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Manon et Simon Li publient un supplément Millevaux pour son jeu d’exploration et d’introspection Terres de Sang.
Un parcours mystique et forestier vous attend, avec ses périls et ses découvertes !
* : parties enregistrées
Comptes-rendus de partie par les auteurs :
1. Communier avec la forĂŞt
Dans ce test par Simon Li (un des auteurs), on explore la communion entre le végétal et l’humain. Touchant.
2. La ForĂŞt de Conscience
Pour ce crossover entre l'univers de Millevaux et l'exploration introspective de Terres de Sang, co-animé avec un de ses auteurs (Simon Li), un voyage depuis un monde transhumaniste jusqu'à une forêt qui répond mystérieusement aux questions les plus profondes.
Comptes-rendus de partie par la communauté :
1. SĂ©rum d'espoir *
Explorer Millevaux depuis l’enclave suisse technologie et isolationniste. Périls et cas de conscience en perspective. Un récit par Claude !
2. Je ne regrette rien *.
Suite de Sérum d’Espoir, l’exploration de la Saxe par des dissidents helvétiques. Noires réminiscences et dangereuses rencontre en perspective. Un récit et un enregistrement de partie par Claude !
3. Le Naufrage du Golem
Quand une ancienne civilisation ayant fui Millevaux par la voie des airs envoie une expédition de reconnaissance des générations plus tard. Suite de la campagne Millevaux multi-systèmes en solo par Damien Lagauzère, de plus en plus vertigineuse
Hors ligne
SÉRUM D'ESPOIR
Explorer Millevaux depuis l’enclave suisse technologie et isolationniste. Périls et cas de conscience en perspective ! Un récit par Claude.
Joué le 08/04/2018
Compte-rendu initial (comprenant des Ă©changes avec Simon Li et Thomas Munier) ici.
Voici un compte-rendu de notre tentative première de Terres de Sang est Millevaux.
Pris par le temps, nous n’avons joué qu’une première étape, une première approche.
Nous sommes tous les deux très enthousiastes et souhaitons poursuivre l’expérience le plus tôt possible.
La session s’est déroulée hier après-midi, dans notre cave, en comité restreint, seulement deux joueuses, moi-même et mon fils de quatorze ans, Gabriel.
crédits : JMVerco, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com
Les personnages
Claude
Appellation, fonction : Kolia, Ă©claireur.
Augures : Le bâton qui guide les égarés/Le vase qui garde les promesses.
Ancrage : L’œil qui comprend le monde
Gabriel
Appellation, fonction : Docteur Ernst Zucker, médecin à la frontière.
Augures : Le marteau qui bâti le monde/La lyre qui réunit les amis et les amants
Ancrage : Le géant qui offre le feu.
Le point de départ
Nous avons décidé que nos personnages seraient des dissidents helvétiques, membres de la cellule P54
Nous avons compulsé l’Atlas de Millevaux, lu ensemble l’article sur la confédération helvétique et convenu que notre démarche serait voisine de celle de Edmund Granger.
Donc, dissidents de la confédération helvétique.
La société est toute entière cadenassée dans la Forteresse Altine.
Nous considérons le projet Hécate comme une dangereuse utopie de surcroît moralement pour le moins discutable.
Le pouvoir des Patriarches, les 12, pèse sur le Peuple. Le peuple n’est plus administré, mais élevé, mené comme les bêtes à l’abattoir pour un plus grand holocauste / génocide.
La tradition helvétique repose sur l’attachement au canton.
Chacun, chacune doit le servir au mieux de ses capacités.
Parmi nous, certains par les connaissances dont ils disposent pour mener à bien le grand-oeuvre ont choisi la voie de la résistance.
Ils sont convaincus que nous devons nous reposer sur les principes de la bienveillance et de l’humilité.
Sur ces bases, ils ont insufflés un nouvel espoir à un petit groupe déterminé à rompre définitivement avec l’hérésie des 12.
Des membres du Guet, des jeunes, des enfants même, ont été regroupé afin de tracer la voie du nouvel espoir .
Du Sérum de Mémoire Cellulaire, sa formule ainsi qu’un laboratoire de campagne leur ont été confié
Leur mission consiste à établir une tête de pont, une colonie, hors de la Forteresse Altine et de diffuser l’information au dehors dès lors que les conditions de maintien de la communauté seront assurés, (préservation de l’emprise par le sérum et économie de subsistance suffisamment développée).
Naufrage
Le naufrage est consommé dès la frontière franchie. Le Guet veille à neutraliser quiconque tenterait d’entrer sur le territoire de la Confédération Helvétique et à en charge, avec un arsenal conséquent et technologiquement efficient, d’éliminer tout dissident qui tenterait de quitter la cage dorée, à fortiori muni comme nous le somme du précieux sérum protégeant des atteintes du syndrome de l’oubli.
Notre naufrage consiste à s’éloigner le plus vite possible de la frontière en laissant le moins de traces de notre passage.
Or notre équipage est bigarré et absolument pas adapté au voyage, préservé sa vie durant du dehors.
Nous nous traînons donc péniblement sous le couvert d’une forêt hostile en direction du Siège de l’Empereur, avec pour l’éclaireur et guide de l’expédition l’idée de s’en éloigner le plus tôt possible et s’enfoncer dans une vallée forestière y établir la colonie loin du regard inquisiteur des drones.
Crédits : Claude, par courtoisie
Exploration / Introspection
*L’exploration est pour Kolia et Ernst l’occasion de se remémorer quelque mauvais souvenirs, des histoires qui les hantent.
Ernst souffre du nombre de soldat abandonnés à des soins inappropriés et voués à une mort prochaine, tombés seulement pour préserver les secrets des 12. Ernst repense aussi au gestation interrompue par ses soins sur les commandements des 12. Seuls les meilleurs, les plus aptes doivent compter parmi les citoyens de la Confédération.
Kolia repense à son conditionnement de guetteur et le visage d’un enfant le hante.
Lorsqu’il s’aventure le long d’un cours d’eau s’éloignant de la caldeira en direction de la forêt noire, il croise un automate de l’Age d’Or conditionné à éliminer tout intrus.
Instinctivement il l’élimine
Non seulement il a mis en péril l’expédition, mais il s’est privé d’une sentinelle qui aurait été fort utile pour couvrir l’accès de leur colonie future.
Lors de la première phase d’exploration diurne nous avons titré la carte nature que nous ne pouvions appairer à aucun ancrage. Nous avons joué des mots clés
Puis Gabriel à pioché la carte La Science correspondant à son ancrage, qui a permis la rencontre avec la sentinelle du temps jadis, l’automate.
Conflit
Il s’agissait d’une tentative première pour laquelle nous ne disposions pas du temps nécessaire pour formaliser un premier conflit, quoique nous disposions l’un et l’autre de quoi en faire naître par la suite.
Ă©pilogue
Nous n’en sommes pas arrivé là et souhaitons l’un et l’autre poursuivre l’expérience
BILAN provisoire sur la session
Claude
* Les mécaniques sont fluides, même si nous n’avons pas décrété de conflit. La carte des jalons est un support et un guide efficace à la phase émergente de la fiction.
* Le matériel est magnifique et enjoint au voyage, bravo !
* Les cartes de Millevaux servent le récit à merveille et se conjuguent tout à fait avec les ancrages
* Les augures me semblent quelque peu décalées, mais méritent de les questionner. Elles m’interrogent donc remplissent leur office, mais sont moins évidentes que les symboles dans Inflorenza Minima.
* Nous avons trop joué nos personnages isolément, sans chercher à intégrer de dialogue direct, ou les figurant. C’est notre habitude, cela ne provient aucunement des suggestions claires contenues dans Terres de Sang à cet égard.
Nous veillerons à corriger ce défaut par la suite.
Gabriel
* Le système est agréable, clair.
* Quoique présenté pour jouer des séances de 55 minutes à 3 heures, le jeu me semble tout à fait adapté pour la campagne.
* J’ai envie de jouer la suite, mais aussi d’essayer Terres de Sang hors Millevaux.
Hors ligne
JE NE REGRETTE RIEN
Suite de Sérum d’Espoir, l’exploration de la Saxe par des dissidents helvétiques. Noires réminiscences et dangereuses rencontre en perspective. Un récit et un enregistrement de partie par Claude !
Joué le 15/04/2018
Compte-rendu (avec ses commentaires) initialement posté sur Courants Alternatifs
Voici un compte-rendu de la suite de notre voyage.
Une première approche de Terres de Sang est Millevaux...
La session s’est déroulée hier après-midi, dans notre cave en comité restreint, seulement deux joueuses,
mon fils, Gabriel et moi mĂŞme.
Les personnages
Claude
Appellation, fonction : Kolia, Ă©claireur.
Augures : Le bâton qui guide les égarés/Le vase qui garde les promesses.
Ancrage : L’œil qui comprend le monde
Gabriel
Appellation, fonction : Docteur Ernst Zucker, médecin à la frontière.
Augures : Le marteau qui bâtit le monde / La lyre qui réunit les amis et les amants
Ancrage : Le géant qui offre le feu.
Carte de Millevaux La Science
Naufrage /Exploration / Introspection / Conflits / Ă©pilogue
Le lendemain, nous reprenons notre marche, même si la fatigue pèse désormais sur les corps et les esprits.
Le plus âgé Ernest Bochon, vieillard insignifiant qui a dérobé les laisser passer nécessaires à la cellule 54, est épuisé.
Kolia négocie une pause auprès du capitaine. Les plus jeunes s’égayent dans les fourrés, Aliosha en tête.
Alors que Kolia s’interroge sur les capacités d’Ernest à suivre le rythme, il reconnaît un déclic familier à son oreille. Un mécanisme laisse fuser une mine, une mine surpuissante qu’a déclenché le gamin curieux.
Le capitaine qui s’était approché des enfants pour les sermonner est projeté par le souffle de l’explosion et empalé sur un arbre mort.
