AFROMILVAL
Pour ce théâtre africain explosif, nous testons une variante d'Inflorenza A Cappella sans hasard !
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 07/03/15 au Colloque Bob le Rôliste
Personnages : Le Tueur, le Tyran, l'américain, Tempérance, le lion, le stagiaire.
crédits images : asfd01, Dogon56, lonnon foster, south african nature, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le Théâtre :
Afromilval fait suite au scénario pour Millevaux Sombre : Sheitan & Haschischins.
Un nuage de spores a franchi le Mur de la Honte au niveau de la Falaise de Bandiagara, en pays Dogon. L'Afrique Noire, jusque là épargnée par l'emprise, va faire face à une invasion qui va tout bouleversée. Le tout dans un décor de faim et de soif, sols desséchés et beignets de boue et de beurre, espoir total et désespoir absolu, anarchique, panclimatique, panafricain, syncrétique et post-apocalyptique !
Sauf mention contraire, tous les personnages et figurants étaient noirs. (a priori, seuls l'américain et le stagiaire étaient blancs).
Création de personnage :
Le Tueur. Objectif : tuer le Tyran pour le compte du gouvernement. Symboles : Os et Dents
Le Tyran. Objectif : prende le pouvoir sur toute la région. Symboles : Or et Pouvoir
L'américain. Objectif : bosse pour la CIA, veut fermer la brèche dans le Mur, pense que le Tyran est un potentiel allié pour y arriver. Symboles : Mur et Argent.
Tempérance. Objectif : a déjà quelques hommes, veut soulever une guerilla sous la bannière du Tyran, pour ensuite régner dans l'ombre, et si possible modérer les décisions du Tyran. Symboles : Faim et Couronne.
Personnages créés en cours de route :
Le Stagiaire. Objectif : monter dans la hiérarchie. Symboles : Sang et brosse à reluire.
Le Lion. Objectif : guérir de l'emprise. Symboles : Sang, Viande.
L'Histoire :
La savane. Des véhicules tout-terrain et un tank à roues filent sur la piste, soulevant des tempêtes de poussière. C'est un convoi d'or de Boko Haram, la grande tribu islamiste. Sur le tank, des fillettes otages sont ligotées, pour dissuader les tirs ennemis. Émergeant du cockpit, le maître de la tribu, celui qu'on appelle "Seul". Un colosse en treillis militaire. Sur son visage, il arbore un verset du Coran sous forme de scarifications : "Celui qui tue un homme tue toute l'humanité".
Tyran est perché dans un des immenses baobabs autour de la piste. Il saute du baobab sur la piste, juste en face du convoi. Pris d'une ardeur mégalomane, il enflamme un buisson qu'il lance sur le véhicule de tête. Dans le ciel, des robots volants surveillent la scène. Les drones de l'américain. Le convoi s'arrête. Ils capturent Tyran.
Sur les ordres de Seul, on l'asperge d'essence. Seul lâche une allumette sur le sol. Avant d'atteindre Tyran, elle met le feu aux broussailles.
L'américain ordonne aux drones de tirer des roquettes. Tueur, planqué au sommet d'un baobab, tire aussi. L'un des véhicules explose. Tueur perd son bracelet de dents, un fétiche porte-bonheur. Il a dû tomber au sol pendant qu'il tirait !
La terre est rouge est flamboyante. Fumée des explosions, puanteur des corps qui brûlent.
Tyran a survécu, mais son visage est bardé de shrapnels. Seul meurt dans ses bras. Avant de rendre son dernier soupir, impressionné par la bravoure et la chance de Tyran, il lui confie son rôle de guide Boko Haram.
Tempérance était aussi cachée dans les broussailles pour observer la scène. Dans la confusion, elle arrive à sauver dix hommes de Boko Haram, qu'elle enrôle aussitôt. Ils sont tous blessés à des degrés divers.
La savane n'est plus qu'une plaie de feu. Brament les éléphants brûlés. Tempérance prend dans le Tank dix lingots d'or qui ne sont pas encore fondus, et s'enfuit. L'américain et le Tueur la rallient. Ils ont tous renoncé à l'idée de pactiser avec Tyran, qui pour eux est hors de contrôle, maintenant qu'il est passé à Boko Haram.
Ils ont trois points de chute possible : la falaise de Bandiagara, territoire neutre mais juste en face de la faille dans le Mur de la Honte par où l'emprise se déverse, ou alors les campements de l'armée du gouvernement, ou enfin les grottes, sauvages mais réputées inhospitalières. Entre ces pestes et ces choléras, le groupe opte pour Bandiagara.
A Bandiagara, il règne une effervescence inhabituelle. Les guerriers dogons, barbus, armés de lances et de propulseurs, courent dans tous les sens, les femmes couvertes de terre rouge recherchent leurs enfants pour préparer l'exode. L'air est saturé d'une poussière grise, qui pourrait bien être des spores, on ne voit presque plus les toits coniques des tours dogons. En haut de la falaise, la silhouette massive et betonnée du Mur de la Honte, et s'en échappant, un gigantesque nuage de spores.
L'Emprise semble s'être manifestée d'une première façon concrète par une épidémie du virus Ebola. Tempérance va voir au dispensaire pour faire soigner les hommes de Boko Haram qu'elle vient de recruter. Le lieu est saturé de brancards où gisent les malades d'Ebola, crachant du sang. Certains corps sont recouvert d'un drap, souillé de sang. L'infirmière qui s'en en occupe est une femme-girafe. Les anneaux de son cou sont tous en or et ses dents sont taillées en pointe. Elle explique à Tempérance que ses hommes sont condamnés s'ils ne reçoivent pas des soins immédiatement. Mais elle ajoute que son dispensaire est saturé, elle demande très cher pour soigner un homme de plus. Tempérance, de mauvaise grâce, lui cède trois lingots, ce qui lui permet de sauver trois de ses hommes : Ombre (une tueuse silencieuse), Imam (un prophète envoûtant), Guerrier (une force de la nature). Ces trois hommes lui jurent une fidélité absolue.
Sur la place de la ville, une Prêtresse harangue la foule. Elle est très grande, elle a le visage et les mains couverts de terre ocre, elle porte un uniforme bardé de médailles, et surtout elle a le bracelet de dents de Tueur. C'est une prêtresse animiste, elle accuse Boko Haram d'être la cause de l'épidémie d'Ebola. Elle montre le puits et dit qu'ils l'ont empoisonné.
Le Tueur demande discrètement à la revoir, et ils se retrouvent sur la corniche qui surplombe le parc aux lions. Les lions ont été contaminés par l'emprise. Ils sont comme rouges, rongés, transformés, bêtes furieuses et agonisantes. Prêtresse et Tueur concluent une alliance.
Une grande rumeur. C'est Tyran qui fonce vers Bandiagara à l'intérieur du tank de Boko Haram. Prêtresse maudit le char, Tueur lâche les lions empreints vers le véhicule. Tempérance, ses dix hommes et l'américain arrivent en fourgon militaire sur les lieux. Ils tirent sur les lions empreints, ceux qui sont touchés s'écroulent, mais se relèvent aussitôt, plus enragés, plus sanglants, plus monstrueux
Tempérance pousse ses hommes blessés devant le char pour détourner l'attention des lions, puis pousse un blessé piégé à la grenade. Un lion se jette sur lui pour le dévorer, et explose avec lui, feu d'artifice de poudre et de chair rouge.
A bord de son char, Tyran hurle son cri de guerre. Le canon du char tire, emportant Prêtresse et Tueur dans son feu destructeur. Le char recule brusquement sous le souffle du tir, la tête de Tyran plonge en avant et se cogne contre le cockpit, le schrapnel planté dans son front de Tyran lui rentre dans le cerveau. C'est la fin de Tyran.
Bandiagara, impressionnée par le sacrifice de Tyran, se soumet à Boko Haram. Avec l'aide d'Imam, Tempérance leur fait admettre qu'elle est la cheffe de Boko Haram et prend de fait le contrôle de Bandiagara.
L'américain établit son QG à Bandiagara. L'un de ses stagiaires contracte Ebola. Il le garde encore, mais il sent que ce stagiaire bascule dans la folie. Il semble empressé de se faire bien voir pour monter dans la hiérarchie alors que l'américain le sait condamnés.
Dans le parc, il reste quelques lions empreints. L'un d'eux, Lion, a une conscience plus aigue que les autres. Il veut guérir de cette malédiction qui a fait de lui un monstre sanglant et sanguinaire.
Une grande explosion. L'Empreinte, un groupe terroriste, a dévasté les faubourgs de Bandiagara. Les espions annoncent que l'Empreinte va lancer une attaque imminente sur la ville. Une fillette atteinte du virus Ebola va voir le stagiaire. Elle lui dit du bien de l'Empreinte, elle lui dit que l'Empreinte est l'espoir.
Tempérance, l'américain, le Stagiaire et la fillette vont au-devant de l'Empreinte pour une rencontre diplomatique. Les lions empreints les ont suivis en observateurs, guidés par Lion.
L'Empreinte est constituée d'une cohorte d'éléphants et de porteurs de mortiers. Le gros des troupes, ce sont des enfants des soldats, armés de mitraillettes, camés jusqu'aux yeux, ignorant la peur, la mort ou la pitié. Ignorant qu'ils servent de boucliers humains pour protéger leur maître, Prométhée.
Prométhée s'avance vers le groupe de Tempérance. C'est une personne qui mesure quatre mètres de haut, dissimulé dans une burqa en lambeaux, d'un jaune chiasseux.
Quand le groupe de Tempérance voit à quelle genre d'entité ils ont affaire, la négociation tourne court. Les tirs des drones hurlent et crèvent le ciel. Les lions empreints se sacrifient instinctivement pour sauver Prométhée, se jetant dans la trajectoire des missiles.
Prométhée étend sa main vers la fillette et vers Stagiaire, c'est comme s'il figeait le temps. Il pose sa main sur le front de la fillette et la guérit instanément d'Ebola. Mais il dédaigne le stagiaire.
Les hommes de Tempérance criblent Prométhée de balles, mais chacune de ses blessures régénère dans un bruit de succion. Prométhée annonce d'une voix à la portée surhumaine qu'il a le pouvoir de fermer le Mur et qu'il promet de le faire.
Convaincus par cette démonstration de force, Tempérance et l'américain ordonnent un cessez-le feu. Ils escortent Prométhée jusqu'au Mur, lui-même escorté par les lions, par la fillette et Stagiaire. L'infirmière femme-girafe se déplace aussi pour assister à l'évènement.
Ils sont maintenant en haut de la falaise, devant le mur. La forêt d'Al-Milval est une tornade de spores, de lianes et de feuillages qui se déverse hors de la brèche en flot ininterrompu.
Lion et Stagiaire sont fascinés. Pour eux, passer de l'autre côté, c'est entrer dans un monde où l'emprise est reine, où l'emprise n'est plus une maladie mais une communion avec la nature, une guérison. Avant que Prométhée ait commencé le rituel de fermeture qu'il a promis, ils se précipitent dans la brèche et s'engouffrent de l'autre côté. Ils disparaissent aussitôt dans la masse végétale.
Prométhée commence bien un rituel, mais il ne vise pas à retenir l'emprise, il vise à en prendre le contrôle. D'un claquement de doigts, il commandent aux lianes qui se jettent sur les hommes de Tempérance et de l'américain.
Les drones mitraillent le Roi en Jaune, les lions attaquent les hommes, les grenades et les balles ouvrent une tranchée sanglante dans les bêtes. Stagiaire repasse un instant sa tête hors des lianes, il voit les lions, ses frères de maladie, mourir sous les belles. Il hésite un temps à revenir, mais renonce, et s'enfonce pour de bond dans le maelström organique qu'il espère être un Eden. La fillette enlève un anneau du cou de l'infirmière, qui en meurt aussitôt. Elle se sert de l'anneau pour étrangler l'américain, mais c'est trop tard, Prométhée est tombé sous les balles, et le mur est colmaté pour l'instant.
Pour l'instant, car les supérieurs de l'américain finiront bien par s'intéresser à ce qui s'est passé. Ils tourneront leur convoitise vers les trésors foisonnants que recèle l'emprise, derrière le Mur. Un jour, ils ouvriront à nouveau la boîte de Pandore.
Règles utilisées :
Il s'agit d'une variante d'Inflorenza A Cappella, conçue pour être jouée sans hasard (pas de dé, ni même de joueur qui compte dans sa tête en attendant qu'un autre joueur l'arrête). Il n'y a donc plus ni feuille de personnage, ni hasard. En revanche, il y a toujours des chiffres, puisqu'on qualifie des intensités, de 1 à 6.
Pour créer son personnage, le joueur définit son objectif et deux symboles qui le caractérisent lui ou ce qu'il est destiné à rencontrer sur son chemin (amour/guerre, forêt/feu, vengeance/monstres, etc...). Le joueur peut changer de symbole à tout moment.
Si on joue par tour et que le joueur finit son tour sans conflit, ou si on joue sans tour mais que le MJ veut marquer sa progression, le joueur raconte une fierté ou un revers qui lui arrive. C'est en rapport avec ce qui a été dit avant, et en rapport avec un de ses deux symboles. La fierté peut aussi bien être un évènement qu'un simple pensée, un état d'esprit.
Quand un joueur veut résoudre un conflit, il énonce le gain (ce qu'il cherche à atteindre). Le gain est défini par une intensité, c'est-à -dire, le nombre de choses que le joueur cherche à atteindre (par exemple, tuer son adversaire, s'en sortir sans blessure, et être considéré comme un héros, c'est un gain à 3). Un gain d'intensité 6 correspond à l'accomplissement de l'objectif du personnage. Le personnage est alors accompli : il se retire glorieusement du jeu, où il se choisit un nouvel objectif.
Le personnage en conflit, pour espérer atteindre le gain qu'il veut, doit énoncer autant d'actions et d'inventaires (motivations, ressources, handicaps) que l'intensité du gain. Bien sûr, les actions et inventaires des personnages qui l'aident entrent dans le calcul. Les actions et inventaires sont intercalées avec les actions et inventaires des joueurs en duel, ou les actions et inventaires du décor et des figurants, pour un conflit plus dynamique.
Le Confident énonce le risque (ce qui va se passer s'il échoue). Un joueur neutre (qui n'aide pas ou ne s'oppose pas) énonce le sacrifice (le prix à payer pour emporter le gain), et un autre joueur neutre énonce le forfait (ce qui se passe si le joueur renonce au conflit). Le joueur choisit l'issue du conflit : risque, sacrifice, forfait, et raconte l'issue en tenant compte de ce qui a été dit sur l'issue qu'il a choisie. S'il n'y a pas assez de joueurs neutres, c'est le MJ qui énonce le sacrifice et le forfait. Pour définir le risque, le sacrifice et le forfait, les joueurs peuvent s'inspirer des symboles du joueur en conflit.
Pour que le choix soit difficile, le joueur neutre 1 qui énonce le sacrifice est tenu de proposer un sacrifice élevé. Si malgré tout, le joueur en conflit choisit le sacrifice, le joueur neutre 1 encaisse un revers (un dommage collatéral lié au conflit), qu'il raconte (en rapport avec un de ses deux symboles). Le joueur neutre 2 qui énonce le forfait est tenu aussi de proposer un forfait difficile. Si le joueur en conflit choisit le forfait, le joueur neutre 2 encaisse un revers.
Si un joueur a des difficultés pour définir le risque, le sacrifice ou le forfait, il peut appliquer un ou plusieurs de ces critères :
+ l'issue est de même intensité que le gain
+ l'issue est liée aux objectifs du personnage
+ l'issue est liée à un des symboles du personnage
Pour qu'il y ait des chances que le joueur en conflit renonce au gain pour le choisir le risque ou le forfait, il doit savoir que s'il choisit le forfait, il obtiendra aussi une fierté, qu'il peut raconter, ou donner à un autre joueur.
Commentaires sur le jeu :
Déjà , c'était extrêmement jouissif de jouer en convention sans aucun matériel. J'avais très envie d'exhiber ça, et pour le coup je regrette d'avoir été placé dans une salle où j'étais peu visible. Je me rattraperai aux Utopiales 2015, où je compte bien mener sans matériel, au vu de tous, pendant trois jours d'affilée.
Comme c'est l'habitude au Colloque, les orgas sont passés à deux reprises me donner un évènement aléatoire à intégrer à ma partie. Le premier concernant l'intervention d'un groupe écolo accusant les personnages de quelques désastres. Ce qui a donné la prêtresse accusant les personnages d'avoir provoqué l'épidémie d'Ebola
Le deuxième évènement concernait l'intervention d'un commando militaire écoterroriste, lourdement armé, qui attaquait un bâtiment à proximité des personnages, puis s'en prenait directement aux personnages : c'était bien sûr les troupes de Prométhée
Retour des joueurs :
Le joueur de l'américain, s'est dit choqué par l'emploi de thèmes : la religion et la violence (guerilleros islamistes, guerre sainte de l'animiste), les enfants et la violence (fillettes ligotées sur le tank, enfants-soldats). J'ai réalisé qu'il n'y avait pas de mécaniques de jeu pour que le joueur puisse se prémunir de l'irruption de tels thèmes dans la narration du Confident ou d'un autre joueur.
Voici donc la règle que je testerai la prochaine fois :
A tout moment, si un symbole (déjà choisi par un joueur ou simplement évoqué dans le jeu) met mal à l'aise un joueur ou qu'il le trouve décalé par rapport à l'ambiance qu'il recherche, il peut interdire ce symbole. Sans discuter, les autres joueurs et le Confident devront éviter d'évoquer tout chose relative à ce symbole par la suite. Si le symbole avait déjà été mise en scène, ils doivent par la suite passer son intervention sous silence, l'évoquer seulement par des allusions. Si ce symbole était le symbole d'un autre joueur, cet autre joueur doit se créer un nouveau symbole.
Hors ligne
L'AUTOROUTE DES LARMES
Un théâtre contemporain, joué en table ouverte, sans matériel, sans hasard et sans chiffre.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 28/03/15, au festival Festiludiques à La Chèze (Côtes d'Armor)
Personnages : Angel, Vianney, Zack, la mère de famille, l'autostoppeur, le chauffeur routier, l'esclavagiste, le policier qui s'est fait voler son flingue
crédits : fusionpanda, licence cc-by-nc, flickr.com
Théâtre :
L'Autoroute des Larmes
À travers la forêt canadienne, une route qui n'en finit pas. De jeunes amérindiens font du stop. Disparitions. Un road-movie triste et chamanique dans les forêts immenses du Grand Nord.
Qu'est-il arrivé aux disparus ? Les retrouvera-t-on ? Qui est responsable ?
Que vous soyez le proche d'un des disparus, un usager de la route, un membre de la police qui fait des recherches, un bénévole qui organise des battues, un auto-stoppeur, un habitant de la forêt, un indien qui survit dans la misère ou encore une de ces personnes infréquentables qui rôdent dans la région... la route ne vous épargnera pas.
Si les aventures d'Inflorenza ont lieu dans un futur post-apocalyptique, ce scénario a lieu de nos jours. On joue les prémisses de cet avenir sombre, les premières manifestations de l'oubli, de l'emprise, de l'égrégore et des horlas.
Les personnages :
Angel, forestier. Objectif : changer d'air. Symboles : forêt, loup.
