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#71 18 May 2022 18:09

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LE MEURTRE DE L'HOMMONDE

Le final de la campagne solo Millevaux / Trilogie de la Crasse par Damien Lagauzère ! Une série de meurtres rituels commis dans différentes réalités va mener l’enquête de Black Rain jusqu’à -presque- résoudre un mystère concernant les dangereux portails qui résident entre les mondes.

(temps de lecture : 38 min)

Joué le 10/07/2019

Le jeu principal de cette séance : Psychomeurtre, par Thomas Munier, les meilleurs des profilers contre les pires des serial killers

Cette partie a été jouée surtout avec Perfect, Cold City, Psychomeurtre et Grey Cells. il y a aussi des bouts de Millevaux (Bois-Saule) et Silent Hill et quelques Vertiges Logiques

Avertissement : contenu sensible (détail après l’illustration)

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ghoguma film, cc-by

Contenu sensible : viol, zoophilie


Parties précédentes de la campagne Millevaux / Trilogie de la Crasse :

1. [La Trilogie de la Crasse] La Reine de la Crasse
Première partie d’une nouvelle campagne Millevaux solo-multisystèmes, en crossover avec la mythologie de la Trilogie de la Crasse et la ville crapoteuse et hallucinée de Mertvecgorod née sous la plume de Christophe Siébert. Où un simple exécutant s’entiche pour la victime qu’il doit convoyer et tente l’impossible pour la retrouver.

2. [S’échapper des Faubourgs] Tuer Précieuse
Une incursion dans un sous-monde où à la fois l’univers de Cœlacanthes et le thème des femmes au destin tragique envahissent tout.

3. [Grey Cells] Le coût d’entrée
L’agent-mouche décide de partir dans Millevaux pour sauver le monde même si tout le monde s’en fout… et quoi que ça puisse lui coûter.

4. [La Trilogie de la Crasse] La poubelle du multivers
Désavoué, l’agent-mouche Haze se la joue en solo et part en enquête à l’aveuglette dans les recoins les plus sordides du multivers, où Millevaux progresse toujours plus.

5. La porte de la ruine
Alors que Millevaux a envahi Mertvecgorod, Haze se retrouve baby-sitter d’une femme qui s’avère être une porte entre les mondes… 5ème épisode de la campagne solo multisystèmes Millevaux / Trilogie de la Crasse par Damien Lagauzère. (temps de lecture : 12 min)

6. [Remember Tomorrow] Safe orbit
Quand Millevaux a colonisé toute la planète, une station orbitale aseptisée semble être le refuge idéal… ou pas. Ça vous tente, un saut dans le futur ?

(un épisode joué sans Millevaux avant ce final, à retrouver ici : Épisode 10, joué avec Back to the Beginning et Queen Killer)


L’histoire :

