RĂĂCRIRE LE RĂEL
Dans la forĂȘt post-apocalyptique, quand on est chamane nĂ©cromancien, traquer les tueurs en sĂ©rie nâa rien de simple ! Un rĂ©cit par Damien LagauzĂšre.
(temps de lecture : 24 mn)
Le jeu : Psychomeurtre, les meilleurs des profilers contre les pires des serial killers
Joué en solo le 10/03/2019
Jason Spaceman, cc-by
Et voila donc mon petit Psychomeurtre Ă la sauce Millevaux et Don't Rest your Head.
J'avoue, j'ai eu du bol aux D, ça aurait pu beaucoup plus mal se mettre. sur le plan technique, j'ai géré les jets d'investigation avec le talent de fatigue de don't rest (avec le risque de sombrer et de virer dans un cauchemar de Coelacanthes, mais ça n'a pas eu lieu) . et pour les cochages relevant du role play, je me suis créé un talent de folie consistant à "écrire" le réel. donc, si ce pouvoir fonctionne, il me donne la possibilité de valider mes hypothÚses ^^ mais bon, avec Don't rest, il y a toujours le risque que ça tourne trÚs mal. Mais j'ai vraiment eu du bol. Globalement j'ai eu pas mal de réussites et le Tourment n'a pas dominé tant que ça ou, en tout cas, pas quand ça m'aurait vraiment été défavorable ^^
à lire en écoutant :
Basement Apes Vol.1, par Sunwatchers, la circularité psyché-jazz, la transe chamanique, le non-lieu cosmique
LâHistoire:
On m'appelle le mHaze. Comme tous les shamans du Clan des Arbres, je dissimule mon visage derriÚre une cagoule de cuir surmontée de bois de cerf.
Mon nom n'est pas comme ceux des autres membres du Clan car je suis une « piÚce rapportée ». C'est mon pÚre adoptif NoAber, qui me l'a donné. Et NoAnde, le shaman qui m'enseigne, m'a dit qu'un jour je connaßtrai l'origine de ce nom. J'espÚre que NoAber vivra assez longtemps pour me révéler ce secret. Il va de plus en plus mal. Et j'ai de moins en moins de temps à lui consacrer.
J'ai aussi de moins en moins de temps à consacrer à l'art des shamans. Aujourd'hui, toute mon attention est concentrée sur la recherche de la chose qui a tué ma compagne, Edes !
NoAnde m'a donnĂ© son accord pour que ma route s'Ă©loigne un temps de celle du Clan. Il sait qu'il ne s'agit pas d'un simple vengeance. Ce qui a tuĂ© Edes a dĂ©jĂ tuĂ© auparavant et tuera encore. Il faut que quelqu'un l'arrĂȘte. Et le temps m'est comptĂ© car, si comme je le pense, ce Horla est soumis Ă un cycle, je dois le trouver avant qu'il ne quitte notre monde. Mais de combien de temps dispose-je en rĂ©alitĂ©Â ? Je n'en sais rien.
Nous sommes le 19 Vrillette,
« J'veux bien couper les arbres et mettre la charrue !
Mais avant le vendredi saint, la terre saigne, et aprÚs elle bouffe plantes et hommes. »
Cela fait maintenant deux jours que j'ai quittĂ© le Clan des Arbres. J'erre dans les bois, me fiant Ă ce que je crois, Ă ce que j'espĂšre, ĂȘtre sa trace. Et je trouve une nouvelle victime. C'est un homme cette fois. Il a la peau rouge et une veste de bĂ»cheron. Je sens encore sa transpiration. Il est mort il y a peu. Le monstre est-il encore dans les parages ?
Le pauvre homme a été roué de coups. Il est couvert d'hématomes. Ses yeux et ses lÚvres sont gonflées. Son nez écrasé saigne. Ses lÚvres aussi. Je le palpe et constate que ses cÎtes sont cassées, enfoncées. Les os de ses bras et de ses jambes ont également été brisés à mains nues. Comme Edes...
Je remarque Ă©galement un impact au niveau du crĂąne. Il a Ă©tĂ© touchĂ© Ă la tĂȘte. Par un caillou peut-ĂȘtre ? Il faudrait que je le trouve. Je regarde autour de moi. La forĂȘt offre bien des endroits oĂč se cacher, oĂč tendre un piĂšge. Est-il possible que ce monstre ait attendu ici qu'une innocente victime passe par hasard ? Si mon hypothĂšse est juste et qu'il est soumis Ă un cycle, il va vouloir en finir avec sa tĂąche avant d'ĂȘtre contraint Ă rejoindre un autre monde. Aussi, il est probable qu'il connaisse cet endroit. Il sait qu'il y a du passage. D'une certaine façon, il est chez lui. Et il est fort probable qu'il ne soit pas loin ou qu'il compte revenir. Si c'est le cas, malgrĂ© l'Ă©ventuelle urgence due Ă l'achĂšvement de son cycle, il doit rester confiant.
Ă ce stade de mon enquĂȘte, je pense qu'il n'a peut-ĂȘtre pas forme humaine. Sinon, il ne prendrait pas la peine de se cacher ou d'attaquer Ă distance. Il pourrait approcher ses victimes et tenter de se faire passer pour un ami.
Cette nouvelle victime a Ă©tĂ© tuĂ©e non loin du territoire du Clan des Arbres. Peut-ĂȘtre que ce Horla est liĂ© d'une façon ou d'une autre Ă cet endroit. En tous cas, je pense qu'il le connaĂźt bien.
Ce rituel qu'il veut ou doit accomplir avant de quitter Millevaux suppose la mort de plusieurs personnes. Combien ? Il a certainement dĂ©jĂ tuĂ© avant. Et il est probable que la frĂ©quence de ses crimes s'accĂ©lĂšre s'il est loin du compte. Peut-ĂȘtre, d'ailleurs, que l'accomplissement de ce rituel lui permettrait de rester ici ?
Je fouille les environs, Ă la recherche du caillou qui a servi Ă assommer le bĂ»cheron. Ce faisant, je trouve aussi des empreintes de pas. Et elle confirme mon hypothĂšse. Ce Horla n'a pas figure humaine. Ces traces sont de taille humaine mais elles prĂ©sentent d'Ă©tranges dĂ©formations, comme si les orteils s'Ă©taient assemblĂ©s pour former des sabots de chair. Ne trouvant pas ce maudit caillou, je me concentre sur ses empreintes. Je ferme les yeux et demande, humblement, leur aide aux esprits de la ForĂȘt. Je sens qu'ils me sourient. Cette chose n'est pas humaine mais se dĂ©place comme un humain, sur ses deux pattes arriĂšres.
Je remercie les esprits pour leur aide. J'ai encore beaucoup de questions Ă leur poser mais je sais, par expĂ©rience, qu'il ne faut pas abuser de leur bontĂ©. Je me rappelle les leçons de NoAnde Ă ce sujet. Les esprits ne sont pas lĂ pour nous servir. C'est nous qui les servons. Et s'ils acceptent de rĂ©pondre Ă nos requĂȘtes, c'est uniquement parce que cela sert leurs intĂ©rĂȘts. Ce que nous croyons ĂȘtre nos motivations, nos buts, sont en rĂ©alitĂ© les leurs...
Je ne sors pas d'un rĂȘve. Je voudrais sortir d'un rĂȘve, un de ceux oĂč les Esprits seraient venus me visiter et me dispenser leurs bons conseils. Mais, depuis la mort d'Edes, je ne dors plus. Est-ce la vengeance qui me tient Ă©veillĂ©Â ? La douleur ?
J'ai attendu longtemps, assis à cÎté du cadavre de ce bûcheron. Mais rien n'est venu. Ni le sommeil, ni l'illumination, ni le meurtrier... Rien, ni personne. Alors, aprÚs plusieurs heures passées à réfléchir, j'ai décidé de me lever.
Mais ces heures n'ont pas Ă©tĂ© vaines. J'ai beaucoup rĂ©flĂ©chi. Peut-ĂȘtre que je me trompe en pensant que c'est un Horla qui a tuĂ© Edes. Peut-ĂȘtre n'est-ce qu'un homme, un vilain estropiĂ©Â ? Ou un sorcier pensant servir une dĂ©itĂ© Horla ? En tous cas, peut-ĂȘtre que le tueur, quelle que soit sa nature, est malgrĂ© tout soumis Ă un cycle. Il y aura donc d'autres victimes. Mais cela veut aussi dire qu'il y en a eu d'autres avant ! Si je les trouve, j'aurais peut-ĂȘtre de nouveaux indices.
Je m'approche d'un arbre, un Noyer. Je pose mes mains Ă plat contre le tronc. Je me rapproche encore. Je colle ma joue contre lui. Je ferme les yeux et cherche Ă entendre le battement de son cĆur. A-t-il quelque chose Ă me dire concernant les autres victimes ?
Un flash !
« Change de lieu ! Une chasse aux sorciÚres ! »
Qu'est-ce que ça veut dire ? Je traquerais donc une sorciÚre ? Et elle serait ailleurs ?
Bien, mais... Je veux en savoir plus sur les autres victimes. Alors ?
Alors, oui ! Il y en a eu d'autres ? Je vois tout ces petits points luisant faiblement dans les tĂ©nĂšbres. Autant d'Ăąmes perdues. Elles se rĂ©partissent dans l'espace et le temps, entre les mondes des vivants et des morts et des Esprits et du RĂȘve. Pour l'heure, il n'y aurait eu qu'un seul cycle. Celui-ci serait donc le premier mais il aurait commencĂ© il y a longtemps. La fin n'est pas proche mais le rythme pourrait pourtant sâaccĂ©lĂ©rer.
Mais pourquoi ? Que veut cette sorciÚre ? Puisqu'il semble bien qu'il s'agisse d'une sorciÚre. L'Esprit du Noyer, peut-il m'aider ? Je regarde dans ma besace et en tire trois noix.
Et je suis soudain en nage ! Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je m'accroche Ă cet arbre avec la terrible, l'horrible peur de tomber, de chuter de son sommet et de mourir Ă©crasĂ© au sol. Je ferme les yeux le plus fort que je peux. Je sens le frottement de l'air contre mon visage. Cette sensation de chute, de vertige est insoutenable. Je tombe Ă genoux ! J'ouvre les yeux et constate que je suis bel et bien tombĂ©, oui, mais seulement du haut de ma personne. Quel avertissement les Arbres ont-ils voulu m'adresser ? Je m'examine. MalgrĂ© tout, j'ai rĂ©ellement peur de m'ĂȘtre blessĂ©. Mais je n'ai finalement qu'une vilaine bosse. Je la touche. Je la presse. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose dedans. Mais ce n'est qu'une impression, une sensation sans fondement car je suis si fatiguĂ©.
Je ferme les yeux et je vois un astre se dessiner dans la nuit. Et j'ai le terrible pressentiment d'un effondrement Ă venir.
Je regarde autour de moi. J'ai l'impression qu'on m'observe. Pourtant, je suis seul. Et je pense Ă mon pĂšre adoptif, NoAber. Il m'a recueilli quand j'Ă©tais enfant. Il m'a donnĂ© Ă manger, Ă boire. Il m'a soignĂ© et m'a donnĂ© mon nom. Je n'ai pas le mĂȘme nom que les autres hommes du Clan des Arbres. NoAber voulait que je sache que je venais d'ailleurs. Mais il ne voulait pas que j'en souffre. Il voulait au contraire que j'en sois fier et que je fasse de mes origines une force, un don prĂ©cieux pour le Clan. C'est aussi pour ça que j'ai choisi de devenir shaman. Je lui dois beaucoup. Je lui dois tout. Et ne devrais-je pas ĂȘtre Ă ses cĂŽtĂ©s aujourd'hui alors qu'Ă son tour il a besoin de moi ?
Inutile de rester ici. Les Arbres ont Ă©tĂ© clair quant Ă la nĂ©cessitĂ© de quitter cet endroit. Mais pour aller oĂč ? Je sais qu'il y a eu d'autres victimes par le passĂ©. Et il y en aura d'autres ! Je sais aussi qu'il est possible que ces meurtres ne soit pas le fait d'un Horla mais d'une sorciĂšre aux pieds difformes. Mais peut-ĂȘtre change-t-elle d'apparence au moment de passer Ă l'acte ?
Je ne sais pas pourquoi elle agit ainsi. Elle obéit à un cycle, un cycle long. Mais son rythme n'est pas nécessairement régulier et tout pourrait s'accélérer, d'autant plus que j'ai eu cette vision de chute et d'effondrement. Et cet astre dans la nuit, quel est son rÎle ?
Tue-t-elle pour obéir à une puissance supérieure ? Pour s'attirer ses faveurs ? Est-elle seulement folle ? Comment le savoir ? Elle a tué Edes et cet homme en les rouant de coups mais... et si il y avait autre chose ? Je dois examiner les corps. Je soulÚve le corps du bûcheron et décide de rentrer. Là , je tenterai d'en savoir plus.
C'est avec joie que je retrouve le Clan des Arbres, mĂȘme si je ne suis pas parti si longtemps que ça. Je mâenquiers de l'Ă©tat de santĂ© de NoAber et constate que rien n'a changĂ©. Je fais semblant d'ĂȘtre optimiste.
Je dĂ©pose ensuite le corps du bĂ»cheron et explique mon plan Ă NoAnde. Cela me fait plaisir et me rassure que celui qui m'a tout appris de l'art des shamans du Clan des Arbres approuve ma quĂȘte et valide mes hypothĂšses. Ne voulant pas abuser de sa gĂ©nĂ©rositĂ©, je n'ose pas lui demander de m'assister dans ce rituel de nĂ©cromancie. Mais je lui demande tout de mĂȘme de bien vouloir veiller sur NoAber.
Je prĂ©pare les corps, celui d'Edes et celui du bĂ»cheron. Je les lave. Je les habille avec des vĂȘtements propres. Je peins sur leurs visage, leurs mains et leurs pieds les symboles qui me permettront, par le truchement des Esprits, de lire en eux, de les faire parler. Je dois savoir prĂ©cisĂ©ment ce qu'on leur a fait. Une fois les corps prĂ©parĂ©s, je dessine le pentacle qui va les accueillir et dispose, aux points symboliques, des coupelles remplies d'encens, de pĂ©tales de fleurs, de bougies. Je n'ai pas dormi depuis des jours. J'espĂšre que ma concentration ne va pas s'en ressentir. J'ai tellement besoin de savoir.
Je me concentre. Je gobe une poignĂ©e de noix. J'entonne le chant rituel en dansant autour du pentacle. Une fracture ! Dans la rĂ©alitĂ©Â ! La transe s'empare de moi. Je perds le contrĂŽle. Les dessins, le pentacle, les corps ! Tout change de forme. L'espace autour de moi se redessine. Je suis entourĂ© de symboles Ă©tranges que je ne comprends pas. Il y a pourtant un sens Ă cela. Quel est-il ? Je regarde le corps d'Edes. Il est tordu dans tous les sens. Lui aussi dessine de nouveaux symboles. Il semble vouloir me dire quelque chose. Edes veut me dire quelque chose. Mais quoi ? La bosse, celle que je me suis faite en me cognant dans la forĂȘt, se met Ă pulser. Ce qu'il y a dedans, car il y a vraiment quelque chose dedans, veut sortir ! La transe s'est emparĂ©e de moi. Je suis en transe ! Je suis l'incarnation de la transe. La transe incarnĂ©e ! Et pourtant, il y a ce voile entre moi et la vĂ©ritĂ©, entre moi et ce que les corps tentent de me dire. Je dois dĂ©chirer ce voile et lire la rĂ©alitĂ©Â !
Et d'un coup de tĂȘte, les bois fixĂ©s Ă ma cagoule Ă©corchent, tailladent et balafrent le rĂ©el. Et derriĂšre, je vois, non pas cette sorciĂšre meurtriĂšre, mais ses buts, ses objectifs. C'est une page blanche. Je prends un bout de charbon et j'Ă©cris.
Cette sorciÚre veut s'attirer les faveurs d'une déité Horla. Elle accompli ces meurtres à des dates précises, selon un calendrier connu d'elle seule. Mais il y a une certaine logique derriÚre tout cela. Il y aura d'autres morts car la déité Horla est exigeante.
Je lùche le bout de charbon. Je recule. Je regarde cette page de réel. Elle n'est plus blanche. Je lis là ce qui anime cette sorciÚre. C'est ça, elle tue pour s'attirer les faveurs d'une déité Horla.
Et je m'Ă©croule au sol, agitĂ© de spasmes. Je sens quelque chose cogner Ă l'intĂ©rieur de cette bosse. Puis, ces mouvements se calment et s'arrĂȘtent. Je me relĂšve et me rue vers un miroir. Cette bosse a changĂ© de forme. Elle ressemble maintenant Ă ... un serpent qui se mord la queue ?
J'ai besoin de repos. Je suis Ă©puisĂ©. Pourtant, impossible de dormir. RĂȘver me ferait du bien. Les Esprits pourraient venir me parler, me rĂ©conforter, purifier mon Ăąme. Et pourtant, je ne dors pas. Est-ce que cela veut dire que le repos de l'Ăąme m'est interdit dĂ©sormais ? Ă moins que je ne trouve le repos qu'avec la mort de cette sorciĂšre ? J'ai pourtant besoin de me changer les idĂ©es. Mais j'ai toujours besoin d'apprendre. Alors, je rejoins NoAnde. Je lui raconte cette Ă©trange expĂ©rience. Il me sourit et me dit qu'il n'a pas de rĂ©ponse. Et s'il y en a vraiment une, elle appartient aux Esprits de la ForĂȘt, aux Esprits des Arbres. Alors, il me raconte l'histoire de l'Esprit du Noyer et comment les Noix permettent de voyager entre les mondes. Il me raconte aussi la lutte contre les CĆlacanthes. J'aime Ă©couter ses histoires. Elles sont toujours riches d'enseignements. NoAnde me jure qu'il n'a pas de rĂ©ponse Ă mes questions concernant cette sorciĂšre, mais ce n'est certainement pas par hasard qu'il me parle du Noyer et des CĆlacanthes.
Je passe ma main sous ma cagoule. La bosse est toujours lĂ , avec sa forme Ă©trange. Dois-je y voir un message des Esprits ? Un serpent qui se mord la queue... Dois-je voir lĂ qu'il s'agit bien d'un cycle, de quelque chose qui va se rĂ©pĂ©ter ? Ou alors... est-ce que cela voudrait dire que je me dĂ©vore moi-mĂȘme en me lançant dans cette quĂȘte, cette enquĂȘte ?
Ou... est-ce là une mise en garde ? Le cycle arriverait à son terme ? Dans ce cas, je ne dois pas perdre de temps. Mais dans quelle direction aller maintenant ?
Je pense que cette sorciĂšre connaĂźt bien les lieux. Dans ce cas, peut-ĂȘtre qu'elle fait partie de la communautĂ© dont est issu le bĂ»cheron dont j'ai trouvĂ© le cadavre. Peut-ĂȘtre aussi qu'elle fait partie du Clan des Arbres. Mais, dans ce cas, je pense que je l'aurais remarquĂ©. Ă moins que... qu'elle ne se cache particuliĂšrement bien. Peut-ĂȘtre aussi qu'elle vit cachĂ©e dans la forĂȘt.
Et si je parvenais Ă entrer en communication avec elle par le biais du monde des Esprits ? Et si, l'espace d'un instant, je pouvais voir par ses yeux, entendre par ses oreilles ? Cela me donnerait une idĂ©e de lĂ oĂč elle se trouve.
AprĂšs m'ĂȘtre assurĂ© que mon pĂšre allait aussi bien que possible et donnĂ© des instructions pour qu'on prenne soin de sa santĂ©, je retourne dans la forĂȘt. LĂ , je trouve un Noyer. Je presse mes paumes et mon front contre son tronc. Je lui demande de m'aider. Je l'implore. J'ai conscience qu'il ne me doit rien, que c'est moi qui lui doit tout. Mais je dois savoir. Je dois trouver cette sorciĂšre. Il ne s'agit pas seulement de venger la mort d'Edes. Il s'agit et surtout d'empĂȘcher de nouveaux meurtres et d'empĂȘcher la rĂ©alisation de ce rituel morbide. Ă Noyer, aide-moi !
Et l'arbre m'aide. Je souris. J'y vois lĂ sa volontĂ© d'arrĂȘter cette sorciĂšre. Il sait que ces projets sont nĂ©fastes aux hommes comme aux Esprits. Et je vois...
Un aigle ! Il tourne en rond dans le ciel. Elle a donc les yeux levĂ©s vers le ciel. Est-elle haruspice ? InterprĂšte-t-elle les virevoltes de l'oiseau ? Je vois maintenant une porte. Elle regagne ce qui doit ĂȘtre sa chaumiĂšre. Oui ! Elle vit seule dans la forĂȘt. Ă l'intĂ©rieur, elle regarde un cristal. Il est Ă©norme et taillĂ© de façon irrĂ©guliĂšre. Elle le touche, le caresse. Elle lui parle. Elle parle de... ma bosse. Sait-elle que je suis sur sa trace ? Elle parle Ă celui ou ce qu'elle appelle « le Dragon ». Et ce cristal, chacune de ses faces est une fenĂȘtre vers un ailleurs. Lequel regarde-t-elle ?
Dans le cristal, un endroit étrange. Deux personnes sont reliées à une sorte de pompes qui leur injecte un produit semblant les plonger dans l'hébétude la plus totale. Quel lien avec le dragon ?
Dans une autre facette, c'est une automobile, mais pas une carcasse comme on en trouve dans la forĂȘt, une vraie, qui roule et qui... fond littĂ©ralement comme neige au soleil.
Je préfÚre me retirer avant qu'elle ne se rende compte que je l'observe.
Elle vit donc lĂ , seule, dans cette chaumiĂšre quelque part dans la forĂȘt. Elle est finalement assez proche de nous. Elle sert celui qu'elle appelle « le Dragon ». Quelle sorte de monstre, de Horla ou de dĂ©itĂ© Horla cela peut-il bien ĂȘtre ? Et ce cristal ?
Mais surtout, oĂč est cette chaumiĂšre ? Je dois la trouver ! Et soudain, je me demande si elle n'aurait pas des complices. Peut-ĂȘtre au sein du Clan des Arbres d'ailleurs ? Cette pensĂ©e me fait mal mais, malgrĂ© tout, je ne dois pas l'Ă©vacuer. Alors, je rentre...
Nous somme maintenant le 23 Vrillette et je n'ai toujours pas dormi...
« J'dirais pas qu'c'est mal de coucher avec sa mÚre.
Mais ce que ça retourne au niveau de la mémoire et de l'égrégore...
Tu veux pas savoir. »
C'est par ces mots que m'accueille NoAnde. Et il n'a rien d'autre Ă me dire... Comme souvent, c'est Ă moi de trouver le sens de tout cela.
La transgression. NoAnde me parle de transgression. Et il me dit que ce n'est pas mal mais qu'il faut en assumer les consĂ©quences. Dois-je me livrer Ă une grande et grave transgression pour parvenir au terme de mon enquĂȘte ? Quelles en seront les consĂ©quences ? Et, finalement, est-ce que je veux vraiment savoir qui a tuĂ© Edes ? Et pourquoi ? NoAnde veut-il me dire par-lĂ que je dois aujourd'hui faire le choix entre poursuivre ma quĂȘte mais en assumer les consĂ©quences ou bien faire mon deuil et reprendre ma place au sein du Clan des Arbres, en acceptant que le coupable de la mort d'Edes ne soit jamais puni ?
Mais ce n'est pas qu'une histoire de vengeance. Cette sorciĂšre tuera encore, au nom de ce Dragon. Je dois l'arrĂȘter. Car, quelles seront les consĂ©quences si je ne fais rien ? Les consĂ©quences pour notre Clan seront peut-ĂȘtre bien pires que ce que j'aurais Ă supporter comme prix pour avoir tentĂ© de l'arrĂȘter ? L'heure est plus grave qu'il n'y paraĂźt. Et elle est plus grave car, assurĂ©ment, cette sorciĂšre n'agit pas seule. J'en ai l'intime conviction, si elle ne le dirige pas, elle est au cĆur d'une cabale qui tue au nom de ce Dragon. Alors, oui, j'irai jusqu'au bout quel qu'en soit le prix. Mais, pour ça, je vais avoir besoin de trouver ses complices. Et si je ne trouve pas d'indice, je tordrai la rĂ©alitĂ© pour qu'elle me les donne...
Je m'installe au chevet de mon pÚre. Lui, il dort paisiblement. Je sors une poignée de noix de ma besace.
Et un voile, LE voile, se dĂ©chire. LĂ , sous mes yeux. Et je vois. Et ce que je vois m'emplit de terreur. Une terreur telle que je m'enfuis en hurlant. J'erre dans les bois en criant car je comprends que la rĂ©alitĂ© n'est pas... ce qu'on croit. Rien n'est vrai ! Tout est permis ! La rĂ©alitĂ© est une construction qui ne s'impose Ă nos sens que par ce que nous l'acceptons. Nous pensons, nous pauvres humains, que nous ne pouvons que nous plier Ă la rĂ©alitĂ©. Mais c'est faux ! C'est une illusion. C'est ce que la rĂ©alitĂ© veut nous faire croire. Mais en rĂ©alitĂ©, la rĂ©alitĂ© a peur de nous. Elle a peur de l'homme car l'homme peut la contraindre. Il y a des moyens. L'homme a eu les moyens. Il les a toujours eu. Mais il les a oubliĂ©s. La rĂ©alitĂ© a toujours ĆuvrĂ© Ă ce que l'homme oublie comment la soumettre, la rĂ©Ă©crire.
Et soudain, je m'arrĂȘte de courir car je suis face Ă un trou noir. Il ne s'agit d'un vĂ©ritable trou dans le sol. C'est un trou dans le rĂ©el. Dans ma conception du rĂ©el. Et lĂ , je suis face Ă l'insondable tĂąche consistant Ă le remplir. Je dois crĂ©er ce rĂ©el pour qu'il ne demeure pas un trou noir qui va aspirer tout le reste de la crĂ©ation. Ce que je crĂ©erai pour combler ce trou deviendra la rĂ©alitĂ© et je devrai l'assumer, je devrai assumer le contenu de la rĂ©alitĂ©. Je dois prendre et assumer cette responsabilitĂ© de crĂ©er le rĂ©el car, j'ai besoin de connaĂźtre les complices de cette sorciĂšre si je veux l'arrĂȘter. Alors, je vais les fabriquer et je vais les traquer. Et quand je les aurais trouvĂ©, ils me mĂšneront Ă elle et j'en finirai avec le Dragon !
Je ne suis pas animé par la vengeance mais ceux que je cherche le sont. NonUnd, un chasseur à l'arc au sein du Clan des Arbres, était jaloux. Il convoitait Edes et nous ne le savions pas. C'est pour ça qu'il l'a désignée comme victime. Je le connaissais comme un homme prétentieux et inconséquent. Je ne pensais pas qu'il pourrait commercer avec le Mal. Et pourtant ! Et EzBaina,ce jeune qu'on aime à appeler « l'Ermite » en raison de son goût pour la solitude. Il est son complice, lui aussi. Je vois, je sais, car je l'ai écrit. Il a dérobé un objet. Il a erré seul dans les bois et il a volé cette corne. Cette corne de Dragon. C'est lui qui a introduit le culte Dragon parmi nous. C'est lui qui le premier a rencontré la sorciÚre.
Le trou dans la réalité se referme. Je sais maintenant ce que je dois faire. Je reprends mes esprits et retourne au chevet de mon pÚre.
NoAnde sait-il ? Sait-il pour la réalité ?
Quelque part dans la forĂȘt, un jeune homme pousse un porte. Dans la chaumiĂšre, une vieille femme est penchĂ©e au dessus d'un cristal.
« C'est toi, EzBaina. »
Ce n'est pas une question.
« Oui, Grand-MÚre. ».
Il lui tend quelque chose, une longue corne torsadée. La vieille femme ne se retourne pas.
« Garde-la. Tu l'as prise. Elle est à toi maintenant. »
De retour au sein du Clan des Arbres, mon regard sur les miens a changé. Je sais déjà , car je l'ai écrit, que NonUnd et EzBaina sont des traßtres et conspirent avec la sorciÚre qui a tué Edes. Mais ils ne sont sûrement pas les seuls. Qui sont leurs complices ? à qui puis-je me fier pour les retrouver ? NoAnde, évidemment.
Contre toute attente, NoAnde rĂ©pond nĂ©gativement Ă mes questions. Non seulement il ne les a pas vus mais je sens une certaine froideur dans ses propos. Il ne me dit pas de laisser tomber cette piste mais je comprends bien qu'il ne m'aidera pas Ă les trouver. Peut-ĂȘtre qu'il sait comment j'ai eu ces informations ? Peut-ĂȘtre qu'il sait que je les ai crĂ©Ă©es, que c'est moi qui a crĂ©e la culpabilitĂ© de NonUnd et EzBaina. Ils seraient restĂ©s innocents si je n'avais pas comblĂ© moi-mĂȘme ce trou noir dans le rĂ©el. Mais maintenant, c'est comme ça. Telle est la rĂ©alitĂ©. MĂȘme si c'est moi qui en ait dĂ©cidĂ© ainsi, ils sont tous les deux rĂ©ellement coupables.
Je ne suis pas un meneur d'homme. Pourtant, j'ai besoin de l'aide des membres du Clan pour trouver NonUnd et, surtout, EzBaina. Je n'ai que rarement pris la parole devant les autres, et jamais pour leur demander quelque chose ou leur donner des ordres. Mais aujourd'hui, c'est différent. Je ne rentre pas dans les détails mais leur rappelle la mort d'Edes et du bûcheron. Et je leur dis que je dois parler à ces deux-là . Je les veux, vite ! Et on me les emmÚne, vite !
Je les fais conduire dans un endroit un peu Ă l'Ă©cart, pieds et poings liĂ©s. Ils me connaissent. Ils savent que je suis liĂ© aux Esprits de la ForĂȘts. Je ne sens pas de la peur dans leur regard mais, malgrĂ© tout, une certaine apprĂ©hension. Ils savent pourquoi ils sont lĂ . Alors, je ne prends pas de chemins dĂ©tournĂ©s, ni de gants. Je leur explique savoir qui a tuĂ© Edes. Je veux retrouver cette sorciĂšre. Je veux l'arrĂȘter. Et s'ils m'aident, alors, j'effacerai leurs noms de la liste de ses complices. Je suis shaman du Clan des Arbres. Ils savent que mes paroles ne sont pas des mots en l'air. Ils me croient quand je leur dit avoir ce pouvoir, mais ils ne savent pas Ă quel point je possĂšde effectivement ce pouvoir.
Pour achever de les convaincre de me révéler la vérité, je leur explique que si les mots ne sortent pas de leur bouche, j'irai les chercher au fond de leurs entrailles. J'ai été initié à la nécromancie. Je sais faire parler les morts autant sinon plus que les vivants. Maintenant, c'est à eux de choisir.
Et ils parlent !
EzBaina s'est effectivement retrouvĂ© le gardien de la Corne du Dragon. Lui et sa grand-mĂšre se sont alors mis en tĂȘte de l'invoquer, lui, le vĂ©ritable Dieu de la ForĂȘt. En Ă©change, ils auraient eu un nouveau statut au sein du Clan. Elle n'aurait plus Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme une sorciĂšre mais comme une shamane. Et lui, il serait devenu une sorte de hĂ©ros, le champion du Dragon. Alors oui, il a rĂ©pandu la parole du Dragon au sein du Clan et oui, sa grand-mĂšre a usĂ© de ses pouvoir pour lui offrir des victimes, pour l'attirer ici, l'inciter Ă revenir.
EzBaina finit par me donner une des informations dont j'ai besoin. Effectivement, cette sĂ©rie de meurtres touche Ă sa fin. Il y aura bientĂŽt eu assez de victimes pour que le Dragon revienne. Mais cette ultime victime doit ĂȘtre spĂ©ciale. Il doit avoir les yeux verts et avoir Ă©tĂ© Ă©changĂ© Ă la naissance.
Je repense Ă l'historiette de NoAnde. Est-ce cela le prix Ă payer pour avoir transgressĂ© les rĂšgles de la rĂ©alitĂ©Â ? Ces deux-lĂ ne peuvent pas le savoir mais, sous ma cagoule, j'ai les yeux verts. Et, mĂȘme si ce n'est pas un secret, tout le monde ne sait pas que je ne suis pas nĂ© au sein du Clan. Il y a toujours ce mystĂšre autour de ma naissance que seul mon pĂšre connaĂźt.
Inconsciemment, je fais un pas en arriÚre. Sentent-ils ma tension ? S'ils savent ces choses me concernant, ils savent que je suis une victime toute désignée pour cet ultime sacrifice. J'ai le sentiment qu'ils ne le savent pas mais la vieille, dans son cristal, qu'a-t-elle vu ? Que sait-elle ? J'ai réécrit la réalité et voilà qu'elle se retourne contre moi. Je presse la bosse sous ma cagoule. Le serpent se mord la queue.
Dois-je réécrire le réel pour tenter de sauver ma peau ou, au contraire, dois-je aller au devant de mon destin et accepter ce qui arrivera quoi qu'il arrive ?
Je rĂ©flĂ©chis et prends conscience que je ne savais pas que la grand-mĂšre de EzBaina vivait Ă l'Ă©cart du Clan. Pourquoi ? Lui refuse de m'en dire plus. NoAnde acceptera-t-il ? Pas plus mais il me conseille malgrĂ© tout de m'en remettre Ă mes visions. Il est moins froid maintenant et me donne mĂȘme une poignĂ©e de noix. Je retourne auprĂšs de mon pĂšre et m'en vais rĂȘver Ă©veillĂ©.
Je me sens bien. Je suis serein. Je nage en pleine folie mais cette folie n'est pas la mienne. Celle que EzBaina appelle Grand-MÚre était destinée elle aussi à devenir shaman. Mais elle s'est vouée aux aspects les plus sombres du monde des Esprits. NoAnde me l'a dit. Les Esprits ne nous servent pas. C'est nous qui les servons. Quand ils répondent à nos demandes, c'est parce que nos demandes sont en fait les leurs. Mais elle, elle ne voulait pas obéir. Elle voulait les soumettre. Elle aussi, voulait tordre la réalité. Mais elle y a laissé une partie de son ùme. Elle s'est laissé envahir par les recoins les plus sombres du monde des Esprits. Elle s'est laissée posséder par les plus diaboliques d'entre eux. Elle a écrit leurs paroles, leurs pensées. Puis, elle a appris. De shaman, elle est devenue sorciÚre. Et elle a été bannie. Là , seule, plus rien ne l'a freiné dans sa course vers les ténÚbres. Et elle a fini par trouver le Cristal et la Corne du Dragon. Et quand EzBaina, par jeu, par curiosité, lui a dérobé la Corne, alors est né ce projet fou de faire venir le Dragon, de lui offrir des vies pour le contraindre, le soumettre, obtenir de lui pouvoir et reconnaissance.
