchait depuis des jours avec son compagnon, elle comme lui étaient affamés et démunis. Ils sont arrivés dans un village réduit en ruines par une catastrophe. Ils ont commencé à l'explorer, en quête de quelque chose à grappiller, quand ils ont entendu un gémissement sous des décombres de pierre. Le compagnon a insisté pour partir, mais Blandine a dégagé quelques gravats, et ils ont trouvé une petite fille rousse, encore vivante. Mais ses jambes étaient coincées sous une pierre. Elle les a suppliés de l'aider, mais Blandine a dit qu'elle n'était pas en état de la porter, et le compagnon ne voulait pas d'un fardeau, d'une autre bouche à nourrir. Blandine a promis d'aller lui chercher du secours, le compagnon a récriminé qu'il n'y avait pas âme qui vive à des jours de là. On a entendu le hurlement des loups. La fillette a supplié Blandine de rester la veiller pendant que le compagnon irait chercher des secours. Mais Blandine a préféré rester aux côtés de son compagnon (peut-être de peur qu'il ne l'abandonne ?), elle est partie, abandonnant la fillette. Enfin, elle n'est plus vraiment sûre que ça se soit fini comme ça.

Anicette enfonce sa tête dans un arbre creux. Elle aussi veut se rappeler.

C'était des jours après le premier incident. Anicette avait repris sa vie d'infirmière, il y avait toujours à faire au dispensaire du village. Elle tendait de l'eau au médecin, et celui-ci a vu dans ses mains toute une salle de l'opération de l'Âge d'Or : avec des sièges, des lampes, du matériel, des machines. Il a dit que c'était un miracle, qu'ils auraient tout cet équipement dans cet avenir proche, si l'infirmière lui disait où le trouver.
Cela a attiré l'attention d'un vieil homme allongé sur une civière. Il lui a demandé de lui montrer ses mains, que c'était sans doute un phénomène lié aux lignes de ses mains. Il voulait revoir le visage de sa femme, qui est morte il y a des années, et c'est ce qu'il a revu, les larmes aux yeux. Il a dit que les mains d'Anicette permettaient de voir dans le passé, que c'était un miracle. Alors, beaucoup de malades ont demandé à voir ses mains aussi.

Il y avait une vieille femme dans le fond, qui ricanait en douce. Une vieille qu'on paye à faire le ménage, non pas qu'elle soit efficace, mais parce qu'ici, on n'entretient pas les personnes âgées si elles ne peuvent pas se rendre utiles. Anicette est allée la voir. La vieille lui a dit que ce n'est pas un miracle, mais une malédiction. Elle a dit que ses mains ne permettaient pas de voir dans le passé. Elle a toujours vécu dans le village, elle a une mémoire d'éléphant, elle connaissait l'histoire de tous ceux qui sont passé ici, et elle savait que le vieux n'a jamais eu de femme. Les gens voient dans ses mains ce qu'ils veulent bien y voir ! Elle lui a dit que si elle voulait mieux comprendre ce pouvoir, elle devait aller voir la cartomancienne en bordure du village. Mais si elle voulait en finir avec ce pouvoir, elle devait aller voir le sarcomancien au fond de la forêt, qui effacerait les lignes de ses mains.

L'enfant aperçoit le campement de Blandine. Sur sa demande, Anicette va voir. "Ah, tu as survécu finalement ?", lui demande Blandine qui croît avoir affaire à la fille qu'elle avait trouvé sous les décombres. Mais Anicette ne réagit pas. Blandine comprend alors son erreur et s'excuse. Ils viennent se réchauffer près du feu. Mais l'enfant ne s'approche pas trop. Il est révulsé par l’œil crevé de Blandine, il n'arrive pas à cacher le dégoût et la peur sur son visage. Blandine lui demande si c'est son œil qui le dérange. Il lui demande comment c'est arrivé.

Blandine et son compagnon marchaient dans la forêt. Ils marchaient dans un fossé, quand le compagnon s'est pris le pied dans un piège à loup ! Ils ont tous les deux sombré dans la panique, le compagnon voulait qu'elle le laisse là, il ne pourrait sûrement pas remarcher, il ne ferait que la retarder. C'est alors qu'ils ont entendu une cohorte d'hommes en armes arriver par le chemin au-dessus du fossé.
Blandine a murmuré au compagnon de faire comme elle : s'allonger et ne pas bouger, se faire passer pour morts. Les hommes en armes, c'était ce qui restait de la troupe claudicante des pillards, les Écorcheurs, avec à leur tête l'Homme qui Rit, un homme à la carrure massive. Son visage, une déchirure, des gencives apparentes, un sourire mutilé.
Les pillards les ont vus dans le fossé. L'Homme qui Rit est descendu les observer de plus près, il les a tâtés avec un bâton, mais ils n'ont pas bronché. C'est alors qu'un corbeau s'est posé sur le visage de Blandine, qu'il a essayé de lui picorer l’œil. Alors Blandine n'a pas tenu, elle s'est redressée. L'Homme qui Rit l'a empoignée, puis il lui a pointé son surin sous la gorge. Il jubilait. Le compagnon a cessé la comédie du trépas, il a supplié l'Homme qui Rit de la laisser tranquille, de le tuer lui. Mais l'Homme qui Rit s'intéressait plus à Blandine. Il a pris son menton dans ses doigts. Il lui a demandé à quel point elle tenait à son homme. Il lui a fait tout un laïus sur ce qu'ils étaient, eux, les Écorcheurs. Des racleurs. Racleurs de vie, racleurs de mort, racleurs de ce que personne ne veut prendre, de ce que personne n'ose prendre.
Ses hommes, gens de sac et de corde, clopin-clopant, cache-œils et jambes de bois, des dents une horreur insondable, tenaient Blandine et son compagnon en respect avec leurs hallebardes tordues et hérissées. Ils réclamaient pour bouffer le compagnon. Mais l'Homme qui Rit a précisé que s'ils pouvaient se nourrir de chair humaine, ils pouvaient aussi se nourrir de cruauté, eux, les racleurs de tout.
Alors il a dit à Blandine qu'ils pouvaient recueillir son compagnon parmi eux. Ils le rafistoleraient, ils lui couperaient la jambe et y planteraient du bois à la place, ils en feraient un des leurs. Il laissa le choix à Blandine : ou elle partait sans rien leur laisser, et ils bouffaient son compagnon, ou... Il piqua sa lame sur la joue de Blandine... ou elle se laissait prendre l'œil qu'elle avait refusé au corbeau ! Le compagnon lui a crié de s'enfuir ! Mais Blandine a cédé au chantage. Elle lui a dit qu'il pouvait lui enlever l'oeil.
"Mais je veux que tu le fasses toi-même", a répondu l'Homme qui Rit. Et il lui a tendu le couteau. Le compagnon l'a suppliée d'abandonner, de s'enfuir, maintenant !
Mais Blandine a persisté. Elle ne savait pas comment s'y prendre, elle a fait ça salement, mais elle l'a fait.

L'enfant voit un miroir qui brille au fond d'un terrier. Il dit qu'il veut aller voir, les adultes ne peuvent pas rentrer dans les terrier, mais lui si. Blandine et Anicette insistent sur le danger que ça représente, mais finalement Anicette accepte de l'accompagner devant l'entrée du terrier. Il s'enfonce dans le terrier la tête la première. Et soudain, on entend des grognements monstrueux et avides, les jambes du gamin s'agitent, il hurle ! Anicette arrive à le sortir du terrier en le tirant par les pieds. Il est griffé jusqu'au sang, au visage, au bras, ses mains portent des traces de morsures et sont ouvertes par le tesson de miroir qu'il a pu récupérer, et qui semble contenir un souvenir.

Depuis que le médecin avait vu dans les mains d'Anicette, elle était devenue une curiosité locale. Tous les gens du village allaient la consulter, et aussi des gens d'ailleurs, si bien que l'endroit est devenu un lieu de pèlerinage. Mais Anicette a été interrompue dans ses activités de divination par deux bûcherons qui revenaient à la hâte de la forêt, portant une femme dans une civière improvisée avec des branches. "Vite, elle pisse le sang, elle est blessée à l’œil !"
Anicette les a fait venir d'urgence au dispensaire, elle s'est affairée pour sauver cette femme. Cette femme, c'était Blandine. Blandine a écarquillé l’œil qui lui restait. Elle venait de voir la petite fille chargée d'amener les baquets d'eau chaude depuis qu'on avait remercié la vieille, trop critique à l'égard des pouvoirs d'Anicette. La petite fille rousse. Au-dessus de leur tête, la voûte de pierre du dispensaire. Le seul bâtiment en pierre du village.
Anicette en avait assez de l'hystérie que provoquait ses mains au village. Elle s'est décidée à aller voir la cartomancienne dans sa roulotte. À la porte de la roulotte, une chouette clouée. À l'intérieur, des choses dans des flacons, des poulets pendus, des herbes et des feuilles à sécher. Au plafond, tout un bric-à-brac accroché, crucifix, chapelets, images de la Madone, pendeloques. Sur un tabouret, en train de touiller sa soupe, la cartomancienne, une naine avec un fichu sur la tête. Entre les pattes du tabouret, son renard apprivoisé.
"Quelle ironie ! Plus personne ne vient me voir à cause de toi ! Tu es la première personne à me consulter depuis des mois !". "Je n'ai jamais demandé à ce que mes mains fassent ça !", a répondu Anicette. "Qu'est-ce qui te fait croire que tes mains t'appartiendront éternellement ! C'est comme ça, c'est le cycle de la vie, c'est l'emprise, un jour on contrôle tout notre corps, le lendemain, des parties demandent leur liberté."
Malgré sa rancune visible, elle lui a demandé de tirer une carte dans les tarots du passé.
Anicette s'est alors rappelé quand elle était enfant, dans un autre village, déjà on avait découvert le pouvoir de ses mains, et déjà c'était l'hystérie collective à ce sujet. Sa mère n'aimait pas trop son père, et un jour elle a vu dans les mains d'Anicette qu'il allait mourir. Alors elle a attendu ce moment, mais ça ne venait pas.
Mais une nuit, elle est venue voir Anicette dans son lit, elle lui a tenu le visage entre ses deux mains, et ses mains étaient pleines de sang : "Tes mains, elles disaient la vérité Anicette ! ça s'est produit ! Enfin, ton père est mort ! Je l'ai tué avec le hachoir de la cuisine !".
Dans la chambre des parents, juste à côté. Du sang. Beaucoup de sang.

Anicette revient à elle. Ses mains, ses mains, c'est de leur faute ! Elle essaye de se trancher les mains avec son couteau, mais comme ça ne fonctionne pas, elle enfonce ses mains dans le terrier. On entend un horrible grognement vorace, et le renard les dévore !

Blandine et l'enfant accourent pour constater le désastre. Blandine cautérise les poignets d'Anicette dans le feu, et lui bande les bras.

