Depuis un bon moment, une phrase de L'Appel de Cthulhu (qu'on lit aussi dans Le Cauchemar d'Innsmouth) me tourne dans la tête : "Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn." Selon HPL himself, ça signifie : "In his house at R'lyeh dead Cthulhu waits dreaming". Pour ma part, je l'interprète ainsi : "Dans sa prison de R'lyeh, feu Cthulhu attend, rêvant."
En méditant ces mots, j'aspire à combler un manque dans Cthulhu DDR. Ce manque, c'est Cthulhu. Il est grand temps que l'Ancien embrasse cette DDR auquel je l'associe. Cependant, le poulpe étant retenu à R'lyeh, il est exclu qu'il vienne en personne faire du shopping à Berlin. Quant aux PJ, s'ils peuvent caresser l'espoir de passer à l'Ouest, il est peu probable qu'ils tombent, de leur plein gré, de Charybde est-allemande en Scylla sud-pacifique.
La clé de cette dimension non-euclidienne où le Grand Ancien épouse enfin la DDR, je l'ai trouvée dans le rêve. Cthulhu rêve, et ce rêve baigne la DDR. C'est un paradigme parfaitement cohérent avec le concept de calque fictionnel inscrit dans les fondations du setting. De plus, il me permet d'introduire un nouvel aspect de Cthulhu DDR : l'Eclat.
Alors voilà : le rêve de Cthulhu baigne la DDR, il imprègne aussi les PJ, et se nourrit de leurs pertes d'Esprit. Ces pertes forment, dans le rêve, des Eclats psychiques qui transportent les souvenirs liés à la perte d'Esprit. Les PJ peuvent accéder à ces souvenirs sous certaines conditions.
En pratique, chaque joueur consigne les circonstances des pertes d'Esprit de son personnage dans une fiche dédiée, la fiche de Rêveur. Le meneur l'aide à (re)formuler si besoin la description de ces Eclats. Quand son personnage meurt, le joueur conserve sa fiche de Rêveur. Il lui est alors possible de transmettre à son nouveau personnage des souvenirs du précédent. Cool, non ? Mais cela a un prix : le joueur qui envoie un Eclat à son personnage lui inflige simultanément une perte d'Esprit égale à celle qui a généré l'Eclat.
Le problème, c'est que ça ne fonctionne pas avec Sombre Zéro. Cependant, j'y ai réfléchi. Sous SZ, le seul moment où peut se former un Eclat, c'est lorsque le personnage meurt. Et comme l'Esprit n'est pas géré par le système, le personnage qui reçoit un Eclat perd autant de points de Corps que la perte d'Esprit fixée.
C'est tout pour aujourd'hui.
Bonne nuit...
Marche ou Rêve
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En pratique, chaque joueur consigne les circonstances des pertes d'Esprit de son personnage dans une fiche dédiée, la fiche de Rêveur. Le meneur l'aide à (re)formuler si besoin la description de ces Eclats.
Question : cela ne ralentit pas trop le jeu et ne casse pas le rythme ?
Sinon, j'adore le principe de transfert mémoriel à travers le rêve. En somme cela permet des enquêtes étendues sur plusieurs générations de persos. Subtil
Merci !
Je manque encore de recul pour déterminer quel est véritablement l'impact sur le rythme des parties. Dans un premier temps, je vais tester la mécanique en cours de partie, puis j'essaierais de voir ce que donne la rédaction des Eclats en fin de partie. Il y a certainement des avantages (et des inconvénients) dans les deux approches.
Mon idée de base n'est pas tant de favoriser l'enquête que de donner aux joueurs un outil pour explorer ET interagir avec le setting, et qui les débarrasse de la frustration liée aux connaissances du setting accumulées au fil des parties mais inexploitables en cours de jeu.
Je n'ai jamais considéré que l'investigateur était le personnage-type des nouvelles de HPL. C'est l'une des raisons qui m'a fait adhérer au concept de PJ-victime de Sombre et à choisir ce système de jeu pour CDDR. Cependant, je ne peux pas faire l'impasse sur ce fait : de nombreux joueurs associent "Cthulhu" et "enquête". J'en fais régulièrement l'expérience à ma table. C'est une sorte de réflexe. Or il me semble que le système d'Eclat permet au joueur qui le souhaite de mener sa propre (en)quête, donc de coiffer une casquette d'investigateur, sans pour autant la transmettre à son personnage.
Cela répond enfin, je crois, à une question que posait Seb : "Pour C-DDR, t'as ré-inventé ces Investigateurs évoqués par l'AdC mais qui ne correspondaient à rien dans les nouvelles ?"
En quelque sorte oui : les joueurs qui souhaitent jouer les investigateurs le font à un niveau méta, leurs personnages restent des victimes.
Marche ou Rêve
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les joueurs qui souhaitent jouer les investigateurs le font à un niveau méta, leurs personnages restent des victimes.
C'est propre et net.