Est-ce un tel destin qui m'attend si je persiste dans cette voie consistant Ă rĂ©Ă©crire le rĂ©el ? Mais si je ne fais rien, quel destin m'attend ? Ătre la cible de cette vieille sorciĂšre ? Dois-je m'y rĂ©soudre ? Dois-je prendre les devants ? Je pourrais le faire mais j'ai peur.
Il y a des Ă©clairs cette nuit.
Par intermittence, on distingue la silhouette Ă©trange d'un ĂȘtre recouvert d'une carapace sombre et aux jambes tordues.
Cette chose ressemble Ă un ĂȘtre humain mais n'en a plus que vaguement la forme.
Son visage n'a plus rien d'un homme.
On dirait un arbre, un enchevĂȘtrement de branches et de brindilles.
Un homme est lui aussi sous la pluie. Malgré l'orage, il fait le tour des piÚges qu'il a posés.
Il ne sait pas qu'il va mourir.
Il reçoit un caillou un visage. Il se tourne mais ne voit personne.
La créature l'a déjà contourné et se jette sur lui.
Elle le roue de coups.
L'homme tente de se défendre mais ne peut rien contre la servante du Dragon.
Je tĂąte la bosse sur mon front. Le serpent se mord la queue. Le Dragon se mord la queue ! Ătre la derniĂšre victime, celle qui ouvrira les portes au Dragon, est-ce lĂ mon destin, ma punition pour avoir transgressĂ© ce tabou consistant Ă Ă©crire la rĂ©alitĂ© pour faire de NonUnd et EzBaina les tĂ©moins dont j'avais besoin pour stopper la meurtriĂšre d'Edes ? « Tu veux pas savoir... » dit l'historiette. Et pourtant...
J'ai oubliĂ© la derniĂšre fois que j'ai dormi. Cela fait des jours. Alors, peut-ĂȘtre qu'en rĂ©alitĂ© je suis en train de dormir et de rĂȘver, rĂȘver que je ne dors plus. J'ai choisi de transgresser le tabou et je dois l'assumer. Alors, je choisis d'aller au devant de mon destin, aussi funeste soit-il.
Je n'ai pas osĂ© demandĂ© Ă NonUnd et EzBaina oĂč se trouvait la chaumiĂšre de la sorciĂšre. Je pourrais le faire maintenant. Ils me rĂ©pondraient. Ils ont trop peur de ce que je pourrais leur faire. Pour autant, cette histoire est la mienne. Et si je choisis de ne pas subir les Ă©vĂ©nements, je dois assumer aussi ce rĂŽle consistant Ă Ă©crire moi-mĂȘme ma propre histoire. Alors, je gobe une poignĂ©e de noix.
Et je vois la chaumiĂšre. Elle n'est pas si loin que ça de lĂ oĂč notre Clan s'est installĂ©. Mais elle est bien cachĂ©e. MalgrĂ© tout, cette petite clairiĂšre n'est pas si facile d'accĂšs pour celui qui ne sait pas oĂč elle est. Mais je sais ! Et Ă mesure que je m'approche, je sens ce poids sur mes Ă©paules. Le poids de mon destin. Et je me dis que rien n'est dĂ» au hasard. Cette vieille sorciĂšre savait pertinemment ce qu'elle faisait et ce depuis le dĂ©but. Elle l'avait certainement vu dans son cristal. Elle devait avoir tout prĂ©vu. Et moi, je me jette dans la gueule du loup, la gueule du Dragon. Je devrais faire demi-tour mais je continue d'avancer. Je ne suis plus qu'une marionnette mue par le destin ou plutĂŽt ce sortilĂšge que la sorciĂšre a dĂ» me jeter. Car c'est ça, je suis ensorcelĂ©, victime d'une magie noire mortelle je m'en vais prĂ©senter mon cou Ă la hache du bourreau, ma gorge Ă la mĂąchoire du Dragon. Mais j'avance...
Je sens quelque chose fourmiller sous ma cagoule de shaman. Quand je passe la main sur mon visage, je sens... de la mousse. Comme celle qu'on trouve sur les arbres. Qu'est-ce que cela signifie ? Quand j'arrive devant la chaumiÚre, la mousse recouvre le dos de mes mains. Je me mets à courir. J'ouvre la porte...
La vieille est lĂ , au milieu d'un pentacle dessinĂ© au sol. Je reconnais certains symboles. C'est la Langue Putride ! Elle a la tĂȘte rejetĂ©e en arriĂšre. Et elle brandit, bien haut au-dessus d'elle, une lame rituelle. Elle se tourne vers moi, affichant un horrible sourire Ă©dentĂ©. Et je comprends. Je vois ses yeux verts. La derniĂšre, l'ultime victime, celle qui ouvrira la porte au Dragon doit avoir les yeux verts et ĂȘtre nĂ©e hors du Clan. Je ne sais rien de ses origines mais peut-ĂȘtre qu'elle aussi est nĂ©e ailleurs. Alors, dans ce cas, ce n'est pas moi la derniĂšre victime !
Elle se met à rire. Lit-elle dans mes pensées ? L'espace d'un instant, j'ai envie de la laisser mettre fin à ses jours. Mais, si je la tue, cela ouvrira malgré tout la porte au Dragon. Je dois la tuer. Je peux la tuer. Mais pas à l'intérieur de ce pentacle. Aussi, je me jette sur elle !
Et la folie s'empare de moi ! Bien avant que la lame n'atteigne son cou, je me saisis de la sorciÚre et la projette hors du pentacle. Elle lùche son arme qui glisse dans un coin. Et je me précipite sur elle. Je m'en saisis et me retourne vers la vieille qui tente de s'enfuir en rampant. Je lui saute dessus et plante la lame entre ses omoplates. J'ai l'impression de la tuer plusieurs fois. Son sang recouvre mes mains et en imprÚgne la mousse verdùtre qui y est apparue. Je me sens mal. Il se passe quelque chose dans mon corps. Mes os bougent à l'intérieur de mes membres mais ils ne suivent pas les ordres émanant de ma volonté. Péniblement, je gagne l'extérieur. Je fais quelques pas sous la lumiÚre du soleil. Mes pas sont lourds, difficiles. Et je me fige. Je sens mon pied s'enfoncer dans le sol. Je sens mes orteils déchirer mes bottes et s'enfoncer dans la terre. Contre mon gré, je lÚve mes bras au ciel et les vois s'allonger. Mes doigts, de dix deviennent vingt puis cent ! La mousse se répand et devient feuillage...
Je suis un ArbreâŠ
Commentaires de Thomas :
A. J'écoutais une piÚce de psyché-jazz trop chamanique en lisant ce CR et donc, je le propose comme playlist :
Basement Apes Vol.1, par Sunwatchers, la circularité psyché-jazz, la transe chamanique, le non-lieu cosmique
B. As-tu utilisé Bois-Saule ou juste les entrées de l'Almanach ?
C. Il y a un certain contraste a vouloir jouer un expert profiler de Psychomeurtre dans le monde post-apo de Millevaux, oĂč on peut supposer que les enquĂȘtes aboutissent principalement Ă des impasses, faute de moyens d'investigation corrects et proportionnĂ©s aux menaces. A ce titre, pour jouer une enquĂȘte dans Millevaux qui serait plutĂŽt vouĂ©e Ă l'Ă©chec et Ă l'erreur judiciaire, j'utiliserais volontiers Le TĂ©moignage.
D. De fait, les compétences d'investigation des personnages de Psychomeurtre me semblent ici relativement caduques. Qu'as-tu finalement utilisé du systÚme ? La fiche de serial killer et l'enchaßnement des scÚnes ?
E. "Je prĂ©pare les corps, celui d'Edes et celui du bĂ»cheron. Je les lave. Je les habille avec des vĂȘtements propres. Je peins sur leurs visage, leurs mains et leurs pieds les symboles qui me permettront, par le truchement des Esprits, de lire en eux, de les faire parler."
TrÚs cool ce rituel ! Je sais pas si ça rentre dans le parfait manuel du profiler de Psychomeurtre, mais on s'en fiche :)
F. "La transgression. NoAnde me parle de transgression. Et il me dit que ce n'est pas mal mais qu'il faut en assumer les consĂ©quences. Dois-je me livrer Ă une grande et grave transgression pour parvenir au terme de mon enquĂȘte ? Quelles en seront les consĂ©quences ? Et, finalement, est-ce que je veux vraiment savoir qui a tuĂ© Edes ? Et pourquoi ? NoAnde veut-il me dire par-lĂ que je dois aujourd'hui faire le choix entre poursuivre ma quĂȘte mais en assumer les consĂ©quences ou bien faire mon deuil et reprendre ma place au sein du Clan des Arbres, en acceptant que le coupable de la mort d'Edes ne soit jamais puni ?"
ça fait trÚs Inflorenza Minima ce genre de dilemme :)
G. "Mais, pour ça, je vais avoir besoin de trouver ses complices. Et si je ne trouve pas d'indice, je tordrai la réalité pour qu'elle me les donne..." :
ça ressemble aux transgressions du protocole dans Psychomeurtre : intĂ©ressant d'en donner lĂ une version surnaturelle ! Et ça a des consĂ©quences folles en jeu : NonUnd et Ezbaina sont coupables... parce que l'enquĂȘteur en a dĂ©cidĂ© ainsi !
H. "Mais en rĂ©alitĂ©, la rĂ©alitĂ© a peur de nous. Elle a peur de l'homme car l'homme peut la contraindre. Il y a des moyens. L'homme a eu les moyens. Il les a toujours eu. Mais il les a oubliĂ©s. La rĂ©alitĂ© a toujours ĆuvrĂ© Ă ce que l'homme oublie comment la soumettre, la rĂ©Ă©crire. "
ça, ça fait une super théorie au sujet de l'oubli et de l'égrégore !
I. Cela me fait aussi penser à une phrase de Romain Gary dans Europa : "La réalité n'a jamais été capable de nous fournir une preuve de son existence"
J. On dirait bien que le hĂ©ros s'est fait avoir ! Finalement, la personne qu'il pensait coupable est la victime, et lui-mĂȘme qui se pensait victime, s'avĂšre coupable. En croyant se dĂ©fendre et protĂ©ger le monde, c'est lui qui a invoquĂ© le Dragon (est devenu le Dragon) en tuant la sorciĂšre...
Réponse de Damien :
hey! merci pour la bande son, je m'en vais Ă©couter ça derechef alors⊠j'ai utilisĂ© Bois-Saule ET l'Almanach mais (de tĂȘte) j'ai dĂ» utiliser une version light de Bois-Saule pour privilĂ©gier Don't Rest et Psychomeurtres. Et pour ce dernier, j'ai "adaptĂ©" les compĂ©tences et les transposer en "version shamanique". ensuite, j'ai gĂ©rĂ© ça avec les rĂšgles de Don't Rest et ce talent de Folie consistant Ă rĂ©Ă©crire des pans de rĂ©alitĂ©. ça peut paraitre un pouvoir Ă©norme mais dans ce jeu les contreparties sont Ă©normes aussi ^^ et ça a surtout Ă©tĂ© l'occasion de voir les potentiels d'un tel pouvoir que je compte rĂ©utiliser. en fait, j'ai surtout utilisĂ© la trame narrative de Psychomeurtre en mix avec Bois-Saule et les rĂšgles de Don't rest pour les compĂ©tences "adaptĂ©es" de Psychomeurtre Ă la sauce Millevaux. et pour le dilemme, c'est notamment la consĂ©quence dde la rĂšgle du Tourment dans Don't Rest et le genre de questionnement imprĂ©vu au dĂ©part qui a Ă©mergĂ© de la partie. j'aimerais bien refaire un truc comme ça un de ces jours tordre la rĂ©alitĂ© comme ça peut aussi coĂŻncider avec certains talents de Grey Cells et de la Crasse. ça pourrait ĂȘtre sympa de tout mĂ©langer. et les considĂ©rations sur la rĂ©alitĂ© ont aussi Ă©mergĂ© de la partie sans que cela ne soit prĂ©vu. mais c'est vrai que c'est intĂ©ressant et je pense que ces questions pourraient se reposer dans mon prochain de la Crasse, Mantra et Millevaux. et il va falloir que je lise Europa alors ^^ et pour finir⊠et bien le final de la partie est justement la consĂ©quence du Tourment. Ă trop tordre la rĂ©alité⊠et bien c'est comme quand on joue avec un Ă©lastique, au bout d'un moment on se le reprend dans la gueule et c'est contre ça qu'a voulu le prĂ©venir NoAnde mais bon⊠c'est la vie
mais bon, quand mĂȘme, j'en profite pour redire que ce scenar a Ă©tĂ© vachement intĂ©ressant Ă jouer car j'ai pu tester Psychomeurtre en version "surnaturel", j'ai pu tester ce talent pour Don't Rest qui est quand mĂȘme vachement intĂ©ressant et j'ai pu encore une fois voir un scenar partir dans des considĂ©rations complĂ©tement improbables et imprĂ©vues⊠et sans MJ ^^
Hors ligne
STURKEYVILLE II
Un Ă©pisode dâenquĂȘte occulte dans lâAmĂ©rique Lovecraftienne des annĂ©es 1920 que Millevaux envahit insidieusement. Un rĂ©cit par Damien LagauzĂšre.
(temps de lecture : 35 mn)
deuxiĂšme chapitre dâune enquĂȘte du jeu Grey Cells avec des bouts de Bois-Saule, de CĆlacanthes, de The Name of God et de La Trilogie de la Crasse dedans.
Le jeu principal de cette sĂ©ance : Grey Cells, un jeu de rĂŽle dâenquĂȘte contre la montre par Bogdan Constantinescu
Joué le 07/04/2019
Cette partie fait suite à une premiÚre partie, Sturkeyville I, qui était moins axée sur Millevaux.
Jonathan Haeber, cc-by-nc, sur flickr
Lâhistoire:
Lewis Patrick Hatecroft se remet lentement des derniers événements. Ceux-ci ont été éprouvants tant sur les plans physiques que psychiques. Il doit non seulement se remettre de deux agressions mais aussi apprendre à vivre avec, sur la conscience, la mort d'une poignée de cultistes ; conséquence d'un rituel au cours duquel il s'est lié à un Sombre Rejeton de Shub-Niggurath.
Toutefois, un mystĂšre demeure. Comment Archer et ses complices ont-ils su qu'il possĂ©dait un exemplaire des Unaussprechlichen Kulten ? C'est une sottise, il le sait. Pourtant, convaincu que tous les complices d'Archer ne sont pas morts, il ne peut s'empĂȘcher de tenter de les pousser Ă se dĂ©voiler. Ainsi, par l'entremise de Lane, il fait publier dans la Gazette de Sturkeyville une soi-disant nouvelle dans la rubrique fiction, espĂ©rant susciter quelques rĂ©actions.
Quelques jours aprÚs l'annonce du décÚs d'Archer, on pouvait lire :
« Parce que tout a commencĂ© par ce qui n'aurait pu ĂȘtre qu'un banal vol... Votre serviteur, qui tient malgrĂ© tout Ă conserver l'anonymat malgrĂ© le mĂ©fait dont il fut victime, a eu le triste privilĂšge de constater la disparition d'une piĂšce trĂšs particuliĂšre de sa collection. Cet ouvrage se transmet dans notre famille de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Ce livre, vĂ©ritable relique au contenu antique, mystĂ©rieux, occulte... dangereux. De prime abord, pour le simple amateur de l'art du dĂ©tective, aucun indice, aucune trace d'effraction. Pourtant, votre serviteur a retrouvĂ© une unique cartouche.
Votre serviteur a alors immédiatement couru s'informer du modÚle de l'arme utilisant ce type de munition. Il s'agissait donc d'un fusil ayant servi dans l'armée allemande durant la Grande Guerre. Ainsi, comment le ou les auteurs de ce méfait sont-ils entrés en possession d'une telle arme ? Sont-ils des vétérans ? Sont-ils des proches ou des mercenaires au service d'anciens soldats ?
Il est de notoriĂ©tĂ© qu'un de ces vĂ©tĂ©rans, un marginal, vit Ă la sortie de notre finalement pas si paisible Sturkeyville. Dire que votre serviteur fut accueilli sans courtoisie est un euphĂ©misme. Point de violence physique - ce n'est que plus tard que votre serviteur fut par deux fois vigoureusement agressĂ© - , mais des mots bien Ă©tranges Ă©voquant autant les traumatismes gĂ©nĂ©rĂ©s par la guerre que les contenus occultes de l'ouvrage dĂ©robĂ©Â : la mort et la quĂȘte de la vie Ă©ternelle !
Filatures, interrogatoires courtois, passage Ă tabac et, fort heureusement, l'apparition d'un alliĂ© aussi inattendu que providentiel, me permirent de tisser un faisceau de preuves convergeant vers une personnalitĂ© de notre citĂ© et, certainement derriĂšre elle, tout un rĂ©seau d'acolytes en quĂȘte Ă©galement de la vie Ă©ternelle... Ă n'importe quel prix. Et, gardien de cet ouvrage dangereusement occulte, votre serviteur se trouve particuliĂšrement bien placĂ© pour savoir que ce prix peut ĂȘtre extrĂȘmement Ă©levĂ©. Mais comment les confondre ? Comment mettre un point final Ă leurs sinistres projets sans pour autant faire la lumiĂšre sur des rĂ©alitĂ©s devant rester dans l'ombre ? Une solution s'imposait Ă moi : combattre le mal par le mal !
Mais, le gardien des savoirs interdits peut-il ne pas ĂȘtre au fait des sombres connaissances dont il a la charge de prĂ©server le monde ? Non, il ne le peut pas ! Mais lui, Ă l'inverse des membres de cette sinistre secte, il ne veut pas payer ce prix. Et il ne veut pas que l'humanitĂ© le paye non plus. Toutefois, votre serviteur s'est vu contraint de risquer sa santĂ© psychique, sa vie mĂȘme! afin de prĂ©server l'humanitĂ© des manigances de ces vĂ©tĂ©rans en quĂȘte d'immortalitĂ©. Alors, je me suis rendu dans les bois et j'ai obtenu des sombres esprits qu'ils mettent un terme aux agissements de ces sorciers. Le rĂ©sultat ? Vous l'avez lu dans la rubrique nĂ©crologique de la Gazette... Et maintenant, sommes-nous sauvĂ©s pour autant ? J'aimerais en ĂȘtre certain. Je fuis le sommeil autant qu'il me fuit, hantĂ© que je suis par le prix que ces esprits de la forĂȘt vont exiger de moi. Car ils viendront... Et ce jour lĂ , je l'espĂšre, le remĂšde ne se rĂ©vĂ©lera pas pire que le mal que j'ai contribuĂ© Ă endiguer. »
A se relire ainsi dans le journal, Lewis Patrick avait conscience tout autant de la maladresse de sa dĂ©marche et de ses faiblesses littĂ©raires. Il ne savait ce qui le toucherait le plus entre une rĂ©action des cultistes ou un mauvais accueil de la part des lecteurs. Pour autant, un fait divers sanglant Ă©clipsait sa prose. On venait de retrouver un cadavre ensanglantĂ© et mutilĂ© dans la forĂȘt. Celle-lĂ mĂȘme oĂč il s'Ă©tait livrĂ© Ă ce terrible rituel. Le Sombre Rejeton hantait-il toujours les lieux ? Lane peut-il lui en dire plus Ă ce sujet ?
Lewis Patrick convie donc son ami reporter à Hatecroft Manor afin d'en savoir plus à ce sujet. Mais Lane n'est au courant de rien. Il n'est pas sur le coup et a en réalité d'autres chats à fouetter. En effet, il est convaincu que le directeur adjoint de la banque de Sturkeyville se livre à quelques malversations. Il est sur sa trace depuis un bon moment maintenant. Il n'a pas l'instant rien trouvé mais Horace Mumford a forcément quelque chose à cacher. En effet, non seulement il a refusé plusieurs fois de répondre à ses questions mais il a également disparu de la circulation depuis plusieurs jours. Lane voit là un aveu de culpabilité. Se sachant traqué, Mumford se serait donc enfui. Ou, en tout cas, il se cache. Par ailleurs, un autre employé de la banque, Vernon Archer, est lui aussi absent. Y a-t-il un lien ? Sont-ils complices ?
Lewis Patrick connaĂźt le jeune Archer et a du mal Ă voir en lui quelqu'un de malhonnĂȘte. Pour autant, il en est conscient, cela ne prouve rien et tout est possible, vraiment tout... Il n'y a a priori aucun rapport entre l'enquĂȘte de Lane et le cadavre dans les bois mais Lewis Patrick ne peut s'empĂȘcher de s'inquiĂ©ter pour Archer vis-Ă -vis duquel il se sent redevable, voire mĂȘme quelque peu coupable. Mais, que faire ? Il est hors de question de rĂ©vĂ©ler Ă Lane comment il a fait la connaissance du jeune homme, ni mĂȘme pourquoi il s'intĂ©resse Ă cette histoire de meurtre dans les bois.
Le soir venu, Lewis Patrick est angoissĂ©. Il traĂźne. Il lit, boit du thĂ©, erre dans les couloirs d'Hatecroft Manor. En rĂ©alitĂ©, il ne veut pas se coucher. Il a peur de ce qui pourrait venir hanter ses rĂȘves. Mais, bien aprĂšs minuit, il se rĂ©sout finalement Ă gagner son lit et le sommeil finit par le rattraper.
Lewis Patrick se rĂ©veille. Il sait qu'il dort, qu'il rĂȘve. Il est de nouveau dans la forĂȘt. Mais ce ne sont pas les bois de Sturkeyville. C'est autre chose. C'est... Millevaux ! Il porte ses vĂȘtements habituels mais ils sont vieux, trouĂ©s, raccommodĂ©s, Ă©limĂ©s. Il n'y a pas grand chose dans sa besace en cuir. Un peu de viande sĂ©chĂ©e, une poignĂ©e de noix, son exemplaire des Unaussprechlichen Kulten.
Il voit dans ces rĂȘves rĂ©currents l'influence de Shub-Niggurath. La ChĂšvre Noire tente de le rallier Ă elle. Elle l'attire en ce lieu pour le corrompre mais lui, contraint d'y errer, entend bien y trouver quelques vĂ©ritĂ©s afin de combattre l'influence nĂ©faste des Anciens. Combattre le mal par le mal, faire flĂšche de tout bois... serait-ce lĂ son nouveau credo ? On dirait. Mais il sait qu'il y a toujours un prix Ă payer. Il a d'ailleurs conscience d'ĂȘtre prĂ©cisĂ©ment en train de le payer. Mais il craint malgrĂ© tout les intĂ©rĂȘts. Et ces derniĂšres rĂ©flexions « financiĂšres » le font penser au jeune Archer qui travaille Ă la banque et Ă l'enquĂȘte de Lane sur le directeur adjoint. Mumford ? Oui, c'est ça.
Dans le rĂȘve, il ne sait plus quel jour il est dans l'Ă©veil. Mais ici, nous sommes le 14Ăšme jour du mois de Serpente. Et ces mots, diffĂ©rents Ă chaque fois, rĂ©sonnent Ă ses oreilles :
« Tu montres une telle confiance, une telle générosité... Tu as un parfait profil de victime.
à moins que tu ne sois un bourreau en puissance. »
Hum... La confiance et la générosité font-elles partie de ses qualités ? Il ne sait plus trop. Est-il vraiment généreux ? Est-ce généreux que de se résoudre à d'immondes rituels pour mettre fin aux activités d'adorateurs des Anciens ? N'est-ce pas plutÎt un prétexte ? Il en a conscience. Il le sait. Il sait que son altruisme n'est qu'une façade mais qu'en réalité il n'a qu'une envie, celle d'explorer les sombres mystÚres dont il est le gardien. D'une certaine façon, il est le gardien d'une boßte de Pandore et lui aussi l'a ouverte. Mais parviendra-t-il à la refermer et à ne pas succomber à la tentation de ne pas l'ouvrir à nouveau ?
La nuit est brune. On y voit pas trĂšs bien. C'est bizarre car le temps est sec mais, pourtant, il est trempĂ©, comme s'il pleuvait Ă verse. Et surtout, Lewis Patrick a faim. Il aperçoit un vieux bĂątiment en ruine. De loin, cela ressemble un peu Ă la scierie de Sturkeyville. Il court pour s'y abriter. Mais de quelle pluie ? Il espĂšre y ĂȘtre au sec et Ă l'abri...
Il a de nouveau senti cette prĂ©sence. Cela fait plusieurs fois que, dans ces bois, il sent une prĂ©sence, quelqu'un, quelque chose le suit depuis plusieurs rĂȘves. Il ne l'a qu'entraperçue, une silhouette haute, trĂšs musclĂ©e, recouverte de fourrure. Pas tout Ă fait un ours mais pas tout Ă fait un homme non plus. Il y a tant de choses Ă©tranges qui peuplent cette forĂȘt. Il ne sait pas si cette chose le traque pour le tuer ou seulement pour jouer. Il est certain que, si elle le voulait, cette crĂ©ature ne ferait qu'une bouchĂ©e de lui. Et il repense Ă cette affaire de cadavre dans la forĂȘt.
Lewis Patrick se laisse glisser le long d'un mur. Peut-il s'endormir dans un rĂȘve ? Et dans ce cas, oĂč se rĂ©veillerait-il ? Dans son lit ou... un autre rĂȘve ? Alors qu'il se laisse aller Ă ces pensĂ©es, son regard se porte sur le pan de mur qui lui fait face. Une nuĂ©e d'insectes (des araignĂ©es?!) courent dans tous les sens et tissent une toile immense et improbable Ă vitesse accĂ©lĂ©rĂ©e. La toile et les araignĂ©es elles-mĂȘmes forment des mots sur le mur : La Capitale de la Douleur !
A la vue de ces mots, et il ne sait pas pourquoi, Lewis Patrick se met Ă trembler. Ses mĂąchoires se contractent douloureusement. Ses muscles se tĂ©tanisent. Il voudrait se lever et arracher cette toile, piĂ©tiner ces araignĂ©es. Il voudrait hurler mais ces mĂąchoires restent soudĂ©es l'une Ă l'autre. Ses mains et ses doigts sont soudain agitĂ©s de mouvements saccadĂ©s et incontrĂŽlables. Ses yeux sont grands ouverts, exorbitĂ©s. Lewis Patrick a l'impression qu'ils vont quitter son crĂąne. Un hurlement retentit au loin. Il bave de rage. Il veut tourner la tĂȘte en direction du hurlement mais ne peut dĂ©tacher son regard du mur et des araignĂ©es.
Le hurlement... est... le sien ! Lewis Patrick se réveille en sursaut. Il se jette hors de son lit et secoue les draps à la recherche d'araignées ! Il est convaincu que des insectes grouillent dans ses draps. Mais aprÚs quelques minutes d'agitation frénétique, il se rend à l'évidence. Il n'y a rien. Toutefois, demain, il se rendra à la droguerie et fera provision de poudre insecticide.
Aujourd'hui, et au grand dam de ses domestique, Lewis Patrick fait donc la chasse Ă l'arachnide. Il traque la moindre toile dans le moindre recoin. Il s'agite dans tous les sens en marmonnant des propos plus ou moins intelligibles et cohĂ©rents concernant la Capitale de la Douleur et invectivant la peste des insectes. Mais c'est lorsqu'il entreprend de rĂ©pandre ses poudres dans la piĂšce oĂč il conserve les Ă©lĂ©ments les plus obscurs de la collection dont il est le gardien que son sang se glace. Deux piĂšces manquent Ă l'appel ! Deux fragments de journaux intimes. De mĂ©moire, il s'agit du journal d'un guerrier viking qui aurait accostĂ© en AmĂ©rique il y a fort longtemps, bien avant la conquĂȘte espagnole. Et il dĂ©crit lĂ ses contacts avec les indiens et comment il a appris leurs coutumes, leurs mythes et lĂ©gendes. Mais il n'est plus vraiment certain du contenu. Il ne les a que survolĂ©s il y a dĂ©jĂ fort longtemps. Pour autant, un second vol si peu de temps aprĂšs le premier, cela ne peut pas ĂȘtre une coĂŻncidence. Et si la publication de sa fausse nouvelle dans la Gazette avait finalement l'effet dĂ©sirĂ©Â ?
Lewis Patrick donne congĂ© Ă tous ses domestiques. Il veut ĂȘtre seul Ă Hatecroft Manor pour examiner les lieux du crime et tenter d'y dĂ©celer un indice. Celui qui s'est introduit ici a bien dĂ» laisser une trace de son passage. Et surtout, cela confirme bien que quelqu'un Ă Sturkeyville est au courant des raretĂ©s qu'il conserve au manoir. Il ne pense pas un seul instant que ses domestiques puissent ĂȘtre mĂȘlĂ©s Ă cette effraction. Toutefois, s'il ne devait trouver aucune autre piste, il faudra peut-ĂȘtre se rĂ©soudre Ă les suspecter.
Mais, aprĂšs avoir fait plusieurs fois le tour de la piĂšce et en avoir examinĂ© le moindre recoin, rien ! Lewis Patrick ne trouve rien! Pourtant, il est certain que cela est en lien avec l'affaire Archer sauf que... il ne peut mĂȘme pas contacter le jeune Archer puisque celui-ci a disparu, en mĂȘme temps que son patron ! Alors, dĂ©sespĂ©rĂ©, il se prĂ©pare une tasse de thĂ© et s'installe dans la piĂšce oĂč il organise ses soirĂ©es spirites. Il songe alors que cela fait longtemps maintenant qu'il n'en a pas organisĂ© une. Et si...
Il ne suffit que de quelques appels tĂ©lĂ©phoniques pour que les choses se prĂ©cipitent. Myrtle Veneti sera lĂ bien sĂ»r. Mais aussi Greg Benson, le pharmacien et Julius Andrew, le notaire. Ă eux quatre, ils devraient parvenir Ă contacter un esprit. Et peut-ĂȘtre que ce dernier saura ce qui s'est rĂ©ellement passĂ© Ă Hatecroft Manor aujourd'hui.
Le soir venu, les invitĂ©s s'installent dans cette piĂšce qu'ils connaissent bien. Il y a Ă boire et Ă manger mais personne n'y prĂȘte vraiment attention. Lewis Patrick est nerveux. Il espĂšre vraiment qu'un esprit va se prĂ©senter pour lui apporter des rĂ©ponses mais sans toutefois trahir auprĂšs de ses convives sa fonction de gardien de savoirs occultes. Il pense pourtant ne pas pouvoir faire autrement que prendre ce risque. Tous s'installent autour du guĂ©ridon. Lewis Patrick se fait le maĂźtre de cĂ©rĂ©monie, comme Ă son habitude.
Au bout de quelques minutes, tous remarquent que Myrtle Veneti est animée de quelques légers tremblements. On dirait que quelque chose la dérange mais personne n'ose prendre la parole pour lui demander quoi. Puis, elle laisse échapper un long souffle rauque.
« La Capitale... de la... Douleur... »
Lewis Patrick se fige. Comment est-ce possible ?
« Les AraignĂ©es tissent leurs toiles en lâhonneur de leur dĂ©esse ! Mais elles craignent les Champs de Feu, Lewis Patrick. Elles craignent les Champs de Feu... »
Lewis Patrick se lĂšve de sa chaise. Il se penche vers Myrtle Veneti et la presse de questions. Mais l'esprit s'en est allĂ©, la laissant lĂ dans un Ă©tat hĂ©bĂ©tĂ©, Ă moitiĂ© endormie. Benson et Andrew restent silencieux et proposent de prendre congĂ©. Ils se chargent de reconduire Myrtle chez elle. Lewis Patrick se retrouve donc seul avec ses pensĂ©es. Oui, manifestement tout est liĂ©. Son dernier rĂȘve millevalien, les araignĂ©es, cette Capitale de la Douleur... Tout cela paraĂźt liĂ© avec la dĂ©esse des araignĂ©es et ces Champs de Feu qu'elle craindrait. Mais de quoi s'agit-il vraiment ? Il est maintenant tard. Aussi se rĂ©sout-il Ă laisser son inconscient trier ses informations. La nuit porte conseil, non ?
Lewis Patrick dort d'un sommeil agitĂ©. Ses songes le conduisent de nouveau Ă Millevaux. Il fait nuit et il se retrouve Ă descendre le long d'un tronc couvert de veinules et de dĂ©bris de mues monstrueuses ou humanoĂŻdes. Il y a aussi des objets chargĂ©s de mĂ©moire incrustĂ©s dans les parois : camĂ©es, horloges, fleurs... Au fond, deux sphincters gĂ©ants avec chacun une pancarte : « les meilleurs souvenirs » et « les pires souvenirs ». Mais il y a une gardienne : une grosse limace garnie de rangĂ©es de seins gonflĂ©s de pus avec une tĂȘte de femme crĂąniotomisĂ©e, le cerveau sous verre, la peau autour des yeux dĂ©chirĂ©e, Ă vif. Elle a des pattes d'araignĂ©e Ă la place de la bouche et des cornes ensanglantĂ©es en guise de bras. Ă la vue de ses pattes arachnides, il pousse un hurlement. Il sait qu'il rĂȘve et il espĂšre que son propre cri va le rĂ©veiller mais...
⊠cette chose immonde se jette sur lui avec une rapidité surprenante. Et lui, est littéralement paralysé par la peur. Le monstre s'écroule sur lui de tout son poids et insÚre ses pattes dans la bouche de Lewis Patrick, étouffant ses cris, l'étouffant tout court...
⊠et Lewis Patrick se rĂ©veille, en nage. Il a le souffle court. Il a l'impression de s'ĂȘtre noyĂ©. Il a un goĂ»t horrible dans la bouche. Il boit et recrache plusieurs verre d'eau et se lave mĂȘme la bouche avec du savon. Et c'est devant le miroir de la salle de bain qu'il se rend compte, qu'il voit...
⊠sa peau... a... changé... de couleur ! Il a maintenant le teint de ses fiers Incas ou Mayas. Comment cela est-il possible ? Qu'est-ce que cela signifie ? Mais surtout, comment va-t-il pouvoir se montrer en ville maintenant ?
TĂŽt le lendemain, Lewis Patrick informe son personnel de maison qu'il doit se rendre en urgence auprĂšs d'un membre de sa famille Ă New York. Son absence risquant d'ĂȘtre un peu longue, il les invite donc Ă en profiter pour prendre quelques vacances bien mĂ©ritĂ©es. Ainsi, il pourra rester Ă Hatecroft Manor sans que personne ne puisse tĂ©moigner de sa nouvelle apparence.
Et maintenant, que faire ? Impossible de quitter le manoir ainsi ! Sa couleur de peau a changĂ© mais pas ses traits. Il ne peut mĂȘme pas se faire passer pour un Ă©tranger de passage. Le jeune Archer, au fait des manigances occultes de son pĂšre, aurait peut-ĂȘtre plus facilement que d'autres acceptĂ© cette transformation mais il a disparu. Vers qui se tourner ? Lane ? Pas sĂ»r. Et il semble si occupĂ© par son enquĂȘte sur Mumford et... Archer justement puisque les deux employĂ©s de la banque ont disparu quasiment en mĂȘme temps. Myrtle doit encore ĂȘtre trop secouĂ©e par son expĂ©rience de la veille. Il l'appellera plus tard pour prendre de ses nouvelles. Andrew, Benson ? Ă eux, il pense pouvoir leur faire confiance et garder ce secret. Il leur tĂ©lĂ©phonera dans la journĂ©e.