Avant, Blandine avait une famille, un mari, un enfant. Son mari, il n'était pas comme le compagnon, il n'était pas comme lui. Il était grand, il était brave, il était beau. Il était vrai. Ils étaient dans ce minuscule village de bûcherons au milieu de la forêt, la vie était simple et heureuse. Et puis Blandine est allée dans la forêt avec l'enfant, cueillir des plantes et des fruits des bois. L'enfant a vu quelque chose dans les ronces, il s'est enfoncé dedans, et il est tombé dans une sorte de trou, Blandine l'a cherché des heures en vain, puis elle a fait venir son mari, et ils se sont rendus à l'évidence que l'enfant a disparu. Le mari a parlé, et quelque chose dans sa voix s'est cassé, il n'avait plus du tout la même voix. Il a dit qu'il leur faudrait prendre la route pour retrouver l'enfant, abandonner leur maison et partir par monts et par vaux, pour le retrouver. Blandine a dit qu'elle n'était pas assez forte pour ça, mais il a encore haussé le ton, il lui a dit qu'elle devait payer. Ils sont repartis à la maison, juste le temps de rassembler quelques affaires. En sortant, son mari lui a confié un objet, il lui a demandé de le cacher dans sa robe, contre son ventre. La poupée de chiffons préférée de l'enfant.

L'enfant cherche à donner de la chaleur. Il est blotti entre Anicette et Blandine. Alors Blandine dégrafe quelques boutons de sa robe et en sort une poupée en lambeaux, qu'elle donne à l'enfant.
Mais l'enfant ne se rappelle pas. Il leur demande s'il devrait s'en rappeler. Blandine et Anicette lui répondent que c'est dangereux de chercher à se souvenir, que d'ailleurs elles veulent quitter la forêt, mais que c'est vrai qu'en se souvenant, ça coûte cher mais on devient une meilleure personne.
Alors l'enfant dit : "je veux me rappeler qui est ma maman."

Il était dans la forêt avec sa mère. Il a vu des mûres dans les ronces, il est allé voir, et il est tombé dans le trou, il a dévalé le talus, et il est tombé sur un sentier, des mètres et des mètres plus bas. Une dame l'a ramassée, c'était la soigneuse du village. Ils la connaissent depuis que son papa a été blessé dans un accident de chasse et qu'elle l'a soignée. Depuis, son papa était très bizarre. Quand l'enfant partait avec sa maman en forêt, il savait que son papa s'absentait, mais il lui avait fait promettre de ne rien dire à sa maman.
La dame lui a tendu la main. Elle a dit : "viens, je vais te soigner, et ensuite on ira vivre avec ton papa. Avec Ferdinand."

L'enfant revient de son souvenir. Blandine lui demande ce qu'il a vu, mais il dit qu'il ne préfère pas lui répondre. Les deux femmes se lèvent, l'enfant prend la main de Blandine, et il s'accroche à la jupe d'Anicette, et tous trois ils quittent la forêt, ils marchent dans la neige.

L'enfant tourne une derrière fois la tête vers la forêt.

Entre les arbres, au sol. L'éclat d'un miroir.


Retour des joueurs

Joueur d'Anicette :
+ Choses dues au jeu en ligne : quand Blandine a perdu son oeil, j'étais en pleurs, ça ne serait pas arrivé si j'avais été physiquement avec vous.
+ Chose due au jeu en ligne : on ne voit pas l'approbation des gens, ce qui crée une difficulté [Note de Thomas : le silence est une forme d'approbation dans le jeu de rôle en ligne]
+ Le jeu permet des émotions fortes, mais ça dépend de l'inspiration des joueurs, de leur connaissance de l'univers aussi.
+ Il faudrait créer à l'avance une liste de choses dont le personnage veut se rappeler, pour avoir une amorce. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait.
+ Une fois qu'on avait solutionné une première question, pour passer à d'autres souvenirs c'était pas forcément évident
+ Je me suis inspiré d'une nouvelle de Barjavel : Les mains d'Anicette et ça a bien marché. Pour une fois qu'un auteur francophone écrit de la science fiction autant lui rendre hommage bcwink. Au passage son roman Ravage raconte une apocalypse assez intéressante et réaliste.
[note de Thomas : c'est marrant, j'ai jamais lu Barjavel, mais mon père en a lu beaucoup, et je crois que de Barjavel à Millevaux, il y a une filiation, héritées de lecture de quatrième de couvertures, sur lesquelles je me suis fait mon trip, étant enfant. Impressions que j'ai amalgamées avec des pages de Bernard Clavel lues en diagonales, dessinant dans ma tête le territoire d'une science-fiction rurale et sauvage.]
+ A l'intérieur de mes souvenirs, je vais voir la cartomancienne qui me fait entrer dans un souvenir [note de Thomas utilisant les mêmes règles sur la remémorance] : les souvenirs imbriqués, c'était bien. En revanche, j'aurais voulu pouvoir remonter dans mon souvenir initial, mais je n'en ai pas eu l'occasion. [note de Thomas : j'ai en effet arrêté le souvenir de la cartomancienne pour ensuite revenir au présent. J'aurais pu remonter, mais ça aurait été excluant pour la joueuse de Blandine de jouer trois souvenirs d'Anicette de suite. Je suis plutôt parti du principe qu'Anicette retournerait dans son souvenir initial lors de son prochain tour de remémorance, mais entretemps elle a eu envie d'autre chose.]
+ Lors de la dernière scène, c'est l'enfant, un figurant contrôlé par la Grande Forêt, qui a fait une remémorance, et tu as nous permis d'interpréter des figurants (ce qu'on n'a pas fait), et tu as lancé le dé à la fin pour savoir si la forêt lui arrachait des constituants. Mais en fait, on aurait pu jouer la Grande Forêt pour toi, on était prêts.
+ Je n'ai pas bien compris "quelles seront les conséquences du départ" [de la communauté]. J'ai interprété ça comme une question qu'il fallait que je résolve par un souvenir. [Note de Thomas : moi, je pensais que ces conséquences, c'était ce qui s'était passé pour la communauté entre le départ du personnage de la communauté et son arrivée à la Grande Forêt. La joueuse de Blandine a émis une hypothèse qui ludiquement est bien plus forte : ces conséquences, c'est ce qui va se passer si le rémémorant ne revient pas dans sa communauté une fois qu'il en aura fini avec la Grande Forêt. Dans le cas d'Anicette, cette question aurait été très riche en dilemmes moraux ! Si elle ne revenait pas, la communauté aurait été privée de ses soins et de ses "prédictions" ! Aurait-elle alors décidé de s'arracher les mains ? Aurait-elle alors décidé de partir vivre avec Blandine avec l'enfant ?]
+ Les Remémorants seraient parfaits pour jouer le climax d'une campagne d'Arbre.


Joueuse de Blandine :
+ Le scène de l'œil était très forte
+ Quand un remémorant doute de son souvenir, ça n'a pas de réel impact mécanique sur la suite de la fiction. [Note de Thomas : dans cette partie, c'est arrivé une seule fois qu'un remémorant doute : quand Blandine a douté de savoir si elle avait sauvé la fillette rousses des décombres ou si elle l'avait abandonnée. J'avais prévu de remettre ça sur le tapis, je l'ai un peu fait en faisant intervenir la fillette plus tard, mais c'était léger. Entretemps, on a eu d'autres chats à fouetter. Ceci dit, pour abonder dans le sens de la joueuse de Blandine, on peut dire que la conséquence narrative d'un doute dépend uniquement de la vigilance de la Grande Forêt pour utiliser ce doute contre le personnage.]
+ J'ai pensé que tu confondais le tatouage d'Anicette (Ferdinand) et mon mari / compagnon. [note de Thomas : je ne les confondais pas, je tentais d'insinuer qu'ils étaient la même personne à des époques différentes. Intéressant de voir que mes tentatives de connexions entre des figurants et des époques ont été interprétées comme des erreurs par les joueur.se.s. Je ne veux pas considérer ça comme un défaut, au contraire ça entraîne une réflexion sur la fiabilité, et de la mémoire, et de la Grande Forêt.]
+ Les jets de dés, c'est presque dommage, ça peut interrompre le récit sans impact, si le jet est réussi. [note de Thomas : pour autant, ne serait-ce pas arbitraire si la Grande Forêt décidait à coup sûr de transformer un souvenir ou d'arracher des constituants ? Peut-être y a-t-il moyen de rendre la mécanique juste plus "silencieuse", soit par exemple en jetant le dé sans verbaliser l'acte de jeter le dé : ne pas dire "je lance le dé" ou "j'ai fait tel résultat", le remplacer par des phrases-clé. Ou alors donner à la Grande Forêt une bourse de jetons blancs ou noir à piocher dans un sac, ou à gérer comme bon lui semble, mais en cachette des joueurs.]
+ Le résultat des dés est trop binaire. Il faudrait plus de nuances. [note de Thomas : avec un d6, on peut obtenir une gradation de "non et" à "oui et", comme dans le système FU.]
+ La question "est-ce que tu en es sûr.e ?" est cool !
+ Sur la fin, j'aurais fait durer beaucoup moins longtemps, c'est-à-dire sans jouer la rémémorance de l'enfant qui donnait des explications resserrées [l'autre joueur aussi]. Mais tu as émis la demande de jouer ce passage par le roleplay de l'enfant, et on t'a laissé faire pour que tu puisses toi aussi jouer.
- Thomas : est-ce que j'aurais dû demander de faire jouer cette remémorance de l'enfant en méta ? Dans ma tête, ce qui était intéressant, c'était de soumettre un nouveau choix douloureux aux personnages : rester dans le flou ou autoriser l'enfant à se remémorer, quitte à ce que la Grande Forêt le blesse ou que les révélations soient trop dures à supporter. La fin où ils auraient empêché l'enfant de se remémorer aurait été tout aussi intéressante pour moi. Si j'avais négocié ça en méta plutôt qu'en jeu, est-ce que les joueur.se.s auraient mieux compris ça ?
- Joueuse de Blandine : ça dépend de la question. Si tu nous avais demandé « Voulez-vous qu'on arrête là ?», je pense qu'on aurait dit oui. Mais si tu nous avais demandé « Êtes-vous d'accord pour que l'enfant se rappelle quelque chose à son tour ? » Je pense que ça aurait été pareil : on aurait privilégié ton plaisir supposé de joueur avant de penser à la fiction.
+ Je serais tentée de dire que le jeu devrait être plus méchant, que les probabilités de victoire de la Grande Forêt aux dés soient plus élevées. [note de Thomas : je ne sais pas. C'est vrai que j'ai pas eu de chance aux dés, les victoires de la Grande Forêt ont été rares, mais toujours lourdes de conséquence.]

