Pour les mutations, District 9 de Neill Blomkamp constitue sans doute une bonne source d'inspiration (d'autant, que le film est plutôt réussi).
"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)
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Pour les mutations, District 9 de Neill Blomkamp constitue sans doute une bonne source d'inspiration (d'autant, que le film est plutôt réussi).
Yep, chouette film, peut-ĂŞtre pas tout Ă fait dans l'ambiance que je recherche mais je vais me le re-regarder avec plaisir !
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Ou comment (re)faire peur avec un sablier de cuisine.
Ayant une table fixe et étant plutôt casanier, j’ai peu l’occasion de faire jouer plusieurs fois mes scénarios. La semaine dernière, j’ai toutefois trouvé deux cobayes pour tester à nouveau Substance mort, dont le premier compte-rendu est disponible ici. Un bon moyen de voir si le scénario tient le choc face à des rôlistes beaucoup moins expérimentés, mais avec une forte expérience jeux-vidéos (l’un pratique d’ailleurs beaucoup les escape room et autres puzzle games).
Personnages joueurs
Le scénario est pensé pour deux joueurs. Les personnages qu’ils incarnent sont des pré-tirés que je distribue en début de la partie, juste avant l’introduction. Ces personnages, très archétypaux, sont frères. Frédéric est le grand frère, dur mais juste, rudoyant son petit frère mais le protégeant. Jonas est plus fragile, habitué à vivre dans l’ombre de son protecteur. Délaissé depuis que ce dernier a rejoint l’armée, il s’est doucement laissé couler et est depuis peu devenu héroïnomane.
Frédéric, l’ainé. 22 ans. Discipliné. Vétéran/Dévoué (à Jonas).
Jonas, le cadet. 17 ans. MĂ©lancolique (→ RĂ©voltĂ© → Inerte). Atypique/DroguĂ©.
Antagonistes
Doberman.
PNJ 9.
Morsures infligeant 3 Blessures (dégâts fixes).
MĂ©decin tortionnaire.
PNJ 11.
Scalpels.
Un homme grand et maigre, portant une blouse tâchée de sang et un masque à gaz.
Briefing
Je présente les personnages, laisse les joueurs se les répartir comme ils le souhaitent, puis insiste sur l’importance du roleplay dans cette partie : «n’hésitez pas à jouer à fond vos personnalités et à vider vos trippes !».
Amorce
«Au retour de ton affectation en Afghanistan, Frédéric, tu as découvert les problèmes de drogue de Jonas, ton petit frère. Après une altercation avec l’intéressé, tu es parti donner une leçon à son dealer. Jonas, pour éviter un drame, tu as suivi ton grand frère en le suppliant de se calmer. Vous êtes tous les deux rentrés dans le repère du dealer. Le ton a monté et… c’est le trou noir.
Vous vous réveillez allongés sur le sol, dans une pièce éclairée par un puissant néon. À côté de vous, un corps.»
Pourquoi ? Le boss du dealer est un ancien médecin reconverti dans la production de drogue et l’assistance aux criminels blessés. Quand les deux frères sont venus interpeller le dealer, le médecin a gazé tout le monde avec une drogue expérimentale qu’il avait envie de tester (la substance M, en hommage à K. Dick).
Mise en scène
La partie commence : je briefe les joueurs, leur lis l’introduction, puis retourne le sablier. Intrigués, mais ne sachant pas de quoi il retourne, les personnages commencent à agir. Au bout de 3 min (le temps que le sable s’écoule) je retourne le sablier et annonce aux joueurs que les personnages encaissent une Séquelle. À partir de ce moment, ils perdront un point d’Esprit à chaque retournement du sablier, c'est-à -dire toutes les 3 min ! Il ne leur en reste donc plus que 33 — au maximum ! — avant de basculer dans la folie.
Fiction
Les joueurs commencent par regarder autour d’eux. Celui à coté duquel ils sont allongés est le dealer de Jonas. Il respire faiblement mais ne réagit à rien. Une petite mare de sang, qui commence à coaguler, entoure sa tête comme une auréole. Le coin de la paillasse est rouge. Là , j’interpelle les joueurs : «Fréderic, il te fait penser à un de tes camarades en Afghanistan, qui a reçu un shrapnel dans la tête et est devenu un légume». Séquelle : leur Esprit chute à 11.
Les personnages sont dans une pièce relativement grande, sans fenêtre. En face d’eux, le corps du dealer, affalé devant une paillasse de laboratoire recouverte d’éprouvettes et de produits chimiques. Sur leur gauche, un fauteuil médical tâché de sang et du matériel de soins (scalpels, nécessaire de transfusion, bandages). Derrière eux, une lourde porte de fer (verrouillée bien sur). Enfin, dans un coin à droite, un grand placard d’où s’échappe des grognements.
Interrompant la fouille, je retourne le sablier pour la première fois et inflige aux personnages une Séquelle (leur Esprit chute à 10).