    Berlin, le 29 avril 1952. Il est 20h35. Une pluie fine tombe sur ce qui reste de la Flaktürme de Friedrichshain. Une Pluie Noire, dans le secteur des Rouges. Le début de l'Entropie. Le début de la Fin.
    La victime est un homme entre 50 et 70 ans. À vue de nez, je dirai autour de la soixantaine. Il a les yeux crevé, le nez et les oreilles arrachées. Il baigne dans son sang. Son pantalon et son slip sont baissés jusqu'aux chevilles. Il y a le cadavre d'un porc à côté. Les agents de la RPA ne le savant pas encore mais la victime a été violé par ce porc. Les agents de la RPA ne le savent pas non plus mais, pour chaque meurtre, il y a un témoin. Je dois le trouver.
    Je m'appelle Corso. Je travaille comme médecin légiste pour une organisation nommée Black Rain dont le principal boulot consiste à recueillir un maximum d'informations sur les meurtres comme celui-ci, sur le meurtre métaphysique, sur le meurtre de l'Hommonde. J'ai été envoyé dans le Berlin de ce monde pour intégrer en toute discrétion l'agence internationale connue sous l'acronyme de RPA (Reserve Police Agency). La mission officielle de la RPA ? On s'en fiche un peu. Sa véritable mission consiste à nettoyer Berlin des Horreurs qu'ils ont invoquées pendant la guerre. Ici, dans ce Berlin, les recherches occultes menées par les nazis étaient sérieuses. Ils ont ouvert des portes vers d'autres mondes et des choses vraiment dégueulasses en ont profité pour venir nous dire bonjour. Mais quand les nazis ont dû fuir ou ont été arrêtés, ces trucs là sont restés. En réalité, selon la RPA, il y a trois types d'Horreurs : celles qui ont été invoquées et viennent d'un autre monde ; les mutants, tristes résultats des expériences nazies et les ST (Spezialeinsatztruppen) soit les soldats morts-vivants de l'armée allemande. Et toutes ces joyeusetés hantent toujours les ruines de Berlin. Les chefs de la RPA pensent que c'est une de ces choses qui a tué cet homme. Mais ils se trompent.
    Black Rain a bien fait les choses. J'ai ici la double casquette de légiste mais aussi d'ancien militaire qui me permet de justifier d'un grade et commander les agents de base. Aussi, je leur donne quelques consignes afin, surtout, d'avoir le champ libre sur la scène de crime. Par définition, je connais déjà cette scène de crime. Elles sont toutes pareilles. Mais je cherche... le truc en plus, ce truc dont je ne peux dévoiler l'existence à mes collègues de la RPA.
    Le tueur a utilisé un couteau de boucher. Mais on a aussi trouvé des traces d'explosif à proximité. Est-ce que le tueur avait prévu de s'en servir ? A-t-il été dérangé ? Ces explosifs lui appartiennent-ils vraiment ? Je fais le tour de la scène de crime. Je repère des empreintes de pas dans la boue. Il est facile de tendre une embuscade dans ces ruines. Si c'est le cas, cela peut signifier que le tueur connaissait la victime. Il avait dû la repérer, repérer ses allers et venues. Son acte est prémédité, évidemment. La victime ne connaissait pas forcément le tueur. En tout cas,il semblerait qu'elle ait eu quelques habitudes qui ont permis au tueur de voir en elle la cible idéale. À moi, donc, de retracer non seulement le portrait du tueur mais aussi celui de la victime. Peut-être que je trouverais là aussi des informations utiles.
    Et je me pose cette question, ce crime a un sens énorme pour moi car je suis un agent de Black Rain mais en a-t-il autant pour le tueur ? Sait-il vraiment ce qu'il a fait ? Sait-il vraiment qu'il a reproduit là meurtre de l'Hommonde, précipitant ainsi sa réalité dans l'Entropie ? Va-t-il recommencer ? Je cherche un indice, un indice à double sens. Je veux un indice qui me permette d'envoyer les agents de la RPA, mes hommes, sur une véritable piste. Mais je veux aussi un indice qui ait du sens quant au meurtre métaphysique.
    Et dans un coin, dans l'ombre, je trouve des restes de nourriture. Le tueur devait donc bien être en planque ici et depuis un moment. Il connaissait donc bien les habitudes de sa victime. Mais peut-être savait-il aussi que l'attente durerait un moment. Pourquoi ? Est-ce que quelqu'un l'aurait repéré s'il était venu se cacher plus tard ? En tout cas,il est prudent et prévoyant. Selon la catégorisation traditionnelle, je crois pouvoir dire que j'ai à faire à un tueur organisé.
    Je me relève. J'appelle mes gars pour qu'ils jettent un Å“il à ses restes de nourriture. Je commence à donner des consignes pour que tout ça, et le corps, soient évacués et ramené au siège de la RPA. Je compte bien autopsier le corps moi-même. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que ce tueur-là ne s'est peut-être pas borné à reproduire le meurtre de l'Hommonde. J'ai le pressentiment qu'il a voulu y ajouter sa touche personnelle. Je dois la trouver. Et alors que je me relève,je vois comme une ondulation dans l'air, des vaguelettes verticales, un mouvement régulier. On dirait un voile invisible. J'avance la main et la vois traverser ce voile invisible. J'ai la nausée. Je suis pris d'un Vertige... Logique...

