LA GRAVITÉ
Sexe, drogue et doom metal : la recette d’un Paris sub-urbain où l’on connaît l’extase à l’approche de la mort. Retour sur une incartade d’Inflorenza hors de Millevaux dans le contexte d’un roman qui ne verra jamais le jour.
(temps de lecture : 7 minutes)
Le jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 18/06/17 lors de la Tournée Paris est Millevaux 5
Avertissement sur le contenu : voir après l’image
UT Connewitz Photo Crew
Contenu sensible : viol, toxicomanie, nécrophilie
Le théâtre :
Au départ, La Gravité était un projet de roman sur la scène doom metal. J’ai renoncé à écrire ce roman mais j’ai voulu exorciser ça en en faisant un scénario de jeu de rôle. Le voici :
Dans un Paris contemporain qui carbure à l'acide noir et à d'autres drogues, incarnez des personnalités du sub-monde, entre squats où martèle la lourde musique drone et catacombes où le sexe et les ténèbres s'enfantent mutuellement. Un trip fait de bruit et de mort, sans fantastique mais avec de l'occultisme, de la colère, et de la massive passivité.
1 Sexe
2 Drogue
3 Passivité
4 Bruit
5 Drone
6 Ténèbres
7 Gravité
8 Occultisme
9 Sub-Monde
10 Mort
11 Colère
12 Trip
L'histoire :
10 H du soir.
Fosgoth se réveille. Il se dit qu'il doit arrêter de prendre de la merde.
Il met son blouson à franges. Il part avec l'intention de retrouver sa sœur disparue.
Ange est un clodo torturé par les voix dans sa tête. Il arrache ses tatouages
Jean-Gonzague a 14 ans et vit chez ses parents dans le deuxième arrondissement. Il se met du gel dans les cheveux, des lunettes noires, un sweat à capuche noir et fait le mur pour aller à un concert. Il se laboure le mollet sur la gouttière.
Dans son quartier, il rencontre Ange, contre toute logique. Ce dernier se fait une piqûre de fuel mélangé avec le produit nettoyant pour lunettes de Jean-Gonzague. Il lui en propose mais le petit refuse. Il le regarde se shooter puis le suit à un concert.
Cela se passe dans un lycée professionnel désaffecté converti en ateliers d'artistes. Il y a une salle de concert clandé en sous-sol.
3 filles en capuche, dos au public, jouent du drone face à une chèvre crucifiée. Le public headbangue lourdement.
Jezabel, une gothique rousse, la muse mystérieuse des concerts underground, lui demande son nom. Il dit qu'il s'appelle « Ghost ». Elle l’entraîne dans la fosse jusqu'au bout de la nuit et il obtient son numéro de téléphone. Sauf que ce qu’il ignore, c’est que le portable de Jezabel, est resté chez son frère, Fosgoth.
6h du mat.
Fosgoth dans sa loge. Ampoules, néon. Dans un coin, une groupie. Tout le monde lui est passé dessus. Un blackeux devant un miroir.
Fosgoth monte sur scène, complètement défoncé (il a pris un cocktail de speed et de produits planants). Il a une guitare black dont il tire des sons suraigus. Le batteur, qui jusqu’à présent en était à trois coups par minutes, se réveille.
Fosgoth gueule; c’est ici ce qu’on appelle du chant.
A cause de la dope, il voit très mal mais il repère une image rouge : sa sœur.
Plein de gens montent sur scène, dont Ange, guidé par les voix qui lui demandent de se faire saigner la bouche. Il hurle dans le micro. Slame dans la foule. Une femme punk lui donne un coup de poing américain. Trois gars lui sautent dessus, l'écrasent. On le frappe. On lui tend une demi-douzaine de micros pour qu'il hurle dedans.
La baston éclate. Les videurs Hell's Angels évacuent tout le monde. Jezabel fume une clope. Elle donne au petit un flyer pour le prochain concert. Jean-Gonzague rentre à la maison, se fait incendier par ses parents, les insulte et va se planquer dans sa chambre.
Flashback.
Jezabel et Fosgoth à l'époque où ils sont en coloc avec un autre gars qui est trop défoncé pour se rendre compte de ce qui se passe autour de lui. Frère et sœur jouent au jeu de rôle Kult, c'est Jezabel qui maîtrise.
Le personnage de Fosgoth est inspiré de The Crow. Romance vénéneuse avec une figurante que Jezabel décrit comme elle se décrirait elle-même.
Ils sont en mission dans le Sub-Monde, le monde souterrain, pour ouvrir un portail et font un rituel de magie sexuelle.
Ensuite, elle décrit la figurante comme une démone, il doit la tuer avec son couteau sacrificiel. Jezabel est penchée sur son écran.
Fosgoth Se réveille le lendemain, Jezabel a abandonné son portable. Un brouillon de SMS : « Je suis désolée pour hier soir. »
Ange sort du concert. Ambulance. Les Hell’s Angels parlent d'un gamin.
Jean-Gonzague appelle le numéro Jezabel. C'est Fosgoth qui répond. Le petit raccroche. Fosgoth va sur le profil facebook de Jezabel et voit Ghost en demande d'amis. Il échange avec lui par Messenger. Fosgoth joue cartes sur table. Puis il va chez Ange, et s'étale sur un matelas dégueulasse.
Deuxième concert. Cette fois, c’est dans les catacombes. Un groupe joue du psyché-drone. Pipes à eau, tentures vertes. Symbole de dragon. Fumée, projos verts et rouges.
Jezabel entraîne Ghost au loin dans les tunnels sans lumière. Fosgoth et Ange les suivent et s'engueulent.
Jezabel apprend à Ghost à jouer de la guitare drone, elle se tient contre son dos.
Fosgoth et Ange les rejoignent. « Tu m'en veux d'avoir suriné Julien ? Je regrette pas d'avoir suriné ton petit copain : c'était un connard et un violeur. » On comprend que Fosgoth a fait de la taule à cause de ça et que ça explique son comportement autodestructeur actuel.
Son briquet s'éteint. Quand il se rallume, Jezabel a disparu.
Fosgoth et Ange vont au Père Lachaise pisser sur la tombe de Julien. Ange se masturbe dessus. Fosgoth se barre. Ange descend dans un caveau. Il ouvre un cercueil et baise Jezabel morte.
Il se réveille à ses côtés dans l'appartement de Jezabel. Ils baisent mais elle fait la planche.
Concert de doom.
Headbangs lents et violents. Croix et draps noirs.
Le chanteur est un gros barbu avec des larmes noires peintes sur le visage, il chante la mort. La claviériste invite Ghost à monter sur scène. Le chanteur se met dos contre lui, crâne contre crâne et chante en direction d'un crâne dans une alcôve.
Ghost joue tout ce qu'il a. Il a des visions. Des baleines, des pieuvres, des seiches et des poissons des abysses.
Fosgoth se pique le bras.
Il est au concert de doom, il voit Jezabel, il va vers elle mais un danseur le bloque. Jezabel s'enfonce dans le sol.
Ange se réveille à l'HP. Jezabel entre et le baise. Puis il devient son esclave, elle lui pompe du sang pour faire du fuel.
Playlist :
A Bureaucratic Desire For Extra Capsular Extraction, par Earth, les touts premiers élans du drone, massif, répétitif, lysergique, chtonien.
S/T, par Compost Golem, 15 minutes de la meilleure lourdeur que puisse offrir le black, le doom, la drone et le noise pour une rencontre avec une entité métaphysique terminale.
Weighing souls with sand, par The Angelic Process, du black metal / shoegaze à chant clair, violent, beau et triste à la fois.
Almost Invisible, par Subarachnoid Space, le pinacle du psyché-drone pour l'exploration infinie d'un temple sonique voué au dieu du mescal.
Rising Of Yog-Sothoth : Tribute To Thergothon, une cohorte funeral doom en procession lente, baveuse et caverneuses vers les cryptes de la mort décérébrée et chtonienne.
The Black Flux, par Virus, entre black metal à chant clair sous zéro absolu, post-punk solidifié et jazz martial, une longue incantation nihiliste et raffinée qui traverse la moelle.
Feuilles de personnage :
Ange
+ Je cherche la rédemption, SDF camé au fuel, écorché.
+ Je ne sais pas si je suis vivant ou mort.
+ (barré) Laissez-moi sortir : colère !
+ Attirance malsaine pour Jezabel.
+ La vérité entraînera ma perte.
+ Frustration sexuelle.
+ Vous ne pouvez pas m'arrêter.
+ Amoureux d'une vivante.
+ Devient le jouet de Jezabel.
Fosgoth
+ Je veux retrouver ma sœur perdue dans le noir.
+ (barré) Ma condition me fout la haine.
+ J'ai fait une partie de jeu de rôle dans le sub-monde étrangement réelle qui m'a mis mal à l'aise.
+ J'ai loupé ma sœur cette nuit.
+ (barré) Je me sens comme une grosse larve.
+ Le drone m'a envoûté cette soirée.
+ Je crains d'avoir laissé Jezabelle s'échapper définitivement.
Jean-Gonzague, aka Ghost
+ Je voudrais trouver ma véritable place.
+ La musique, c'est mon futur univers.
+ Je plane avec la musique.
+ J'ai vraiment pas de chance.
+ La musique des abysses est la clef de l'être.
Jezabel :
+ (barré) Je veux que Ghost devienne ma poupée.
+ Le temps nous écrase tous.
+ Le bruit a échoué à me cacher.
+ Les ténèbres triomphent toujours et je suis leur voix.
+ Je suis désolée, Fosgoth.
+ La dernière messe noire pourrait être fatale.
+ Nous jouons une dernière partition dans les ténèbres.
+ J'ai joué la morte.
Retour de l’équipe :
Joueuse de Ghost :
+ Le jeu en personnages séparés m'a posé problème. On aurait dû jouer un groupe.
Joueur d'Ange :
+ J'ai eu du mal à capter les différents scores des dés.