Vianney, père. Objectif : trouver une plante medicinale violette pour soigner son enfant malade. Symboles : ours, essence.
Le chasseur. Pas d'objectif, pas de symbole.
Zack, indien. Objectif : protéger la forêt et ses habitants. Symboles : colliers, bracelets.
L'autostoppeur, un blanc. Objectif : aller à la gde ville. Symboles : voiture, essence
La mère de famille indienne. Objectif : aller à Camp du lac faire des courses de première nécessité. Symboles : enfants, vache de la ferme
Le chauffeur routier. Objectif : récupérer une cargaison à Camp du Lac.
Le shérif. Objectif : enquêter sur les trafics de cargaisons illégales.
L'Indien. Objectif : organiser du trafic d'êtres humains.
L'histoire :
Angel est un jeune indien, il vit dans la forêt car il n'a pas d'argent, mais il voudrait bien changer d'air. Il est toujours accompagné par son loup apprivoisé.
Un jour, il siffle son loup, mais le loup ne vient pas. Il entend le bruit d'une battue. Il va voir au lieu de chercher son loup. Il voit une femme indienne, la cinquantaine, bien portante : Chumani Shelter. Elle se purifie avec un bol rempli de fumée. Elle lui explique qu'ils sont à la recherche de Daniel, un jeune autochtone qui a disparu sur l'Autoroute des Larmes. Angel va voir ce qu'il trouve de son côté. Il découvre à la fois la piste de Daniel et du loup, mais les deux pistes ne vont pas dans la même direction. Il préfère chercher son loup. Il trouve son loup, blessé. En face, il y a un chasseur avec un fusil, qui s'apprête à achever le loup. Angel lui dit "Tire-moi dessus". Le chasseur le fait mais juste après il en éprouve une honte immense. Il lui donne les premiers soins et le prend sur son dos, il l'amène vers un refuge.
Sur le chemin, ils rencontrent Vianney. Cet homme cherche une plante medicinale violette pour soigner son enfant malade. Il a laissé sa moto au refuge. Il n'a plus d'essence.
Ils se séparent. Angel et le chasseur continuent vers le refuge. Sous l'effet de la douleur, Angel a des visions. Il voit Vianney attaqué par un ours, avec de la bave et yeux noirs coulants. Vianney choisit de fuir, quitte à ce que l'ours s'en prenne plutôt à Daniel.
Angel et le chasseur parviennent au refuge, un chalet de bois non loin de l'Autoroute des Larmes. Le chasseur y trouve de quoi soigner Angel et allumer un feu. Il y a aussi l'enfant malade, qui se repose à l'étage
Pour la nuit, le chasseur barricade les ouvertures du refuge avec des tables et des planches. Il monte la garde avec son fusil. Une démone de la forêt lui chante une contine pour l'endormir, et elle rentre par la cheminée. C'est une jeune indienne pâle, les cheveux rabattus devant son visage. Elle porte une robe de mariée complètement ensanglantée. Plutôt que de la repousser, Angel et le Chasseur choisissent de l'affronter pour qu'elle ne s'en prenne pas à Vianney, mais finalement ils la laissent partir en échange de la promesse qu'elle ne s'en prendra pas à Vianney, mais à Daniel. Le loup, qui ne les avait pas suivi après la rencontre avec le chasseur, les rejoint au petit matin.
La police indienne arrive peu après : deux policiers en quad : la cheffe de la police et un adjoint. La cheffe indienne prend l'enfant malade dans son quad et repart vers la réserve, à Camp du Lac. Le chasseur, estimant qu'Angel est hors de danger, maintenant, repart de son côté, dans la forêt.
Angel pourrait rentrer aussi à la réserve. Après ce qu'il a vécu, la communauté indienne se montrerait très solidaire avec lui, comme c'est la coutume. Il pourrait mener une vie de patachon là -bas. Mais sa priorité, c'est de retrouver Vianney qu'il sait perdu dans la forêt. Il insiste pour monter à l'arrière du quad avec l'adjoint indien et de s'enfoncer dans la forêt à la recherche de Vianney. Ils le retrouvent, il était en effet perdu. Sur le retour,
ils sont pourchassés par l'ours avec cette étrange maladie, qui le fait baver, lui donne des yeux noirs et le rend agressif. Le flic indien les laisse partir en quad, il reste debout dans la forêt avec son flingue. Angel et Vianney tracent vers le refuge, ils entendent un coup de feu et un grognement et comprennent que l'adjoint s'est sacrifié pour leur laisser une chance.
Zack est aussi un jeune indien qui vit dans la forêt. Il se considère comme un protecteur de la forêt et de ses habitants. Il porte un collier de dents et un bracelet indiens, qui sont tous deux des porte-bonheur.
Alors qu'il est aux abords du refuge, il voient arriver des policiers autochtones en 4x4 médicalisé. Ils demandent son nom au protecteur, qui dit s'appeler Zack (mais c'est un faux nom), ils lui demandent ses papiers et où il habite, mais il n'a ni papier, ni logement. Ils l'arrêtent pour vagabondage et l'emmènent à Camp du Lac, petite ville au milieu de la forêt, où se trouve la réserve indienne.
Zack se retrouve en cellule. Pour lui tenir compagnie, un routier chauve, baraqué, la cinquantaine, en chemise à carreaux. Il est taciturne.
Zack, qui est plus équipé qu'il n'y paraît, lâche un fumigène à minuit. Il prend la fuite et le routier en profite pour fuir aussi de son côté. Mais Zack vole précisément le camion du routier.
Zack retourne jusqu'à la tente en bordure de l'Autoroute, où il campe actuellement. Il entend du bruit dans la remorque du camion et l'ouvre : il trouve une jeune indienne, nommée Tamara, qui était captive du routier. Tamara demande à ce que Zack la ramène dans la grande ville, mais il ne reste pas assez d'essence dans le camion.
Alors, ils utilisent ce qu'il reste d'essence pour retourner au refuge avec le camion. Ils descendent et découvrent un autre véhicule garé à côté : un 4x4 avec des grandes plumes peintes sur le capot. Quelqu'un sort du refuge, portant un couteau ensanglanté : c'est le routier évadé. On comprend qu'il a volé le 4x4 à un indien de Camp du Lac. Zack et le routier se retrouvent face à face. Le routier souille volontairement les fringues de Zack avec son couteau. Zack remonte dans le camion, il percute le 4x4, qui percute le routier à son tour. Alors que le routier est groggy, Zack en profite pour siphoner ce qui reste d'essence dans le camion, pour faire le plein de la moto abandonnée ici par Vianney. Il récupère aussi le couteau du routier. Alors celui-ci ouvre les yeux et se redresse ! Ils sont de nouveau face à face, Zack est armé et pas le routier, mais il semble craindre l'affrontement, alors le routier en profite pour repndre son 4x4 et fuir. Zack part avec Tamara en moto, direction la grande ville.
Un peu plus loin, ils avisent une femme debout au milieu de la route et s'arrêtent. C'est la démone ! Elle croit d'abord que Zack est son meurtrier (c'est une âme en peine, une revenante, victime d'un meurtre sur l'Autoroute des Larmes), mais Zack arrive à temporiser : ils font un "pacte de minuit" : Zack a jusqu'à minuit pour prouver son innocence à la démone en démasquant le vrai coupable, sinon la démone le tuera. Zack laisse Tamara partir seule vers la grande ville chercher des secours avec sa moto (Zack ne se fie pas à la police indienne, c'est pourquoi il préfère confier Tamara à la police provinciale, qu'on trouve à la grande ville). Tamara échange son bracelet contre les colliers d'Angel. Elle promet de revenir le lendemain à 23h30.
Zack marche au milieu de l'Autoroute. En pensée, il rappelle la démone à lui. Très vite, il découvre qu'elle marche dans son dos. Il veut qu'elle témoigne au commissariat de Camp du Lac. Mais il veut être présent, alors propose de se déguiser en flic. La démone lui explique qu'ils se connaissent tous au commissariat indien, il ne peut pas se déguiser efficacement sans un moyen magique. Elle propose de lui donner de l'"empreinte", qui lui donnera ce pouvoir, mais pour pouvoir en produire assez pour lui en transmettre, elle doit laisser libre cours à sa rage. Alors ils retrouvent l'ours malade et Zack laisse la démone passer sa rage sur lui et le tuer.
Elle donne alors son empreinte à Zack qui gagne le pouvoir de se rendre invisible, mais Zack réalise que l'empreinte de la démone et la maladie de l'ours sont un seul et même phénomène : Zack va souffrir de la maladie à son tour.
Il se rend invisible et accompagne la démone jusqu'au commissariat en toute discrétion. Les policiers indiens sont effarés de voir cette jeune femme en robe de mariée ensanglantée au milieu de la nuit, mais ils prennent la chose très au sérieux, et c'est la cheffe de la police en personne qui la reçoit pour l'interroger. Zack accompagne la cheffe et la démone dans la salle d'interrogatoire. Il réalise que la cheffe porte un bracelet cousu par Tamara : c'est sa mère. Sentant que la cheffe est une personne de confiance, il la touche et alors elle peut le voir, et il explique toute son histoire.
La cheffe de la police, qui est effectivement la la mère de Tamara, héberge Zack et la démone dans son mobil home. Elle suggère à Zack d'aller bientôt voir les anciens pour faire la danse du soleil, que cela pourrait apaiser les esprits en colère et résoudre toute cette affaire. En attendant, elle fume le calumet avec lui. Elle le fait dormir dans la chambre de Tamara, où un piège à rêve peut lui garantir un sommeil sans attaque surnaturelle.
Ne pouvant s'en prendre à Zack à cause du piège à rêve, le routier veut s'en prendre à la mère de Tamara. Il entre dans le mobil home, affronte la mère de Tamara, la blesse mortellement et s'enfuit. La démone dit à Zack qu'elle peut sauver la vie de la mère de Tamara, mais pour cela elle doit aussi la contaminer de son empreinte, Zack se résigne à accepter, puis il part à la chasse du routier.
Il court à travers la forêt aux abords de Camp du Lac, sur la piste du routier. Il sent que l'empreinte s'étend à cause des efforts qu'il fournit, mais il persévère. Il découvre une maison de chasse entourée de tombes rudimentaires : le repère du routier, qui est bien le tueur de l'Autoroute des Larmes. Il entre dans sa cabane et le confronte. Alors le routier raconte son histoire. Il a eu une fille avec une indienne, et sa fille est tombée amoureuse d'un gars, et le routier n'acceptait pas cette union, en réalité il aimait trop sa fille pour accepter qu'elle quitte le foyer pour aller vivre avec un homme. Mais sa fille ne l'a pas écoutée et elle s'est mariée en cachette, alors, de rage, le routier l'a poignardé à mort. Mais elle est revenue sous forme de démone, d'âme en peine. Alors le routier a compris qu'elle partirait définitivement de ce monde si elle trouvait du pardon ou du réconfort, alors il a continué à capturer et tuer des innocents pour que la souffrance soit toujours présente et garde sa fille captive en ce bas-monde. Zack parvient à lui faire comprendre que ce cycle de violence a assez duré, il lui propose de l'accompagner à Camp du Lac pour voir sa fille et lui demander pardon.
Quand ils reviennent Camp du Lac, il y a plein de voitures de flics de la grande ville, toutes sirènes dehors, ils sont venus avec Tamara.
Les flics veulent arrêter tout le monde, mais Zack demande à la cheffe de la police de les convaincre de temporiser. La démone n'est pas là , mais Tamara brise le collier de Zack pour la faire venir. Elle touche d'abord son père, qui retrouve alors toute son humanité et lui demande pardon, et la démone redevient humaine à son tour. Elle veut ensuite toucher Zack pour lui reprendre son empreinte et partir dans l'au-delà . Mais Zack refuse : il préfère garder la maladie pour que la fille reste ici-bas sous une forme humaine.
Un homme était en route vers la grande ville quand sa voiture est tombée en panne d'essence. Il fait du stop au bord de l'Autoroute des Larmes, avec son bidon d'essence vide.
Une mère de famille indienne passe avec sa cariolle tirée par des chevaux, elle va en direction de Camp du Lac faire des courses de première nécessité pour ses enfants. Elle snobe l'autostoppeur.
Passe ensuite en sens inverse la marraine de l'autoroute, Chumani Shelter (celle qu'Angel a croisée alors qu'elle organisait une battue), dans son 4*4 couvert d'affiches avec les portraits des disparus. Elle prend l'autostoppeur dans son véhicule. Mais avant d'aller à la grande ville, elle fait un crochet : elle sort de l'autoroute, prend un petit sentier de forêt et arrive devant la petite ferme de la mère de famille indienne. Dehors, une vache meugle dans son enclos. Elle dit à l'autostoppeur de rester dans le véhicule. Elle va dans la maison. L'autostoppeur voit qu'elle est a un flingue caché sous sa chemise.
Elle ressort avec les enfants comme si de rien n'était et reprend le volant.
Elle se rend ensuite plus loin, en forêt. C'est le sommet d'une carrière qui n'est plus exploitée, si bien qu'il y a un ravin artificiel en-dessous de leurs pieds. Elle dépose les enfants au sommet du ravin.
La mère de famille a eu un mauvais pressentiment. Elle est revenue à sa maison, mais trop tard : les enfants ne sont plus là ! Elle voit les traces du 4x4...
La marraine de l'autoroute revient vers l'autostoppeur et lui dit de descendre à son tour de la voiture. Elle le braque avec son flingue et lui demande de lui donner ses papiers. Elle explique qu'elle va pousser les enfants dans le ravin pour que le gouvernement augmente les subventions aux réserves indiennes, qui "seraient" victimes de tueurs maniaques. L'autostoppeur comprend qu'elle va le descendre sitôt son plan révélé, alors il sort son couteau, ils se débattent, et il parvient à la tuer.
L'autostoppeur revient vers les enfants, mais comme ceux-ci pensent que c'est un méchant, ils sont descendus dans le ravin ! Alors l'autostoppeur marche jusqu'à la prochaine station. Il y trouve une voiture de la police provinciale, et se fait arrêter. Il se retrouve à la grande ville, mais au poste.
Grâce au témoignage de l'autostoppeur, les flics ont retrouvé et la mère de famille et le ravin. La mère de famille et un policier plutôt ventripotent se rendent en haut du ravin.
Le garçon est arrivé en bas du ravin sans encombre, la fille est en difficulté, suspendue à mi-hauteur dans le ravin. Elle a trop le vertige pour continuer à descendre où se remettre à monter.
Le flic va chercher une corde dans sa voiture, il l'accroche par un côté au pare-chocs de la voiture, et à sa taille par l'autre côté, et descend en rappel la paroi du ravin.
Le gros flic descend. On sent qu'il est en difficulté, mais la mère l'encourage car la vie de sa fille est en jeu, elle lui indique les corniches où poser ses pieds. Alors le flic continue, il arrive à la fille, dénoue la corde de sa taille et la noue autour de la taille de la fille. La mère remonte la fille jusqu'à elle. Le flic veut remonter, mais il glisse, et comme il n'est plus en rappel, il va s'écraser en bas du ravin !
La mère va voir les flics pour faire sa déposition : ils organisent une confrontation avec l'autostoppeur, et les deux se chargent mutuellement !
Camp du Lac, de jour. Motel, station-service, diner.
Un shérif de la police provinciale fait une ronde. Il est là parce qu'il sait que Camp du Lac est devenue une plateforme pour des trafics de marchandises illégales.
Il revient à sa voiture parce qu'il y avait laissé son flingue par inadvertance. Mais le flingue a disparu ! Pris d'une angoisse sourde, il refait tout le chemin de sa ronde en sens inverse.
Il avise de jeunes indiens qui tuent le temps en buvant des bières. Angel est parmi eux, il est revenu vivre à la réserve depuis qu'il a sauvé Vianney. Il s'embrouillent avec eux. L'un d'eux à une voiture, il lui demande de la fouiller. L'indien sort un gun du coffre, mais c'est une réplique d'airsoft... Ce que le polciier ne sait pas, c'est que l'indien a bien volé son flingue... mais qu'il l'a planqué ailleurs. Et il compte bien s'en servir. Ce jeune indien sait qu'il y a un trafic d'êtres humains dans le secteur, et il veut bien en être complice, pour se faire un gros paquet de fric et pouvoir se tirer de cette réserve.
Un chauffeur routier est arrivé à Camp du Lac. Il a une cabine de camion, mais pas de remorque. On lui a dit de retrouver un commanditaire au diner, qu'il lui donnerait une remorque avec une cargaison et que ça paierait bien. Il reconnaît le commanditaire, car il a un chapeau noir comme prévu. Le gars au chapeau noir ne fait pas de salamalecs. Il dit tout de suite qu'il a la remorque, mais il a besoin que le chauffeur l'aide pour charger la "cargaison".
Angel entre dans le diner (qui fait aussi boutique) avec toutes ses économies. Il achète le katana qui prend la poussière en haut d'une étagère. Ce n'est pas une arme de maître, il a sûrement été fabriqué en Chine, mais Angel a l'air très heureux. Il se sent naître une nouvelle personnalité maintenant qu'il a cette arme.
Zack aussi est resté vivre dans la réserve, mais la maladie a continué son oeuvre : il est devenu un démon. Il s'est même retrouvé en enfer. Il pensait qu'il y passerait le restant de ses jours, mais un beau matin il s'est réveillé et il n'était plus en enfer : il était dans une tente de sudation. Dans la tente, il y avait aussi un vieil indien, un ancien du village. L'ancien lui prend aussitôt son bracelet, puis il dit : "Je t'ai sauvé de l'enfer. Mais si tu ne fais pas ce que je te dis, je détruirai ton bracelet, et comme c'est le focus qui te relie au monde des vivants, tu retourneras en enfer.". Zack ne veut surtout pas retourner là -bas, alors il devient très attentif.
L'ancien lui demande de protéger la communauté indienne s'il veut rester dans le monde des vivants, Zack accepte. Il lui confie une veste, un chapeau et des lunettes noires pour qu'il masque sa maladie, et il lui propose de se faire passer pour un enfant de la lune, ce qu'il expliquerait qu'il soit ainsi affublé même en plein été.
Première mission : enquêter sur l'homme au chapeau noir. L'ancien pense qu'il trame quelque chose de terrible.
Zack commence par aller poser des questions à la boutique. Il y trouve Angel. Sachant qu'Angel a déjà été confronté à la démone, il sait qu'il peut lui faire confiance, alors il l'associe à ses recherches.
Entrent dans la boutique une bande de motards de grand chemin. Ils portent tous des bracelets indiens à frange. Ils n'ont pas l'air net, alors Zack et Angel sortent sans se faire remarquer.
Zack et Angel vont voir la cheffe de la police, mais en l'absence de preuves, elle dit qu'elle ne peut pas les croire. Elle promet d'ouvrir l'oeil, mais elle n'en fera pas plus pour l'instant.
Ils vont voir au Motel, ils rencontrent le père d'un jeune disparu, qui distribue flyers avec le portrait de son fils.
Ils vont au casino indien. On leur dit que l'homme au chapeau noir file des bières aux jeunes indiens.
Angel sait où on peut trouver les jeunes indiens : ils zonent souvent sur le terrain de basket qui est en bordure de la réserve, dans la forêt. Ils s'y rendent et découvrent les jeunes indiens, qui sont tous complètement stone. Les bières devaient être sacrément assaisonnées !