Avec toutes ces conneries de changements d'univers, de Multivers et de voyage dans le temps, je ne sais plus ce qui est vraiment arrivé, si c'est vraiment arrivé et où et quand c'est peut-être arrivé. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a au moins un lieu et un moment où Haze a tué la Reine. Mais comme je ne sais pas quand il l'a réellement tuée, je ne sais pas si mes souvenirs d'elle sont réels. S'agit-il de souvenirs,de fantasmes, de rêves ? En vérité je n'en sais rien. Selon le moment où Haze l'a tuée, il est possible que je ne l'ai jamais rencontrée. Je ne l'aurais donc vu que sur un écran d'ordinateur. Non ! Pour ça, il aurait fallu que je traîne sur des sites dégoûtants et c'est pas mon genre. Et... et... on ne peut pas vraiment dire que la WIFI fonctionne très bien à Berlin en 52. Alors, d'où me viennent ces souvenirs, ces visions d'elle ? Je ne sais pas si ces images dans ma tête sont réelles mais je sais que la Reine, finalement, je tenais à elle.

    Jeudi 4 juillet 2019. Le ciel est bleu. Il est 10h47 du matin et je m'apprête à procéder à l'autopsie de cet homme dont on a toujours pas trouvé l'identité. Je mets un peu de gel sous mon nez ; le corps commence à sentir mauvais. Il fait frais et je remercie l'inventeur du climatiseur. Ici, à Los Angeles, à cette heure de la journée et en cette saison, le soleil tape déjà fort.
    Je suis déjà au parfum, c'est le cas de le dire, d'une partie des éléments que je vais trouver. Personne ici, au siège du LAPD, ne le sait mais ce meurtre est une reproduction du meurtre de l'Hommonde et comme bien des victimes dans bien d'autres univers parallèles cet homme proche de la soixantaine a été retrouvé...
    ...à Berlin en 1952, les yeux crevé, le nez et les oreilles arrachés, baignant dans son sang. Son pantalon et son slip étaient baissés jusqu'aux chevilles. Il avait de plus été violé par le porc dont on avait retrouvé le cadavre sur la scène de crime.