Joueur de Fosgoth :
+ On voit que le système entraîne vers la déliquescence. C'est très sympa.
+ Au début, j'étais un peu paumé dans mes possibilités. Je voulais pas être trop intrusif et j'ai vu ensuite que c'était possible (quand Jezabel va voir Ange à l'HP)
+ C'était bien que tu aies interprété ma sœur perdue. Cela a créé une incompréhension fertile.
+ On sent que le système pousse à ce que ça aille de mal en pis. La toile de jeu s'y prêtait bien, le sous-monde mélasseux.
Joueur d'Ange :
+ Le flash-back j'ai trouvé ça excellent, avec la mise en abîme.
+ Le côté MJ tournant, ça marchait plutôt bien.
+ Quand on s'oppose aux autres, on récupère des phrases, je le vois comme une récompense.
+ Le système de phrases est sympa.
+ J'aime bien l'ambiance malsaine.
+ On s'est un peu courus après les uns les autres. Mais avec un jeu à MJ tournant c'est pas gênant parce que tu restes investi dans ce qui se passe.
Joueur de Fosgoth :
+ J'ai eu une appréhension quand tu as entraîné le gosse dans un milieu obscur.
Joueuse de Ghost :
+ C'était limite trop compliqué pour faire une dynamique de groupe. J'avais imaginé mon perso au départ mais j'aurais dû le changer en connaissant le reste du groupe.
Retour personnel :
+ Au départ, le jeu s'est cherché pour se réunir et ça a mis un peu de temps mais ça restait convenable. Le personnage de Ghost cassait le côté trop dark, apportait un peu de fraîcheur, tu peux jouer des persos très opposés.
+ La vision des seiches et autres baleines quand Ghost joue est inspirée de l’excellente BD Doom Boy
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PSYCHONOMETRICON
Une rencontre avec les insondables mondes mémoriels... effleurée du bout des doigts.
(temps de lecture : 5 mn)
Le jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 06/10/2017 à la convention Octogônes, à Lyon
Personnages : Doris, Isaac, l'Antiquaire, le Scientifique, Couteau, la Guide
aakaashá, cc-by-nc-nd, sur flickr
Le théâtre :
À la base, j'avais un projet de roman, intitulé M#M#R#, basé sur des personnages qui avaient le pouvoir, appelé psychométrie, quand ils touchaient des objets, de naviguer dans la mémoire contenue dans l'objet, et depuis cette mémoire ils pouvaient accéder à une copie entière du monde dans le passé. Ce pouvoir avait un effet secondaire : il altérait leur apparence au fur et à mesure (ce qui pouvait d'ailleurs être maîtrisé et changé en force, par exemple, pour disparaître). Et dans le roman, les personnages s'étaient également fait un terrible ennemi, lui-même psychométricien. Le personnage le plus expérimenté avait aussi un autre problème : il voyageait dans des mondes si anciens, d'objet en objet, qu'il mettait grandement sa santé mentale en péril. Ce roman avait pour influence les sculptures d’Étienne-Martin (le personnage le plus expérimenté était très directement inspiré de lui, de sa maison, et de ses sculptures ataviques ici inspirées par ses voyages dans les mondes ancestraux.
J'avais commencé un premier jet en motorisant mon roman sous Inflorenza pour trouver l'inspiration.
Las ! Je n'ai écrit que quelques pages. Je doute que ce projet de roman devienne un jour une réalité. J'ai voulu exorciser ce renoncement, et également retourner aux sources, en en faisant un théâtre pour Inflorenza.
J'ai déplacé l'action dans Millevaux, car la psychométrie est déjà un thème exploité dans cet univers, donc ça avait du sens. J'ai conservé les 12 thèmes de base et j'ai imposé que tous les personnages soient psychométriciens.
Une fois n'est pas coutume, vous n'aurez pas la fiction tout simplement parce que je n'ai pas réussi à la noter à temps et donc je ne m'en souviens plus. Je sais qu'il y avait quelques images assez belles, notamment quand les personnages arrivent dans le village au bord de la mer. Les feuilles de personnage vous donneront un aperçu.
J'avais une équipe de six joueuses dans une ambiance assez bruyante (on est serrés à Octogônes), aussi je n'ai pas joué, je me suis contenté d'expliquer les règles et de donner des pistes tandis que l'équipe jouait en Carte Rouge.
Le thème de la psychométrie a été peu joué : l'univers de Millevaux et les problématiques des personnages ont pris le pas dessus. Je pense que l'équipe, entièrement novice sur Inflorenza, ne pouvait pas facilement exploiter le thème tout en apprenant les règles et l'univers de Millevaux : il faudrait réessayer avec une équipe plus expérimentée en la matière. Ici, nous avons suivi l'intérêt du groupe plutôt que l'intérêt du thème.
Il y a quand même eu quelques belles choses liées à la psychométrie, comme ce souvenir parent-enfant enchâssé dans une cuiller, mais la rencontre avec les insondables mondes mémoriels est donc encore à faire.
Feuilles de personnage :
Isaac
+ Je veux savoir s'il existe vraiment des sorcières capables de créer de faux souvenirs.
+ (barré) Je suis la rivière qui doit me mener à la mer.
+ (barré) Je réalise que la quête sera difficile car je vais subir la haine des gars (envers la sorcellerie).
+ J'ai ramené une silhouette des souvenirs de la rivière.
+ J'ai appris que la sorcière précédente a retiré mes souvenirs pour les remplacer par celui de la cuillère. Elle était ma véritable mère. (Je donne la cuiller à Doris, qui en est le véritable personnage). (Je reçois la statuette de la sorcière).
Doris
+ (barré) Je veux avoir des souvenirs.
+ Nous allons retrouver l'enfant de Jules, et après nous irons chez les sorcières fabricantes de souvenirs.
+ J'ai trouvé une statuette très finement sculptée dans du bois noir, elle était dans ma poche.
+ J'ai mon premier vrai souvenir. Le bonheur intense se mêle au déchirement de la révélation de tout ce qui me manque
Le scientifique
+ Je voyage car je veux comprendre d'où vient l'oubli.
+ J'accompagne le groupe pour aider Dori.
+ Je me questionne de savoir si ça marcherait avec des non-télépathes.
Couteau
+ Je voudrais supprimer le pouvoir des sorcières.
+ Mon commerce actuel est de les aider à aller chez les sorcières.
+ J'idolâtre la nouvelle sorcière.
+ Je suis le scribe de la vision de la nouvelle sorcière.
La guide
+ (barré) Je veux être leur guide.
+ Ma renaissance est achevée, je suis la sorcière.
+ Je tisse des liens entre les souvenirs.
L'antiquaire
+ (barré) Je veux savoir si cet enfant existe pour le sauver.
+ (barré) Je ne veux plus travailler pour les sorcières.
+ (barré) Je fais route avec mes compagnons de fortune.
Retours de l'équipe :
Joueuse d'Isaac :
+ Le côté sans MJ, ça rend le jeu moins solide, plus mouvant et c'était cohérent avec le thème de l'oubli.
+ C'était difficile au début, le temps qu'on fasse un tour complet.
+ Le tableau des thèmes aide car ça me convient d'avoir des contraintes.
+ Les jeux un peu intimes, c'est plus facile d'y jouer avec des étrangers ou au contraire des gens que tu connais très bien. C'est l'entre-deux qui est difficile.
Joueuse de l'Antiquaire :
+ Ce qui m'a attiré, c'est le don, ça illustre ce qui se passe entre les persos.
+ J'aime bien les phrases.
Joueur du Scientifique :
+ Le temps que j'imagine mon perso, l'histoire a beaucoup évolué.
+ Le jeu sans MJ, c'est pas mon truc car j'aime découvrir les secrets du MJ.
+ Comme je connaissais mal les limites de mon perso, c'était difficile.
+ J'aime pas le style mais je trouve qu'on fait une jolie histoire.
Joueuse de Couteau :
+ Les conditions étaient difficiles avec le son et le fait qu'on était nombreux à table.
+ J'avais déjà tenté du sans MJ (avec la joueuse de la Guide) et ça m'avait vraiment bloqué. A plusieurs, c'est plus facile.
+ Moi je me suis dit : « Ce serait bizarre de faire de la narration partagée avec des inconnus car je suis timide. » Il faut se caler avec les joueurs.
Joueuse de la Guide :
+ Je ne m'attendais pas autant à ce que ça soit en mode auteur, c'était plus que Dragonfly Motel.
+ J'ai été surprise par le tour que ça a pris (trafic de souvenirs) mais c'était bien.
Joueuse de Doris :
+ Quand je me suis inscrite à la partie, je croyais que c'était du jeu d'horreur car je me suis dit : « C'est pas pour moi, donc je vais tenter une fois. » Du coup, je suis contente d'en faire l'expérience.
+ Quand j'ai vu la partie exemple, je me suis dit : « C'est pas pour moi. » Et quand la joueuse d'Isaac a joué, j'ai eu plein d'idées.
+ J'ai trouvé que c'était très riche humainement.
+ C'est plus un roman partagé qu'une partie de jeu de rôle classique : il y a beaucoup de proximité.
+ J'en referais bien une, mais j'en referais qu'avec les mêmes personnes.
+ Je partagerais plus avec mes amies qu'avec ma table de Pathfinder.
+ Le truc qui manquait un peu pour mon imaginaire, c'est les descriptions florissantes de l'environnement. Quand je maîtrise à Pathfinder, je décris beaucoup, même que c'est plutôt atypique pour ce jeu. [Note rétrospective de Thomas : Inflorenza n'est en effet pas le jeu le mieux équipé pour faire des belles descriptions. A ce jour, de tous mes jeux, c'est certainement Bois-Saule qui l'est le plus]
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LE TOMBEAU DES LIVRES
Aventures dans un théâtre poétique de Julien Pouard où la Bibliothèque Nationale de France est devenue une jungle littéraire.