Il y a aussi un camion. Ils voient l'homme au chapeau noir et le chauffeur routier s'apprêtent à charger les jeunes indiens dans la remorque !
Il est risqué d'intervenir sans faire de blessé, mais Angel et Zack y vont quand même. L'homme au chapeau noir dégaine son calibre, Angel le brise avec son sabre. Alors les deux trafiquants sautent dans le camion et démarrent en trombe. Ils renversent un des jeunes indiens, Axel.
Zack a développé le pouvoir de transférer une partie de son empreinte, mais il ne peut le faire qu'une fois : il lève la paume en direction du camion, et celui-ci se nécrose à toute vitesse.
Puis Angel et Zack amènent les jeunes indiens au commissariat, qui fait aussi infirmerie. Le vieil indien se rend au chevet d'Axel. Il dit qu'il va mourir avant qu'on puisse l'amener hopital, si on ne fait rien. Son âme a été capturée par l'homme au chapeau noir, elle est en enfer. Il faut aller la rechercher !
Zack et Angel acceptent de rentrer dans la tente de sudation. Quand ils en sortent, à l'extérieur c'est toujours Camp du Lac, mais vide de ses habitants. Ils sont bien en enfer. Ils croisent le routier (le premier, le tueur de l'autoroute) qui arpente la réserve avec un shotgun. Il leur servira de Guide dans les enfers.
Le Guide monte en 4x4 , Zack et Angel prennent chacun une moto, et ensemble ils prennent l'autoroute, direction l'Alaska.
Les motards avec des bracelets indiens à frange dépassent le 4x4. Ce sont les gardiens des enfers, qui pourchassent Zack pour le forcer à rester ici.
Angel saute de la moto, il intercepte les bikers. Les bikers agitent des chaînes qu'ils en enroulées en lassos et les jettent sur Angel pour le capturer. Mais Angel se baisse juste à temps, et les bikers se font chuter mutuellement. Il reste leur chef, qui descend de sa moto. Il sort une épée et affronte Angel en combat singulier. Ils se désarment mutuellement, chacun tranchant la main conductrice de l'autre. Le biker-démon hurle, sa main vomit une nuée de mouches. Angel lui pique sa moto et repart vers le nord.
Il fait de plus en plus froid alors qu'on remonte vers le nord. Zack rattrappe le camion avec sa moto. C'est le même camion que celui de l'homme au chapeau noir : dans les enfers, il est intact. Zack comprend que l'âme d'Axel est à l'intérieur. Il saute sur la portière arrière, abandonnant sa moto, ouvre la portière, et libère Axel.
Le Guide dans son 4x4, et Angel sur la moto du démon, rattrappent le camion. Angel échange sa moto avec Zack et Axel. Le camion fait demi-tour, il percute le 4x4. Le Guide n'est pas assez rapide pour sauter, mais Angel le pousse au-dehors, il saute à son tour mais tard, il est blessé aux jambes.
Zack revient avec une moto de biker, il la lance sur le camion pour défoncer. En sortent l'homme au chapeau noir et le chauffeur. Angel les blesse avec son sabre, et les menace de les tuer s'ils continuent leur abominable trafic. L'homme au chapeau noir et le chauffeur de l'enfer ne sont que des projections des pulsions de l'homme au chapeau noir et du chauffeur du monde des vivants, mais la menace suffit pour apaiser ceux qu'ils sont dans le monde des vivants : le trafic va ainsi prendre fin.
Règles utilisées :
C'est le tout premier test d'Inflorenza minima.
On joue sans feuille de personnage, sans hasard, sans chiffre. En cas de conflit, le joueur annonce ce que veut obtenir son personnage, et en tant que Confident, je détailler toutes les options :
+ sacrifice à payer pour obtenir ce qu'il veut
+ forfait
+ aggravation : le personnage n'obtient pas ce qu'il veut et sa situation s'aggrave. En contrepartie, il gagne un pouvoir, qu'il pourra dépenser plus tard pour obtenir ce qu'il veut sans payer de sacrifice.
Cette pléthore d'options ralentissait un peu le jeu et cela provoquait de grosses cogitations pour les joueurs de Zack et Angel, qui sont ceux qui ont passé le plus de temps sur la partie.
Sinon, j'ai joué en table ouverte, comme sur Les Chemins de Compostelle, c'est-à -dire que les joueurs pouvaient prendre le train en marche et rester jouer le temps qu'il leur convenait. A nouveau, le concept se prêtait bien à la table ouverte : c'est une route, les gens vont et viennent. La différence avec Compostelle est qu'on n'allait pas toujours dans la même direction : on a fait des allers et retours entre Camp du Lac et la grande ville.
Pour aller plus vite, j'ai présenté L'Autoroute des Larmes non pas comme un scénario, mais comme un jeu à part entière. Je pouvais toujours prendre le temps plus tard d'expliquer ce qu'était Inflorenza, mais en évitant d'en parler dès l'introduction, je gagnais beaucoup en temps et en clarté, ça a été efficace pour capter l'attention de personnes qui avaient peu ou pas d'expérience du jeu de rôle, et pour leur donner envie d'essayer tout de suite alors qu'un tas d'autres animations leur tendaient les bras.
Commentaires sur le jeu :
Nous avons abordé des thèmes assez délicats et il y a eu des moments assez déchirants, notamment le premier final où Zack sacrifie ses espoirs de guérison pour permettre à la démone de redevenir humaine, et clairement c'était généré par les règles. Les joueurs devaient faire des choix parfois cruels, comme quand Angel a accepté de laisser l'adjoint se sacrifier face à l'ours pour leur laisser une chance de fuite.
J'ai été un peu pris de court quand je me suis retrouvé avec quatre joueurs à gérer en même temps (le chauffeur + le shérif + le jeune indien voleur de flingue + Angel), je n'arrivais pas à trouver un liant, et finalement j'ai plutôt été soulagé quand le gros des joueurs est parti sur un autre jeu. Maintenant, le théâtre est plus étoffé, je pense que j'aurais été moins pris de court. Peut-être aussi que j'aurais été plus directif.
Le personnage du chasseur a été incarné par un joueur à partir de l'arrivée au refuge. Comme le joueur était très jeune et sans expérience du jeu de rôle, je ne lui ai pas demandé de définir un objectif ni de symboles.
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LA CARLINGUE
Test du théâtre sous-marin et passionnel d'Arjuna Khan, où l'on découvre le besoin de simplifier Inflorenza minima.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 06/04/15 sur google hangout
Personnages : Dimitri, Jaan
Enregistrement disponible sur ma chaîne youtube
crédits image : arnaud abadie, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le théâtre :
Estonie. Les inondations successives ont transformé le pays en une gigantesque mare de boue. Constructions, cités et monuments ont été avalés par marécages et tourbières.
Survivants, rois, poètes, guerriers ou monstres ont tous perdu quelque chose de valeur et se sentent privés d’un élément essentiel. Fruit de leur songe, une obsession les nourrit et les affame en l’image d’une vieille carlingue rouillée vestige des vaisseaux plongeant jadis sous les eaux. Nuit après nuit, une idée se forge en eux ; ils ont la conviction que ce sentiment de vide, d’absence peut être comblé au-delà de leurs espérances, s’ils retrouvent ce vaisseau enfoui.
Ce théâtre a été écrit par Arjuna Khan pour le webzine Les Chroniques d'Altaride
Les personnages :
Dimitri
Objectif : détruire, dompter ou repousser la nature.
Symboles : Science, folie
Ce qu'il recherche dans la Carlingue : une arme de destruction massive, pour détruire la nature.
Lien affectif avec Jaan : j'aime l'idéalisme de Jaan. Je n'aime pas son sens de la priorité car il me rend vulnérable.
Jaan
Objectif : connaître le secret de ma femme.
Symboles : Amour, mémoire
Ce qu'il recherche dans la Carlingue : ma femme.
Lien affectif avec Dimitri : j'aime l'idéalisme de Dimitri car il a un but contrairement à moi qui suis cynique et individualiste.
L'histoire :
Le réveil. Dimitri et Jaan ont installé leur campement sur la digue de béton qui traverse la tourbière comme une sclérose. Le vent claque dans les toiles de leurs tentes et de leurs corps. La tourbière, rouge, jaune, verte, à perte de vue.
Une troupe s'avance. Hommes et femmes en manteaux noirs, déchirés, bras et jambes couverts de pansements, armés de fusils bricolés et d'appareils saugrenus, des masques à gaz pour certains. Les Liquidateurs, ceux qui se battent pour lutter contre la radioactivité et ses méfaits.
Ils se présentent à eux. Jaan reconnaît leur cheffe. Elle est à la fois vieille et comme sans âge. Le vent bat ses cheveux blancs drapés contre son manteau noir. C'est Irina, cheffe des liquidatrices, et mère de Mare, la disparue, la femme de Jaan.
Irina leur explique que les Liquidateurs se rendent à la Carlingue, au bout de la digue, qu'il y a là -bas une menace radioactive à éradiquer. Ils veulent bien faire la route avec eux, mais elle les invite aussi à rejoindre leurs rangs, à prêter le Serment des Liquidateurs. Jaan refuse le Sacrement, mais Dimitri l'accepte de bon cœur. Les Liquidateurs associent l'emprise à la radioactivité et Dimitri, combattant l'emprise, se sent proche de leurs convictions. Irina lui fait manger la Prosphora, l'hostie sacré, et le voilà maintenant un des leurs.
Irina explique alors une chose à Dimitri : en tant que Liquidateur, il doit assurer la transmission de sa tâche. Aussi, il devra impérativement transmettre sa charge à son premier né. Dimitri n'a, ni femme, ni enfant. Qu'à cela ne tienne, il lui faut en concevoir un, dit Irina. Elle lui présente Poudre, une femme de seize ans parmi les leurs. Ils devront faire un enfant ensemble. Elle rappelle aussi à Jaan que son propre enfant devra devenir Liquidateur un jour, puisque sa mère a prêté le Serment.
Dimitri, Jaan et les Liquidateurs voyagent ensemble pendant des jours. Des liens se créent. Dimitri comme Jaan sont plus que jamais déterminés dans leurs quêtes respectives. Le groupe s'arrête pour déjeuner, près d'un bunker construit près de la digue, à quelques mètres dans la tourbière. Les Liquidateurs leurs tendant des poissons qu'ils ont pêché dans des eaux sans emprise. Ils le "prouvent" en passant leur compteur Geiger dessus, pour montrer que ça ne crachote pas trop. Ils leurs offrent des poissons et leur déconseillent de pêcher dans la tourbière, où les animaux sont trop empreints.
Poudre aborde Jaan. Elle est sale et hirsute, et pourtant belle, innocente. Il voit la détresse dans son regard. Poudre lui demande :
"Je vois que tu as des tatouages sur tout le corps.
- Oui, c'est pour conserver la mémoire des instants précieux.
- Tu as de quoi faire des tatouages sur toi ?
- Oui.
- Je veux que tu me tatoues un nom sur la nuque : Sergueï."
Jaan sait que Sergueï est un autre des Liquidateurs, un jeune de vingt ans, plutôt timide.
"Tu sais que les tatouages, c'est pour la vie ?
- Si ce n'était pas pour la vie, je ne te le demanderais pas."
Prétextant une ronde de reconnaissance, Jaan et Poudre traversent prudemment les quelques mètres de tourbière qui les séparent du bunker et entrent dans la construction. L'intérieur est tapissé de graffitis d'amoureux : un lieu chargé d'égrégore. Jaan tente une dernière fois de lui faire changer d'avis. Poudre lui explique qu'elle a demandé à Irina d'épouser Sergueï, mais Sergueï est stérile, alors Irina a refusé. Jaan reconnaît bien là les manières de sa belle-mère. Cela le convainc d'accepter de faire le tatouage, même s'il sait que l'égrégore que produira ce geste, fera que Poudre sera liée à Sergueï pour la vie. Jaan lui dit même : "Je vais te faire un beau tatouage.". Il sort son aiguille, Poudre écarte ses cheveux, et il commence le tatouage sur sa nuque.
Une tête émerge de la tourbière, c'est une Sirhaine, un Horla qui se nourrit des passions humaines. Elle a le visage de Mare, mais pas n'importe quel visage : le visage de Mare tel qu'il était dans le meilleur souvenirs de Dimitri. Elle se glisse vers Poudre et Jaan, elle a faim, elle dit : "Laisse-moi juste lui manger un bras.". Poudre semble déterminée à se laisser manger un bras si la Sirhaine laisse Jaan terminer le tatouage : il n'y aura pas d'autre occasion et le tatouage doit absolument être fait d'un seul trait.
Dimitri prend conscience du danger, il ramasse un fusil et entraîne Sergueï vers le bunker. Jaan réfléchit à toute vitesse. Il sait que s'il agit de façon à ce que sa femme soit fière de lui, la Sirhaine lui dira où trouver sa femme. Jaan continue à faire son tatouage, concentré sur le trait, et il tend son autre bras à la Sirhaine pour qu'elle le dévore au lieu du bras de Poudre. La Sirhaine lui dévore le bras, elle lui dépose ensuite un baiser sur la nuque : la trace qu'il laisse, c'est le plan de la Carlingue, avec l'emplacement de sa femme, et elle replonge dans la tourbière avant que personne n'ait pu lui tirer dessus.
Quelques jours après cette mésaventure, ils arrivent enfin à la fin de la digue. La mer n'est pas encore là , où alors elle se confond avec la tourbière. Des masses métalliques noires émergent des eaux turbides : ce sont des parties de la Carlingue. Les Liquidateurs disposent seulement de quatre équipements de plongée : Irina en prend un, en attribue un à Dimitri, un à Jaan, et le dernier à Poudre.
Ils plongent et rentrent dans un sas. Une fois qu'ils sont dans le sas, une Sirhaine plaque son visage contre le hublot. Elle a le visage du fils de Jaan. Ils l'ignorent et passent dans un autre sas.
Irina dit qu'ils ne sont pas sûrs de tous remonter vivants. Il est temps de prendre des dispositions pour la survie de la lignée. Elle ordonne à Dimitri et Poudre de procréer, maintenant. Elle brandit la Prosphora, pour symboliser le Serment qu'ils ont tous les deux juré. Dimitri accepte, pour qu'Irina ait une dette envers lui, et il fait l'amour avec Poudre, dans le sas, sous leurs yeux.
En suivant le plan sur la nuque de Jaan, ils arrivent ensuite à la salle des machines. Des cubes noirs au fonctionnement mystérieux en constituent le cœur. Ils y trouvent Mare, en robe noire de Liquidatrice. Elle révèle son secret, pourquoi elle est allé dans la Carlingue sans rien expliquer à Jaan : c'est la plus grande scientifique parmi les Liquidateurs, elle savait qu'une arme d'holocauste nucléaire était confinée dans la Carlingue, et c'est pour ça qu'elle s'y est rendue. À force, elle a fini par comprendre le fonctionnement des cubes noirs. Elle est la seule capable de savoir comment déclencher l'arme. Cette arme va tout détruire et seulement après l'humanité renaîtra.
Irina, évidemment opposée à l'idée de déclencher un holocauste nucléaire, essaye de tuer Mare avec son couteau. Dimitri retourne contre Irina le Serment de la Prosphora : il la force à épargner Mare et à la démettre de ses fonctions. Mais Irina enjoint Mare à oublier son secret. Mare promet d'essayer.
Mare tombe sa robe, elle est nue et prend la main valide de Jaan. Il est temps de repartir. Leur enfant les attend, un enfant qui ne sera plus obligé de prêter le Serment à son tour. Poudre et Dimitri les suivent.
Irina, quant à elle, s'assoit dans la salle des machines, avec un fusil. Elle va rester ici. Monter la garde. Jusqu'à la fin de ses jours.
Commentaires sur le jeu :
La partie a été intense et belle, pour autant elle a souffert de désagréments techniques. Le système de choix actuels d'Inflorenza minima est complexe. Une seule personne dans le conflit donne un choix entre risque+pouvoir ou forfait+fortune ou gain+sacrifice, chacune de ses options devant être énoncée à l'avance par le Confident. Si quelqu'un aide dans le conflit, on rajoute un gain+sacrifice pour l'assistant dans la grille de choix.
Par exemple, pour le conflit contre la Sirhaine, le joueur de Jaan devait choisir entre ses trois options :
1° Jaan et Dimitri tuent la sirène mais du coup Jaan ne ne reverra pas sa femme
2° Jaan et Dimitri tuent la sirène mais Dimitri sera mis au ban des Liquidateurs pour complicité dans le tatouage.
3° La sirène mange le bras de Poudre et dit à Jaan où trouver ta femme
4° Jaan et Dimitri mettent en fuite la sirène et Jaan ne saura jamais où retrouver sa femme.
Le pire, c'est que le joueur de Jaan a finalement proposé une autre option :
5° Jaan se laisse manger le bras par la Sirène pour épargner Poudre, et la sirène lui dit où trouver sa femme.
C'est le joueur de Jaan qui a mis le doigt sur cette complexité, vous pouvez lire nos échanges ici.
Il m'aura fallu encore quelques tests pour trouver comment affiner la formule jusqu'à l'épure actuelle.
Mais le véritable déclic s'est produit ici. Inflorenza diceless est le produit des paradigmes d'Inflorenza diceful que j'ai progressivement expurgés des dés et des chiffres. Mais il me restait encore une logique de choix informés trop complexes, et il m'a fallu encore quelques tests pour comprendre que la mécanique, pour fonctionner sans dés et sans chiffre, devait être la plus narrative et organique possible, et l'épure maximale n'était pas cette orgie d'options, mais seulement proposer un choix mortel (un choix entre deux mauvaises solutions), quitte à faire des choix mortels gigognes en cas de conflit duel / conflit avec assistance. Présenter les conflits de façon narrative permet par ailleurs de laisser émerger les propositions des joueurs, et donc conserver une meilleure agentivité qu'en proposant une batterie de choix informés sans laisser entrevoir de possibles alternatives à ces choix.
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LE DUEL DES VANITÉS
Le cape et d'épées baroque et cruel porté à son pinacle avec Inflorenza minima.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 12/04/15 à la Convention Eclipse
Personnages : Saison de Larmes, la courtisane.
crédits : al fresco, bru_ca, erigone, str@vinsky, licence cc-by-nc, flickr.com
Le théâtre :
Venise mortelle, une des étapes du triptyque italien-Renaissance Tre Citta per Morire, déjà testé ici et là .
Personnages :
Saison de Larmes
Objectif : être reconnu comme le meilleur escrimeur de son temps.
Symbole : poésie
La courtisane
Objectif : être la plus grande célébrité de Venise.
Symbole : sans merci.
L'histoire :
Ce soir sur la Place Saint-Marc, c'est le premier soir du Carnaval de Venise.
Courtisans, nobles et inconnus, tous masqués, sont attroupés en cercle autour du Doge. Tout en parure et masque doré, il s'apprête à ouvrir le premier bal du Carnaval, un bal où couples de danse et couples d'escrime tourneront ensemble pour le plus grand plaisir des yeux.