Notes de Thomas :
+ On a fait 3/4 h d'échauffement (on a joué deux remémorances en speed avec des faux personnages) et de concertation sur le jeu, puis 2 h de jeu.
+ Comme on jouait en ligne, on a fait l'impasse sur l'usage de post-it pour représenter les figurants. Et ça ne nous a pas manqué du tout : une règle superflue ?
- Joueur d'Anicette : Je pense que ça permet aux joueurs de s'emparer d'un personnage avec moins d'hésitation.
+ Les remémorants arrivent-ils groupés à la Grande Forêt ? J'ai pris le parti de proposer aux joueurs plusieurs options pour l'arrivée :
a. arrivée groupée
b. arrivée et rencontre au même point mais en partant de routes différentes
c. arrivée séparées, à des points d'entrée différents.
d. arrivée séparée à la même saison [ce qui laissait le doute sur une simultanéité de l'arrivée]
e. arrivée séparée, à une saison différente.
On a choisi d., et en jeu on a découvert que c'était une arrivée simultanée à des points d'entrées différents, et les personnages se sont rejoints.]
+ Faut-il jouer des scènes dans le présent ? On a pris le parti de le faire, et c'était payant, même si ça a empiété sur le temps à jouer les remémorances. En revanche, c'est risqué dans le sens que le jeu ne fournit pas de règles pour le gérer. On a pris le parti d'utiliser le même partage de narration pour les scènes du présent que pour les scènes du passé, mais sans les jets de dés (pas de doute, pas d'arrachement de constituants).
C'est risqué mais obligatoire, finalement : comment donner un impact à l'arrachement des constituants sans cela ?
+ "Fragments" ou "parties" pourrait être plus élégant que "constituant".
+ A plusieurs reprises, je me suis permis d'interpréter des figurants qui venaient d'être introduit par le rémomérant. D'après les règles, la Grande Forêt ne peut interpréter que des figurants qu'elle crée de toutes pièces, mais nous nous sommes mis d'accord pour qu'elle ait plus de latitude.
+ Quand la forêt arrache les constituants d'un personnage, qui narre quoi ? Est-ce en corrélation avec le souvenir ? J'ai opté pour lier l'arrachement à ce qui avait été narré précédemment et je me suis limité à une phrase pour l'arrachement, volontairement floue, et laissé le joueur compléter (ainsi j'ai dit : "jamais plus tu n'auras tes mains", et c'est le joueur qui a décidé qu'Anicette s'arrache elle-même les mains. Je ne serais pas allé aussi loin si j'avais tout décrit, et elle ne serait pas allée aussi loin si ce n'avait été en relation avec le souvenir (Anicette réalise que ses mains font du mal aux gens), donc j'aurais tendance à penser que j'ai fait la meilleure interprétation.
+ Partant sur la proposition du joueur d'Anicette qui aurait pu jouer la Grande Forêt pour l'enfant, je pense que ce jeu peut se jouer en MJ tournant sans problème.
+ Dans l'ensemble, le jeu prête merveilleusement le flanc au hacking !
+ C'est une question diptérophile, mais à la lecture du jeu, je ne savais pas quelle était l'intention du jeu. On a joué avec des joueurs immergés dans leurs personnages, ne jouant pas eux-mêmes leur propre adversité, et moi j'ai proposé des dilemmes moraux qui s'adressaient bien aux joueurs, pas aux personnages (bref, qui n'étaient pas cosmétiques). Partant de là, je pense que c'est un pour que les joueurs ressentent des dilemmes moraux). Néanmoins, je ne suis pas certain que le jeu encourage tant que ça les dilemmes moraux : certains, comme le dilemme de l'oeil, venaient de techniques de maîtrise que j'importais d'Inflorenza minima, un jeu où la résistance est formulée en tant que dilemmes moraux ou choix mortels.
+ J'ai tenté des paradoxes temporels : la fille rousse qui apparaît alors qu'on la pense morte sous les décombres à ce moment-là, et qui fait mine de ne pas reconnaître Blandine, et je prévoyais plus tard de faire attaquer la communauté d'Anicette par les écorcheurs, poussés par le compagnon. Ils auraient réduit le village en ruines, enfouie la fille rousse sous les décombres du dispensaire d'Anicette.
- Joueuse de Blandine : cette intention mettait trop Blandine au centre de la scène alors qu'on était dans le souvenir d'Anicette. J'ai fait s'évanouir Blandine parce que je ne voulais pas prendre cette place.
+ Mais ce que je voyais comme des paradoxes temporels, les joueurs l'ont vu comme des incohérences. Mais finalement, ce n'était pas un défaut. Les souvenirs ne sont pas toujours cohérents. La mémoire n'est pas fiable, que ce soit la mémoire de l'homme où les archives qu'il consulte (la grande forêt n'est finalement qu'une archive magique). En fait, ce jeu permet de reproduire les paradoxes temporels de "Chroniques d'une mort annoncée" de Gabriel Garcia Marquez, autant dire l'un de mes dix romans préférés de tous les temps. Avec le recul, Les Remémorants est un petit jeu, mais il a tout d'un grand. C'est un enfant des théories du maelstrom : il permet d'être infidèle, de jouer avec la cohérence, de se jouer de la cohérence. Pour ne les avoir pas lus, je ne sais pas si les autres jeux sur la mémoire, comme Mnémosyne ou Patient 13, en arrivent là, mais ce jeu, en tout cas, y parvient.
- Joueuse de Blandine : Patient 13 n'est pas un jeu sur la mémoire, l'amnésie y est en réalité un simple prétexte pour justifier le huis clos et l'absence de repères. Le vrai propos du jeu, c'est l'enfermement.
+ En en discutant avec les joueurs, ils auraient compris et accepté plus de paradoxes temporels si on en avait discuté en briefing.
- Joueuse de Blandine : plutôt : si nous avions plus appuyé sur des éléments de paradoxes pendant les scènes.
+ Mais je me pose la question : en discuter en briefing ne casse-t-il pas justement cette magie de l'incohérence ?
+ Pour raccorder plus simplement Les Remémorants sur un autre jeu, on peut aisément remplacer la Grande Forêt par une autre technique mémorielle, qui ne soit pas un lieu mais un objet : tarots de l'oubli, sérums de mémoire cellulaire, rituels de remembrance...
+ Ce jeu m'inspire un projet de créer un groupe de 6 nano-jeux : Les Remémorants + 5 autres qui resteraient à écrire. Chaque jeu simulerait un des marqueurs principaux de Millevaux : la forêt, les ruines, l'oubli, l'emprise, l'égrégore, les horlas.
- Joueur d'Anicette : J'adorerais jouer un horla
+ Ces jeux seraient conçus pour pouvoir être joués séparément, être raccordés sur un autre jeu dans l'univers de Millevaux, ou être combinés entre eux pour en faire un jeu à campagne.


Retour de Steve J (après écoute de l'enregistrement) :

Alors c'est hyper curieux d'écouter (des bribes d')un enregistrement audio d'une partie en ligne où on était pas présent.
A l'exception d'un moment d'une dizaine de secondes entre les deux récits où Thomas s'arrête pour demander si tout se passait bien, il y a très peu de feedback sur les sentiments des joueurs (sans doute encore moins que si on enregistrait une partie sur table).

Des mots sont prononcés, des récits narrés, mais je reste extérieur aux sentiments de la partie. Il y a des silences que je suis incapable d'interpréter et des interactions dont j'ai bien du mal à juger de la fluidité.

Heureusement que Thomas m'a envoyé les premiers retours des joueurs (que je ne posterai pas moi même...et répondrai plus tard à certaines remarques un peu spécifique) ce qui me donne peut-être une vision un peu plus claire de la partie.
Et me permet de voir que cela s'est bien déroulée ce qui me rassure (au moins sur le potentiel évocateur de mon jeu).

Même au niveau des applications des mécaniques il ne m'est pas complétement évident de tirer des enseignements de l'enregistrement.
J'avais au début l'impression que Thomas jouait la Grande Forêt comme un "MJ" (il prononce d'ailleurs le terme) en accompagnant les récits et en se chargeant de décrire l'environnement. Mais après quelques minutes d'écoutes je n'en étais pas certain.

Du coup je vais développer ma vision du jeu avec d'autres mots que dans la base (que je n'ai pas relu avant d'écrire ce message).
A priori je vois le jeu comme une lutte pour le contrôle de la narration. La Grande Forêt veut une histoire sordide et les remémorants visent plutôt une belle histoire.
La Grande Forêt a de grands pouvoirs d'interventions dans le récit mais pas au point d'être un "MJ".

Le remémorant décrit plus que les simples réactions de son personnage. L'environnement et les PNJs qui n'ont pas été récupérés par la Grande Forêt ou un autre joueur sont sous leur autorité narrative. En un sens si on devait pointer du doigt un "MJ" cela serait plus le remémorant qui cadre la scène.

La Grande Forêt a deux moyens d'intervenir :
*elle peut prendre le contrôle d'un PNJ (éventuellement en le créant)
*elle peut prononcer la phrase rituelle "Es-tu sûr(e) que ?"

Cette phrase est évidemment intrusive puisqu'elle peut systématiquement mettre en doute les propos du remémorant et demander à les corriger.
Le remémorant peut écarter ces interventions en acceptant de douter. Cela n'a pas d'impact direct sur le récit mais a une conséquence ironique : le remémorant se rend compte qu'il ne peut pas prendre son récit pour argent comptant, il a abandonné sa communauté, pris des risques insensés pour récupérer des souvenirs qui ne seront peut-être qu'une fiction.
Si le remémorant accepte que la Grande Forêt lance les dés elle a une chance sur deux de prendre le contrôle. Elle continue donc le récit. Son intervention est certes courte mais elle est incitée par son agenda ("faire ressortir le négatif dans le récit") a être très méchante (et elle peut prendre le contrôle du personnage du remémorant).


Suite des échanges entre Steve, moi, et les deux joueur.se.s :

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#3 23 Sep 2015 15:04

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Les Remémorants] Comptes-rendus de partie

DE SOURCES SURES

Archives, Père Castor et figurants, le dilemme de la gestion des remémorances.

Jeu : Les Remémorants, par Steve Jakoubovitch. Chasseurs de souvenirs dans le monde sans passé de Millevaux

Joué le 10/09/15 sur google hangout
Personnages : Compaq, Bishop, Le Sourcier
Enregistrement de partie sur la chaîne Youtube d'Outsider.

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crédits image : Mark Auer, pfv, sophie, thomas hawk, thorius


Feuilles de personnage :

Compaq, communautaire
Rôle dans la communauté : médecin
Conséquence s'il ne revient pas dans la communauté : ils vont sombrer dans la barbarie

Bishop, vagabond
Blessure = assemblage métallique sur le visage
Étincelle de vie = se venger de ceux qui lui ont fait ça

Le Sourcier, communautaire
Rôle dans la communauté : sourcier
Conséquences s'il ne revient pas dans la communauté : ne sait pas


L'histoire :

L'Automne. Un groupe de voyageurs est entrée dans Lugdunum, la ville fantôme. Lugdunum la grise, Lugdunum la maudite. De prime abord, c'est une forêt normale, crépie de feuilles mortes, mais en grattant les lierres et les branches grimpantes, on trouve des façades des anciens immeubles. Puis le fleuve Frône, embourbé, tapi de feuilles, où surnagent les cadavres des ponts.

Qui sont ces voyageurs ?
Compaq porte un costume trois pièces, un pantalon de treillis, des rangers. Son visage est doux et gentil, ses yeux marrons observateurs.
Bishop est grand, filiforme. Sur son œil droit, il y a une plaque de métal avec un flexible de douche fixé sur son crâne. Il est entièrement glabre à l'exception d'un sourcil au-dessus de son œil valide.
Il a des cernes qui lui descendent presque jusqu'à la bouche.
Il porte une grande combinaison avec un col Mao. Et ne parle pas beaucoup.
Le Sourcier, quant à lui, parle plus, mais ne parle presque que d'eau. Il a dû partir, laisser sa communauté. Il porte un pull, de vieux habits. Il est voûté à force d'aller chercher l'eau.
Le dernier, c'est le Doc, un vieux au regard halluciné. Ses cheveux blancs hirsutes lui font un casque sur son crâne. Il porte une blouse qui a connu des jours meilleurs. Il fait : "ça y est, on est enfin arrivé !".
Il montre un escalier qui descend sous la terre. Une vieille K7 dévidée traîne sur une marche. Une pancarte : ARCHIVES.

Les voyageurs descendent. Étagères poussiéreuses, feuilles mortes soufflées sur le sol, rats. Racines et troncs d'arbre qui percent les voûtes de pierre pour s'épanouir aux étages supérieurs. Ils trouvent des livres poussiéreux, des VHS, des diapositives, des vidéoprojecteurs. Le Doc expose sa théorie comme quoi ces archives de l'Âge d'Or sont magiques, qu'elles contiennent aussi leurs souvenirs. Le Sourcier l'interroge sur la pertinence de se souvenir. Le Doc explique que le passé est un flambeau qui éclaire l'humanité sur son passage, et qu'aujourd'hui, nous n'avons plus qu'une allumette. Il faut raviver la flamme.