Pour l'heure, Lewis Patrick a besoin de faire le point sur les Ă©vĂ©nements. Tout d'abord, la mort de Lawrence Archer, Jonas Parker et tout ou partie de leurs sbires suite Ă l'invocation du Sombre Rejeton de Shub-Niggurath. Puis, la dĂ©couverte de ce corps dans la forĂȘt. Ensuite, la disparition de Mumford et du jeune Archer. ParallĂšlement, ces rĂȘves Ă©tranges oĂč il vagabonde dans une forĂȘt sans fin, suivi de loin par une crĂ©ature humanoĂŻde rappelant un ours. Et puis ce message Ă©crit par des araignĂ©es, repris par Myrtle. La Capitale de la Douleur. La DĂ©esse AraignĂ©e. Les Champs de Feu. Et ces carnets qui lui ont Ă©tĂ© dĂ©robĂ©s. Tous ces faits apparemment sans lien mais, pour qui sait lever le voile, alors les fils apparaissent. Mais comment lever ce voile ? Lewis Patrick va-t-il encore devoir se rĂ©soudre Ă user de magie pour contraindre le rĂ©el Ă lui dĂ©voiler ses secrets ?
Soudain, des rires se font entendre en provenance du sous-sol ! Ils sonnent étrangement... creux ! Lewis Patrick se lÚve d'un bond. Son premier réflexe est de se précipiter à la cave mais il a subitement peur de se retrouver nez à nez avec quelques insectes et... araignées ! Il attend quelques instants. Les rires ont cessé. N'était-ce que son imagination ou y a-t-il réellement quelqu'un d'autre au manoir ? Malgré sa peur, il ouvre la porte de l'escalier et crie à l'attention d'un éventuel importun de se montrer immédiatement. Et quelque chose sort de l'ombre...
Un petit garçon d'une douzaine d'année se tient là , de bout, au pied des escaliers et fixe Lewis Patrick en souriant. Il reste silencieux mais on entend encore résonner cet étrange rire creux. Il semble venir de derriÚre l'enfant. Il n'est donc pas seul.
« Montrez-vous ! » ordonne Lewis Patrick, qui tente de conserver une certaine contenance.
Et l'enfant fait un pas en arriĂšre, disparaissant dans l'ombre...
Lewis Patrick reste un moment lĂ , figĂ© devant la porte, scrutant l'obscuritĂ©. Mais il n'y a plus rien, ni personne. Puis, il trouve enfin le courage de descendre. Une fois en bas, il appelle de nouveau. Et de nouveau, il entend ce rire mais plus distant cette fois. Comme si son auteur s'en allait. Il allume alors la lumiĂšre et constate avec soulagement que, contrairement Ă ce qu'il craignait, il n'y a pas de colonies dâaraignĂ©es courant sur les murs. Par contre, par terre, une montre de gousset. Lewis Patrick la ramasse. Elle est tout ce qu'il y a de plus banal si ce n'est... qu'elle tourne Ă l'envers !
Quand Lewis Patrick lĂšve la tĂȘte, il n'est plus dans sa cave mais dans une grotte. Il porte de nouveau ses vĂȘtements usĂ©s typiques de ses voyages Ă Millevaux. Il rĂȘve donc. Mais il se sent mal. Il a froid et est en proie Ă de violents tremblements. Il a de la fiĂšvre. Peut-on souffrir de la grippe dans le rĂȘve ? Est-ce ainsi que son corps et son esprit lui hurlent qu'il est en danger et qu'il doit tout faire pour s'enfuir, rentrer Ă Sturkeyville et, surtout, retrouver une vie normale ? Mais comment ? MalgrĂ© la nuit brune, il parvint Ă peu prĂšs Ă y voir dans cette caverne. Il s'approche de la paroi. Elle est humide. Il y colle son front et savoure cette fraĂźcheur.
Nous sommes le 22Ăšme jour du mois de Messe.
« Rouges les riviÚres, rouges les racines et rouges mes bras. Bat ma poitrine et bat l'écho.
Une forĂȘt de sang, d'artĂšres et de cĆurs battants. »
Lewis Patrick regarde ses mains. Elles sont couvertes de sang. Ce n'est pas de l'eau qui suinte de ces murs mais du sang. Par réflexe, il porte ses mains à son visage et étale encore plus de ce sang qui fait de lui... un peau rouge ?
Et il sent une présence derriÚre lui. Il n'ose se retourner car il sait qui se tient là . L'homme ours ! Alors, collant de nouveau son front contre la paroi ensanglantée, il se met à marmonner :
« Je suis la Feuille !
Ici et maintenant, pour m'adapter aux changements, je m'en remets au dieu du vent !
Je suis la Feuille ! »
Et il souffle alors un vent violent et son assaillant laisse échapper un cri de surprise. Lewis Patrick ferme les yeux. Il serre les dents puis, aprÚs quelques minutes, alors que le vent est retombé, il se retourne. La grotte est déserte.
AdossĂ© Ă la paroi, il se laisse tomber et se met Ă sangloter. Alors, il est envahi par une douce chaleur semblant venir de lui-mĂȘme, de son cĆur. Et cette chaleur se rĂ©pand et chasse les frissons et la fiĂšvre.
Il veut dormir, se rĂ©veiller. Sa vie est devenu un cauchemar. Les Ă©vĂ©nements tragiques sâenchaĂźnent depuis ce rituel dans les bois. Et il n'a toujours aucune piste.
Ce matin, Lewis patrick a toujours ce mĂȘme teint qui le fait ressembler Ă un indien. AztĂšque, Apache, Incas, Sioux ? Quelle tribu a cette couleur de peau ? Ce changement n'est-il le fait que d'un triste hasard ou a-t-il une quelconque signification ? La sonnerie du tĂ©lĂ©phone le tire de ses pensĂ©es.
Une voix volontairement Ă©touffĂ©e commence par affirmer savoir que son intĂ©rĂȘt pour l'occulte est de notoriĂ©tĂ©. Toutefois, des choses plus sĂ©rieuses et plus graves se trament Ă Sturkeyville. Ăa, il s'en doutait ! Le calme de Sturkeyville n'est qu'apparent et c'est la raison mĂȘme pour laquelle cette petite ville attire tous ceux dont les activitĂ©s les plus sombres nĂ©cessitent la plus grande discrĂ©tion. Et lĂ , Lewis Patrick se demande si ce n'est pas pur une mĂȘme raison que son oncle dĂ©funt s'est installĂ© ici avec sa collection secrĂšte. Shub-Niggurath, Rlim Shaikorth, Atlach-Nacha... Les astres s'alignent selon une funeste configuration. Ceux qui savent doivent alerter le monde. Et ceux qui le peuvent doivent tout tenter pour arrĂȘter les adorateurs des Dieux Anciens. Ainsi parlait cet homme... ou cette femme d'ailleurs, sans laisser le temps Ă Lewis Patrick d'en placer une. Mais l'information qu'il n'attendait plus finit par venir. Jonas Parker Ă©tait fou de la ChĂšvre Noire et elle l'a tuĂ©. Horace Mumford Ă©tait fou du Ver Blanc et il l'a tuĂ©. Ken Cellys est fou de la DĂ©esse des AraignĂ©es mais... le tuera-t-elle ou parviendra-t-il Ă la satisfaire ?
La communication s'est arrĂȘtĂ©e depuis quelques instants et Lewis Patrick a toujours le combinĂ© collĂ© Ă l'oreille. Il murmure en boucle ce nom : « Ken Cellys ». Qui est-ce ? Un adorateur d'Atlach-Nacha, la DĂ©esse des AraignĂ©es, manifestement. Il finit par reposer le combinĂ© et rĂ©flĂ©chit. Trois adorateurs de divinitĂ©s Anciennes, sans compter leurs complices, se livrent Ă des rituels en leur honneur. Pour deux d'entre eux, leur Dieu s'est retournĂ© contre eux. Qu'en sera-t-il du troisiĂšme ?
Avant tout, vĂ©rifier que Mumford est bien mort. En effet, Lane atteste de sa disparition mais pour l'heure rien ne le mĂȘle aux affaires des Anciens. Mais si tel devait ĂȘtre le cas, cela pourrait signifier que lui aussi, comme Archer et ses complices, s'est livrĂ© Ă quelques rituels. Ironie du sort, Archer vĂ©nĂ©rait Shub-Niggurath et c'est un Sombre Rejeton de la ChĂšvre Noire que Lewis Patrick a invoquĂ© pour les arrĂȘter... dĂ©finitivement. D'aprĂšs cet informateur anonyme, une mĂȘme ironie aurait frappĂ© Mumford. On dirait que les Anciens sont sans pitiĂ© vis-Ă -vis de ceux dont Ils ne sont pas satisfaits. Et ce Cellys alors ? L'espace d'un instant, Lewis Patrick se laisse aller Ă espĂ©rer que ce dernier déçoive sa DĂ©esse et que celle-ci ne se dĂ©barrasse tout simplement de lui.
Si Mumford est bien mort, il peut attendre. Ce Cellys, par contre... Une recherche dans l'annuaire indique les numéros et adresses de Kendall Cellys mais aussi de Kenneth Cellys. Il faut bien commencer, va donc pour Kendall !
Ce Cellys habite à la périphérie du centre-ville. Nous sommes encore dans les « beaux-quartiers » mais pas trÚs loin d'une zone d'habitations plus populaire. Le vent souffle trÚs fort aujourd'hui et c'est une excellente raison pour porter chapeau et imperméable. Lewis Patrick espÚre ainsi croiser peu de monde dehors et, surtout, qu'on ne le reconnaßtra pas. Et il espÚre surtout qu'un homme errant dans les rues par un temps pareil n'attirera pas l'attention. Mais la réussite de son entreprise est au prix de ce risque.
Les rues sont dĂ©sertes. Le vent et la pluie s'abattent mĂ©thodiquement sur Sturkeyville. Kendall Cellys est manifestement chez lui. Il y a de la lumiĂšre au rez-de-chaussĂ©. Lewis Patrick, confiant, s'approche. Il ouvre le portillon donnant sur le petit bout de jardin. Certain que personne ne peut le voir, il s'approche et regarde par la fenĂȘtre. Cellys est dans son salon. Il s'agite et fait les cent pas devant un groupe d'une demi-douzaine d'hommes et de femmes. Il note d'ailleurs qu'il y a une majoritĂ© de femmes dans cette assemblĂ©e. D'ailleurs, il n'est pas sĂ»r de lui mais il se demande s'il n'a pas croisĂ© l'une d'elle lors d'une soirĂ©e mondaine. Mais il se recentre sur Cellys. Il dĂ©ambule toujours dans son salon, nerveux. Il agite ce qui est manifestement une dague de sacrifice rituel. Va-t-il assister lĂ Ă un rite sanglant ? Pourvu que non. Il essaye d'entendre ce qui se dit Ă l'intĂ©rieur mais n'entend rien Ă cause du vent et de la pluie. Mais il a dĂ» trop s'approcher car un cri retentit. Il est repĂ©rĂ©. LĂ , Ă travers la fenĂȘtre, un homme s'est levĂ© et le pointe du doigt. Lewis Patrick s'enfuit et rejoint son auto en courant.
De retour Ă Hatecroft Manor, il remercie intĂ©rieurement ce mystĂ©rieux informateur. Cellys a bien quelque chose Ă se reprocher et quelque chose se trame. Maintenant, il lui faut creuser cette piste, en savoir plus et l'arrĂȘter. Mais il doit aussi confirmer les propos concernant Mumford. Et il y a tout Ă croire que lĂ -dessus non plus on ne lui a pas menti. Et s'il mettait Lane sur le coup ? Et si lui aussi devenait un informateur anonyme ? Bonne idĂ©e mais... comment connaĂźtre alors le rĂ©sultat des investigations de son ami ? Celui-ci accepterait-il de tout lui rĂ©vĂ©ler lors d'une conversation « anodine » ? Lewis Patrick dĂ©cide de laisser la nuit lui porter conseil.
Lewis Patrick dort mal. Il éprouve une sensation désagréable autour du cou. Cela finit par le réveiller. Il se rend alors compte qu'il est nu et qu'une sorte de cordon ombilical s'est enroulé autour de son cou. Ce cordon est relié à un gigantesque arbre creux, calciné et mourant sous un soleil brûlant qui racornit tout. L'arbre se dresse sur un désert qui s'étend à perte de vue et reflÚte l'aveuglante lumiÚre d'un soleil rouge sur le point d'exploser.
Il commence par désenrouler le cordon et tire doucement dessus. Il ressent une légÚre douleur. Conscient qu'il ne pourra pas s'éloigner de l'arbre sans couper le cordon et que le faire pourrait se révéler, par contre, assez douloureux, il préfÚre s'approcher du tronc et regarder à l'intérieur du creux. La morsure du soleil est cruelle. Il veut se mettre à l'ombre mais, à l'intérieur du tronc, il voit une espÚce de poisson doté de trois paires de bras humanoïdes foncer vers lui, une gueule munie de plusieurs rangées de crocs acérés grande ouverte.
Souffrant toujours plus du soleil, il met autant de distance que lui en permet le cordon entre lui et cette crĂ©ature. Il se retrouve alors face Ă un pendu qui pourrit. Ses viscĂšres dĂ©goulinent hors de son abdomen. Lewis Patrick s'avance vers le pendu. Un coup dâĆil en arriĂšre lui indique que le monstre a renoncĂ© Ă le poursuivre. Il lĂšve les yeux vers le cadavre et reconnaĂźt son visage !
Lewis Patrick se rĂ©veille en sursaut et court dans la salle de bain pour se regarder dans la glace. Mais il a toujours ce mĂȘme teint qui le fait ressembler Ă un indien. Mais,  est-ce Ă cause de ses propres traits caucasiens inchangĂ©s ? -, il ne saurait dire s'il ressemble dĂ©sormais Ă un indien d'AmĂ©rique du nord ou du sud.
Quoi qu'il en soit, la nuit lui a portĂ© conseil, malgrĂ© ce cauchemar. Ou peut-ĂȘtre grĂące Ă lui. En effet, est-ce que, confrontĂ© Ă sa mort, il a alors saisi l'urgence de passer Ă l'action ? Il dĂ©cide donc d'appeler la Gazette de Sturkeyville et demande Ă parler Ă H. P. Lane. DĂšs qu'on le lui passe, il colle un chiffon sur le combinĂ© pour masquer sa voix et explique que les activitĂ©s louches et occultes de Mumford ont causĂ© sa mort. Et il raccroche avant que Lane ne puisse poser la moindre question. Maintenant, il n'y a plus qu'Ă attendre que le reporter mĂšne son enquĂȘte. Il le rappellera dans quelques jours sous prĂ©texte de prendre des nouvelles et tentera alors de lui tirer les vers du nez. Mais pour l'heure, que faire ? Comment confondre et arrĂȘter Cellys ? L'espace d'un instant, il songe Ă retourner dans les bois pour demander au Sombre Rejeton de se charger de lui mais... de quels stigmates sera-t-il alors affligĂ©Â ? Et quels cauchemars hanteront ses nuits ? Non, le prix qu'il doit dĂ©jĂ payer est bien assez Ă©levĂ©. Mais il a nĂ©anmoins une idĂ©e. Il croit bien avoir reconnu parmi les complices de Cellys une femme qu'il pense avoir croisĂ©e lors d'une soirĂ©e mondaine. Et s'il organisait une soirĂ©e Ă laquelle il inviterait le gotha de Sturkeyville ? Cette femme devrait alors ĂȘtre lĂ et il pourrait l'identifier, voire la confondre. Mais comment organiser une soirĂ©e au manoir alors qu'il a donnĂ© son congĂ© Ă son personnel et qu'il ne peut se montrer en public avec cette nouvelle couleur de peau ? Un nom s'impose : Myrtle Veneti, bien sĂ»r ! Il avait d'ailleurs promis de la rappeler suite Ă leur derniĂšre soirĂ©e spiritisme.
Au téléphone, Myrtle affirme aller bien mais Lewis Patrick la sent quelque peu tendue, voire à cran. Lui en veut-elle de cette étrange soirée ? Non, bien sûr mais elle aurait souhaité que les choses se passent comme... d'habitude.
« Cahcallah nohuiyan ?nentlah... coc?c... »
A ces mots, Lewis Patrick l'arrĂȘte tout de suite et lui demande de rĂ©pĂ©ter mais Myrtle rĂ©pĂšte les derniers mots qu'elle a prononcĂ©s avant de parler dans cette langue Ă©trange. Et elle ne voit pas du tout de quoi Lewis Patrick veut parler. Ce dernier comprend que ce n'est pas la peine d'insister mais demande Ă son amie de patienter, le temps de s'emparer de quoi noter et tenter de bien se rappeler ce qu'il a entendu. Ceci fait, il reprend alors la conversation sur un ton plus lĂ©ger et lui propose d'organiser une fĂȘte costumĂ©e. Il explique qu'il aurait bien organisĂ© cela Ă Hatecroft Manor mais son personnel de maison Ă©tant en congĂ©s, Myrtle accepterait-elle d'accueillir les festivitĂ©s ? Mais, Ă son grand Ă©tonnement, il se heurte Ă un refus catĂ©gorique. Et il sent bien que ce n'est pas la peine d'insister. Lewis Patrick prend alors poliment congĂ© et raccroche. Jamais son amie ne lui a parlĂ© sur ce ton. Et jamais elle n'a refusĂ© de participer ni d'organiser une rĂ©ception. Que se passe-t-il ?
Le 10Ăšme jour du mois de Chien...
« La sarcomancienne vous greffe la peau tatouée d'étrangers ;
alors leurs souvenirs et leurs émotions coulent encore chaudes dans vos veines. »
Lewis Patrick est de nouveau dans cette forĂȘt, Millevaux. Il regarde ses mains. Dans le rĂȘve aussi sa peau a changĂ© de couleur. Et il repense Ă l'historiette. Et si les souvenirs de cette peau Ă©trangĂšre se mettaient Ă couler dans ses veines ?
La Nuit Brune, encore, et il pleut, encore. Lewis Patrick est à la recherche d'un abri. Il ne cherche pas à se protéger de la pluie mais de ce qui le traque. Car, il le sent, il le sait, cette chose est de nouveau derriÚre lui. Elle approche.
C'est quand on cherche qu'on ne trouve pas et c'est quand on ne cherche plus qu'on trouve. FatiguĂ©, ruisselant de pluie, Lewis Patrick continue de marcher mais sans plus prĂȘter attention Ă lĂ oĂč ses pas le guide. En rĂ©alitĂ©, il est ailleurs. Il rĂȘve, il le sait. Mais il est encore ailleurs. Son corps est dans son lit, Ă Hatecroft Manor. Son esprit, ou du moins une partie de son esprit, est ici dans ces bois. Mais une autre partie de son esprit a quittĂ© le rĂȘve pour retourner Ă Hatecroft Manor, dans la bibliothĂšque. La bibliothĂšque secrĂšte, celle oĂč sa famille cache depuis des gĂ©nĂ©rations ces livres aux contenus mystiques, occultes, Ă©sotĂ©riques, interdits, dangereux. LĂ , il compulse un ouvrage relatif Ă une crĂ©ature venant du fin fond de l'espace et du temps. Le chapitre dĂ©crit un conglomĂ©rat de cadavres d'ĂȘtres issus de tous les mondes et de toutes les Ă©poques, de toutes les dimensions. Et cette chose, quand elle s'approche d'un nouveau monde, diffuse ses spores morbides. Et ces spores infectent alors les habitants de ce nouveau monde. Ces derniers mutent. Leurs corps subissent d'horribles transformations. Mais leurs esprits changent Ă©galement. Ils se reconnaissent, se fĂ©dĂšrent, s'organisent et Ćuvrent afin de hĂąter la venue de ce gĂ©niteur qu'ils considĂšrent comme une divinitĂ© devant se repaĂźtre de toute la vie prĂ©sente ici-bas. Eux, ils seront sauvĂ©s car ils rejoindront le conglomĂ©rat.
Lewis Patrick referme le livre et le repose dans le coffre, juste à cÎté de ces vieux carnets. Par curiosité, il en prend un.
« J'ai passĂ© beaucoup de temps Ă Ă©couter les lĂ©gendes du peuple de Nokomis. J'ai aussi passĂ© beaucoup de temps Ă chanter et danser pour voir son autre monde. Cette forĂȘt est bien Ă©trange. Elle est sans fin. LĂ , j'ai croisĂ© la route de bien des esprits et certains m'ont parlĂ© de celle qu'ils appellent la Mauvaise MĂšre ou encore la ChĂšvre Noire. Curieux, je l'ai cherchĂ©e. Je ne pouvais croire que celle qui avait crĂ©e cette forĂȘt pouvait rĂ©ellement ĂȘtre mauvaise. Cette forĂȘt ne m'apparaissait pas comme une malĂ©diction. Je ne comprenais pas l'ingratitude de ces esprits face Ă la beautĂ© de ces lieux et Ă la vie foisonnante qui les peuplait. Esprits, crĂ©atures chimĂ©rique, hommes et femmes de tous les Ăąges semblaient s'ĂȘtre donnĂ©s rendez-vous lĂ , sous l'Ă©gide bienveillante de Shub-Niggurath. Pourtant, tous n'apprĂ©ciaient pas ce don. Millevaux est un cadeau. Et Millevaux m'a offert Echidna, une voyageuse solitaire parcourant Millevaux. Je ne sais pas d'oĂč elle vient. Elle vient d'une autre Terre, d'une autre Ă©poque. Elle me parle de son monde mais je ne comprends pas. Elle me parle de Mouches et de Cafards. Elle rĂȘve, elle aussi. Nous nous retrouvons de plus en plus dans cette rĂ©gion de Millevaux qu'elle appelle les ForĂȘts Limbiques. LĂ , nous nous abandonnons au rĂȘve. Nous nous abandonnons l'un Ă l'autre. Je ne veux rien lui cacher. Alors, je lui fais don de cette partie de mon passĂ© qui dĂ©jĂ devient floue. Je fais d'elle la gardienne de ma mĂ©moire, d'une partie de ma mĂ©moire. Je compte dĂ©sormais sur elle pour me rappeler qui je suis.
Le temps passe. Echidna m'initie aux secrets du Foutre de Mouche, de l'Opium Jaune et de la Viande Noire. MĂȘme dans le rĂȘve, nous rĂȘvons. Nous parcourons d'autres mondes, parfois merveilleux, parfois horribles. Nous croisons la route d'autres hommes et d'autres femmes venus de tous les mondes et de toutes les Ă©poques. Certains nous prennent pour des esprits, des hallucinations. D'autres ne nous voient mĂȘme pas. Et une nuit, alors qu'Echidna se repose, il me prend de consommer seul de cet Ă©trange Jus de Singe. Et quand je me rĂ©veille, j'ai quittĂ© Millevaux. Je suis de nouveau... chez moi ? Combien de temps a passĂ©Â ? Je ne reconnais rien, ni personne. OĂč sont Echidna et Nokomis ?
Ce monde a changĂ©. Je ne l'aime pas. La forĂȘt me manque. Il y a de plus en plus d'hommes blancs. Ils ont apportĂ© la guerre. Ils ont dĂ©truit la forĂȘt pour construire des villes toujours plus Ă©tendues, toujours plus hautes. Avant, leurs maisons Ă©taient en bois. Maintenant, elles sont en pierre. Je me rĂ©fugie de plus en plus dans les forĂȘts limbiques. LĂ , je cherche la paix. Ou, au moins, je cherche la solitude. Et peut-ĂȘtre que je finirai par trouver, sinon l'oubli, la ChĂšvre Noire. Alors, je saurai... mais quoi ? Et pourquoi ? Et c'est parce que l'oubli me gagne, me ronge, que j'Ă©cris ces quelques lignes. Je fixe lĂ ma mĂ©moire. Mais pourquoi et pour qui ? »
Lewis Patrick referme le journal. Il n'a pas le temps de le replacer dans le coffre qu'il est de nouveau dans Millevaux. Ses pensĂ©es ont retrouvĂ© le chemin du rĂȘve. Il stoppe net ! Il pleut toujours. Il regarde autour de lui. Il sent la prĂ©sence du monstre qui le traque. Et il sait maintenant qu'il s'agit d'un ĂȘtre dĂ©vouĂ© Ă Shub-Niggurath. Est-lĂ le prix qu'il doit payer pour avoir invoquĂ© un Rejeton de la ChĂšvre Noire ? Et ce carnet ? Il fait partie de ceux qu'on lui a volĂ© rĂ©cemment. Quel message le rĂȘve cherche-t-il a lui dĂ©livrer ? Qui est cette Echidna ? Que sont ce Foutre de Mouche et cet Opium Jaune ? Et Nokomis ? C'est un prĂ©nom indien.
En tout cas, bien des gens parcourent cette forĂȘt, que ce soit en rĂȘve ou rĂ©ellement. Et il y a des moyens d'accĂ©der volontairement Ă Millevaux, pas seulement au hasard d'un rĂȘve mais en utilisant certains produits. Mais pourquoi l'auteur de ce carnet est-il sur ses traces ? Et si... et s'il voulait rĂ©cupĂ©rer ses carnets ? Et si c'Ă©tait lui qui les avaient volĂ©s ? Mais dans ce cas, pourquoi continuer Ă le pourchasser ? Ă moins que ce ne soit quelqu'un d'autre qui les ait dĂ©robĂ©s, sachant qui en Ă©tait l'auteur...
D'une certaine façon, Lewis Patrick est rassuré. En effet, s'il retrouve ces carnets, il pourra tout simplement les rendre à leur propriétaire et tout devrait rentrer dans l'ordre. Du moins l'espÚre-t-il...
Bien qu'il pleuve toujours, il s'assoit et s'adosse à un arbre. Il ferme les yeux et se réveille.
Lewis Patrick sort de son lit et gagne la salle de bains. Dans un premier temps, il n'y prĂȘte pas attention mais sa peau a de nouveau changĂ© de couleur. Elle est redevenue comme avant. Il laisse Ă©clater un cri de joie en mĂȘme temps que le tĂ©lĂ©phone sonne.
Lane ne prend pas la peine de le saluer.
« C'est vrai ce qu'on raconte ? On dit que si on ne te voyait plus ces derniers temps, c'est parce que tu étais interné dans un asile Psychiatrique. »
Lewis Patrick n'en revient pas. Qui a pu raconter de telles sottises ? Lane n'en sait trop rien, c'est un bruit qui court. Et il court d'autant plus que cela fait plusieurs jours que personne ne l'a vu en ville et que les seuls contacts qu'il a pu avoir furent par l'intermédiaire du téléphone. Lane lui rappelle qu'il a donné son congé à ses domestiques et qu'il peut trÚs bien avoir passé ses appels d'un sanatorium. Mais s'il est à Hatecroft Manor ce matin, cela veut-il dire qu'il est de retour ? Et que tout va bien ?
L'espace d'un instant, Lewis Patrick craint que ce ne soit Myrtle Veneti qui ait lancĂ© cette rumeur. Mais pourquoi ? Pour se venger de cette douloureuse expĂ©rience Ă©sotĂ©rique ? Il ne ne saurait peut-ĂȘtre jamais. Mais pour autant, il devait profiter d'avoir Lane au tĂ©lĂ©phone pour en savoir plus au sujet de Mumford. Et, innocemment, il lui demande de ses nouvelles, notamment au sujet de ces investigations pour la Gazette. Et Ă sa grande surprise, Lane ne se fait pas prier. Il raconte avoir remontĂ© la piste de Mumford et l'avoir retrouvĂ© mais... que faire maintenant ?
Lewis Patrick apprend ainsi que son ami s'est introduit, pour la seconde fois, par effraction chez le banquier. Et cette fois, dans la cave, il fut le témoin d'une scÚne des plus étranges, horribles et inimaginables. Oui, Horace Mumford avait bien des choses à se reprocher. Mais rien concernant la falsification de comptes et de vulgaires histoires d'argent. La cave de Mumford s'était révélé le théùtre d'un meurtre rituel. Et la victime innocente n'était autre que le jeune Archer ! Mais le plus étrange, outre le froid régnant là , était que Mumford était présent lui aussi, mais... congelé, littéralement réduit à l'état de statue de glace. Il tenait à la main une sorte de couteau ouvragé qu'il n'a pas réussi à lui Îter mais, par contre, il a fait main basse sur un livre qui avait l'air important. Lane est étonnant désemparé. Face à une telle scÚne, il n'a pas appelé la police. D'une part parce qu'il aurait eu à justifier son effraction et le vol de ce livre, ces Manuscrits Pnakotiques, et d'autres part parce qu'il était tout simplement incapable d'expliquer l'état de Mumford.
Lewis Patrick est quelque peu honteux car il a conscience qu'il va profiter de la dĂ©tresse de son ami mais il lui propose toutefois de l'aider Ă condition de lui remettre cet ouvrage et de l'introduire chez Mumford. Une fois qu'il aura fait sa propre enquĂȘte, il verra comment en informer la police sans que Lane ne soit inquiĂ©tĂ©. AprĂšs tout, il est une figure locale de Sturkeyville. Il a des relations. Et, ayant retrouvĂ© sa couleur de peau, il va pouvoir de nouveau se montrer en ville et faire taire cette rumeur. Peut-ĂȘtre mĂȘme que Myrtle Veneti se montrera plus affable.
Maintenant, il s'agit d'ĂȘtre efficace et d'Ă©laborer un plan d'action. Lewis Patrick a invitĂ© Lane au manoir pour le lendemain. D'ici lĂ , il va rappeler son personnel de maison et organiser cette soirĂ©e mondaine qu'il voulait organiser chez Myrtle. Maintenant, il peut l'organiser Ă Hatecroft Manor. Il appelle donc certaines personnalitĂ©s de Sturkeyville, les invite Ă cette « soirĂ©e de retour » et les charge Ă©galement de faire circuler l'information. Il espĂšre ainsi que la complice de Cellys sera lĂ et qu'il pourra la confondre d'une maniĂšre ou d'une autre. D'ici cette soirĂ©e, il aura visitĂ© la cave de Mumford et peut-ĂȘtre trouvĂ© un lien entre lui et Cellys. Par dĂ©finition, la DĂ©esse AraignĂ©e tisse sa toile donc, d'une maniĂšre ou d'une autre, tout doit ĂȘtre liĂ©.
Lewis Patrick s'endort ce soir avec le sourire. Il a le sentiment que tout va aller pour le mieux maintenant. Les choses lui semblent rentrer dans l'ordre. Il sait qu'il va rĂȘver mais il est sĂ»r que ce sera un beau rĂȘve. Il ne va pas se rendre dans Millevaux cette nuit. Il n'affrontera pas le vent et la pluie. Il ne sera pas traquĂ© par cette crĂ©ature Ă©trange. Non, il rĂȘve d'une grande maison de terre cuite, dâune seule piĂšce, avec des fours et des athanors en Ă©bullition. Chouettes, chats sauvages, araignĂ©es (il frissonne en y pensant) et crapauds grouillent dans les ombres. Racines, fougĂšres, lierre et champignons envahissent les lieux. Une grande armure humanoĂŻde faite de terre cuite et de matĂ©riaux composites trĂŽne au milieu. Et elle est lĂ , la Magicienne. Elle lui explique qu'il faut aller demander l'aide⊠de la personne qui incarne la Magicienne pour avoir une chance de vaincre les Abysses.
Lewis Patrick comprend que cette armure est sensĂ©e lui permettre de gagner ce que la Magicienne appelle le « MĂ©ta-Monde ». LĂ , il doit retrouver celui dont elle est l'avatar, celui qu' on appelle « le Joueur ». Lui sait. Lui peut. Il joue pour jouer. Il joue pour connaĂźtre la suite de lâhistoire. Peu lui importe que les Anciens ou les CĆlacanthes triomphent. Peu lui importe la fin de l'histoire. Il veut simplement la connaĂźtre, la jouer. Mais, affirme la Magicienne, il peut la changer. Il peut dĂ©cider de leur sort Ă tous. Alors, Lewis Patrick doit enfiler cette armure et convaincre le Joueur de faire triompher la LumiĂšre.
Quand Lewis Patrick se rĂ©veille, il se sent bizarre. L'espace d'un instant, il a peur d'avoir de nouveau changĂ© de couleur mais ce n'est pas le cas. Il est toujours lui-mĂȘme. Mais, se dit-il, aprĂšs tout il est toujours lui-mĂȘme quelle que soit la couleur de sa peau. Pour autant, il a l'impression que quelque chose a changĂ©. Si ce n'est pas lui, c'est autour de lui. Il a ce sentiment dĂ©sagrĂ©able que la rĂ©alitĂ© qui l'entoure n'est plus aussi consistante que la veille, qu'elle n'est plus aussi... rĂ©elle...
Aujourd'hui, Lewis Patrick doit donc prendre connaissance et tenter de comprendre ce qui s'est passé dans la cave d'Horace Mumford. Il doit aussi prendre possession des Manuscrits Pnakotiques. Aussi, il attend Lane avec une certaine impatience doublée d'une nervosité non moins certaine.
Lane arrive en fin de matinĂ©e. Lui aussi est nerveux. Pas Ă l'idĂ©e de rentrer par effraction chez un citoyen de Sturkeyville mais Ă celle de revoir cette scĂšne Ă©trange et ces cadavres, l'un sacrifiĂ©, l'autre... gelĂ©. Lewis Patrick, lui, est toujours sous le coup de son rĂȘve de la veille. Il repense aux propos de la Magicienne, aux Joueurs, Ă cette armure en terre sensĂ©e lui permettre de changer de monde. Durant le trajet, il survole les Manuscrits Pnakotiques. Et son attention se porte sur les paragraphes concernant Rlim Shaikorth, le Ver Blanc. Mumford aurait donc Ă©tĂ© un adorateur de ce monstre. Ne prĂȘtant aucune attention Ă ce que lui raconte Lane, il poursuit sa lecture et apprend que le Ver Blanc vivrait dans la ContrĂ©e des RĂȘves. Dans le rĂȘve, comme Millevaux ? La Millevaux de Shub-Niggurath ? LĂ serait le lien tissĂ© par Atlach-Nacha ? Le rĂȘve semble ĂȘtre le nĆud oĂč tous ces fils se retrouvent et s'emmĂȘlent.