(temps de lecture : 5 min)
Le jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 07/10/2017 à la convention Octogones, à Lyon
Personnages : L'Archiviste, Kobo l'enfant fanatique, Boucle, Dahlia, Le Désherbateur, Exuvie
Mark Hauer, cc-by-nc, sur flickr
Le théâtre
Le tombeau des livres est un théâtre de Julien Pouard qui prend place dans les ruines de la bibliothèque nationale de France. L'égrégore et l'oubli ont plus ou moins donné corps aux livres, des horlas littéraires apparaissant. La végétation est devenue livresque : les feuilles des arbres sont des pages, des livres poussent sur les lianes, etc...
L'histoire :
Boucle, un homme d'une cinquantaine d'années, porte des cicatrices de ronces sur les bras. Avec ses outils, il récolte des plantes. Il cherche sa fille qui s'est transformée en monstre alors qu'elle se promenait. Maintenant, elle s'appelle Dahlia, la fille végétale.
Le Désherbateur est un barbu qui porte un pulvérisateur corrosif dans le dos. Sa mission : éradiquer la forêt qui progresse autour de la bibliothèque nationale.
Exuvie est un homme. Pour lui, le lierre qui prend la bibliothèque d'assaut incarne l'avenir, il « mange » les livres que nous ne pourrons plus lire. Le lierre nous transmet le savoir. Il n'existe qu'une seule issue pour notre salut : la fusion du lierre et de l'homme.
L'Archiviste est maigre, pâle. Cet homme entre 40 et 50 ans vit avec Exuvie dans la bibliothèque et s'est donné pour mission de protéger les livres.
La bibliothèque est jalouse de son contenu, elle est devenue vivante, douée d'une sorte de volonté propre et elle n'accepte pas que le savoir la quitte : Kobo est un orphelin qui a quitté la ville pour se réfugier dans la Bibliothèque. Comme d'autres enfants, il a passé un pacte avec la Bibliothèque. En échange de la protection de celle-ci et du libre accès aux livres, Kobo s'engage à protéger la Bibliothèque et à empêcher le vol ou la destruction des livres. Kobo veut devenir celui qui récupère le plus de livres car à chaque fois qu'il montre à la Bibliothèque qu'il la protège, il renforce son lien avec elle et gagne des pouvoirs : il peut se dissimuler dans la végétation, il guérit plus vite de ses blessures...
Dans la bibliothèque, Exuvie rencontre Langage, une écolière. Sa présence est tolérée ici en tant que lectrice. En ce moment, elle lit « Le Petit Prince des Agneaux »
Exuvie écrit une prière à la Mère Bibliothèque :
« Notre Mère qui êtes la Source
Que ta connaissance prenne corps
Que tes savoirs se dispersent
A travers le lierre
Pardonne-nous nos errances
Accorde-nous tes lumières »
Alors que la forêt mène la charge contre la bibliothèque, tous vont s’entre-déchirer au cours de combats épiques, avec des enfants aux pouvoirs mentaux ou armés de shotguns, au service de la bibliothèque ou en rébellion contre elle. Comme de bien entendu, tout cela a fini dans le sang, la métamorphose et la destruction.
Feuilles de personnages :
Exuvie :
+ (barré) Je veux la connaissance du lierre pour l'homme
+ (barré) Je suis l'interprète des désirs de notre Mère, la Bibliothèque
+ (barré) Ma chair est lierre.
+ (barré) Les souffrances de la Bibliothèque sont miennes.
Le Désherbateur :
+ (barré) Je veux que par mes larmes fertiles tous les enfants disparus reviennent à leurs êtres chers
+ (barré) Je travaillais comme agent d'entretien à la BNF
+ (barré) La bête littéraire avance dans le parc.
Dahlia :
+ (barré) Je veux détruire la BNF avant que mon père me rattrape
+ (barré) Je peux utiliser mon pouvoir dévastateur en tirant mes fleurs
Boucle
+ (barré) Je veux retrouver une fille qui s'est transformée en monstre sous mes yeux.
+ Je me sens perdu face à la détresse du Désherbateur
+ (barré) J'espère que l'Archiviste rattrapera ma fille, quel qu’en soit le prix
+ Je suis en parfaite osmose avec la forêt.
Kobo
+ Thème : Amour / Jalousie. La bibliothèque est jalouse de son contenu, elle est devenue vivante, douée d'une sorte de volonté propre et elle n'accepte pas que le savoir la quitte : Kobo est un orphelin qui a quitté la ville pour se réfugier dans la Bibliothèque. Comme d'autres enfants, il a passé un pacte avec la Bibliothèque. En échange de la protection de celle-ci et du libre accès aux livres, Kobo s'engage à protéger la Bibliothèque et à empêcher le vol ou la destruction des livres. Kobo veut devenir celui qui récupère le plus de livres car à chaque fois qu'il montre à la Bibliothèque qu'il la protège, il renforce son lien avec elle et gagne des pouvoirs : il peut se dissimuler dans la végétation, il guérit plus vite de ses blessures...
+ Pouvoir : J'empoisonne quand je touche.
+ Souffrance : Je déteste les livres
L'Archiviste :
+ Je suis un ancien archiviste de la Bibliothèque, reconverti en chasseur-traqueur.
+ (barré) Je veux débusquer ce horla mi-humain mi-végétal qui rôde dans les ruines de la ville. Pour quoi faire, je ne sais pas encore, mais je suis convaincu que cette entité est importante (10-la ville)
+ (barré) J'ai compris que la terre pouvait être contaminée par le produit désherbant et que cela perturbe les capacités de Dahlia (8-profondeurs)
Commentaires :
Mise en jeu :
+ J'ai fait jouer en Carte Blanche avec des tours.
+ Il s'est passé beaucoup d'événements durant cette courte partie, mais la mémoire me fait hélas défaut ! Je me suis donc concentré sur l'essentiel. Les feuilles de personnages peuvent donner un aperçu.
Retours de l'équipe :
Joueur de l'Archiviste :
+ J'aime les phrases.
+ Très sympa. C'était ma deuxième immersion dans l'univers de Millevaux car j'ai fait du Millevaux Sombre hier soir. L'ambiance était différente. Là, j'ai plus compris la notion d'égrégore. J'ai plus ressenti l'ambiance de Millevaux.
J'ai ressenti la même immersion que dans Ho'oponopono (Le joueur a également participé à ma démo d'Ho'oponopono intitulée Après le typhon)
A partir d'un thème qui me laissait perplexe, je suis rentré dans le truc très rapidement, avec le fait que l'histoire se mette en place.
+ J'aime beaucoup le tirage de thèmes qui relient beaucoup à l'univers et au scénario.
+ Je suis pas convaincu de l'intérêt de l'ordre contraint des tours. [Réponse de Thomas : on peut utiliser des jetons de tour]. [Réponse du joueur : ou une branche]
Joueuse de Boucle :
+ C'était vachement cool.
+ Rajouter des éléments d'univers en cours de partie, c'est génial.
Joueur de Dahlia :
+ On est pas dans le dialogue RP, on exprime davantage le ressenti des persos.
Joueur de Kobo :
+ On est allé à l'essentiel le plus souvent.
+ Le système est pas contraignant. C'est tellement vaste que ça en devient effrayant.
+ Le démarrage est un peu dur. Mais après t'es complètement dedans.
+ [en cœur avec le joueur de l'Archiviste] Par moments, on se sentait exclu en attendant le tour de notre personnage.
+ J'ai eu l'impression de regarder un film sans connaître le titre ou la bande-annonce et tu as le plaisir de tout découvrir. [Joueur de l'Archiviste : Mais ça converge.]
Joueur d'Exuvie :
+ Le fait qu'il y ait un MJ, ça a aidé.
+ Les contraintes permettaient d'avancer.
+ Vu qu'il faut beaucoup écouter, il ne faut pas jouer plus de 2H, 2H1/2.
+ Tout est possible, mais le MJ est là pour cadrer, comme quand tu as mis des adversaires pour pousser au cul.
Joueur du Désherbateur :
+ C'était ma première partie de Millevaux et de jeu de rôle alternatif. J'ai adoré
+ J'espère que j'ai pas trop parlé. [les autres le rassurent]
+ Le rajout d'éléments d'univers en cours de partie, ça oblige à écouter.
+ J'ai ressenti des émotions rares en jeu de rôle.
+ La création de liens entre les personnages, c'est bien.
+ Dès le départ, j'avais un objectif de joueur, réconcilier la nature et les livres, ça a dérapé mais ça ne m'a pas dérangé, l'histoire est plus riche que ce qui était prévu au départ.
Hors ligne
LE CHOIX DE MAMAN
Test par votre serviteur d’un golem de règles entre Inflorenza, Oriente et Les Sentes. Un récit par Armand
(temps de lecture : 3 min)
Joué le 07/05/2020
Le jeu principal de cette session : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux
zoriah, cc-by-nc
Note de Thomas :
Pour cette partie en ligne courte d'une heure, j'ai mis en place tout un mélange de jeux pour m'assurer d'une expérience de jeu intéressante : le système de résolution d'Inflorenza, ainsi que le théâtre Les Chemins de Compostelle pour ce même jeu, les portraits et les questions d'Oriente pour rythmer les tours de jeu, et les fiches de mission de vie des Sentes pour dynamiser la création de personnage. Au final une partie intéressante et qui n'a fait que dévoiler une infime part du potentiel de ce dispositif. Elle a servi de déclic pour un concept, les jeux cumulables, qui m'a énormément servi par la suite.
Récit par Armand :
On habitait dans une communauté rurale, au bord d'une route du pèlerinage. Oriente est le sage du village, c’est un vieil homme avec une pipe. Il veille à ce que la communauté ne manque de rien, tandis que nous offrons le gîte et le couvert aux pèlerins.
dustinsapenga, cc-by-nc
Depuis quelques temps, il y a plus de gens dans notre communauté, et le flux de population a changé. Les gens semblent plus bizarres.