Compaq veut se rappeler comment il a perdu ses sentiments. Il était le médecin d'une communauté. Une communauté qui subissait les attaques fréquentes des horlas. Il avait un collègue, le Docteur Sachs, un homme aux grands yeux compatissants. Sachs avait tellement d'empathie qu'il en souffrait énormément, il ressentait la détresse et la douleur de tous ses patients, et cela lui mettait beaucoup de doute. Sachs et Compaq avaient souvent des discussions à ce sujet.
On leur a apporté une femme qui s'était faite dévorer le pied par un Horla. Elle était en panique. Elle était en forêt avec son enfant quand le horla leur est tombé dessus, elle a réussi à prendre la fuite, mais elle a abandonné son fils.
Compaq parlait de tout ça sans émotion. Il avait une cicatrice à la tempe. Il est beaucoup plus calme depuis qu'on lui a retiré la glande pinéale, la partie du cerveau qui est le siège de l'âme humaine.

Le Sourcier veut se rappeler de sa jeunesse. Il était perdu dans la forêt, sa mère avait entendu un hurlement, et elle avait fui en le laissant. Il s'est penché près d'un saule pleureur, et une voix immonde s'est mise à lui parler, puis une autre. Deux horlas, c'étaient des humains, mais complètement déformés, pourris, corrompus. Ils lui ont montré l'eau qui coulait entre les racines du saule pleureur, charriant de la boue et des particules noires. Ils lui ont dit qu'elle contenait l'emprise, et que l'emprise transformait les gens en horlas. L'enfant les a traité de monstres, mais ils ont répondu que c'était les humains les monstres, surtout les guerriers humains, qui les massacrent. Que si tout le monde devient horla, alors ce sera la paix. Ils l'ont forcé à remplir une gourde avec l'eau empreinte, et lui ont expliqué où se trouvait la source qu'il devrait polluer avec l'eau empreinte, juste quelques gouttes pour que ça ne se remarque pas trop vite. Il le ferait s'il voulait la vie sauve, s'il voulait revoir sa mère.
L'enfant s'est retrouvé près de la source. Un homme aux cheveux blancs, un bûcheron du village, s'est présenté à lui. Mais c'était trop tard, l'enfant avait déjà versé quelques gouttes d'eau empreinte dans la source. L'homme aux cheveux blancs a été le premier à boire à la source polluée. Il fut le premier du village à se transformer en horla.

Les voyageurs ont continué leur exploration, plus loin dans les souterrains. De nouvelles salles. Cette fois-ci, la plupart des étagères sont à terre. Des piles de bobines de film, dévidées sur le sol en enfermées dans des boîtes rondes toutes rouillées. Le Doc parvient à mettre en marche un antique projecteur de cinéma. Il projette l'image sur un mur couvert de vigne vierge. ( ) - 5 - 4 - 3 - 2 -1 - 0 : Images scratchées et décrépites, ça saute de la couleur au noir et blanc. On y voit des personnes descendre dans les archives. Les voyageurs eux-mêmes.
Bishop mange une des larves qui grouillent sur les K7.
"Quel goût ça a ?
- Le goût du souvenir..."

Bishop veut se rappeler comment il a eu cet appareil sur le crâne. Il se rappelle des infirmiers qui l'ont traîné vers le labo du sous-sol. Il se débattait et les suppliait de ne rien lui faire, mais ils lui ont dit que c'était son idée, que c'était même lui qui leur avait montré comment faire. Il s'est retrouvé sanglé sur une table d'opération, et c'est le Docteur Sachs qui s'est présenté à lui. Il avait le crâne rasé et présentait une cicatrice à la tempe. Sachs lui a assuré qu'il était volontaire pour subir l'opération. Il a dit que lui-même se sentait beaucoup mieux, qu'il était d'abord réticent à l'idée de vivre sans glande pinéale, mais qu'il est un bien meilleur médecin depuis qu'il ne ressent plus d'émotions.
Alors Bishop s'est résigné. Sachs n'a pas dû l'anesthésier correctement, car il se rappelle de la douleur, mais surtout il se rappelle du bruit. Le bruit terrible et infini de la perceuse !

Sur l'écran de cinéma improvisé, ils ont vu des choses, des presque-hommes, arriver dans la ville et descendre l'escalier en claudiquant. Ils ont compris que c'était la vérité, alors ils ont vite barricadé l'entrée avec des étagères, puis sur les conseils du Doc, ils ont progressé dans les souterrains à la recherche du fleuve Frône, un possible échappatoire, bien que le Sourcier n'ait aucune confiance en son eau.

Une vaste salle. Sol jonché de vieilles disquettes, de champignons blancs et morbides. Une herse qui les sépare du cours d'eau grondant du Frône.
S'ils fuient en longeant le fleuve, ils hypothèquent leurs dernières chances de se souvenir. On entend les horlas qui tapent dans les étagères.

Compaq se souvient de sa femme. Elle était belle, blonde comme les blés, c'était une grande guérisseuse, elle connaissait toutes les plantes de la forêt où elle s'aventurait souvent, en solitaire. Lui, était un médecin somme toute ordinaire. Ensemble, ils prenaient soin du village. Sachs est venu dans leur communauté, c'était aussi un jeune médecin très enthousiaste, il brûlait d'apprendre l'herboristerie auprès de sa femme, pour aider les gens mieux encore. Et bien sûr d'échanger ses savoirs avec Compaq : le savoir est un flambeau qui éclaire l'humanité sur son passage. Et aujourd'hui, nous n'avons plus qu'une allumette.
Compaq a tout de suite été jaloux, il a cherché plein de prétexte pour que sa femme n'enseigne rien à Sachs : il lui a dit qu'elle ne devrait enseigner qu'aux femmes, que les vieilles du village allaient jaser, etc... Mais rien n'y a fait, sa femme a accepté de transmettre son savoir avec Sachs. Alors Sachs a passé beaucoup de temps avec elle. Et il a aussi passé beaucoup de temps avec Compaq, ils avaient tous les deux leur cabinet dans le seul bâtiment de pierre de la communauté.
Sa femme est tombée enceinte, et Compaq n'a jamais été sûr d'être le vrai père. Sachs était là le jour de l'accouchement, dans la grande pièce avec le feu de cheminée, mais il était trop empathique pour être efficace. Il était couvert de sueur, en panique. Compaq a fait ce qu'il a pu, mais le bébé était un horla. Il a mangé sa mère de l'intérieur pour pouvoir venir au monde.

Bishop ramasse un ipod shuffle qui traînait dans les feuilles, le fil des écouteurs à moitié arraché. Il a croqué dedans. C'était plus dur que les larves, mais ça avait aussi le goût du souvenir.
Il est dans la pièce cossue avec la table de chêne et le feu de cheminée. Avec Sachs, ils se sont soûlés avec une bouteille de gnac. Sachs se plaint encore que ses émotions lui rendent la vie impossible. Il lui dit qu'il est prêt à passer le pas, à ce qu'il le transforme en "guerrier". Il accepte. Sachs recule un peu, finalement il hésite, mais il lui fait boire la deuxième bouteille de gnac, en office anesthésie, il le couche sur la table, se saisit du couteau qui traînait là et lui extrait la glande pinéale.

Doc dit aux voyageurs de faire un choix. Soit ils partent maintenant par le fleuve, soit ils descendent encore plus loin dans les souterrains avant que les horlas ne se rattrapent, pour collecter d'autres souvenirs, et peut-être trouver une autre sortie. Ils descendent par une écoutille marquée d'un symbole "danger biologique" et arrivent dans un complexe scientifique. Murs de carrelage blanc, moisissures et radicelles dans les jointures. Odeur de moisi.

Ils rentrent dans un laboratoire. Des boîtes de Petri laissées à l'abandon sont couvertes de boules de mousse. Ils trouvent des seringues de sérum de mémoire cellulaire, et des bocaux de formol, chacun porte une étiquette avec un nom effacé, et une glande pinéale, boule de chair rosâtre. "Le top de la technologie mémorielle ! Quand les scientifiques ont compris que les objets n'étaient pas le meilleur support pour la mémoire, ils ont utilisé le vivant.", affirme le Doc.
Il insiste pour que quelqu'un en croque une. Le Sourcier se lance.
Il veut se rappeler pourquoi Sachs n'a rien dit aux villageois sur l'eau empreinte. Il a été ramené au village par le bûcheron aux cheveux blancs, et c'est Sachs qui l'a ausculté, pour s'assurer qu'il n'avait rien. L'enfant lui a raconté ce qui s'est passé dans la forêt, mais Sachs lui a souri et lui a dit que ce ne serait pas un problème que les gens boivent de l'eau souillée, parce qu'ils ne se transformeraient pas en Horla, et ils ne se transformeraient pas parce qu'ils allaient tous en faire des guerriers, des guerriers purs, sans glande pinéale, sans sentiments, qui ne pourraient pas se transformer en Horlas, car les sentiments, c'est l'impureté par où l'emprise s'engouffre. Il a demandé à voir sa mère, et il lui a dit qu'elle allait beaucoup mieux maintenant. Il a quand même insisté pour la voir, alors Sachs l'a conduit dans les sous-sols, il a écarté un rideau de bâche, et l'enfant a pu voir sa mère, encadrée par deux scientifiques, et sa mère l'a regardée, son moignon de pied était bandée, et dans son regard, il n'y avait ni douleur ni émotions. Elle avait une cicatrice toute fraîche à la tempe.
L'enfant s'est senti mal, alors Sachs lui a donné de l'eau, c'est de l'eau pure, tu peux avoir confiance, de l'eau tellement pure qu'elle contient ta mémoire.
Il ne se rappelle pas du souvenir qu'il voulait. Il se rappelle son père. Son père était violent, il battait sa mère et le battait aussi. Ils vivaient dans une cahute de branchages... Non, ils vivaient dans une demeure cossue, il y avait un feu de cheminée. Son père reprochait quelque chose à sa mère, il n'a jamais su quoi. Quand il est parti dans la forêt avec sa mère, ils le fuyaient.

Le Sourcier se réveille. Il est révolté, il renverse les bocaux de formol avec toutes les glandes pinéales, le Doc se jette sur lui, le traite de pauvre fou, il arrive juste à sauver quatre bocaux qu'il planque sous sa blouse. Le Sourcier lui demande qui il est à la fin, le Doc dit qu'il est juste le Doc, il est là pour les guider, c'est tout.
Bishop se vautre dans les débris de verre, il lape le formol et gobe des glandes pinéales.

Il se rappelle comment les gens du village ont commencé à se transformer en horlas, et comment les horlas ont incessamment attaqué le village. Il se rappelle avoir transformé des gens en guerriers pour lutter contre les horlas, dans l'espoir de les anéantir.

On ne peut plus traîner par ici, déjà on entend les vagissements des horlas au-dessus.

Doc les entraîne encore plus loin, dans une autre salle de laboratoire. Il y a des cuves remplies de liquide nutritif. Sur certaines, le liquide s'est gâté, il est devenu opaque, comme une sauce, on ne voit pas ce qu'il y a l'intérieur. D'autres cuves se sont fendues, il n'y a plus que des cadavres racornis à l'intérieur. D'autres sont encore fonctionnelles, il y a des hommes nus dedans. Il y a de toutes petites cuves, elles contiennent des bébés, bien vivants, le cordon relié au fond de la cuve.