Le Doge avance la main. Il attend qu'une femme ose s'en saisir pour ouvrir le bal avec lui. Pour la courtisane, c'est l'occasion où jamais de marquer les esprits vénitiens. Mais une autre femme s'avance. C'est Vipère. Son loup est d'écailles paré des cheveux vivants de la Méduse, il laisse voir ses lèvres rouges et sa mâchoire d'une pâleur maladive. Sa robe verte est drapée d'ornements végétaux. La courtisane lui fait un croc en jambe, Vipère s'écroule devant tout le monde, à deux pas du doge. Le déshonneur est si grand qu'elle en fait une crise cardiaque. Elle a juste la force de se retirer en titubant. La courtisane vient de se faire une ennemie mortelle.
Il ne fait plus aucun doute maintenant que c'est la courtisane qui va ouvrir le bal. Saison de Larmes, qui est là aussi pour se démarquer, étend son bras pour lui ouvrir le passage. Il porte un masque de clown triste, avec, comme de bien entendu, une larme à l’œil. Mais un autre homme a la même ambition, l'escrimeur Gonzague, entouré de ses favorites. Il engage avec Saison de Larmes une bataille de poèmes que Saison de Larmes préfère ne pas soutenir. Il s'efface pour l'instant, les favorites pouffent du prestige de l'escrimeur qu'elles courtisent et grincent des dents quand il fait la révérence à la courtisane et écarte les festivaliers pour qu'elle se présente au Doge.
La courtisane danse avec le doge. Les violonistes jouent leur ouverture la plus raffinée. Le triomphe de la courtisane est total mais il a un prix : en dansant avec le Doge, elle tombe amoureuse de lui, de cet homme qui est le parangon de la noblesse, de ce masque doré qui ne laisse filtrer aucun sentiment. Éperdument amoureuse. Le Doge est un cœur à prendre, et elle se jure de devenir son épouse.
Un courtisan nommé Mercutio se présente à Saison de Larmes. Il lui avoue son admiration pour son art. Il sait, lui, que cette défaite contre Gonzague n'est que partie remise, et jure de l'aider à recouvrir tout son prestige, et présentement à lui fournir tout le matériel nécessaire. Saison de Larmes lui demande des échasses.
Gonzague est monté sur un balcon avec ses favorites pour regarder le bal d'en haut. Saison de Larmes se présente à lui en échasses, sort son fleuret du fourreau et le défie en duel. Gonzague se met debout sur le parapet et sort aussi son fleuret. Il accepte le duel à condition de choisir la discipline : ce sera un duel de poésie sur cœur : est vainqueur le premier qui parvient à écrire un poème sur la poitrine de l'autre à la pointe de son épée. Gonzague ajoute également un enjeu : s'il le vainc, il aura l'honneur de pouvoir affronter son maître d'escrime : le Cardinal en personne. Saison de Larmes enlève sa chemise : il relève le défi.
Elle aussi juchée sur des échasses, Vipère se glisse entre les deux duellistes. Elle tient une rose entre ses dents et lui invite à la prendre avec sa bouche : ainsi il signalerait qu'il mène ce duel pour défendre sa couleur.
Saison de Larmes voit que la rose suinte de poison. Philtre d'amour, potion de force ou venin mortel ? Il refuse l'invitation et d'un geste méprisant, il coupe la tête de la rose avec son épée. Vipère lui fouette le visage avec la tige empoisonnée, puis s'écroule du haut de ses échasses, victime d'un nouvelle honte, victime d'une nouvelle crise cardiaque.
Le duel des deux escrimeurs est acharné, en équilibre instable. Saison de Larmes bat Gonzague, il calligraphie sur son cœur un poème très simple, mais aux pleins et déliés d'une harmonie parfaite. Gonzague s'incline et toujours en équilibre sur le parapet, lui tire sa révérence.
Au milieu de la Place Saint-Marc, des couples de danseurs se forment, rejoint par des couples d'escrimeurs, dans un grand ballet de pas et de lames. Ni la courtisane ni l'escrimeur n'y participent. Ils font se languir le public. Leur véritable heure de gloire viendra plus tard.
Le Cardinal apparaît, tout de pourpre vêtu, masque rouge. Il tend sa main baguée à Saison de Larmes pour qu'il l'embrasse, mais l'escrimeur s'y refuse. La provocation en duel est consommée. Ce sera un duel épique, en deux temps. Cardinal concède à Saison de Larmes le choix de la première partie. Pour la seconde partie, il demande un duel à mort. Ce duel constituera la clôture spectaculaire du bal du Doge, et bien entendu, comme il convient de marquer le coup, ce sera un duel de dansescrime sur échasses, avec cavalière.
Saison de Larmes, accepte le défi ! L'Histoire est en marche.
Vipère s'offre comme cavalière pour le Cardinal. Elle a survécu à sa deuxième crise cardiaque, pour tout dire elle est rayonnante, d'une rayonnance crépusculaire, mais elle sait qu'elle ne verra jamais le lever du jour : elle donne tout ce qui lui reste, pour sa vengeance et son prestige. La courtisane s'offre comme cavalière pour Saison de Larmes. Le Doge lui murmure à l'oreille : "Ne me décevez pas.". Il claque des mains et ses servantes entraînent la courtisane dans le palais pour la changer. Elle revient sur la piste, en échasses, parée d'une sublime robe de mariée.
Les danseurs quittent la piste pour laisser place aux deux couples duellistes en échasses, qui démarrent leur dangereux ballet sous les tirs des cracheurs de feu. Les cavalières ne sont en aucun cas un simple ornement. Elles risquent leur vie et doivent mettre tous leurs talents en œuvre pour permettre à leur cavalier de remporter la victoire.
La première partie, telle que l'a voulue Saison de Larmes, est une épreuves de danse pure. Tout en dansant avec leurs cavalières, les escrimeurs s'affrontent affrontement en utilisant leurs épées comme des bâtons de chef d'orchestre. La passe est donc esthétique, sensuelle, musicale ; les duellistes écrivent une bataille symphonique dans le ciel de Venise.
Deuxième partie, on échange les cavalières ! Cette fois-ci, le duel est à mort, et les cavalières doivent prendre garde à ne pas se faire passer au fil de l'épée, tout en offrant aux yeux du Doge et de Venise toute la grâce que cette danse requière.
Le Cardinal murmure à la Courtisane que s'il gagne, elle pourra épouser le Doge, puisque lui seul a le pouvoir de valider cette union. Mais la courtisane comprend bien que si elle épouse le Doge, le Horla qui vit dans Vipère et se nourrit de gloire va maintenant la posséder. Elle est prête à tenter le risque. Alors abandonne l'idée d'entraver l'escrime du Cardinal, elle entame cette deuxième partie en étant complètement acquise à son camp.
Vipère agit en parfaite alliée de Saison de Larmes. Elle ne veut rien d'autre que de finir dans le camp du vainqueur. Les serpents de sa masque et tous les ornements de sa robe frémissent, vivants. Elle mourra ce soir mais lui offrira une nuit d'amour auparavant, dont il en ressortira inconsolable à jamais. Saison de Larmes accepte ce pacte, parce qu'il veut tout consentir pour gagner le duel de sa vie, et parce qu'il est des promesses en ce monde qui valent la peine d'en ressortir dévasté.
La danse, l'escrime, à des mètres au-dessus du ciel, prend une tournure paroxystique, alors qu'éclatent les premières explosions du feu d'artifice. Harmonie, vitesse, vertige, peau, chair, sang, regards, visages, lames, souffrance, colère, beauté ! Les lames s'entrechoquent dans un fracas symphonique, la danse semble ne jamais s'arrêter, et soudain le bouquet final, chaque escrimeur embroche d'un seul coup son rival et sa cavalière !
Et tous quatre,
tombent,
comme à reculons,
dans le vide,
sous une pluie de roses,
dans la gloire éternelle.
Règles utilisées :
Nous avons joué en Inflorenza minima, dans sa première version. Chaque risque évité se paye d'un sacrifice, chaque risque consenti est compensé d'un pouvoir (permettant d'obtenir un futur gain sans rien sacrifier), chaque forfait est équilibré par une fortune. C'était un peu compliqué (surtout en cas de conflit impliquant les deux personnages, car on avait encore plus d'options à préciser à l'avance), mais avec deux joueurs, ça passait bien, et ça offrait des passes d'arme très nuancées.
Tout le sel des conflits d'Inflorenza classique était conservé, avec des gains dépassant largement le cadre du combat, ce qui donnait une tournure poétique et baroque.
On avait bien convenu avec les joueurs qu'on ferait du cape et d'épées à fond, donc personne ne s'est retenu comme ça aurait pu être le cas si on ne l'avait pas défini.
La partie a été improvisée sur stand, la durée était à la carte, on aurait pu arrêter après l'ouverture du bal, mais les joueurs ont tenu à monter en gamme. On a dû jouer entre une heure et une heure et demie.
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RETOUR DU VIÊT NAM
Un nouveau théâtre contemporain, quand traumatisme de la guerre et sombre passé s'emmêlent dans un même cauchemar végétal.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 17/04/2015 au festival Ramène tes Jeux à Theix (Morbihan)
Personnages : Max, Vance
crédits : Chris Goldberg, Mike Leavenworth, swiga269, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le théâtre :
Les personnages sont des soldats qui reviennent au pays après la Guerre du Viet Nam. Mais la jungle et ses horreurs semblent ne les avoir jamais quitté.
Les personnages :
Max
Objectif : Retrouver le meurtrier d'Ashley
Symbole : le visage d'Ashley
Vance
Objectif : disculper son père qui est soupçonné du meurtre d'Ashley. Symbole : les souvenirs d'enfance.
L'histoire :
Vance, Max et Charlie (le frère de Vance) sont dans l'hélicoptère qui les ramène au Texas. Ils savent que leur amie d'enfance, Ashley a disparu. Le père de Vans, suspecté, a disparu aussi.
Flash-back. Ils sont dans la jungle viet. Charlie est pensif. Il part en avant, se prend une balle de viet. Vance veut le faire parler mais il a juste le temps de récupérer sa photo avant que Charlie ne délire complètement. C'est une photo où on voit Charlie et Ashley, ils sont tous les deux ados, et le père de Charlie et Vance les tient par les épaules. Max arrive, il veut prendre Charlie sur son dos, le ramener, Charlie sait que s'il survit, il sera infirme, il gueule qu'on le laisse là , mais Max n'écoute pas, il le traîne hors de la zone de feu.
L'hélico se pose sur la piste. C'est le bon vieux Texas. Chaleur. La famille de Vance est là pour les accueillir, enfin pas le père bien sûr, mais la mère est là . Les marines font descendre Charlie de l'hélico. Il est en fauteuil roulant.
Charlie et Vance sont dans la maison familiale. Charlie demande à Vance de le promener dans les pièces. Il les fait entrer dans la chambre des parents. Il y a plein de photos des enfants. Puis Charlie lui demande de le conduire dans sa chambre. Charlie retire un objet d'un tiroir de la commode : c'est un colt rose avec une crosse de nacre : un cadeau de fiançailles que Charlie réservait pour Ashley à l'occasion de son retour.
Max est aussi recueilli par sa famille. Il se fait entraîner dans un bar de vieux, par Burt, son cousin. Ils picolent sec. Burt écarte sa chemise à carreaux pour lui montrer qu'il une photo d'Ashley et un flingue. Pour lui, Ashley est morte, et il veut aider Max à venger sa mort.
Vance persuade Charlie de ne pas prendre le colt mais en échange il doit accepter que Charlie le lui confie. Il sent que ce flingue est mauvais et le forcera à tuer une personne. Il enlève les balles mais en oublie une dans le barillet.
On apprend que la nuit de sa disparition, Ashley venait d'être diplômée et le père de Vance l'a invitée dans son chalet de pêche pour la prendre en photo en uniforme de diplômée. La mère de Vance explique à Vance qu'à cause de ça, il a été suspecté très tôt. Quand la police est venue le chercher, il bricolait dans la serre et la mère lui a dit de s'enfuir.
Vance et Charlie partent pour le chalet de pêche.
Burt et Max vont dans la maison familiale de Vance et Charlie. Ils veulent voir leur mère, qui sait sûrement où se cache le père. Ils la trouvent dans la serre. Chaleur tropicale. Végétation. Elle répond pas aux questions de Max. Max prend le flingue de Burt et la braque, comme si elle était un prisonnier viet. Burt panique ! Il tue la mère avec un pot de fleur.
Vance et Charlie arrivent au chalet de pêche, au bord du lac. Ils trouvent au sol des morceaux de bois disposés en flèches. C'est un code scout pour indiquer une piste.
La piste les conduit à la Montagne. Vance est obligé de laisser Charlie au pied tandis qu'il escalade la montagne.
Vance arrive dans une grotte. Il y trouve son père, maigre et barbu.
Son père lui raconte le passé. Le camp scout de l'été, quand Charlie et Vance étaient ados. Le père faisaient partie des encadrants. Charlie s'est perdu dans la jungle de cactus. Il en est revenu, mais le père a compris que Charlie portait le mal, à présent. C'est pendant le camp scout qu'une idylle est née entre Charlie et Ashley, le père n'y voyait aucun inconvénient, c'est à ce moment-là que la photo d'eux trois a été prise, où ils sont tous souriants. Mais maintenant que Charlie portait le mal qu'il avait contracté dans la jungle de cactus, le père a voulu protéger Ashley de son fils. Il a dit à Charlie qu'Ashley n'était pas bien pour lui, qu'il lui interdisait de la revoir.
Le soir de son diplôme, le père a fait venir Ashley dans le chalet de pêche pour lui dire la vérité. Il lui a dit : "Je sais que tu as continué à voir Charlie malgré mon interdiction, et que vous allez vous fiancer. Charlie va revenir du Viet Nam bientôt. Avant que tu sois tentée de lui sauter au cou, je dois t'expliquer une chose." Ashley a eu l'air de comprendre. Elle a dit qu'il lui restait à parler avec une personne et elle est partie du chalet.
Max, guidé par l'égrégore, amène Burt au pied de la montagne. Ils trouvent Charlie et Max le braque pour le faire parler. Il fait référence aux ongles qu'ils arrachaient aux Viets, mais Charlie résiste, il ne cafte pas.
Vance et le père descendent. Discussions enfiévrées.
Burt finit par avouer qu'Ashley l'avait rejoint au feu de camp dans le déserts.
C'est comme un flash-back, sauf que le père, Vance et Charlie y sont plongés aussi, alors qu'ils n'étaient pas là . Ashley lui avoue qu'elle va quitter Charlie... Burt ouvre grand les oreilles : il est amoureux d'Ashley depuis le premier jour, et pour l'instant, il n'a obtenu que son amitié, c'est là sa toute première ouverture. Ashley répète qu'elle va quitter Charlie... pour Vance ! Burt est estomaqué. Il frappe Ashley avec un tison enflammé, puis cache le corps dans la jungle de cactus. Vance et Max tirent sur Burt et l'abattent !
Mais la violence de Max ne se tait pas. Charlie veut lui prendre son arme mais il échoue. Alors Max s'apprête à tuer Charlie, seul moyen pour lui de reprendre son esprit, quitter cette scène du passé où il est enfermé.
Vance s'interpose.
Bang !
Bang, bang !
Règles utilisées :
Nous avons joué en Carte Blanche, en Inflorenza minima, une version épurée assez proche de l'Inflorenza minima actuel. On était en table ouverte, c'est-à -dire que la durée de jeu était libre, on a dû jouer à peu près une heure.
Après l'Autoroute des Larmes, c'était le deuxième test d'un théâtre contemporain pour Inflorenza, et je dois dire que ça a bien fonctionné. J'ai apprécié de jouer ce mix entre Voyage au bout de l'enfer et une enquête policière, avec ce qu'il faut de chamanisme.
J'ai poursuivi dans le "montre, ne raconte pas". Quand Burt raconte comment il retrouve Ashley autour du feu de camp, les personnages étaient transposés dans le souvenir. J'envisageais tout à fait qu'ils puissent agir, quitte à causer des paradoxes temporels. Les joueur.se.s n'ont pas saisi cette perche cependant. Peut-être que je n'avais pas assez bien vendu cette "possibilité", ou peut-être qu'ils ne souhaitaient rien d'autre qu'observer. Ceci dit, en termes de visualisation, c'était fort. Je ne sais pas ce qu'ont visualisé les deux joueur.se.s, mais en ce qui me concerne, la scène finale où Max retourne son arme contre Vance se passait toujours autour du feu de camp, dans le passé.
Réponse du joueur de Max :
Cette partie nous avait littéralement immergé dans ton univers et dans cette histoire.
Pour la partie narrative autour du feu (à la fin) je pense que nous étions juste trop haletants quant à l'intrigue, les émotions et l'ambiance qui se jouaient autour de nous pour interagir. Quand bien même nous aurions compris que c'était possible (si tant est que ce n'ait pas été le cas ; je ne me rappelle plus) que nous n'aurions pas bougé je pense !
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ORGONE HOUSE
Un théâtre contemporain et sulfureux, joué en voiture, sans aucun conflit.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 18&19/04/2015 à Remungol, en voiture.
Personnages : le scientifique, l'invité
crédits : alex light, classic film, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le théâtre :
Années 50. Villa Fergusson, Californie. Mademoiselle Fergusson, une riche héritière de 50 ans, a épousé un bellâtre oisif de 30 ans. Ce dernier, pour se donner une contenance, pour que son beau-père ne le considère pas comme un profiteur, réinvestit une partie de la fortune des Fergusson dans la recherche. Plus exactement, dans les recherches sur l'orgone, une substance qui serait à la fois une forme de vie et d'énergie, une drogue et un aphrodisiaque.
Références : Gatsby le Magnifique, Le Festin Nu, Chromosome 3, Videodrome, eXistenZ.
Personnages :
Le scientifique.
Objectif : comprendre les motivations des Fergusson.
Symbole : le bien être
L'invité.
Objectif : volé l'orgone pour la dealer.
Symbole : le fric.
L'histoire :
Le scientifique a été mandaté par les Fergusson pour conduire les recherches sur l'orgone. Il arrive dans la villa Fergusson. C'est la fête, comme tous les jours. Il y a plein de dandies et de starlettes, des feux d'artifice, une piscine, un grand parc. La villa est immense, il y a des domestiques partout.
Le jeune époux Fergusson lui confie la machine à orgones qu'il a commandé. C'est une boîte noire avec des électrodes, des boutons (sans indication) et un robinet.
Le scientifique demande un labo, Fergusson lui confie la cuisine. Il lui dit qu'il peut lui fournir des cobayes parmi les domestiques ou les invités.
Le premier cobaye que Fergusson lui trouve est un domestique immigré clandestin. A ces expressions faciales, le scientifique comprend qu'on exerce un chantage sur cet homme : s'il ne se prête pas à l'expérience, il sera dénoncé à l'immigration, ou on ne lui rendra pas son passeport, ou ce genre de choses). Il lui fixe des électrodes sur le corps et les relie à la machine. La machine produit des orgones, un liquide aqueux vivant et translucide, qui se se dirige vers le scientifique.
Le scientifique isole l'amas d'orgones sous une hotte. Fergusson insiste pour qu'un cobaye le boive, le scientifique préfère faire des tests, il commence à se méfier de l'orgone. Il en donne à boire à un lapin, l'orgone pénètre l'animal par tous les orifices. Le domestique immigré clandestin, comme le lapin ont l'air désorienté Il les enferme avec le reste d'orgone dans la chambre froide, et insiste auprès de Fergusson pour qu'on appelle des renforts.