Et quelques minutes plus tard, aprĂšs s'ĂȘtre Ă©tonnĂ© de l'aisance avec laquelle Lane force, une fois de plus, la porte de derriĂšre de la maison de Mumford, Lewis Patrick descend les marches menant Ă la cave. Ă chaque marche, il a l'impression que la tempĂ©rature baisse. RĂ©alitĂ© ou simple impression ? En bas, tout est comme Lane l'a dĂ©crit. Il n'a touchĂ© Ă rien, si ce n'est aux Manuscrits Pnakotiques. Le corps de Mumford est parfaitement conservĂ©, gelĂ©, alors que celui du pauvre Archer, malgrĂ© le froid ambiant, commence dĂ©jĂ Ă montrer des signes de pourriture et Ă sentir. MĂȘme s'il ne prĂ©vient pas la police, les voisins devraient le faire d'ici quelques jours car ils seront indisposĂ©s par l'odeur et ils se poseront des questions. Mais avant tout, il est lĂ pour examiner la scĂšne de ce crime rituel. Y a-t-il ici un indice qui aurait Ă©chappĂ© Ă Lane ou un indice que seul un spĂ©cialiste des sciences occultes pourrait trouver ? Peut-ĂȘtre bien oui !
Une poupée d'enfant... Que fait-elle là  ? Et pourquoi Lane n'a-t-il pas remarqué un objet à la présence aussi improbable en ces lieux ? Lewis Patrick repense à sa vision, celle qu'il a eu dans sa propre cave. Un rire, un enfant et quelque chose derriÚre. C'est là qu'il avait trouvé cette montre étrange qui l'avait précipité dans Millevaux. Cette montre, il l'a toujours... Mais, que doit-il comprendre ?
Atlach-Nacha tisse sa toile, donc tout est liĂ© d'une maniĂšre ou d'une autre. Lewis Patrick rĂ©flĂ©chit. Cette montre l'a projetĂ© dans le rĂȘve. Le Ver Blanc vit dans le rĂȘve. Mumford a certainement accĂ©dĂ© au monde du rĂȘve lui aussi. A-t-il utilisĂ© une montre ou autre chose ? La Magicienne lui a dit de trouver le Joueur, d'aller le chercher dans son monde en utilisant l'armure de terre. Mais cette armure se trouve dans le rĂȘve. Le rĂȘve est la clĂ©, la porte...
La clĂ© et la porte... Pourquoi ces mots tournent ainsi dans sa tĂȘte. La clĂ© et la porte. La ClĂ© et la Porte ! Yog-Sothoth ! Lewis Patrick a lu des choses concernant cette horreur. Et il repense Ă Atlach-Nacha dont on dit que quand sa toile sera achevĂ©e, cela sera la fin du monde. Est-il possible que Cellys et ses complices souhaitent en rĂ©alitĂ© s'attirer les faveurs de Yog-Sothoth en lui offrant la fin du monde ? Ce serait donc Ă cette fin qu'ils tenteraient de hĂąter les plans d'Atlach-Nacha ? Il faut vraiment ĂȘtre... tordu pour Ă©chafauder un pareil plan, pour avoir de telles pensĂ©es mais... la folie n'est-elle pas le guide des adorateurs des Anciens ?
Lorsque Lane lui demande s'il a trouvé quelque chose, Lewis Patrick ne sait quoi répondre. Oui, il a trouvé quelque chose, mais comment expliquer ça à quelqu'un comme Lane, quelqu'un de... normal !
« Je... Je dois rĂȘver. Maintenant !
Non, tu ne rĂȘve pas. Mumford est bien congelĂ© et...
Tu ne comprends pas ! Je sais que je ne rĂȘve pas. Mais je dois rĂȘver. Je dois rĂȘver maintenant ! Il faut que je rĂȘve ! »
Et Lewis Patrick fouille dans ses poches mais il ne trouve pas la montre. Il saisit Lane au col.
« Herbert, je dois dormir ! Tout de suite ! Fais moi dormir ! C'est une question de vie ou de mort ! C'est la fin du monde ! »
Et Lewis Patrick a dû se montrer particuliÚrement convaincant car son ami lui décoche un crochet au visage qui le plonge dans les ténÚbres et le ramÚne... dans la maison de la Magicienne.
Et elle est lĂ , assise sur un petit tabouret de bois. On dirait qu'elle attendait. Qu'elle l'attendait. Elle lui sourit. On dirait qu'elle sait. Elle s'approche de l'armure de terre, l'ouvre et explique son fonctionnement. Elle explique aussi qu'il ne faut surtout pas en sortir car l'air du mĂ©ta-monde pourrait lui ĂȘtre fatal, Ă lui, ĂȘtre de fiction. Mais il faut faire vite. Cellys et ses complices ont dĂ©jĂ commencĂ© leur rituel. Lewis Patrick n'a aucune idĂ©e de ce qui lui permet d'affirmer cela mais il la croit. Aussi, il entre dans l'armure et la Magicienne la referme sur lui.
On ne voit pas trĂšs bien Ă travers les deux ouvertures faisant office d'yeux. Sa vision se trouble. Les murs de la cabane de la Magicienne laissent la place Ă des murs blancs. Comme chez la magicienne, il y a peu de meubles. Mais point d'athanor ou de crĂ©atures dans des bocaux. LĂ , il n'y a que quelques livres sur des Ă©tagĂšres blanches ou en bois. Il y a deux malles bleues devant lui. Mais son attention est attirĂ©e par un raclement venant de sa droite. De l'autre cĂŽtĂ© d'une porte ouverte, un homme est penchĂ© sur une sorte de machine Ă Ă©crire dont Ă©mane un halo lumineux. Lewis Patrick fait un pas dans sa direction. L'homme ne lui parle pas. Il se borne Ă taper sur son Ă©trange machine et Lewis Patrick entend les mots rĂ©sonner dans sa tĂȘte.
« Bonjour Lewis Patrick Hatecroft. Je suis le Joueur. Ă l'occasion, on m'appelle aussi Demian ou Demian Hesse. Mais aujourd'hui, je suis le Joueur. Tout ne s'est pas passĂ© comme prĂ©vu. Cellys et ses complices sont passĂ©s Ă l'action plus vite que je ne le pensais et tu n'as plus beaucoup de temps si tu veux sauver ton monde. La Magicienne a raison. Je peux faire quelque chose. Je peux dĂ©cider qu'Atlach-Nacha ne finira pas sa toile aujourd'hui. Je peux dĂ©cider que ce ne sera pas la fin du monde, que Sturkeyville ne deviendra pas la Capitale de la Douleur. Je peux dĂ©cider que Yog-Sothoth ne viendra pas apprĂ©cier ce cadeau et rĂ©compenser ceux qui le lui ont fait. Mais je suis le Joueur. Je joue pour connaĂźtre la suite de l'histoire. Si je fais ça, l'histoire s'achĂšve. Mais si je ne le fais pas... elle s'achĂšve aussi. Ă moins que je ne choisisse de jouer dans un monde ravagĂ© par les Anciens... Lewis Patrick, tu connais l'expression « mourir pour renaĂźtre » ? Si tu acceptes de mourir pour renaĂźtre, pour vivre une autre histoire et de nouveau combattre les Anciens, je sauve ton monde. Mais tu as conscience que si tu accepte, ce sera un autre Lewis Patrick Hatecroft qui se rĂ©veillera demain. Tu ne seras plus le gardien d'ouvrages occultes. Tu ne vivras peut-ĂȘtre mĂȘme plus Ă Sturkeyville. Il ne te restera que ton nom et ta volontĂ© de combattre les Anciens et leurs adorateurs. Acceptes-tu ? »
Et le joueur s'empare d'un dé à six face.
« Pair, tu accepte. Impair, tu refuse. »
Et le dé tombe sur six !
Feuille de personnage avec les rÚgles de Bois-Saule :
Destin fatal : (Le Jugement) Le bien précieux est une chose légendaire, s'en emparer peut transformer votre destinée.
Chassé par : un monstre (un vampire ?).
Chasse : les cultistes.
Une question : Pourquoi ces rĂȘves Ă©tranges ?
Une certitude : les bois de ses rĂȘves sont en lien avec ceux de Sturkeyville. Il y a un mystĂšre dans les bois de Sturkeyville.
Une croyance : ce qu'il y a dans les livres du mythe est malheureusement vrai. Notre monde est menacé.
Une vertu : il veut vraiment combattre le mal et protéger l'humanité.
Un vice : il est attiré par les forces obscures et combattre le mal par le mal lui donne un prétexte pour s'adonner à ces noires magies.
Un souvenir qui te hante : le rituel d'invocation d'un Sombre Rejeton.
Ta quĂȘte : la vĂ©ritĂ© et le triomphe de la LumiĂšre sur les tĂ©nĂšbres incarnĂ©es par les Anciens et leurs adorateurs.
Tes symboles : le Bùton qui guide les fidÚles & l'Essaim aux milles mains et aux milles visages.
Tu possÚde un objet important : un exemplaire des Unaussprechlichen Kulten.
Commentaires de Thomas :
A. Hatecroft Manor ? Un jeu de mots avec Lovecraft ?
B. Pour cette partie, j'ai l'impression que l'apport de Bois-Saule se borne Ă tirer l'historiette du jour. On devrait alors plutĂŽt dire qu'il y a des bouts d'Almanach plutĂŽt que des bouts de Bois-Saule
C. D'oĂč vient le changement de carnation du hĂ©ros ? Est-ce que c'est une consĂ©quence d'avoir vĂ©cu un cauchemar de Coelacanthes ?
D. Tu innoves en introduisant des cauchemars de Coelacanthes différents de ceux que tu utilise d'habitude, c'est cool.
E. J'y pense comme ça, mais si tu cherches un cadre d'enquĂȘtes surnaturelles contemporaine en AmĂ©rique du Nord Ă investir avec du Millevaux dedans, je te conseille chaudement L'Autoroute des Larmes, qui se prĂȘterait certainement fort bien Ă un crossover Psychomeurtre / Grey Cells.
F. "Maintenant, il peut l'organiser à Hatecroft Manor. Il appelle donc certaines personnalités de Sturkeyville, les invite à cette « soirée de retour » et les charge également de faire circuler l'information. Il espÚre ainsi que la complice de Cellys sera là et qu'il pourra la confondre d'une maniÚre ou d'une autre. " ça fait trÚs Agatha Christie comme procédé :)
G. "Ne prĂȘtant aucune attention Ă ce que lui raconte Lane, il poursuit sa lecture et apprend que le Ver Blanc vivrait dans la ContrĂ©e des RĂȘves. " On pourrait imaginer que Millevaux envahisse notre monde en transitant par les ContrĂ©es du RĂȘve, ce serait cool :)  [et ceci dit, c'est plus ou moins ce qui se passe dans CĆlacanthes, mais utiliser les ContrĂ©e du RĂȘve lovecraftiennes comme passage serait assez cool.]
H. "De l'autre cÎté d'une porte ouverte, un homme est penché sur une sorte de machine à écrire dont émane un halo lumineux." : j'adore la description d'un ordinateur vu par un homme de 1920 :)
I. Sacré ironie que le joueur propose un choix au personnage, mais tire ensuite un dé pour savoir ce qu'il choisit.
J. "Tes symboles : le BĂąton qui guide les fidĂšles & l'Essaim aux milles mains et aux milles visages." : d'oĂč tire-tu ces symboles ?
Réponse de Damien :
A, oui, c'est carrément ça Lewis Patrick Hatecroft = LPH=HPL love/hate etc. ^^
B, j'ai surtout jouĂ© avec Grey Cells au niveau technique. Bois Saule m'a servi pour poser certains Ă©lĂ©ments d'ambiance. ces derniers temps, j'ai pas mal utilisĂ© Millevaux comme une contrĂ©e des rĂȘves alternatives pour mes scĂ©nars de Chtulhu.
C, oui, c'est un effet du cauchemar. comme il est mort dedans, j'ai tirĂ© sur la table de CĆlacanthes et voila.
D,j'ai pas fait exprĂšs. je tire les cauchemars coelacanthes au hasard. des fois, je tombe sur les mĂȘmes, des fois non. mais c'est toujours au hasard.
E, oui ^^ je suis déjà tombé dessus
F héhé, là je joue un "Socialite" c'est l'archétype du mondain dans Grey Cells et effectivement c'est plus pour jouer des scénars à la Christie. J'ai trouvé que ça collait bien avec le perso.
G,et oui, c'est ça, j'ai utilisĂ© Millevaux comme une contrĂ©e des rĂȘves et j'ai finis par tilter que si j'utilise plus Millevaux comme une menace de corruption de notre monde par cette foret que comme "terrain de jeu" cela vient justement de CĆlacanthes. je pense reprendre cette notion quand je me lancerai dans ma campagne de Mantra-Crasse-Millevaux.
H. j'ai un peu repompĂ© ce passage sur le final d'un autre de mes solos ^^ mais j'aime bien cette idĂ©e que les persos puissent voir le joueur Ă l'Ćuvre mais lui non⊠ce serait casser la magie ^^.
I bah disons que j'essaie de ne pas trop tricher ^^ mais j'aime bien le meta-jeu comme ça. j'aimerais en faire plus.
J, ces symboles? ils sont sortis tout droit de Terres de Sang est Millevaux ^^ d'ailleurs, il faudrait que je me refasse un mix de Terres de Sang et Sphynx car j'ai eu une idĂ©e pour amĂ©liorer la jouabilitĂ© en solo en utilisant le questionnaire de prĂ©paration des ruines de la mĂȘme façon que la fiche du serial killer dans Psychomeurtre. Il s'agirait de visiter les ruines et tenter de rĂ©pondre Ă toutes ces questions: savoir qui vivait lĂ , comment et pourquoi ils ont disparu etc.
voila, j'espÚre ne pas avoir été trop fouillis dans mes réponses car je ne suis pas sur le bon PC et n'est plus le CR sous les yeux. en tout cas, demain je me fais un ptit one shot de Silent Hill en version Sombre Max et je pense ensuite attaquer Mantra-Crasse-Millevaux avec de nouvelles incarnations de Haze, Corso et Lewis ?
Réponse de Thomas :
C. Ce qui est intĂ©ressant, câest que dans CĆlacanthes, le changement de peau a en fait trĂšs peu dâinfluence : tout le monde sâen fout :) Alors que retransposĂ© dans les USA des annĂ©es 20, ça a beaucoup plus dâimpact : le hĂ©ros doit se cacher, etc.
G. Le thĂšme de lâinvasion des mondes par Millevaux est encore plus prĂ©sent dans Millevaux Mantra.
J. En fait, la fiche du serial killer de Psychomeurtre est inspirée de la liste des révélations de Sphynx : le procédé est juste plus transparent et ordonné. Mais du coup, réincorporer la fiche de Psychomeurtre pour créer un liste de révélations plus transparente et ordonnée pour Sphynx, ce serait un intéressant renversement de situation :)
K. Cool pour Mantra-Crasse-Millevaux. Tiens-moi au courant !
Damien :
ouais, j'avoue que j'ai tiquĂ© quand je suis tombĂ© sur cette transformation car je me suis vraiment demandĂ© comment j'allais m'en sortir. Limite, j'aurais prĂ©fĂ©rĂ© de bon gros tentacules dans le dos ^^ disons que comme CĆlacanthes aura Ă©tĂ© ma porte d'entrĂ©e sur Millevaux ça conditionne plus ou moins consciemment plein de choses dans ma façon d'intĂ©grer Millevaux dans mes scenars. et comme je compte mĂ©langer ces univers et jeux que sont Millevaux, la Crasse et Mantra, au final, ça devrait coller ^^ pour Sphynx, je me suis rendu compte que je le faisais de maniĂšre informelle mais je me suis dit que mon RP gagnerait peut-ĂȘtre en qualitĂ© ou fonctionnerait peut-ĂȘtre mieux si je formalisais cela justement. sinon, je continues mon Silent Hill que j'ai commencĂ© en prenant pour situation de dĂ©part un texte court d'Anton Vandenberg publiĂ© sur sa page FB ^^ ensuite, je voudrais tester le jeu solo de Matthieu BĂ© et ensuite j'attaque la Crasse. Normalement, j'aurais 3 persos: 1 Mouche, 1 Cafard et un mort-vivant. les 3 bosseraient pour Black rain et enquĂȘteraient donc sur le meurtre de l'Hommonde mais aussi sur une nouvelle manifestation de l'Entropie : Millevaux! dont les agents seraient les Horlas et les CĆlacanthes. Et je compte aussi intĂ©grer (si je peux) une nouvelle sorte de crĂ©atures plus ou moins hostiles ^^ ensuite, quand j'aurais reçu Mantra, je compte en remettre une couche en terme de MĂ©ta-jeu en faisant de nouveau apparaĂźtre le personnage du Joueur que j'ai dĂ©jĂ "jouĂ©" dans d'autres solos. le Joueur serait donc un Ancien de Mantra et les 3 autres ses avatars de la Crasse. enfin, c'est l'idĂ©e... aprĂšs, ça prendra ptete une autre forme, on verra bien. et cĂŽtĂ© technique, je pense jouer la mouche avec Grey Cells, le mort-vivant avec Black Star Rise et le cafard avec divers systĂšme mixĂ© Ă Parasite (de Fabulo ^?.
Hors ligne
CE NâĂTAIT PAS LE PLUS MAUVAIS
Un solo par Damien LagauzÚre qui tient place dans⊠Silent Hill ! Avec une invasion progressive par Millevaux et le vertige logique.
(temps de lecture : 1h37)
Joué le 19/04/2019
Ce solo a été joué avec l'aide de jeu Silent Hill écrite par Rémy Broknpxl et dispo ici
J'ai utilisé les rÚgles de Lacuna et certains des Vertiges Logiques de Thomas Munier.
Il y aussi des "bouts" de Millevaux sous la forme de CĆlacanthes et de Bois-Saule (pour le final).
Certaines parties, enfin, ont été joué avec Strings.
Le MJ est joué par Muses & Oracles.
Avertissement sur le contenu : voir le dĂ©tail aprĂšs lâimage
Trent Van Doren, cc-by, sur flickr
Contenu sensible : grossophobie.
Lâhistoire:
 Je prends un cafĂ© Ă la terrasse de ce bar avec une vue sur le lac de Toluca. Je ne suis pas originaire de Silent Hill. J'ai atterri lĂ par hasard. Ma moto est en rade. J'ai Ă©tĂ© obligĂ© de m'arrĂȘter. Le gars a jetĂ© un Ćil et m'a dit qu'il pourrait s'en occuper dans la journĂ©e. Alors je suis bon pour une journĂ©e de tourisme forcĂ© dans cette petite ville.
La serveuse s'approche. Elle est d'une laideur Ă faire tourner le lait.
« M. Singer, Paul Singer ? »
Elle m'informe qu'il y a un appel téléphonique pour moi au bar. C'est bizarre. Personne ne sait que je suis ici. Et mon portable ? Je fouille les poches de mon blouson. Rien ! J'ai dû le laisser dans une des sacoches de ma moto.
« Paul Singer, j'écoute !
Faucheur Zero... Les Horlacanthes ! »
Cette voix m'est familiĂšre mais je n'arrive pas Ă la resituer.
« Vous ĂȘtes ?
Je suis ContrĂŽle. Je ne suis pas ton ennemi. Je ne suis pas ton ami non plus. Mais je peux t'aider. Appelles-moi quand tu en auras besoin.
Je ne comprends pas. Pouvez-vous ĂȘtre un peu plus... explicite ?
Pense à nos Chairs Disparues. »
OK. Ce doit ĂȘtre une blague. Peut-ĂȘtre un des gars du garage. Il aura su oĂč me trouver, il connaĂźt mon nom et aura voulu rigoler un bon coup. Je ne relĂšve pas. Mon cafĂ© m'attend. La serveuse n'est pas au bar. Elle n'est pas en terrasse non plus. Je m'installe et finis mon cafĂ©. Je ne le remarque pas tout de suite mais... il n'y a personne. Personne n'est passĂ© lĂ depuis un bon moment et je n'ai pas revu la serveuse. Ce n'est pas trĂšs grave, ma consommation est dĂ©jĂ payĂ©e. Mais personne dans les rues, pas le moindre bruit de voiture, c'est dĂ©jĂ plus Ă©trange. Je me lĂšve et m'en vais sans laisser de pourboire.
Je prends le chemin du garage et je ne croise personne dans les rues. Par moment, j'ai envie de me mettre à crier « Il y a quelqu'un ? » mais je ne le fais pas. Ce serait ridicule, non ? Et tout d'un coup, je me sens mal, trÚs mal. Ce n'est pas seulement de l'angoisse ou de la peur. Cette situation est stressante, c'est sûr, mais il y a autre chose et je ne sais pas quoi. Je suis seul mais... je ne le suis pas...
J'entends quelque chose derriĂšre moi. Je me retourne. Qu'est-ce que c'est que ça ? Ăa se tient debout et ça rampe en mĂȘme temps. C'est rosĂątre, grisĂątre. C'est de la chair malade. Je reconnais des membres humains, des mains, des pieds. Et des tĂȘtes ! Et UNE tĂȘte ! On dirait la serveuse du cafĂ©. La moche. Et lĂ , c'est pire encore. Qu'est-ce que c'est que ça ? Si c'est un costume d'Halloween, c'est le plus atrocement rĂ©aliste que j'ai jamais vu. Avec prudence quand mĂȘme, je m'approche. La chose, la serveuse ?, semble ne porter aucun vĂȘtement. Elle avance vers moi, moitiĂ© marchant, moitiĂ© rampant. Je ne sais pas en quoi peut ĂȘtre fait ce costume. De la mousse de polystyrĂšne, un truc expansĂ©, du plastique, je ne sais pas mais c'est hyper rĂ©aliste en tous cas. Saisissant ! Le top du cosplay !
Ce truc doit ĂȘtre hyper lourd Ă porter. Elle (?) se redresse pĂ©niblement. De toute sa hauteur, elle est plus grande que moi. Et pourtant, je fais un bon mĂštre 85 ! Et, de plusieurs appendices ressemblant Ă des bras jaillissent plusieurs lames semblables Ă des faux !
Faucheur Zero ?
OK, on ne joue plus. Je me casse en courant ! Vu sa masse, semer ce truc n'est pas compliquĂ© mais... je ne veux pas penser Ă celui ou celle qui va croiser sa route ! Je cours jusquâau garage. Je veux rĂ©cupĂ©rer ma moto. Et connaĂźtre le fin mot de cette sale blague. Il ne me faut pas longtemps pour me retrouver devant le garage. Il n'y a personne. J'appelle. Rien. Ma moto est lĂ . Et, Ă©videmment, elle ne dĂ©marre pas. Je cherche mon tĂ©lĂ©phone mais je ne le trouve dans aucune des deux sacoches.
Je vais au comptoir. Toujours personne à l'horizon mais un téléphone. J'appelle chez moi.
« ContrÎle, j'écoute !
Qu'est-ce que c'est que cette blague ? Vous vous foutez de moi ou quoi ?
Non ! Ce ceci n'est pas un jeu.
Qu'est-ce qui se passe ici ? OĂč sont les gens ? Pourquoi il n'y a personne dans les rues ? Et c'est quoi ce truc, lĂ Â ?
Ne le prends pas sur ce ton. Je ne suis pas ton ennemi, mais je ne suis pas ton ami, non plus. Tu vas devoir t'en sortir mais tu n'es pas seul. Tu peux compter sur moi, mais...
Mais quoi ?
Reviens sur tes pas... »
Et il a raccrochĂ©. Revenir sur mes pas ? Retourner dans la rue oĂč j'ai vu ce truc ? Pas trĂšs motivant mais... pourquoi pas aprĂšs tout. Ce n'est pas un jeu mais ai-je d'autres choix que de le jouer ?
Dehors, les rues sont toujours vides et un épais brouillard est tombé d'un coup. La température est tombée, elle aussi.
Ăa me rappelle cette randonnĂ©e qu'on avait faite entre potes. C'Ă©tait il y a longtemps. On Ă©tait huit et il y avait des filles. Il s'agissait entre autres de les impressionner, de leur montrer qu'on savait se dĂ©brouiller dans la nature et tout. Mais nous avions marchĂ© moins vite que prĂ©vu et la nuit, et la tempĂ©rature, Ă©taient tombĂ©es avant que nous n'ayons atteint le gĂźte d'Ă©tape. Nous n'Ă©tions pas assez couverts. Tout le monde commençait Ă ĂȘtre fatiguĂ©. L'ambiance Ă©tait devenue tendue. Le silence qui rĂ©gnait Ă©tait Ă couper au couteau. Je me souviens clairement avoir pensĂ© que le premier d'entre nous qui l'ouvrirait dirait une Ă©norme connerie qui non seulement plomberait l'ambiance mais risquait mĂȘme de gĂącher la suite du sĂ©jour. Et je ne voulais pas que ce soit moi. Alors, je ne disais rien alors mĂȘme que j'en avais vraiment marre de marcher dans le noir et le froid et que j'en avais marre d'entendre les autres geindre.
Alors, pour me changer les idĂ©es, je pensais Ă autre chose. J'essayais en tout cas. En fait, je sais que j'avais clairement en tĂȘte que j'avais votĂ© pour cette randonnĂ©e parce que j'ai peur de la mer. Je n'ai pas peur de l'eau. J'ai peur de la mer. Je ne sais pas si c'est le syndrome des Dents de la Mer et la peur d'ĂȘtre dĂ©vorĂ© par un requin ou si c'est quelque chose de plus freudien mais je dĂ©teste la mer. Je me forçais Ă garder ça en tĂȘte. Ăa m'aidait Ă mettre un pied devant l'autre.
Et mes pensĂ©es s'envolaient. Je n'Ă©tais plus vraiment lĂ . J'Ă©tais, je suis, dans une caverne. Il fait sombre et humide. Je n'y vois quasiment rien. Pourtant, sur une paroi, je vois de quoi accrocher un flambeau. Je rĂȘvasse. C'est bizarre comme rĂȘverie. Ce doit ĂȘtre Ă cause de la fatigue. Mais ça me permet de mettre de la distance justement. Et soudain, on m'agrippe par l'Ă©paule. Je me retourne et mon regard se fixe sur un Ćil trop maquillĂ©. Marcy ! Qu'est-ce qu'elle me veut ? Elle sourit. Elle m'explique gentiment que j'Ă©tais en train de m'endormir et que j'ai failli tomber. Les autres ricanent et me traitent de somnambule. Je suis fatiguĂ©, Ă©nervĂ©, je les envoie paĂźtre. Marcy tente de calmer le jeu. J'en remets une couche et fais allusion Ă la couche de maquillage dont elle s'est tartinĂ©e le visage et qui la fait ressembler Ă un Ćuf de PĂąques.
Et voilà , je l'ai fait. J'ai ouvert ma gueule et j'ai plombé l'ambiance...
Pourquoi me souvenir de ça maintenant ? Marcy... Ce n'est pas qu'elle Ă©tait moche mais... elle ne me plaisait pas. Cette randonnĂ©e avait Ă©tĂ© organisĂ©e, aussi, pour crĂ©er quelques couples si c'Ă©tait possible. Mais celui-lĂ ne pouvait pas fonctionner, c'est comme ça. AprĂšs, OK, j'ai peut-ĂȘtre Ă©tĂ© inutilement blessant mais j'Ă©tais crevĂ© et c'Ă©tait peut-ĂȘtre pas la peine de m'en vouloir comme ça au point de tirer la tronche Ă toutes les soirĂ©es entre potes oĂč on se croisait.
Et maintenant, oĂč suis-je ?
Toluca Cemetary, indique le panneau. Mes pas m'ont finalement ramenĂ© prĂšs du lac. Mais pas au cafĂ©. C'est peut-ĂȘtre aussi bien. Mais un cimetiĂšre... Est-ce vraiment mieux ?
Un Ă©clat, un reflet, attire mon attention un peu plus loin. Merde ! Il y a du monde dans le cimetiĂšre ! Un homme et une femme. Elle a un couteau de cuisine et s'apprĂȘte Ă poignarder l'homme qui lui fait face. Je crie ! Les deux se figent mais aucun ne se retourne vers moi. La femme ne veut pas perdre sa proie des yeux et lui... c'est un peu la mĂȘme chose. Je cours vers eux, espĂ©rant que la femme ne commettra pas l'irrĂ©parable.
C'est un peu surréaliste mais j'ai l'impression qu'ils m'ont attendu. L'homme est on ne peut plus fébrile. Il tremble. La femme est d'un calme olympien, impassible. Je la regarde et la trouve sale... et grosse aussi. De prÚs, on dirait une grosse baleine dégueulasse. Un amas de chair gluant et armé d'une lame... Faucheur Zero ?
Et là , j'ai peur que ça parte en sucette.
Et j'ai raison d'avoir peur.
Ăa part en sucette !
La grosse se retourne vers moi. L'homme reste immobile, tremblant. Il se borne Ă tourner lentement la tĂȘte vers moi. Il se mord les lĂšvres. Et elle lĂšve son couteau dans ma direction. GĂȘnĂ©e par sa propre graisse, ses mouvements sont maladroits. Je pourrais m'enfuir mais...
Je lui enfonce mon poing dans la figure !
Et mon poing s'enfonce et s'enfonce et s'enfonce dans sa chair. Elle va m'avaler si je ne fais rien ! Je tente de retirer mon poing de sa face. Mais ça ne va pas tout seul. Elle mord et j'y laisse de la viande. Je regarde mon poing en sang et aperçoit la lame s'abattre.
Je hurle alors que le couteau s'enfonce dans mon Ă©paule. Je tourne la tĂȘte vers l'homme, toujours immobile Ă se mordre les lĂšvres. Je donne un coup de pied Ă cette folle. L'effort fait saigner ma blessure mais elle me lĂąche. Je ne veux pas en savoir plus. Je m'enfuis en courant.
Mon cĆur bat Ă tout rompre. Mon Ă©paule me fait atrocement mal. J'ai besoin d'aide, de soin. Et cette putain de ville est toujours dĂ©serte. Sur qui puis-je compter ici ? Personne ! Si, lui. ContrĂŽle. Il me faut un tĂ©lĂ©phone.
Blue Creek Apartments. Je ne m'attends pas Ă y trouver qui que ce soit. Cette ville est dĂ©serte et il n'y traĂźne plus que des psychopathes... et moi. Mais au moins je devrais y trouver un tĂ©lĂ©phone. Le hall d'entrĂ©e est mal entretenu. Il y a de la poussiĂšre. Les murs sont abĂźmĂ©s par l'humiditĂ©. Ăa sent mauvais. Par acquis de conscience, je frappe Ă une porte. Ăvidemment, pas de rĂ©ponse. Je tente d'ouvrir la porte et, Ă ma propre surprise, elle s'ouvre.
Je ne m'attends pas Ă trouver qui que ce soit mais j'appelle quand mĂȘme. Et effectivement, personne ne me rĂ©pond. Pour autant, j'ai l'impression qu'il y avait quelqu'un il y a peu. Il y a des vĂȘtements un peu partout, de la vaisselle dans l'Ă©vier. Peut-ĂȘtre que si j'attendais...
Je trouve le téléphone.
« AllÎ, ContrÎle ? J'ai besoin d'aide...
Ah bon ?
Oui, je ne comprends rien à ce qu'il se passe. Cette ville. Elle est déserte. Il n'y a que des monstres ou des grosses folles psychopathes.
Elle est déserte ou il y a des monstres ? Sois précis !
OK, euh oui pardon. Elle est quasiment déserte. Et les seules personnes que j'ai rencontrées sont soit des monstres soit des psychopathes qui ont essayé de me tuer. J'ai pris un coup de couteau à l'épaule et il faut qu'un médecin s'en occupe.
Vas Ă l'hĂŽpital alors.
Oui, mais euh... est-ce qu'il y aura quelqu'un là -bas ?
Tu le sauras en y allant ! Que veux-tu de plus ?
Euh... je ne sais pas. Je voudrais comprendre. Ce n'est pas normal... cette situation... C'est insensé.
Si tu veux comprendre, commences par te poser les bonnes questions. Et non, ce n'est pas insensé ! Il y a du sens. Mais c'est à toi de le trouver ! Réfléchis, Paul. Et en parlant de réfléchir, t'es tu seulement regardé dans la glace ? »
Et je suis resté là , interdit, le combiné à la main alors que ContrÎle venait de me raccrocher au nez.
Dans la salle de bain, je cherche de quoi nettoyer ma plaie. On dirait que ça ne saigne plus, c'est toujours ça de pris. Rien ! Pas d'alcool, pas de pansement. Au moins, il y a l'eau courante mais est-ce que je ne vais pas choper une infection ? L'eau est tout sauf transparente. On dirait de la rouille.
Et j'ai eu un nouveau choc quand je me suis regardĂ© dans la glace. Je ne me suis pas reconnu. J'avais pris, combien ? 20 ? 30 kilos ? J'Ă©tais devenu une horrible baleine. Comme l'autre folle. Comment c'Ă©tait possible alors que je n'avais rien avalĂ© depuis... le cafĂ© sur le bord de Toluca Lake. Ăa n'a aucun sens !
Pourtant, ContrĂŽle m'a dit de me regarder dans la glace et de rĂ©flĂ©chir. Il a dit que tout ça avait du sens et que je devais me poser des questions. Mais quelles questions me poser ? Par oĂč commencer ? Une question s'impose. Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mĂ©riter ça ? Rien ! J'ai rien fait pour mĂ©riter ça. Je regarde autour de moi. La dĂ©co a changĂ©. Pas en bien. Les murs sont devenus rouges. Rouge sang ! Ils ont une drĂŽle de texture, dĂ©goĂ»tante, molle, comme de la... graisse. Mes doigts s'enfoncent dedans quand je les touche. Je sors de la salle de bain mais j'ai du mal Ă me dĂ©placer avec toute cette graisse. Comment c'est possible de grossir comme ça en un clin dâĆil ? Cette chair m'encombre. J'Ă©touffe. J'ai mal. Je ne me sens pas bien et... je me sens moche !
Je me dandine grotesquement jusqu'au salon. Quelqu'un se tient lĂ , debout. Quelqu'un ou quelque chose. Encore un monstre. Ce truc fait plus de deux mĂštres de haut. Il a sur les Ă©paules une sorte de cape faite d'un tissu moisi et trouĂ©. Son visage, sa tĂȘte... ce sont des plaques d'os. Au fond de ses orbites, ses yeux sont noirs. Ses bras - ses quatre bras ! - se terminent par des griffes acĂ©rĂ©es. Il me fixe et, avec une diction impeccable, il me dit :
« Il va falloir faire fondre cette chair. »
Et je me mets Ă courir aussi vite que je peux.
Je me prĂ©cipite dans le couloir, je fonce vers la porte d'entrĂ©e de l'immeuble. Mon cĆur bat Ă plus de 100 Ă l'heure. Il va exploser ! Une fois dehors, je suis de nouveau dans le brouillard. L'immeuble derriĂšre moi a repris son apparence normale. Je regarde mes mains et ce ne sont plus ces horribles saucisses. Le trop plein de chair a disparu. J'ai repris mon apparence normale.
J'ai peur.
Je dois aller Ă l'hĂŽpital.