Les deux survivants errent alors dans la forêt et perdent la notion du temps. Les jours s’écoulent. Ils renoncent à préserver leur mémoire des atteintes de l’oubli pour disposer de suffisamment de sérum lorsqu’il trouveront le havre qu’ils cherchent.
Ernst que fustigent les regards lourds de Kolia et certaines remarques acerbes se remémore combien il a pesé sur le destin de son compagnon d’infortune. Il comprend qu’en laissant vivre Aliosha, un maletrait au mépris des règles eugénistes des 12, il a condamné ces vies à leur errance actuelle.
Kolia est épuisé, et menace de se donner la mort, son amour, Violaine l’a rejeté lui et son fils en raison de sa difformité, et son fils est maintenant mort. A cause du docteur il a conduit son fils à sa mort.
Ernst convainc Kolia de renoncer à son geste désespéré et renonce lui-même alors à répandre le sérum.
Le salut est dans la destruction de la confédération et les 12. Il dispose de l’instrument de leur défaite, le précieux sérum altéré par l’empreinte, réintroduit dans leur cage dorée’ assurera l’échec d’Hécate et préservera d’innombrables vies.
Leur errance reprend. Le temps leur échappe ainsi que leurs souvenirs. Kolia a perdu tous repères. Lui qui est né sous le signe du bâton qui guide les égarés est perdu au cœur de Millevaux.
La santé d'Ernst se dégrade. L’emprise le gagne, ses membres se transforment en branches, il devient un homme tronc que porte désormais Kolia
Il invite Kolia à l’abandonner, lui demande pourquoi se dernier le porte, lui qui l’a tant fait souffrir.
Kolia lui affirme que sans lui la cellule n’aurait jamais vu le jour. Ce sont ses soins attentifs auprès de Violaine enceinte d’un enfant de l’extérieur qui ont permis une avancée majeure pour leur groupe. Aliosha, né de l’union du dehors et d’une fille du canton, Violaine, leur guide, synthétise naturellement le sérum.
Aliosha est l’espoir. La semence qu’ils portent eux deux, est l’avenir de Millevaux loin des funestes projets des 12.
Affaiblis, ils parviennent à une rivière importante qu’ils franchissent.
Sur la rive opposée, non loin de la berge ils rencontrent une horsaine étrange dont les traits, quoique altérés par les bois qui lui poussent sur le front, rappellent le visage aimé de Violaine à Kolia
Ils tentent de converser sans succès. Les séides qui accompagnent la fille du bois les conduisent dans un village primitif.
Ils sont entravés, mais soignés et nourris. La fille jette leurs seringues. Ils attendent la venue du Jötunn. Ils comprennent que leurs hôtes préparent une cérémonie en l’honneur de Tiw Woden et Sahsnôt.
Un soir, on les conduit dans la clairière qu’ils apercevaient depuis la hutte où ils sont retenus captifs.
Le vieillard qui leur rendait souvent visite a revêtu son aube rouge cérémonielle.
Les lascenes les pendent tous les deux Ă un arbre.
En mourant, ils acquièrent la certitude qu’au travers du rituel dont ils ont été l’objet, en préservant la vie de ce clan inepte, ils répandent leurs chairs et leurs fêtus d’âmes.
BILAN provisoire sur la session
Claude
* Nous avons joué cette session dans la continuité de la précédente. Si les conflits moraux pour les personnages ne sont pas des dilemmes pragmatiques, ils ont participé d’évidence à l’émergence à la table de très fortes sensations, émotions. Le jeu fut pour nous intense.
* Les cartes de Millevaux ont servi de guide et de ressource au développement de la fiction. La carte piochée en exploration, le clan, a été pleinement exploitée et a permis de clore provisoirement ce premier voyage.
* Les augures ont servi a Ă©laborer les personnages et les lier entre eux.
La séance fut brève, (40 minutes) ce qui couplée à la précédente, nous place dans la fenêtre proposée par le jeu.
Encore une fois, c’est la sensation d’intensité qui domine.
Nous avons conclu, sans conclure, l’histoire, le voyage pouvant se poursuivre sous d’autres formes.
Gabriel
* Beaucoup d’émotions ressenties lors de la partie.
* Nous avons utilisé les jalons pour indiquer à l’autre où nous en étions sans interrompre le récit.
* Nous avions deux hypothèses, deux directions, soit nous étions morts et nous n’en n’étions pas encore conscients, soit les colons disparaissaient tous dans un affreux accidents. Nous avons de fait joué les deux.
* J’ai beaucoup apprécié de découvrir un nouveau coin de Millevaux et demain je pars vérifier si nous n’avons pas trop déliré (voyage à Stuttgart de cinq jours)
Hors ligne
COMMUNIER AVEC LA FORĂŠT
Dans ce test par Simon Li (un des auteurs), on explore la communion entre le végétal et l’humain. Touchant.
Variante « Jeu rapide » où les Cartes Ancrages sont tirées comme des Augures et où l’Ancrage est déterminé comme dans le jeu original.
Partie jouée le 24 mars 2018 à la convention Au delà de Dragon à Montpellier.
CR original posté ici.
Personnages
Mara – biologiste mystique
La Boule – ingénieur curieux
Doc – jeune médecin
Le Père – très vieux pasteur
Inspiration
Le jeu propose aux joueurs de créer le point de départ des explorateurs. Nous sommes partis sur une ambiance à la Annihilation (le dernier blockbuster de Netflix): le setting se veut futuriste et mystique.
L’histoire
Le monde civilisé a ignoré Millevaux depuis trop longtemps. Souvent des signes de l’existence de la forêt sont retrouvés en plein coeur des cités sans que personne ne puisse en expliquer la raison. Récemment, une boite en noyer qui murmure des psaumes étranges a été retrouvé en ville. Une expédition est donc montée pour découvrir ce que cache la forêt secrète de Millevaux.
Sont du voyage Mara, une biologiste ayant des connaissances chamaniques, la Boule, le pilote et ingénieur, Doc, la médecin, et le Père, le pasteur. A l’approche de Millevaux, le vaisseau percute un objet non identifié et s’écrase en plein coeur de la forêt, en son point le plus central. Le choc est sévère mais les quatre voyageurs s’en tirent indemnes. L’équipement est rapidement sorti des décombres et l’exploration peut alors commencer.
Un chêne millénaire, gigantesque et majestueux trône au coeur de la forêt. Lorsqu’on s’approche de lui, on peut entendre le battement d’un coeur humain. Ses pulsations résonnent en écho parmi les arbres. Les explorateurs tentent de comprendre le phénomène, de rentrer en communication avec le chêne. Le Père prie. Mara fait une danse rituelle. Doc sort des seringues pour faire un prélèvement. Boule, quant à lui, est sceptique: il ne peut pas expliquer le phénomène, ce qui le perturbe.
Malgré les réticences du Père, Doc fait un prélèvement de la sève. L’aiguille s’enfonce dans l’écorce comme dans la chair. L’arbre pousse un cri de douleur. Boule fait un pas en arrière, terrifié. Il vient de reconnaître la voix de sa soeur défunte. Complètement bouleversé, Boule s’adosse à un arbre et tente d’encaisser le coup. Sa soeur est morte dans un accident de voiture, très jeune. Elle a été emmenée dans le bloc chirurgicale de Doc mais celle-ci n’a pas pu la sauver, malgré tous les efforts humainement possibles. L’autopsie a montré que le sang de sa soeur contenait des résidus minéraux et végétaux, à la surprise de tous. C’est la raison pour laquelle Boule et Doc se sont embarqués dans cette aventure, l’un pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à sa soeur, l’autre tel un acte de rédemption. D’ailleurs, Boule cultive depuis lors un goût aiguisé pour la science: tout comprendre est devenu pour lui une raison de vivre.
Le cri a déchiré l’air. Le Père s’effondre au sol, inconscient. Mara entre en transe et danse frénétiquement autour de l’arbre. Boule s’est assis au pied d’un arbre, un peu plus loin, complètement abasourdi. Seule Doc reste opérationnelle. Elle doit prioriser: le Père étant le plus âgé et le plus susceptible de succomber, elle se précipite vers lui.
Alors que Boule est perdu dans ses pensées, il sent l’écorce de l’arbre petit à petit l’entourer, comme des bras qui l’enlacent. Il se sent connecté à l’arbre, à la forêt, et peut-être même à sa soeur ; à travers lui, sa soeur vient lui parler. Elle lui en veut de l’avoir laissée mourir. Toute sa rage adolescente, les restes de sa conscience pre-mortem, se focalise sur Boule. L’écorce continue à se resserrer autour de l’ingénieur. Il comprend alors qu’il a deux choix: soit il peut se laisser envahir par l’arbre, se faire consumer par lui et ainsi tenter d’apaiser la conscience végétale de sa soeur, soit il peut s’extraire pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à celle-ci.
La renaissance de Boule est douloureuse. Il s’extrait de l’écorce et abandonne sa rédemption mystique. Il sait qu’il comprendra tout cela, un jour.
Pendant ce temps, Mara est dans une transe chamanique. Elle fait le tour du chêne millénaire en dansant et en chantant. Elle est en communion avec l’arbre, jusqu’à ce que Boule se détache de l’écorce. Alors, la transe s’arrête net et la biologiste tombe inconsciente à son tour. Doc se précipite maintenant vers elle, puisque le Père est (normalement) en sécurité, et lui prodigue les premiers soins. Une analyse sanguine rapide montre que Mara est touchée par une maladie étrange. Sa connexion avec l’arbre fait muter son sang qui petit à petit devient végétal. Cela n’est pas sans rappeler ce qui est arrivé à la soeur de Boule.
Doc fouille dans son sac. Depuis l’incident de la soeur de de Boule, Doc travaille sans relâche. C’est la seule et unique patiente qu’elle a perdu durant sa carrière et elle s’en veut. Elle qui met la vie humaine au dessus de tout, ce fut un vrai choc à l’époque. Maintenant que ce vieux fantôme du passé rejaillit, elle ne va pas se laisser faire. Elle compte bien sauver Mara. Doc sort de son sac des injections d’anti-corps. Si elle administre cela à Mara, la maladie ne devrait pas résister.