Le soir même. Le scientifique est dans sa chambre. Madame Fergusson, de son nom de jeune fille, va le voir dans sa chambre. Elle est en peignoir. Elle est séduisante mais c'est très visible qu'elle a subi de la chirurgie esthétique. Elle promet au scientifique beaucoup de choses s'il prend les rênes sur les recherches et entame des tests sur cobayes humains. Elle est dans un état très spécial. Ils font l'amour.
Après cette séance de sexe, elle veut qu'on fasse boire l'orgone à une starlette mais le scientifique temporise.
Le lendemain, les assistants promis par Fergusson arrivent à la villa. Un invité qui cherche à voler l'orgone pour la dealer, assomme un assistant et prend sa place.
Le scientifique et ses nouveaux assistants se rendent à la chambre froide. Ils y trouvent le domestique immigré clandestin, dans un état second, en sueur. Il reste une bouteille d'orgone, mais le lapin a disparu, la porte enfoncée de l'intérieur. Le domestique fait comme s'il ne savait rien, comme s'il avait été inconscient toute la nuit, mais on sent bien qu'il ment.
Règles utilisées :
On est parti dans l'idée de jouer Inflorenza minima, je voulais montrer la légèreté du système, j'étais avec le joueur du scientifique en voiture, on a joué un quart d'heure. Le lendemain, je me suis de nouveau trouvé en voiture, avec le joueur du scientifique, et le joueur de l'invité, et on a poursuivi la partie, un quart d'heure de plus. On n'a pas eu l'occasion de terminer et d'emmener une vraie conclusion. J'ai apprécié l'expérience, et je retenterai peut-être si je me retrouve à nouveau en voiture avec des rôlistes, à condition que ça n'interfère pas trop sur ma vigilance au volant.
Cette partie est spéciale à deux égards :
+ C'est la première fois que je joue en voiture (j'étais le conducteur) et ça n'aurait tout simplement pas été possible sans un système tel que celui-ci, sans matériel, sans chiffre, sans hasard.
+ On n'a pas du tout joué de conflit. Comprendre : je n'ai pas eu l'occasion de demander un prix à payer pour qu'un personnage obtienne ce qu'il veule (à part peut-être la coercition charnelle de Madame Fergusson). Ce n'était pas dans mon intention de jouer sans combativité, mais sur le peu de temps de jeu que nous avions, je n'ai pas eu l'opportunité de le faire, on a plutôt joué sur l'ambiance et sur le roleplay avec les figurants.
Retour du joueur du scientifique :
J'ai relu le compte-rendu de la partie et je le trouve vraiment bien fidèle à ce que je me rappelle. Tu as raison d'insister sur l'ambiance année 60 (ou à qqch près) aux USA c'est ça qui ajoute beaucoup de charme et qui permet une meilleure immersion dans le jeu :)
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L'INCONNU
Animal, bois, mémoire, chasse, chair, sève : un théâtre qui tient en six mots, Inflorenza minima arrivé à son stade final d'épure, pour une histoire cruelle de mémoire et d'envie.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 07/05/15 sur google hangout
Personnage : l'inconnu
L'enregistrement de la partie est sur ma chaîne Youtube, en deux volets, ici et ici
crédits image : keightdee, thomas hawk, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le théâtre :
L'objet de cette partie était de voir si nous étions capable de jouer à partir d'un théâtre minimaliste, ici uniquement composé de 6 symboles, sans plus d'explication :
ANIMAL, BOIS, MEMOIRE, CHASSE, CHAIR, SÈVE
L'inconnu :
Objectif = Donner un sens aux souvenirs qu'il a.
Symboles :
Mémoire (tourmenté par ses souvenirs intérieurs)
Chair (comment il se comporte en surface, laisse libre cours à ses besoins)
De ce personnage dont on ne connaîtra jamais le nom, on connaît son objectif : "donner un sens aux souvenirs qui me hantent" et deux symboles choisis dans al liste du théâtre : Mémoire (il a perdu beaucoup de souvenirs mais il a des flashes de temps à autre) et Chair : si en profondeur il est tourmenté par le mystère de ses origines en surface il cherche avant tout à répondre à ses besoins primaires. En cours de jeu, le joueur va commencer à cerner son personnage et il va bien vite fuir ses souvenirs, mais la mémoire restera une pièce maîtresse de son fonctionnement.
L'histoire :
L'inconnu se réveille dans une cabane de chasse. Il a perdu la mémoire.
Quelque chose lui dit qu'il est coutumier du fait. Aussi il le prend avec nonchalance.
En face de lui, une tête de sanglier sur un trophée. L'inconnu interpelle le sanglier. Le sanglier ne répond pas. Mais il a dans son regard une sorte de connivence.
Quelque chose mijote dans la marmite sur le feu de cheminée. De la viande noire.
L'inconnu va voir dehors. Il y a du vent, il fait froid. Le bruit d'un arbre qui tombe, au loin. Au sol, une carte de tarot. La carte de l'ermite.
Une femme arrive à la cabane, elle porte des lapins qu'elle vient de chasser. Elle est avec son gamin.
La tout de suite, l'inconnu s'amuse de la situation mais crève de solitude. Il veut sympathiser.
Mais la femme se méfie et il y a de quoi. Ses manières sont insolentes.
La femme sort son couteau. Elle parle de son mari, qui peut arriver d'un moment à l'autre. L'inconnu veut juste discuter.
Ils conviennent d'une veillée ensemble, dans la cabane, à attendre le mari. La femme dit son nom, elle s'appelle Cèdre, et son enfant, c'est Sureau.
L'inconnu fixe sa carte de tarot, assis sur une bûche. Il voit l'ermite apparaître en rêverie. Son visage est caché par le vent et les feuilles. Il veut bien lui dire son nom mais veut qu'on lui donne de la viande noire à manger. Jouant le jeu, l'inconnu va voir avec la maîtresse des lieux. Mais la carte s'effrite.
On entend un feulement qui passe par la porte laissée ouverte pour le mari. Cèdre dit que c'est la sorcière et son chat maléfique.
Cèdre dit qu'on ne mangera pas tant que son mari ne sera pas rentré.
L'inconnu promet qu'il va aller le chercher, décidé à garder une bonne conduite.
Ils s'embrouillent, il veut partir, l'enfant demande à ce qu'il reste. Cèdre demande une histoire en paiement de la nuitée.
Après une hésitation, comme une évidence, l'inconnu raconte l'histoire suivante :
L'histoire d'une famille, un homme, une femme, un enfant, obligés de fuir la ville où ils habitaient car on n'y trouvait que l'ennui et l'oubli. L'homme construit une cabane dans la forêt pour que sa femme et son enfant y vivent. Il invente un jeu où il se fait passer pour quelqu'un d'autre et la famille joue le jeu, comme pour connaître le frisson de l'inconnu.
Cèdre met la table et dit que c'est prêt.
L'inconnu fait alors tout pour se convaincre de la vérité de la fable qu'il a inventé.
Il embrasse Cèdre et dit au gamin :
"Viens voir papa.
- J'ai toujours su que tu reviendrais.", répond Sureau.
Cèdre découpe le lapin, qu'elle réserve pour elle et pour l'enfant, car c'est une viande blanche, mignonne, pour les faibles.
Elle lui sert la viande de la marmite, la viande noire, mais l'inconnu réalise que c'est de la viande humaine, il y a dedans la main d'un homme. Il comprend que s'il en mange, il sera non seulement le maître de maison, mais en plus Cèdre s'offrira à lui, lui fera un enfant. Alors il prend sur lui et mange, prisonnier de son mensonge et de sa lubie.
Sureau montre quelque signes de jalousie, mais l'inconnu arrive à le rassurer.
Cèdre et l'inconnu sortent de la cabane pour trouver un endroit où faire l'amour, plus loin. Ils montent sur un grand arbre qui semble presque fait de peau humaine, avec des vergetures, des bourrelets, des protubérances comme des grains de beauté.
Du haut, il voit des bûcherons aller vers la cabane, ils vont enlever Sureau. S'il réagit, s'il prévient Cèdre, il perd cette occasion de lui faire un enfant qui serait rien qu'à lui.
L'inconnu hésite , en conflit avec ses désirs et ses certitudes.
Finalement, il ne dit rien et ils font l'amour alors que les bûcherons emportent Sureau. L'inconnu sait que Cèdre attend désormais un nouvel enfant, un qui serait bien à lui.
Presque neuf mois plus tard. Cèdre est proche du terme, elle a besoin d'aide pour l'accouchement. Cèdre a trois idées : aller dans la communauté des bûcherons, demander de l'aide à la sorcière ou à son chat, ou aller trouver de l'aide au-delà de l'arbre de chair. Il fait chaud, c'est l'été, toute la végétation jaunit, dessèche et disparaît.
L'inconnu va dans les bois trouver la sorcière car quelque chose d'inexplicable le fait fuir toute communauté. La sorcière lui parle comme un écho, avec son chat, il demande à voir la sorcière. Des mains sortent de terre et révèlent un terrier sous les racines d'un arbre. L'inconnu descend dans le terrier de la sorcière.
C'est une femme chauve, maigre, sans âge, avec de grands yeux à la couleur indéfinissable. Elle met en doute le fait que l'enfant serait son enfant. L'inconnu agacé, la prie de mettre fin à son petit jeu.
Elle réclame cinq litres de sang en échange de son aide. Il dit qu'il s'en acquittera en temps voulu. Elle lui propose aussi de lui rendre la mémoire, mais il refuse. Il veut retourner auprès de Cèdre au plus vite.
Retour à la cabane avec la sorcière. Il était temps, le travail de Cèdre a commencé.
Une trappeuse entre dans la cabane et les braque avec un fusil. L'inconnu demande ce qu'elle veut, elle veut qu'il rentre à la maison auprès de leur enfant.
Pas possible de savoir si elle dit la vérité sans le demander à la sorcière. Mais l'inconnu esquive encore que la sorcière lui tire les tarots. D'une voix sans timbre, il dit à la trappeuse : " Oui bien sûr, désolé j'avais oublié." Sous les insultes de Cèdre, il sort avec la trappeuse. Et lui ouvre le crâne ! Il réalise à ce moment là qu'elle disait la vérité, il tape de plus belle car cette nouvelle vie, il l'a gagné, personne ne le reprendra !
Il prend le sang de son ex-femme et le donne à la sorcière en paiement. la sorcière démarre l'accouchement, mais l'enfant naît voilé. L'inconnu se tourne vers la sorcière : "Qu'est-ce que tu attends pour le sauver ? Dis ton prix !".
Pour sauver la vie de l'enfant, la sorcière veut recourir à la magie, faire tirer une carte mais cela peut coûter la vie de la mère. L'inconnu ne peut s'y résoudre, il préfère que Cèdre tire la carte. Cèdre retrouve la mémoire, elle comprend que son enfant est le fruit d'un mensonge. L'enfant est sauf, mais Cèdre horrifiée veut aussitôt le tuer.
L'inconnu lui arrache l'enfant et se terre dans un coin de la pièce, le fusil à la main. Son beau rêve celui pour quoi il s'est damné, lui échappe complètement. Cèdre est ivre de rage lui ordonne de disparaître sur le champ. L'inconnu pour se dédouaner en accuse même la sorcière.
Cette dernière amusée lui propose de tirer une carte pour que Cèdre perde toute mémoire et soit amoureuse de l'inconnu: mais en échange l'enfant sera à elle. Il doit déchirer la carte pour ce faire. Mais il abat la sorcière juste après. Cèdre perd la mémoire, elle est de nouveau amoureuse de l'inconnu. L'inconnu la cajole, tout à son bonheur retrouvé malgré les atrocités qui l'ont précédé.
Il sort alors les cadavres hors de la cabane pendant que Cèdre donne le sein au nouveau né, sans remarquer que les yeux de l'enfant ont pris la couleur des yeux de la sorcière.
L'inconnu affabule, parle dans le vide, tentant de se convaincre de sa propre chance.
Un bruit se fait entendre dans le fond de la forêt.
L'inconnu hurle :
"Fiche-moi la paix ! Ta maîtresse est morte.
Et quant à nous, nous ne voulons pas retrouver la mémoire !
Ce que nous savons nous convient !"
Règles utilisées :
On a joué environ deux heures.
Après bien des parties d'Inflorenza minima (ou de Wonderland ou Arbre motorisées en Inflorenza minima) qui étaient poussives parce que j'énumérais un tas d'options possibles avant de résoudre un conflit, j'ai enfin trouvé la formule la plus épurée : quand le personnage veut quelque chose d'important (sûrement lié à son objectif), le Confident annonce un prix à payer. Soit le personnage paye le prix, soit il déclare forfait, soit il aggrave sa situation pour obtenir un as de pique, joker qu'il pourra utiliser plus tard pour obtenir quelque chose sans payer le prix.
J'affinerai encore un petit peu au cours des playtests suivants, mais l'essentiel est là , et dès ce test, la résolution a commencé à vraiment s'intriquer à la narration. Quand l'inconnu dit à la sorcière : "Dis-moi ton prix", j'ai compris que je tenais quelque chose de fort : un système complètement invisible et qui pourtant drive complètement le jeu. Une façon de confondre l'intention du jeu et les règles. Dire : Inflorenza minima confronte les joueurs à des dilemmes moraux, ça revient quasiment à énoncer les règles. J'atteins là un Graal personnel en matière de game design. Mes parties ne seront plus jamais les mêmes.
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CALIGULA
Orlov nous livre un compte-rendu de notre test du théâtre lunaire au souffle tragique d'Arjuna Khan, et d'une nouvelle variante : Inflorenza six en banque !
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué le 17/05/2015 sur google hangout avec Arjuna Khan et Orlov
Personnages : Drusus, Aïeul, Carmilla
Partie enregistrée sur ma chaîne youtube.
crédits : damiandude, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
Le théâtre :
Caligula est un théâtre par Arjuna Khan.
Sur la Lune. Les personnages importants de la cité ont imposé un certain nombre de choses à l'empereur Caligula, ce qui a amené à la disparition de Drusilla sa sœur dont il est amoureux. A son retour (qui peut déjà en soi laisser place à beaucoup de discussion) il prend pleinement possession de son rôle de chef et se met à résoudre les problèmes que peut poser la cité avec un jusqu'au-boutisme forcené. La question étant de savoir si les joueurs vont suivre Caligula dans sa folie ou (ce qui est plus probable) s'opposer à lui de différentes manières.
[note de Thomas :] A savoir qu'on a joué ce théâtre juste au moment du retour de Caligula, alors qu'initialement il est prévu de jouer quelques temps après, alors que Caligula a déjà commencé à mettre en place des mesures répressives extrêmes. Mais le fait de jouer le retour de Caligula en sachant à l'avance de quoi il allait être capable a été très fertile en jeu également.
L'histoire :
1er tour : Drusus (confident : Thomas)
Le spacioport paraît minuscule dans le désert lunaire, à l’aéroport secret du Dome Liberté attendent nerveusement Drusus et l’esclave intendant de Caligula, Géron. Cet esclave domestique fait figure de grand père au sein du palais impérial.
L’Empereur Caligula descend du vaisseau. Sanglé dans son costume spatial, bardé d’insignes impériales, il franchit sans s’arrêter, d’un pas lourd, décidé, le sas de désinfection. Pourtant, un passage au sein de ce sas est imposé aux rares voyageurs revenant de la Terre afin de nettoyer ceux qui reviennent de Millevaux et d’éliminer les résidus et les corpuscules d’Emprise qui les ont contaminés sur terre. Caligula est sans casque. Son visage, devenu dur est encore plus beau, ses yeux sont ardents et vierges de toute emprise. Il porte un sac de toile vieux et crasseux. Drusilla n’est pas là .
Drusus s’incline, salue le puissant Caesar et le conduit, sans mot dire, jusqu’au véhicule qui doit le ramener au Dôme. Drusus demande à un esclave de porter le sac, mais l’Empereur refuse. Le véhicule part à toute vitesse sur une sorte de monorail.
Caligula demande ce qu’il est advenu de l’empire. Drusus est gêné, il euphémise, parle de la joie du peuple à revoir son souverain. Drusus finit par avouer l’horrible vérité : la famille de Caligula a été attaquée pendant la nuit par le chef sénateur Maxence et par ses complices. Tous sont morts. Le divin Caligula s’apprête à passer sa rage sur Géron, esclave de la famille. Drusus calme Caligula en l’orientant vers Aïeul, le puissant général des armées impériales et son rival dans l’affection de l’Empereur. Caligula ordonne qu’on aille le voir.
1er tour : Aïeul (confident : Orlov)
Aïeul se regarde dans le miroir. Son visage est jeune mais déjà fatigué, la nuit a prélevé son tribut. Ses hommes, ses gardes et ses esclaves sont fébriles. Ses jambes tremblent encore, ses tempes cognent et bruissent du massacre de la nuit passée. Les esclaves le préviennent : Caligula arrive, le destin est en marche. Il pioche dans une couple du raisin gorgé de jus, frais. Rouge. Le liquide coule sur son torse, il frotte avec un chiffon mais le jus écrasé, bu avec avidité par la peau et mélangé de sueur vire au pourpre, couleur du sang et du triomphe.
Apparaît Carmilla. Elle est vêtue d’une dalmatique rouge, vaporeuse. Son teint est pâle, évanescent, sa voix est caverneuse et lointaine. Est-ce un esprit ? « Aïeul ne va pas plus loin ! ». Il la regarde par le biais du miroir dans lequel sa silhouette se reflète. Je tourne le dos et lui demande « Pourquoi cela ? ». Je l’ai vaincue, il ne reste rien de sa lignée. Elle me raille, me menace et me prévient : Caligula revient. Elle dit qu’il va instaurer un règne de sang et qu’il est rendu invincible par son séjour à Millevaux. Mais Aïeul n’ai pas peur, il a assez de haine pour détruire cent mondes et il avoue à Carmilla qu’il a une solution pour retenir Caligula. Aïeul explique pourquoi Drusilla a quitté la sphère. Elle a pensé qu’il existait un endroit dans le monde où elle pourrait expier son pêché, celui de son union avec Caligula qui lui a fait concevoir et accoucher d’un Enfant Monstrueux. Cet enfant, fruit de son inceste impie avec son propre frère Caligula est enfermé dans le palais. Carmilla s’efface, disparaît alors que Maxence apparaît accompagné de mes gardes.
1er tour : Carmilla (confident : Arjuna).
Les yeux rougis par la douleur et par les révélations d’Aïeul, Carmilla erre dans les rues et sur les places de la Cité. Elle arrive devant la statue métallique de Drusilla près des Bains et y contemple une larme de sang qui perle du beau visage d’airain de sa fille. La larme tombe et éclabousse le sol. La tête de Carmilla tourne, elle en veut à sa fille mais essaie de nettoyer le sang. Mais le sang du pêché ne part pas. On ne le lave pas. Elle revient chez elle et tente de nettoyer le sang des siens, celui qui a abondamment coulé lors de la nuit. Elle n’y arrive pas, rien n’efface le sang versé dans le crime en commun. Rien n’efface le crime. Rien n’efface le pêché.