    Comme prévu, je trouve sur le corps de la victime des traces de phéromone de truie ; celles qui ont servi à « motiver » le porc. Les blessures ont été effectuées à l'aide d'un couteau de chasse ou de boucher. Je prends les mesures de chaque plaie afin d'essayer de déterminer la taille de l'arme et, peut-être, son modèle. Cela me permettra par la suite également, en fonction de l'angle, d’évaluer la taille du tueur par rapport à sa victime. Dès à présent, je peux dire que le tueur est plus petit. Mais la victime était un homme de grande taille. Aussi, je peux en déduire que le tueur est un homme de taille moyenne qui a certainement frappé plusieurs fois la victime afin de la faire tomber. Ensuite seulement il s'est acharné sur le visage. Puis, alors que la victime était toujours vivante mais plus en état de se défendre, le tueur a fait venir le porc.
    Sachant que les coups ont été portés par un homme de taille moyenne à l'aide d'un couteau de chasse ou de boucher, la profondeur des plaies me permet aussi de déterminer la force mise en jeu par le tueur. Or, il apparaît que les plaies sont moins profondes que je ne m'y attendais. Il semblerait donc que le tueur n'a pas cédé à quelque pulsion sauvage. Il aurait même plutôt tenté d'être... efficace. Je retrouve là l'esquisse d'un tueur organisé. L'homme sait ce qu'il fait.
    Je cherche sous les ongles de la victime d'éventuelles traces de cheveux ou de poils. Pour son âge, cet homme était plutôt vaillant et bien portant. Il a certainement tenté de se défendre. Rien ! Soit la victime a été à ce point prise au dépourvu qu'elle n'a pas pu se défendre, soit le tueur a bien pris soin d'effacer toute trace. Ce dernier point apporterait de l'eau au moulin de la piste d'un tueur organisé. Mais, si celui-ci sélectionne effectivement sa proie, il aurait pu choisir une victime plus « facile ». je pense qu'il a choisi cet homme en fonction de ses habitudes et de ce trajet qui le faisait passer près d'un lieu propice à une embuscade mais est-ce vraiment l'unique critère ? Je reste de plus convaincu que ce tueur métaphysique se différencie des autres. Lui, il ne cherche pas seulement à reproduire le meurtre de l'Hommonde. Il veut poser sa marque, sa signature. Il pense qu'il vaut mieux que ça, mieux que les autres. Il n'est pas une marionnette du destin et il veut le montrer à tous. C'est pour ça que je suis convaincu qu'il va recommencer. Mais pour en être sûr, je dois trouver cette signature. Et celle-ci se trouve quelque part sur ou dans ce corps.
    Je prends un peu de recul. À tout hasard, je cherche à voir si toutes ou certaines des plaies forment un motif. Merde ! C'est bien le cas ! Et ce motif c'est... la rune Hshl ! Ce type n'a pas frappé qu'au hasard. Il a reproduit sur le dos de la victime le motif d'une rune Hshl. Comment connaît-il ce symbole ? Est-ce un ancien agent de Black Rain ? Normalement, seules les Mouches peuvent percevoir la présence de ce motif qui indique l'existence d'un passage entre plusieurs mondes. Les Mouches peuvent alors emprunter ce passage. Moi, c'est un peu différent. J'utilise un jeu de runes pour accéder à la dimension du Voyeur. De là, je peux espionner les autres mondes et m'y rendre. Mais bon, bref... Normalement, la rune préexiste. On ne dessine pas une rune Hshl pour créer un passage. On la trouve puis on trouve le passage.
    Je continues à pratiquer l'autopsie en mode automatique. Je pense à autre chose. Je me demande ce que cherche à prouver le tueur avec cette marque. Est-ce vraiment un ancien agent de Black Rain ? S'agit-il seulement d'un ennemi, de quelqu'un qui aurait eu vent de l'existence de notre organisation et qui voudrait nous... provoquer ? Est-ce un apprenti sorcier qui pense pouvoir ouvrir un portail vers un autre monde ? Si c'est le cas, le pauvre type n'a rien compris. En tout cas, je revois mon jugement le concernant. Je pensais au départ à une sorte d' « artiste » voulant montrer sa supériorité. Je pense maintenant qu'il en sait plus que je le soupçonnais. Et s'il pensait profiter du fait d'être l'instrument du destin dans cette reproduction du meurtre de l'Hommonde pour en retirer quelque chose pour son propre compte ?
    Je repense aux 7 archétypes, stigmates et mobiles recensés par Black Rain. Mon tueur pourrait donc bien être un tueur en série. Quant au mobile, peut-être est-il inspiré par une sorte de rituel satanique ou de délire schizophrénique. Il s'agit peut-être d'un toxicomane. Les deux peuvent aller ensemble. Cela ne me dit pas comment il a eu connaissance de l'existence de la rune mais il est fort probable que je me trouve effectivement face à un tueur en série organisé en proie à un délire de type « satanique », ou en tout cas occulte, dû à une pathologie mentale et/ou la consommation de stupéfiants. L'homme est visiblement de taille et de corpulence moyenne, je peux donc éliminer celui des stigmates concernant justement sa taille et son poids excessifs, dans un sens comme dans l'autre.

    Je termine l'autopsie, recouds le corps et le rend aussi présentable que possible. Je nettoie et range mes outils. Je m'occupe de la paperasse et m'apprête à remettre mon rapport à l'inspecteur chargé de l'enquête. J'en ai également fait une copie pour les dossiers de Black Rain.
    Qu'est-ce qui s'est passé ici ? Il y a eu un dégât des eaux. Les murs suintent. Les plaques au plafond sont molles à cause de l'humidité. J'attire l'attention d'un agent en uniforme passant par là et lui demande ce qui s'est passé. Il éclate de rire et poursuit son chemin. Il me prend pour un rigolo, un blagueur. Je ne comprends pas. Je remonte jusqu'au rez-de-chaussé. Pareil ! Je touche le papier peint et celui se décolle en partie à cause de l'humidité ambiante. J'interroge là encore les agents au comptoir de l'accueil. Ils me regardent puis se regardent, dubitatifs. Ils ne disent rien mais n'en pensent pas moins. L'un d'eux tend la main dans ma direction et me demande si je veux qu'il remette le rapport à la personne concernée. Je lui tends le dossier et quitte le commissariat.
    Dehors, la rue est déserte. On y voit pas à 10 mètres à cause du brouillard. Il n'y a pas un bruit. Je fais quelques pas et me retourne. Je fais face au commissariat de Silent Hill. Je fais de nouveaux quelques pas mais, finalement, renonce à entrer dans le bâtiment.