Nous sommes partis en voyage, comme une envie de changement. Oriente veut faire le pèlerinage une dernière fois avant de mourir. Obole est forcé de le porter régulièrement, le pauvre ne tient plus sur ses pieds.
Hubert, un villageois parti avec nous, est mort pendant le voyage. Il s’est fait lapider durant l’une de nos haltes suite à une accusation de vol.
thomas hawk, cc-by-nc
Au bout de deux semaines de voyage, Enfante demande à Obole “Tu crois qu’elle va rentrer bientôt, maman ? Ça fait plusieurs dodos qu’elle est partie. Elle ne devait pas partir longtemps.”. En fait, selon Obole, maman l’a quitté et est partie rejoindre un autre homme.
Enfante quitte le groupe pour aller chercher sa mère. Obole va tenter de l’accompagner. Skalde l’accompagne pour ne pas se taper Oriente sur tout le chemin.
zoriah, cc-by-nc
On tombe sur Maman, qui semble assoupie. Son mec, le Horla, n’est pas loin. Enfante va tenter de la réveiller, espérant que sa mère se détache de l’emprise du Horla.
Skalde intervient. Il refuse d’enlever son libre arbitre à Maman. Il nous convainc de rester en dehors de tout ça. Enfante est traumatisée.
Les feuilles de personnages :
Skalde
• (barré) Je raconte des histoires et je chante pour distraire, instruire ou cimenter la communauté.
• (barré) J’ai volé ma plus belle histoire à une personne.
• Je dédie mes propres créations à une autre personne.
• Je veux contempler une scène et écrire une chanson qui sera retenue dans l’histoire.
Obole :
? Je distribue mes moindres biens et souvenirs aux nécessiteux et ne demande rien en échange, sinon le respect.
? Je suis prêt à tout sacrifier pour une personne.
? Je suis coupable de ne pas avoir sauvé la mère d’Enfante.
? Je veux me faire pardonner de ce que j’ai pris à une autre personne.
? Des vagues de pèlerins très sectaires déferlent sur les routes de Compostelle.
Enfante :
• Je suis jeune, de corps ou d’esprit, et vis sous la responsabilité des adultes.
• Je rêve de m’affranchir de la tutelle d’Obole.
• Je rêve de m’assurer l’amour de Maman.
• Maman est partie et plus rien ne compte.
Hors ligne
M?M?R?
Oubliez tout ce que vous saviez sur le passé.
Les premières pages d'un roman psychométrique qui ne verra jamais vu le jour, motorisé par Inflorenza.
(temps de lecture : 21 min)
Joué / écrit en solitaire en 2013
Le jeu : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux
MEDEA Malmö, CC-BY
Le contexte :
À l'occasion du développement d'Inflorenza, j'ai eu l'intuition que ce jeu de rôle serait un bon moteur pour écrire un roman. Cela tombait bien, j'avais justement une idée de roman de SF contemporaine où les personnages principaux seraient des psychométriciens, autrement dit des personnes capables d'accéder à la mémoire des objets par le toucher (l'effleurement) voire à entrer dans le monde mémoriel contenu dans l'objet (par le toucher). Ces déplacements dans des mondes mémoriels (à l'intérieur desquels on pouvait aussi trouver des objets mémoriels dans lesquels pénétrer, ce qui créait un effet de mondes gigognes à l'infini) pouvaient créer des transformations physiques et identitaires chez les personnages, si bien que j'avais déjà prévu à l'avance que trois des personnages n'étaient en fait que le même à des étapes différentes de leur voyage, ceci pour échapper à une dangereuse psychométricienne affiliée aux Khmers Rouges. Le quatrième, le truculent Martin, inspiré du sculpteur Étienne-Martin, pratique la psychométrie pour son art. Vivant dans une vieille maison remplie d'histoire, il revêt un costume de chamane pour entrer dans des mondes mémoriels profonds et préhistoriques, et ces sculptures ne sont que des reproductions des inquiétants mégalithes qu'il y découvre. Ses voyages profonds mettent en péril la notion même de réalité.
Le titre du livre, M?M?R? est une référence au jeu de Mémory, notamment parce que je voulais mettre en place une sorte de duel entre un personnage et la tyrannique psychométricienne utilisant ce jeu.
Ce roman est loin d'être mon premier projet associé au jeu de rôle, puisque ma première trilogie de fantasy, inédite à ce jour, était également inspirée d'une campagne de Warhammer Quest que j'avais écrite et faite jouer dans les années 97 à 99. J'avais aussi beaucoup de notes associées à plusieurs campagnes en présentiel et en ligne de L'Appel de Cthulhu jouées dans les années 2000 à 2002 et que je ne désespérais pas d'adapter en cycle romanesque. Vous avez également pu me voir récemment écrire un roman-feuilleton entier, Dans le mufle des Vosges, en utilisant des jeux de rôles Millevaux, roman auquel j'apporterai la dernière patte cette année scolaire et en général, vous connaissez ma marotte d'associer jeu de rôle et écriture littéraire, via cet article : Le jeu de rôle, un outil pour l’écriture de roman. Ceci me renvoie également, à l'exercice inverse, qui consiste à exorciser un projet avorté de roman en lui donnant une vie via une partie de jeu de rôle : voir La Gravité, également joué avec Inflorenza.
Au final, bien que l'emploi d'Inflorenza était intéressant pour écrire un roman en mode impro, la rédaction n'a pas dépassé quelques pages avant que je me décourage. Je pense que je n'étais pas prêt pour me relancer dans un roman (surtout que celui-ci aurait nécessité quelques recherches sur les cultures mongoles et cambodgiennes ainsi que sur la maladie d'Alzheimer), et depuis Millevaux a totalement pris la priorité sur mes autres univers imaginaires.
J'ai d'ailleurs tenté d'adapter le principe de la psychométrie exposée dans M?M?R? via un théâtre Millevaux pour Inflorenza. Je l'ai fait jouer une fois à Octogones, mais le résultat n'était pas à la hauteur de mes attentes. Nous avons joué sans MJ, je n'étais que facilitateur et n'incarnais pas de personnages, et les joueuses n'ont guère eu recours à la psychométrie, se concentrant sur d'autres aspects d'Inflorenza. Le principe de réalités gigognes et de souvenirs interactifs a également beaucoup influencé ma vision du vertige logique.
L'univers de M?M?R? n'est donc voué qu'à être un fantasme, et c'est très bien ainsi. Il en reste ces quelques pages, que j'aurais dû vous faire découvrir depuis longtemps.
P.S. : les prénoms cambodgiens et mongoliens sont tout à fait fantaisistes, j'attendais de faire de plus amples recherches pour les changer.
L'histoire :
Leïla
« Où est-ce que je suis ? »
*
**
Martin
Retour à la Demeure.
Les rideaux tendus sur les fenêtres filtrent la lumière avec gourmandise.
Mal au crâne.
C'est le salon noble. Un salon pour les conversations, pour les humeurs, pour le désordre. Odeur de tabac froid, pourtant pas désagréable. Essences rares. Arômes. Divans capitonnés, tissu gaufré, élimé. Motifs de la Tapisserie de l'Apocalypse. On sent les reliefs quand on passe les doigts.
Table basse, un seul pied. Un dragon patiné sous le verre. Alcools.
Tintements des amis qui ne sont pas venus depuis longtemps.
C'est aussi le salon où battre en retraite.
Canapé ouvert en deux comme un poisson.
Masse.
Grognement.
Sur les étagères, solides, des bustes de pierre blanche.
Les plus grosses pièces, les plus intrigantes, sont ailleurs.
Déjà celles-ci accrochent le regard.
Visages d'une masse, grecs.
Les coups de burin sont laissés apparents.
On les entend encore.
Plus loin dans la demeure, bruisse un rideau de perles.
Parfum.
Quelqu'un entre...
*
**
Linh
L'odeur du foin séché qu'elle froissait dans sa main, parlait de la steppe.
Il n'y avait pas de réchaud dans la yourte.
Elle insistait pour allumer le feu sans artifice.
Juste le foin et deux tiges de bois.
Enfin, la première étincelle. Un minuscule soleil capturé dans la chaleur du foin. Puis ses rayons noirs, la fumée, et enfin la flamme.
Devant cette première flamme, elle s'émerveille toujours puis l'instant d'après quand le feu n'est encore qu'une toute petite braise circulaire, elle a toujours un geste de recul !
Elle se touche le bras. Et se rappelle la terreur.
*
**
Seun
Chaleur.
Après-midi.
Seun s'est rendormi
sur le lit, la moustiquaire étendue sur lui.
Avec négligence.
Son dos est nu.
Passer les doigts sur ses omoplates, doucement, très doucement pour ne pas le réveiller, la pulpe des doigts se pose à peine sur sa peau, en fait elle ne la touche que par ses poils microscopiques, que par les sommités de chair de poule
quand la brise passe.
Soudain s'apercevoir que la respiration de Seun a changé. Comme si elle n'avait pas tout à fait les mêmes harmoniques qu'au début.
*
**
Leïla
« Où est-ce que je suis ?
Pourquoi il fait noir ?
Pourquoi il fait froid ?
Qui... Qui est-ce que je suis ? »
*
**
Martin
Louise entre dans le salon noble.
Un autre grognement l'accueille.
Elle n'en fit pas cas et s'avança vers les fenêtres.
Sans pour autant prendre de précaution, elle se déplace en silence.
Elle rajuste son châle en laine. Quelque chose est resté ouvert quelque part dans la Demeure, il y a un courant d'air.
Elle ouvre les rideaux d'un coup sec.
C'est une lumière crue qui inonde sa silhouette.
« Ferme. », grogne-t-il dans son canapé.
« Tu en as encore fait de belles cette nuit.
- Juste... travaillé.
- S'il te plaît, ne me raconte pas ça à moi.