Elle se projette dans le véhicule de Caligula qui avance vers la Sphère Liberté. Elle veut précipiter Caligula dans la folie. Son fils y est avec Drusus, le jeune Drusus, le beau Drusus, le fidèle Drusus. Caligula est là , immobile, enragé, déversant sur le monde toute la colère de son cœur. Carmilla lui prend son visage, le déchiffre du bout des doigts. Caligula l’embrasse, le serre, baise son front, sans chaleur, sans âme. Le cœur de son enfant est lourd. Et Carmilla commence sa noire mélopée : Ils ont d’abord tué Titus aux Bras Blancs, Astra, aux Boucles Noires, puis le Beau et Brave Titien et enfin Antonin, le fort, le cruel. Et au bout de ce chemin meurtrier, elle-même. Tous sont morts. Lacérés sous les coups d’épée de Maxence, d’Aïeul et de leurs complices. Carmilla prétend être morte et être revenue des Enfers pour aider son fils à trouver le bonheur, rappelle qu’elle a laissé son fils aimer sa propre sœur, informe Caligula qu’il a un fils vivant. De son côté, Drusus pousse Caligula à se venger d’Aïeul.
Caligula la regarde dans les yeux et proclame « il faudra cracher sur nos privilèges, cracher sur ce que l’on ressent, cracher sur ce que l’on sait … la cité a besoin d’être redressée ». Carmilla prend la main de Drusus. Caligula tolère ce geste amoureux et ne semble rien pouvoir contre l’amour de sa mère pour son ami. Carmilla pousse son avantage, déterminée à rendre fou son propre fils. Elle lui ment, explique qu’elle est morte, ce qui fait de son propre fils un nécromancien dément. Une grimace le défigure, une larme coule sur le coin de son beau visage. Il dit à Drusus « Je vais recouvrir cet endroit de leur sang ». Mais Caligula exige que Carmilla prêche l’exemple du Nouvel Ordre en renonçant à ses sentiments et sacrifie son amour pour Drusus. Celui-ci affirme, le lâche !, qu’il n’a qu’un amour : celui des affaires publiques. Pour défendre son amour, Carmilla sacrifie sa noire vengeance contre son propre Fils qui, en défiant les Dieux, a attiré le malheur et la corruption sur toute sa famille et sur la cité dans son ensemble.
2ème tour Drusus (confident : Thomas) :
Caligula et Drusus entrent dans la villa d’Aïeul. Une foule déchainée, manipulée par le parti sénatorial se masse pour défendre le prestigieux général. Les pétales de roses prévus pour le retour de Caligula sont recouverts par la fange de la populace.
Drusus utilise son influence et sa ressource (je suis ami des amis de Caligula). Maxence apparaît au balcon. Drusus regarde vers lui, paralysé … la vision de son père le terrifie. La foule se retourne dans le sens de Caligula mais piétine Drusus, l’indécis, l’imbécile, incapable de renier ses origines. Drusus gémit pitoyablement, comme un chiot qu’on va noyer. Alors que les plébéiens se ruent pris d’une frénésie destructrice, prêts à mettre à bas l’homme ancien.
2ème tour : Aïeul (confident : Orlov)
Aïeul cherche à s’enfuir. La foule gronde, ses gardes la retiendront quelques temps, mais son domus ne saurait résister à la furie venue des bas-fonds. Il fait fuir Maxence par une porte dérobée, part libérer le Fils de l’Impiété. Mais, ce faisant, constatant le sacrifice de ses fidèles partisans, Aïeul prend conscience que, encore une fois, il a une fois de plus eu peur et renoncé à l’affronter.
Les effluves écoeurantes et corrompues de la pièce où est enfermé le Fils de Caligula et de Drusila prennent Aiëul aux narines, poussant ce dernier à bloquer sa respiration.
2ème tour Carmilla (Confident : Arjuna):
Malgré le saccage de son domaine et sa fuite, le nom d’Aïeul est prononcé comme cri de ralliement par des centaines de fanatiques qui mettent la ville à feu et à sang. La folie maintenant, pour empêcher la folie future. Carmilla ramasse le corps meurtri, crasseux et humilié de Drusus. Elle embrasse les plaies de son aimé. Carmilla révèle que Caligula peut devenir fou s’il apprend que la Chair Corrompue de son Amour Impie est morte. Carmilla précise que si Drusus n’a pas le cœur de tuer des enfants, il est encore possible d’utiliser le contenu du sac pour mettre fin à l’inéluctable règne de la folie qui doit suivre le triomphe de Caligula. Dans la villa de Caligula où le sac a été mis au coffre, les marques du sang ne sont pas effacées, les traces du massacre sont un constant rappel de la folie homicide des hommes. Carmilla commence à nettoyer de nouveau, Drusus l’incite à cesser ce vain labeur. Ses paroles de sagesse animent le corps de Carmilla, qui devient chaud et brûlant. Drusus hurle « Tu ne m’as arraché à la boue que pour me jeter dans le sang ! Qui es-tu femme ? ». Drusus tente de résister de rappeler Carmilla à la raison. Carmilla veut Drusus, car demain ne pourrait plus jamais venir. Il n’existe plus que la loi des organes, du désir qui pulse et met l’incendie dans le sang … Drusus résiste à la force du désir de Carmilla, à cette copulation sanglante dans le bassin même où ont été assassinés les fils de Carmilla. Carmilla force Drusus.
Drusus 3ème tour (Confident : Thomas) :
Drusus et Carmilla, couverts de sang, pénètrent dans la salle des coffres où se trouve le sac. Géron et les partisans de Caligula se trouvent dans la salle. Drusus tente, une fois de plus de retourner la foule et de la tourner contre Géron. Géron explique que Caligula a été transformé en Saint Homme par sa souffrance et sa folie qui couvrira d’or le peuple et abaissera l’orgueil du Sénat. Il prévient « Rends lui sa raison de vivre et il deviendra un homme comme les autres ». Pendant que Drusus et Géron se livrent à des assauts d’éloquence, Carmilla surgit parmi les rangs des partisans de Caligula et les tue. Furie déchaînée, louve vengeresse, elle abat sa rage sur les rangs de nos ennemis. Les gorges s’ouvrent, le sang bouillonne, coule à flot, tâche les murs et les marbres. Lorsque cesse la danse d’Arès et que les Eurinyes cessent de festoyer, Drusus ouvre le sac. L’odeur épouvantable de Millevaux jaillit en de violents remugles, Drusus plonge sa main dans le sac, la ressort. Il tient la tête de Drusilla, l’aimée Drusilla, couverte par les mille et un outrages que la nature de Millevaux inflige à l’homme. Ressusciter Drusilla, sauver Caligula.
Conflit de masse :
Drusus fonce vers la nécropole pour ressusciter Drusilla au moyen d’un rituel de technomancie. De son côté Aïeul a réuni ses partisans et a fait proclamer Caesar l’Enfant. La Foule hurle « Gloire à la notre empereur ! l’Enfant impie ». Les partisans fanatiques du nouvel empereur se dévouent corps et âme à la Nouvelle Laideur, masque inverse de la Beauté perverse de Caligula. On se déchire, se scarifié, fait couler le sang. Caligula s’est lui-même dirigé vers la nécropole à la tête de ses dévoués sbires plébéiens qui hurlent « Vive l’Ordre Nouveau Millénaire ! Longue Vie ! Prompte Mort ».
Dans la salle des Mannes de la Nécropole, le rituel a lieu : le corps martyrisé de Drusilla se reconstitue. Les partisans d’Aïeul pénètrent aux abords de la Nécropole, la flamme purificatrice au poing, le cri rauque de la révolte à la gorge. Des hommes portant des mines s’apprêtent à pénétrer au cœur du gigantesque crématoire nucléaire. Une partie des fanatiques se retourne ver Aïeul … les partisans du Caesar Enfant prennent conscience que Aïeul les manipule, les expose sans prendre part au combat. Constatant son manque de foi et de fanatisme, ils se ruent sur lui, s’emparent de leur général et font exploser sa tête en activant une mine. Dans les cendres de la Nécropole, Maxence mène le reste des partisans. Instruit par l’exemple d’Aïeul, il se rue à la tête des Fanatiques, s’exposant à la souffrance tout en manoeuvrant comme un serpent. Il croise Drusus qui, une nouvelle fois, n’ose l’affronter.
Carmilla se retourne vers Caligula alors que le Caesar Enfant apparaît au milieu des Ruines, portés en triomphe par les Fanatiques menés par Maxence. Carmilla hurle à Caligula « Cette chose est ton fils ! le poids et l’image de tes odieux pêchés ». L’être difforme dont la peau du front tombe sur ses paupières, à la peau tendue sous sa toge boursouflée. L’enfant Caesar dit « Arrête, papa … Papa, arrête ! » et Carmilla, imperii genitrix, de dire à Caligula « N’écoute pas, c’est un monstre, il essaie de te manipuler ». Caligula tend ses mains vers son fils, comme s’il voulait le caresser. Mais ses mains vigoureuses ne sont pas celles du père aimant, mais bien celui de l’assassin, du monstrueux parricide.
Carmilla demande à Caligula « Que vas-tu faire maintenant mon enfant ? Que vas-tu faire ? » … Caligula, les yeux tétanisés, regarde autour de lui …
Les feuilles de personnages :
Carmilla (Sénatrice)
Symboles : Folie, Vengeance (barré), Amour
Handicap : Assignée à résidence (fantomatique)
Attache : Mon amour pour Drusus
Ressource : Je suis la mère de Caligula (barré)
Motivation : Les Sénateurs ont tué ma famille (barré)
Objectif : Veut précipiter la folie de Caligula
Destin
1 As de Pique (barré)
Drusus, fils de famille
Symboles : Société, Clan
Handicap : son père, Maxence
Attache : Honneur et prestige (barré)
Ressource : Partisans de Caligula (barré)
Motivation : faire revenir Drusilla (barré)
Objectif : veut le bonheur de Caligula (barré)
Destin (barré)
Aïeul
Soldat amoureux de Caligula, s'est senti abandonné
Symboles : Vengeance, Emprise
Handicap : Séduit par Caligula
Attache : sa réputation (barré)
Ressource : Amis de ceux qui ont souffert de Caligula (barré)
Motivation : remplir mon coeur de haine (barré)
Objectif : se venger de Caligula (barré)
Destin (barré)
Règles utilisées :
Je voulais tester sur cette partie une variante des règles qui soit une sorte d'initiation au rôle de Confident.
Nous avons joué en Carte Noire, c'est-à -dire que chacun jouait un personnage et faisait le Confident à tour de rôle.
Orlov (confident d'Aieul), Arjuna confident de Carmilla, Thomas confident de Drusus.
Nous avons joué avec Inflorenza 6 en banque, qui est une variante d'Inflorenza minima voulue pour être moins exigente pour le Confident. Lors de la création de personnage, chaque joueur rédige six phrases : un handicap, une attache, une ressource, un motivation, un objectif, un destin. Le destin est particulier : c'est juste une phrase qui précise le personnage est encore jouable.
A chaque conflit simple, le joueur définit son gain (ce qu'il veut obtenir) et le Confident définit le risque (ce qui va se passer si le personnage ne remporte pas le gain) et le sacrifice : laquelle de ses phrases le joueur devra barrer s'il veut obtenir le gain. Si le joueur barre toutes ces phrases, ou s'il barre la phrase "Destin", son personnage est éliminé, et il refait un nouveau personnage. Si le joueur choisit le risque, il gagne un as de pique, qu'il pourra dépenser plus tard pour obtenir un gain sans barrer de phrase (on ne peut avoir qu'un as de pique en réserve).
En cas de conflit duel, le joueur qui a le plus de points dans son camp l'emporte. Pour avoir un point, il faut sacrifier une phrase ou un as de pique.
Le Confident et les joueurs doivent suivre cette petite charte de jeu, le DEUS Ex Machina.
1 D / Destin : Jouer le destin des personnages. Relier décors, figurants, intrigue à leurs quêtes par coïncidences et correspondances. Donner une quête à chaque figurant.
2 E / Émotions : Décrire émotions des figurants et décors. Demander ce que ressentent les personnages.
3 U / Univers : Décrire des choses liées au théâtre ou aux marqueurs de Millevaux (1 forêt 2 ruines 3 oubli 4 emprise 5 égrégore 6 horlas)
4 S / Symboles : Décrire des choses liées aux symboles et aux phrases des personnages.
5 Ex / Explique : Dénouer les mystères, révéler liens entre personnages, utiliser un flash-back.
6 M / Machina : Refuser le deus ex machina. Imaginer des problèmes, laisser les personnages trouver des solutions. Si personnages passifs, les figurants et décors peuvent offrir des solutions que les personnages peuvent mettre en œuvre.
Hors ligne
L'AUTOROUTE DES ORIGINES
Deuxième test de L'Autoroute des Larmes, voyage lynchien et initiatique.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué au Dernier Bar Avant la Fin du Monde lors de la tournée Paris est Millevaux 1, le 14/06/2015.
Personnages : Le Prof, Najuat, Eclipse, Jamal, Mark, Sibil
crédits image : michael flick, OneEighteen, Toby Dickens, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le Théâtre :
Deuxième test de L'Autoroute des Larmes, un théâtre contemporain pour Inflorenza.
A travers la forêt canadienne, une longue route qui n'en finit pas. Plusieurs jeunes indiennes et indiens ont disparu en y faisant du stop.
Que leur est-il arrivé ? Les retrouvera-t-on ? Qui est responsable de ces disparitions ?
Que vous soyez le proche d'un des disparus, un usager de la route à travers la forêt, un membre de la police qui fait des recherches, un bénévole qui organise des battues, un jeune indien qui fait du stop, un des habitants de la forêt, des jeunes indiens qui survivent dans la délinquance et la prostitution ou encore une de ces personnes infréquentables qui rôdent dans la région... la route ne vous épargnera pas.
Un road-movie triste et chamanique dans les forêts immenses du Grand Nord.
Personnages :
Le Prof, savant fou
Objectif : atteindre l'immortalité
Symboles : hibou, poison
Le Prof travaille comme botaniste dans la même agence fédérale de gestion de la forêt que Sibile. Il recherche une plante mythique qui lui accorderait l'immortalité.
Il a aussi découvert un jeune homme, Eclipse, qui au cours d'un rituel lors d'une nuit d'eclipse, a accédé à la jeunesse éternelle. Bien sûr, le Prof s'intéresse à Eclipse de près.
Najuat, bénévole à l'affut
Najuat est une indienne qui a reçu une éducation urbaine dans une famille de classe moyenne, à Pickton. Elle a sombré dans la pauvreté et elle a dû se prostituer. Son joueur a envisagé qu'elle ait pu coucher avec un autre personnage à cette époque, peut-être Jamal, mais ça n'a jamais été explicité. (en fait, si ,Najuat a fini par reconnaître Jamal et se souvenir, juste avant sa « noyade ». Elle s'en est sortie et ses croyances autochtones lui sont revenues. Aujourd'hui, elle fait de la prévention et de l'aide auprès des victimes autochtones du tueur de l'Autoroute des Larmes, elle est bénévole et recherche les personnes disparues. Pour entrer en contact avec les ancêtres, et la forêt, elle veut à tout prix sauver des vies. Ce besoin l'emmène dans des situations délicates où elle est susceptible de trouver des personnes en danger de mort. Elle est dans la région depuis un an, elle connaît bien Sibil, c'est une amie d'enfance. Son frère Mark s'est rapproché de Najuat depuis qu'il recherche son autre soeur disparue, Nakoma.
Objectif : sauver des vies
Symboles : ancêtre, hibou.
Éclipse
Amnésique
Objectif : retrouver sa soeur Absinthe qui a disparu
Symboles : absinthe, forêt
Il y a quinze ans, Eclipse, au cours d'un rituel lors d'une nuit d'éclipse, a accédé à la jeunesse éternelle. Eclipse a la peau pâle, il est lunaire, naïf. Il recherche désespérement Absinthe, sa sœur liée à lui lors du rituel. Il ne se souvient pas du tout de sa vie avant le rituel, et depuis il vit dans les bois.
Jamal, pompiste sur une station au bord de la route.
Jamal est un métis autochtone qui tient une station-service où ne s'arrêtent que les voyageurs de passage sur l'Autoroute des Larmes. La route est son seul contact avec l'humanité, partout autour c'est la forêt.
En dehors de son service, Jamal vit seul. Il cherche à profiter de chaque instant, dans une course compulsive au carpe diem. Après son service, ses soirées sont ponctuées par le ménage, chasser le passé, balayer les souvenirs trop lourds. Il aime les lasagnes, chaudes, charnues. Et rencontrer des prostituées.
Objectif : jouir de la vie sans culpabilité
Symboles : route, passé (oubli)
Mark, nouveau blanc
Objectif : retrouver sa soeur, Nacoma.
Symboles : modernité, tradition
Marc est aussi un indien originaire d'une réserve, mais il a renié ses origines. Il a un bon travail, s'habille comme un occidental, il a les cheveux teints en blond. Il habitait à Pickton, dans les beaux quartiers, mais il revient au pays pour rechercher sa soeur Nakoma, qui a disparu, elle est sans doute une victime du tueur de l'Autoroute des Larmes. Il est aussi le frère de Sibil.
Sibil, garde forestière
Sibil est garde-chasse, elle fait partie d'une agence fédérale qui mène des études scientifiques dans la forêt, mais est aussi habilitée pour dresser des procès-verbaux concernant différentes infractions. Elle peut porter un fusil de chasse pour se défendre des bêtes sauvages. Elle consacre ses journées à surveiller le braconnage d'espèces protégées, faire des relevés d'eaux, de terres et plantes pour les scientifiques, vérifier l'entretien des sentiers.
Sibil est une grande passionnée de chasse. Elle est indienne, c'est la soeur de Mark et de Nakoma, la disparue.
Symboles : cycle, traque.
L'histoire :
Le Prof axe sa quête de l'immortalité sur la recherche d'une plante miraculeuse dans la forêt. Pour lui, elle serait liée au rituel qui a donné lieu à la "naissance" d'Eclipse. Il va voir Jamal, et lui propose de l'acheter comme guide contre des bouteilles de whisky. Il s'agirait de monter une expédition auprès d'un lac, le massif tout-terrain de Jamal leur sera utile. Officiellement, ce sera une partie de pêche, officieusement une recherche de la plante.
Najuat arpente la même zone de la forêt en voiture avec Mark. Ils sont à la recherche du tueur de Pickton, un serial killer qui a sévi dans cette ville et qu'elle suppose impliqué dans les disparitions de l'Autoroute des Larmes. Najuat a la conviction qu'il lui faut rechercher une rivière.
Éclipse est dans la forêt, il fait un rituel pour avoir des réponses sur son passé et pour retrouver Absinthe, sa sœur aux yeux verts comme des lacs. Il plonge son bras dans le feu pour achever le rituel, il a alors une vision nette du tueur de Pickton. C'est une métisse, mi-blanche, mi-indienne. La Métisse est le tueur de Pickton, le tueur de l'Autoroute des Larmes.
Le prof l'observe de loin et se précipite pour le soigner (et récupérer des échantillons de son sang). Mais le contact du sang d'Éclipse le brûle et noircit son bras.
Jamal est dans sa station-service. Il fait nuit. Il balaye. Comme pour mettre le passé de côté. Pour que tout soit propre. Jamal se fait des lasagnes. Il prend le temps de les cuire au four, de surveiller la cuisson. Il apprécie ce moment. Il dîne, regarde l’heure et considère qu’il a le temps. Il regarde de nouveau sa montre. Elle est en retard. Une voiture se gare sur la station déserte. Jamal va ouvrir la porte, une frêle silhouette féminine se trouve devant lui..