Why not recueillir les Éclats sur des tuiles/cartes spéciales : 1 carte/tuile par Éclat. Ces cartes/tuiles restent au centre de la table et sont piochables par n'importe quel joueur, histoire de mécanismer le "lien karmique" du groupe.
Je penserai alors à une tuile/carte organisée en trois champs :
+ Séquelles (nb) : la perte d'Esprit.
+ Circonstance (traumatique) : l'élément traumatisant que va (re)vivre le rêveur et qui va lui livrer le souvenir.
+ Données (exploitables) : les informations brutes que véhiculent le souvenir.
=> écrite en qques mots succincts pour ne pas trop ralentir le jeu et limiter l'émersion du joueur.
T'avais pensé à quoi pour ta fiche de Rêveur ?
A vrai dire, j'y ai pensé. L'idée d'utiliser des cartes Eclats est séduisante à plus d'un niveau (conceptuel, esthétique, fun...)
Toutefois, je souhaite d'abord privilégier un lien solide entre un joueur et les Eclats issus des pertes d'Esprit de ses personnages. Je pense que ça potentialise l'intensité affective des Eclats, au niveau du joueur, en réactivant des sensations qu'il a déjà ressenties pour son ancien perso, bref une forme d'intimité impossible à expérimenter par un autre joueur.
Ensuite, je conçois les Eclats comme les fruits de l'investissement du joueur dans la partie : s'il est pro-actif son perso risque de se manger plus de Séquelles et de Blessures que s'il joue l'attentisme, or il me parait juste que chacun récolte ce qu'il a semé.
Enfin, le nombre de cartes grandissant au fil des parties, je crains que ça devienne vite ingérable.
Pour l'heure, la fiche de Rêveur est un A5 avec, dans l'entête le champs Rêveur à compléter avec un matricule composé des initiales du meneur, d'un chiffre (001, 002, 003...) et initiales du joueur (pour le fun voici un matricule spécial Johan : TS000JS ), et du champ Premier rêve qui est pré-rempli (12 Août 1961).
Sur la page proprement dite, on écrit les Eclats les uns sous les autres dans l'ordre où ils se sont formés. Au début de ma réflexion, j'avais cogité à des règles pour les rédiger. Finalement, je n'en garde qu'une : plus les Séquelles sont importantes, et plus on peut détailler. Pour le reste, je fais confiance au feeling et à la négociation entre joueur et meneur.
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A vrai dire, j'y ai pensé.
Je m'en doutais bien, mais il faut un peu te bousculer pour que tu balances tes recettes, alors je fait comme à la pêche : je lance des hameçons...
Enfin, le nombre de cartes grandissant au fil des parties, je crains que ça devienne vite ingérable.
Oui en effet, c'est un frein certain.
je fais confiance au feeling et à la négociation entre joueur et meneur.
Moi je ne fais *jamais* confiance aux joueurs (sauf pour tout foutre en l'air - là on peut compter dessus).
Avis partagé avec DeathAmbre : "le principe de transfert mémoriel à travers le rêve" est excellent !
J'adore aussi le terme "Eclats"...
"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)
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Moi je ne fais *jamais* confiance aux joueurs (sauf pour tout foutre en l'air - là on peut compter dessus).
Avis partagé avec DeathAmbre : "le principe de transfert mémoriel à travers le rêve" est excellent !
ça fait plaisir !
J'adore aussi le terme "Eclats"...
Ce n'était pas ma première idée. J'ai d'abord pensé à Flash, puis à Blitz, mais ça ne me convenait pas.
Puis, je me suis souvenu d'un poème que j'avais écrit autrefois, et dont voici un extrait :
"Le rêve est de verre, et les coeurs se brisent
Le rêve est de verre, et l'amour aussi..."
Voilà l'origine profonde des Eclats : si le rêve est de verre, il peut se fragmenter, former des éclats.
L'aura de violence qui émane de ce terme sert aussi le principe qu'un Eclat ne se forme et ne se reçoit pas sans heurts : "Fragment détaché soudainement d'un corps dur ou projeté par un corps qui se brise ; marque qui en résulte à la surface de ce corps" (selon le Larousse)
Par ailleurs, j'aime beaucoup cette autre définition de l'éclat : "Fait de briller ; vive lumière ou vive lueur projetée par un corps qui réfléchit la lumière..." (toujours selon le Larousse). Cela me permet de jouer avec cette ambivalence matériel/immatériel qui renvoie plus ou moins à réel/rêve...
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La suite de Cthulhu DDR, ce sera pour 2016 !
Pas pour janvier - je ne tiendrais jamais les délais... Mais pour septembre, ça pourrait carrément le faire.
Alors, c'est quoi le plan, au juste ?
En entrée, un léger lifting de l'existant (mise au point sur le zoom historique, redéfinition des PJ...)
En plat de résistance, un setting intitulé "Les abominations du Harz" comprenant plusieurs scénars, et dans lequel il sera possible de jouer en (mini)campagne.
En dessert, une biblio-filmo-musico-graphie.
Allez, au boulot !
Marche ou Rêve
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