- Regarde... les bouteilles... Je suis resté là.
- Un jour, tu me diras à quoi ça te mène ?
- On a déjà eu cette discussion. J'ai mal au crâne. »
Sa voix se réveille. Éraillée, bourrue. Voix d'ours, voix d'hibernation.
« Tu as raison. Je me fais moi-même de la peine à te demander. Aide-moi plutôt à te relever. »
Elle se pencha sur lui. Tira sur sa masse.
Il entendit son corps frêle ployée.
Encore une fois, il avait éludé le problème. Encore une fois, il savait qu'il lui avait fait du mal.
*
**
Linh
Le feu a appris à brûler tout seul maintenant.
Linh sort un instant de la yourte, elle n'aime pas les premières fumées, âcres, envahissantes.
Montagnes.
Un horizon qui a tant de choses à dire et prendra tout le temps qu'il lui faut pour cela.
Yourtes.
Tintements du maréchal ferrant.
Hommes qui rient.
Vapeurs des haleines.
Cendre, son cheval, vient à elle
chercher une chaleur,
une caresse,
un mot à l'oreille.
Il n'est jamais sellé ou attaché.
Linh hésite. Finalement, elle place la paume de sa main droite sur le cou de Cendre.
Son pouce porte une cicatrice rose.
L'ongle de son annulaire est noir.
Deux de ses phalanges sont cassées.
Elle pose son index sur une veine du cou
de Cendre, elle capte son rythme cardiaque.
Elle ressent.
La cavalcade.
Chaque sabot de Cendre qui frappe la steppe, avec amour et douleur. Le souffle de la terre qui remonte. Le paysage qui court vers sa fin.
*
**
Seun
Seun est tellement sensible, un rien l'éveille.
Bambou qui craque,
un moustique qui raconte une histoire,
un dormeur qui vacille dans son hamac.
Ici tout le monde vit à pas feutrés pour respecter son sommeil.
Est-ce une main trop aventureuse ou un bouillon qui frémit trop fort dans la cuisine ?
Seun se retourne. Il soupire.
Il fait grand jour, la fenêtre donne sur la végétation.
Ses yeux acceptent juste un trait de lumière fin comme du papier.
Contempler l'agacement de son visage.
L'infime duvet blond de sa lèvre.
Pincer ses lèvres entre ses propres dents
avec le sentiment confus que les choses ne seront jamais aussi douces.
Seun entend des bruits de pas. On ne sait pas si c'est un singe ou un homme.
Il dit :
Et ses mots sont durs à mâcher, un petit déjeuner confus. Son asthme revient.
« Tu n'aurais pas dû venir.
- Écoute. Tu ne crois pas qu'il est temps que tu me présentes ?
- Non. Pas aujourd'hui. Je suis trop bien. Pas envie.
- S'il te plaît. Pour moi. »
Seun lui caresse le visage pour lui montrer qu'il est angoissé mais pas fâché.
Des petits pas curieux.
« Seun, tu parles à quelqu'un ? »
Nât, la mère de Seun, rentre dans la chambre.
Elle est vraiment petite parce qu'elle porte toute la maison sur son dos. Elle porte aussi le thé très sucré du matin et les fruits, qui un à un, furent roulés dans la farine, frits dans l'huile avec les vapeurs et les odeurs dans le silence et les bruits minuscules qui n'appartiennent qu'à ceux qui se lèvent tôt.
Elle lâche le plateau.
Les fruits rebondissent sur le plancher de bambou. Le bol tombe, le thé brûle les jambes.
« Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous faites ici ? »
Seun n'était plus là.
*
**
Leïla
Saint-Denis.
Barres d'immeubles et grisailles. Klaxons. Rumeurs du marché hallal.
C'est une maison de retraite vétuste.
De petites mosaïques au sol des couloirs. Il manque toujours des carreaux. Il y a cette odeur des personnes âgées et il y a celle du jasmin. Il y a cette lenteur qu'on ne se permet plus nulle part ailleurs. Il y a aussi cette souffrance qui ne demande plus pardon.
Et les voix qui causent toutes seules.
Safiatou l'infirmière rentre dans la chambre de Leïla. Elle a toujours une hésitation car c'est une chambre sans souvenir. Il n'y a ni cadres ni fleurs ni magazines.
Personne ne vient rendre visite à Leïla. Elle est dans son fauteuil roulant en chandail.
Son visage écrit les histoires qui ne sont pas dans la pièce. Leïla est très âgée mais on ne sait pas combien exactement car elle n'a pas d'état civil. Elle n'a pas de nom de famille. Elle a juste ses yeux gris avec des départs de feu à l'intérieur et elle regarde le mur.
Safiatou hésite. Elle pourrait repartir de cette chambre et la laisser.
Tous les pensionnaires lui font un peu peur.
Leïla ne fait surtout pas exception.
Mais elle n'est pas ici pour longtemps. Elle a encore assez d'amour dans le cœur pour bien s'occuper d'eux sans rien demander en retour.
Alors elle parle avec une voix forte qui lui fait vibrer les lèvres, qui lui donne une présence, une voix qui peut ramener à la vie,
qui pourrait presque ramener à la raison.
« Bonjour Madame Leïla, vous avez bien dormi ? »
Silence grelottant.
« Je vous amène voir vos camarades dans la grande salle ! »
Elle prend les poignées de la chaise roulante et manœuvre. Elle n'a pas regardé Leïla dans les yeux. La prochaine fois, elle sera plus courageuse.
« Pourquoi il faisait tout noir ? Où est-ce que j'étais ? »
*
**
Martin
« C'est toujours en désordre ici.
- Non. Les choses sont dans l'ordre qu'elles ont choisi. »
Avec force soupirs,
Martin fouille sous le canapé en guise de démonstration.
Il en sort une agate et la place devant son œil.
« Crois-tu qu'une bille soit à sa place ailleurs que sous un meuble ? »
Il l'offre à Leïla. Il prend ses doigts frêles, il s'attarde avec ses gros doigts de sculpteurs sur la petite boule de graisse des premières phalanges. Il parcourt aussi la ligne de vie dans la paume de Louise. Il y fait rouler l’agate.
« Regarde. C'est une planète à elle toute seule. Regarde la voilure à l'intérieur. Je ne suis pas assez gros pour lui dicter sa place dans l'univers. »
Louise sourit. Martin gagne toujours. Froissement à la commissure de ses lèvres, comme des draps.
Les yeux de Louise sont aussi des agates.
Bleus, avec une voilure à l'intérieur.
« Suis-moi ».
Louise rajuste son châle. Il fait trop froid dans la Demeure.
Martin s'ébranle. Ogre. Visage rond.
Sourcils noirs. Barbe noire.
Un ventre, une générosité.
Un homme toute en poigne.
Il guide Louise
traverse des couloirs
bute sur des choses.
Des portes et des portes
escaliers, échafaudages,
travaux perpétuels.
L'atelier n'a plus de porte. Juste deux panneaux de contreplaqué où Martin a pris des notes au marqueur.
Il les enlève avec la précaution de savoir qu'il s'agit d'une œuvre d'art.
Quand il fait ça, Louise a un soupir.
Elle sait que l'atelier est sacré.
Martin n'a pas d'amis mais il a bien des camarades.
Tous peuvent arpenter sa Demeure,
aucun n'est autorisé à rentrer dans l'atelier.
C'est la seule tendresse que Martin accorde à Louise mais elle a du poids.
L'atelier c'est déjà un monde à lui tout seul.
Chaque morceau de pierre, chaque étau,
chaque étagère, chaque poussière a un rôle à jouer.
Il faudrait tout un livre pour en faire un premier tour.
Au milieu du chaos,
une forme, soutenue par des palans.
Un grand drap blanc la cache.
Martin prend la main de Louise, juste pour les ongles. Il lui donne une extrémité du drap.
« Tire. »
*
**
Linh
« C'est vraiment une belle... »
Linh fait volte-face. Qui-vive.
« Qu'est-ce qui est belle ?
- Une belle... Une belle jument. Une belle journée aussi. »
Hao était l'un des meilleurs cavaliers du clan.
ça ne l'empêche pas d'être timide.
Fourrures. Senteurs de buffle et de cheval.
Moustache très fine. Barbe noire de vent.
Au coin des yeux, les rides de ceux qui ont attendu trop longtemps. Il cache quelque chose dans ses gants.
Linh frémit. Elle n'avait pas prévu de s'attarder dehors. Le froid l'apprivoise.
Ses cheveux courts se dressent sur son crâne.
Une veine violette sous son œil palpite.
Ses joues sont creuses. Ses yeux, vastes, enclos dans des paupières lourdes.
« C'est ton anniversaire, Linh.
- Comment le sais-tu ?
- Tu me l'as dit le jour de ton arrivée. »
Hao a une balafre qui lui court le long du visage. Une route blanche. Un combat avec un loup qui a failli lui coûter un œil et qui lui a valu le respect du clan.
Hao a du courage contre les loups mais pas pour les anniversaires.
Il tend son cadeau comme pour s'en débarrasser au plus vite.
« C'est un transistor. Tu peux écouter la radio ! »
Linh le repousse d'un geste, sans toucher le cadeau.
« Non. »
Hao retend les bras. « Prends »
« Non ! »
« Si, prends ! »
« Non ! »
Hao tire l'antenne, il pousse un bouton.
C'est un petit poste noir. Il est d'occasion, il ne vaut rien, mais il lui a sans doute coûté cher.
Des voix crachotent. Chants traditionnels aigrelets.
« Écoute ! On capte Oulan-Bator ! »
D'un seul geste, Linh lui fait comprendre qu'il a perdu ce combat. Elle lui montre l'intérieur de sa yourte.
« Tu sais combien une personne possède d'objets en Occident ?
- Non.
- Deux mille.
- Ils doivent voir beaucoup de chance.
- Tu sais pourquoi je suis venue en Mongolie vivre parmi vous ?