J'erre au hasard dans les rues de... Silent Hill. Il fait gris. Je n'y vois rien. Il n'y a pas un bruit. Par moment, j'ai l'impression d'apercevoir des ombres au loin mais je n'ose pas m'approcher ni appeler. Au bout d'un moment, je me retrouve dans une ruelle. Là, sur un tas d'ordure, le corps d'un homme qui doit avoir entre 50 et 70 ans. Il a les yeux crevé, le nez et les oreilles arrachés. Il baigne dans son sang. Son pantalon et son slip sont baissés jusqu'aux chevilles. Il y a le cadavre d'un porc à côté.

    Tout est là ! Même le porc ! La rue est vide, évidemment. Pourtant, dans ce monde là aussi il doit forcément y avoir un témoin. Silent Hill, comme ai-je atterri là ? On dirait une ville abandonnée, une ville fantôme. Aussi, je ne m'attends pas à tomber sur des flics et ne me préoccupe pas de pourrir la scène de crime. Je retourne le cadavre. Je cherche et je trouve la rune Hshl représentée à coups d'entailles dans le dos. La rune indique la présence d'un passage. Je n'ai trouvé aucune trace du témoin à Berlin. Est-il possible que, bien que ce soit plus qu'improbable, cette rune indique aussi un passage qu'aurait pu emprunter le témoin ou le tueur ? Je fouille au hasard. Évidemment, je ne trouve rien. Soudain, une sirène retentit. Tout se met à tourner autour de moi. Le sol devient liquide et s'écoule à travers le grillage constituant maintenant la chaussée. Les murs déjà décrépis s'effondrent par plaques et laissent la place à de la tôle rouillée. Les cadavres de la victime et du porc sont toujours là.
    Cet homme n'est pas celui de Berlin. Je le fouille. Je ne trouve pas ses papiers d'identité mais il possède une petite toupie. Et je repense à ce film, Inception. La toupie de la scène finale avaient fait pas mal parler à l'époque. Et si je la faisais tourner ? Mais j'entends un raclement. Une silhouette étrange se dessine au loin. Elle se précise à mesure qu'elle approche. L'homme, ou la femme, avance comme au ralenti. Ses membres oscillent comme s'ils étaient plastiques. Il est coiffé d'une espèce de crête, comme les punks. Mais son épingle n'est pas fichée dans son oreille. En fait, un énorme pic noir et tordu est enfoncé dans son abdomen. Cette chose noire agite les bras dans tous les sens. Ses yeux et sa bouche sont deux trous blancs. J'ai vu des trucs bizarres dans ma vie, notamment depuis que je bosse pour Black Rain. Ce truc en fait partie.
    On dirait que ça parle, que ça tente de parler. Mais je ne comprends rien. J'entends mal. C'est comme si le son de sa voix était couvert par autre chose, sauf qu'il n'y a aucun autre bruit parasite. Je me concentre et tente de saisir des bribes de phrases.

    « ...la performance de l'ostracisme s'évade... des vapeurs du maelström... guette la pointe de l'esprit... »