Le Doc appuie sur un bouton pour vider une cuve. Il tend le bébé nouveau-né au sourcier. Il dit que la glande pinéale de bébé est le support mémoriel le plus pur qui soit. Un support vierge de tous souvenirs parasites. Il lui dit qu'il doit absolument y goûter. Il prend un scalpel du labo, il décalotte le crâne du bébé pour lui, il extrait la glande pinéale, minuscule boule rose. Il tend la glande au Sourcier. "Ne t'inquiète pas, le bébé va continuer à vivre. Il vivra sans âme et sans mémoire, pur." À contrecœur, le Sourcier la gobe.

Il se rappelle de comment il est devenu sourcier. C'est quand la crise au village est devenu trop grande, trop de gens se transformaient en horla, il est allé voir Sachs, il a dit qu'il savait où se trouvaient les sources d'eau pure, il le sentait, et tout le village devait le suivre pour suivre les rares courants purs. Sachs n'a pas voulu engager tout le village d'un coup, il a accepté de le suivre avec deux guerriers, pour qu'il leur montre au moins une source pure.
Ils en ont trouvé dans la forêt, au pied du saule pleureur, une eau vierge et pure. Sachs a insisté pour que le Sourcier la boive, pour prouver qu'elle était pure.
Le Sourcier l'a bu, il s'est rappelé quelque chose. Il était devant le saule pleureur, il parlait aux deux horlas, ils lui ont montré quelque chose, sous les racines du saule, un bébé couvert de sang et de placenta, le bébé horla qui avait mangé sa mère, ils lui ont fait déguster la glande pinéale du bébé, et il s'est rappelé
Il est auprès de la source avec Sachs et les deux guerriers. Sachs lui a dit qu'il serait bien leur Sourcier et que tous le suivraient. Alors qu'ils reviennent vers le village, Sachs le prend à part, il murmure pour que les guerriers n'entendent pas, il dit : "Mais il va falloir que tu te fasses retirer la glande pinéale, ils ne te feront pas confiance sans ça. Moi aussi j'ai dû passer par là. Mais je vais te confier un secret que je n'ai dit à personne. On peut continuer à se souvenir et à avoir des sentiments, même après qu'on nous ait retiré la glande pinéale. Parce que sais-tu, ces dizaines de glandes pinéales qu'ils ont retirées, ils ne les détruisent pas, ils les conservent. Je sais où elles sont entreposées et j'en ai volées. Si j'en consomme régulièrement, je conserve toute ma mémoire et mes facultés, je reste humain." Il a sorti de sa blouse un bocal qui contient une glande pinéale, et il a dit "C'est celle de ta mère. A ton réveil de la salle d'opération, je te la donnerai à manger."

Le Doc dit qu'il y a une sortie ! Ils passent dans une dernière salle. Il y a des hommes sanglés sur des tables, ils se sont fait extraire la glande pinéale. "Ce sont juste des clones, c'est une culture de glandes pinéales pour la mémoire", dit le Doc.
Le Doc leur montre un escalier qui monte vers la surface. Sur les marches, traîne une bouteille de gnac. En haut, on entend le crépitement d'un feu de cheminée.


Retour des joueurs :

Joueur de Bishop :
+ Je suis parti sur le fait que j'étais un scientifique, j'ai donné quelques petits indices là-dessus, c'est assez magique comme le groupe a intégré ça et l'a ramené sur le devant.
+ J'ai joué la partie précédente (La Faute aux Mains), à deux joueurs. À trois joueurs, c'est moins fluide. Plus on est nombreux en hangout, plus on hésite à prendre la parole.
+ Les règles étaient trop vagues concernant le partage de la narration, la gestion du temporel. Il faut foncer et essayer.
+ On voulait que le joueur rémémorant installe une scène qui soit dynamique, avec une réserve de figurants et d'enjeux dont les autres joueurs puissent s'emparer, mais c'était pas évident.
+ Quand on était joueur non-remémorant, c'était pas facile de rentrer dans une scène : on devait avoir quelque chose de sympa à dire sur un figurant déjà créé par le remémorant, on ne pouvait pas s'emparer des figurants créés par la Grande Forêt, ni en créer soi-même. Il faudrait libéraliser la gestion des figurants.

Joueur du Sourcier :
+ J'avais pas compris que les personnages étaient là exprès pour se souvenir.
+ Le personnage est trop flou : il faudrait s'en faire une idée concrète, que les personnages aient un projet, mais le jeu n'y incite pas.
+ On voit pas le système et je trouve ça bien. On n'est pas dans un jeu où les choix mécaniques sont trop voyants, comme les moves dans les jeux motorisés par l'Apocalypse.
- Thomas : freeform power !
- Joueur de Compaq : mais dans les jeux à moves, les contraintes mécaniques créent du nouveau, nous sortent de notre zone de confort.


Joueur de Compaq :
+ Selon ma lecture du jeu, la position de MJ n'est pas si forte que ça. Le MJ était trop porteur. [note de Thomas : s'il fallait que la Grande Forêt soit moins porteuse, il faudrait carrément lui interdire de contrôler des figurants, à part dans l'intervalle où elle obtient un 4-6 sur un "je suis sûr de ça".]
+ Le fait que le MJ puisse créer des figurants, ça le rend trop puissant.
+ Il faudrait que le joueur doive préparer une liste de choses dont le personnage veut se souvenir.
+ En suivant le concept de bribes, je m'attendais à ce que les scènes aient une chronologie chaotiques, je voulais faire beaucoup d'ellipses et de retours en arrière, mais finalement on a eu des scènes carrées.
- Thomas : alors même qu'on avait convenu en briefing de faire des ellipses et des retours en arrière, mais le naturel est revenu au galop, notamment dans ma narration.
- Joueur de Bishop : T'es pas le seul fautif. Pour ma part également, je n'ai pas réussi à me sortir des réflexes naturels.
- Joueur du Sourcier : il faudrait un mot-clé, comme "flash blanc", pour faire une ellipse avant que les autres joueurs poursuivent la narration sur le même continuum chronologique.][réponse du
- Joueur de Compaq : ou une technique de cadavre exquis. Par exemple, si une scène se termine par la mention d'un livre, enchaîner sur une scène avec la mention d'une bibliothèque.
+ Jouer le présent, c'est bien, ça donne du relief, ça fait écho aux souvenirs. Comme avec le Père Castor. Mais ça devrait durer beaucoup moins longtemps, et ça a duré longtemps parce que c'était joué en tradi (comprendre : les joueurs posent beaucoup de questions au MJ sur l'environnement, on fait des actions sans en calculer la portée ou l'enjeu, en attendant que le MJ dise les conséquences, bref ça nécessite beaucoup d'échanges.)
- Joueur de Bishop : le présent n'existe que pour soutenir le passé. La fiction avec le Doc n'est qu'un prétexte pour vivre les souvenirs. Ça ne dénature ni ne décrédibilise en rien l'importance de la fiction au présent mais c'est juste comme dans Père Castor. Ça me fait penser que si on joue une partie pendant une campagne d'Inflorenza ou Arbre ou autre ce sera le système de ce jeu qui sera utilisé à ce moment. Je pense que nous sommes revenus à un système « tradi » car cela fait partie en quelque sorte de notre système 0. Des joueurs qui se connaissent et ont des habitudes de jeu qui leur sont propres auraient joué cela selon leur système 0, qui n'est pas forcément « tradi ».
+ J'aurais voulu qu'on joue des relations inter-personnages intéressantes, mais on n'y est pas arrivé.
- Joueur de Bishop : c'est parce que les personnages ne sont pas construits.
+ Joueur de Compaq : ça devait être chaud pour le joueur du Sourcier, qui ne connaissait pas l'univers de Millevaux, notamment pour saisir le concept de Horlas.
- Thomas : ceci dit, le concept de Horlas est bien le concept le moins explicité de l'univers de jeu.
- Joueur du Sourcier : j'ai bien aimé l'univers pour ce que j'en ai vu.


Retour de Thomas :

+ 3/4 h de briefing, 3h de jeu, 3/4 h de debriefing.
+ On a repris la peine de poser un contrat social en début de partie (on a opté pour un "Je ne t'abandonnerai pas", on a aussi joué deux remémorances en speed pour poser les règles, et on a négocié sur la façon de jouer (avançant le fait que la Grande Forêt avait le droit d'être incohérente, et qu'on ne se priverait pas pour jouer des souvenirs avec une discontinuité chronologique, c'est-à-dire avec des ellipses ou des retours en arrière.)
+ L'auteur du jeu l'ignorait quand il a créé Les Remémorants, mais c'était une sacrée coïncidence de placer une forêt de mémoire à Lyon, alors que c'est là que je situe les archives de l'Âge d'Or dans l'Atlas. J'en ai profité pour réaliser un petit rêve de maîtrise : j'ai fait jouer une demi-douzaines de séances à Lugdunum, mais jamais les personnages n'ont eu l'envie où l'occasion de visiter ces archives (sans doute parce que soit les personnages n'avaient cure de l'Âge d'Or, soit l'idée de descendre dans des souterrains les répugnaient). J'ai donc utilisé la narration au présent pour enfin camper de l'action à l'intérieur de ce lieu.
+ Le personnage de Sachs est inspiré d'Albert Dupontel dans le film La Maladie de Sachs, ou plutôt inspiré d'une critique de ce film que j'avais lue dans Première il y a une quinzaine d'années. Ce personnage avait sans doute l’étoffe d'un personnage-joueur, l'avoir joué comme figurant a contribué au phagocytage du temps de parole par la Grande Forêt. Un point de plus en faveur d'une pratique des Remémorants à MJ tournant.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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#4 05 Nov 2015 09:00

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Les Remémorants] Comptes-rendus de partie

NATURALISME PAYSAN À MILLEVAUX

Test du jeu par son auteur Steve Jakoubovitch, puissance des souvenirs polyphoniques et faible portée du doute.

message initial ici

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crédits image : Bob Jagendorf, eric schepers, road less trvled, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com

Steve Jakoubovitch sur le forum Les Ateliers Imaginaires a écrit :

La récente tenue des Utopiales m'a permit de recroiser quelques compères rôlistes parisiens et de leur faire tester mon récent Les Remémorants (que je ne prendra pas le temps de présenter ici).
Voici donc le compte rendu d'une partie d'un peu plus d'une heure réunissant votre serviteur, Guylène, Arnaud et Vivien.

Je prenais le rôle de la Grande Forêt et les trois autres joueurs créaient rapidement leur personnage.

I) Création de personnage
Vivien est le seul à avoir choisi de prendre le rôle d'un vagabond quand Guylène et Arnaud créaient deux membres d'une même communauté. La création de personnage des Remémorants est simpliste (deux choix de traits par personne) et je ne suis même plus certain que nous ayons pris le temps de les présenter à la table.
On le verra, tout ce que je retiens des personnages vient des descriptions de leur passé. C'est en partie volontaire de ma part (l'idée est que les personnages sont constamment en création, que ce n'est qu'en pouvant explorer leurs souvenirs qu'ils peuvent savoir qui ils sont) mais rend du coup les passages joué dans le présent trop abstraits.

II) L'entrée dans la forêt
Nous n'avons presque pas décrit de passages se passant dans la forêt.
Dans ses CRs, Thomas avait fait part de cette nécessité pour lui de jouer des scènes au présent. Même en ayant cette idée en tête j'ai joué le jeu de la façon la plus épurée possible.
Je conseille quand même de prendre plus exemple sur Thomas que pour nous : ne pas décrire le présent fait disparaitre toute articulation entre le présent et le passé (joué de façon parfaitement minimaliste le jeu se conjugue entièrement au passé).