- Non.
- Ici, il y a moins de quatre-vingt objets par personne. »
*
**
Seun
Nât ne sait plus si c'est la douleur ou la surprise qui l'ébouillante.
En face d'elle une personne
inconnue
entièrement nue
une peau pâle avec en rayures rouges
la marque des sous-vêtements
les entrailles ensanglantées par la tasse
moins jeune que Seun
et moins mature à la fois
de grands yeux étonnés
le corps au repos.
L'amant et la mère de Seun
eurent tous deux la même idée au même moment
pour sauver la face.
Ils se précipitèrent à genoux.
Excusez-moi
Excusez-moi
Confusément ils se ruent sur les débris de tasse
et les fruits pour les ramasser avant l'autre,
se blessent aux arêtes de terre cuite,
entremêlent leurs mains,
les retirent aussitôt.
Ballet de l’embarras.
« Je m'appelle Laak...
Je suis vraiment désolé.
Seun devrait être là.
- C'est... C'est moi qui suis confuse...
Je ne savais pas qu'il avait... invité quelqu'un.
Et s'il a disparu...
Vous savez...
Il fait ça tout le temps ! »
*
**
Leïla
« Il y a des morceaux de carrelage qui sont déboîtés.
- Oui Madame, vous me l'avez déjà dit il y a deux secondes.
- Il y a des morceaux de carrelage qui sont déboîtés. »
Safiatou respire. Elles sont arrivées à la grande salle.
Inertie du fauteuil roulant pesant sur les bras. Radotage de Leïla, d'abord comme une musique... Ensuite comme une torture.
Dans la grande salle, c'est un grand globe de verre qui dispense l'éclairage principal. Cimetière de mouches mortes à l'intérieur.
Aux murs, portraits scrapbookés des anciens. Exposés des anciennes sorties et animations.
« Nous sommes allés au jardin public. »
« Nous sommes allés à la rencontre des enfants. »
Ce ne sont jamais les anciens qui racontent.
Ils sont en rond.
Peaux tachetées
parchemins
doigts qui pianotent
cannes vernies
lunettes au foyer éteint
fleurs
odeurs corporelles
une bouche tremble
quelque chose dans l'ambiance
qui a un très grand âge
une grande responsabilité
et l'impossibilité
de la transmettre
« Je vous laisse avec vos amis, Madame Leïla, je repasse pour dix-huit heures. »
Au milieu d'eux, un jeune, un nouveau.
« Je m'appelle Marc,
je suis art thérapeute. »
Il ne hausse pas encore la voix. Manque d'expérience.
Leïla lui est reconnaissante de ne pas se battre pour son attention.
Elle ignore encore à quel point il va bouleverser sa vie. A moins qu'elle ait déjà oublié.
*
**
Martin
Louise s'attarde sur les formes qu'elle devine sous le drap.
Excroissances.
Invagination.
Roc.
Elle en savait déjà assez. Elle connaissait déjà l'histoire.
Une histoire de plusieurs tonnes.
« Pas la peine. »
Louise retire sa main.
Martin a un vaste sourire ;
un enfant qu'on déçoit.
Louise fouille dans la barbe de Martin.
Dure, effilochée, plâtreuse.
Promenade dans les broussailles.
« Je vais plutôt t'arranger ça. »
*
**
Linh
Hao fait l'inventaire des possessions de Linh. Une manière de profiter de l'intimité qu'elle lui accorde pour un instant encore.
Il examine un couteau à cuir. Reflet de ses yeux.
Il teste la lame sur son bras.
boule de sang
« Pourtant, tu as connu une vie avec plus de possessions. ça ne te manque jamais ? »
Linh lui reprend le couteau.
« J'ai été entourée d'objets. Ils m'ont fait plus de mal que de bien. »
Halo la regarde. Elle est maigre.
Il veut toucher sa taille. Compte ses côtes.
« Et les personnes aussi.
- Tous les objets et toutes les personnes ne sont pas mauvaises, Linh.
- Non. Mais c'est ce qu'on y dépose, à la longue. »
Ses joues sont creuses. Des vals.
Sur sa lèvre inférieure, une tuméfaction violette.
Ses gestes, une souffrance d'être vivant.
« Hao.
Il est temps de partir à la chasse. »
*
**
Seun
« Seun. »
Nât a laissé les fruits et s'est éclipsée.
Haak enfile un sous-vêtement blanc.
Chaleur du tissu.
Chaleur de son corps en pensant à Seun.
Grignotage.
Seun mange un fruit.
Garçon fin, balancé sur le rebords de la fenêtre.
Le sourire d'un singe qui a fait une farce
et s'en tire à bon compte.
« Ou étais-tu passé ?
- J'étais à l'endroit où on s'est rencontré.
- Avec les flamands roses ? Ne sois pas ridicule. C'était juste avant la mousson. »
*
**
Leïla
« Ce sont les doyennes de l'établissement. Public difficile. Agnès est aveugle depuis six mois. Marie-Ange ne parle plus. On n'arrive plus à les intéresser. »
La directrice de la maison de retraite briefe Marc.
Vernis à ongles rouge.
Une fiche bristol par pensionnaire.
Marc se place au milieu d'elles, sur un tabouret jaune.
Lunettes à monture d'écaille.
Il tente d'amorcer une conversation.
« Parlez-moi de votre jeunesse. »
Les vieilles ne décrochent pas un mot.
Elles sont ailleurs.
Marc insiste auprès de Leïla.
« Leïla était une sans-abri. On n'a pas son identité.
Elle a la maladie d'Alzheimer.
C'est très difficile d'amorcer un lien avec elle. Elle ne fait plus aucun progrès depuis longtemps. »
Marc essaye d'autres sujets de conversation.
Échec.
Il repart chercher du matériel.
Il revient avec des feuilles.
Crayons gras, au parfum comestible.
Couleurs vives.
Il installe des petites tables en formica devant chaque doyenne.
Il pose les crayons.
Il pousse l'audace jusqu'à en placer un dans la main de Leïla.
« Dessinez la maison de votre enfance. »
*
**
Martin
Une des salles de bain de la Demeure.
Baignoire blanche avec des pattes.
Robinets avec boutons anciens en croix, à sommités de nacre.
Carrelage. Une dalle est descellée.
Plâtre. Dans la Demeure, la sculpture s'invite partout.
Un miroir au verre défraîchi. Territoires de plaques noires sans reflets.
Une ampoule pend au-dessus du lavabo.
Fils électriques torsadés,
une cordelette pour allumer.
Martin assis, la tête penchée en arrière,
confiant.
Sa respiration,
un volcan qui sommeille.
Ventre en mouvement.
Louise appuie le blaireau dans le bol de mousse.
Elle peint le cou de Martin.
Pomme d'Adam qui glisse.
Rituel.
Un endroit pour chaque chose.
La ceinture est fixée au lavabo par un anneau doré. Cuir usé. Reliefs.
Louise passe la lame du coupe-chou sur la ceinture.
Allers.
Et retours.
« J'adore ce bruit. », dit Martin.
Voix apaisée.
Juste un peu aux aguets.
Louise appuie sur le front du sculpteur, fait rouler des vagues de peau. Sa tête n'est pas assez penchée à son goût.
Martin se tasse dans son siège.
Un géant aux ambitions de souris.
Éclat.
Premier passage de la lame sur la peau.
Juste en superficie.
Le soulagement de la nouvelle barbe en allée,
celle qui grattait.
Micro-coupures qui réveillent le sang.
Plaisir dans l’œil de Martin.
Plaisir aristocratique de prendre son temps.
Louise continue, avec des gestes aussi doux
qu'elle est agacée par les caprices de Martin.
Ciseaux. Tailler la barbe.
Domestiquer la fougue, certains feux
on ne peut plus les éteindre,
à peine les dompter.
« Demain, j'y retournerai, Louise.
J'aurai besoin de ton aide
pour enfiler le Costume. »
*
**
Linh
Linh empoigne son arc.
Arc nu, juste le bois et ses striures.
REPORTE
Il a appartenu à un ancien du clan et porte en lui des flashs des nuits de chasse terribles.
Fauves.
Linh le porte du bout des doigts. L'empreinte de l'ancien est forte, elle prend le temps qu'il faut pour l'ignorer.
Linh est la seule femme du clan autorisée à chasser. Un privilège qu'elle a obtenu en tant qu'étrangère. Et pour avoir osé utiliser l'arc de l'ancien, et retrouvé une posture très particulière que l'ancien avait inventée mais n'avait pas eu le temps d'enseigner.
REPORTE
Elle l'aime parce qu'il n'y a aucune mauvaise surprise à son contact. D'ailleurs elle défendait à quiconque de l'utiliser.
Hao et Linh sont les derniers à rejoindre les cavaliers. A leur tête, raccordant la troupe à la steppe, le chef de la tribu, Qwo.
Les rides de son visage, un parcours initiatique.
Ses yeux des secrets bien gardés.
Il ne dit rien, laisse d'abord le vent parler à sa place. Claquer dans sa pelisse et sa chapka, étendre sa barbiche et la crinière de son cheval.
A son dos, il porte son arc, un arc moderne avec un viseur.
Et aussi un arc en bois, l'arc de l'ancêtre. Il n'est là que pour l'apparat.
« Linh.
Pourquoi n'es-tu pas restée travailler les peaux ?
- Elle...
- Hao, ne prends pas ma défense. Chef, ma part de travail est faite. Je veux chevaucher à vos côtés comme les autres fois.
- Tu sais bien que tu ne nous seras pas utile, puisque nous partons chasser.
- Je sais mener Cendre au galop aussi bien qu'un homme. Je ne vous retarderai pas. Tu le sais, chef, et tu m'as déjà autorisée à vous accompagner.
- Oui, parce que tu me l'as demandé avec insistance et que j'ai accepté pour que tu puisse voir nos coutumes.
Maintenant, j'estime que tu en as assez vu.