    OK, je ne vais même pas faire semblant de chercher. Ce truc raconte n'importe quoi. Comme il est lent, j'ai encore le choix. Je peux m'enfuir et abandonner le corps, en espérant pouvoir revenir, ou essayer de buter cette chose et poursuivre mon investigation de la scène de crime. Je ne sais pas si c'est très rationnel mais j'ai envie de me la coller avec ce truc. Je sens que je peux me le faire. Et puis, de toute façon, je suis déjà mort.
    Je ne suis pas mort mais je fais bien semblant. Les mains de la chose ont changé. Elles sont devenues squelettiques et le monstre est devenu bien plus vif et agressif qu'au début. Quand j'émerge, j'ai mal partout et je suis crevé. Et je me sens très con. Au moins, ce truc est parti. Je regarde autour de moi et constate que rien n'a changé au niveau de la scène de crime. Je doute de trouver ici de quoi autopsier la victime. Je l'examine sommairement et tente de reconnaître les angles des entailles. Je veux m'assurer qu'il s'agit bien du même tueur, ou au moins qu'il a la même corpulence. Et à vue de nez, c'est le cas. Cette victime est plus petite que celle de Berlin. Et les diverses entailles tendent à confirmer la taille moyenne du tueur. Je n'y crois pas beaucoup mais peut-être qu'ici il a laissé quelque chose permettant de l'identifier.
    Et il ne faut jamais cesser d'y croire. Ce doit être la toupie d'Inception. Je suis dans un rêve. Et dans un rêve, les indices tombent finalement. Pas la toupie. Et ça, c'est un des stigmates recensés du tueur. Ce masque de cuir avec des cornes de cerf. Que fait-il ici ? L'a-t-il oublié ? L'a-t-il abandonné volontairement ? A-t-il été contraint de le laisser là ? Il est possible que lui aussi ait été surpris par le truc avec le pic dans le bide ? Dans ce cas, contrairement à moi, il se sera tiré en vitesse, perdant ou oubliant de récupérer son masque. En tout cas, ce masque est une bénédiction car autant il prend soin d'effacer toute trace sur le corps de la victime et la scène de crime, autant je doute qu'il ne passe son propre masque au peigne fin. Et là, justement, je suis quasiment certain de trouver des traces d'ADN. À condition de pouvoir quitter cette ruelle rouillée et trouver un laboratoire avec l'équipement suffisant.

Je range le masque dans ma poche. Il sera plein de mes propres empreintes mais je saurai faire la différence. Puis, ce rapport ne sera pas destiné aux forces de l'ordre mais à Black Rain. Quand je lève les yeux, la pierre a remplacé l'acier rouillé. Je ne suis plus à Silent Hill. Je suis de nouveau à Berlin. Une nouvelle scène de crime.

    C'est bien ce que je croyais. Ce type est un tueur en série. Il a recommencé. Et si je ne le trouve pas rapidement, il recommencera. Je donne des ordres aux agents de la RPA qui sont avec moi. Je parcours la scène de crime. Une fois de plus, je reconnais la rune Hshl dans les plaies infligées au dos de la victime. En réalité, je fais semblant d'inspecter cette scène de crime car je la connais déjà. Je la connais par cÅ“ur. En fait, je rassemble mes idées.
    L'assassin semble donc être un tueur en série de ceux qu'on considère comme « organisés ». Il est de corpulence et de stature moyenne. Il choisit ses victimes en fonction de la facilité à leur tendre une embuscade. Il doit les espionner pendant plusieurs jours avant de passer à l'attaque. Ensuite, il reproduit le meurtre métaphysique et laisse sur le dos sa propre marque, la rune Hshl. Cherche-t-il par-là à ouvrir un portail vers un autre monde ? Est-ce une provocation à l'encontre de Black Rain ? Peut-être les deux, mais j'ai tendance à croire qu'il agit sous l'emprise d'un délire mystique inspiré par une pathologie mentale (schizophrénie ?) et ou une drogue quelconque (la Bille ?). Sur une précédente scène de crime, j'ai trouvé des restes de nourriture. Y a-t-il ici, encore, des traces de sa présence ? Est-il encore à proximité ?
    Je regarde autour de moi si le corps a été traîné. Il est possible que le tueur lui soit tombé dessus un peu plus loin. Aucune trace significative. Pour autant, rien ne prouve que la victime a été agressée là où on l'a trouvée. Je cherche autour de moi le meilleur endroit d'où on peut espionner les environs sans être repéré. Il y a bien une sorte de cache dans des ruines mais je n'y trouve aucune trace de présence récente. Le tueur sait-il que je suis sur sa piste ? A-t-il pris plus de précaution ? Et le témoin ? Il y a toujours un témoin. A-t-il, lui, laissé des traces ? J'élargis le cercle de mes recherches et finis par trouver des empreintes dans la boue. Sont-ce celles du tueur ou du témoin ? Je peux peut-être le rattraper.