Ma blessure ne saigne plus et ne me lance pas trop. Mais je dois quand mĂȘme montrer ça Ă un mĂ©decin, ne serait-ce que pour Ă©viter tout risque d'infection. Les rues sont toujours aussi dĂ©sertes. Le brouillard est toujours aussi Ă©pais mais j'arrive Ă me repĂ©rer et trouve assez facilement l'Alchemilla Hospital. Mais vu sa façade, je me demande s'il est encore en activitĂ©.
Ă l'intĂ©rieur, je n'entends pas un bruit. Il n'y a personne. J'appelle. Rien ! L'endroit semble abandonnĂ© mais il y a du matĂ©riel qui traĂźne ça et lĂ . Peut-ĂȘtre qu'en fouillant un peu je trouverais de quoi nettoyer ma plaie. Ă dĂ©faut de trouver un mĂ©decin compĂ©tent. Ă tout hasard, je jette un Ćil sur le comptoir de l'accueil. J'y cherche un tĂ©lĂ©phone qui me permettrait de contacter ContrĂŽle mais... rien.
Je passe derriĂšre le comptoir Ă la recherche d'un plan ou de quoique ce soit qui me permettra de trouver lĂ oĂč le personnel stockait son matĂ©riel. Et si j'en crois le document que je viens de trouver, je dois me rendre au 4Ăš. Maintenant, reste Ă savoir si l'ascenseur fonctionne encore.
Merde ! Les portes se referment. La lumiÚre s'éteint et la cage ne bouge pas. Je tente d'ouvrir les portes. Je parviens à les entrouvrir mais il m'en coûte. Je me faufile à travers l'étroite ouverture. Heureusement que j'ai retrouvé ma silhouette normale. Si j'étais resté aussi gros que tout à l'heure, j'aurais été piégé ici pour un bon moment.
Par contre, il s'est passĂ© quelque chose. Je ne suis pas dans le couloir par lequel je suis entrĂ©. OK, je respire un grand coup. Je ne devrais plus me prendre la tĂȘte avec ce genre de « dĂ©tails ». D'aprĂšs ContrĂŽle, tout ça a du sens. Je finirai bien par trouver lequel.
Ce long couloir a son mur gauche entiÚrement constitué d'un gigantesque miroir. Là , tout y est réfléchi à l'identique, sauf moi ! Ce n'est pas moi dans le reflet. C'est... Marcy ? Et elle est... grosse ! Non, elle n'était pas grosse comme ça dans mon souvenir. Je fais un pas en avant et elle avance aussi. Je fixe son regard. Elle détourne les yeux. Elle me regarde par en-dessous et je lis de la haine dans son regard. Elle me hait, pourquoi ? Parce que je l'ai repoussée ? Hey ! Je ne suis pas obligé d'aimer tout le monde, si ? C'est pas ma faute si elle ne me plaßt pas !
Je ne formule pas ces pensĂ©es Ă haute voix mais pourtant elle se met Ă pleurer. Par rĂ©flexe, je tends le bras vers elle. Elle ne me plaĂźt pas mais je ne la dĂ©teste pas. Ma main touche le miroir. Ma main est paume contre paume avec la sienne. Le miroir nous sĂ©pare. SincĂšrement, je veux bien faire quelque chose pour qu'elle arrĂȘte de pleurer mais ce miroir m'en empĂȘche. Je continue de la regarder et pense aux mots de ContrĂŽle. RĂ©flĂ©chir, les Chairs Disparues... peut-ĂȘtre qu'elle Ă©tait grosse avant que je la connaisse. Peut-ĂȘtre que refuser ses avances a fait remonter des choses et l'a rendue plus triste que je ne l'aurais imaginĂ©Â ? RĂ©flĂ©chir, le miroir... Peut-ĂȘtre que je l'ai repoussĂ©e certes parce qu' elle ne me plaĂźt pas mais aussi parce qu'elle me « renvoie » quelque chose de dĂ©sagrĂ©able, qu'elle me force Ă rĂ©flĂ©chir, Ă voir en face quelque chose de moche chez... moi ?
Je me sens alors cruel et superficiel. Je ne connais pas le passĂ© de Marcy mais peut-ĂȘtre que dans le passĂ© elle a Ă©tĂ© grosse et qu'elle en a souffert. Peut-ĂȘtre que ça lui a coĂ»tĂ© de gros efforts pour perdre du poids â cette Chair Disparue â et moi... je me suis comportĂ© comme un connard. Je n'ai pris aucun gant pour lui signifier que je n'Ă©tais pas intĂ©ressĂ©, que je ne la trouvais pas Ă mon goĂ»t et que, finalement, tous ses efforts n'avaient servi Ă rien.
Je dĂ©tache ma main du miroir. Je dois trouver un tĂ©lĂ©phone et demander Ă ContrĂŽle si c'est bien ça. Si oui, je dois trouver Marcy et m'excuser. C'est ça, hein ? Ăa me fera quitter cette ville pourrie, hein ? Ouais, c'est ça ! Je prĂ©sente mes excuses et quitte Silent Hill pour aller faire la fĂȘte Ă Noisy Valley, hĂ©Â !
Et Marcy lÚve les yeux vers moi. Son expression a changé. Elle a l'air réjouie, sûre d'elle. C'est ça ? J'ai trouvé la clé de cette putain d'énigme ? J'ai un doute. Son image change de l'autre cÎté du miroir. Elle devient floue. Elle grossit à toute vitesse. Elle tape du plat des mains contre le miroir qui se met à trembler. OK, je ne vais pas attendre là les bras ballants. Je me tire en courant !
Mais je n'ai pas le temps de retourner à l'ascenseur que le miroir vole en éclats. Et Marcy, qui ne cesse de grossir, court aprÚs moi. Elle pose une patte difforme sur mon épaule blessée et je pousse un cri. Elle serre fort. Je défaille. Je manque de tomber mais c'est elle qui me tient debout. Mais ma vue se brouille sous l'effet de la douleur. Tout devient noir.
Je ne suis pas un mec parfait. Mais je ne suis pas non plus le plus mauvais. Il y a pire, nettement pire. J'ai quand mĂȘme fait des trucs bien dans ma vie. Je ne suis pas un connard Ă©goĂŻste et superficiel. Pas tout le temps. Des fois, oui. Mais pas tout le temps. Je suis aussi un mec bien des fois.
Ce cauchemar semble me reprocher d'ĂȘtre superficiel parce que j'accorde de l'importance Ă l'apparence des gens mais je suis aussi sensible Ă la beautĂ© des choses, de la nature en gĂ©nĂ©ral. Et ça, c'est vrai, c'est sincĂšre. C'est pour ça aussi que j'avais votĂ© pour cette randonnĂ©e en montagne. Parce que j'aime cette beautĂ©, cette perfection de la nature. C'est rassĂ©rĂ©nant, rassurant. C'est beau. C'est dans des endroits comme ça qu'on peut vivre des moments parfaits. Et c'est ce genre de moments que je voulais partager avec mes amis. Est-ce que ça fait de moi un salopard ?
Mais il a fallu que tout soit gĂąchĂ© par ces traĂźnards qui nous ont fait arriver en retard au gĂźte ! Que tout soit gĂąchĂ© par Marcy qui me demande plus que je n'Ă©tais disposĂ© Ă lui donner ! Merde ! Ce moment aurait pu, aurait dĂ» ĂȘtre parfait et ces cons ont tout gĂąchĂ©Â ! Et moi... j'ai tout gĂąchĂ© en perdant mon calme. Je n'aurais pas dĂ» m'Ă©nerver comme ça. Je n'aurais pas dĂ» envoyer paĂźtre tout le monde, je n'aurais pas dĂ» tirer la gueule et j'aurais dĂ» ĂȘtre plus cool avec Marcy.
Je ne suis pas un mec parfait. Mais je ne suis pas non plus le plus mauvais. Il y a pire, nettement pire. Mais des fois, je peux ĂȘtre un connard...
Et maintenant ?
Je me rĂ©veille... Ă l'hĂŽpital. Je suis dans une chambre, allongĂ© sur un lit. Je suis toujours Ă Silent Hill. Les murs sont dĂ©goĂ»tants et suintants. Je vois le brouillard Ă travers la fenĂȘtre. On dirait que mon mea culpa n'a pas suffi. Mais bordel ! Qu'est-ce que cette ville veut de plus ?
Je me lĂšve et regarde ma blessure. Elle ne s'est pas nettoyĂ©e toute seule mais la douleur sâattĂ©nue. Je vais pour sortir de la chambre. Elle s'entr'ouvre mais quelque chose bloque derriĂšre. Je pousse, je force. Les vibrations remontent jusqu'Ă mon Ă©paule et me causent une douleur difficilement soutenable. L'espace d'un instant, ma vue se brouille. Je glisse par terre, m'adosse au mur et reprends lentement ma respiration. Je sens mon cĆur ralentir, la douleur pulser un peu moins. Mais, je le sais bien, ça ne suffira pas. L'espace d'un instant, j'ai peur d'ĂȘtre coincĂ© dans cette chambre jusquâĂ la fin de mes jours.
Je repense Ă ContrĂŽle. Il n'est ni mon ami ni mon ennemi. Je ne sais pas d'oĂč il sort celui-lĂ . Il m'a dit de rĂ©flĂ©chir. Il m'a mis en garde contre le Faucheur Zero et les Horlacanthes. Il a parlĂ© des Chairs Disparues. Ces mots et ces idĂ©es tournent en boucle dans ma tĂȘte. Je les laisse faire. Je n'ai plus que ça Ă faire de toute façon.
Ces mots et ces idĂ©es, je tente malgrĂ© moi de les attraper, de les assembler, d'en faire quelque chose qui a du sens. Je pense Ă la montagne, Ă cette beautĂ© que j'espĂšre revoir un jour. J'ai peur. J'ai peur de ne pas y arriver. Pas seulement arriver Ă sortir de cette chambre et de cette ville pourrie. J'ai peur de ne pas y arriver... tout court. De ne pas arriver Ă faire face. De perdre le contrĂŽle. Est-ce cela que m'ont renvoyĂ© Marcy et les autres ? Tout ne s'est pas passĂ© comme prĂ©vu et moi... j'ai pĂ©tĂ© un plomb. J'avais envie que tout soit parfait, que tout se passe comme prĂ©vu parce que... je gĂšre. La situation est sous contrĂŽle, son MON contrĂŽle. Il ne peut rien m'arriver. Je gĂšre. Je contrĂŽle. ContrĂŽle ? LĂącher prise. C'est ça ma difficultĂ©Â ? LĂącher prise ? Accepter de ne pas tout contrĂŽler, jusqu'Ă mon propre corps et mon propre esprit que je contrĂŽle. Je contrĂŽle mon esprit, je lui rends son calme et sa tranquillitĂ© quand je suis en montagne, lĂ oĂč tout est majestueux et... figĂ©. Pas comme la mer, toujours animĂ©e, en mouvement, dĂ©chaĂźnĂ©e et... incontrĂŽlable. Le corps, c'est son absence de contrĂŽle qui a fait de Marcy une grosse. Et c'est d'avoir rĂ©cupĂ©rĂ© le contrĂŽle qui lui a fait perdre du poids. Mais ai-je raison de voir les choses ainsi ? ContrĂŽle m'a dit de rĂ©flĂ©chir. Le miroir. Le miroir me renvoie une image. Il projette. Mais lĂ , c'est moi qui projette des choses. Je ne sais rien du passĂ©, des pensĂ©es profondes et intimes des uns et des autres. C'est moi qui projette sur eux ma perception de cette notion de contrĂŽle parce que... j'ai envie d'y voir confirmer que moi je contrĂŽle.
Je dois en finir avec ça. Je dois apprendre à lùcher prise, accepter de ne pas tout contrÎler, que tout ne soit pas parfait et... que ce n'est pas grave.
Et je dois trouver un moyen de sortir d'ici.
La douleur, l'ennui, le temps qui passe... J'avais fini par somnoler, puis m'endormir quand je fus rĂ©veillĂ© par une sirĂšne, comme celle qui annonce la fin du boulot Ă l'usine ou un bombardement imminent. Je sursautais et me rendis compte que je n'Ă©tais plus Ă l'hĂŽpital. Je n'Ă©tais plus dans une chambre. Je ne sais pas comment mais je m'Ă©tais retrouvĂ© dehors, dans la forĂȘt.
Le brouillard est toujours lĂ , omniprĂ©sent. Il fait presque nuit et je n'y vois quasiment rien. Je me sens mal, fiĂ©vreux. Ăa pulse douloureusement dans mon Ă©paule. Ă force de ne pas ĂȘtre soignĂ©, ça a dĂ» s'infecter. Maintenant, chaque pas est difficile. Je transpire. Je respire mal. Mes pas me guident tant bien que mal vers un bĂątiment en ruine. Ce qui reste de la structure est en acier. Il y a aussi des Ă©clats de verre. Mais tout est envahi par la vĂ©gĂ©tation. Il y a des tubes qui pendent de ce qui a Ă©tĂ© le plafond. Ă l'intĂ©rieur, il y a des traces de fluides sĂ©chĂ©s. Certaines sont marrons, d'autres jaunĂątres. Je ne reconnais rien. Je suis littĂ©ralement dans le brouillard. Non loin, j'entends un hibou hululer. Je me retourne dans la direction et voit l'oiseau se poser sur l'Ă©paule de cette chose que j'ai vu dans l'appartement, Ă Silent Hill. Cette tĂȘte en plaque d'os et ces quatre bras.
Nous nous regardons sans bouger. J'ai peur que si j'esquisse le moindre geste il ne jette sur moi et me tue. Si je ne fais rien, il me tuera aussi certainement. Je me sens Ă bout, au bout du chemin. J'ai fait ce que m'a dit ContrĂŽle, j'ai rĂ©flĂ©chi et j'ai fait mon mea culpa. Mais ça ne suffit pas, hein ? Ăa ne TE suffit pas ? Toi, tu es lĂ pour autre chose. Pourquoi ?
« Mais qu'est-ce que tu me veux, bordel ?!! »
Sur son épaule, le hibou déploie ses ailes, pousse un long hululement et s'envole. La chose me fixe de ses yeux noirs et me dit d'une voix claire et douce :
« Je suis le futur. »
Et une faux apparaßt entre ses mains. Je cours, malgré la douleur.
Je n'ai que le temps de faire que quelques pas que je sens la lame s'enfoncer dans mon dos. Je la vois nettement ressortir par ma poitrine. La douleur fulgurante me fait prendre conscience de l'exacte position de mon poumon droit. Je sens la lame qui le transperce. Je vois le sang sur la lame.
Je vais mourir. En vĂ©ritĂ©, je suis dĂ©jĂ mort. Je suis mort depuis que j'ai mis les pieds Ă Silent Hill. Je suis mĂȘme peut-ĂȘtre mort avant d'arriver. En vĂ©ritĂ©, je ne sais pas quand ni de quoi je suis mort. Je suis mort, c'est tout.
Que dira-t-on de moi ? Il n'Ă©tait pas un mec parfait. Mais il n'Ă©tait pas non plus le plus mauvais. Il y a pire, nettement pire. Il a quand mĂȘme fait des trucs bien dans sa vie. C'Ă©tait pas un connard Ă©goĂŻste et superficiel. Pas tout le temps. Des fois, oui. Mais pas tout le temps. C'Ă©tait aussi un mec bien des fois.
GAME OVER
Réponse de Thomas :
A. "Ce n'est pas un jeu mais ai-je d'autres choix que de le jouer ?" Dur d'ĂȘtre un PJ...
B. Intéressant le chassé-croisé temporel. Je suppose qu'on aurait pu affiner en faisant littéralement passer le personnage d'une époque à une autre en emprunter certains passages (il y a avait un truc à faire avec le miroir).
C. Je me dis qu'à partir de cette expérience d'horreur urbain, tu pourrais avoir envie de tester S'échapper des Faubourgs... Mais je ne sais pas trop comment retranscrire le jeu en solo...
D. Le final joué avec Bois-Saule permet réellement une invasion de Silent Hill par Millevaux...
E. J'ai l'impression que c'est le plus littéraire de tes solos... C'est vraiment écrit comme une nouvelle !
Réponse de Damien :
A, c'est le pti clin d'oeil. le jdr est un jeu, Silent Hill est un jeu mais pour le PJ c'est du sérieux ^^
B, oui c'est parfois ce qui est un peu frustrant dans le jdr justement. il y a plein de pistes qui se dégagent mais une qui s'impose et si ce n'est pas une fausse piste... et bien on finit le scenar sans avoir pu creuser les autres. si cela avait une nouvelle ou un roman, là , c'est clair que certains éléments auraient soit disparus soit été approfondis justement.
C-oui, celui-lĂ aussi je l'ai vu mais, j'avoues, pas eu le temps de mettre le nez dedans ? un Ă©tage de plus Ă la pile Ă lire ^^ vivement le chĂŽmage XD
D-Bois Saule est quand mĂȘme vachement pratique pour ce genre de situation. il permet d'introduire des Ă©lĂ©ments typiquement millevaliens grĂące Ă toutes ses entrĂ©es concernant lieux et crĂ©atures etc et avec un systĂšme de rĂšgles ultra light qui ne contredit pas celui que je peux avoir utilisĂ© pour le dĂ©but du scĂ©nar. et j'aime dĂ©finitivement cette idĂ©e de Millevaux comme une maladie qui se rĂ©pand de monde en monde pour les corrompre. lĂ , j'aimerais alterner des scĂ©nars dans des mondes menacĂ©s par Millevaux avec des scĂ©nars qui se situeraient dans Millevaux ou un monde dĂ©jĂ bien contaminĂ©. je verrais bien comment ça se passe ^^
E-je ne sais pas si c'est le CR le plus littĂ©raire (surtout que ce sont toujours des 1er jets non retouchĂ©s) mais c'est vrai que celui-lĂ a Ă©tĂ© particuliĂšrement "bizarre " Ă jouer. je joue Ă Silent Hill dans la perspective du 2, donc trĂšs introspectif. Silent Hill dans ses diffĂ©rentes versions sont des produits et des versions du "problĂšme" du PJ et là ça a vraiment une tournure non seulement pas prĂ©vue Ă l'origine mais finalement rĂ©ellement introspective. Peut-ĂȘtre le plus introspectif de tous mes CR pour le coup.
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SOLITUDES CROISĂES
Suite de la campagne Millevaux Mantra. Quand lâerrance de vagabonds dĂ©sespĂ©rĂ©s ne finit jamais par se rencontrer. Un rĂ©cit et une partie enregistrĂ©e par Claude FĂ©ry
(temps de lecture : 3 min ; temps d'Ă©coute : 2h53)
Session jouée le 31/08/19
Le jeu : La StĂšle au cĆur des plaines, un jeu de rĂŽle d'errance post-soviĂ©tique par CĂŽme Martin
Lire / télécharger partie 1 (1h40)
Lire / télécharger partie 2 (1h13)
alex yosisof, cc-by-nc-sa
Les photos suivantes sont de Claude FĂ©ry, par courtoisie.
L'histoire :
La session proposée cet aprÚs-midi était comme trop souvent un peu trop ambitieuse.
J'envisageai une plongĂ©e dans Millevaux Mantra suivie d'une sĂ©quence de la StĂšle au cĆur des plaines.
La premiÚre partie de la session a consisté en la plongée dans un puits aux ùmes pour échapper à une menace surgie dans leur Millevaux, vue successivement par chacun des personnages.
La seconde a consisté à envisager l'émergence dans un nouveau monde sous la teinte de Millevolodine.
Sur ce point nous avons plongé chacun dans nos turpitudes sans parvenir réellement à croiser nos préoccupations.
Les autres joueuses ont été trÚs créatives.
Elles ressortent satisfaites de la session.
Merci CĂŽme pour cet excellent jeu
RĂ©ponse de CĂŽme Martin :
Merci Ă toi d'y avoir fait jouer !
Claude :
Afin de livrer un commentaire un peu plus étoffé sur notre réception de ta création, CÎme, je dois préciser que nous n'avons pas l'habitude, à ma table, de l'offre de partage d'autorité narrative que propose Inflorenza.
Aussi, aprÚs une premiÚre lecture par mes soins, et une relecture individuelle par chacune des joueuses des cartons d'instructions, nous avons commencé (aprÚs avoir toutefois convenu que nos personnages seraient ceux que jouions dans la session précédente, contaminés par une Russie fantasmées post atomique) à évoquer des errances parallÚles quoique menées de concert.
J'ai pris la premiÚre instance avec un figurant croisé auparavant, Anatole, devenu pour les besoins de la cause Anatoli Kameniev.
Et d'emblée, sur les suggestions des cartons d'instructions, le ton s'est affirmé sur un mode désespéré.
Ma contribution, un peu longue a probablement plombé l'ambiance. Et chacune des instances suivantes avait une teinte de souffrance et d'espoir absent.
Chacun est demeurĂ© dans sa souffrance, sans que nous nous rencontrions, mĂȘme si nous intĂ©grions les apports des autres joueuses.
Cela tient également à l'intensité avec laquelle nous recevions, ce que nous pourrions qualifier comme confidences, de nos compagnes de voyage.
De fait, notre cheminement aurait pu ĂȘtre Solitude auquel on adjoint le pluriel, Solitudes donc, pour reconnaĂźtre nos efforts de conjugaison.
MĂȘme si nous avons ratĂ© le coche, le ressenti autour de la table Ă©tait trĂšs positif.
Beaucoup d'émotions et de plaisir éprouvé à la découverte de ce cheminement dans les plaines. A cet égard, Gabrielle et Alexane ont souligné la force évocatrice des cartons de décor.
Thomas :
Merci beaucoup pour ce retour ! J'ai quelques questions :
A. Y aura-t-il un enregistrement audio ?
B. Tu prĂ©cises que votre table n'est pas habituĂ©e Ă la narration partagĂ©e d'Inflorenza. J'aimerais prĂ©ciser deux choses : Inflorenza dispose aussi d'un mode avec MJ si besoin. Et La StĂšle au Coeur des Plaines est un jeu Ă part, ce n'est pas un thĂ©Ăątre pour Inflorenza. MĂȘme si Inflorenza dispose dĂ©sormais d'un thĂ©Ăątre, Millevolodine, Ă l'ambiance trĂšs proche et qui, il me semble, cite La StĂšle au Coeur des Plaines dans ces inspirations. Mais je pense que tu sais cela puisque je n'ai pas l'impression que vous ayez utilisĂ© les rĂšgles d'Inflorenza. Avez-vous utilisĂ© les Ă©lĂ©ments du thĂ©Ăątre Millevolodine ?
C. La StĂšle au Coeur des Plaines propose de jouer les relations entre personnages, mais, Ă mon humble avis, n'est pas vraiment outillĂ© pour (les cartes aidant surtout Ă dĂ©crire des dĂ©cors et des rencontres avec des figurants). Partant de lĂ , je ne suis pas Ă©tonnĂ© que vous ayez obtenu un rĂ©cit de solitudes croisĂ©es. Je me demande ce que @CĂŽme prĂ©fĂšre comme rĂ©sultat au final. Les solitudes croisĂ©es, ça peut ĂȘtre bien aussi.
Claude :
A. Oui il y a un témoignage audio, mais j'hésite encore à le diffuser, à savoir est il pertinent au regard du jeu.
B. Je me référais à l'offre de jeu d'inflorenza, considérant, aprÚs la mise en jeu qu'il devrait y avoir un plus grand niveau d échange au sein de chaque instance
B. nous avons lu le théùtre aprÚs la mise en jeu
CĂŽme :
Oh moi tout me va, tant que les gens autour de la table sont contents ! J'ai tendance Ă penser que les relations entre personnages vont Ă©merger naturellement, mais c'est vrai que ça demande peut-ĂȘtre un groupe rodĂ© à ça. Cela dit, que ce soit par petites touches comme dans un film russe un peu lent c'est trĂšs bien !
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DRAGONFLY MANTRA
Suite de la campagne multivers, oĂč un passage dans le QuĂ©bec hantĂ© de Colonial Gothic entraĂźne une suite hallucinĂ©e avec pour moteur le jeu onirique Dragonfly Motel. Un enregistrement et un rĂ©cit par Claude FĂ©ry
(temps de lecture : 3 min, temps d'Ă©coute : 32 min)
Joué le 21/09/2019
Le jeu : Dragonfly Motel, un jeu-mirage pour voyages imprudents
Harry McGregor, cc-by-nc, sur flickr
Parties précédentes :
Solitudes Croisées
Suite de la campagne Millevaux Mantra avec le jeu La StĂšle au CĆur des Plaines. Quand lâerrance de vagabonds dĂ©sespĂ©rĂ©s ne finit jamais par se rencontrer. Un rĂ©cit par Claude FĂ©ry
[+ une session Colonial Gothic dont je n'ai pas de trace]
L'histoire :
Cet aprÚs-midi nous avons joué la suite de notre campagne.
Lors de la derniĂšre session nous nous Ă©tions arrĂȘtĂ© sur la dĂ©couverte d'un iroquois gisant au pieds d'un arbre Ă viande noire aux cĂŽtĂ©s d'une jeune fille Ă©garĂ©e dans les Mille-et-un vaux.
Nous n'Ă©tions que deux aussi avons nous choisi de jouer la suite sur le mode de Dragonfly Motel, version plume avec pour variation l'Ăźle Ă l'arbre Ă viande noire en guise de Dragonfly Motel.
Ce fut une trĂšs belle expĂ©rience tant pour Alexane que pour moi-mĂȘme.
RĂ©ponse de Thomas :
Je n'aurais jamais pensĂ© Ă jouer lâĂ©pisode d'une campagne avec Dragonfly Motel mais c'est une super idĂ©e ! Je vais Ă©couter ça avec attention ! Y a-t-il eu un enregistrement de la session prĂ©cĂ©dente, avec la dĂ©couverte de l'iroquois ?
Commentaires de Thomas aprĂšs Ă©coute :
A. Le format (Dragonfly Motel , jeu sans MJ, jeu Ă deux) vous oblige Ă alterner deux vies croisĂ©es de personnages, deux monologues qui se rĂ©pondent, câest trĂšs intĂ©ressant comme forme.
B. Les hĂ©sitations verbales dâAlexane coĂŻncident bien avec lâamnĂ©sie de son personnage (elle a un super flow au demeurant)
RĂ©ponse de Claude :
A. Avant de débuter la session Alexane craignait que nous ne dialoguions pas, mais assez vite nos motifs sont entrés en résonance.
B. Elle s'est beaucoup investie. En retour elle Ă©tait trĂšs Ă©mue et trĂšs heureuse de cette partie.
Elle m'a demandĂ© Ă jouer sur le mĂȘme mode lorsque nous jouerons en sĂ©ance plĂ©niĂšre
Thomas :
C. Comme je n'ai pas tout l'enregistrement, je voulais savoir : est-ce que toute la partie a Ă©tĂ© sur le mĂȘme mode que le dĂ©but (monologues croisĂ©s, personnages qui ne se rencontrent pas) ou est-ce qu'il y a eu plus d'Ă©changes par la suite ?
D. Avez-vous eu le sentiment de jouer une partie typique de Dragonfly Motel ?
Claude :
C. A la cinquiĂšme instance nous sommes croisĂ©s. Pierre Esprit doute de ses souvenirs et hĂ©site Ă reconnaĂźtre en Marie sa jeune sĆur tandis que celle ci considĂšre Pierre comme un fantĂŽme. Tous deux rejoignent l'Ăźlot et essuient les tirs des soldats françois qui les pourchassent.
C. Marie a interrogé son fantÎme protecteur.
D. Oui et non. Ce qui a profondĂ©ment Ă©mue Alexane, c'est qu'au travers de cette introspection elle est parvenue Ă Ă©prouver la dĂ©tresse Ă©motionnelle qu'elle a prĂȘtĂ© Ă son personnage. Oui encore dans la mesure oĂč ce personnage s'exprimait pour l'essentiel au regard de ses sentiments plus que de ses actions. Oui toujours dans la mesure ou le ton est demeurĂ© onirique.
Non dans la mesure oĂč j'ai investi un figurant qui plus est historique extĂ©rieur au dispositif et qu'Alexane a questionnĂ© son personnage qui existait avant la session.
Oui enfin, car sans Ă©voquer une romance, impossible oĂč pas, Ă©cartĂ©e par les voiles dĂ©ployĂ©s autour de la table, nous avons questionnĂ© ce que pourrait ĂȘtre la fraternitĂ© rongĂ©e par l'Ă©loignement et le syndrome de l'oubli.
DRAGONFLY MANTRA 2
Joué le 28/09/2019
Partie jouée avec Dragonfly Motel rÚgles version plumes et deux papiers supplémentaires
Trois joueuses
Le Dragonfly Motel est la ville de Trois RiviĂšres en Nouvelle France
Bande son PriĂšre Gabriel FĂ©ry the final sound the cure Bader Cocoon Christophe Petchenatz l'inconfort ZaĂŻre soundscape Nikongolo
J'avais rĂ©digĂ© mes papiers avec Pierre Esprit en tĂȘte et je jouerai un donnĂ©
A l'issue de la partie Alexane et Xavier veulent jouer la suite de l'errance de leurs personnages, Samael et Marie, avec SĂšve, (demande de Xavier).
Ils regrettent tous les deux l'absence des deux grands mais sont trÚs enthousiastes sur la partie jouée
RĂ©ponse de Thomas :
A. Super ! Merci pour les photos qui permettent de se rendre compte de toute la richesse du dispositif.
B. Y a-t-il eu un enregistrement de la partie ?
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LE PEUPLE DU MONOLITHE
Retour dans la citĂ© amĂ©ricaine de Sturkeyville dans les annĂ©es 20 pour un Ă©pisode lovecraftien oĂč la menace de la contagion par Millevaux se fait de plus en plus pressante ! RĂ©cit dâune partie solo par Damien LagauzĂšre.
(temps de lecture : 34 min)
Cette partie fait suite Ă Sturkeyville 2
Ce solo a été joué avec Black Stars Rise, Arkham Noir, Muses & Oracles, Imagia, le jeu de cartes des Folies de l'Appel de Chtulhu, le Solo Investigator Handbook, Lovecraftesque, Bois-Saule,
les Vertiges Logiques et 1000 Years Old Vampire.Â
Joué le 27/04/2019
N_Yoder, cc-by-nc-nd, sur flickr
Lâhistoire:
Damon Haze, 40 ans, est reporter pour la gazette locale. Lewis Hatecroft, 44 ans, travaille Ă la bibliothĂšque. Le 1er est connu pour ses papiers Ă la plume parfois assassine. Le 2nd, personne ne le sait, collectionne les ouvrages rares sur les sujets les plus variĂ©s et le plus Ă©sotĂ©riques. Haze a dĂ©jĂ dĂ» faire face aux consĂ©quences de ses actes littĂ©raires. Aussi, par prĂ©caution, il laisse toujours une copie de ses notes Ă Dick Hive, un dĂ©tective privĂ©. Il a aussi menĂ© une enquĂȘte sur Hatecroft et, ayant dĂ©couvert son secret, a finalement choisi de ne rien en dire. Ils sont mĂȘme devenu amis et passent de longs moments Ă discuter littĂ©rature, occulte ou non. Hatecroft a d'autres amis, plus Ă©tranges. Ainsi, Angel Corso, qu'il n'a jamais rencontrĂ© et ne rencontrera peut-ĂȘtre jamais, lui a fait don de son exemplaire du Peuple du Monolithe.
Sturkeyville, 23 juillet 1937. un vieil homme est mort, personne ne sait comment. C'Ă©tait une figure du coin, mĂȘme si on le ne voyait plus beaucoup. Il vivait seul dans le manoir au sommet de la colline. La rumeur dit qu'il possĂ©dait une collection de crĂ©atures Ă©tranges conservĂ©es dans des bocaux. Il n'en faut pas plus de ces deux mystĂšres pour Ă©veiller la curiositĂ© de Haze et Hatecroft.
En effet, Lewis reconnaĂźt ĂȘtre des plus intĂ©ressĂ©s par cette histoire de monstre en bocal. Et Damon est trĂšs curieux de savoir pourquoi le cabinet d'architecte de Daniel Upton tient tant Ă acquĂ©rir le manoir. On parla peu de littĂ©rature cet aprĂšs-midi. On tenta plutĂŽt d'Ă©chafauder un plan pour s'introduire dans le manoir du vieux Fieldfire.
Le vieux vivait seul. Il n'y a donc Ă priori personne au manoir. Cela ne devrait donc pas ĂȘtre un problĂšme de s'introduire Ă l'intĂ©rieur, surtout s'il fait nuit. En plus, le manoir est isolĂ©. Damon et Lewis sont donc plutĂŽt confiants dans leur entreprise et curieux de ce qu'ils vont bien pouvoir dĂ©couvrir. Haze rĂȘve dĂ©jĂ d'un article Ă sensations, Hatecroft d'une nouvelle piĂšce Ă sa collection.
C'est donc dans la nuit du 28 juillet que les deux amis décident de se rendre au sommet de la colline. Les nuages cachent la lune et ils n'y voient pas grand chose. Mais pour autant, il fait plutÎt bon cette nuit. Ni l'un ni l'autre ne sont des professionnels de la cambriole, mais Haze parvient à forcer la serrure sans trop de difficultés.
Toutefois, Ă peine aprĂšs avoir mis un pied dans le couloir, ils se figent. Il y a du bruit Ă l'Ă©tage. Des voix ! Quelqu'un est dĂ©jĂ lĂ . Lewis reconnaĂźt la voix de... Randolf Carter ! L'Ă©crivain est connu pour passer parfois ses vacances Ă Sturkeyville. Il y a aussi Ă©crit certains des ses ouvrages. Mais que fait-il ici ? Et Ă qui parle-t-il ? Damon fait signe Ă Lewis de se taire et de ne pas bouger. Il commence Ă grimper les premiĂšres marches de l'escalier mais celles-ci se mettent Ă grincer. Les voix s'arrĂȘtent aussitĂŽt. Que faire ? Rester lĂ et faire face Ă une situation gĂȘnante, voire dangereuse, ou s'enfuir aussi vite que possible ?
N'Ă©coutant que son courage... et la prudence (ils ne sont pas armĂ©s) Damon dĂ©vale les escaliers et entraĂźne Lewis avec lui Ă l'extĂ©rieur. Ils courent sans s'arrĂȘter jusqu'au vĂ©hicule de Damon, garĂ© un peu plus Ă l'abri des regards. Lewis est trĂšs déçu de la tournure des Ă©vĂ©nements mais comprend la rĂ©action de Damon. En effet, qu'auraient-ils pu faire si Carter et son camarade avaient Ă©tĂ© armĂ©s ? Toutefois, Damon voit le cĂŽtĂ© positif de la chose. Ils auront au moins appris qu'il n'y a pas qu'Upton qui s'intĂ©resse au Manoir, Carter aussi. Et si eux l'ont reconnu, lui par contre n'a normalement aucune idĂ©e de leur identitĂ©, ce qui est un avantage non nĂ©gligeable.