Seulement, la biologiste ne compte pas se laisser faire comme cela. Cette maladie, qui ronge son sang, ses cellules, lui rappelle le cancer que sa mère a combattu il y a quelques années. Elle s’en est sortie la tête haute et est décédée plus tard d’une belle mort, mais son salut ne vient pas de la médecine traditionnelle mais de la spiritualité. Mara s’est métamorphosée depuis, passant d’une jeune femme stricte et timide en une sorte de rebelle hédoniste. Depuis, elle tente de rester le plus possible en communion avec la nature. Et justement, cette “maladie”, cette transformation de son corps la rapproche de plus en plus de la forêt. Elle se sent faire partie d’un tout, de Millevaux tout entier. Lorsque Doc tente de lui administrer le remède, la réaction de Mara est aussi rapide que l’éclair. Non, elle ne souhaite pas perdre ce contact avec la forêt, quitte à mourir au milieu des arbres. Elle repousse donc violemment Doc.
Le soir va bientôt tomber. Le groupe va monter un bivouac. Boule reste muet, toujours bouleversé par son expérience. Mara se met à l’écart des autres, très certainement méfiante. Le Père est encore groggy et marche tel un zombi. Seule Doc semble opérationnelle. Les explorateurs s’éloignent du chêne millénaire et arrivent près d’une falaise. Ils décident de monter le camp au bord de celle-ci, pour des raisons stratégiques (il n’y a qu’un seul côté à surveiller).
Boule se propose de ramasser du bois mort pour faire du feu. Il taille des branches vertes également, pour passer le temps. Il se rend soudain compte que chacun de ses coups de couteau sur les branches se transforme en taillades sur les poignées de Mara. Celle-ci souffre dans son coin sans en parler à Boule mais elle souffre de plus en plus et très vite elle ne peut plus se taire. Ses manches sont à présent gorgées de sang. Le Père est horrifié. Il se dit que tout ceci ne peut être l’oeuvre du divin. Il prend secrètement les injections de Doc et tente de les administrer à Mara.
Celle-ci refuse à nouveau et une lutte s’engage entre le pasteur et la biologiste. Le vieux patriarche trébuche sur une pierre et tombe dans la falaise. Il se rattrape de justesse à la jambe de Mara et tente de l’entraîner avec lui. Les deux explorateurs sont maintenant accrochés à la paroi de la falaise, les pieds dans le vide. Boule étant parti chercher du bois, seule Doc peut réagir. Malheureusement, elle ne pourra pas sauver les deux en même temps. Elle qui a toujours mis la vie humaine au dessus de tout. Doc n’a pas le temps d’hésiter. Elle se laisse emporter par sa rancoeur, sa frustration ne n’avoir pas pû administrer son remède. Elle sauve le Père et laisse tomber Mara dans la falaise.
Le soleil se lève.
Le groupe, en deuil, décide de descendre le long de la falaise. D’une part, ils auront peut-être une chance de retrouver le corps de Mara et lui donner une sépulture décente. D’autre part, ils veulent s’éloigner le plus possible de l’arbre millénaire.
En arrivant en bas, les explorateurs découvrent Mara au milieu d’un cercle de pierres et d’eau. Elle est assise en tailleur. Son corps est rongé par la maladie végétale. Boule se précipite vers elle. Il est le seul assez fort pour déraciner Mara de son emplacement. Malheureusement, lorsqu’elle sort du cercle, elle commence à perdre sa vitalité. Le Père tente de restaurer sa position initiale mais la biologiste ne semble pas réagir.
Le vieux pasteur regarde Mara. Elle lui rappelle ses jeunes années adolescentes et rebelles. Car oui, avant de rentrer dans les ordres, le Père n’était pas des plus sages. Au contraire, il a tenté de braver les interdits parentaux (son père était pasteur également) car le dogme lui semblait trop strict pour mener une vie réelle, une vie sans mensonge, la vraie vie. Mais le temps et la sagesse bien pensante ont eu raison du Père qui est rentré dans les rangs. Maintenant qu’il est là , loin de chez lui, c’est son ancien lui qui reprend le dessus.
Après tout qu’a-t-il à perdre ? Il prend Mara dans ses bras et la place, tant bien que mal, au centre du cercle de pierre et d’eau. Il se laisse alors aller, il prie comme il n’a jamais prié avant: avec le coeur.
Mara reprend racine et, dans les bras du Père, tous deux sont peu à peu recouverts de lianes et de bruyères. Un nouvel arbre dans Millevaux.
Fiches de personnage
Boule, Ingénieur
[barré]Le monde est plein de secrets pour les hommes à comprendre, ainsi va le monde.
Nul secret ne doit échapper à l’homme, quelque soit le prix, ainsi va le monde.
Mara, Biologiste / Chaman
[barré]Un dessein pour chacun. Mais seul, nous sommes architecte de nos vie, ainsi va le monde.
N’oublie pas, même les ténèbres mènent à la lumière, ainsi va le monde.
Doc, MĂ©decin
[barré]La vie de quelqu’un est primordiale, ainsi va le monde.
Il faut connaître ses priorités et les assumer, ainsi va le monde.
Le Père, Pasteur
[barré]Les voies du ciel sont impénétrables, ainsi va le monde.
Il faut prier avec le coeur, ainsi va le monde.
Retours
+ Deuxième playtest de Terres de Sang est Millevaux. Le jeu tourne bien, c’est une agréable constatation. J’y vois deux raisons: d’une part il est motorisé par Terres de Sang qui a été testé et éprouvé, et d’autre part parce que l’univers de Millevaux est fort et cohérent. Bien sûr des accrochages auraient pu survenir mais pour le coup, ce n’a pas été le cas.
+ Les joueurs ne connaissaient ni la scène indépendante, ni les jeux sans meneur, ni l’univers de Thomas. Et finalement ça tourne bien quand même ! Merci à eux pour leur ouverture d’esprit.
+ Le fait de demander une référence culturelle forte en début de partie fonctionne bien. Après Altered Carbon du premier playtest, ici nous avons Annihilation. Cela permet de donner une ambiance forte dès le départ. Puis la présentation de Millevaux peut se permettre d’être plus brève: ici je n’ai présenté que les bases sans rentrer dans les détails.
+ C’est assez amusant de voir que les deux playtests ont donné des fictions en surface assez similaire: la forêt qui est le refuge de choses qui nous dépassent. Je pense que l’essence de Terres de Sang (explorer sa propre conscience) combinée à celle de Millevaux conduit naturellement à ce genre de fiction. Bien sûr, en regardant plus au fond des choses, les deux fictions se distinguent de par les thèmes abordés.
+ Mon personnage (le Père) s’est révélé être un personnage sacrificiel. Son Conflit arrive à la fin et s’est un peu greffé à la volée. Ce n’est pas un souci en tant que tel. Le livre de base de Terres de Sang propose des pistes pour gérer ce genre de situation.
+ Un phénomène à souligner durant cette partie: afin de monter le Conflit d’un personnage, les autres joueurs se sont souvent mis à l’écart pour se mettre d’accord sur ce qui va se passer dans la fiction. Par exemple, pour le Conflit de Doc, la joueuse de Mara et moi-même avions quitté la table le temps de se mettre d’accord sur le fait qu’on allait se battre pour que Doc ne puisse en sauver qu’un. Cette méthode paraît élégante et permet des effets dans la fiction plus poussés. Cela permet également la connivence et la complicité entre joueurs.
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LE NAUFRAGE DU GOLEM
Quand une ancienne civilisation ayant fui Millevaux par la voie des airs envoie une expédition de reconnaissance des générations plus tard. Suite de la campagne Millevaux multi-systèmes en solo par Damien Lagauzère, de plus en plus vertigineuse.
Jeu principal utilisé pour cette séance : Terres de Sang est Millevaux, supplément Millevaux pour le jeu de rôle Terres de Sang d'exploration exotique et intime, par Simon et Manon Li
Cat Rocketship, cc-by-nc, sur flickr.com
Épisodes précédents de la campagne :
1. La forĂŞt du dessous (CSMS)
Quand les souterrains deviennent cavernes et les fantĂ´mes deviennent horlas. Un crossover Poltergeists / Millevaux
2. Traqué par les capuches blanches
Une course-poursuite mortelle qui débouche vers l’enfer souterrain du jeu de rôle Cœlacanthes !.
3. Je suis d’un autre monde
L’agent Haze confronté à un serial killer originaire de Millevaux dans un imbroglio onirique des plus déroutants. Troisième épisode de la campagne Millevaux solo multi-systèmes de Damien Lagauzère.
5. Sous la coupe des horlacanthes
Damien Lagauzère poursuit sa campagne Millevaux solo multi-système avec l’un des scénarios les plus éprouvants de Coelacanthes !
6. La folie de ma sœur.
Une incursion funèbre et enfiévrée dans la mémoire d'une défunte.
7 Celle qui ne pouvait pas ĂŞtre lĂ
Retour dans le monde contemporain, avec une prise d'otages orchestré par un forcené étrangement connecté à la forêt de Millevaux !