    Je me mets à courir aussi vite que je peux en tentant de ne pas perdre cette précieuse et infime piste. Je ralentis quand j'aperçois une silhouette filant aussi discrètement que possible. Du moins le croit-elle. Je m'écarte du milieu de la rue et continues ma filature. Je suis tenté de le suivre jusqu'à sa planque mais ce serait prendre le risque de le perdre. Aussi, je lui tombe dessus sans prévenir !
    L'homme ne semble pas surpris. Il se défend même. Je pense qu'il m'avait repéré. Mais heureusement, j'ai le dessus et le traîne jusqu'à la scène de crime et mes collègues de la RPA qui l'embarquent sous bonne surveillance. Alors que je le vois s'éloigner, encadré par deux agents de la RPA, j'ai un doute. Je le trouve un peu... petit. Est-ce vraiment le tueur ou est-ce le témoin ? J'espère au moins qu'il s'agit bien de l'un des deux.

    Les magouilles administratives de Black Rain me permettent de mener l'interrogatoire bien que je ne sois que légiste. Plus je le regarde et plus j'ai un doute quant au fait qu'il s'agisse bien du tueur. Il se gratte la tête de manière compulsive. Il a pourtant quelque chose d'hostile dans le regard.  Je ne le sens pas de l'accuser de front. Je commence donc plus simplement en lui demandant de décliner son identité et de m'expliquer ce qu'il faisait là.
    Jasper Fünf a 32 ans. Il était coiffeur avant la guerre. Il perd alors une bonne partie de sa contenance et explique s'être retrouvé là parce qu'il cherchait quelque chose, n'importe quoi, qu'il aurait pu échanger contre de l'alcool. Il confesse un problème de boisson. Ça a commencé avec la guerre mais il reconnaît aussitôt que, selon lui, les germes de son alcoolisme sont antérieurs au début du conflit. Il est marié mais il vit seul. Son épouse est retourné auprès de ses parents. Officiellement, il s'agit de prendre soin d'eux. Mais, en réalité, elle a fui son mari alcoolique et Berlin en ruine. Je suis de plus en plus convaincu qu'il s'agit du témoin. Il a vu quelque chose et je dois savoir quoi.
    Je ne lui pose pas la question. J'affirme qu'il a vu quelque chose aujourd'hui. Je lui confirme que ce n'est pas le fruit de son imagination. Il n'avait pas trop bu. Il a vraiment vu un homme avec un masque de cuir et des cornes de cerf agresser un vieil homme. Et il y avait un porc. Mais je veux en savoir plus. Et là, à ma grande surprise, il s'effondre. Il se met à pleurer. Et je me demande si certes il est un témoin mais est-il réellement LE Témoin ? Pourtant, il était là. Il a vu le meurtre. Il doit pouvoir me dire quelque chose sur le tueur.
    Je ne devrais pas divulguer trop d'informations sur l'affaire mais j'enfonce le clou en lui disant que ce n'est pas le premier meurtre, ni le dernier ! Je dois savoir ce qu'il a vu ! Il a forcément quelque chose à m'apprendre sur le tueur. N'importe quoi, n'importe quel détail qui me mettra sur sa piste. Il sait et je dois savoir !
    Jasper sanglote. Je lui propose un café et une cigarette. Il refuse le café mais accepte la cigarette. Il se reprend, un peu. Je me calme aussi. Je m'excuse si j'ai pu paraître un peu... agressif, mais cette affaire est très grave. Il fait signe qu'il comprend. Alors, a-t-il quelque chose à me dire ?
    Jasper lève les yeux vers moi. Il a entendu le tueur parler. Il ne sait pas s'il parlait à la victime ou s'il parlait tout seul. Il n'a pas bien entendu car il était trop loin mais, à un moment, le tueur a crié un prénom : Eurydice. Il y avait comme de la colère dans sa voix mais pas seulement. De la tristesse aussi.
    Eurydice... ça ne peut pas être un hasard.