- ça ne serait pas superflu si vous me laissiez chasser avec vous.
- Nous avons déjà eu cette discussion. Tu ne peux pas chasser puisque tu ne sais pas tirer.
- C'était à l'époque. Depuis, tu as pu voir que j'ai fabriqué mon arc de mes mains. Tu m'as aussi vu m'entraîner. Je suis une bonne tireuse.
- Notre troupe n'a pas besoin d'un bon tireur de plus. Nous avons seulement besoin d'un tireur d'élite.
- Je peux le devenir si vous m'acceptez. Tu m'interdis de chasser parce que je suis une femme.
- Écoute. Je suis le chef et mon rôle, c'est de prendre les meilleures décisions pour la tribu. Je dois beaucoup réfléchir avant de prendre chaque décision et je ne dois pas revenir dessus. Ne crois pas que je te refuse le droit de chasser parce que tu es une femme. Je peux être ouvert d'esprit moi aussi. Seulement tu sais tanner et cuisiner et cela définit ton rôle au sein de la tribu. Ce sont des taches simples mais elles sont nobles et indispensables. Les garçons se sont entraîné toute leur vie pour être les meilleurs tireurs. Si je t'autorisais à te servir de ton arc, ça ne serait pas juste pour eux.
- Chef, je te demande juste de me laisser une dernière chance. J'en appelle à ta sagesse. Tu sais que je connais les steppes aussi bien que vous. Tu sais que Cendre et moi, nous nous connaissons si bien que je n'ai de leçon à recevoir de personne sur ce cheval.
Tu sais aussi que je le demande uniquement par amour de la tribu. Par gratitude. Je ne demande rien en échange.
- C'est vrai, intervient Hao en brandissant le transistor. Linh n'est pas motivée par la récompense. »
Les chasseurs rient. Ils n'ignorent pas les sentiments d'Hao. C'est aussi l'occasion de dédramatiser. Ce sont des chasseurs, pas des guerriers. Ils n'aiment pas les conflits. Ils ont de la compassion pour Linh et l'auraient volontiers acceptée parmi eux si le chef n'avait pas raison.
« Entendu, fit le chef. Tu peux nous accompagner une dernière fois. Je te l'accorde puisque je ne t'avais pas prévenue à l'avance. Mais à une seule condition... »
*
**
Seun
Seun revient dans la chambre? Il sourit comme s'il mijotait un nouveau mauvais coup. Il se colle derrière Haak et lui passe sa main sur le ventre. Il explore son nombril avec un doigt, il lui mord l'oreille. S'attarder sur le contact entre les deux joues.
« Habille-toi. Mais pas trop vite.
Puisqu'on s'est fait surprendre... Je vais te montrer quelque chose dans la maison. »
Ils s'aventurent à pas feutrés. Le contact complice des pieds nus sur les bambous du plancher. Tout est sombre dans la maison. Stores et portiques baissés.
Il n'y a plus personne. Comme si toute la famille s'était cachée. Haak perd de petites gouttes de sang, le sol les boit aussitôt.
Ils arrivent à une croisement de couloirs qui est le centre de gravité de la maison.
En face d'eux, un autel funéraire.
Fumée des bâtonnets d'encens, yeux jaunes des bougies, mais rouges des fleurs. Des médailles, des actes d'état-civil, des cartes postales.
Le portrait en noir et blanc du défunt, un homme sévère, des rides comme un aigle déployé sur son visage,
une casquette militaire, du blanc dans les sourcils et la barbiche.
Un sourire au coin des lèvres, transporté en douce.
Seun redresse une bougie, époussette le cendre d'un bâton d'encens.
« C'est mon arrière grand-père.
- Seun... Je pensais que tu avais plein de choses captivantes à me montrer dans ta maison.
Pourquoi tu me montres ça ? »
*
**
Leïla
Alors la magie opère.
Les petites vieilles et les petits vieux s'appliquent sur leurs feuilles. les crayons gras tremblent comme des roseaux dans leurs doigts mais elles tiennent bon.
Des maisons apparaissent, des cheminées dessinées à la perpendiculaire des toits avec leur nuage de fumée. Et souvent, quelques détails en plus. Les tuiles du toit, des écailles de poisson. Un arbre à tête de légume. Un puits comme une cheminée. Un homme tout en arêtes.
Ça prend d'abord un temps infini, puis ça prend une assurance inespérée, de ces mains qui la plupart du temps n'avaient pas dessiné depuis l'école primaire.
Les petits vieux se tendent les dessins. Il sourit.
Une première anecdote affleure à la surface.
Ils s'expliquent qui est cet homme,
ce qu'on avait trouvé dans le puits,
qui était tombé du toit,
de quelles passions l'arbre avait été complice.
Ils rient,
de ces rires cassés et trop rares
qui sont la seule récompense qu'on puisse espérer d'eux.
Marc jubile. Il n'y croyait pas au départ.
Alors, enhardi, il s'intéresse à Leïla.
Il lui prend la main.
Une souche aux ramures mortes.
« Leïla, vous voulez bien dessiner la maison de votre enfance ?
- J'ai la maladie d'Alzheimer. »
C'est une phrase magique pour qu'on lui fiche la paix.
« Je vous en prie, essayez. Dessinez une maison. »
Il lui glisse un crayon dans la main.
Alors Leïla abdique. Elle a l'air de se concentrer.
Elle ferme les yeux et elle dessine à même la paume de sa main,
puis elle montre sa paume à Marc.
Elle a commencé par appuyer sur les lignes de sa main avec le crayon brun
puis elle a complété par une série de traits.
C'est une maison biscornue, sans carreaux aux fenêtres, sans cheminée. Le mur est composé de rayures verticales.
« Une maison en bois ?
C'est la maison de votre enfance ? »
Marc cligne des yeux.
Leïla déplace son fauteuil vers la porte de sortie, signe qu'elle veut aller au réfectoire.
On dirait qu'elle n'a pas entendu la question.
Comme si l'espace d'un instant,
elle avait été absente.
*
**
Martin
La salle du Costume est à l'étage.
Murs. Plâtre blanc. Fissures des mains griffues. Ornements de stuc au plafond.
Interrupteurs en ferraille, avec la petite manette qui fait ce bruit nostalgique quand on la pousse.
Deux grands vitraux ébréchés peuplent ce territoire de lumière.
C'est par le désordre que la Demeure sait dédier une pièce à chaque objet majeur de la vie de Martin.
Dans la Salle du Costume, ce sont des bottes avachies par terre, un atelier de ferronnerie avec son étau à manivelle,
des cuirs en attente du ciseau.
Et puis toujours des sculptures.
Têtes de golems grotesques, énigmes de pierre, bouches.
Au dehors, pépillements d'oiseaux, branches d'arbres sous le vent.
Au centre, soutenu par un solide assemblage de métal, le Costume.
Robe de chamane, mosaïque de fourrure inuit,
ceinture de chaîne et anneaux de fer
en contrepoids, le Costume semble venu
d'un autre temps, à la fois très ancien
et post-industriel. Lanières et cordes.
Surfaces et textures. Épaulettes et gris-gris.
Louise contemple la masse pachydermique de la combinaison.
« J'aurais voulu que tu ne l'enfile plus jamais, Martin. »
Martin lui empoigne le bras. Douce fermeté.
« C'est la dernière fois. Je m'en sers pour une dernière sculpture,
et ce sera terminé.
- Comment je pourrais croire un vieil ours menteur comme toi ? ».
Il lui essuya les yeux
avec ses deux gros doigts de sculpteur.
« Parce que je ne veux plus avoir à sécher tes larmes.
Tu sais que mon art, c'est toute ma vie.
Dès que je ferme les yeux,
j'entends la voix du burin.
Mais le fais surtout pour toi,
plus que pour quiconque.
Tu sais, il y a des statues
que je ne montre qu'à toi seule.
Alors si tu n'es pas d'accord pour le Costume,
je trouverai un autre moyen.
Tu es la seule
en qui j'ai confiance
pour m'assister lorsque je pars en Costume.
Alors je t'en supplie
aide-moi à l'enfiler une dernière fois
et ensuite je répondrai à toutes tes questions.
- D'accord, espèce d'escroc.
Mais sache qu'après ça, je te refuserai tout. »
Notes :
Un personnage avec la maladie d'Alzheimer essaie de se souvenir.
Des psychomètres remontent depuis le passé pour effacer toutes traces de leur exaction, notamment une psychomètre qui fut le bras droit de Pol Pot.
Des monstres remontent traquer Martin.
La fille de Mongolie supprime les objets pour se prémunir de ses traqueurs.
Un homme qui discute avec son meilleur ami par memory interposé et ne va plus le voir.
Possibilité de ramener une personne du passé (si c'est un psychomètre inversé ? Si on détruit les preuves de sa mort ?)
Et si les quatre psychomètres étaient la même personne ?
Épisode école, trousse anti-sèche, passer au tableau, effleurer la maîtresse pour avoir les réponses
Cambodge, autel votif, génocide, musée du Génocide, Wikileaks
Martin, va chercher dans les couches du passé des sculptures de la préhistoire.
En Mongolie, on a 80 objets par personnes plutôt que 1000 objets en Occident.
Comment interagir avec les gens du passé ?
Toujours se demander comment la psychométrie gagne sa vie.
Couches de passé.
Pourquoi ne cherches tu pas la vérité dans les livres ? - il y a tout dans les livres, sauf la vérité.
La mémoire de l'eau
En sculpture moderne ce sont toujours les calcaires car (relativement) tendres et avec de bon contrastes et couleurs et plus aucune sculpture moderne ne s'envisage vraiment sans une mixité des matériau: bois, verre, acier (cortène), etc.
La mémoire je m'en suis trop servie, du coup je l'ai perdue
Costume de Martin avec des poils et des cloches
Un diamant fait avec les cendres d'un mort
Et si le monde original n'était en fait qu'une étape ? (cad qu'il était lui aussi un souvenir et non pas le monde réel ?)