L’histoire :
Il y a très longtemps, une partie de l'humanité a réussi à se protéger de l'apocalypse forestière et de sa folie. C'est in-extremis que ces survivants se sont réfugiés dans une flotte de zeppelins et montgolfières pour fuir l'expansion de Millevaux. Au fil des décennies, la flotte s'est stabilisée au dessus de la mer et s'est accrue de nouveaux engins. Au début, de simples ponts de cordes les reliaient. Puis, au fil du temps, des ponts de bois remplacèrent les cordages. Des plate-formes furent aménagées. On construisit des bâtiments de plus en vastes et confortables. La simple flotte était devenu une vaste cité volante. Elle tirait sa subsistance pour l'essentiel des produits de la mer. Puis, peu à peu, on réinventa la roue à aube, la machine à vapeur. On construisit des systèmes de désalinisation et d'irrigation. On vit apparaître des espaces agricoles, puis des jardins. Les habitants de cette citée ont le sentiment d'avoir été abandonnés par leurs dieux. Et les nouveaux dieux, ceux de Millevaux, sont leurs ennemis. Ne devant leur survie qu'à eux-mêmes, ils croient avant tout en l'homme et en la science et ces considérations teintent même leur spiritualité qui pend le plus souvent la forme de l'alchimie médiéval mâtinée de science à vapeur. Bien que vivant dans le confort, tous ont confiance de leur fragilité face à la nature. Aussi, la solidarité est très forte. Chacun fait sa part et chacun sera là pour autrui, pour préserver la cité et sa population. La plupart des conflits sont d'ordre scientifique ou philosophique. Il n'y a que peu de criminalité. Toutes les volontés et les énergies sont tournées vers les mêmes buts communs. Les décisions les plus importantes sont prises par un conseil de sages dont une partie est élue et l'autre tirée au sort. Élection et tirage au sort ont lieu respectivement tous les 4 et 6 ans.
Après des décennies à vivre aussi loin que possible de la forêt maudite, une expédition a pourtant été décidée à des fins d'observation. Pour des raisons très différentes, une écrasante majorité de la population est aujourd'hui animée d'une grande curiosité à l'égard de cette forêt que leurs ancêtre ont fui. Aussi, a-ton affrété une flottille de zeppelins et autres ballons chargés de matériels d'exploration afin de dresser un portrait de cet endroit qui, à tort ou à raison, n'apparait plus comme aussi effrayant que jadis.
Ce ne sont donc pas moins de 13 ballons de toutes sortes qui font route vers le continent dévasté. Tout s'annonçait pour le mieux jusqu'à ce que...
Roger se réveille la tête dans la boue. Il se relève et s'examine. Il constate qu'il n'est pas blessé. Roger ne ressent pas la douleur. Roger n'est pas un être humain. Il est un homoncule. Une sorte de golem. Un être artificiel composé de chair et de boue. Émergé ainsi de la terre semble pour lui comme une seconde naissance. Il regarde autour de lui. Des ballons déchirés sont accrochés dans les arbres. Les débris des nacelles éclatées sont répandus partout au sol. De l'ensemble de l'équipage, il est seul debout. Il se dit que c'est normal. Au sein de cette expédition, c'est lui l'homme fort, le porteur, le garde du corps. Il tente de reconnaître un visage amical parmi les corps les plus proches. La plupart sont méconnaissable .de vulgaires marionnettes désarticulées, mutilées et ensanglantées. Une vague de tristesse l'envahit. Il ferme les yeux et invoque ses Augures. La Horde de Cœur et de Sang. L'essaim aux Mille Mains et aux Milles Visages. Et pourtant, il est seul., comme toujours. L'homme marche seul face à la mort. De notre naissance à notre fin, nous sommes toujours seul. Ainsi va le monde. Roger est plus seul que jamais. Mais, est-ce grâce à ses Augures ?, cette solitude ne lui pèse pas. Il n'a aucune idée de ce qui a pu provoquer la chute de toute la flotte. Est-ce l'influence maléfique de Millevaux ? Roger regarde le ciel. Il ne voit pas sa cité, évidemment.
Roger commence par rassembler en un même endroit tout ce qui lui semble récupérable et utile parmi les débris. Il rassemble ensuite de quoi faire du feu et se construire une petite cabane. Il a trouvé des restes de nourritures. De la viande séchées, des fruits, des Noix. Pour l'instant, il se sent bien. Est-ce parce qu'il est composé en parti de terre et d'herbe, il sent comme une résonance entre lui et son environnement. Il a le sentiment d'être tout autant un étranger qu'à sa place. Demain, il partira à la découverte de ce nouveau monde. De son nouveau « chez lui », de Millevaux.
Il finit par s'endormir malgré un léger bourdonnement au fond de son crane. Plusieurs fois durant la nuit, il a l'impression de ne pas être seul. Il entend des voix. Autour de lui, on parle. Quelqu'un évoque un hôpital. Le n°13. Trouver le n°13. Il doit trouver le Patient 13. Demain...
Roger se réveille de plutôt bonne humeur malgré la catastrophe dont il est l'unique survivant et le froid intense qui règne ce matin. La solitude ne lui pèse pas. Au contraire, il a le sentiment qu'être seul désormais le rend plus... disponible pour l'ensemble de son environnement. Il sent paradoxalement, en raison de sa nature d'homoncule, tout à la fois en état d'altérité totale et partie prenante, une composante même de cette forêt. Après avoir mis un peu d'ordre dans son campement de fortune, il décide de partir à la découverte de son nouveau chez-lui.
Après une petite heure de marche, Roger découvre un ensemble de 7 chalets en bois, ou plutôt ce qu'il en reste. Ils sont en effet à l'abandon depuis manifestement longtemps. La plupart des toits sont effondrés. Ils sont tous envahis par la végétation. Tous ? Non... Ce chalet est certes lui aussi à l'abandon mais, pourtant, il est épargné par la végétation. Roger entre.
À l'intérieur, il règne une odeur étrange et indéfinissable. Toutefois, elle n'est pas désagréable. Il y a là plein d'objet que Roger devine destinés à un travail scientifique mais il est incapable d'en identifier le moindre. Pourtant, certaines de ces machines lui donnent l'impression de pouvoir encore fonctionner. Il trouve des livres et des brochures mais tous sont rédigés dans une langue qu'il ne connaît pas. « la Langue Putride... » lui murmure dans la tête la même voix que la veille. Par réflexe, Roger se retourne, mais il sait bien qu'il est seul dans ce chalet. Il sent alors monter en lui un sentiment de colère. Il a le sentiment d'avoir perdu quelque chose. Mais quoi ? Il avait découvert quelque chose, récemment... Et il l'a perdu ! Sa mémoire lui jouerait-elle des tours ? Et si... Il examine alors ses poches. Un entrelacs de fil de fer enserrant une bille de verre sombre. Un talisman. Roger le porte devant ses yeux. Il y a quelque chose dans la bille, mais quoi ? Cela semble bouger. Une forme longue et annelée. Un... ver ? « Ta mémoire... » lui souffle la voix. Roger se sent alors en proie à une soudaine migraine. Il regarde autour de lui. Rien, hormis tout cet attirail dont il n'a aucune idée de la fonction. Il y a encore quelques minutes, il envisageait d'appuyer sur quelques boutons, juste pour voir. Mais maintenant, il veut juste quitter ce chalet. Il se met à courir et s'assomme en percutant un mur de rondins.
Quand Roger reprend conscience et sort de ce chalet, la lune est pleine mais à moitié cachée par les nuages. Les étoiles brillent. Certaines plus que d'autres. Il sent, il sait qu'il y a là un message mais il est incapable de le comprendre. Alors, la solitude lui pèse. Il aurait besoin d'un compagnon pour l'aider. Son créateur ? Il est resté dans la cité flottante... ou bien est-il mort dans le crash de l'expédition ? Il ne sait plus. Il tente de retrouver son calme en se concentrant sur ses Augures. La Horde de Cœur et de Sang. L'Essaim aux Mille Mains et aux Mille Visages. Lui qui s'est toujours senti si seul... et qui aimait ça... Ici, c'est ici qu'il va apprendre, qu'il doit apprendre à faire parti d'un tout. Il s'accroupit et plante ses mains dans la terre. Il ressent un vague fourmillement. Il se passe quelque chose... Il se concentre, espérant de nouveau entendre cette voix.
« Contrôle, nous sommes à l'hôpital. Vous pouvez nous extraire. »
Un cri lui répond.
« Le Thanatrauma ! Il approche ! Éjection ! Éjection ! »
Et maintenant, Roger sait. La voix s'appelle NoAnde. Mais, il n'est plus du tout sûr qu'il s'agisse vraiment d'un ami...
Un peu plus loin, il distingue un autre bâtiment surmonté d'une croix. Roger décide d'y passer la nuit.
Roger ne reconnaît pas le lieu où il se réveille. Il est de nouveau dans cet étrange chalet en ruine qu'il a quitté (fui?) la veille. Mû par une angoisse incompréhensible, il sort en courant. Ses pas le mènent jusqu'à une clairière. À sa gauche, un lac. Au centre, un totem de plus de 3 mètres de haut. Des animaux sont représentés les uns au dessus des autres. Autrefois, ils ont été peints de couleurs vives. Aujourd'hui, la peinture s'écaille et on voit très nettement dessous le bois rouge dans lequel ils ont été sculptés. Roger pose la main dessus et ferme les yeux. Il entend le cri d'un corbeau. Il éprouve alors une sensation de chute vertigineuse. Mais ce n'est pas lui qui chute...
Demian tombe au milieu de très hauts arbres à l'écorce et aux branches suintantes de sève sanguinolente. Au-dessus de sa tête, une lune ronde, glaciale et sanglante, parcourue par le vol noir des corbeaux. Avec lui tombent des cadavres, hommes, femmes, enfants qui ont connu une mort brutale : ils ont été brûlés vifs, décapités, éviscérés ou embrochés. Tous murmurent : « J'étais innocent ».
Perché dans les branches, un homme observe la scène. Son visage affreusement déformé évoque une caricature de tête de corbeau déplumée, une gueule allongée et brisée en guise de bec, des poils épars en guise de plumes, des yeux hybrides.
Demian tente de se raccrocher aux branches. Malgré le sentiment d'impuissance que lui procure la chute, il se sent investi d'un force toute nouvelle. Il sent aussi le regard de la Mort se poser sur lui. Mais il n'en retire aucune crainte. Au contraire, la Mort est son alliée. Il sent, il sait que c'est grâce à elle qu'il parvient à se saisir de cette branche et à se rétablir avec autant de grâce que...