Les joueurs paniquent, essaient d’ouvrir la porte blindée, échouent, puis fouillent la pièce pour trouver une autre issue ou un moyen d’ouvrir la porte. Je leur dis qu’en dehors de cette porte, il y a bien un système d’aération (cette fois-ci je le mentionne directement) mais il est impossible de se glisser dedans, il s’agit de simples tuyaux.
Le temps passe, je retourne le sablier et inflige aux personnages une nouvelle SĂ©quelle (Esprit → 9).
Je fais remarquer aux joueurs qu’ils ont les yeux particulièrement rouges et un goût acre dans la bouche. Ils soupçonnent aussitôt l’effet d’une drogue ou d’un poison. Ils se font vomir et essaient d’uriner pour éliminer le maximum de toxine. Ils fouillent l’étagère médicale pour trouver un antipoison ou bien (très bonne idée de leur part !) un antipsychotique. Il n’y a bien sur pas d’antipoison, mais je leur fais trouver des calmants, du xanax©, ainsi que tous les dérivées opiacés qu’ils désirent, fabriqués maison et conservés dans de petits flacons de verre fumé, annotés à la main. Ils hésitent : vont-ils en consommer ou non ? Finalement, ils se ravisent.
Le temps passe, je retourne le sablier et inflige aux personnages une nouvelle SĂ©quelle (Esprit → 8).
Les personnages continuent de fouiller la pièce. Ils trouvent de nombreux produits chimiques et une quantité non négligeable d’héroïne. Ils veulent ouvrir le placard mais hésitent à cause du grondement. Ils décident de préparer un sachet d’héroïne à jeter dedans pour droguer ce qui s’y trouve.
Le temps passe, je retourne le sablier et inflige aux personnages une nouvelle SĂ©quelle (Esprit → 7).
Les deux frères entrouvrent la porte du placard pour y jeter l’héroïne. Frédéric réussi son jet de Corps. Le doberman s’endort. Le placard, à l’exception d’une couverture sale et d’un bol de croquettes, est vide.
Le temps passe, je retourne le sablier et inflige aux personnages une nouvelle SĂ©quelle (Esprit → 6).
Frédéric injecte un cocktail de drogues au chien pour être sûr qu’il ne se réveille pas tout de suite. En phase révolté, Jonas s’arme d’un tabouret et va frapper sur tous les murs, à la fois pour évacuer sa rage, mais aussi pour chercher un passage secret ou une alcôve (jolie façon de joindre roleplay et stratégie !).
Le temps passe, je retourne le sablier et inflige aux personnages une nouvelle SĂ©quelle (Esprit → 5).
S’imaginant qu’ils sont peut-être observés, les personnages inspectent la pièce en quête de caméras. Ils ne trouvent rien. Ce faisant, ils passent la main dans les tuyaux d’aération. Je leur dis qu’ils ne remarquent rien, si ce n’est le souffle puissant d’un des tuyaux.
Ils décident de le boucher. Puis attendent. Au bout des 3 min, je ne retourne pas le sablier et ne leur inflige pas de Séquelle. Victoire ! Les deux joueurs se concertent, puis décident d’aller s’embusquer : Frédéric fera le mort et Jonas ira se planquer dans le placard avec le doberman drogué.
Le temps passe. Je leur inflige une Blessure due au manque d’oxygène. Ils commencent à reconsidérer leur tactique. Puis une deuxième, Jonas craque et veut rétablir la circulation d’air. Frédéric l’engueule (joli moment de roleplay). Ils décident de patienter encore un peu.
Enfin, ils entendent une clĂ© tourner dans la serrure. Un homme grand et maigre, portant une blouse tâchĂ©e de sang et un masque Ă gaz, entre dans la pièce. Les deux frères fondent sur lui. Le combat est bref mais intense. FrĂ©dĂ©ric n’en rĂ©chappera pas (3 SĂ©quelles pour Jonas, Esprit → 2). Le mĂ©decin non plus. HĂ©bĂ©tĂ©, Jonas titube hors de la pièce. Il est sauf.
Générique : Drug train des Cramps.
Bilan
Très bonne séance. Le coup du sablier est imparable. Mais on était loin des sommets de la dernière fois. La partie va très vite et, malgré mon briefing, des joueurs peu aguerris n’ont pas le temps d’amorcer le mélodrame. Il faut dire aussi que, dès le début, j’ai donné un plan sommaire des lieux aux joueurs. Ce n’était pas une bonne idée, car ça les a tout de suite focalisés sur l’aspect puzzle game. Et cet aspect est peut-être un peu léger. Il faudrait que j’étoffe de ce côté-là . Si vous avez des idées, je suis preneur !