Mark a planté son superbe véhicule au premier nid de poule et a demandé à Najuat son aide et sa voiture pour retrouver Nakoma. Ils ont roulé un moment dans la forêt en quête d'une rivière et malgré l'instinct et les connaissances d'orientation de Najuat, ils sont revenus sur l'autoroute, qui est une sorte de rivière. Il aperçoit une voiture éteignant ses phares sur la station service déserte de Jamal. Une femme en sort, il est persuadé que la situation n'est pas normale, qu'il tient une piste. Ils s'arrêtent à la station, et descendent de voiture.
Najuat entend des hiboux, puis un cri. Elle et se rue vers la station-service et tambourine à la porte pendant que Mark fait le tour pour entrer par la porte de derrière. Jamal entend un bruit dans sa demeure, quelqu'un essaye d'entrer. Il ordonne sèchement à la femme qui est avec lui de se lever pour aller voir ce qu'il en retourne. Sibil révèle que c'est elle, la frêle silhouette qui a rejoint Jamal. Bien plus leste que Jamal, elle prend son arme de service et descend à la rencontre de Mark. Face à son frère, confuse de le revoir, elle tire un coup de feu et blesse Mark. D'autres personnes arrivent, comme le Prof et Najuat.
En perdant son sang, Mark a une vision. Il est dans une grotte, avec Absinthe et Nakoma, toutes deux sont ligotées. Il sait qu'il s'est rendu complice de leur sort, mais à ce stade, on ne sait pas à quel degré.
Le bras du Prof continue à pourrir. Il devient urgent pour lui d'accéder à l'immortalité.
Une fois la confusion un peu levée, Jamal fait entrer tout le monde en sa demeure. Il offre à chacun un café provenant de la machine a café automatique. Najuat refuse. Le Prof dit préférer un alcool. Jamal lui dit d'aller chercher la bouteille d'absinthe. Alors qu'il boit une première gorgée, le nuage d'alcool lui suggère une idée : il recherche l'immortalité alors qu'il est en fait déjà un immortel.
Jamal offre aussi un café à Sibil et elle reçoit la suggestion que ce qui s'était produit avec son frère s'était déjà produit auparavant.
Le petit matin, après une nuit blanche à veiller sur les blessés. Il est temps de se rendre au lac, pour comprendre la vérité. Tout le monde monte dans le tout-terrain de Jamal et le véhicule s'enfonce dans la forêt. Tout s'assombrit : une éclipse se prépare. L'aurore va devenir la nuit. Plus on s'approche du lac, plus la forêt est dense, plus les choses deviennent étranges.
D'autres visions du passé. Absinthe, la Métisse, Éclipse et le Prof réunis autour d'un arbre, près du lac, un arbre où des dizaines de hiboux sont cloués vivants. On découvre que le Prof était immortel et qu'il a fait ce rituel pour transférer son immortalité à la Métisse, Éclipse et Absinthe. Il leur transfère son sang, le sang noir, et il perd la mémoire en même temps. Mais la Métisse (peut-être à cause de son sang impur ?), échoue à devenir immortelle. C'est depuis qu'elle est devenu la tueuse de l'Autoroute des Larmes, pour se venger. Se venger des rituels indiens. Se venger de la nation première.
Najuat roule sur des sentiers et finit par confondre la route et une rivière, elle se souvient avoir déjà croisé Jamal quand elle se prostituait. Un souvenir qui lui déplaît plus que tout. Elle se noie avec le véhicule qui s'enfonce dans une route-rivière.
Pickton, il y a quinze ans. La Métisse rencontre Mark dans un bar. Elle voit dans ses vêtements occidentaux, dans ses cheveux teintés, qu'il en veut autant qu'elle à ses origines indiennes. Elle le recueille et le forme pour devenir le tueur de l'Autoroute des Larmes à ses côtés. Absinthe et Nakoma sont leurs dernières victimes, et la grotte, leur repaire.
On comprend que Nakoma est morte et qu'elle ne reviendra pas.
Jamal se réveille. Il fait du café. Dans son lit, il y a la Métisse. Et il est tellement ému par elle, il se sent tellement coupable pour la beauté de ce moment, pour ne pas en être digne. Il fait couler deux cafés, forts. Et il fait une grave erreur. Il se trompe en distribuant les cafés. Il prend le café qui contient la joie de vivre, la sincérité de la Métisse, et il lui donne le café qui contient toute son amertume.
Ils sont enfin réunis sur la plage du lac. Il y a ce grand arbre qui grandit et rajeunit à toute vitesse, une spirale de bourgeonnement. La Métisse et face à eux, et à ses pieds, Absinthe, ligotée. Elle va la poignarder.
Le Prof et Éclipse ruent l'un vers l'autre, c'est leur dernier combat, bras nécrosé contre bras brûlé. Ils se battent et leurs sangs se mêlent, alors le bras du Prof guérit et Éclipse redevient mortel. La Métisse veut tuer Absinthe
Jamal veut empêcher la Métisse de revenir dans sa vie et cherche à déraciner l'Arbre fluctuant. Mais elle absorbe l'arbre de vie et devient immortelle quand même. Mark affronte Jamal et le tue au couteau. Sans l'influence de la Métisse, il devient fou et s'ouvre lui-même les veines pour en faire sortir ce sang indien qui lui répugne.
Un flot de sang s'échappe de Jamal et draine les clefs du pick up vers Sibil, qui se sauve, poursuivie par son frère meurtrier, qui finit par s'écrouler dans son sang, qu'il voit peu à peu
partir de son corps... l'empreinte de ses origines.
Règles utilisées :
Nous avons joué en Inflorenza minima, en mode Carte Rouge. C'était le premier test de Carte Rouge en minima. J'ai appliqué la méthode suivante : quand le personnage en instance veut accomplir quelque chose, n'importe quel autre joueur annonce qu'il y a un prix à payer, et il désigne un troisième joueur qui va définir le prix à payer. Le joueur en instance ne peut pas refuser qu'il y ait un prix à payer, il ne doit même pas négocier. Soit il accepte de payer le prix, soit il fait forfait, soit il accepte le risque, pour récupérer un as de pique. Les règles sur les duels sont les mêmes que d'habitude.
J'avais à ma table deux personnes qui ont beaucoup pratiqué Inflorenza première édition, dont une joueuse qui réfléchit beaucoup sur le jeu en collectif, et j'ai donc inclus la notion d'harmonie dans mon briefing, chose inspirée de ses réflexions et des miennes. Cela revient à comparer un groupe de joueurs d'Inflorenza à un orchestre de jazz qui s'harmonise en jouant : personne n'a le même instrument mais on essaye de jouer en accord, et c'est quelque chose qui se fait progressivement, en jouant. Au départ, c'est le magma et à la fin c'est la note bleue.
Comme on jouait en Carte Rouge, j'ai aussi briefé sur la méthode Deus Ex Machina, qui est une méthode de maîtrise.
D : joue le Destin des personnages, relie ce qui se passe aux objectifs des personnages, y compris décors et figurants
E : Émotions : décris les émotions des personnages, des figurants et des décors, pour permettre aux émotions des joueurs d'émerger
U : Univers : pense à décrire des choses liées à l'univers : la forêt, les ruines, l'oubli, l'emprise, l'égrégore, les horlas
S : Symboles : pense à décrire des choses en relations aux symboles des personnages. Si tu veux te lier facilement à un personnage, offre-lui quelque chose lié à ces symboles.
Ex : Explique les mystères au fur et à mesure, si possible explique en faisant des liens entre les personnages
Machina : ne fais pas de deus ex machina. C'est aux personnages qu'il revient de résoudre leurs problèmes, pas à un décor ou un figurant.
Cela a plutôt bien fonctionné. Les joueurs ont mis un peu de temps pour s'harmoniser, je dirais un bon tour de table, et au vu de la masse créative qui émergeait, j'ai pas mal utilisé mon rôle de Confident pour faire de la mise en scène, demander des explications et de la convergence, et je me suis fait plaisir sur le troisième tour de table, où j'ai demandé à ce que chacun joue une instance dans le passé, dans le futur ou dans un rêve.
Le jeu du joueur de Jamal m'a vraiment étonné. J'ai dû citer plusieurs fois David Lynch dans mon briefing sur le théâtre et il m'a vraiment pris au mot, décrivant un personnage lunaire pris dans une vie sans enjeux. C'était pas loin de l'anti-jeu si l'on considère les critères d'Inflorenza, parce que le joueur n'était pas des plus pro-actifs pour créer des liens avec les autres joueurs, ou pour amener des défis et des problèmes. Il était dans une exploration intime, et j'ai laissé faire parce que c'était fascinant. Sa façon de jouer m'a inspiré le jeu Dragonfly Motel, dont la rédaction a commencé le surlendemain.
Commentaires sur le jeu :
Le joueur de Mark a trouvé qu'il y avait beaucoup de motifs divergents, et que les joueurs faisaient beaucoup d'intrusions dans les instances des autres. La joueuse de Sibil a estimé qu'on était pas encore très harmonisé, qu'une partie d'Inflorenza çà pouvait être "mille fois ça". Il s'agissait des deux personnes qui ont déjà beaucoup joué à Inflorenza première édition.
A décharge, je rappelle qu'on était six joueurs + moi en Confident, et les autres joueurs n'avaient jamais pratiqué Inflorenza, et même pour certains aucun jeu à partage large des responsabilités. Je trouve qu'une première séance est forcément nécessaire pour harmoniser le premier groupe, et d'ailleurs je sais que toutes les séances d'Inflorenza qu'ont pratiquées le joueur de Mark et la joueuse de Sibil n'étaient pas satisfaisantes. Cela remet en évidence l'importance du debriefing en fin de partie, et de la mise en commun des attentes en début de partie.
Je crois pour autant qu'il y a eu quelques relations de confiance tissées assez tôt, ainsi la joueuse qui explique que son personnage, Sibil, a de fréquentes relations épicuriennes avec Jamal, alors que cette joueuse a dit éviter les relations amoureuses en jeu quand elle ne connaît pas assez le groupe.
La notion d'harmonisation du groupe de jeu m'intéresse toujours autant. En cela, la lecture du blog Je ne suis pas MJ mais est pour moi une grande source de travail. Je la résous dans des jeux comme Arbre et Dragonfly Motel avec les "+" et les "-" et les débriefings, mais dans Inflorenza, c'est plutôt le dialogue méta en cours de jeu qui fait office d'harmonisation. Reste à voir comment faire pour que le groupe de jeu s'empare de se souci d'harmonie, et que ça ne soit pas le pré carré du Confident, qui risque d'imposer son propre rythme et ses propres obsessions, comme cela m'arrive souvent.
Depuis quelques parties, je ne prends plus de notes sur l'histoire, pour me concentrer sur la maîtrise, et de surcroît en jouant sans phrases, on n'a que peu de traces. J'ai reconstitué l'histoire de tête, quinze jours plus tard, mais j'ai fait sans doute beaucoup d'imprécisions. Je ne suis même plus sûr de quel personnage est mort et quel personnage a survécu !
C'est un défaut, mais je sacrifie au confort de jouer sans matériel. Je vois cependant les limites du processus dès lors qu'on joue avec un théâtre un peu touffu comme celui-ci. J'avais quand même besoin de mes notes sur le théâtre, et les joueurs ont aussi senti le besoin de prendre des notes. On n'était donc pas tout à fait exempt de matériel comme ce fut le cas sur d'autres tests.
Encore une fois, on a employé le terme d'indien ou d'autochtone, sans jamais préciser la tribu. Cela ferait peut-être de la peine à mon consultant sur la question des nations premières au Canada. Avant la publication de ce théâtre, je vais me renseigner sur les nations locales, Sioux, Cree, Lakotas, pour pouvoir en dégager quelques spécificités utilisables en jeu.
Le retour de la joueuse de Sibil après lecture du compte-rendu :
Sur le débrief, quelques petite choses à préciser, avec le recul... c'est un peu refaire le match un mois après, je ne sais pas si c'est utile ou pertinent, mais je te le donne et tu en fais ce que tu veux.
- "Inflorenza ça peut être 1000 fois ça" : dit comme ça, c'est de la déception pure. Et sur le coup ça l'était. (on a fait nos râleurs de service, hein ?) Tu n'es pas obligé de le mettre dans le débrief, surtout que ça cache les compliments des joueurs qui découvraient le jeu et la narration partagée et qui ont adoré. Et puis, rétrospectivement, on avait de très chouettes motifs (bras brûlé/noirci, route-rivière, fratricide, Jamal...) dont on n'a pas su tirer le maximum, par maladresse de notre part. Tu as quand même réussi à nous faire produire quelque chose de tout à fait décent alors que les imaginaires autour de la table étaient complètement éclatés et disparates, et les conditions générales peu aidantes (serveur intrusif, pb d'écoute, bruit des travaux sur la place). C'est probablement un truc dont tu as l'habitude, mais pour moi qui ait eu une pratique rôliste ultra-protégée, c'était déjà une aventure extrême.
- Objectifs :
Là où on a cafouillé, je pense, c'est qu'on avait des objectifs trop disparates autour de la table, même s'ils étaient liés d'une façon ou d'une autre. On aurait peut-être tous dû centrer notre objectif (et notre personnage) directement sur les disparitions en elles-mêmes, ce qui aurait permis de jouer dans la même direction.
C'est ce qu'on fait quand on joue Les Chemins de Compostelle à notre table : on se pose comme contrainte de centrer nos objectifs sur le pèlerinage ou le groupe de pèlerins ou Compostelle, mais pas sur des quêtes annexes.
- Canevas trop chargé ?
On a posé beaucoup d'infos sur nos persos, leur passé et leurs liens avant le jeu, avec notamment des incohérences ou imprécisions temporelles. Par exemple, je n'ai pas tout compris des histoires préalables du prof et d'Éclipse, donc instinctivement je me suis abstenue d'aller sur leurs plates-bandes pour ne pas ajouter à la confusion. Sauf que mon personnage aurait dû contrecarrer le prof, c'était son objectif.
De même, les relations de Sybil avec Mark et Najuat étaient floues et mal posées (par ma faute, je le reconnais) bien qu'on en ait parlé avant. On avait posé des choses du passé (inutiles ou entravantes) alors qu'on n'a pas posé l'état de nos relations au moment où commence l'histoire. Paradoxalement, la relation avec Jamal est venue tout de suite, bien qu'elle ait été complètement imprévue.
Je me demande s'il n'y a pas une question d'espace là -dedans, si on n'aurait pas dû laisser plus de "blancs" avant la partie, plutôt que de fixer d'abord un canevas et de broder autour ensuite ? Mais c'est très probablement aussi une limite personnelle, pour le coup.
- Les limites de la concession
Je crois qu'on a tous essayé de faire avancer l'histoire collective sans trop se tirer dans les pattes, ce qui était plutôt élégant et poli pour des joueurs qui ne se connaissaient pas. Mais du coup, on s'est tous laissés aspirer par la quête d'immortalité pour avoir un climax, alors qu'à mon avis c'est Jamal qui aurait dû être au centre de cette histoire (le calme, le point fixe, l'œil du cyclone autour duquel tout se déglingue). Mais pour alimenter ce cyclone, il aurait fallu que Mark, Najuat et Sybil soient plus actifs et plus dramatiques dans leurs relations et leurs objectifs, ce qu'on a pas osé faire. Je pense qu'il y a deux raisons à ça : c'est pas évident de jouer du drama quand on ne se connaît pas (ma timidité pourrie) ; et peut-être aussi que le Prof ne nous en pas beaucoup laissé le loisir, résolvant tous les problèmes qui passaient à portée, même s'ils ne s'adressaient pas à lui.
Hors ligne
L'AUTOROUTE DES ORIGINES
Deuxième test de L'Autoroute des Larmes, voyage lynchien et initiatique.
Jeu : Inflorenza, héros, salauds et martyrs dans l'enfer forestier de Millevaux
Joué au Dernier Bar Avant la Fin du Monde lors de la tournée Paris est Millevaux 1, le 14/06/2015.
Personnages : Le Prof, Najuat, Eclipse, Jamal, Mark, Sibil
crédits image : michael flick, OneEighteen, Toby Dickens, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com
Le Théâtre :
Deuxième test de L'Autoroute des Larmes, un théâtre contemporain pour Inflorenza.
A travers la forêt canadienne, une longue route qui n'en finit pas. Plusieurs jeunes indiennes et indiens ont disparu en y faisant du stop.
Que leur est-il arrivé ? Les retrouvera-t-on ? Qui est responsable de ces disparitions ?
Que vous soyez le proche d'un des disparus, un usager de la route à travers la forêt, un membre de la police qui fait des recherches, un bénévole qui organise des battues, un jeune indien qui fait du stop, un des habitants de la forêt, des jeunes indiens qui survivent dans la délinquance et la prostitution ou encore une de ces personnes infréquentables qui rôdent dans la région... la route ne vous épargnera pas.
Un road-movie triste et chamanique dans les forêts immenses du Grand Nord.
Personnages :
Le Prof, savant fou
Objectif : atteindre l'immortalité
Symboles : hibou, poison
Le Prof travaille comme botaniste dans la même agence fédérale de gestion de la forêt que Sibile. Il recherche une plante mythique qui lui accorderait l'immortalité.
Il a aussi découvert un jeune homme, Eclipse, qui au cours d'un rituel lors d'une nuit d'eclipse, a accédé à la jeunesse éternelle. Bien sûr, le Prof s'intéresse à Eclipse de près.
Najuat, bénévole à l'affut
Najuat est une indienne qui a reçu une éducation urbaine dans une famille de classe moyenne, à Pickton. Elle a sombré dans la pauvreté et elle a dû se prostituer. Son joueur a envisagé qu'elle ait pu coucher avec un autre personnage à cette époque, peut-être Jamal, mais ça n'a jamais été explicité. (en fait, si ,Najuat a fini par reconnaître Jamal et se souvenir, juste avant sa « noyade ». Elle s'en est sortie et ses croyances autochtones lui sont revenues. Aujourd'hui, elle fait de la prévention et de l'aide auprès des victimes autochtones du tueur de l'Autoroute des Larmes, elle est bénévole et recherche les personnes disparues. Pour entrer en contact avec les ancêtres, et la forêt, elle veut à tout prix sauver des vies. Ce besoin l'emmène dans des situations délicates où elle est susceptible de trouver des personnes en danger de mort. Elle est dans la région depuis un an, elle connaît bien Sibil, c'est une amie d'enfance. Son frère Mark s'est rapproché de Najuat depuis qu'il recherche son autre soeur disparue, Nakoma.
Objectif : sauver des vies
Symboles : ancêtre, hibou.
Éclipse
Amnésique
Objectif : retrouver sa soeur Absinthe qui a disparu
Symboles : absinthe, forêt
Il y a quinze ans, Eclipse, au cours d'un rituel lors d'une nuit d'éclipse, a accédé à la jeunesse éternelle. Eclipse a la peau pâle, il est lunaire, naïf. Il recherche désespérement Absinthe, sa sœur liée à lui lors du rituel. Il ne se souvient pas du tout de sa vie avant le rituel, et depuis il vit dans les bois.