Roger pousse un petit cri. Une douleur aiguë lui vrille le crâne. Il retire aussitôt la main du totem et ouvre les yeux. Qui est cet homme ? Qui est cet homme qui tombe ? Et qui est cet homme à tête d'oiseau déplumé ? Il regarde autour de lui. Rien. Au dessus ? Loin, haut dans le ciel, est-ce un oiseau ou... ?
Demian s'assoit sur une branche. Il observe. L'ĂŞtre Ă tĂŞte de corbeau n'est plus lĂ . Il ne le voit plus mais sent qu'il est proche. Il regarde au sol, les cadavres qui tombaient avec lui ont disparu. Demian descend de son arbre.
Par terre, envahie par la végétation, une carcasse de voiture. À l'intérieur, un corps ensanglanté. Demian reconnaît son père. Il ne parvient pas à détacher son regard de son visage dont la symétrie a été rompu par le choc de l'impact. Il se rappelle. Même après être passé entre les mains du thanatopracteur, le visage de son père portait toujours les stigmates de la collision. Il tend la main mais n'ose toucher le corps. Soudain, une horde de corbeaux fond sur la voiture. Demian n'a que le temps de se jeter en arrière. Il se couvre les oreilles pour ne pas entendre le fracas de leurs cris auxquels se mêlent le crissement de leur bec et de leurs griffes contre l'acier et le verre. Tout tremble. Il s'enfuit en courant.
Demian atteint ce qui semble la fin de ce bois maudit. Au loin, il devine quelques modestes masures. Soudain, comme sorti de nulle part, un enfant lui fait face. Il connaît cet enfant. Un petit gros à lunettes. C'est lui, quand il avait une dizaine d'année. L'enfant lève la main et plie ses doigt. Seul l'index reste dressé. Il ouvre la bouche :
 « Début juillet 2018, la police d'Olympia (état de Washington) interpelle Paul Coleman dans le cadre d'une affaire de meurtres en série. On le soupçonne d'être l'auteur de neuf meurtres précédés de kidnapping et tortures. Il se laisse docilement conduire au commissariat où l'agent spécial Haze du FBI entend procéder à son interrogatoire. Après avoir proféré des paroles vides de sens dans le même style que les messages qu'il avait laissés sur les scènes de crime, Coleman se suicide d'une balle dans la tête tiré à l'aide de... son index droit. »
Un monstre surgit ! Il est couvert de poils noirs terminés par de petites bouches, avec de grandes parties sans poils qui montrent une chair de poule garnie de plis et de sphincters. Il agrippe l'enfant avec ses pattes de poulet et son bec de corbeau en disant : « Enfant menteur, je t'emporte avec moi dans les marais et je vais te punir ! »
Demian sent qu'il pourrait, qu'il devrait intervenir. Mais il n'aime pas l'enfant qu'il était. Alors, il le laisse partir entre les griffes du monstre. Il se met alors à tourner sur lui-même. Sa vision se trouble. Le décor change. Il voit. Il est dans une clairière. Dans son champ de vision apparaît par intermittence un vieux totem indien. Il y a un homme aussi. Enfin, presque un homme. Il est grand, grossier, recouvert de terre et de branchage. Leurs regards se croisent.
Demian se réveille dans sa chambre. Il est allongé dans son lit. Les draps sont humides,souillés d'une sueur désormais froide. À côté de lui, assis par terre, un homme se lève. C'est le même homme à tête de sanglier qu'il a déjà vu. L'homme ne dit mot mais Demian sait maintenant qu'il s'appelle NoAnde. Il sait aussi que l'autre homme, à côté du totem, s'appelle Roger. Mais ce n'est pas NoAnde qui le lui a dit.
Demian voudrait se relever mais il est littéralement cloué à son lit. NoAnde est maintenant debout. Il lui tourne le dos et sort de sa chambre. Un flash illumine la pièce à travers les volets baissés.
Demian retombe inconscient. Ses seules sensations sont celles de son corps soumis de violents spasmes et de sa tête minée par une effroyable migraine. Il a envie de vomir.
Nous ne pensons pas. Nous ne parlons pas. Ne faisons que marcher, courir, manger, nous nourrir. Nous sommes les Antigens. Nous ne pensons pas. Nous sommes les organes dispensables de la pensée du Thanatrauma.
Nous parcourons les bois à la suite de nourritures. Elles sont armées. Elles tirent et s'enfuient. Des Antigens tombent. D'autres non. La pensée du Thanatrauma nous anime. Nous courons. Il y a encore des coups de feu. Certains d'entre nous ne se nourriront plus. Mais certaines d'entre elles non plus. Deux autres nourritures tombent entre nos griffes. Le Thanatrauma compte trois cerveaux. Plus que 10...
Roger se sent moins à l'aise dans cet endroit. Il décide de s'éloigner des chalets. Il dépasse l'édifice où il avait passé la nuit et se retrouve dans ce qui a dû être, à une autre époque, un gymnase. Il reconnaît le marquage au ¾ effacé au sol. Il y a là plein de meubles et autres objets, tous quasiment inutilisables. Roger ouvre une des 3 portes qui se présentent à lui. Il entre dans une espèce d'office. Il farfouille et trouve plusieurs couteaux de cuisine. Il en éprouve le tranchant et jette son dévolu sur une lame d'environ 15 cm de long.
Roger retourne devant le totem. Il ne sait pas pourquoi mais cet endroit l'endroit l'attire. Peut-être est-ce la proximité de cette étendue d'eau dont il n'ose pourtant s'approcher. Observant son regard dans le reflet de la lame, il tente de mettre de l'ordre dans ses idées. Il est donc l'unique survivant d'une expédition lancée par la cité volante en vue d'explorer la forêt maudite de Millevaux. L'intégralité de la flotte a été abattue. Par qui et pourquoi ? Il l'ignore. Il a le sentiment depuis que l'écoulement du temps est devenu plus flou. Il a l'impression que des pans de sa mémoire ne lui appartiennent plus vraiment. Il s'est réveillé dans un autre endroit que celui où il s'était endormi. Il entend des voix. Il a des visions. Est-ce cela malédiction de Millevaux ? Où est-ce juste cet endroit sous l'influence de cet étrange totem ? Et qui sont ces gens qui peuplent ses pensées ? NoAnde, Demian, le Thanatrauma...
Roger est soudain la proie d'une violente migraine. Des mots l'agressent au plus profond de son crane. C'est NoAnde ?
« Il vient de la Cité Bleue ! »
Non, pourtant... ça lui ressemble...
« ''Fange, ornières, bourbiers. Progresser dans l'infâme mangrove. Sables mouvants.
Suffocation. Déchetterie de la mégafaune. La forêt de merde'' Qu'est-ce que ça veut dire ? Et qui est Paul Singer ? »
Le Magicien sourit. Il est à l'aise. Il hume la fumée de son café et en boit une gorgée.
« Paul Singer se rendra dans la Cité Bleue. La Forêt gagne du terrain. La nature est une Torture. Je ne connais pas le nom de celui que tu cherche. Mais tu le trouveras dans la forêt, derrière l'hôpital en ruine. Tu es un gardien de la Lwa. Méfies-toi des Horlas et crains les Cœlacanthes. »
Non, ce n'est pas NoAnde. Mais qui ? Qui est le Magicien ? Qui est Paul Singer ? Les Lwas, sont-ce les esprits représentés sur ce totem ? Un hôpital en ruine ? Il y aurait donc eu un hôpital ici ? Roger regarde autour de lui. Nulle trace d'un hôpital. Il se penche et se saisit de l'étrange collier qui pend à son cou. Quelque chose bouge dans la bille de verre sombre. Et soudain, la solitude lui pèse. Si lourdement. Ressentirait-il... de la peur ? Cet endroit lui fait peur. Et il est seul. Il comprend mieux maintenant la puissance des ses Augures et s'en veut de les avoir combattus en mettant la solitude sur un piédestal. Ce n'est qu'au sein de la Horde, de l'Essaim qu'il ne sera en sécurité. Et si c'était cela, le cadeau de Millevaux ? Lui avoir fait comprendre cela...
Roger se prend la tête au propre comme au figuré. Avant, il aimait être seul, perdu dans ses pensées au milieu de la foule de la cité volante. Il s'y sentait en sécurité et... supérieur. Ici, seul dans la forêt, en proie à un tourbillon de pensées et de visions qui ne lui appartiennent pas, il se sent perdu et vulnérable. C'est ici et maintenant qu'il ressent la force et la sérénité que vous confère l'appartenance à l'Essaim. Dans la Horde, on est jamais seul. Dans l'Essaim, nulle pensée parasite n'éveille l'angoisse. Finalement, était-il vraiment heureux là -bas ? Et si ses sentiments de force et d'intelligence n'étaient que des illusions, des masques destinés à dissimuler sa peur ? Sa peur de quoi ? De se perdre dans l'Essaim ? Il a l'impression d'avoir été un enfant en pensant cela. Et maintenant, alors qu'il se sent prêt à remiser toutes ses considérations égotistes, il a le sentiment, en étant prêt à ce renoncement à accéder maintenant, véritablement à un stade supérieur. Mais, où est la Horde qui le délivrera des affres et des tourments de son individualité ?
Roger lève la tête vers le sommet du totem. Il a envie de l'abattre mais des larmes de rosée perlent de ses yeux. Quelques chose approche. Il le sent.
« La nature a repris ses droits ! »
Pourquoi ce message ? Demian ne comprends pas. Ce post n'est pas joué par D. Maze mais par un certain... NoAnde !! Ce nom lui dit quelque chose mais impossible de se rappeler où il l'a entendu. À moins qu'il l’ait lu quelque part... Mais qui se cache derrière ce personnage ? Un autre personnage au pseudonyme emprunté à un manga à la mode... Que vient-il faire dans ce RP ? Et où est D. Maze ? A-t-il validé ce personnage ?