Aussi, comme tu l’avais suggéré Johan, faire un gaz qui s’en prendrait au Corps et non pas à l’Esprit serait peut-être une bonne idée. En tout cas dans l’optique de faire de ce scénario quelque chose de plus accessible (pour cette partie cela aurait été beaucoup plus adapté). Et puis s’éloigner un peu du mélo permettrait d’être plus souple sur le nombre de joueurs et la modification des prétirés. Cela dit, je ne suis pas sûr d’avoir envie d’aller dans cette direction. À voir donc. Si je trouve des idées sympas pour étoffer la partie escape room je rédigerais peut-être le scénario dans ce sens.
Dernière modification par Gauvain (07 Feb 2015 22:26)
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Excellent!
Je crois bien que je vais le tester rapidement celui-lĂ !
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Je crois bien que je vais le tester rapidement celui-lĂ !
Si tu te poses des questions pour jouer ou adapter ce scénar, n'hésite pas. De mon côté, si j'ai l'occasion, j'essaierais de le tester avec trois joueurs et un gaz faisant perdre des points de Corps et non pas d'Esprit. Avec quelques petits effets (vomissements sanglants quand les PJ arrivent à 8 de Corps et yeux qui saignent quand ils arrivent à 4) ça pourrait bien le faire !
Dans Eux, que tu as relu, la perte d'Esprit ne se fait non pas avec un sablier, mais au rythme d'un par Tour. As-tu envisagé cette possibilité ?
Oui. Parce que c'est vrai que faire coïncider les temps dans le jeu et ceux autour de la table est un peu galère, surtout avec des séquences aussi courte que 3 min. Mais la symbolique du sablier et son aspect concret (les joueurs voient littéralement la vie de leurs perso s'écouler) en font vraiment un élément top pour l'ambiance. Il faudra qu'on en rediscute quand j'aurai testé Eux, ça sera intéressant de comparer les deux méthodes.
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Disons que de mon côté, j'ai commencé avec le sablier et puis j'ai terminé avec la gestion par Tours. A défaut, tu peux peut-être symboliser la progression par des jetons que tu jette dans un récipient (si possible ne pouvant pas contenir plus de douze jetons).
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Disons que de mon côté, j'ai commencé avec le sablier et puis j'ai terminé avec la gestion par Tours.
C'est vrai qu'en y réfléchissant, avec plus de 3 joueurs et un décor relativement complexe, le coup du sablier doit vraiment être galère. La gestion au tour par tour doit être bien plus adaptée à Eux. Mais ici, avec seulement 2 joueurs et une pièce unique, les difficultés liées au sablier me semblent surmontables.
Dernière modification par Gauvain (27 Jul 2013 16:16)
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Quelques idées ou suggestions auxquelles j'ai réfléchi dans la perspective de le faire jouer :
- proposer une autre approche que celle des deux frères : les PJ incarnent des flics venus arrêter le dealer, ou mieux encore, des dealers concurrents, des habitants du quartier qui veulent mettre un terme au trafic, ou des journalistes d'investigations,
- supprimer sur le plan, les silhouettes des deux PJ (pour se laisser la possibilité d'avoir plus de deux joueurs),
- laisser un trou au niveau de l'intro : raconter les intentions et la motivation des PJ ainsi que l'arrivée (extérieure) sur le site (une vieille maison abandonnée, une barre d'immeuble HLM, une friche industrielle ou une usine désafectée...) mais ensuite passer directement au réveil dans la pièce fermée... C'est bien plus efficace, me semble-t-il, de faire en sorte que cette séquence soit la plus elliptique possible et donc de laisser les PJ dans le doute, les interrogations et suppositions,
- je verrais bien un vieux téléphone à cadran accroché à l'un des murs. Il ne communiquerait pas avec l'extérieur mais pourrait se mettre à sonner au moment opportun (avec au bout du fil, le type au masque à gaz qui demande à son "collègue" si tout va bien...ça expliquerait aussi sa venue à contre-temps. Dans ce cas, ça serait le dealer qui en s défendant aurait "gazé" tout le monde au début avant de se prendre le méchant coup à la tête...).
Dernière modification par Badury (31 Jul 2013 13:29)
"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)
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Putain, c'est classe comme CR. Ça donne vachement envie.
Hop, quelques trucs tombés de mon cerveau :
+ Si tu as l'impression que la partie va trop vite, c'est peut-être parce qu'il y a trop à faire dans la pièce. Si tu veux plus de roleplay, faut réduire les possibilité d'action. De fouille particulièrement. En clair, ça revient à virer du matos médical.
+ Ce serait bien que les PJ ne puissent pas neutraliser de doberman (t'as été vachement généreux avec le coup de l'héro en somnifère, quand même ). Comme le clebs ne fait que des dommages fixes, un combat en mid-game serait le bienvenu, moi je dis.
+ J'aime vraiment bien l'idée du téléphone de Bad. Peut-être un portable qui ne pourrait pas émettre mais qui recevrait des SMS et des vidéos (où on verrait le médecin injecter des trucs aux deux frères ?).
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