29 juillet :
Pas la peine d'attendre. Haze n'a dormi que quelques heures mais il se sent bien. Que faisait Randolf Carter dans ce vieux manoir en pleine nuit ? Et avec qui parlait-il ? C'est cela qu'il veut dĂ©couvrir. Carter est un Ă©crivain. Aussi, nul doute qu'il a dĂ» coucher par Ă©crit tout ou partie de ses projet concernant le manoir. C'est une personnalitĂ© Ă Sturkeyville. Tout le monde respecte sa tranquillitĂ© mais tout le monde le connaĂźt et sait oĂč il loge quand il vient dans cette petite ville. Et Haze le sait aussi. C'est pourquoi, il a tout simplement dĂ©cidĂ© de se mettre en planque et d'attendre le bon moment pour s'introduire chez l'Ă©crivain.
Haze prend ses positions en fin de matinée. Il espÚre que Carter sortira déjeuner au restaurant, bénéficiant ainsi d'une heure et demie à deux heures pour trouver quelque chose d'intéressant. Pas de chance, il déjeune chez lui. Mais, il sort pour une promenade digestive en début d'aprÚs-midi. Haze espÚre juste qu'il ne rentrera pas trop tÎt.
Dans la rue, la vie suit son cours sans que personne ne lui prĂȘte spĂ©cialement attention. Une fois devant la porte ; la serrure s'avĂšre plus difficile Ă forcer que celle du manoir. Toutefois, il parvient quand mĂȘme Ă faire les choses proprement. Carter ne devrait se rendre compte de rien.
à l'intérieur, il n'y a pas un bruit. Haze cherche le bureau de l'écrivain mais quelque chose attire son attention dans le salon. Il y a là des bougies disposées à divers endroits le long d'un cercle tracé au sol. Les diverses lignes à l'intérieur du cercle forment un labyrinthe compliqué auquel semble répondre une peinture au plafond représentant un ciel étoilé. Quelque chose ne va pas dans cette représentation du ciel. Haze n'est pas astronome mais il a passé assez de temps à observer les étoiles pour savoir qu'elles ne sont pas placées au bon endroit. Il y a des constellations qu'il ne reconnaßt pas. Et, soudain, une tristesse aussi infinie et insondable que l'espace s'empare de lui. Il se sent attiré par le centre de ce cercle mais quelque chose le retient et le fait finalement fuir cette piÚce. Mais, avant de littéralement s'enfuir, il remarque un vieux carnet. L'espace d'un instant, il envisage de le voler mais préfÚre se limiter à en lire quelques passages.
« On m'appelle dĂ©sormais le Boucher. Je ne sais dĂ©jĂ plus qui j'Ă©tais avant. Avant ? Avant quoi ? Avant que ce Horla ne fasse de moi sa proie, puis son fils. Il m'a Ă moitiĂ© dĂ©vorĂ© mais ne m'a pas tuĂ©. Ă la place, il m'a fait ce qu'il estime ĂȘtre un cadeau mais qui est une malĂ©diction. Maintenant, moi aussi je dois tuer pour me nourrir. Et - est-ce Ă cause de cette nouvelle nature qui est la mienne ? - j'ai l'impression que mes souvenirs filent plus vite que le vent. Quel incroyable paradoxe alors mĂȘme que je suis maintenant quasiment immortel.
Plus que jamais, je veux me rappeler. Je veux me souvenir, ne pas oublier. C'est pour ça que je commence Ă Ă©crire. Ce carnet et ceux qui le suivront seront ma mĂ©moire. Ils seront ma tĂȘte quand je la perdrai. Mais je peux Ă©chapper Ă l'oubli. Pour cela, il suffit d'Ă©chapper Ă Millevaux. Plus facile Ă dire qu'Ă faire. Comment quitter cette forĂȘt maudite ? Comment fausser compagnie Ă Shub-Niggurath ? C'est un rĂȘve insensĂ©Â ! Aussi, c'est par le rĂȘve que je mâenfuirai. J'ai fait la connaissance d'un serviteur de Shub-Niggurath. Il s'appelle NoAnde et est un ancien shaman du clan des Arbres. Il connaĂźt les chemins secrets du rĂȘve qui relient les mondes. Il a acceptĂ© de m'aider. Il a ses propres buts, il ne fait pas ça pour m'aider mais peu importe. GrĂące Ă lui, je suis entrĂ© en contact avec un rĂȘveur d'un autre monde. Il s'appelle Randolf Carter et il va faire ce que je lui dis pour me permettre de quitter Millevaux et le rejoindre dans son monde.
Je sais maintenant pourquoi NoAnde a acceptĂ© de m'aider. Il voit dans ma fuite le moyen d'ouvrir un passage vers un autre monde Ă offrir Ă Shub-Niggurath. Il se servait de moi encore plus que je ne l'imaginais. Mais je ne laisserai pas cette forĂȘt me rattraper. Aussi, quand est venue la faim, c'est NoAnde qui l'a apaisĂ©e. Maintenant, son sang coule dans mes veines. Je fuirai Millevaux mais la forĂȘt ne me suivra pas. Elle n'infectera pas le monde de Randolf Carter. »
Haze n'en revient pas de ce qu'il vient de lire. Il hĂ©site Ă en lire plus, Ă dĂ©rober le carnet mais le temps passe et il ne veut pas que Carter se doute de quoi que ce soit. Aussi, il le repose soigneusement lĂ oĂč il l'a pris en se promettant de revenir dĂšs que possible. Mais en attendant, il doit filer avant que l'Ă©crivain ne rentre et le surprenne. Il doit aussi raconter tout ça Ă Hatecroft. Que va en penser le bibliothĂ©caire ? Est-ce que le vieux possĂ©dait quelque chose dont Carter aurait besoin pour aider cette crĂ©ature d'un autre monde Ă rejoindre le nĂŽtre ? Est-ce que toute cette installation dans le salon doit servir de passage ?
29 juillet, en fin d'aprÚs-midi :
Lewis Hatecroft écoutait avec attention le récit de Haze et n'en revenait pas que son ami ne l'ait pas appelé pour cette aventure. Il aurait voulu voir tout ça de ses propres yeux. D'autant plus que certaines des choses mentionnées lui rappelaient ses lectures occultes. Il allait devoir passer du temps dans sa bibliothÚque, une bonne partie de la nuit, voire un peu plus.
Il remercia Haze pour toutes ses informations et il le remercia Ă©galement d'ĂȘtre passĂ© mais il avait prĂ©sentement du travail et il lui promis de le tenir informĂ© dĂšs qu'il aurait du nouveau. SitĂŽt Haze dehors, il s'empara du Peuple du Monolithe. Effectivement, certains poĂšmes parlaient bien de Millevaux, nommĂ©e aussi le Titan-Millevaux ou encore la ForĂȘt Verticale. Il s'agissait lĂ d'une crĂ©ation autant que du domaine ou mĂȘme d'un avatar de Shub-Niggurath, une divinitĂ© du fond des Ăąges et du cosmos que l'on pourrait assimiler Ă l'Ă©lĂ©ment-Terre. Mais Ă©tait-il possible d'en apprendre un peu plus ? Et surtout, quel dangers planent dĂ©sormais sur eux, sur Sturkeyville, voire sur le monde ? En effet, que cette crĂ©ature, ce Horla, ait ou non tuĂ© ce NoAnde, il n'empĂȘche que toute ouverture de passage entre les deux mondes permettra Ă Millevaux de s'introduire dans le nĂŽtre. Et cela, il faut Ă tout prix l'empĂȘcher.
Ce Horla, le Boucher comme on semble l'appeler, est en contact avec Carter et a besoin de lui pour ouvrir ce passage. Aussi, peut-ĂȘtre qu'il suffirait de rĂ©ussir Ă convaincre Carter de renoncer Ă son projet. Mais se laissera-t-il convaincre ? Acceptera-t-il seulement d'Ă©couter la voix de la raison ? Que lui a promis ce Horla en Ă©change de son aide ? Comment a-t-il pu faire confiance Ă une chose vue dans un rĂȘve et qui se fait appeler le Boucher ?
Hatecroft continuait Ă lire, Ă chercher des informations sur Millevaux, les Horlas et Shub-Niggurath quand l'horloge sonna minuit. Il sentait la fatigue s'abattre sur ses Ă©paules mais ne voulait pas aller se coucher avant d'avoir trouvĂ© quelque chose de vraiment significatif Ă rapporter Ă Haze. Et pourtant, il dut s'assoupir car il sentit entre ses mains Le Peuple du Monolithe, le livre, palpiter au rythme d'un cĆur qui bat. L'espace d'un instant, il eut l'impression que le livre Ă©tait vivant et cela le terrifia. Ses membres Ă©taient figĂ©s. Impossible de lĂącher le livre. Les larmes coulaient abondamment sans qu'il ne puisse les arrĂȘter ni mĂȘme sans vraiment savoir pourquoi il pleurait. Et le livre Ă©tait animĂ© de pulsations aux rythmes desquelles les mots semblaient s'animer tels d'horribles vers noirs. Il voulait jeter l'ouvrage au loin, s'en dĂ©barrasser, le brĂ»ler mais ne pouvait bouger. Et le visage de Carter lui apparut, flou Ă cause des larmes. MalgrĂ© sa peur, malgrĂ© le dĂ©goĂ»t inspirĂ© par le livre, il se sentait irrĂ©sistiblement attirĂ© par l'Ă©crivain, par le rĂȘveur. Et il l'entendit clairement s'exprimer ainsi :
« Ne rĂ©sistes pas, soumets-toi, rĂ©pares lâinjustice que tu as commises, la colĂšre du Morning Man provoquera des dĂ©gĂąts... »
Puis le visage de Carter disparut. Et tout disparut. Le livre, la bibliothĂšque... Tout ! Hatecroft se tenait maintenant au milieu d'une forĂȘt de sacs plastiques. Tout Ă©tait immobile. Les sacs Ă©taient figĂ©s. Pourtant, on voyait bien qu'ils Ă©taient agitĂ©s par le vent mais Hatecroft ne sentait pas ce vent et tout autour de lui Ă©tait figĂ©. Oui, il y avait du vent. Et mĂȘme un vent fort car les sacs Ă©taient quasiment Ă l'horizontal. Ils n'auraient pu se retrouver ainsi sans le vent. Et pourtant, il ne sentait rien. Le soleil se couchait. Ou plutĂŽt, il n'en finissait pas de se coucher. Ce n'Ă©tait pas ces sacs en plastique qui Ă©taient figĂ©s, c'Ă©tait le temps. Et lui, Hatecroft, pouvait-il bouger ? Oui, mais au prix d'un effort et d'une douleur considĂ©rable. Aussi, aprĂšs avoir seulement tentĂ© de lever le bras, il renonça. Pire, il haletait car il avait senti son os se briser. Et son cĆur s'emballait... au rythme des battements de cĆur du Peuple du Monolithe ? Et il ressentit alors une faim de loup. Simple consĂ©quence de sa blessure ? Non, c'Ă©tait autre chose. Une autre faim. Une faim de quoi ? Pas seulement de nourriture. Il ne pouvait tourner la tĂȘte sans risquer de se briser le cou mais il parvint Ă faire rouler ses yeux et voir ses mains se recouvrir d'Ă©corces d'arbres. Il sentait son cĆur battre. Et il sentait aussi que, dans ses veines, son sang cĂ©dait la place Ă autre chose. De la sĂšve. Et il vit quelque chose bouger Ă la pĂ©riphĂ©rie de son champ de vision. Une silhouette approchait. Et il sut qu'il s'agissait du Boucher. Son visage Ă©tait horrible, Ă cause des profondes cicatrices qui le dĂ©figuraient. Mais ce n'Ă©taient pas de simples cicatrices. C'Ă©tait des symboles. Il reconnut certains des signes qu'il avait vu reproduits dans les ouvrages de sa collection. Le Boucher Ă©tait marquĂ© du Signe des Anciens. Mais aussi des symboles typiques des adorateurs de Shub-Niggurath et du Dieu-Insecte. D'autres formaient des entrelacs dont il supposait qu'il s'agissait de pentacles rituels, des sortilĂšges peut-ĂȘtre. Et il se pencha pour lui chuchoter Ă l'oreille.
« Le Non-Sens Ălectronique... Comment la retrouver ? »
Puis Hatecroft se retrouva de nouveau chez lui.
Et la piÚce fut envahie par une nuée d'insectes.
Ă son grand soulagement, tout cela n'avait Ă©tĂ© qu'une sorte de rĂȘve Ă©veillĂ© mais, son bras Ă©tait bel et bien brisĂ©.
31 juillet :
Haze était trÚs fier du papier qu'il a écrit à propos de Carter. L'écrivain est une figure appréciée à Sturkeyville et il s'est fait fort de d'égratigner son image de marque en racontant avoir appris d'une « source sûre » et tenant à rester anonyme que Carter s'était rendu de nuit dans le manoir sur la colline. L'article mentionnait également ses relations avec la « pÚgre ». Ainsi, faisait-il allusion au « Boucher ».
C'Ă©tait donc le sourire aux lĂšvres qu'il se rendit chez Hatecroft, convaincu que suite Ă l'article qui Ă©tait paru le matin mĂȘme, Carter allait forcĂ©ment ĂȘtre obligĂ© de rĂ©agir et de se dĂ©voiler. Mais son sourire s'effaça devant la mine du bibliothĂ©caire. Ce dernier avait le bras en Ă©charpe et les traits plus que tirĂ©s. Il lui offrit nĂ©anmoins d'entrer. Il avait des choses Ă lui dire.
Et Haze tomba des nues en apprenant ce qui s'Ă©tait passĂ©. Cette forĂȘt maudite existait donc. Et ce Boucher aussi. Et on en avait maintenant une description. Et tous ces dĂ©lires mystiques prenaient une dimension beaucoup plus concrĂšte dĂšs lors qu'on voyait l'Ă©tat du bras d'Hatecroft. Haze Ă©tait un esprit rationnel mais il avait aussi toute confiance en son ami. Celui-ci ne lui mentirait pas. Il ne lui raconterait pas de telles histoires s'il n'en Ă©tait pas convaincu.
Shub-Niggurath, Millevaux, le Dieu-Insecte et le Boucher... Et Carter qui semble travailler Ă ouvrir un passage entre nos deux mondes... Et le vieux dans tout ça ? Qu'est-ce qu'il avait dont Carter a besoin pour son projet ? Ăa, ils vont peut-ĂȘtre bientĂŽt le savoir. En effet, Haze sait par expĂ©rience que ses articles sont pris au sĂ©rieux par la police. Aussi, mĂȘme si Carter est une personnalitĂ©, il sera forcĂ©ment convoquĂ© au commissariat pour rĂ©pondre Ă quelques questions. Il faudra donc en profiter pour se rendre de nouveau chez lui. Et Haze a placĂ© un indicateur devant chez l'Ă©crivain pour ĂȘtre informĂ© du moment oĂč il se rendra Ă ladite convocation qui ne manquera pas de tomber. En attendant cela, Hatecroft reprend du poil de la bĂȘte.
En sortant de chez Hatecroft, Haze se hĂąta de rejoindre son indicateur qui lui affirma que Carter Ă©tait sorti de chez lui prĂ©cipitamment. Il ajouta mĂȘme que ce dernier avait l'air inquiet. Haze le remercia et fit le tour de la maison pour forcer la porte de derriĂšre.
L'intĂ©rieur baignait dans la lumiĂšre agrĂ©able de l'Ă©tĂ©. Pour un peu, Haze se serait servi un verre. Mais il avait d'autres projets en tĂȘte. Il retourna dans le salon et chercha le vieux journal. Mais celui-ci n'Ă©tait plus lĂ . Carter avait dĂ» le ranger quelque part, mais oĂč ? Il y avait un placard dont la porte Ă©tait fermĂ©e Ă clĂ©. C'Ă©tait idiot. Il y avait de grandes chances que ce soit lĂ , dans cette piĂšce qui devait servir de rituel afin de communiquer avec le Boucher, que se trouve le journal. Pour autant, cela n'aurait pas Ă©tĂ© trĂšs prudent ni trĂšs malin de forcer cette porte. Mais aprĂšs tout, n'avait-il pas dĂ©jĂ forcĂ© la porte de derriĂšre ?
Cette serrure ne prĂ©sentait pas beaucoup plus de difficultĂ©s que l'autre mais Haze fut interrompu par une voix Ă l'accent bizarre. Il se retourna et se retrouva face Ă un homme d'une maigreur extrĂȘme. Il avait les yeux d'un noir profond. Il Ă©tait quasiment nu et ne portait qu'une sorte de pagne. Tout le reste de son corps Ă©tait recouvert d'une sorte de peinture verte. L'homme riait. Il parlait mais Haze ne comprenait pas la plupart des mots. Mais il en reconnut certains malgrĂ© tout. Millevaux et Shub-Niggurath revenaient plusieurs fois.
L'homme Ă©tait lĂ , riant et dĂ©lirant dans cette langue inconnue. Il ne bougeait pas et Haze en arriva mĂȘme Ă se demander s'il le voyait vraiment. Puis, au delĂ -de cette maigreur, de ces yeux noirs et de cette peinture verte, il reconnut Joe Mazurewicz, le voisin de Carter. Mais que lui Ă©tait-il arrivĂ©Â ? Ătait-ce Carter qui avait fait de lui cette Ă©pave ? Comment et pourquoi ? Ătait-ce lui qui Ă©tait avec Carter l'autre nuit au manoir ? Mazurewicz Ă©tait-il seulement en capacitĂ© de communiquer ? Haze tenta le coup.
Et Mazurewicz reprit sa voix normale. Et il expliqua qu'il n'Ă©tait pas avec Carter cette nuit lĂ . Oui, il avait bien conscience que Carter lui avait fait quelque chose. Mais il n'Ă©tait pas capable de dire quoi. Il souffrait de cet Ă©tat mais ne cherchait pas Ă fuir l'influence de Carter car quelque chose, quelque part, l'enjoignait Ă poursuivre ce qui lui apparaissait comme une quĂȘte dont il ne saisissait ni les tenants ni les aboutissants. Oui, il allait se passer quelque chose. Il se passait dĂ©jĂ quelque chose. Mais quoi ? Joe Mazurewicz savait mais... il lui Ă©tait impossible de le dire autrement qu'en utilisant les mots de la Langue Putride. Or, ces mots Ă©taient maudits. Et si Haze les entendait, il serait maudit lui aussi.
Haze profita de ce que Mazurewicz semblait avoir retrouver son calme et sa raison pour s'esquiver. Il lui fit promettre de ne rien dire de sa « visite » mais se doutait qu'il ne pourrait rien cacher trÚs longtemps à Carter. Plus que jamais, le temps lui était compté.
31 juillet, chez Hatecroft
AprĂšs le dĂ©part de son ami, Hatecroft ressentit le besoin de se reposer. Il s'installa dans son fauteuil et chercha le sommeil. Il ne trouva que des sombres pensĂ©es qui s'agitaient et cherchaient, finalement, Ă s'assembler comme les piĂšces d'un puzzle qui prendrait enfin sens. Il repensa Ă ce que lui avait dit cette chose scarifiĂ©e dans son « RĂȘve ».
« Le Non-Sens Ălectronique... Comment la retrouver ? »
Le monstre aurait dĂ» dire « Comment LE retrouver ? » Mais comment trouver du non-sens ? Qu'est-ce d'ailleurs que le non-sens ? Est-ce l'absence de sens ? Est-ce l'opposĂ© d'un « oui-sens » ? Hatecroft en Ă©tait Ă se dire que le vĂ©ritable non-sens n'Ă©tait pas l'absence de sens mais un sens que l'on ne comprenait pas, soit parce qu'il nous manquait des Ă©lĂ©ments Ă cette fin, soit parce que l'ĂȘtre humain n'Ă©tait tout simplement pas conçu pour accĂ©der Ă la comprĂ©hension de tel ou tel phĂ©nomĂšne.
Alors, ce monstre, ce Horla ?, avait semblait-il des problĂšmes de mĂ©moire. Ătait-ce sa mĂ©moire qu'il cherchait ? Pensait-il que retrouver ses souvenirs lui permettrait de mieux comprendre sa situation, de faire sens ?
Hatecroft tournait et retournait cette phrase dans sa tĂȘte. Elle l'obsĂ©dait. Le Non-Sens Ălectronique... lâĂlectronique Non-Sens... l'E. No-Sense... l'Innocence ! Ătait-ce possible que cela soit ça ? L'innocence ! Il chercherait Ă retrouver son innocence ? Sa nature d'ĂȘtre humain ? Peut-ĂȘtre pensait-il qu'il ne laissera pas que cette forĂȘt derriĂšre lui mais Ă©galement la malĂ©diction qui le frappe. Mais comment en avoir le cĆur net ? En retournant dans cette forĂȘt, dans ce cauchemar.
Hatecroft se dirigea vers un des rayonnages de sa bibliothĂšque Ă©sotĂ©rique. Il chercha et finit par trouver le grimoire dont il avait besoin. LĂ , il y avait un sort permettant de voyager entre les mondes par le biais du rĂȘve. Il voulait se reposer, il allait rĂȘver.
Il lut et relut attentivement le texte du rituel. Il se mit en condition et exĂ©cuta les mots en langues anciennes. Il fit aussi les gestes, autant que son bras le lui permettait. Les bougies Ă©taient allumĂ©es, l'encens brĂ»lait. Les symboles Ă©taient tracĂ©s au sol et sur les murs. Alors, il se rassit dans son fauteuil et attendit le sommeil et le rĂȘve.
Mais autre chose se passa. Il ne dormit pas. Au contraire, il Ă©tait totalement Ă©veillĂ© quand de la terre Ă©mergea entre les lames du parquet. Il vit des racines courir le long des plinthes et du lierre grimper le long des murs. Par la fenĂȘtre, il voyait les rues de Sturkeyville. Mais, quand il regardait ses murs, il voyait une forĂȘt s'Ă©tendre. Et concrĂštement, elle s'Ă©tendait. Elle gagnait en expansion. Hatecroft voyait son horizon dĂ©filer, se construire en quelque sorte sous ses yeux. Il ne bougeait pas de son fauteuil. Il avait l'impression que toute tentative pour se mouvoir ne lui briserait pas les membres comme la derniĂšre mais... il avait peur.
Et il avait tellement peur qu'il glissa malgrĂ© tout de son fauteuil. Il Ă©tait maintenant recroquevillĂ© sur lui-mĂȘme et ne pouvait retenir ses larmes. Et on posa une main sur son Ă©paule. Hatecroft tourna pĂ©niblement la tĂȘte et ne reconnut pas l'ĂȘtre qu'il avait dĂ©jĂ vu. Juste au-dessus de lui se tenait une espĂšce d'ombre Ă l'allure seulement vaguement humaine. La chose n'avait pas de visage, seulement des tĂ©nĂšbres. Une main noire Ă©tait posĂ©e sur son Ă©paule mais Hatecroft voyait distinctement s'agiter des grappes de tentacules dans le dos de cette ombre. La lumiĂšre Ă©tait plus faible autour d'elle, comme si elle l'aspirait. Et elle aspirait le bruit aussi. Elle retira sa main et changea de forme pour devenir une espĂšce de ver ou plutĂŽt de mille-pattes, mais de la taille d'un lion. Le silence rĂ©gnait mais un bourdonnement se fit entendre quand la chose « parla ». Elle ne parlait pas rĂ©ellement mais Hatecroft comprenait pourtant.
« Je suis l'Assiminihilateur. Je détruis en assimilant. Ce que je détruis devient une partie de moi. La matiÚre, la lumiÚre, le son, je me nourris. Les sentiments, la raison, la peur, la joie, je m'en nourris. L'Innocence, je m'en nourris. »
Cette horreur était-elle celle qui avait maudit l'homme scarifié ? Hatecroft réussit à balbutier sa question.
« Oui, mais... le débarrasser de son innocence a provoqué un événement inédit. Cela n'était pas arrivé avant. Veux-tu que j'essaye encore ? »
Ce monstre lui proposait-il de lui infliger la mĂȘme chose ? Avec le risque de tout simplement mourir ?
Ce qu'il voulait un cri se révéla un geignement.
« Non... »
Et le ver changea de nouveau de forme et prit celle d'un Ă©norme chien sombre qui... dĂ©tala ! Et, Ă mesure que le chien, cet Assiminihilateur, s'Ă©loignait, la forĂȘt cĂ©dait la place Ă un intĂ©rieur. Mais pas celui d'Hatecroft. En rĂ©alitĂ©, il Ă©tait maintenant allongĂ© en bas d'un escalier. Parvenant Ă se relever, il monta et se retrouva dans une mansarde dont les coins au niveau des murs, du toit et du plancher formaient des angles Ă©tranges.
Il n'y avait lĂ personne et Hatecroft n'avait aucune idĂ©e de lĂ oĂč il Ă©tait. Il n'y avait lĂ aucune fenĂȘtre. Il aurait pu redescendre mais quelque chose l'en empĂȘchait. Et si cette maison n'Ă©tait pas vide ? Si on l'agressait encore ? Si ce qu'il pouvait trouver ici disparaissait le temps qu'il revienne ? Non, il devait comprendre le mystĂšre de cette mansarde. Ensuite, seulement, il se dĂ©ciderait Ă quitter les lieux.
Il examinait soigneusement la piÚce, explorait chacun de ces angles étranges, y cherchant une signification, un point commun avec quelque chose qu'il aurait lu ou vu ailleurs. Rien ! Puis, il entendit quelqu'un chanter. C'était une voix aiguë dans une langue inconnue. Cela venait d'en bas. Alors, il descendit.
Au rez-de-chaussĂ©, il reconnut la maison sur la colline, celle du vieux. Il suivit le chant jusqu'Ă la salle de jeu. Il ouvrit la porte et se retrouva face Ă un homme Ă demi-nu et recouvert de peinture verte. Il Ă©tait d'une extrĂȘme maigreur et s'arrĂȘta de chanter quand il vit Hatecroft. Il avait l'air fĂąchĂ© et, spontanĂ©ment, Hatecroft s'excusa de son intrusion involontaire. L'homme ne se prĂ©senta pas mais prĂ©tendit parler au nom des Baleines Verticales.
Verticales ? Hatecroft pensa aussitĂŽt Ă cet autre nom de Millevaux, la ForĂȘt Verticale. Qu'est-ce que cela voulait dire ? Et qu'est-ce que ces Baleines avaient Ă lui dire, Ă lui ?
« Une traversée victorieuse se paie du prix du sang. Alors, le voyageur trouvera sa place à la table du festin. »
Hatecroft tentait de comprendre. Carter Ă©tait en communication avec un ĂȘtre d'un autre monde. Ce dernier, maudit par un monstre, un Horla, cet Assiminihilateur, voulait fuir son monde. Il espĂ©rait, peut-ĂȘtre, que rejoindre notre monde lui permettrait de mettre un terme Ă cette malĂ©diction qui l'affligeait. Aussi, il avait besoin de l'aide de Carter et ce dernier semblait disposĂ© Ă l'aider. Mais pourquoi ? L'Ă©crivain avait visiblement tentĂ© d'ouvrir un portail chez lui mais il y avait chez le vieux quelque chose dont il avait manifestement besoin. Ătait-ce dans cette mansarde ? Ătait-ce cette mansarde elle-mĂȘme d'ailleurs ? Mais, ouvrir un portail supposait le risque que la malĂ©diction de Millevaux et de Shub-Niggurath se rĂ©pande dans le notre. Aussi, il fallait absolument stopper Carter. Et maintenant, cet homme Ă©trange lui parlait de Baleines Verticales.
Le voyageur, s'agissait-il de cet ĂȘtre qui voulait gagner notre monde ? Le prix du sang ? Pour qui cette traversĂ©e serait la plus dangereuse ? Pour lui-mĂȘme ou pour nous ?
« Carter a-t-il conscience des risques qu'il nous fait courir ? »
Hatecroft cria cette question qui resta sans réponse. En effet, l'homme peint en vert recula et sa silhouette devint floue pour finalement disparaßtre. Et Hatecroft ne put contenir un long hurlement.
Il resta un long moment Ă hurler dans cette salle de jeu. Puis, son cri mourut mais il resta encore un long moment figĂ© dans ce cri silencieux. Puis, au matin, alors que s'annonçait une canicule, il sortit et rentra chez lui. C'est en se dĂ©barrassant de sa veste qu'il trouva dans sa poche des billets pour le ferry en direction de l'Ancien Monde. Il y avait lĂ tout le nĂ©cessaire afin d'effectuer un trajet jusqu'au dĂ©troit de BĂ©ring, lĂ oĂč s'Ă©lĂšve ce site qu'on appelle l'AllĂ©e des Baleines.
Deux billets, cela incluait Haze Ă©videmment.
1er août,
Haze ne comprenait pas vraiment comment Hatecroft Ă©tait entrĂ© en possession de ces billets pour le dĂ©troit de BĂ©ring. Toutefois, le temps pressait. Le dĂ©part Ă©tait proche et il n'Ă©tait pas du tout prĂȘt Ă quitter Sturkeyville, surtout pour une destination aussi lointaine. Pourtant, il allait partir. Il ne comprenait pas les motivations de Mazurewiecz mais l'homme en vert avait rĂ©ussi Ă semer le doute dans son esprit. Il n'Ă©tait plus vraiment sĂ»r qu'il soit si mal-intentionnĂ© que ça. L'homme n'Ă©tait pas clair, cela Ă©tait certain. Mais il n'Ă©tait peut-ĂȘtre pas leur ennemi. En fait, et Hatecroft partageait ce point de vue, il se demandait s'il n'Ă©tait pas « habité » par un esprit venant de Millevaux.
Avant de partir, Haze aurait voulu se confronter avec Carter. Mais il n'avait plus vraiment le temps et il ne voulait pas prĂ©venir un vĂ©ritable ennemi potentiel de ses intentions. Aussi, il choisit finalement de se rendre chez Mazurewiecz. Mais il ne fut pas reçu par un homme a moitiĂ© nu et peint en vert. L'homme Ă©tait habillĂ© et ne montrait aucune trace de peinture. Et sans le trouver d'une trĂšs bonne constitution, il avait quand mĂȘme l'impression qu'il Ă©tait moins maigre que la derniĂšre fois oĂč il l'avait vu. Il se prĂ©senta et eut l'impression que Mazurewiecz ne le reconnaissait pas. Haze le sonda du regard mais ne discerna rien tendant Ă montrer qu'on cherchait Ă lui cacher quelque chose. L'homme le fit poliment entrer et lui offrit du thĂ©.
Haze Ă©tait dĂ©contenancĂ© et ne savait pas par oĂč commencer. Aussi, il aborda timidement la question de Carter afin de savoir ce que cela supposait de vivre Ă cĂŽtĂ© d'une personnalitĂ©. Mazurewiecz se montrait aussi sympathique et serviable que possible. La question de Haze le fit rire car il avoua n'ĂȘtre pas du tout lecteur des romans de Carter. Aussi, il Ă©tait un peu gĂȘnĂ© quand il le croisait. Il ajouta aussi qu'il prĂ©fĂ©rerait ĂȘtre damnĂ© que de devoir reconnaĂźtre devant l'auteur qu'il ne l'avait jamais lu. Haze se demandait ce qu'il faisait lĂ . Quand une ombre sur le mur capta son regard. Il n'Ă©coutait plus Mazurewiecz que d'une oreille distraite.
Cette ombre Ă©tait Ă©trange. Elle bougeait... toute seule ? En tous les cas, ce n'Ă©tait pas naturelle. Sur le mur, derriĂšre Mazurewiecz qui ne semblait se rendre compte de rien, il se dessinait une Ăźle. Des formes bougeaient. Des arrĂȘtes s'Ă©rigeaient. Par quelle magie ? Haze se sentait de plus en plus mal. Il n'aurait pu le prouver mais il Ă©tait convaincu qu'il s'agissait lĂ de cette fameuse AllĂ©e des Baleines ? S'agissait-il lĂ d'un indice ou au contraire cherchait-on Ă l'effrayer et le dissuader de s'y rendre ? Puis l'ombre prit la forme d'un masque qui Ă©clata en une multitude d'insectes sombres rampant dans tous les sens.
Haze tomba de son fauteuil et se roula en boule.
4 août,
Remis de sa crise, Haze fut incapable d'expliquer comment il avait quittĂ© le salon de Mazurewiecz. Hatecroft tenta de rencontrer Mazurewiecz, en vain. L'homme avait disparu. Et comme la date du dĂ©part approchait Ă grands pas, il n'a pas insistĂ©. Il a Ă©galement renoncĂ© Ă rencontrer Carter. Que celui-ci tente de mener son projet Ă terme. Eux, tenteraient de l'en empĂȘcher. C'Ă©tait maintenant une course contre la montre.
L'avion aurait certainement été plus rapide, mais c'était deux billets pour le ferry en partance de Los Angeles qu'Hatecroft avait trouvé dans son manteau. Aussi, le trajet allait prendre plusieurs jours. Cela laisserait le temps à son bras de se consolider et à Haze de se remettre de ses émotions.
La premiĂšre journĂ©e, ils parlĂšrent peu de tout cela et encore moins de ce qu'ils allaient faire une fois arrivĂ©s. En fait, ils Ă©taient tous deux convaincus que Mazurewiecz Ă©tait « habité » par un esprit venant de Millevaux mais ils n'auraient su dire s'il s'agissait de ce Horla soucieux de traverser les mondes ou ce fameux NoAnde qui avait disparu. Ătait-il possible qu'il s'agisse d'encore quelqu'un d'autre ?
Hatecroft se coucha tĂŽt. Il fĂ»t rĂ©veillĂ© par une Ă©trange chaleur. Mais la tempĂ©rature ne cessait de changer Ă un rythme trĂšs rapide et avec des Ă©carts importants. En nage et glacĂ©, il se rĂ©solut Ă se lever. Il fit quelque pas dans sa cabine mais se sentait mal, en danger. Il Ă©tait en proie Ă un inexplicable sentiment d'insĂ©curitĂ©. Pourtant, il Ă©tait seul. Il regardait autour de lui et se surprit Ă chercher du regard ses livres, ses prĂ©cieux ouvrages. Loin d'eux, il se sentait mal, en danger. C'Ă©taient ses livres qui le protĂ©geaient. Ici, en pleine mer, sans ses livres, il se sentait horriblement vulnĂ©rable. Les encyclopĂ©dies auraient pu expliquer cet Ă©trange phĂ©nomĂšne de chaud et froid. Et ses livres occultes lui auraient fourni un moyen de combattre toute influence surnaturelle. Il connaissait bien quelques rituels mais Ă©tait-ce bien prudent d'en user ? Non ! Non ! Il devait se raisonner, rester calme. Il arrĂȘta alors de faire les cents pas. Il ferma les yeux et se contraint Ă respirer lentement. Une fois apaisĂ©, il ouvrit les yeux et vit... une caverne. Il n'aurait su dire pourquoi mais il eut le sentiment profond qu'il s'agissait d'une mĂ©taphore, d'un symbole. Cette caverne Ă©tait sans nul doute la mĂ©moire que ce Horla voulait explorer, sa mĂ©moire qu'il voulait retrouver. Ătait-ce le but de leur voyage ?