Demian décide d'arrêter de se prendre la tête plus que nécessaire et décide tout simplement de lire le post de ce NoAnde.
« Flash-back en noir et blanc. Une jeune femme tend la main à un cyborg tombé sur le trottoir. Il pleut des cordes. Soudain, une explosion ! Un océan de bulles chacune renfermant un clone. »
Demian ne comprend rien. Assis devant son écran, il se masse le menton du bout des doigts et se dit qu'il devrait penser à se raser. Mais il se demande surtout comment se dépatouiller de ce post étrange. Et là , il a une idée. Une scène de deal ! Il range l'exemplaire de Vertical dont il vient de consulter deux tableaux et s'empare de Remember Tomorrow. Il envisage de mettre un peu d'ordre sur son bureau mais renonce. Penché sur son écran, il réfléchit. Aaron Powl va conclure un deal avec les Lwas. Il va leur demander ce que signifie ce message et en échange... Il verra bien ce que les esprits lui demandent.
Demian va donc créer la Faction des Lwas. Il se dispense de consacrer une scène à leur Introduction car ils ont déjà été mentionnés dans le RP. Il se borne à remplir la fiche. Il fera quand même un jet d'XP, c'est quand même mieux. Il tire leur motivation au hasard en recourant à Muses & Oracles. Il s'avère que les Lwas veulent retrouver leur richesse. À leur propos, il est peu probable qu'il s'agisse d'or et d'argent. C'est certainement quelque chose de plus symbolique, métaphysique. De plus, n'oublions pas qu'eux et Aaron sont du même bord. Mais bon, ils veulent retrouver leur richesse. Ils sont « en colère ». On peut penser qu'ils le sont contre ceux qui leur ont dérobé leur richesse. S'agit-il des Horlas et des Cœlacanthes ? Demian réfléchit. Les Lwas sont des esprits de la nature. Les Horlas aussi, mais eux sont surtout une corruption. Les Lwas incarnent un certain ordre, une certaine harmonie mise à mal par les Horlas. Et si les Cœlacanthes étaient en quelque sorte les bras armés des Horlas dans cette corruption de la nature ? Cela expliquerait pourquoi il devrait se méfier de la Nature. La Nature reprend ses droits, mais de quelle Nature parle-t-on ? Demian jette à nouveau 2D6. Les Lwas sont donc en colère mais ils sont aussi « confus ». C'est très probablement dû à la montée en puissance des Horlas. Peut-être aussi que les Lwas s'interrogent quant à leur propre légitimité. Doit-il nécessairement y avoir un ordre à la Nature ? Ou un ordre qu'on puisse opposer à un désordre ? Et si la Nature ne pouvait être qu'ordonnée puisque ces règles sont nécessairement celles de la Nature justement ? Dans ce cas, les Horlas ont-ils vraiment tort ? Ils ne seraient que l'affirmation d'un autre ordre tout aussi légitime. Les Lwas, finalement, ne lutteraient pas tant pour préserver l'ordre que pour se préserver eux-mêmes. La Nature est en perpétuelle évolution. Il est peut-être temps que les Lwas quittent la scène ? D'ailleurs, dans un RP cyberpunk, on ne peut pas vraiment dire que la Nature soit la grande vainqueure. Dans ce cas, du point de vue de la Nature, les Horlas et les Cœlacanthes sont ses sauveurs, ses vengeurs...
Demian a l'impression de toucher quelque chose. Mais, pour l'instant, il ne veut pas aller plus loin. Il veut juste savoir ce que les Lwas ont Ă lui apprendre et ce qu'ils vont lui demander.
Aaron Powl est chez lui. Il accomplit les rituels de purification nécessaires à la communication avec les Lwas. Il lance ensuite une musique aux rythmes propres à le mettre en transe. Seul, au milieu de son salon, Aaron Powl se met à danser, de plus en plus vite. Il n'a pas voulu recourir à la Noix. Il doit donc danser longtemps. Il est en nage. Sa vision se brouille. Des piques lui transpercent le crane. Il voit un vieux totem indien. À son cou pend une breloque. Un bille de verre sombre dans un entrelacs de fil de fer. Quelque chose bouge à l'intérieur de la bille. Il entend des voix. Elles sont en colère. Elles sont confuses. Elles sont les Lwas. Il sait que NoAnde tente de lui parler. Mais les voix des Lwas couvrent la sienne.
« La nature a repris ses droits ! Flash-back en noir et blanc. Une jeune femme tend la main à un cyborg tombé sur le trottoir. Il pleut des cordes. Soudain, une explosion ! Un océan de bulles chacune renfermant un clone. » Qu'est-ce que ça veut dire ?
« Contrôle, nous sommes à l'hôpital. Vous pouvez nous extraire. »
Un cri lui répond.
« Le Thanatrauma ! Il approche ! Éjection ! Éjection ! »
Aaron Powl pousse un cri. « Noooooooon !!!!!!! »
Il s'écroule. Loin, très loin, les Lwas lui parlent. Ils crient, ils hurlent. Mais Aaron Powl n'entend qu'un lointain murmure.
« Aaron, un artiste de la guerre, impatient, avide... Il pense combattre une puissance très ancienne avec de l'argent. Il va s'en prendre à toi, Aaron, lors d'un voyage. Tu dois perdre pour gagner... »
Aaron Powl est resté inconscient pendant près de 3 heures. Quand il se réveille, il a une migraine pas possible. Pourtant, il sait ce qu'il a à faire. Il doit partir en voyage... et perdre. Alors, les Lwas lui révéleront leurs secrets.
Nous courons. Nous mangeons. Nous courons. Nous mangeons. Nous sommes les Antigens, le véhicule de chair morte du Thanatrauma. L'homme en noir tire. Deux Antigens tombent. Le Thanatrauma avance. L'homme en noir et la femme montent dans le bus. Le bus démarre. L'homme en noir tire. Deux autres Antigens tombent. Les autres antigens se jettent sur la nourriture qui n'est pas montée dans le bus.
Les Antigens sont heureux parce qu'ils mangent. Le Thanatrauma ne l'est pas car il n'a toujours que 10 cerveaux.
Roger détourne son regard du totem et le pose sur la petite étendue d'eau sur sa gauche. Il y a un îlot au milieu. Pour autant, il a peur. Peur de l'eau. Ce n'est pas chez lui. La terre, c'est chez lui. Pas l'eau. Il préfère donc poursuivre son exploration des lieux en prenant le chemin qui s'offre tout droit devant lui. Là , il prend conscience que la solitude commence à lui peser, qu'elle ne peut plus être conçue comme une fin en soi. Oui, l'homme est toujours seul face à la mort, mais seulement face à elle. Pour le reste, il y a la famille, le clan, la tribu. L'essaim et la Horde. Perdu dans ses pensées, il perçoit un bruit mais ne parvient pas à en déterminer l'origine. Il ne voit rien autour de lui. Puis, une ombre.
Roger fait une roulade et évite in extremis l'attaque d'un énorme corbeau. L'oiseau prend de l'altitude et pique à nouveau sur lui. Roger l'évite de nouveau d'un bond mais se retrouve cloué au sol par une nouvelle crise de migraine. Ce bourdonnement est affreux. Il voit...
...Demian est de nouveau dans la forêt. Il voit. Il SE voit. Il est là , face à ce Horlacanthe qu'il viole pour le tuer. Il SE voit dans cette fosse remplie de boue et de merde. Il SE voit faisant le tour de la voiture dans laquelle son père est mort. Il ne l'a jamais vu en vrai. Mais là , il la voit. Elle est envahie par les feuillages. Le corps de son père, au visage fracassé, est là , lui aussi en proie à la végétation qui se teinte de son sang.
Demian se frappe au visage. Il ne sait pas si c'est pour se réveiller ou s'assommer mais il ne veut plus voir ça ! À la périphérie de son champ de vision, l'homme-sanglier est là . Il est nu. Du pus s'échappe de chacun de ses orifices. Sans tourner la tête dans sa direction, Demian lâche entre ses dents : « Je te vois... »
« Je sais, répond l'homme-sanglier. Tu me vois car tu vois les morts. Tu es à cheval sur la Limite. La Limite entre les mondes. Tu vois les morts. Tu peux leur parler, entendre leurs pensées. Je suis mort et j'ai besoin de toi. Je suis mort et j'erre dans un temple-prison dont je dois Le libérer. J'ai besoin de toi pour activer la Structure, le Schème. Alors, la Porte s'ouvrira et conduira au temple-prison. Le Patient 13, tu dois le trouver.
Roger se relève péniblement. Il regarde autour de lui, à l’affût du moindre mouvement trahissant une attaque du corbeau. Le bourdonnement est plus intense. Il se concentre. Il sent une présence. Plusieurs présences. Il ne veut pas les sentir. Il veut les voir ! Et il voit !
Ils sont là . Ils sont partout ! Les morts ! Les Antigens ! Encore 10 cerveaux avant le Patient 13. Les Antigens pointent leurs doigts décharnés et ensanglantés vers lui. Ils le désignent, montrent quelque chose. Le talisman. Il l'arrache de son cou et le brandit dans leur direction en criant.
« Quoi ? Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous voulez ? »
« La Structure, le Schème... Plus que 10 cerveaux... Nous sommes les Antigens, je suis le Thanatrauma. »
Soudain, les Antigens se redressent et se figent. Ils pointent encore leurs index en direction de Roger, du Talisman. La voix du Thanatrauma retentit encore.
« Ceci est la Structure, le Schème. Encore 10 cerveaux et le Patient 13... »
Sa voix change.
« La nature a repris ses droits ! Flash-back en noir et blanc. Une jeune femme tend la main à un cyborg tombé sur le trottoir. Il pleut des cordes. Soudain, une explosion ! Un océan de bulles chacune renfermant un clone. »
Dans le ciel le corbeau crie. Les Antigens, tel un seul homme, lèvent la tête dans sa direction. Le corbeau s'en va. Le tonnerre gronde. La pluie se met à tomber. Une jeune femme parmi les Antigens, la robe déchirée, recouverte de boue et de sang, s'approche de Roger et lui tend la main. Le golem sent ses jambes trembler. Elles peinent à le porter. Le cadavre sourit. Dans sa main, elle tient une Noix. Dans le Talisman, le Ver Gris s'agite.