C'est le personnage de Guylène qui, la première, veut "se rappeler de sa sœur".

III) La grande sœur
Guylène commence à décrire. "Je me souviens avoir été témoin d'un discussion agitée entre ma grande sœur et mon père". Elle commence à parler à la place de sa grande sœur (comme un PNJ puisque Guylène est en un sens "MJ") en reprochant à son père de privilégier sa petite sœur.

J'écris sur un bout de papier "La grande sœur" et prend le contrôle de la grande sœur (face au père toujours incarné par Guylène). Je joue sa détresse, il n'y a que sa petite sœur qui a le droit de se reposer quand tous souffre de la faim, du froid et de la maladie.

Le père répond que ce sont les médecins qui ont insisté pour que le personnage de Guylène se repose ce que -en tant que Grande Forêt- je conteste. Guylène choisit d'accepter de douter et nous continuons la scène comme si de rien n'était (1).

Le père ajoute que la mère est d'accord avec lui. Vivien note "La mère" sur un bout de papier en vient jouer la scène avec nous. La dispute continue, la grande sœur fond en larme. Elle finit par accepter, manifestement terrassée par la douleur d'aller au champ. Comme un automate elle va chercher les outils, sort de la maison, passe devant la fenêtre du personnage de Guylène à qui elle jette un regard vide.

Toute l'après-midi Guylène verra sa sœur travailler au champ, sans s'arrêter, jusqu'à ce que cette dernière se saisisse d'une bêche et se la plante dans le cœur.

IV) La perte d'émotion
Vivien enchaine et propose de se souvenir du moment où il a cessé d'éprouver des émotions [size=50](tout le monde sait qu'il s'agit du début de Sens Mort)[/size]. J'accepte.

Il est bucheron et rentre chez lui après une journée de dur labeur. Il raconte comment il ouvre la porte et aperçoit sa femme en train de cuisiner. Il ramène la carcasse de deux beaux lapins.
Je prends un bout de papier et écrit "le compagnon" dont je prend le rôle. Il loge chez eux pour faire face à l'hiver mais il est dévasté par la récente mort de sa femme.
Guylène prend le rôle de la femme du personnage de Vivien.

J'incarne le compagnon et cherche à troubler cette scène de retrouvailles. Je jette un froid en insultant le personnage de Vivien et ses lapins, ne sont-ce pas des lapins qui ont tué ma femme (tombée malade) ?
En tant que Grande Forêt je conteste les gestes d'affection entre le personnage de Vivien et sa femme.

Vivien finit par gueuler au compagnon d'aller retrouver son fils dehors (Arnaud prend le rôle du fils). Le compagnon sort.
Le personnage de Vivien et sa femme discutent, ils souhaitent mettre le compagnon et son enfant dehors. Sa femme rechigne, attristée.

Finalement le compagnon revient et, dans un accès de rage il piétine le lapin préparé par le personnage de Guylène.
Le personnage de Vivien le frappe et le force à abandonner la maison avec son fils.

Le compagnon part en amenant son fils (qui se débat et veut rester dans la maison). Il maudit le lapin écrasé et disant qu'il fera disparaitre toutes les émotions des habitants.
La femme pleure, le personnage de Vivien regarde le compagnon d’éloigner dans les bois (avec peu d'espoirs de survie).

A la fin du souvenir la Grande Forêt tue la compagne du personnage de Vivien.

V) Le premier amour
Arnaud enchaine. Il veut se souvenir de son premier amour. OK.

Il introduit plein de personnages dans la maison où il vivait. Sa mère, sa tante (qui n'aime pas sa mère), une cousine éloignée et malade (sa première amour), le mari de sa cousine.

Je décide d'intégrer le récit par la bande, j'incarnerai le mari de la cousine. Guylène prend le rôle de la mère, Vivien de la cousine.
Le mari de la cousine veille sur elle la plupart du temps. Il est médecin et dépense son énergie à la soigner. Le personnage d'Arnaud est déjà, de longue date, secrètement amoureux de sa cousine.

Cette situation initiale se met en branle quand le mari de la cousine va voir le personnage d'Arnaud. Il lui demande de lui rendre un service : accompagner sa cousine à l'extérieur, aux champs, pour améliorer son état de santé.
Le mari explique qu'il ne peut continuellement s'occuper de sa femme car il doit aussi prendre soin de la tante, tombé malade il y a quelques jours.

Le personnage d'Arnaud accepte et se réjouit de ses sorties avec celle qu'il aime secrètement.

Bien sûr c'est sans compter l'imagination cruelle de Vivien : incarnant la cousine il demande lui aussi un service au personnage d'Arnaud, qu'il accepte de l'accompagner au puits et de l'y noyer. Elle est devenu une charge pour son mari et pour sa famille, elle en souffre trop et ne veut pas connaître une lente déchéance physique avant de mourir.
La cousine a compris que le personnage d'Arnaud l'aimait et invoque cet amour pour qu'il accepte. Elle lui dit aussi n'avoir plus aucun souvenir heureux, s'ils ont peut-être existé ils ont disparu.

Le personnage d'Arnaud vient reparler au mari, sans révéler la demande de sa cousine il cherche à comprendre qu'elle est son état véritable. Au silence du mari on comprend que la cousine est condamnée.

Le personnage d'Arnaud l’amènera au puits le lendemain. Il devra porter sa cousine et le trajet lui semblera durer une éternité.
Arrivé au puits il cherche à la convaincre de rester parmi eux, de peut-être sa créer des souvenirs heureux.
Vivien et lui décrivent un baiser langoureux.

En tant que Grande Forêt je met en doute le souvenir. Je lance les dés et obtient le droit de l'annuler.
En enlaçant sa cousine le personnage d'Arnaud l'a en fait fait physiquement souffrir, il finit par la lâcher et elle s'effondre sur place. Sa tête heurte le puits et c'est son cadavre que le personnage d'Arnaud jette dans le puits.

Il revient affronté le regard de sa famille (il n'avoue pas le meurtre). Sa mère le regarde avec horreur mais le mari de sa cousine le prend dans ses bras, il le remercie d'avoir fait ce qu'il fallait.

Fin du souvenir.

VI) Conclusion
Je me trompais sur la dynamique de mon jeu. Les joueurs ne jouent pas vraiment contre la Grande Forêt, tout le monde créé collectivement un souvenir et même les joueurs en ajoutaient dans la noirceur.
Plus qu'un jeu d'horreur, Les Remémorants est un jeu triste. Si je regrette un peu que les histoires créées ne soient pas aussi folles et aussi étranges que celles d'autres déclinaisons de l'univers de Millevaux (en clair on est plus chez Maupassant que dans Mad Max), cela fonctionnait très bien et les histoires racontées étaient poignantes (le seul fait d'écrire ce CR me rappelle l'efficacité et l'intensité dramatique de la partie).
On s'est demandé si c'était une affaire de connaissance de l'univers. Est-ce que nous osions pousser le jeu et son univers dans ses retranchements (par exemple Vivien a fait remarquer que dans son souvenir il aurait été amusant que quelqu'un se saisisse du "personnage" du civet) ?

Le défaut principal du jeu, ou en tous cas de ma façon de le jouer, était l'absence d’articulation entre le présent et le passé. Il y a un effort particulier (de la Grande Forêt) à faire pour rendre le présent cohérent.
Autre point embêtant la possibilité d'accepter de douter ne produit pas grand chose autour de la table de jeu. Il est toujours plus intéressant de prendre le risque de voir la Grande Forêt impacter sur l'histoire.

Un truc que j'aime énormément, et que je dois à Un Dernier Verre, le jeu de Guylène (téléchargez-le iciet jouez-y !!!), c'est la logique d'interaction qui permet au joueur d'entrer dans le récit en prenant le contrôle d'un personnage. Mon jeu n'est jamais que la version dépressif de celui de Guylène (voila qui ne va pas arranger ma réputation de Stromae du JDR).

Au passage ce jeu est l'occasion pour moi de sortir de la logique où l'on plaide pour son personnage et c'est vraiment rafraichissant. Je suis assez fier du fonctionnement général des Remémorants.

(1) Même si en théorie je trouve ce doute intéressant, dans les faits il annule un peu le pouvoir de la Grande Forêt et ne compte pas beaucoup. Comme à la table de Thomas cette logique de doute ne marchait pas complètement.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#5 31 Jan 2016 10:08

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Les Remémorants] Comptes-rendus de partie

LE CŒUR DE LA FORET ENSORCELÉE

Les Remémorants en table ouverte, pour un voyage dans la tristesse, les histoires croisées, les souvenirs cruels et apaisants

Jeu : Les Remémorants, chasseurs de souvenirs dans le monde sans passé de Millevaux, par Steve Jakoubovitch

Joué le 10/10/15 au Festival du jeu à Noyal-Pontivy
Personnages : Cerbère, Dragen, Heart, Elrich, Sanka, Kalika, Igor, l'ami, le brûlé, le père, le bûcheron, le charpentier.

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crédits : arsen guschin, publienergy, road less trvled, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


Personnages :

Cerbère, communautaire
Rôle dans la communauté : protecteur
Ce qui se passera s'il ne revient pas : il y aura des morts

Dragen, vagabond
Blessure : une malédiction, les gens ont peur de lui.
Étincelle de vie : volonté de conjurer la malédiction

Heart, vagabonde
Blessure : je porte le deuil de ma famille
Étincelle de vie : Kit-kat, mon chat noir posé sur mon épaule
Jamais plus son chat ne bougera

Elrich, vagabond
Blessure : cicatrices bras droit
Étincelle de vie : un doudou ayant appartenu à ma fille Fiona
Jamais plus il n'entendra les enfants
Jamais plus il ne pourra s'approcher du feu
Jamais plus il ne verra sa fille

Sanka, vagabonde
Blessure : cicatrices sur le visage
Étincelle de vie : Réa, ma sœur jumelle qui m'accompagne

Fléo, vagabond
Blessure : dents pourries
Étincelle de vie : se transforme en loutre

Kalika, vagabonde :
Blessure : addict au jeu
Étincelle de vie : je porte bonheur

Igor, vagabond
Blessure : une seule personnalité, mais deux têtes
Étincelle de vie : veut sauver le monde

L'ami, communautaire
rôle dans sa communauté : tout le monde l'aime
ce qu'il se passera s'il ne revient pas : ils le rechercheront

Le brûlé, vagabond
Blessure : visage brûlé
Étincelle de vie : recherche sa famille
Jamais plus il n'aura d'argent
Jamais plus il ne pourra utiliser son poignet droit

Le père, vagabond
Blessure : balafre
Étincelle de vie : à la recherche de son fils aîné.

Le bûcheron, vagabond
Blessure : un bras en moins
Étincelle de vie : souvenir d'un foyer
Jamais plus il ne reverra son père
Jamais plus il ne reverra ses frères et sœurs
Jamais plus il ne reverra sa mère

Le charpentier, vagabond
Blessure : une balafre
Étincelle de vie : il veut se souvenir d'où il vient
Jamais plus il ne reverra sa femme
Jamais plus il ne reverra son aîné


L'Histoire :

Cerbère et Dragen arrivent dans la forêt ensorcelée. Le monde est en ruines, la forêt a tout envahi, et comme beaucoup de gens, ils ont perdu leurs souvenirs. C'est la forêt ensorcelée qui les a volés. Ils y sont allés pour les retrouver.
Il y a tellement d'arbres qu'on ne voit rien à cent mètres, cinquante mètres, hormis des lueurs grosses comme des têtes d'épingles. Entre les racines des arbres, pendus dans leurs branches, il y a des feux follets, des souvenirs.