Jamal, pompiste sur une station au bord de la route.
Jamal est un métis autochtone qui tient une station-service où ne s'arrêtent que les voyageurs de passage sur l'Autoroute des Larmes. La route est son seul contact avec l'humanité, partout autour c'est la forêt.
En dehors de son service, Jamal vit seul. Il cherche à profiter de chaque instant, dans une course compulsive au carpe diem. Après son service, ses soirées sont ponctuées par le ménage, chasser le passé, balayer les souvenirs trop lourds. Il aime les lasagnes, chaudes, charnues. Et rencontrer des prostituées.
Objectif : jouir de la vie sans culpabilité
Symboles : route, passé (oubli)
Mark, nouveau blanc
Objectif : retrouver sa soeur, Nacoma.
Symboles : modernité, tradition
Marc est aussi un indien originaire d'une réserve, mais il a renié ses origines. Il a un bon travail, s'habille comme un occidental, il a les cheveux teints en blond. Il habitait à Pickton, dans les beaux quartiers, mais il revient au pays pour rechercher sa soeur Nakoma, qui a disparu, elle est sans doute une victime du tueur de l'Autoroute des Larmes. Il est aussi le frère de Sibil.
Sibil, garde forestière
Sibil est garde-chasse, elle fait partie d'une agence fédérale qui mène des études scientifiques dans la forêt, mais est aussi habilitée pour dresser des procès-verbaux concernant différentes infractions. Elle peut porter un fusil de chasse pour se défendre des bêtes sauvages. Elle consacre ses journées à surveiller le braconnage d'espèces protégées, faire des relevés d'eaux, de terres et plantes pour les scientifiques, vérifier l'entretien des sentiers.
Sibil est une grande passionnée de chasse. Elle est indienne, c'est la soeur de Mark et de Nakoma, la disparue.
Symboles : cycle, traque.
L'histoire :
Le Prof axe sa quête de l'immortalité sur la recherche d'une plante miraculeuse dans la forêt. Pour lui, elle serait liée au rituel qui a donné lieu à la "naissance" d'Eclipse. Il va voir Jamal, et lui propose de l'acheter comme guide contre des bouteilles de whisky. Il s'agirait de monter une expédition auprès d'un lac, le massif tout-terrain de Jamal leur sera utile. Officiellement, ce sera une partie de pêche, officieusement une recherche de la plante.
Najuat arpente la même zone de la forêt en voiture avec Mark. Ils sont à la recherche du tueur de Pickton, un serial killer qui a sévi dans cette ville et qu'elle suppose impliqué dans les disparitions de l'Autoroute des Larmes. Najuat a la conviction qu'il lui faut rechercher une rivière.
Éclipse est dans la forêt, il fait un rituel pour avoir des réponses sur son passé et pour retrouver Absinthe, sa sœur aux yeux verts comme des lacs. Il plonge son bras dans le feu pour achever le rituel, il a alors une vision nette du tueur de Pickton. C'est une métisse, mi-blanche, mi-indienne. La Métisse est le tueur de Pickton, le tueur de l'Autoroute des Larmes.
Le prof l'observe de loin et se précipite pour le soigner (et récupérer des échantillons de son sang). Mais le contact du sang d'Éclipse le brûle et noircit son bras.
Jamal est dans sa station-service. Il fait nuit. Il balaye. Comme pour mettre le passé de côté. Pour que tout soit propre. Jamal se fait des lasagnes. Il prend le temps de les cuire au four, de surveiller la cuisson. Il apprécie ce moment. Il dîne, regarde l’heure et considère qu’il a le temps. Il regarde de nouveau sa montre. Elle est en retard. Une voiture se gare sur la station déserte. Jamal va ouvrir la porte, une frêle silhouette féminine se trouve devant lui..
Mark a planté son superbe véhicule au premier nid de poule et a demandé à Najuat son aide et sa voiture pour retrouver Nakoma. Ils ont roulé un moment dans la forêt en quête d'une rivière et malgré l'instinct et les connaissances d'orientation de Najuat, ils sont revenus sur l'autoroute, qui est une sorte de rivière. Il aperçoit une voiture éteignant ses phares sur la station service déserte de Jamal. Une femme en sort, il est persuadé que la situation n'est pas normale, qu'il tient une piste. Ils s'arrêtent à la station, et descendent de voiture.
Najuat entend des hiboux, puis un cri. Elle et se rue vers la station-service et tambourine à la porte pendant que Mark fait le tour pour entrer par la porte de derrière. Jamal entend un bruit dans sa demeure, quelqu'un essaye d'entrer. Il ordonne sèchement à la femme qui est avec lui de se lever pour aller voir ce qu'il en retourne. Sibil révèle que c'est elle, la frêle silhouette qui a rejoint Jamal. Bien plus leste que Jamal, elle prend son arme de service et descend à la rencontre de Mark. Face à son frère, confuse de le revoir, elle tire un coup de feu et blesse Mark. D'autres personnes arrivent, comme le Prof et Najuat.
En perdant son sang, Mark a une vision. Il est dans une grotte, avec Absinthe et Nakoma, toutes deux sont ligotées. Il sait qu'il s'est rendu complice de leur sort, mais à ce stade, on ne sait pas à quel degré.
Le bras du Prof continue à pourrir. Il devient urgent pour lui d'accéder à l'immortalité.
Une fois la confusion un peu levée, Jamal fait entrer tout le monde en sa demeure. Il offre à chacun un café provenant de la machine a café automatique. Najuat refuse. Le Prof dit préférer un alcool. Jamal lui dit d'aller chercher la bouteille d'absinthe. Alors qu'il boit une première gorgée, le nuage d'alcool lui suggère une idée : il recherche l'immortalité alors qu'il est en fait déjà un immortel.
Jamal offre aussi un café à Sibil et elle reçoit la suggestion que ce qui s'était produit avec son frère s'était déjà produit auparavant.
Le petit matin, après une nuit blanche à veiller sur les blessés. Il est temps de se rendre au lac, pour comprendre la vérité. Tout le monde monte dans le tout-terrain de Jamal et le véhicule s'enfonce dans la forêt. Tout s'assombrit : une éclipse se prépare. L'aurore va devenir la nuit. Plus on s'approche du lac, plus la forêt est dense, plus les choses deviennent étranges.
D'autres visions du passé. Absinthe, la Métisse, Éclipse et le Prof réunis autour d'un arbre, près du lac, un arbre où des dizaines de hiboux sont cloués vivants. On découvre que le Prof était immortel et qu'il a fait ce rituel pour transférer son immortalité à la Métisse, Éclipse et Absinthe. Il leur transfère son sang, le sang noir, et il perd la mémoire en même temps. Mais la Métisse (peut-être à cause de son sang impur ?), échoue à devenir immortelle. C'est depuis qu'elle est devenu la tueuse de l'Autoroute des Larmes, pour se venger. Se venger des rituels indiens. Se venger de la nation première.
Najuat roule sur des sentiers et finit par confondre la route et une rivière, elle se souvient avoir déjà croisé Jamal quand elle se prostituait. Un souvenir qui lui déplaît plus que tout. Elle se noie avec le véhicule qui s'enfonce dans une route-rivière.
Pickton, il y a quinze ans. La Métisse rencontre Mark dans un bar. Elle voit dans ses vêtements occidentaux, dans ses cheveux teintés, qu'il en veut autant qu'elle à ses origines indiennes. Elle le recueille et le forme pour devenir le tueur de l'Autoroute des Larmes à ses côtés. Absinthe et Nakoma sont leurs dernières victimes, et la grotte, leur repaire.
On comprend que Nakoma est morte et qu'elle ne reviendra pas.
Jamal se réveille. Il fait du café. Dans son lit, il y a la Métisse. Et il est tellement ému par elle, il se sent tellement coupable pour la beauté de ce moment, pour ne pas en être digne. Il fait couler deux cafés, forts. Et il fait une grave erreur. Il se trompe en distribuant les cafés. Il prend le café qui contient la joie de vivre, la sincérité de la Métisse, et il lui donne le café qui contient toute son amertume.
Ils sont enfin réunis sur la plage du lac. Il y a ce grand arbre qui grandit et rajeunit à toute vitesse, une spirale de bourgeonnement. La Métisse et face à eux, et à ses pieds, Absinthe, ligotée. Elle va la poignarder.
Le Prof et Éclipse ruent l'un vers l'autre, c'est leur dernier combat, bras nécrosé contre bras brûlé. Ils se battent et leurs sangs se mêlent, alors le bras du Prof guérit et Éclipse redevient mortel. La Métisse veut tuer Absinthe
Jamal veut empêcher la Métisse de revenir dans sa vie et cherche à déraciner l'Arbre fluctuant. Mais elle absorbe l'arbre de vie et devient immortelle quand même. Mark affronte Jamal et le tue au couteau. Sans l'influence de la Métisse, il devient fou et s'ouvre lui-même les veines pour en faire sortir ce sang indien qui lui répugne.
Un flot de sang s'échappe de Jamal et draine les clefs du pick up vers Sibil, qui se sauve, poursuivie par son frère meurtrier, qui finit par s'écrouler dans son sang, qu'il voit peu à peu
partir de son corps... l'empreinte de ses origines.
Règles utilisées :
Nous avons joué en Inflorenza minima, en mode Carte Rouge. C'était le premier test de Carte Rouge en minima. J'ai appliqué la méthode suivante : quand le personnage en instance veut accomplir quelque chose, n'importe quel autre joueur annonce qu'il y a un prix à payer, et il désigne un troisième joueur qui va définir le prix à payer. Le joueur en instance ne peut pas refuser qu'il y ait un prix à payer, il ne doit même pas négocier. Soit il accepte de payer le prix, soit il fait forfait, soit il accepte le risque, pour récupérer un as de pique. Les règles sur les duels sont les mêmes que d'habitude.
J'avais à ma table deux personnes qui ont beaucoup pratiqué Inflorenza première édition, dont une joueuse qui réfléchit beaucoup sur le jeu en collectif, et j'ai donc inclus la notion d'harmonie dans mon briefing, chose inspirée de ses réflexions et des miennes. Cela revient à comparer un groupe de joueurs d'Inflorenza à un orchestre de jazz qui s'harmonise en jouant : personne n'a le même instrument mais on essaye de jouer en accord, et c'est quelque chose qui se fait progressivement, en jouant. Au départ, c'est le magma et à la fin c'est la note bleue.
Comme on jouait en Carte Rouge, j'ai aussi briefé sur la méthode Deus Ex Machina, qui est une méthode de maîtrise.
D : joue le Destin des personnages, relie ce qui se passe aux objectifs des personnages, y compris décors et figurants
E : Émotions : décris les émotions des personnages, des figurants et des décors, pour permettre aux émotions des joueurs d'émerger
U : Univers : pense à décrire des choses liées à l'univers : la forêt, les ruines, l'oubli, l'emprise, l'égrégore, les horlas
S : Symboles : pense à décrire des choses en relations aux symboles des personnages. Si tu veux te lier facilement à un personnage, offre-lui quelque chose lié à ces symboles.
Ex : Explique les mystères au fur et à mesure, si possible explique en faisant des liens entre les personnages
Machina : ne fais pas de deus ex machina. C'est aux personnages qu'il revient de résoudre leurs problèmes, pas à un décor ou un figurant.
Cela a plutôt bien fonctionné. Les joueurs ont mis un peu de temps pour s'harmoniser, je dirais un bon tour de table, et au vu de la masse créative qui émergeait, j'ai pas mal utilisé mon rôle de Confident pour faire de la mise en scène, demander des explications et de la convergence, et je me suis fait plaisir sur le troisième tour de table, où j'ai demandé à ce que chacun joue une instance dans le passé, dans le futur ou dans un rêve.
Le jeu du joueur de Jamal m'a vraiment étonné. J'ai dû citer plusieurs fois David Lynch dans mon briefing sur le théâtre et il m'a vraiment pris au mot, décrivant un personnage lunaire pris dans une vie sans enjeux. C'était pas loin de l'anti-jeu si l'on considère les critères d'Inflorenza, parce que le joueur n'était pas des plus pro-actifs pour créer des liens avec les autres joueurs, ou pour amener des défis et des problèmes. Il était dans une exploration intime, et j'ai laissé faire parce que c'était fascinant. Sa façon de jouer m'a inspiré le jeu Dragonfly Motel, dont la rédaction a commencé le surlendemain.
Commentaires sur le jeu :
Le joueur de Mark a trouvé qu'il y avait beaucoup de motifs divergents, et que les joueurs faisaient beaucoup d'intrusions dans les instances des autres. La joueuse de Sibil a estimé qu'on était pas encore très harmonisé, qu'une partie d'Inflorenza çà pouvait être "mille fois ça". Il s'agissait des deux personnes qui ont déjà beaucoup joué à Inflorenza première édition.
A décharge, je rappelle qu'on était six joueurs + moi en Confident, et les autres joueurs n'avaient jamais pratiqué Inflorenza, et même pour certains aucun jeu à partage large des responsabilités. Je trouve qu'une première séance est forcément nécessaire pour harmoniser le premier groupe, et d'ailleurs je sais que toutes les séances d'Inflorenza qu'ont pratiquées le joueur de Mark et la joueuse de Sibil n'étaient pas satisfaisantes. Cela remet en évidence l'importance du debriefing en fin de partie, et de la mise en commun des attentes en début de partie.
Je crois pour autant qu'il y a eu quelques relations de confiance tissées assez tôt, ainsi la joueuse qui explique que son personnage, Sibil, a de fréquentes relations épicuriennes avec Jamal, alors que cette joueuse a dit éviter les relations amoureuses en jeu quand elle ne connaît pas assez le groupe.
La notion d'harmonisation du groupe de jeu m'intéresse toujours autant. En cela, la lecture du blog Je ne suis pas MJ mais est pour moi une grande source de travail. Je la résous dans des jeux comme Arbre et Dragonfly Motel avec les "+" et les "-" et les débriefings, mais dans Inflorenza, c'est plutôt le dialogue méta en cours de jeu qui fait office d'harmonisation. Reste à voir comment faire pour que le groupe de jeu s'empare de se souci d'harmonie, et que ça ne soit pas le pré carré du Confident, qui risque d'imposer son propre rythme et ses propres obsessions, comme cela m'arrive souvent.
Depuis quelques parties, je ne prends plus de notes sur l'histoire, pour me concentrer sur la maîtrise, et de surcroît en jouant sans phrases, on n'a que peu de traces. J'ai reconstitué l'histoire de tête, quinze jours plus tard, mais j'ai fait sans doute beaucoup d'imprécisions. Je ne suis même plus sûr de quel personnage est mort et quel personnage a survécu !
C'est un défaut, mais je sacrifie au confort de jouer sans matériel. Je vois cependant les limites du processus dès lors qu'on joue avec un théâtre un peu touffu comme celui-ci. J'avais quand même besoin de mes notes sur le théâtre, et les joueurs ont aussi senti le besoin de prendre des notes. On n'était donc pas tout à fait exempt de matériel comme ce fut le cas sur d'autres tests.
Encore une fois, on a employé le terme d'indien ou d'autochtone, sans jamais préciser la tribu. Cela ferait peut-être de la peine à mon consultant sur la question des nations premières au Canada. Avant la publication de ce théâtre, je vais me renseigner sur les nations locales, Sioux, Cree, Lakotas, pour pouvoir en dégager quelques spécificités utilisables en jeu.
Le retour de la joueuse de Sibil après lecture du compte-rendu :
Sur le débrief, quelques petite choses à préciser, avec le recul... c'est un peu refaire le match un mois après, je ne sais pas si c'est utile ou pertinent, mais je te le donne et tu en fais ce que tu veux.
- "Inflorenza ça peut être 1000 fois ça" : dit comme ça, c'est de la déception pure. Et sur le coup ça l'était. (on a fait nos râleurs de service, hein ?) Tu n'es pas obligé de le mettre dans le débrief, surtout que ça cache les compliments des joueurs qui découvraient le jeu et la narration partagée et qui ont adoré. Et puis, rétrospectivement, on avait de très chouettes motifs (bras brûlé/noirci, route-rivière, fratricide, Jamal...) dont on n'a pas su tirer le maximum, par maladresse de notre part. Tu as quand même réussi à nous faire produire quelque chose de tout à fait décent alors que les imaginaires autour de la table étaient complètement éclatés et disparates, et les conditions générales peu aidantes (serveur intrusif, pb d'écoute, bruit des travaux sur la place). C'est probablement un truc dont tu as l'habitude, mais pour moi qui ait eu une pratique rôliste ultra-protégée, c'était déjà une aventure extrême.
- Objectifs :
Là où on a cafouillé, je pense, c'est qu'on avait des objectifs trop disparates autour de la table, même s'ils étaient liés d'une façon ou d'une autre. On aurait peut-être tous dû centrer notre objectif (et notre personnage) directement sur les disparitions en elles-mêmes, ce qui aurait permis de jouer dans la même direction.
C'est ce qu'on fait quand on joue Les Chemins de Compostelle à notre table : on se pose comme contrainte de centrer nos objectifs sur le pèlerinage ou le groupe de pèlerins ou Compostelle, mais pas sur des quêtes annexes.
- Canevas trop chargé ?
On a posé beaucoup d'infos sur nos persos, leur passé et leurs liens avant le jeu, avec notamment des incohérences ou imprécisions temporelles. Par exemple, je n'ai pas tout compris des histoires préalables du prof et d'Éclipse, donc instinctivement je me suis abstenue d'aller sur leurs plates-bandes pour ne pas ajouter à la confusion. Sauf que mon personnage aurait dû contrecarrer le prof, c'était son objectif.
De même, les relations de Sybil avec Mark et Najuat étaient floues et mal posées (par ma faute, je le reconnais) bien qu'on en ait parlé avant. On avait posé des choses du passé (inutiles ou entravantes) alors qu'on n'a pas posé l'état de nos relations au moment où commence l'histoire. Paradoxalement, la relation avec Jamal est venue tout de suite, bien qu'elle ait été complètement imprévue.
Je me demande s'il n'y a pas une question d'espace là -dedans, si on n'aurait pas dû laisser plus de "blancs" avant la partie, plutôt que de fixer d'abord un canevas et de broder autour ensuite ? Mais c'est très probablement aussi une limite personnelle, pour le coup.
- Les limites de la concession
Je crois qu'on a tous essayé de faire avancer l'histoire collective sans trop se tirer dans les pattes, ce qui était plutôt élégant et poli pour des joueurs qui ne se connaissaient pas. Mais du coup, on s'est tous laissés aspirer par la quête d'immortalité pour avoir un climax, alors qu'à mon avis c'est Jamal qui aurait dû être au centre de cette histoire (le calme, le point fixe, l'œil du cyclone autour duquel tout se déglingue). Mais pour alimenter ce cyclone, il aurait fallu que Mark, Najuat et Sybil soient plus actifs et plus dramatiques dans leurs relations et leurs objectifs, ce qu'on a pas osé faire. Je pense qu'il y a deux raisons à ça : c'est pas évident de jouer du drama quand on ne se connaît pas (ma timidité pourrie) ; et peut-être aussi que le Prof ne nous en pas beaucoup laissé le loisir, résolvant tous les problèmes qui passaient à portée, même s'ils ne s'adressaient pas à lui.
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