« Je suis la jeune femme. Tu es le cyborg. Ceci est la bulle. Les clones sont les holo-fragments de l'identité éclatée de Demian. Ceci est la Structure, ceci est le Schème. Plus que 10 cerveaux et le Patient 13... Où est Paul Singer ? Il devrait être là ... »
Un vieux tribunal aux gradins vermoulus, envahis par des champignons blancs géants et des toiles d'araignées. Partout, des humains empaillés dans des postures diverses.
Perchés dans de hautes tribunes, des juges et des avocats à têtes de corbeaux, en toge noire et perruque poudrée. Dans les gradins, des corbeaux. Sur le banc des jurés, des têtes de corbeaux.
Pendue à un lustre de branchages garni de bougies tremblotantes, la Magicienne, avec un pénis en érection et des seins perlant de lait. Dans la flaque de foutre, un tubercule humanoïde a poussé : Roger ! Demian !
Demian émerge de la semence. Il ne reconnaît pas son corps. Pas complètement. Il est mi homme-mi... terre. Des plaques d'écorces recouvrent ses bras, sa poitrine. Des feuillages et des brindilles ont remplacé ses poils et ses cheveux. Il regarde l'étrange collier qui pend à son cou. Dans la bille de verre, un Ver s'agite. Autour de lui, tout le monde est figé. Il comprend. Ce silence est sensé lui être insupportable au point qu'il le rompe lui-même et confesse ses fautes. Quelles fautes ?
La Justice est une illusion, le tribunal est son petit théâtre. Il a eu des cours là -dessus en fac. Il ne se laissera pas impressionner. Il se redresse et fait face fièrement à ses juges. Il les défie du regard. Inconsciemment, il porte la main au Talisman. Alors qu'il le manipule, un bourdonnement se fait entendre. Demian ne parvient à déterminer sa source. Il se concentre. Ils sont là , tout autour de lui, il les voit. Les morts. Les Antigens. Le Thanatrauma !
Les corbeaux sortent alors de leur immobilisme. Un vent de panique souffle dans tous le tribunal. Demian se jette sur un corbeau. Il le saisit par les ailes qu'il Ă©carte le plus largement possible et empale l'oiseau sur son sexe en Ă©rection.
« Je suis Demian Hesse et Aaron Powl. Je suis Damon Haze et D. Maze. Je suis Paul Singer et Paul Coleman. Je suis NoAnde, NeinUnd et Siy. Je suis Roger et Johanna Ackermann. Je suis le Thanatrauma et les Antigens. Je suis... Je suis !!! »
Et la voix du Thanatrauma retentit dans tout le tribunal.
« 13 ! 13 cerveaux pour le Patient 13 ! Tu es la Structure et le Schème. Tu es le Patient 13 !
Les portes s'ouvrent ! »
Demian vomit. La migraine est atroce. Roger est seul, à genoux sous la pluie. Les Antigens sont là eux aussi. Autour de Roger, autour de Demian. Demian leur fait signe de partir. Roger leur fait signe de s'approcher. Demian souffre le martyre. Roger se sent libéré. L'ancrage qui l'entravait vient de voler en éclat. Demian est dévoré par la migraine la plus atroce à laquelle il est jamais dû faire face. Il est dévoré par une faim à laquelle il ne peut répondre qu'en s'arrachant un bout de la chair de son avant bras à grands coups de dents. Demian est en guerre contre la souffrance et contre lui-même. Roger est en paix. Il tend la main vers la Horde, vers l'Essaim et la Horde, l'Essaim, l'accueillent en souriant. Les morts accordent la paix à Roger. Demian ne peut se résoudre à mourir. Le bras et la bouche en sang, il erre dans son appartement envahi par la végétation en hurlant. Il se frappe la tête contre les murs. Il appelle à l'aide. Il appelle NoAnde. Il appelle Shub'Niggurath. Il invoque la Structure et le Schème. Il...
À bout de souffle, Paul Singer finit par arrêter de courir. Il se retourne et constate que Johanna Ackermann est toujours derrière lui. Les zombies, par contre, semblent avoir abandonnés leur poursuite. Un répit ?
Devant lui, un bâtiment en ruine ressemblant étrangement à l'hôpital de Blue City. Mais il n'est plus à Blue City. Il est à Millevaux. Il ne sait pas trop comment ils sont arrivés là Johanna et lui. C'est à cause de l'hôpital et du Thanatrauma. C'est à peu près tout ce dont il est sûr. Ils échangent un regard avec Johanna. Elle lui sourit. Ils entrent.
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Merci pour ce CR ! La démarche est très singulière et la fiction produite est excellente :)
Je serai curieux de connaitre un peu le sentiment du joueur sur cette partie ainsi qu'avoir quelques détails sur sa manière de gérer le jeu solo avec Terres de Sang.
La réponse de Damien :
sinon, pour Terre de Sang, c'est un jeu que j'aime beaucoup^. je trouve qu'il fonctionne très bien avec Sphynx. on explore un continent perdu et on se finit dans une ruine. après, c'est sûr qu'en solo on joue pas forcément by the book et on arrondit certains angles par moment, notamment pour définir certaines situations. pour ce CR là , je me souviens aussi avoir respecté les règles au début et puis m'être par la suite juste laissé porté par le récit. ce n'est donc pas vraiment by the book au bout d'un moment. mais j'aime beaucoup ce jeu. j'aimerais bien pouvoir y jouer à plusieurs. un jour peut-être ^^
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LA FORĂŠT DE CONSCIENCE
Pour ce crossover entre l'univers de Millevaux et l'exploration introspective de Terres de Sang, co-animé avec un de ses auteurs (Simon Li), un voyage depuis un monde transhumaniste jusqu'à une forêt qui répond mystérieusement aux questions les plus profondes.
Joué le 24/03/18 à Au-delà du Dragon
Le jeu : Terres de Sang est Millevaux, un supplément pour le jeu de rôle Terres de Sang, de Manon et Simon Li (exploration de terres vierges à la rencontre de ses propres traumas), dans l'univers de Millevaux.
Personnages :
Mika l'ornithologue, Ethan le médecin, Dr Bloom la chercheuse en spiritualité, Gat l'informaticien
anthroview, cc-by-nc, sur flickr.com
L'histoire :
Dans la mégalopole qui recouvre toute la Terre hormis Millevaux, on peut télécharger sa conscience dans des piles qui sont stockées dans des corps humains interchangeables.
Ainsi, l'être humain est potentiellement immortel. Pourtant, il semblerait qu'il existe une maladie qui provoque le délitement de la conscience, une obsolescence programmée du programme. C'est le mal dont souffre Irma, la femme d'Ethan, un grand médecin comme on appelle ceux qui réparent aussi bien les corps que les piles. La conscience d'Irma s'éteint peu à peu.
Le Dr Bloom, une chercheuse onirique, a vu Millevaux en rêve. Ce continent l'obsède.
Gat, un des plus grands informaticien de sa génération, a boosté sa conscience au-delà des limites connues. Mais il veut aller encore plus loin.
Mika, l'ornithologue, a perdu son meilleur ami Enzo, un explorateur qui est parti Ă Millevaux et n'en est jamais revenu. Il suppose que son corps est mort mais il veut retrouver sa pile de conscience.
On pense qu'à Millevaux, il y aurait un virus qui bouffe la mémoire : la première expédition en aurait souffert.
Ethan, Gat, Bloom et Mika montent une expédition scientifique vers Millevaux.
Ils s'y rendent à bord d'une bulle de conscience. Mais le champ magnétique qu'on a construit pour empêcher l'expansion de Millevaux, la crève.
Ils font un roulé-boulé et échouent sur la plage. Pour seul horizon, la forêt primale.
Le travail de Mika est d'étudier et de créer nouvelles espèces animales. Grand, très maigre et chauve, il un troisième œil sur le front.
Ethan est rasé de près, il porte une chemise blanche, il a l'air comme hanté. On ne lui connaît pas de loisirs.
Le Dr Bloom, chercheuse en spiritualité, est difficile à définir. Grande, un visage féminin, un corps musclé, trois seins, la peau noire et les poils blancs, des dreads blancs, les traits marqués, une voix très grave.
Gat ne se remarque pas par son physique, mais par son niveau de conscience plus élevé que tous les autres.
Ils entendent des voix familières, et comprennent que ce sont des cris d'oiseaux.
Le Dr Bloom entend la voix d'un de ses anciens amours, et depuis elle ne pense plus qu'à ça.
Pendant sa recherche en spiritualité, elle a réalisé qu'il lui manquait des cases de mémoire.
Maintenant qu'elle a entendu sa voix à travers les cris d'oiseaux, elle se rappelle de cette personne. Elle ne se souvient pas de tout ce qui s'est passé avec elle, mais elle ressent une attraction forte, une nostalgie, un sentiment de culpabilité, elle pense que la personne a été abattue : "Bar !"
Muré qu'il est dans sa propre conscience, Gat ne reçoit pas une voix familière mais sa propre voix, qui lui récite des mantras tels que : "il faut se dépasser !"
Mika reconnaît la voix d'Enzo : "Trouve la corneille qui garde les souvenirs, elle te mènera à moi."
Flashback. Ethan est avec Irma dans sa chambre d'hĂ´pital. Pendant de longues heures, pour passer le temps, il tatoue le corps d'Irma, son corps de femme de vingt ans, si jeune en apparence qu'Ethan a du mal Ă croire Ă la finitude de sa conscience. Mais Irma semble au contraire accepter son sort : "On ne peut pas franchir toutes les limites, ainsi va le monde."