Cerbère prend un feu-follet dans ses mains. Le protecteur prononce la phrase magique : "Je veux me rappeler... de mon enfant."

Dragen souhaite se rappeler de pourquoi il a été maudit. Avant, il était mercenaire. Il a persécuté une caravane de gitans. Il était venu pour exercer une vengeance. Il a torturé le chef des gitans, un vieillard, celui-ci l'a supplié d'épargner sa famille, mais Dragen n'a rien entendu. Il a tué tous les gitans qu'il a pu. Mais certains se sont échappés. Il voit une fille gitane, dans ses rêves, elle a le visage très pâle. Elle dit qu'elle le maudit pour ses crimes, que plus personne ne pourra plus le regarder dans les yeux. Qu'il ne sera délivré que le jour de sa mort.
Dragen se tient le cœur. Il tombe, raide mort. Son visage est enfin apaisé.

Cerbère est reparti quand les autres arrivent. Il ne pouvait pas s'arrêter, sa communauté était en danger sans son protecteur.
Ceux qui trouvent le corps de Dragen, ce sont quatre vagabonds : Heart, qui porte le deuil de sa famille, un deuil si lourd qu'il se voit sur elle, avec un chat raide planté sur son épaule : Kit-kat. Elrich, avec son bras droit barbelé de cicatrices. Et les plus jeune, les jumelles Sanka et Réa. Réa ne dit rien, ne fait rien, elle observe sa sœur prendre les feux-follets et se rappeler.

Sanka veut se rappeler de son chat qui a disparu. Elle le cherchait, lui il a grimpé au bord d'un précipice. Il suivait un oiseau, une perruche bleue, animal exotique qui le fascinait.

Elrich est venu pour se rappeler de Fiona, sa fille. Mais la forêt ne l'entend pas de cette oreille. Il se rappelle de son fils, Bastien. Ils étaient saltimbanques, il allait de ville en ville avec lui. Arrivés à l'entrée d'une ville, ils n'avaient pas les moyens de payer le garde. Alors le garde a exigé de garder Bastien en caution pour laisser rentrer Elrich. Il le lui rendrait si Elrich gagnait en ville de quoi rembourser le prix d'entrée. Mais Elrich sait bien qu'il n'a pas pu récupérer Bastien. Alors qu'il reprend ses esprits, il n'entend pas la voix des jumelles qui lui demandent s'il va bien. Jamais plus il n'entendra la voix des enfants.

Quand Heart attrape un feu-follet, c'est pour se rappeler de l'incendie où elle a perdu sa famille. Elle revit les flammes qui dévorent leur maison, elle entend leurs cris. Elle se revoit, se tenant devant la maison, avec son chat sur l'épaule. Elle se voit observer sans intervenir, puis partir.

Sanka veut se rappelle d'une chose, mais au lieu de ça, elle se rappelle de la petite fille qui voulait jouer avec elle. Cette petite fille avait fugué de chez ses parents pour la rejoindre. Sanka a essayé de la convaincre de rentrer chez ses parents, mais elle ne se souvient plus si elle y est parvenue.

Heart se rappelle de Bastien, elle s'en rappelle parce qu'elle l'a connu, plus tard. Son père n'était jamais venu le chercher, il avait survécu, certes, mais il était aigri et violent. Heart a connu une romance avec Bastien, mais pour exprimer toute sa colère, il la battait. Heart a essayé de le fuir, mais elle n'est plus sûre de savoir si elle y est parvenue, ni même si elle a réussi à prendre cette décision.

Trois nouvelles personnes les rejoignent dans la forêt ensorcelée, des vagabonds également, eux aussi venus glaner leurs souvenirs dans les feux-follets.
Il y a Igor, un homme avec deux têtes. Il pense d'une seule âme, mais ses deux cerveaux, le rendent deux fois plus intelligent, et aussi deux fois plus effrayant. Il y a Fléo, l'homme aux dents pourries qui peut se transformer en loutre, et Kalika, qui ne pense qu'aux jeux d'argent.

Igor est venu pour se rappeler de son enfance, mais encore une fois la forêt est joueuse. Il se rappelle d'avoir assisté à un incendie. Il y avait toute une famille dans la maison, mais il ne se souvient plus s'il est intervenu pour les aider, si c'était seulement possible, ou même s'il est responsable ou non de l'incendie. Il se souvient seulement d'avoir vu une femme avec un chat sur l'épaule se tenir au dehors, et observer la scène.

Kalika est venue pour se rappeler d'un grand tournoi de poker. Elle avait gagné gros, pas le premier prix, mais pas mal quand même. L'un des hommes qui l'a battu, un homme au chapeau noir dont l'ombre lui dissimule le visage, l'a accusé de tricherie et l'a menacée de mort.
Elle a caché son butin dans les toilettes et elle a fui le tournoi pour lui échapper.

Fléo est venu se rappeler de pourquoi ses dents sont pourries, mais à la place il se rappelle qu'il était aussi dans ce tournoi. Il a aussi été menacé par l'homme au chapeau noir. De peur, il s'est transformé en loutre et a fui vers les toilettes.

Heart était aussi à ce tournoi de poker. Elle aussi a gagné gros et a caché son butin dans son chat, elle sen rappelle maintenant, son chat est mort ce soir là et s'en rendant compte, elle comprend que jamais plus son chat ne bougera. Mais elle n'a pas voulu rester jusqu'à la fin. Elle est allée vers les toilettes, elle se rappelle avoir aperçu une queue de loutre ou d'un autre animal s'y faufilé, et elle a fui par la fenêtre des toilettes. Elle a vu l'homme au chapeau noir qui recherchait l'autre gagnante du tournoi de poker. Elle aurait juré avoir vu son visage, ou plutôt les deux bosses qui formaient son visage.

Elrich veut toujours se rappeler de sa fille, mais la forêt, cruelle lui impose un autre souvenir. Il était dans la maison avant l'incendie. Il n'avait pas gagné d'argent en faisant le saltimbanque, et il lui en fallait absolument pour racheter Bastien au garde, alors il est entré dans cette maison pour la cambrioler, et une personne l'a surpris, un homme, il lui semble, et il y avait d'autres personnes dans la maison, il a entendu des cris, et dans la panique il a mis le feu et il s'est enfui. Il n'a jamais pu récupérer Bastien. C'est dans cette maison en feu qu'il s'est fait cette blessure au bras, dont il garde la cicatrice. Et quand il reprend ses esprit, il réalise qu'il ne pourra plus jamais oser s'approcher du feu, de la moindre flamme de bougie, de braise ou de briquet. Il ne peut plus s'approcher que de la flamme froide et vénéneuse des feux-follets.

Heart se rappelle son entrée dans la ville. Le garde, avait-il un chapeau ?

Kalika se rappelle avoir couru dans la forêt, elle se rappelle de l'homme au chapeau noir qui la pourchasse. Il la rattrape enfin, un couteau à la main. Que s'est-il passé ensuite ?

Igor veut toujours se rappeler de son enfance, mais au lieu de ça il se rappelle comment ses parents ont dû, pour cause de misère, le confier à son oncle. Il est persuadé que ses parents l'ont élevé dans la bonté. Son oncle était forain, il l'a emmené pour le montrer comme une bête de spectacle, il lui a appris des tours aussi, il lui a appris des tours de poker. Il lui a enseigné l'aigreur et la méchanceté. Que tout le monde détestait les forains, et que tout le monde détestait les monstres. Qu'il devrait se montrer impitoyable. Et s'il perdait au jeu, il devrait toujours accuser son adversaire de tricherie et le menacer de mort.

Kalika frémit. Qui est cet homme qui l'a rejointe dans cette forêt ?

Elrich se rappelle enfin de sa fille, Fiona, sa fille adorée. Il jouait à la balançoire avec elle, elle riait. Ce qu'il ne voyait pas, c'était Bastien, dans l'ombre, entre les arbres, qui les épiait. Bastien, son beau-fils, le fils de sa femme, pour qui il n'a jamais éprouvé d'affection. Bastien pleurait, esseulé.

Sanka s'en souvient, de cette fille. Elle lui avait dit de rentrer chez ses parents, de ne pas fuguer au nom de leur amitié. Réa l'avait encouragé à le faire, peut-être ne voulait-elle pas que Sanka ait une amie ? Mais apparemment la fille n'est pas retourné chez ses parents, il y a eu une battue. Sanka l'a recherché également, et finalement c'est elle qui l'a trouvée. Elle jouait au bord du ravin, avec le chat de Sanka dans ses bras. Elle a dit à Sanka : "Je vais me jeter dans le ravin, comme ça mon père n'aura plus que mon frère, il sera bien obligé de faire attention à lui, maintenant.". Sanka pense l'en avoir dissuadé. Alors la fille aurait dit : "D'accord, je ne saute pas, mais dans ce cas, je vais fuir, le résultat sera le même. Donne-moi ton chat pour me tenir compagnie." Sanka a refusé, elle a dit : "Prends plutôt celui qui passe par là". Alors, la fille lui a fait un regard tout drôle, et elle a dit : "Voilà ce que j'en fais de ton chat, puisque tu ne veux pas me le donner". Et elle a lancé le chat de Sanka dans le ravin !

A ce moment là, Elrich a voulu se rappeler de ce soir la. Il s'est alors rappelé qu'il cherchait sa fille désespérément et qu'il l'a finalement trouvée au bord du ravin. Mais quand il voulut s'approcher, il vit alors Bastien avancer vers elle. De loin, il les a vu discuter, voire s'engueuler, puis après il a cru le voir la pousser dans le ravin (il n'est plus sûr de ce qu'il a vu). Sa fille serait donc tombée et morte sur le coup. C'est à partir de cet événement qu'il a commencé à perdre ses souvenirs.

Et quand Elrich reprend ses esprit, c'est pour être assiégé par une terrible douleur morale : la certitude que c'est la dernière fois qu'il voit sa fille, qu'il ne le reverra jamais.

Suite à ce souvenir retrouvé, il quitte la forêt le cœur lourd pour aller se recueillir sur la tombe de ma fille... L'histoire ne dis pas s'il a eu le courage de rester en vie. Il a juste demandé à partir, il n'avait plus rien à faire ici. Alors Heart et Sanka l'ont accompagné, au dehors de la forêt ensorcelée.

Igor s'est rappelé du moment où il est devenu adulte. Son oncle lui a laissé le choix entre rester parmi les forains, mais alors il devrait selon leur code, être impitoyable et sans cœur, ou alors il pouvait partir de la caravane. Alors il pourrait vivre selon sa propre morale, mais les forains le considéreraient alors comme un étranger, un ennemi. Igor a choisi de partir. Il a pris son chapeau noir qui couvre sa tête double, et il est parti.
Quand il a participé et perdu à ce tournoi de poker, les vieux réflexes inculqués par son oncle sont revenus. C'est pour cela qu'il a menacé Kalika et l'a pourchassée dans la forêt. Mais quand il est arrivé face à elle, il s'est rappelé de son enfance, des valeurs de ses parents, et il a laissé tombé son arme.