Chaque voyage implique une transformation corporelle, comme dans un faux souvenir, Martin semble indemnisé mais en fait il développe un cancer
Tableau des thèmes d'Inflorenza adapté à l'univers de M?M?R? :
1 Toucher
2 M?M?R?
3 Métamorphose
4 Effleurer
5 Amour
6 Sensualité
Feuilles de personnage :
Leïla
+ Où est-ce que je suis ?
+ Pourquoi il fait noir ?
+ Qui est-ce que je suis ?
+ L'infirmière a encore assez de compassion pour s'occuper de moi.
+ (barré) Elle ne veut pas me dire où j'étais.
+ « Dessinez la maison de votre enfance ».
Martin
+ On entend encore le coup du burin.
+ Rideau de perles. Quelqu'un entre.
+ Ma voix bourrue dissuade Louise de poser des questions.
+ Louise je lui fais du mal.
+ Je donne à Louise le drap pour qu'elle tire et dévoile ma dernière œuvre.
+ (barré) Louise a refusé de dévoiler la sculpture.
+ Louise m'a rasé.
Linh
+ (barré) Le foin rappelle les steppes.
+ Le feu évoque la terreur.
+ La cavalcade, je la sens sur le cou du cheval.
+ J'ai refusé le cadeau du guerrier Hao.
+ J'ai commencé à me confier à Hao.
Seun
+ Mon amant m'effleure dans mon sommeil.
+ (barré) Ma respiration a changé depuis que je le connais.
+ Laak a fait connaissance avec ma mère.
+ Je me suis enfui à l'endroit où Laak et moi nous nous sommes rencontrés.
+ Laak a mal réagi quand je lui ai montré l'autel.
Hors ligne
LE PACTE D'YGGDRASIL
Quand une troupe de récolteurs d'écorce sont poussés à de terribles extrémités suite à leur pacte avec un arbre sacré. Le récit par Killerkown d'une partie jouée en compagnie de votre serviteur !
(temps de lecture : 5 min)
Extrait du manuscrit islandais du XVIIe siècle "AM 738 4to" conservé à l’Árni Magnússon Institute d'Islande, domaine public
Joué en ligne le 21/01/2023
Le jeu : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux
Retrouver les écrits de Killerklown sur D.R.E.A.D : Dangerously Rare Elixirs And Decoctions
Le groupe de PJ et PNJ :
Les récolteurs d'écorce :
Luciole, alpiniste arboricole timide et courageuse
Scarabouse, golem.e de bois costaud.e et en transformation
Clothaire, poète du feuillage inspiré et inquiétant
Grand-Ma, botaniste parfois maternelle et parfois cruelle
Fauve, fille sauvage hantée par un goupil
Denisievert, scientiste en formation curieux et doutant
(note de Thomas : il s'agit d'un embryon de groupe de pré-tirés que je prépare pour Millevaux)
(note 2 : nous avons aussi utilisé des éléments de L'immensité, le scénario-monde pour Biomasse dédié au végétal)
L'histoire :
J'ai eu la chance hier aprèm d'aller me perdre dans une forêt post-apocalyptique en jouant à Inflorenza dans l'univers de Millevaux, avec Thomas Munier, son auteur.
Nous testions une nouvelle approche de l'auteur, celle de jouer une adelphité (terme épicène pour fraternité/sororité) pré-tirée.
Nous avons joué un groupe de colleteurs.trices d'écorces, et plus précisément au sein du groupe, je jouais un poète un peu magicien, bien fumé et pas très compréhensible (le prétiré était décrit comme « poète du feuillage inspiré et inquiétant »), nommé Clothaire.
J'ai décidé de lui donner comme phrases (les phrases sont comme de aspects de fate et on obtient un dé de plus quand on les utilise pour un test):
« Je veux aider la forêt en combattant les monstres indiqués par Yggdrasil » (obtenue à la création de perso)
« J'ai plus confiance dans le règne végétal que le règne animal » (obtenue après le premier tour de parole / scènes)
« Le Goupil est en un être malveillant, qui est néfaste tout autant pour les écosystèmes que pour les êtres pensant » (obtenue après le second tour de parole / scènes)
La dernière divulgâchant une partie de l’histoire, elle n’est que plus bas dans le texte
Notre adelphité (4 PJ et 2 PNJ, partie sans MJ, mais Thomas était dans un rôle de facilitateur) s'est pas mal rangée sur mes objectifs (donc, chasse aux monstres sous la guidance d’Yggdrasil) et nous sommes parti.es à la recherche d'un Goupil (un renard anthropomorphe, parasite télépathique d'une PNJ de notre groupe) au-delà du champs de Rhubarbe géante.
Le premier tour de parole à posé les objectifs de tout un chacun (avec l’aide de tables aléatoires pour les cas de “pannes d’inspiration”) et les liens entre les personnages de l’adelphité.
Lors du second tour de parole, un personnage a été infecté par la Limaille (il avait préparé cela en contant une légende sur la Limaille au cours du tour de parole précédent) lors d'une rencontre dans la Maison des Feuilles... Une enveloppe contenant un piège limaillé l'y attendait et il a été infecté, devenant un équivalent du personnage de la légende, sans que quiconque dans le groupe ne s’en rende vraiment compte (tous les personnages d’un groupe sont liés télépathiquement, dans Millevaux, par le biais de l’Égrégore).
Lors de la phase suivante, nous rendant au lieu indiqué par l’Arbre Millénaire, nous avons rencontré un Goupil, celui qui hantait notre sauvageonne et il s’est vite avéré qu’il s’agissait du Goupil qui nous avait été indiqué comme problématique, détruisant l’écosystème dans lequel il vivait, en tuant trop d’oiseaux et de rongeurs (au-delà de sa faim), ce qui entraînait une trop grande quantité d’insectes et de parasites, faisant péricliter la forêt et ayant attiré l’attention du Sage Arboricole.
Nous avons donc attrapé le goupil et organisé une invocation de l'esprit d'Yggdrasil pour juger le Goupil et décider de sa peine (exil ou peine capitale ?), car nous n’étions pas forcément d’accord sur la peine (j’ai alors été la voix du Goupil, interprétant ce PNJ).
J’ai donc fait un petit feu, mélangé et des plantes et lichens hallucinogènes dans un brouet et nous nous sommes assis en cercle autour du Goupil, attaché. Un grand soleil s’est mis à briller et une luxuriance de plantes grandit en cercle autour de nous, de nouvelles branches, feuilles et fleurs poussant autour de nous, dans un festival de couleurs blanches, roses, jaunes et vertes, une déferlante de lilas, magnolias, cerisiers et noyers fleurissant tous au même moment.
La présence d’Yggdrasil lors de ce conseil improvisé nous fit part de sa décision que le goupil devait mourir, et je me suis détourné de lui, ne trouvant pas que Goupil avait agi de manière monstrueuse, mais juste d'après son instinct et ne méritait pas de mourir en conséquence de ses actes, dont l’influence était encore réversible. J’ai donc après cela acquis ma dernière phrase: « Je suis choqué par l’intransigeance d’Yggdrasil et le côté implacable du règne végétal. »
L'arbre-golem / ent de notre groupe (Scarabouse) en voulait à mort au goupil pour le mal qu'il avait fait à notre sauvageonne (nommé Fauve) et décida de s'occuper de l'exécution.
Le scientifique infecté par la limaille (Denisievert) utilisa l'invocation d'Yggdrasil pour localiser celui-ci et se rendre là-bas et je pris la décision de l’accompagner, curieux de la requête qu’il voulait lui soumettre et considérant toujours l’Arbre comme un ami (mais plus comme un mentor).
Nous arrivâmes donc au pied du gigantesque arbre, pas dans sa hauteur, ne voulant pas dépasser la canopée, pour ne pas risquer la colère des vents. Il aurait fallu au moins 20 personnes pour embrasser le tour complet de son tronc, et ses branches auraient pu être pris pour des arbres centenaires, s’ils n’avaient pas été à l’horizontale. Cependant, l'absence d’autres végétaux, à part des fougères, sous ses gigantesques branches me fit remarquer que l’Arbre Antédiluvien n’était peut-être pas foncièrement bon ou sans bassesse aucune.
Quand il fut clair que Denisievert agissait sous l'influence pernicieuse de la Limaille, et que le Goupil était responsable de cette infection, pour nuire à Yggdrasil, je décidai de m'interposer (ce fut mon seul jet de la partie et je n'en sortis pas vainqueur). Ne voulant pas laisser le scientifique toucher directement l’arbre, je m’interposai prenant sa main pour toucher l’Arbre de l’autre, espérant ainsi pouvoir filtrer l’influence de la Limaille, ce qui malheureusement me transforma en automate, me faisant perdre mon humanité, ma lyre poétique et mes pouvoirs et Yggdrasil fut lui aussi assimilé.
J'ai fini comme compagnon du scientifique, pour qu'il puisse m'étudier sans transformer d'autres parts de la forêt... Tout ce qu'il touchait se transformait en automates et il mourut rapidement de faim… (ceci n’a pas été joué mais raconté lors de l’épilogue participatif de la partie).
Bilan :
Bref, pour moi ce fut une très chouette partie dans laquelle je me suis lâché à jouer en performance (essayant d'être le plus flamboyant possible et de parler principalement en rimes et énigmes). Au cours de la création des autres personnages, je me suis constitué une réserves de rimes en relation avec la partie (donc avec les thèmes principaux des arbres, des métaux, du goupil et rimant avec les noms des autres personnages) et je les ai utilisés régulièrement pour déclamer de petits poèmes improvisés, dont le sens était parfois un peu abscons, du moins pour les autres joueur.euses.
C'était ma 3ème partie d'Inflorenza et chacune d'elle a été superbe (dans 3 théâtres différents) et je vous recommande chaudement de vous pencher sur ce jeu.
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