Les explorateurs se posent des questions sur leur mortalité. Ils souffrent de la coupure du réseau, ce silence inhabituel. Retour à l'organicité.
Ils s'avancent dans la forêt à la recherche des corbeaux qui émettent ces voix. Ils trouvent un arbre-mère qui allaite un arbre-fille par ses racines, on sent une filiation mais aussi une tension, comme si l'arbre-mère allait soustraire son aide bientôt.
Ces deux arbres évoquent à Bloom l'amour qu'elle a pu enfanter. Elle veut retourner à soi, mais elle est incapable de lâcher. Elle ressent de la culpabilité.
Gat hésite entre prudence et témérité. Comme en mimétisme à son état d'esprit, on dirait que les arbres se meuvent, avec un flux et un reflux.
Il a fait des expériences sur des inconnus manipulables, certaines piles ont été détruites, d'autres cobayes ont eu la personnalité changée, ont subi une baisse de conscience. Une fois son processus rôdé, Gat l'a opéré sur lui-même, il a pu augmenter sa conscience. Maintenant, il a une super intelligence, la durée de la vie de sa conscience a augmenté.
Ils contemplent un arbre tatoué.
Mika se concentre sur le corbeau perché dans un arbre au-dessus d'eux, il réalise que sa mémoire est en train de disparaître.
MĂ©moire et conscience sont la mĂŞme chose. Est-ce que l'oubli est un cycle de la conscience ? Est-il sain ou morbide ?
Millevaux est-il une conscience collective ? Ou est-ce que ce sont des consciences distinctes les unes de autres ?
Ethan monte dans l'arbre pour attraper le corbeau. L'arbre pousse au fur et à mesure, c'est comme si le corbeau était insaisissable, mais à force de persévérance, Ethan monte dans l'arbre plus vite que celui-ci ne croît, et il redescend avec le corbeau qu'il a capturé.
Il lui ouvre le crâne. Le corbeau est encore vivant. On voit que son cerveau a développé des ramifications. Gat reconnaît les mêmes excroissances que sur son propre cerveau.
Il se connecte au cerveau du corbeau et accède à toute la conscience stockée dans la forêt. Il ne peut s'empêcher de l’accueillir dans sa propre conscience. Il prend toute l'information. Alors, ivre de tout connaître, comblé en quelque sorte, il devient apathique. Il n'a plus aucun désir ni aucune volonté.
Bloom étreint un arbre et celui-ci, sentant sa souffrance, essaye de lui effacer ses souvenirs. Mais Bloom lui fait comprendre qu'elle veut les garder, aussi douloureux soient-ils. Alors l'arbre propose au contraire de lui restituer l'intégralité de ses souvenirs, avec tout ce que cela peut comporter de traumatique. Bloom accepte. Au fur et à mesure, elle retrouve ses souvenirs. La perte d'un enfant. L'abandon du cadavre et du père. Elle ressent de la bienveillance pour la personne qu'elle était à l'époque. Elle réalise qu'elle avait effacé volontairement effacé les sentiments des ses souvenirs, voilà pourquoi ils étaient aussi impersonnels. Mais maintenant, ces sentiments, elle les accepte.
Flashback. Ethan tient une conférence sur les technologies pour pérenniser la conscience à l'infini. Une femme dans l'assistance lui objecte que certaines limites sont infranchissables. Mais Ethan se répond qu'il se voit comme un Prométhée apportant le feu à l'humanité : il pense rendre possible l'impossible. Cette femme, c'est Irma. C'est le jour où ils se sont rencontrés.
En analysant le cerveau de l'oiseau, il comprend qu'il a enfin trouvé la recette du remède contre la maladie d'Irma qu'il était venu chercher à Millevaux. Mais ce remède implique l'effacement de la mémoire d'Irma, pour repartir de zéro. Elle oubliera tout, même leur rencontre.
Ethan extrait le cerveau et fabrique son remède. Il l'envoie pas une fusée de secours jusqu'au domicile d'Irma avec un message. Va-t-elle ou non s'injecter le remède ? Ethan n'aura jamais la réponse. Il retourne marcher sur la plage.
Il revisionne le souvenir de sa rencontre avec Irma, pendant la conférence. La végétation envahit la scène à toute vitesse, dévorant la mémoire pour recommencer une nouvelle vie.
Mika est plus ou moins le dernier membre de l'expédition. Il se demande ce qu'aurait fait Enzo dans une telle situation pour préserver sa conscience. Il a la réponse quand il finit par trouver son squelette dans la forêt. Les charognards ont tout dévoré, il n'y a plus la pile. Mais des racines sont implantées dans le crâne. A côté du squelette, le pistolet d'Enzo. Au vu de l'impact sur le crâne, il s'est donné la mort. Et la forêt s'est ensuite connectée à son crâne. La conscience d'Enzo ne fait plus qu'un avec la forêt. La conscience collective est le nouveau point de l'évolution.
Mika ramasse le pistolet.
Le bruit de la détonation fait s’envoler une foule de corbeaux par-dessus les cimes.
Feuilles de personnage :
Dr Bloom
Augures : compassion, abondance
Fonction : chercheur en spiritualité
Ancrages :
tout est vrai, ainsi va le monde
la vérité fait mal mais la vérité libère, ainsi va le monde (ancrage ajouté en fin de partie)
Gat
Augures : non notées
Informaticien
La limite s'améliore, ainsi va le monde
Les frontières humaines s'arrêtent à la limite de notre conscience naturelle, ainsi va le monde (ancrage ajouté en fin de partie)
Mika
La corneille qui garde les souvenirs
Le marteau qui façonne le monde
Ornithologue
L'homme a vaincu la mort, ainsi va le monde
L'homme est devenu un Dieu, ainsi va le monde
Ethan
Le géant qui offre le feu
Le peintre qui sublime le corps
MĂ©decin
L'amour est Ă©ternel, ainsi va le monde
On ne peut franchir toutes les limites, ainsi va le monde
La vie est un éternel recommencement, ainsi va le monde (ancrage ajouté en fin de partie)
Mise en jeu :
+ Comme le jeu est fait pour 4 personnes, Simon s'est posé en animateur, il n'a incarné aucun personnage, ni décor ni figurant, nous laissant nous quatre incarner chacun un personnage et les décors et les figurants, tour à tour en libre rotation.
+ Je pensais qu'il nous expliquerait le monde de Millevaux (la destination du voyage) en premier, mais en fait il a nous a d'abord fait définir la destination. J'étais un peu sceptique au départ, car à mes yeux Millevaux n'est pas qu'un continent, c'est aussi une époque, un contexte... ça conditionne aussi la nature du monde autour. Mais j'ai laissé faire pour voir. Je me suis mis en retrait pour le world building du monde de départ. Simon nous a demandé quels films et séries on regardait. Au début, j'ai entendu parler de fantasy, j'ai eu un peu peur, parce que la fantasy dans Millevaux c'était du déjà vu pour moi, et puis finalement on a évoqué la série Altered Carbon. On part sur une civilisation transhumaniste.
Et là je dois dire que c'était super. C'était une thématique très nouvelle (encore qu'on parle de transhumanisme dans Ecorce, mais c'est sous un vernis post-apo / med-fan très prononcé tandis qu'ici on parlait vraiment de transhumanisme direct), et fatalement si le monde autour de Millevaux a évolué jusqu'à ce stade, ça allait avoir une grosse influence sur les problématiques des explorateurs et sur comment ils allaient interagir avec Millevaux. Et ça n'a pas manqué. Cela m'a prouvé une nouvelle fois que Millevaux pouvait absorber et contaminer toutes les problématiques. Bref, l'idée de Simon de commencer par le monde de départ avant de définir Millevaux est très bonne, car ça évite de figer Millevaux dans l'univers prescrit, on est obligé d'adapter Millevaux au monde de départ et ça augmente le spectre des possibles pour Terres de Sang est Millevaux.
+ C'est moi qui ai dû expliquer l'univers de Millevaux, j'ai essayé de me contenter des six axiomes (ruine, forêt oubli, emprise, égrégore, horlas), peut-être en précisant un peu la connexion avec le transhumanisme. J'ai aussi ajouté que c'était entouré d'un mur électromagnétique construit par ceux du monde de départ, que ça avait longtemps été interdit de s'y rendre, et qu'on n'avait aucune information sur ce qui se passait réellement à l'intérieur (vu qu'apparemment aucune expédition n'était revenue).
+ J'ai demandé à Simon si on avait le droit de faire des flashbacks, il m'a dit oui et du coup j'en ai fait deux pour ma part. Cela me paraît fort adapté à Terres de Sang est Millevaux où le thème des souvenirs est important. Je suppose que dans Terres de Sang les flashbacks sont visibles, mais j'ignore si c'est directement suggéré ou si là aussi il faut que ce soit les joueuses qui y pensent.
Retour personnel :
+ Pour moi, l'expérience a été très concluante. Les thèmes de Terres de Sang et ceux de Millevaux se combinent naturellement. L'introspection était tout à fait au rendez-vous, on s'est posé des grandes questions existentielles tout du long, on se serait cru dans une partie de Sphynx, le jeu d'archéologues de Fabien Hildwein.
+ Les cartes distribuées en début de jeu, qui simulent l'univers, ont été très utiles et utilisées. ça a permis de rendre les thématiques de Millevaux sans avoir besoin de vraiment briefer l'équipe.
Question Ă Simon :
Les Augures se sont avérées très inspirantes, j'ai l'impression qu'on les a beaucoup utilisées. Pourquoi ont-elles toutes la même illustration ?
[réponse de Simon : J'ai essayé de mettre un background de carte le plus neutre possible. Les Ancrages sont volontairement cryptiques pour faire en sorte que les joueurs puissent y plaquer ce qu'ils veulent. Je ne voulais pas plus orienter leur imaginaire. Le background actuel est censé évoquer le côté "post apo" sans montrer la forêt de Millevaux (il s'agit de l'intérieur d'un bunker).]
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