Igor n'est pas comme ça. Il regarde Kalika, dans le présent. Le fait qu'elle soit toujours vivante prouve qu'il n'est pas comme ça. Il n'est pas un monstre. Alors, une de ses têtes meurt et se nécrose. Jamais plus il n'aura deux têtes.

Il y eut un homme pour les rejoindre, on l'appelait l'Ami. Il venait d'une communauté, mais quand on lui demandait son rôle, il n'en avait aucun, il n'avait aucun métier. Mais tout le monde l'aimait. C'était sûrement ça son rôle. Il savait que s'il s'absentait trop longtemps, tout le monde partirait à sa recherche. Et finalement, à voir les ravages que faisaient les souvenirs sur les autres, il a préféré rentrer les retrouver, et maintenir ce statu quo.

Quand le brûlé et le père arrivent dans la forêt ensorcelée, les autres sont partis, il ne reste que le cadavre de Dragen. Les souvenirs ne sont plus dans des feux-follets. Il faut se blesser le doigt à des ronces et les souvenirs sont dans le sang qui coule de la blessure.

Le brûlé a un visage déformé par la marque du feu, c'est ça chez lui qui faisait peur aux autres. Il recherche sa famille, et il est venu pécher des feux-follets de souvenirs pour retrouver sa réponse. Il se rappelle de la troupe de mercenaires qui attaque son village. Il se rappelle d'avoir été encerclé par des mercenaires, de leur avoir vendu sa famille pour sauver sa peau, pour quelques sous. Il reprend ses esprit et tâte les pièces dans ses poches. Les trente deniers de Judas. Et ces pièces se mettent à pourrir. Il comprend qu'il ne pourra plus jamais toucher d'argent sans qu'il ne tombe en moisissure. Il devra vivre le reste de sa vie sans argent.

Le père voulait se rappeler de son fils aîné. Il s'est surtout rappelé de comment il a eu cette balafre, alors qu'avec son fils ils ont été attaqués par trois mercenaires. A leur tête, c'était l'Artificier, un fou furieux au visage brûlé. Il a tué deux mercenaires mais l'Artificier s'est enfui en emportant son fils.
Le père a compris alors que les souvenirs de la forêt ensorcelée ne lui sauraient d'aucun secours pour retrouver son fils, qu'ils ne lui causeraient que du mal, alors il est reparti d'où il est venu.

Ensuite, le brûlé s'est rappelé avoir traqué la bande de l'Artificier, les avoir vu attaquer un autre village pour y capturer des esclaves. Il a suivi la caravane des mercenaires, il s'est approché de la roulotte où étaient emprisonnés les membres de sa famille. Il a forcé la serrure et il est entré, il les a retrouvés... Mais sa femme et ses enfants ne voulaient pas l'accompagner. Comme il les avaient vendus comme esclave, ils n'avaient plus confiance en lui.

Plus tard, plus loin, en plein centre de la forêt ensorcelée. Le bûcheron et le charpentier sont arrivés au cœur battant de la forêt, un entrelacs de branches et de ronces gros comme une maison, vivant.

Le bûcheron et le charpentier sont deux vagabonds, qui tout deux ont l'air d'avoir tout perdu. Le bûcheron a perdu un bras, le charpentier a une grande balafre qui lui déforme le torse.

Le bûcheron est venu pour se rappeler de son foyer, il lui semble qu'il est venu pour ça. Il commence par se rappeler de sa mère. De son beau visage. C'était une femme courageuse et indépendante. Il voit son père, un bûcheron, entrer dans la maison, et demander à sa mère qui elle est. Il ne la reconnaît pas. Il l'a interrogé pour comprendre ce qui a pu arriver, et le père a dit qu'il s'est blessé dans la forêt en allant bûcheronner pour nourrir la famille.

Le charpentier veut commencer par se rappeler quelles ont été les prémisses de la fin du monde. Alors il se rappelle d'un médecin qui lui confie, anxieux, l'existence d'une nouvelle maladie qu'il vient de constater. Les personnes qui se blessent au contact d'un végétal ou d'un animal perdent la mémoire. Elles perdraient un souvenir par blessure. C'est comme ça que la fin du monde a commencé.

Le bûcheron s'est rappelé avoir refait le parcours avec son père dans la forêt, pour comprendre ce qu'il se passait. Le père lui a montré l'endroit où il s'est blessé. Il lui a dit : "Je ne me rappelle pas ce qu'il y avait avant, les vingt ans de mariage avec cette femme que vous m'avez expliqué. Je me rappelle juste que quand j'ai été blessé, je me suis senti beaucoup plus léger. Comme si des années d'aigreur, de mensonges et de disputes s'étaient envolés de mon dos." Et il a poursuivi : "tu sais, j'ai eu des joies de vous avoir élevé, les enfants, mais aussi beaucoup de peines. Les responsabilités, les cris... ça aussi ça pèse très lourd sur moi." Et il a fait signe de se blesser à nouveau dans les épines. Et son fils l'a laissé faire, parce qu'ainsi, il serait plus heureux. Une fois blessé, son père l'a regardé et lui a demandé : "Qui êtes-vous ?". C'est vrai qu'il avait l'air plus léger. Mais plus jamais il ne reverra son père.

Le charpentier se rappelle que le médecin est revenu le voir. Il lui a dit : "Vous devriez abandonner votre profession de charpentier. Vous risquez de vous blesser à tout moment, et ce sera une blessure végétale, vous allez oublier. Peut-être oublier votre femme, ou vos enfants." Mais le charpentier a ignoré cet avertissement. Il fallait bien qu'il travaille pour nourrir sa famille.
En reprenant ses esprits, il sait déjà qu'il ne reverra jamais plus sa femme.

Le fils se rappelle être revenu voir sa mère, et quand elle lui a expliqué que le père les avait oublié et était parti, et le rôle qu'il a joué dans cette histoire, sa mère a été catastrophée. "Pourquoi l'as-tu laissé faire ? De quel droit t'es-tu permis ça ? J'avais l'occasion de tout redémarrer de zéro avec lui ! ". "Et son libre arbitre, tu y as pensé ?", a-t-il répondu. "Mais maintenant, qui va nous nourrir ?". "J'irai dans la forêt, je me ferai bûcheron comme mon père, et je vous nourrirai." "C'est très dangereux, tu le sais, reviens-nous vite. Dès qu'on pourra se débrouiller sans ça, tu abandonneras la carrière de bûcheron." Et le fils est parti dans la forêt, avec la hache de son père sur l'épaule.
Il sait qu'il n'a jamais plus revu ses frères et sœurs depuis.

Le charpentier s'est en effet blessé en travaillant. Il s'est entaillé en rabotant une poutre. Il a commencé à oublier le visage de sa femme.

Le bûcheron a continué longtemps à couper des arbres dans la forêt. Il a fini par rencontrer un charpentier. Un médecin est venu les voir. Il leur a dit que la seule façon d'enrayer l'épidémie d'oubli, c'était d'aller au cœur de la forêt ensorcelée, celle qui capture les souvenirs, et de détruire ce cœur. Les souvenirs volés seraient perdus à jamais, mais au moins les gens arrêteraient peut-être d'oublier. Il comptait sur les capacités du bûcheron et du charpentier pour réussir cette mission, alors ils ont pris la route tous les deux.

Le charpentier se rappelle que le médecin lui a aussi donné une méthode pour enrayer une blessure végétale ou animale : il fallait qu'il aggrave volontairement sa blessure avec une lame forgée, pour que la blessure redevienne une blessure minérale et non végétale ou animale. Alors sur le chemin, il a emprunté la hache du bûcheron et il a creusé sa blessure, en profondeur, pour que le visage de sa femme ne s'efface pas de son esprit.
Mais maintenant, il sait qu'il ne la reverra plus jamais.

Le bûcheron se rappelle être allé voir une dernière fois sa mère avant de partir vers le cœur de la forêt. Il a demandé ce souvenir pour avoir une chance de savoir où la retrouver quand il reviendrait de sa mission. Mais il s'est juste rappelé qu'il s'est disputé avec elle, car elle ne voulait pas qu'il prenne ce risque d'aller au cœur de la forêt. Elle lui a fermé la porte au nez, et elle lui a dit qu'elle déménagerait le lendemain pour aller chercher du travail pour nourrir ses frères et sœurs. Il ne sait pas où elle est allé. Jamais plus il ne la reverra.

Le charpentier sait déjà qu'il ne reverra pas son aîné. Il a perdu son visage. Il se rappelle avoir dit au revoir à son enfant cadet avant de partir vers le cœur de la forêt ensorcelé. L'enfant était triste à l'idée que son père parte. Il serrait fort contre lui le chat de la maison, ce chat qui avait tendance à sortir les griffes quand l'enfant jouait avec lui. Alors le soir avant son départ, le charpentier a dit à son fils cadet : "le chat veut faire un tour dehors", il a sorti avec le chat dehors, et comme l'enfant était resté dans la maison, il a tué le chat, pour qu'il ne griffe pas son enfant, pour que son enfant se souvienne de lui.

Et la douleur de ce souvenir lui a fait très, très mal, le charpentier a senti la vie le quitter à toute vitesse, comme l'eau d'une baignoire quand on retire la bonde. Il a dit au bûcheron : "Arrête de te souvenir, tu dois fuir d'ici !", et il est mort.

Le charpentier a écouté cet avertissement. Mais avant de partir, il a soulevé sa hache, et frappé le cœur de la forêt.

Frappé,

frappé,

frappé !


Commentaires sur le jeu :

Quand je suis arrivé au festival du jeu de Noyal Pontivy, dont c'est la première édition, j'ai eu peur de ne pas réussir à recruter une table fixe de joueurs sur tout l'après-midi. Alors j'ai décidé de plutôt jouer en table ouverte. Je me suis fait violence, et je suis allé voir toutes les personnes qui étaient debout sans jouer, pour savoir si elles voulaient faire du jeu de rôle, sans durée imposée. Quand on a commencé à jouer et que des personnes tournaient autour de la table, je les invitais à rentrer dans le jeu. Et quand ma table se retrouvait vide, je repartais à la recherche de joueur.se.s. Au final, j'ai dû jouer cinq heures d'affilée, avec 13 personnes en tout, 6 en simultané à un moment.

On a raconté beaucoup de choses et c'est sûr que je ne me rappelle pas tout. Un comble pour un jeu sur la mémoire ! Si c'était à refaire, j'aurais pris des notes sur l'histoire dès que j'avais un instant de libre, plutôt que de repartir aussitôt à la pèche aux joueur.se.s

J'ai eu le sentiment de jouer un peu plus dans l'esprit du jeu que lors de mes deux premiers tests. Notamment, j'ai assez peu intervenu dans les souvenirs, en n'interprétant pas trop de figurants, en posant beaucoup de questions à la place. Les joueur.se.s n'ont pas forcément toujours beaucoup posé de questions au remémorant.e, ou interprété beaucoup de figurants, mais quand même c'était plus équilibré. Surtout, j'ai très très peu narré au présent, j'ai juste dit à quoi ressemblait la forêt, donc a joué des souvenirs 95 % du temps. Finalement, mes principaux outils pour influer sur la narration a été le contrôle du souvenir en début de souvenir, et le "jamais plus" en fin de souvenir pour poser des enjeux, une tension.

Le joueur du père n'a pas adhéré à la proposition du jeu, qui était de jouer dans le passé, d'explorer des souvenirs, sans réel enjeu dans le présent. On peut pas séduire à tous les coups ! Je pense que lui comme moi avions compris la proposition du jeu, mais il n'était simplement pas client, ce qui est quelque chose que je peux comprendre tout à fait.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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