Un crissement le tira de ses pensĂ©es. Dans un coin de la piĂšce, il vit un rat courir le long du mur et se fondre dans les ombres. Il s'approcha du trou d'oĂč Ă©tait sorti l'animal et regarda. Il ressentit alors une vive douleur au sommet de la tĂȘte et, tentant de se relever, il perdit l'Ă©quilibre. La derniĂšre chose qu'il vit fut un marteau s'abattre sur son crane.
5 août,
Inquiet de ne pas voir son ami pour le petit-déjeuner, Haze se rendit alors dans la cabine d'Hatecroft. Il frappa mais n'entendit aucune réponse. AprÚs l'avoir cherché une peu partout et interrogé les membres de l'équipage et les autres passagers, il obtint du capitaine qu'on ouvre sa cabine à l'aide d'un passe. Là , il découvrit le corps d'Hatecroft, étendu à terre, le crane et le visage fracassé, recouvert de sang. Une piÚce d'or recouvrait chacun de ses yeux. Il se mit d'accord avec le capitaine pour garder le secret. Officiellement, Hatecroft était souffrant et devait garder le lit.
13 août,
Haze arriva enfin à cette fameuse Allée des Baleines et se demanda ce qu'il faisait là . Finalement, il ne savait plus vraiment ce qu'il était venu y chercher. Hatecroft décédé, tout ceci avait-il encore une finalité quelconque ? Il se convainquit que oui et arpenta ce site ancien et majestueux à la recherche d'un détail significatif.
Qui Ă©taient ces gens ? Qui Ă©taient ceux qui ont bĂąti cet endroit Ă partir d'ossements de baleines ? Quelque chose recouvrait-il ces cages thoraciques plantĂ©es dans le sol ou bien tout Ă©tait-il dĂ©jĂ comme ça ? Haze errait dans cette forĂȘt de cĂŽtes et de plaques osseuses. En rĂ©alitĂ©, il ne ressentait rien de particulier. La peine et le choc consĂ©cutifs Ă la mort d'Hatecroft sâeffaçaient lentement. Son humeur se stabilisait, Ă l'inverse de la mĂ©tĂ©o. Un vent froid se levait. Heureusement, il y avait quelque endroit oĂč se mettre Ă l'abri. Ainsi, Haze se retrouva accroupi derriĂšre une plaque d'os, une ancienne omoplate peut-ĂȘtre, et soufflait dans ses mains pour se rĂ©chauffer quand un mouvement furtif attira son attention. Une silhouette s'approchait en rampant. De loin, impossible de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Et puis, quelle Ă©trange façon de se prĂ©senter Ă lui ! Il se leva pour aller Ă la rencontre de celui ou celle qui rampait ainsi et dĂ©couvrit un cadavre (de femme ? C'Ă©tait difficile Ă dire vu son Ă©tat de putrĂ©faction avancĂ©.) se tortiller pĂ©niblement dans sa direction.
Haze ne parvenait pas à s'émouvoir de cette chose. Et comme elle se déplaçait lentement, il prit tout son temps pour choisir une pierre suffisamment lourde qu'il laissa tomber sur le crùne de la morte. Il reprit ensuite sa place à l'abri du vent et souffla de nouveau dans ses mains.
14 août,
AprĂšs une nuit agitĂ©e par de sombres cauchemars, Haze revint sur les lieux. Il se sentait mal. Il Ă©tait fatiguĂ© et nerveux. Pour autant, il n'avait pas de souvenir prĂ©cis des mauvais rĂȘves qui avaient troublĂ© son repos. Il ne se rappelait que de sorciers et de chiens menaçant. Il y eut aussi dans ses cauchemars, la menace d'un combat et la sensation d'ĂȘtre ballottĂ© par le hasard, de ne rien contrĂŽler.
Haze gardait en tĂȘte que ce lieu quasi dĂ©sertique Ă©tait liĂ© Ă cette forĂȘt de Millevaux. En effet, il s'agissait d'empĂȘcher Randolf Carter de rĂ©ussir Ă ouvrir un portail qui non seulement permettrait Ă un Horla de fuir la forĂȘt maudite, faisant ainsi entrer une sorte de vampire dans notre monde, mais surtout Ă la forĂȘt elle-mĂȘme de se rĂ©pandre et contaminer notre rĂ©alitĂ©. Carter avait tentĂ© d'ouvrir un tel portail chez lui. Il en avait vu le pentacle tracĂ© au sol. Mais cela n'avait pas dĂ» fonctionner. C'Ă©tait sans doute pour cela que, sous l'influence peut-ĂȘtre de l'ĂȘtre qui avait un temps possĂ©dĂ© Mazurewiecz, il s'Ă©tait rendu dans l'Ă©trange mansarde du manoir du vieux, au sommet de la colline. Les angles peu conventionnels de ce grenier lui permettraient-ils de rĂ©aliser son projet ? Quoiqu'il en soit, c'Ă©tait peut-ĂȘtre ce mĂȘme ĂȘtre qui avait remis Ă Hatecroft deux billets pour venir ici. Aussi, d'une façon ou d'une autre, cet endroit Ă©tait liĂ© Ă Millevaux. Et Haze se demanda alors si l'AllĂ©e des Baleines n'Ă©tait pas un ancien lieu de culte et de rituel. Et si, ici mĂȘme, en des temps anciens, on avait tentĂ© d'ouvrir ou de fermer des portails vers d'autres monde ? Et qu'attendait vraiment celui qui avait remis ces billets Ă Hatecroft ? Ce lieu Ă©tait-il assez puissant pour contrer le rituel de Carter ou, au contraire, allait-il lui confĂ©rer encore plus de pouvoir ? Et, l'espace d'un instant, Haze se surprit Ă penser que ceux qui avaient bĂąti ce site avaient peut-ĂȘtre empruntĂ© un de ces portails. Peut-ĂȘtre s'Ă©taient-ils rendu dans cette forĂȘt de Millevaux ?
NoAnde, le shaman qui avait enseignĂ© son art au Horla, semblait animĂ© de ses propres buts. Il semblait vouloir contaminer les autres mondes et rĂ©pandre la forĂȘt, un avatar de Shub-Niggurath Ă en croire certains ouvrages de la collection d'Hatecroft. Si c'Ă©tait bien lui qui avait remis ces billets Ă Hatecroft, ils n'auraient pas dĂ» venir ici et Hatecroft serait encore vivant. Mais, s'il s'agissait d'un autre esprit, il y avait donc lĂ le moyen de contrer Carter. Haze errait entre les ossements dressĂ©s vers le ciel et rĂ©flĂ©chissait Ă ce qu'il devrait faire quand il trouverait, enfin, un quelconque indice. En fait, il auscultait les ossements Ă la recherche de glyphes, de gravures qui lui Ă©voqueraient quelque chose.
Puis, Haze eut la subite intuition qu'il Ă©tait finalement au meilleur endroit non pas tant pour ouvrir un portail que pour en trouver un qui serait dĂ©jĂ ouvert. Alors, ne devait-il pas le traverser et se rendre dans cette forĂȘt pour rĂ©gler dĂ©finitivement le problĂšme ? Il se rappela cet aspect de son cauchemar et se sentit de nouveau l'objet de forces qui se servaient de lui comme, peut-ĂȘtre, elles s'Ă©taient servies de Mazurewiecz. Mais Ă©tait-il venu jusqu'ici pour faire demi-tour ? Non, quelles qu'en soient maintenant les consĂ©quences, il devait aller jusqu'au bout. Il devait trouver ce passage. Et il se demanda alors si ce n'Ă©tait pas prĂ©cisĂ©ment ce passage qu'avait empruntĂ© le cadavre mort-vivant dont il avait fracassĂ© le crĂąne la veille.
Haze rentra prĂ©cipitamment Ă son hĂŽtel. LĂ , il mit par Ă©crit l'ensemble de ses rĂ©centes rĂ©flexions. Il ajouta Ă ses notes l'exposĂ© de ses buts, sa tentative Ă venir de trouver un portail vers Millevaux afin de s'y rendre, combattre ce Horla et, si possible, revenir vivant afin de fermer dĂ©finitivement ce portail. Ensuite, il envoya tout ça son ami le dĂ©tective Dick Hive. Il ne laissait aucune consigne particuliĂšre au dĂ©tective. Il ne lui demandait pas de prendre la suite de son combat si toutefois il devait ne pas revenir. Il ne lui demandait pas de rendre ces notes publiques. Il se doutait qu'on le prendrait pour un fou, ce qu'il Ă©tait peut-ĂȘtre effectivement devenu. Non, il voulait seulement laisser une trace, pour que quelqu'un se souvienne. Ensuite, il se coucha.
Haze ne s'endormit pas. Il Ă©tait sur le point de s'endormir quand il ressentit un frisson Ă©trange, comme si un voile d'Ă©lectricitĂ© le recouvrait. Il se redressa et fut assailli par une vision des plus Ă©tranges. Tout autour de lui semblait sâabĂźmer, se dĂ©tĂ©riorer Ă vitesse accĂ©lĂ©rĂ©e. Ses draps se tachaient d'humiditĂ© et se trouaient, devenaient lambeaux et disparaissaient. Les murs se lĂ©zardaient, se parcouraient de lierre qui fleurissaient, pour se racornir et fleurir Ă nouveau. Le plancher se crevaient de racines noueuses. Les murs finissaient par s'Ă©crouler et leur ruines se couvraient de mousses, cĂ©daient la place Ă des arbres qui grandissaient eux aussi Ă vitesse accĂ©lĂ©rĂ©e. Il vit des crĂ©atures se dĂ©placer Ă une vitesse vertigineuse. Il en vit naĂźtre et mourir. Il vit de nouvelles espĂšces apparaĂźtre et disparaĂźtre. Il vit des hommes et des femmes, des monstres au visage recouvert de plaques d'os. D'autres avaient des bois de cerfs sur la tĂȘte. Au loin, l'espace d'un instant, il crut voir Hatecroft. Puis tout s'arrĂȘta.
???,
OĂč ? Millevaux sans doute. La forĂȘt maudite, l'avatar et le domaine de Shub-Niggurath.
Quand ? Aucune idée...
Haze errait au milieu d'un ossuaire envahi par la vĂ©gĂ©tation. En rĂ©alitĂ©, il reconnaissait clairement l'AllĂ©e des Baleines telle qu'il l'avait dĂ©jĂ visitĂ©e. Mais les terres froides et dĂ©solĂ©es du dĂ©troit de BĂ©ring Ă©taient maintenant recouvertes par la forĂȘt de Millevaux. Il faisait nuit noire mais sa vue s'Ă©tait finalement rapidement adaptĂ©e Ă l'obscuritĂ©. De plus, il connaissait les lieux.
Soudain, le vent se mit Ă souffler. Une vĂ©ritable tempĂȘte le contraignit Ă chercher un endroit oĂč se protĂ©ger. Pourtant, tiraillĂ© par la soif, il offrit sa bouche grande ouverte Ă la pluie dont les grosses gouttes lui martelaient le visage. Puis, il ferma prestement la bouche quand il se rappela ĂȘtre sur le territoire d'une ancienne divinitĂ© malĂ©fique. Tout ici Ă©tait maudit. L'air et la pluie Ă©galement. Ătait-ce sage de boire ainsi cette eau de pluie ? Quelle impuretĂ© allait maintenant souiller son organisme ?
Il entraperçut une forme courir à la périphérie de son champ de vision. Il eut peur car il reconnut la silhouette d'un sanglier. L'animal ralentit et s'approcha de lui. Lorsqu'il fut à quelques mÚtres, il se redressa sur ses pattes arriÚres et fit craquer ses doigts, des doigts... humains ! Le sanglier bipÚde, dans un anglais parfaitement maßtrisé et clair malgré la configuration de sa mùchoire se présenta comme étant NoAnde, ancien shaman du Clan des Arbres et serviteur de Shub-Niggurath. Haze vit sa derniÚre heure arriver.
Quelque chose se brisa en Haze. Il se raidit, se contracta et poussa un long hurlement. Puis, il se mit Ă crier des mots dans une langue qu'il ne connaissait pas mais qu'il savait maudite. Les mots sortaient de sa bouche en un flot violent et incontrĂŽlable, impur et putride. La Langue Putride. Ces trois mots seuls avaient du sens pour lui en cet instant. Il parlait la Langue Putride mais ne savait pas ce qu'il disait ni quelles pouvaient ĂȘtre les consĂ©quences de ces paroles dont il craignaient qu'il ne s'agisse lĂ d'horribles rituels en l'honneur de la ChĂšvre Noire.
Toujours figĂ© et incapable de contrĂŽler les mots qui sortaient de bouche, il croisa le regard de l'homme Ă tĂȘte de sanglier. Ce dernier avait l'air calme, Ă l'aise, joyeux. Tout semblait se passer exactement comme il le dĂ©sirait. C'Ă©tait lĂ une horrible sensation. Haze ne voulait plus prononcer un mot mais il lui Ă©tait impossible d'endiguer ce flot. Alors, il souhaita seulement ne plus l'entendre. Et, le son de la tempĂȘte fut remplacĂ© par celui de la 5Ăšme de Beethoven... C'Ă©tait impossible, et pourtant... Il n'entendait plus rien Ă part cette musique. Il ferma les yeux en espĂ©rant se rĂ©veiller de ce qui ne pouvait qu'ĂȘtre qu'un cauchemar. Et cela Ă©tait nĂ©cessairement un cauchemar, qu'il dorme ou non.
Les yeux fermement clos, Haze sentit la mousse et le lichen grimper le long de ses jambes et s'insinuer sous ses vĂȘtements. La musique se faisait toujours entendre. Il sentait les muscles de sa mĂąchoire continuer de bouger. La mousse remontait le long de ses jambes et recouvrait son abdomen, sa poitrine, ses bras puis son visage. Elle s'infiltrait dans sa bouche et envahissait sa trachĂ©e et son Ćsophage. Elle courait jusque dans ses poumons et son estomac. Quand ce cauchemar cesserait-il ?
Haze tenta alors de reprendre le contrĂŽle de son corps. Il ouvrit les yeux et vit NoAnde qui s'Ă©tait rapprochĂ© de lui. Il lui glissait des mots Ă l'oreille. Il ne les entendait pas Ă cause de la musique mais en comprenait pourtant le sens. Il avait l'horrible sentiment que sa derniĂšre heure Ă©tait proche. Pire, qu'elle Ă©tait lĂ , qu'il Ă©tait Ă la porte de la mort. Il voulut alors se rappeler les bons moments de sa vie, tentant de s'y raccrocher. Il acceptait de quitter ce monde mais il voulait partir avec de belles images en tĂȘte. Il se rappela ces derniers jours avec Hatecroft. Une menace planait mais c'Ă©tait stimulant, intĂ©ressant. Ils avaient partagĂ© des choses importantes tous les deux. Il Ă©tait un vĂ©ritable ami. Et lui ?
Il se revit alors sur le bateau, dans la cabine d'Hatecroft alors que ce dernier, Ă quatre pattes examinait un trou dans le mur. Haze ne savait pas ce qu'il faisait lĂ . Il ne savait pas oĂč il avait trouvĂ© ce marteau qu'il tenait fermement dans la main. Il ne savait pas non plus oĂč il avait trouvĂ© ces piĂšces d'or qu'il dĂ©posa sur les yeux de son ami aprĂšs qu'il lui eut fracassĂ© le crane !
Comment ? Pourquoi ?
Puis, par dessus le son de la musique, par dessus le bruit de la tempĂȘte, il entendit et comprit les mots de NoAnde pourtant prononcĂ© dans la Langue Putride :
« Fais pire, au nom des Abysses. »
Haze se rĂ©veilla en mĂȘme temps que le soleil se levait. Il Ă©tait dans son lit, dans cette chambre d'hĂŽtel qui Ă©tait de nouveau tout Ă fait normale. Ătrangement, il se sentait tout Ă fait bien. Il prononça quelques mots Ă hautes voix et eut le plaisir de voir qu'il parlait en anglais mais ses propres paroles lui semblaient quelque peu lointaine, recouvertes qu'elles Ă©taient par la 5Ăšme de Beethoven.
Il regarda ses mains. Il avait du sang et de la terre sous ses ongles.
Et maintenant, allait-il faire pire... au nom des Abysses ?
Réponse de Thomas :
A. A quoi ça correspond Black Stars Rise / Mansion of the Hill ? C'est un jeu ou un supplément cthulhien ?
B. Quand j'ai lu la mention au Peuple du Monolithe, je me suis rappelĂ© que j'avais particuliĂšrement tripĂ© sur cette histoire de Peuple du Monolithe, mentionnĂ©e d'abord par Lovecraft puis par Bloch, et situĂ© en Hongrie. L'idĂ©e d'une prĂ©histoire mĂ©galithique malĂ©fique en Europe me parlait beaucoup. Cette idĂ©e de mĂ©galithes noirs me hante. Il y a des mĂ©galithes comme ça, Ă Monteneuf, dans le Morbihan. Je rĂȘverais d'y jouer au GN Les Sentes [Note du 07/07/2021 : Depuis, jây ai effectivement jouĂ© et câĂ©tait dâenfer]. J'ai repris cette idĂ©e de mĂ©galithes malĂ©fiques dans le scĂ©nario Cromlech, pour Millevaux Sombre ZĂ©ro, ils sont aussi un peu Ă©voquĂ©s dans l'Atlas.
C. Sturkeyville est-elle une ville de ton invention ou vient-elle d'un supplément cthulhien ?
D. « Je sais maintenant pourquoi NoAnde a acceptĂ© de m'aider. Il voit dans ma fuite le moyen d'ouvrir un passage vers un autre monde Ă offrir Ă Shub-Niggurath. Il se servait de moi encore plus que je ne l'imaginais. Mais je ne laisserai pas cette forĂȘt me rattraper. Aussi, quand est venue la faim, c'est NoAnde qui l'a apaisĂ©e. Maintenant, son sang coule dans mes veines. Je fuirai Millevaux mais la forĂȘt ne me suivra pas. Elle n'infectera pas le monde de Randolf Carter. »
J'ignore si manger une crĂ©ature corrompue jusqu'Ă la moelle par Shub-Niggurath est la meilleure façon de prĂ©server le monde oĂč on se rend de la contamination par Millevaux.
E. Ce solo concrétise les menaces de contamination des mondes par Millevaux, déjà envisagées dans les parties précédentes.
F.« Et pourtant, il dut s'assoupir car il sentit entre ses mains Le Peuple du Monolithe, le livre, palpiter au rythme d'un cĆur qui bat. L'espace d'un instant, il eut l'impression que le livre Ă©tait vivant et cela le terrifia. Ses membres Ă©taient figĂ©s. Impossible de lĂącher le livre. Les larmes coulaient abondamment sans qu'il ne puisse les arrĂȘter ni mĂȘme sans vraiment savoir pourquoi il pleurait. Et le livre Ă©tait animĂ© de pulsations aux rythmes desquelles les mots semblaient s'animer tels d'horribles vers noirs. Il voulait jeter l'ouvrage au loin, s'en dĂ©barrasser, le brĂ»ler mais ne pouvait bouger. »
TrĂšs cool usage d'un ouvrage du Mythe !
G. Hatecroft arrive dans Millevaux mais dans un temps suspendu. Et quand il fait des mouvements, il risque de se briser les os. TrĂšs chouette Ă©pisode de vertige logique ! Le fait que son bras est bel et bien brisĂ© dans la rĂ©alitĂ© acte l'interaction entre les deux rĂ©alitĂ©s, donc c'est vraiment du vertige logique au sens oĂč personnellement je l'entends.
H. Note que pour un américain des années 20-30, ni les sacs plastiques ni le terme « électronique » ne doivent avoir grand sens :)
I. « L'homme Ă©tait lĂ , riant et dĂ©lirant dans cette langue inconnue. Il ne bougeait pas et Haze en arriva mĂȘme Ă se demander s'il le voyait vraiment. Puis, au delĂ -de cette maigreur, de ces yeux noirs et de cette peinture verte, il reconnut Joe Mazurewicz, le voisin de Carter. [...] il lui Ă©tait impossible de le dire autrement qu'en utilisant les mots de la Langue Putride. Or, ces mots Ă©taient maudits. Et si Haze les entendait, il serait maudit lui aussi. »
De lĂ Ă insinuer que le polonais est la Langue Putride, il n'y a qu'un pas !
J. « Hatecroft tournait et retournait cette phrase dans sa tĂȘte. Elle l'obsĂ©dait. Le Non-Sens Ălectronique... lâĂlectronique Non-Sens... l'E. No-Sense... l'Innocence ! »
Jeu de mot impossible à faire en anglais, mais c'est pas grave, c'est du roleplay, pas de la littérature :)
K. « Mais autre chose se passa. Il ne dormit pas. Au contraire, il Ă©tait totalement Ă©veillĂ© quand de la terre Ă©mergea entre les lames du parquet. Il vit des racines courir le long des plinthes et du lierre grimper le long des murs. Par la fenĂȘtre, il voyait les rues de Sturkeyville. Mais, quand il regardait ses murs, il voyait une forĂȘt s'Ă©tendre. Et concrĂštement, elle s'Ă©tendait. Elle gagnait en expansion. » Cool cool cool
L. « Il ne comprenait pas les motivations de Mazurewiecz mais l'homme en vert avait rĂ©ussi Ă semer le doute dans son esprit. Il n'Ă©tait plus vraiment sĂ»r qu'il soit si mal-intentionnĂ© que ça. L'homme n'Ă©tait pas clair, cela Ă©tait certain. Mais il n'Ă©tait peut-ĂȘtre pas leur ennemi. En fait, et Hatecroft partageait ce point de vue, il se demandait s'il n'Ă©tait pas « habité » par un esprit venant de Millevaux. »
A Millevaux, il existe une sociĂ©tĂ© secrĂšte, la Caste des Veilleurs, chargĂ©e de traquer les horlas et, en but ultime, de trouver un remĂšde contre Millevaux. On peut supposer l'existence, dans les autres mondes, de membres de la Caste des Veilleur qui ont sont chargĂ©s d'empĂȘcher la contamination de leurs mondes respectifs par Millevaux.
M. « Cette caverne Ă©tait sans nul doute la mĂ©moire que ce Horla voulait explorer, sa mĂ©moire qu'il voulait retrouver. Ătait-ce le but de leur voyage ?  »
L'idée que certains souvenirs soient cristallisés dans des lieux mémoriels est vraiment cool !
N. « Haze errait dans cette forĂȘt de cĂŽtes et de plaques osseuses. En rĂ©alitĂ©, il ne ressentait rien de particulier.  » : je suppose que l'emploi du terme « forĂȘt » n'est pas innocent.
O. « Puis, Haze eut la subite intuition qu'il Ă©tait finalement au meilleur endroit non pas tant pour ouvrir un portail que pour en trouver un qui serait dĂ©jĂ ouvert. Alors, ne devait-il pas le traverser et se rendre dans cette forĂȘt pour rĂ©gler dĂ©finitivement le problĂšme ? » Trop bonne idĂ©e...
P. « Il Ă©tait sur le point de s'endormir quand il ressentit un frisson Ă©trange, comme si un voile d'Ă©lectricitĂ© le recouvrait. Il se redressa et fut assailli par une vision des plus Ă©tranges. Tout autour de lui semblait sâabĂźmer, se dĂ©tĂ©riorer Ă vitesse accĂ©lĂ©rĂ©e. Ses draps se tachaient d'humiditĂ© et se trouaient, devenaient lambeaux et disparaissaient. Les murs se lĂ©zardaient, se parcouraient de lierre qui fleurissaient, pour se racornir et fleurir Ă nouveau.  »
Super transition vers Millevaux en mode vertige logique !
Q. J'ai le sentiment que dans tes jdr solo, il y a un recours frĂ©quent au deus ex machina. Je m'explique : quand le PJ est dans une impasse, soit il se met Ă rĂ©flĂ©chir et au terme de son monologue intĂ©rieur fait d'associations d'idĂ©es pour le moins audacieuses, il trouve la solution (dans ce RP, le non-sens Ă©lectronique qui donne l'innocence par exemple, et encore les dĂ©cisions qui suivent sont encore plus capillotractĂ©es), ou alors les choses lui tombent dessus sans qu'il fait rien de spĂ©cial (ainsi Haze recherche un portail dans l'AllĂ©e des Baleines, en vain, et quand il rentre se coucher le portail vers Millevaux s'ouvre sous son lit). Je tenais Ă faire cette observation qui n'est en rien une critique, puisqu'aprĂšs tout l'important est que ta façon de jouer te convienne, que c'est un mastic bien pratique pour coller un ensemble fait d'impro et de systĂšmes disparates, et qu'on ne saurait aprĂšs tout exiger d'un rĂŽliste solo (ou multi) des qualitĂ©s scĂ©naristiques (ce n'est pas forcĂ©ment le but). En revanche, si toi ou une partie du lectorat identifie ce recours comme une faiblesse, je suppose qu'on peut envisager des recours diffĂ©rents, telles que : une discussion avec un PNJ pour remplacer le monologue interne (discussion qui peut se rĂ©sumer Ă une simple phrase innocente que sort le PNJ et qui dĂ©bloque le PJ car il la replace dans son contexte interne : procĂ©dĂ© frĂ©quent dans les sĂ©ries basĂ©es sur l'intuition, telles que Dr House par exemple). Ou pour l'histoire du portail, faire qu'un personnage ne reparte jamais tout Ă fait bredouille d'un lieu, et qu'il ait des indications sur la marche Ă suivre. Ainsi, dans l'AllĂ©e des Baleines, il aurait pu recueillir une fleur Ă l'aspect frappant, qu'on lui ait ensuite dit que c'Ă©tait une tisane de rĂȘve, qu'il en ait volontairement bu une infusion qui l'ait conduit dans Millevaux...
R. « Tout ici Ă©tait maudit. L'air et la pluie Ă©galement. Ătait-ce sage de boire ainsi cette eau de pluie ? Quelle impuretĂ© allait maintenant souiller son organisme ? »
On retrouve ici la crainte totale de l'exposition Ă l'emprise.
S. Est-ce que quand Haze tue lui mĂȘme son ami Hatecroft dans un souvenir, c'est un « fais pire au nom de l'Abysse » ou est-ce que c'est son souvenir originel qui Ă©tait occultĂ© par l'amnĂ©sie ?
Réponse de Damien :
A. alors, avant d'oublier ^^ Black Star Rise est un PBTA cthulhien plutÎt bien foutu je trouve et Mansion of the Hill est le contexte du scenar proposé.
B-dire que j'ai tiré ce titre au D dans la 4Ú éd de l'Appel de Cthulhu. va falloir que je visite le Morbihan maintenant ?
C-Sturkeyville est une ville de l'invention d'un écrivain américain auteur de plusieurs nouvelles d'inspi lovecraftienne qu'il a situé dans cette petite ville. il y a eu un crowfunding pour une trad en français. j'ai backé bien sûr et j'attends de recevoir mon bouquin. et attendant de le lire, j'ai joué de dans.
D-trÚs sincÚrement, cette créature n'est pas trÚs nette et ne jouit pas nécessairement de toutes ses facultés^^ et puis toutes les contorsions mentales et morales sont bonnes pour justifier ses actes ^^
E-yes! et ça va me servir pour la Crasse/Millevaux
F-et lĂ , je suis en train de me demander si ce n'est pas entre l'effet d'un break de BSR justement^^
G-j'avoue avoir été emmerdé quand je suis tombé sur cette carte XD je ne savais pas du tout comment la jouer et.. cette idée est venue. j'ai trouvé ça... logique et pas trop mal
H-j'en conviens ^^ dans la perspective d'une nouvelle, c'est clair que j'aurais retravaillé tout ça. pour un jeu... bah vala quoi ^^ mais Scipion dit bien que lui aussi pour Sombre s'autorise des incohérences, des anachronismes par moment. Game must on ^^
I-je n'y avais pensĂ© ? en plus, j'ai une certaine affection pour la Pologne oĂč j'ai Ă©tĂ© pour le boulot il y a quelques annĂ©es. j'y retournerais bien car on y mange plutĂŽt bien XD et ils ont des forĂȘts bizarres aussi... et une langue bizarre aussi... m'auraient on fait quelque chose lĂ -bas? ?
J-oui voila... comme plus haut hein ^^ mais je l'aime bien ce jeu de mot
K-une autre carte des vertiges logiques ^^
L-peut-ĂȘtre... c'est vrai qu'en jouant, cet homme s'est rĂ©vĂ©lĂ© plus ambigu qu'il en avait l'air. si j'avais jouĂ© en campagne, ça aurait chouette de pouvoir le dĂ©velopper.
M-et je suis en train de me demander si cette idée ne m'est pas venue de Fight Club ?
N-E-No Sense ^^
O-bah lĂ , j'Ă©tais un peu coincĂ© donc... aprĂšs rĂ©flexion, cette idĂ©e s'est imposĂ©e mais... j'aurais pu ne rien trouver du tout et devoir au contraire trouver un moyen d'ouvrir un portail moi-mĂȘme
P-oui, ces cartes sont vraiment chouettes et ça introduit un challenge narratif en plus pour moi car je dois réfléchir à comment les mettre en scÚne.
Q-et bien quand je suis coincĂ©, le perso se met effectivement Ă rĂ©flĂ©chir. J'en dĂ©duis des hypothĂšses que je vais ensuite tester par des jets de compĂ©tences du perso et/ou des jets ou tirages de cartes pour simuler le MJ et aprĂšs... bah ça passe ou pas. des fois, un tirage sur une table dâĂ©vĂ©nements alĂ©atoires relance la machine. C'est vrai que je ne recours pas assez aux PNJs. Pourtant, Muses & Oracles explique trĂšs bien comment faire et ça n'a rien de compliquĂ©. C'est juste que mĂȘme dans le solo je suis solo quoi ^^
R-yep ?
S-c'est un souvenir qu'il avait occulté. Le « Fais pire... » est une sorte d'ouverture. La question est maintenant de savoir comment/pourquoi il a tué Hatecroft ? Quelle force s'est alors emparé de lui et que va-t-il devenir maintenant ?
T- ah ouais, sinon quand mĂȘme, le souvenir de Haze tuant Hatecroft emprunte aussi Ă la mĂ©canique de Strings ^^
Réponse de Thomas :
B. Figure-toi que jâai justement une occasion qui vient de se prĂ©senter de jouer aux Sentes sur ce site :)
G. Ah câest cool que tu utilises le jeu de cartes du vertige logique. Cette aide de jeu a Ă©tĂ© ajoutĂ©e au dernier moment mais je crois que câest ce qui fallait pour donner envie au lectorat de passer Ă lâacte :)
I. A la frontiĂšre de la Pologne et de la BiĂ©lorussie sâĂ©tend la forĂȘt de Bialowieza, la derniĂšre forĂȘt primale dâEurope⊠Jâavais jouĂ© une partie dans ce contexte, voir le CR La ForĂȘt-Galerie
:
Il y a aussi un setting polonais dans lâAtlas, que jâai notamment exploitĂ© dans cette partie : LâĆil de la Baba-Yaga
L. Il fera peut-ĂȘtre partie de tes PJ/PNJ rĂ©currents :)
P. Cela marche bien, car ça produit des effets que jâaurais pas spontanĂ©ment dĂ©crits :)
Q. Ceci dit, ce truc du personnage solitaire qui rumine, câest aussi trĂšs prĂ©sent dans Bois-Saule, notamment avec les phases dâintrospection et dâexploration.
Réponse de Damien :
en vĂ©ritĂ©, les cartes c'est quand mĂȘme pratique^^ et c'est sympa aussi, ça change de tableaux alĂ©atoires et j'aime vraiment l'idĂ©e de me creuser la tĂȘte pour savoir comment le mettre en scĂšne. tu vois, sans dĂ©c, ça fait un pti moment que j'envisage de retourner en Pologne justement. je voudrais visiter les mines de sel prĂšs de Cracovie et ptete passer plus de temps Ă Varsovie⊠bon bah y a visiblement une forĂȘt en plus ^^ pour l'homme peint en vert, je n'en ai aucune idĂ©e mais vu comment mon scenar actuel se profile, il n'est pas exclu en tout cas qu'il y ait des liens avec ce scenarâŠ
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LE ROI DE L'ĂLE
Fuyant la communautĂ© des robes noires de Trois RiviĂšres, les enfants expĂ©rimentent la tentation de lâensauvagement. Un rĂ©cit de partie par Claude FĂ©ry.
(temps de lecture : 4 min)
Joué le 05/10/2019
Le jeu : Girl Underground par Lauren McManamon and Jesse Ross., une petite fille appelée à se transformer dans un monde magique
Lire / télécharger le récit illustré au format PDF
Lire / télécharger les principes de la communauté
Durée : une heure
Rachel.Adams, cc-by-nc-nd
Les photos suivantes sont de Claude FĂ©ry, par courtoisie
Fiction :
Horace s'emploie Ă faucher des fougĂšres pour former une litiĂšre tandis que Samael dresse un rempart autour de l'arbre creux qui a retenu leur attention sur l'Ăźlot.
Puisque les deux se chamaillent, Marie surmonte alors sa crainte de l'inconnu et s'éloigne jusqu'à ne plus entendre les deux garçons.
Elle chasse avec Gédéon, son chien sans nom, souvenir d'un temps brumeux ou elle avait des parents.
C'est Horace qui l'a baptisé.
Sa premiÚre découverte est un champignon bleuté trÚs appétissant.
Puis elle avise un monticule de champignons crĂšmes d'oĂč Ă©merge une martre surprenante. Elle devient son amie en lui cĂ©dant de la viande sĂ©chĂ©e. C'est Louis le roi de lâĂźle qui les prend pour sujets jusqu'Ă la prochaine lune Ă la condition de le nourrir, parce qu'il a mangĂ© tout ses sujets.
Horace ne l'aime pas, pas plus que Gédéon.
Le lendemain, au matin, la main de Samael est toute poilue et la blessure occasionnée par le serment d'allégeance au roi Louis s'est envenimée.
Marie, elle, a été éveillée à presque-aube par la faim et le froid. Elle part en chasse avec Gédéon.
Vite, elle débusque un écureuil blessé à la patte, qui sollicite sa protection, Sganarelle. Samael dans un premier temps l'accepte et le panse, puis s'en détourne.
Survient Louis qui exige de dévorer Sganarelle.
Marie refuse.
Samael défie le roi et aprÚs une brÚve lutte, le roi déchu s'éloigne en clopinant.
Le temps passe. L'hiver approche.
Horace mange des vers pour digérer les feuilles des arbres et passer l'hiver. Marie, hésite, dégoûtée, puis l'imite.
Samael mange de tout, des Ă©cureuils aussi.
Il effraie ses amis qui ne savent plus si c'est un garçon ou un loup.
Horace le somme de renoncer à la viande et le menace de le perdre dans le bois. Piqué au vif, Samael veut s'emparer de son fusil pour prouver sa condition.
Il renonce Ă devenir loup.
Bilan :
Mon idée était de reprendre le livret de la fugueuse de Girl Underground pour interroger les personnages et considérer la communauté des gamins comme The Girl.
Xavier s'est trÚs vite immergé dans son personnage rebelle et ivre de liberté et Alexane a
pleinement joué l'ensauvagement effrayé de Marie. Effrayée par son audace et vite convaincue d'abandonner les bondieuseries stériles pour adopter une solidarité pragmatique avec ses compagnons.
J'aurais du poursuivre et intensifier l'expérience, mais une bonne migraine m'a conduit à nous interrompre sur la renaissance de Samael.
Alexane et Xavier ont beaucoup apprécié le ton, l'atmosphÚre et le récit en l'état leur convient.
Nous avons convenu de revenir sur une atmosphÚre début vingtiÚme siÚcle pour la prochaine session.
Commentaires :
Yakaab sur le Discord Millevaux :
Je reste toujours béatement admiratif de ta qualité de préparation et de jeu de toi, Claude, et de ta table.
Thomas :
C'est clair que ça fait beaucoup de prĂ©paration pour une heure de jeu. J'ai l'impression que la rĂȘverie prĂ©liminaire a beaucoup d'importance pour toi, Claude.
Je suis sensible au traitement qui est fait durant la partie de la consommation de viande, Ă©videmment puisque tu connais mes convictions, Claude.
RĂ©ponse de Claude :
La préparation était destinée à plusieurs sessions de 2 heures.
Dans mon idée autant que de principes, puisque la demande de Xavier lors de la session précédente était une campagne.
C'est un fort mal de crùne qui m'a conduit à écourter la phase de fiction. Nous avions convenu des principes et défini les attaches des personnages en 20 minutes et avions prévu 2h30 de jeu (Alexane a une plage horaire fixe de disponibilité).
Cela dit tu as tout Ă fait raison en considĂ©rant que la rĂȘverie prĂ©alable revĂȘt une grande importance pour moi. Je commence cela dĂšs la soirĂ©e qui suit celle du compte rendu...
la Viande est l'un des thÚmes majeurs de cette série.
L'arbre sur l'Ăźle, trois sessions auparavant est un arbre Ă viande noire, un nĆud vers les milles et un vaux qu'ils ont franchi en quittant l'Ăźle aux courges (bagne d'Indochine).
L'idée poursuivie c'est d'explorer le temps et les hommes entrés en contact avec cette viande noire.
L'idée c'est que pour le voyage en Nouvelle France, chaque session interroge une des croyances des pÚres jésuites pour lui substituer soit un paradigme de Millevaux soit une croyance affirmée en jeu par les joueuses.
Le traitement de cette errance était prévu initialement dans la tonalité conte macabre, motorisée, à la demande de Xavier avec SÚve.
Je pense que la prochaine session sera motorisée par Inflorenza minima avec en creux mes principes et croyances.
Lorsque j'ai interrogĂ© Xavier sur le rĂȘve dont se souvenait Samael au matin du premier jour de bivouac, Xavier m'a dĂ©crit des fleurs aux pĂ©tales violacĂ©es et aux tiges jaunes veinĂ©es de rouge sang.
L'une d'elle repose devant lui au matin.
Il l'a place sur sa tĂȘte hirsute et prĂ©cise qu'elle s'enracine en lui.
Thomas :
Je serai trÚs curieux de la session Inflorenza Minima ! J'apprécie la réponse de Xavier et l'aisance avec laquelle il s'accapare la narration :)
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LE SIĂGE DES URSULINES
Nous testons le vieux jeu post-apo du GrĂŒmph dans une partie trĂšs tactique assez longue pour voir le grand potentiel du jeu, mais hĂ©las trop courte pour vraiment crĂ©er de lâhistoire.
Le jeu : Charognards, par Le GrĂŒmph, rĂ©cupĂ©rateurs de dĂ©chets dans un monde parti Ă vau-lâeau sous la domination des extraterrestres
Joué le 21/10/17 à la Convention Scorfel
(temps de lecture : 7 min)
Le contexte:
Charognards est un jeu de John GrĂŒmph qui traĂźne sur mon disque dur depuis longtemps. Sa mise en page bricolĂ©e, un peu punk franchouillarde avec ses morceaux de catalogue Manufrance et autres revues collĂ©es ici et lĂ et ses photomontages dĂ©glingo a Ă©tĂ© dâune grande inspiration pour les maquettes de mes premiers livres Millevaux.
Jâavais conscience du potentiel de ce jeu post-apocalyptique visiblement assez raz-de-terre comme je les aime (ici, on ne sauve pas le monde comme dans Krystal, on essaie dâabord de sauver sa couenne ou au mieux, celle de sa communautĂ©), il Ă©tait plus que temps de le tester. Jâai procĂ©dĂ© Ă une lĂ©gĂšre adaptation dans le monde de Millevaux, en rajoutant de la forĂȘt comme Ă mon habitude, et en remplaçant les extraterrestre qui font la loi dans le monde de Charognards par des horlas. Charognards, comme la plupart des jeux post-apo (sauf Millevaux), se situe peu aprĂšs la chute de la civilisation, aussi les personnages les plus anciens ont connu lâavant. Jâai conservĂ© cet aspect car il est crucial dans la crĂ©ation de personnage et câest de toute façon quelque chose qui mâintĂ©resse mĂȘme si jâen ai fait lâimpasse quand jâai imaginĂ© Millevaux au dĂ©part : il mâarrive de temps en temps de maĂźtriser des parties de Millevaux qui dĂ©vient de la story line officielle en situant la chute de la civilisation Ă notre Ă©poque, et en faisant jouer juste aprĂšs.
Lâhistoire :
Je vais ici faire lâimpasse de la fiction, qui dâailleurs fut plutĂŽt courte tant câest lâaspect technique des choses (crĂ©ation de personnage, puis en cours de partie gestion des jets de dĂ© et du matĂ©riel) qui nous a occupĂ©s.
En rĂ©sumĂ©, le groupe de personnage, des rĂ©cupĂ©rateurs ambulants, se rĂ©veillent au beau milieu dâune foire commerciale, en lâoccurrence une foire organisĂ©e dans le Couvent des Ursulines, qui est le lieu oĂč nous Ă©tions en train de jouer dans le cadre de la convention Scorfel (du couvent, il ne reste que le cloĂźtre, le reste est composĂ© de bĂątiments modernes dĂ©diĂ©s Ă la vie culturelle et sportive). Le Couvent des Ursulines est devenu un marchĂ© fortifiĂ© trĂšs convoitĂ© par les pillards, et donc les camelots passent la nuit Ă lâintĂ©rieur du marchĂ© pour parer Ă toute Ă©ventualitĂ©.
Les personnages se rĂ©veillent donc en pleine nuit Ă lâintĂ©rieur de ce marchĂ©, en mode very bad trip, ils ne se rappellent pas de comment ils ont Ă©chouĂ© lĂ (syndrome de lâoubli bien pratique pour lancer une action in media res, câest un procĂ©dĂ© dont jâai usĂ© et abusĂ© Ă lâĂ©poque du jeu Grogne), ils essaient de piller des Ă©quipements en mode discret, mais ils ont maille Ă partir avec un des gardes du marchĂ© (armĂ© de FAMAS) et avec des camelots qui se rĂ©veillent : ils se retrouvent obligĂ©s de tuer un garde. Ils veulent entreprendre une fuite mais la sortie principale du marchĂ© est constituĂ©e par un tunnel Ă plusieurs portes, surmontĂ© de barbelĂ©s, bref une vĂ©ritable souriciĂšre conçue par les gardes du marchĂ© pour contrĂŽler les entrĂ©es et sorties. Ils dĂ©couvrent que le garde Ă lâentrĂ©e de la souriciĂšre a Ă©tĂ© abattu et rĂ©alisent que des pillards sont en train dâinvestir la souriciĂšre. Ils attaquent les pillards et « Ăà  », lâun des jeunes mutants du groupe, fait particuliĂšrement un ravage. Ils arrivent Ă lâextrĂ©mitĂ© de la souriciĂšre, et se retrouvent confrontĂ©s Ă la cheffe des pillards, une redoutable colosse flanquĂ©es de chiens mutants aux rĂ©flexes et aux sens hypertrophiĂ©s. Elle prend en otage lâun des leurs⊠Fin en cliffhanger.
Descriptifs des personnages et de leur micro-communauté :
Silina, 50 ans, ancienne cuistot
look cambrousse / nomade
A perdu sa famille
A suivi le clan d'assez loin
Peut disparaßtre pendant des jours sans prévenir
TrĂšs bricoleuse
ConnaĂźt toutes les plantes comestibles
Dio
Garçon d'environ 15 ans
Arc, couteau, fusil Ă pompe.
Aime les animaux Ă manger ou Ă adopter.
MeĂŻwena
Couettes
fusils
sait se battre
veut une moto
Pr T. Egmon
Sorti d'une secte de scientifiques fascinés par les horlas.
Curieux pour la forĂȘt
TĂȘte de vieux fou, moustache asymĂ©trique, Sympathie pour Nono
« Ăà  »
greffé au groupe à un moment. N'a jamais parlé
porte un GPS
recouvert de peinture bleue
androgyne
porte une attention dérangeante au Pr T. Egmon
yeux noirs
posture animale
Hope
Petite fille de dix ans. Ses parents sont morts dans des circonstances qu'elle n'a pas rapportées au groupe.
S'est greffĂ©e au groupe en mĂȘme temps que le Pr T. Egmon
Discute bien, discours pertinent.
Pas comique.
Figurants (nomades anarchiques) :
Les personnages les ont croisés il y a pas longtemps. Formation d'une communauté.
André : quincaillier, bricoleur, 50 ans
Rachelle : jeune martiniquaise, grande gueule, 18 ans, mariée avec André
Nono : mutant toubib, 8 ans, se soigne seul et soigne les autres, peut-ĂȘtre le fils d'AndrĂ©, prend les gens de haut
Trombone : cuistot / homme Ă tout faire, premiers soins, social, 40 ans, veuf, n'aime plus Rachel (ils ont failli ĂȘtre ensemble), a eu une copine qui est morte (musicien Ă ses heures perdues et pour le grand dam des oreilles des autres.
Feuilles de personnage
MeĂŻwena
Jeune, origine : zone, implication : Ă©meutiĂšre, survie : toute seule
Points de vie / fatigue / moral : 4/4/4
Bastonneur 4 (spé arme blanche)
Bidasse 1 (Scout)
Chasseur 2 (camouflage)
Conducteur 2 (moto)
Cuistot 1 (conservation)
Récupérateur 1 (mécanique)
Survivant 2 (psychologie)
Technicien 1 (mécanique)
TĂȘte 1 (orientation)
Toubib 1 (premiers soins)
ĂĂ
bébé, survie : seul
Mutations : lecture des émotions primaires, vision nocturne / thermographique, peau caméléon (+2dE en chasseur dissimulé), pistage (seuil +1)
Points de vie / fatigue / moral : 3/5/5 (2/0/5 Ă la fin du jeu)
Bastonneur 2 (spé empoignade, corps-à -corps)
Bidasse 1 (sang-froid, courage)
Chasseur 2 (approche furtive)
Conducteur 1 (reconnaissance)
Cuistot 1 (dépeçage)
Récupérateur 1 (création d'armes improvisées)
Survivant 1 (affronter terrains difficiles)
Technicien 1 (démontage)
TĂȘte 1 (estimation mĂ©tĂ©o)
Toubib 1 (médecine de brousse)
Hope
bébé, origine : parents morts
Mutations :
Polar (lit vite, mémoire photographique, toutes langues comprises et parlées, -1 seuil au jet de connaissance, +1 spécialité par jour)
Points de vie / fatigue / moral : 3/5/5
Bastonneur 1 (spé armes à distance)
Bidasse 2 (capable de dormir n'importe oĂč comme dans un lit)
Chasseur 1 (bonne reconnaissance des traces)
Conducteur 1 (trĂšs bon sens de l'orientation)
Cuistot 1 (capable d'identifier tout ce qui est mangeable dans un milieu)
Récupérateur 2 (reconnaissance des objets précieux échangeables)
Survivant 1 (anticipation de la météo)
Technicien 1 (réparation et utilisation des objets électriques)
TĂȘte 1 (identification des mutations dans tout l'environnement)
Toubib 1 (bon en couture / suture fixe)
Silina
ùge : vieille, origine : cambrousse, formation : lycée professionnel, survie : communautaire
Points de vie / fatigue / moral : 5/3/3 (3/0/3 Ă la fin du jeu)
Bastonneur 1 (corps Ă corps)
Bidasse 2 (embuscade)
Chasseur 1 (piĂšges)
Conducteur 2 (engins lourds)
Cuistot 1 (organisation)
Récupérateur 3 (création)
Survivant 2 (réactivité)
Technicien 1 (plomberie et eau)
TĂȘte 1 (plantes comestibles)
Toubib 2 (attelles)
Pr T. Egmon
Ăąge : vieux, origine : cambrousse, formation : universitaire, implication : mystique
Points de vie / fatigue / moral : 5/3/3 (4/2/3 Ă la fin du jeu)
Bastonneur 1 (escrime)
Bidasse 2 (gestion de groupe)
Chasseur 2 (piégeage)
Conducteur 1 (bateau)
Cuistot 3 (plantes comestibles)
Récupérateur 1 (objets pratiques, de bricolage)
Survivant 1 (se cacher)
Technicien 2 (fabriquer outils)
TĂȘte 3 (latin, connaissance des horlas)
Toubib 2 (plantes médicinales)
Dio
Ăąge : jeune, origine : campagne, implication : fuite, survie : seul
Points de vie / fatigue / moral : 4/4/4
Bastonneur 2 (armes blanches)
Bidasse 1 (résistance physique)
Chasseur 1 (arc, arme de projection)
Conducteur 1 (bateau)
Cuistot 3 (boucherie)
Récupérateur 1 (armes)
Survivant 1 (forĂȘt, nature)
Technicien 1 (campement)
TĂȘte 1 (animaux)
Toubib 1 (points de couture)
Mise en jeu :
Je suis parti dans l'idĂ©e que la Salle des Ursulines, le lieu oĂč nous Ă©tions rĂ©unis pour jouer, allait ĂȘtre le dĂ©cor de notre aventure, reconvertie en marchĂ© fortifiĂ© dans le futur post-apocalyptique forestier de Millevaux. Cela nous servait de repĂšre, je montrais les diffĂ©rents endroits de la salle en expliquant comment ils avaient Ă©voluĂ©, j'ai aussi dĂ©crit la cour et le bĂątiment derriĂšre qu'on voyait par les fenĂȘtres, et les contre-allĂ©es qui Ă©taient en dehors de notre champ de vision mais qu'on connaissait, ainsi que l'escalier qui descend vers le cloĂźtre auquel se greffe la salle des Ursulines, reconverti dans mon imaginaire en souriciĂšre avec cloisons, sacs de sable et barbelĂ©s.
Les figurants (André, Rachelle, Nono, Trombone) m'ont servi à montrer un peu l'exemple des types de personnages et de relations typiques d'un Charognard (de mémoire, au moins une partie étaient empruntés au livre de base).
Retour des joueuses :
Joueuse de Silina :
+ J'ai pas trop compris le systÚme de dés.
Joueur de MeĂŻwena :
+ Le systÚme est un peu trop complexe, par rapport à Marchebranche qu'on avait testés avec toi l'année derniÚre (voir CR : La fille au ruban rouge).
+ Il y a une grande différence entre les bébés, les vieux et les jeunes. Les jeunes ont trÚs peu de compétences, mais leurs pouvoirs sont cheatés. [on discute aussi pour savoir si oui ou non les mutants sont monodimensionnels, trop spécialisés dans une chose ou non]
Joueuse de Hope :
+ J'ai trouvé que ça a déclenché beaucoup de trucs d'ouvrir le portail.
Joueur de Pr T. Egmon :
+ Les persos sont trop polyvalents et pas assez skillés. [Joueur de Meïwena : mais du coup on sent le cÎté survie].
Retour personnel :
+ J'ai aimé improviser une situation de siÚge, qui est un type d'aventure proprement post-apocalyptique que j'ai pourtant peu exploité.
Retour sur le jeu :
Charognards dispose dâune quantitĂ© dâoutils pouvant gĂ©rer les aspects de Millevaux. La crĂ©ation de personnage, qui dĂ©termine ton rapport Ă la catastrophe, si tu es nĂ© avant ou aprĂšs. Les personnages mutants Ă©voquent les maletronches de Millevaux. Les extraterrestres, surpuissants et aux motivations insondables, offrent une variation sur le thĂšme du horla : ici les horlas ont gagnĂ©, ils ne sont pas planquĂ©s dans les ombres comme dans le Millevaux classique, ils sont les maĂźtres du monde et câest les humains qui doivent se cacher. La notion de communautĂ© est une force du jeu, le concept de personnages rĂ©cupĂ©rateurs, la gestion des voyages (anxiogĂšnes) tout comme du sĂ©dentarisme (on devient une cible) est super intĂ©ressante.
Le vĂ©ritable coup de cĆur vient de la gestion du matĂ©riel. Chaque joueuse dispose dâun plateau reprĂ©sentant ses sacs de voyages avec un nombre de cases reprĂ©sentant la quantitĂ© de matĂ©riel pouvant ĂȘtre transportĂ©. Et le jeu fournit des planches de matĂ©riel trĂšs complĂšte, allant des armes aux dispositifs de survie Ă des types de matĂ©riel assez hĂ©tĂ©roclites qui vont faire parler lâinstinct de MacGyver des joueuses. Ici, il nây a que du matĂ©riel qui peut avoir une utilitĂ© dans un contexte de survivalisme, yâa pas de banjo ou de journal intime. En fait, ce JDR est carrĂ©ment un exercice pratique pour collapsologue radical.
On a tous trouvĂ© ça trĂšs fun et en campagne, ça doit ĂȘtre vraiment jouissif. Par contre, mon idĂ©e de faire dĂ©marrer le groupe au milieu dâun marchĂ© Ă©tait assez piteuse, car malgrĂ© les gardes, les personnages ont tentĂ© (et rĂ©ussi) de rĂ©cupĂ©rer des Ă©quipements supplĂ©mentaires, ce qui cassait la dynamique de pĂ©nurie. Limite, je me demande si lâexistence mĂȘme de ce marchĂ© avait une quelconque pertinence dans le contexte de Charognards oĂč lâaccent mis sur la pĂ©nurie est trĂšs fort, et donc une telle structure Ă©tait peut-ĂȘtre too much. Les extraterrestres auraient dĂ» la repĂ©rer et la neutraliser bien avant. Un marchĂ©, ça devrait ĂȘtre deux roulottes avec trois bricoles, point. LĂ , câĂ©tait le supermarchĂ© en mode survival.
Les mĂ©caniques de jeu (jets de dĂ©s, combat) sont trĂšs crunchy, ça sâest ressenti par une crĂ©ation de personnage longue et une mise en jeu assez longue Ă©galement. Ce nâest pas un jeu pour one-shot ! Il faut une campagne pour apprivoiser le systĂšme et que ça devienne fluide.
Câest un jeu du GrĂŒmph assez atypique je trouve, plus dĂ©sespĂ©rĂ© que sa moyenne. Les personnages ont un gros potentiel, mais on sent que le monde est hyper dangereux, la parano rĂšgne et on a intĂ©rĂȘt Ă se serrer les coudes entre membres de la micro-communautĂ© parce que le reste du monde ne vous fera pas de cadeau, hormis quelques chiens perdus sans collier quâon ramassera sur la route et Ă qui on va sâattacher malgrĂ© le lot dâemmerdes que ça va immanquablement entraĂźner.
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LA FORĂT MYSTĂRIEUSE
Un jeu de sociĂ©tĂ© jeunesse sur le thĂšme de la forĂȘt ? C'Ă©tait forcĂ©ment Ă tester !
(temps de lecture : 3 min)
Le jeu : La ForĂȘt MystĂ©rieuse, jeu de sociĂ©tĂ© familial oĂč on incarne un gamin parti Ă l'assaut de l'AraignĂ©e GĂ©ante de la forĂȘt.
Joué le 29/10/2017 aux 24 heures du jeu à Theix (Morbihan)
DĂ©jĂ en 2017, l'idĂ©e de concevoir des jeux de sociĂ©tĂ© ou des jeux de cartes Millevaux me trotte en tĂȘte. Au hasard de ce salon de jeu cher Ă mon cĆur que sont les 24 heures du jeu (aujourd'hui Lud'Ouest, il s'agit d'un festival dont j'ai dirigĂ© l'Ă©quipe Ă sa crĂ©ation en 2007, jusqu'en 2009), j'aperçois La ForĂȘt MystĂ©rieuse dans les jeux en dĂ©mo, et je convaincs l'ami qui m'accompagnait d'y jouer.
Dans ce jeu, on incarne Ă plusieurs un gamin qui part de sa maison avec une Ă©pĂ©e en bois et traverse une forĂȘt fantasmagorique jusqu'Ă la confrontation finale avec un monstre arachnoĂŻde qui fait office de dragon pour ces lieux.
Tout d'abord, le jeu est magnifique. Les cartes sont peu nombreuses, mais leurs illustrations, en couleur directes et lĂ©gĂšrement manga, sont de toute beautĂ©. Les couleurs vives forment un beau tableau d'un monde vĂ©gĂ©tal absolument alien, oĂč le rĂšgne animal (une faune Ă©trange ou dangereuse) et minĂ©rale (des forĂȘts de cristaux) est aussi Ă l'honneur.
J'ai trouvĂ© le gameplay franchement astucieux. La ForĂȘt MystĂ©rieuse est une sorte de MĂ©mory amĂ©liorĂ©. On dĂ©voile d'abord les cartes qui vont constituer le parcours du hĂ©ros Ă travers la forĂȘt. Chaque carte illustre un dĂ©fi que le gamin aura Ă relever (Ă©viter une chute, combattre un monstre, etc) et comporte des pictogrammes reprĂ©sentant les Ă©quipements nĂ©cessaires pour relever le dĂ©fi.
Une fois qu'on a visualisĂ© ce parcours et qu'on l'a mĂ©morisĂ©, on remet les cartes face cachĂ©e. il faut maintenant remplir la besace du gamin avec des jetons d'Ă©quipement : le but est de s'ĂȘtre assez bien rappelĂ© pour avoir en effet les bons Ă©quipements quand il faudra faire le parcours !
Il y a pas mal de jokers et des niveaux de difficulté à choisir : c'est un jeu familial, on peut choisir de jouer en mode easy-win ou corser un peu le défi.
Pour se rappeler des équipements, il nous est aussitÎt venu à l'esprit de surtout mémoriser l'histoire que racontait chaque carte : pourquoi le gamin utilisait tel et tel équipement pour venir à bout du défi... et c'est ce qui nous a permis de bien mémoriser et donc de gagner. Cette mécanique m'a semblé hyper pertinente pour symboliser le syndrome de l'oubli, et je compte la mettre à profit dans mon projet de jeu de cartes Millevaux tactique / narratif, avec des systÚmes de cartes qu'on visualise puis qui sont repositionnées face cachée, alors il faut se raconter une histoire pour s'en souvenir...
Seule ombre au tableau : La ForĂȘt MystĂ©rieuse est un jeu spĂ©ciste. L'objectif c'est d'aller buter une araignĂ©e gĂ©ante et ça n'est pas plus expliquĂ© que ça, le jeu suppose que dans les contes pour enfants, les araignĂ©es, c'est beurk, c'est des monstres nuisibles ou dangereux qu'il faut Ă©radiquer. En tant qu'animaliste, c'est bien sĂ»r un message qui me gĂȘne au plus haut point. Mais qui m'interroge Ă©galement sur mon traitement personnel des horlas, qui sont tout comme le monstre arachnoĂŻde de La ForĂȘt MystĂ©rieuse, des antagonistes animaloĂŻdes qu'on trucide assez souvent sans se poser de questions... La paille, la poutre, vous connaissez l'histoire.
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LE SANCTUAIRE
OĂč il est question de trouver une terre promise dans une Moselle irradiĂ©e et de se soustraire aux appĂ©tits d'un Shoggoth !
(temps de lecture : 5 min)
Le jeu : Cthulhu Dark 1Ăšre Ă©dition VF, de Graham Walmsley (traduit par Le GrĂŒmph), un condensĂ© de lovecrafterie pour les hipsters pressĂ©s.
Joué le 03/11/2017 aux Utopiales, à Nantes
Gareth Courage, cc-by-nc, sur flickr
Le contexte:
A sa lecture, Cthulhu Dark mâa fait lâeffet dâune bombe, et je ne suis pas le seul, tant la premiĂšre Ă©dition, un pdf de quelques pages, a dĂ©frayĂ© la chronique : câĂ©tait LA nouvelle maniĂšre de faire du jeu de rĂŽle lovecraftien, une sorte de rĂ©invention post-moderne de LâAppel de Cthulhu qui allait Ă lâessentiel.
Cthulhu Dark est en effet un petit bijou dâĂ©lĂ©gance et brille par quelques mĂ©caniques puissantes Ă mes yeux :
+ la possibilité de lancer deux dés supplémentaires : le dé de santé si on met sa santé physique en jeu, et le dé de folie si on met sa santé mentale.
+ le fait de devoir dĂ©truire des preuves de lâexistence du Mythe pour rĂ©cupĂ©rer de la santĂ© mentale.
+ le fait que les combats contre les créatures du Mythe ne sont pas motorisés : les créatures gagnent, point.
Jâavais fait un premier test (sans compte-rendu) en petit comitĂ©, dans un contexte purement Cthulhu annĂ©es 20, autour du De Vermiis Mysteris et dâune invasion de vers. Jâavais tout particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© lâambiance et je me disais que jâavais trouvĂ© mon Graal pour faire du Cthulhu sur le pouce, sans fioritures (je rappelle quâĂ LâAppel de Cthulhu, une crĂ©ation de personnage câest entre 10 Ă 30 minutes selon lâexpĂ©rience de la joueuse, ici on est plutĂŽt sur une minute).
De fil en aiguille, je me suis dit que câĂ©tait adaptĂ© pour jouer le versant le plus lovecraftien de Millevaux. Jâai donc testĂ© le jeu avec une seule adaptation technique : pour rĂ©cupĂ©rer de la santĂ© mentale, il ne fallait plus dĂ©truire des ouvrages du Mythe, mais tuer des personnes dĂ©positaires de secrets du Mythe. Ce changement me paraissait mettre en valeur le cĂŽtĂ© dur de Millevaux et Ă©liminer le cĂŽtĂ© grimoire ancien qui est assez absent de Millevaux (quand on dĂ©couvre un catalogue Ikea encore lisible, câest dĂ©jĂ une victoire, alors un vieux tome mĂ©diĂ©val bouffĂ© aux mitesâŠ)
Lâhistoire:
Je ne vais pas mâappesantir sur la fiction, mais grosso modo le groupe Ă©tait Ă la recherche dâune terre promise Ă©pargnĂ©e par la radioactivitĂ©, ils ont explorĂ© une fĂȘte foraine dĂ©saffectĂ©e (jâĂ©tais content de mettre en scĂšne ce type dâenvironnement pour la premiĂšre fois alors que jâai Ă©tĂ© biberonnĂ© aux photos de parcs dâattractions abandonnĂ©s), rencontrĂ© Winchester, un type louche et impulsif armĂ© dâun fusil (câĂ©tait en fait un liquidateur qui aurait pu les aider), recueilli un gamin dans les autos-tamponneuses (Petit Claude), traversĂ© une forĂȘt hantĂ©e par un shoggoth.
Ils se sont embrouillĂ©s avec Winchester, qui a tuĂ© SĂ©lĂšne, lâune des leurs. Lucas assomme Winchester, et au rĂ©veil, il leur explique qu'il est un veilleur. Ortie fait une fausse potion d'oubli : Winchester repart avec les munitions que lui avait pris le Vieux Tanin en Ă©change du mĂ©daillon des veilleurs.
Petit Claude trippe sur les microbes qui lâeffraient, et avec un microscope quâil a dĂ©gottĂ©, Prof rĂ©alise qu'ils ont tous des microbes sur la peau⊠Angoisse.
Les personnages ont finalement atterri Ă FrĂ©min, leur fameuse terre promise, qui sâest avĂ©rĂ©e ĂȘtre⊠une centrale nuclĂ©aire (en lâoccurrence la centrale de Freyming-Merlebach. Erreur de ma part, dâailleurs ; aprĂšs fact-checking, il nây a pas de centrale Ă Freyming-Merlebach, mais Ă Cattenom, situĂ©e 52 km plus loin). Les occupants de la centrale acceptent de faire rentrer les personnages sous la surveillance de leurs snipers, mais Ă lâintĂ©rieur, ils leur expliquent que la centrale, si elle Ă©met la radioactivitĂ© qui contamine les environs, est elle-mĂȘme un lieu de sĂ»retĂ©Â ; il est fortifiĂ© et ses tenanciers disposent de capsules dâiode contre la radioactivitĂ©. La cheffe de la centrale termine son discours en annonçant que les personnages vont ĂȘtre fusillĂ©s parce quâils nâont pas assez de vivres pour les accueillir et quâils ne peuvent pas non plus les laisser repartir maintenant quâils en savent trop.
Descriptif des personnages :
Prof, petit gaillard, petites lunettes, Ă©rudit, son pĂšre explorait dĂ©jĂ le monde, a constituĂ© un dossier-encyclopĂ©die. DĂ©garni, moustache. Un jour son pĂšre a disparu, Prof ne sait plus pourquoi. Bonne mĂ©moire, de ce qui est pas dans le dossier, peut ĂȘtre fascinĂ© par ce qu'il dĂ©couvre dans la forĂȘt. Petit labo portable, sait cuisiner.
SĂ©lĂšne. 25-30 ans, pisteuse. Occupation principale : repĂ©rer les endroits importants, susceptibles d'ĂȘtre dangereux, chasse pour le village. D'un naturel discret, observateur. Vive et claire. Yeux de chouette lui confĂšrent une bonne vue. Arc et flĂšche, couteau de chasse, radio, armure de cuir, matĂ©riel d'escalade. Pendant l'attaque du shoggoth, Ă©tait partie en forĂȘt.
Charlie, bûcheronne, bon sens de l'orientation, mécano, construit des piÚges et des poulies, petit couteau, des ressorts, des lacets en cuir, se nourrit par photosynthÚse, veines qui brillent la nuit.
Le Vieux Tanin
Barbu hirsute, bedaine, premiers soins, colporte les ragots
Ortie
Herboriste, guérisseuse. Calme. Sang-froid. Sceptique, prend du recul. Sensible, observe beaucoup les gens et les choses pour se mettre à leur place.
Entend les morts mais ne sait pas trop ce que ça peut lui apporter/
Dans le village, était avec sa mÚre, une vieille femme connue dans le village pour faire des miracles, lui a transmis son art, des techniques d'un monde ancien. Pendant l'attaque, on n'a rien retrouvé d'elle. Persuadée qu'elle est toujours vivante. Sa mÚre avait une grosse boucle de ceinture, retrouvée chez l'ermite.
A un chien.
CrĂšve-cĆur
BĂ»cheron, fils de bĂ»cheron. MusclĂ©, imbu de lui-mĂȘme, peu impressionnable. Hache, pull de laine, besace, gourde, support (claie de portage)
Feuilles de personnage :
Ortie
Santé 1 Folie 2
occupation : herboriste, médecin
traits : calme, sang-froid, sceptique, sens de l'observation
Mutation : entend les morts
Ăquipement : herbes, serpe, petit couteau, boucle-ceinture, chien
CrĂšve-cĆur
Santé 1 Folie 2
occupation : bûcheron
traits : fort, peu impressionnable
Ăquipement : hache, pull de laine, besace (corde, gourde d'eau, trousse de secours), clef de portage
Charlie
Santé 1 Folie 2
Occupation : bûcheronne
traits : sens de l'orientation, mécano/piÚges
mutation : ses veines brillent la nuit (photosynthĂšse, vert luciole)
Le Prof
Santé 4 Folie 1
occupation : « érudit »
traits : bonne mémoire, un peu dans son monde/curieux
Ăquipement : dossiers de mon pĂšre que je continue, besace, labo portable, sac Ă dos (matĂ©riel de cuisine)
Le Vieux Tanin
Santé 3 Folie 2
Occupation : barbier
Traits : colporte les ragots, premiers soins
Ăquipement :
rasoirs, matos à aiguiser, ciseaux, trousse de soins, nécessaire de toilette, sac à dos
SélÚne (décédée en cours de jeu)
Santé 1 Folie 2
Occupation : pisteuse
traits : alerte, observateur
mutation : yeux de chouette
équipement : arcs et flÚches, couteau de chasse, armure de cuir, matériel d'escalade (corde, grappin), kit de survie, kit de piÚges
Brook
Santé 1 Folie 2
Occupation : pisteuse
traits : alerte, observateur
mutation : truffe de chien
équipement : arcs et flÚches, couteau de chasse, armure de cuir, matériel d'escalade (corde, grappin), kit de survie, kit de piÚges
Commentaires :
Retour du joueur de CrĂšve-cĆur :
+ Le systÚme de jeu est trÚs bien. C'est le MJ qui fait tout le boulot. On est pas écrasés par les rÚgles
Retour de la joueuse d'Ortie :
+ Parfois on avait tellement de pouvoir que ça manquait de cohérence. [Réponse de Thomas : J'ai oublié une partie des rÚgles. J'aurais dû vous demander des jets de folie plus vite, ce qui aurait accéléré l'attrition.]
Retour personnel :
+ La partie fut intĂ©ressante, mais j'ai trouvĂ© que l'attrition de Cthulhu Dark manquait de rapiditĂ©, donc mĂȘme mise Ă part mes oublis, je pense que les joueuses ne peuvent pas se sentir en danger Ă lâĂ©chelle dâun one-shot, et ma rĂšgle maison pour rĂ©cupĂ©rer de la santĂ© mentale nâa pas eu du tout lâoccasion dâĂȘtre testĂ©e : le jeu est plus adaptĂ© pour des campagnes courtes que pour des sĂ©ances uniques.
+ Par ailleurs, malgrĂ© quelques conseils percutants, la premiĂšre Ă©dition de Cthulhu Dark demeure un nano-game ; câest surtout un systĂšme de rĂ©solution, câest rĂ©servĂ© aux grognards de LâAppel de Cthulhu ou aux improvisateurs nĂ©s : car le jeu nous laisse plutĂŽt en slip pour construire de la narration. Sâil faut y jouer dans lâunivers de Cthulhu, des aides de jeu type tables alĂ©atoires et Almanach, voir les scĂ©narios de ma plume ou de la communautĂ©, peuvent sâavĂ©rer indispensables si vous dĂ©butez dans Millevaux.
+ Je dois me pencher sur Trophy, un hack de Cthulhu Dark appliquĂ© Ă un univers Ă©voquant Symbaroum, qui propose sĂ»rement une adaptation plus appropriĂ©e Ă lâhorreur forestiĂšre.
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