Je ne sais pas comment je suis arrivé là. Mais si je suis là, c'est que je suis mort. Le Tas de Merde, la Plage des Cafards. Là, on charrie des ordures pendant toute la journée. Et ça dure des jours, des semaines, des mois... On perd le fil du temps.
Au début, je cherchais un moyen de m'enfuir mais la merde s'étend à l'infini. La seule chose qui nous barre la vue, ce sont ces espèces d'usines qui ressemblent à des temples grecs. C'est là que nos gardes nous guident, les cafards géants.
Je ne sais pas ce que je fous là. Je ne cherche même plus à le savoir.
Je fais mon job et puis c'est tout.

    Los Angeles, le 7 juillet 2019. Environ 11 heures du matin. Je suis appelé sur une scène de crime. Derrière un fast-food, alors qu'il allait jeter des sacs poubelles, un employé a remarqué le cadavre d'un porc. Et en s'approchant, il a remarqué...

    C'est dingue. C'est la même configuration qu'à Berlin. Il y a tout juste un instant, j'étais en 1952 avec le témoin, Jasper Fünf. Et là, à peine l'interrogatoire terminé, je suis sur une nouvelle scène de crime, la même, à Los Angeles, en 2019. OK, je ne me pose pas de questions. Enfin, je ne me pose celle-là, celle de savoir le pourquoi du comment. Les questions que je dois me poser concernent les indices que je peux trouver ici. Et ici, y a-t-il un Jasper Fünf ou un autre indice ? Contrairement à Berlin, en 1952, ici il y a des caméras de surveillance. J'ordonne qu'on les mette de côté. Je fais mon boulot sur la scène sans vraiment y penser. Je sais exactement ce que je vais trouver, jusqu'à la rune Hshl qu'on devine dans les entailles pratiquées sur le dos de la victime. Je pourrais taper mon rapport à l'avance. En fait, je pense à ces vidéos. Je suis plus que pressé de les visionner. J'espère que, même s'il est intelligent et pense à beaucoup de choses, le tueur aurait négligé la présence de caméras de sécurité. Voyageant entre les mondes, il aura peut-être, je l'espère, oublié ce détail. Et puis, c'est un des traits caractéristiques des tueurs en série. À force de ne pas être pris, ils se croient tellement supérieurs qu'ils en commettent l'erreur fatale. Je fais donc mes prélèvements, mécaniquement, et garde à l'esprit que le tueur, peut-être, tue et grave la rune pour voyager entre les mondes et retrouver Eurydice. Cela ne change rien au fait qu'il est peut-être un toxicomane et/ou un malade mental en proie à un délire ésotérique mais, en tout cas, il est bien informé pour connaître l'existence d'Eurydice. Que lui veut-il ?

    De retour au LAPD, je fonce au local visionner les bandes. Enfin, ce ne sont pas des bandes car aujourd'hui, tout est numérique. Bingo ! Le tueur a commis l'erreur que j'espérais. On le voit traîner les corps, celui du porc et de la victime. Le meurtre a eu lieu ailleurs, un peu plus loin. Pas très loin mais dans un endroit plus discret. Ce n'est qu'ensuite que le tueur a déplacé les corps afin qu'on les trouve. En fait, comme un vrai tueur organisé, il a opéré dans un lieu où il se savait en sécurité le temps de faire ce qu'il avait à faire. Il savait qu'on ne l'interromprait pas. Par contre, il a besoin qu'on trouve les corps. Or, ce moment là ne fait plus partie du rituel. Aussi, il a enlevé son masque, celui en cuir avec les cornes de cerfs. Je zoome autant que possible sur son visage. Je fais venir en toute urgence un technicien spécialisé pour qu'il me rende l'image aussi nette que possible. Qui est cet homme ?
    Je crois que je le tiens. C'est effectivement un homme de stature moyenne. Cela apparaît sur la photo imprimée par le technicien, il porte un collier, comme un collier de chien, comme ceux que portent les sadomasos. Ces crimes, ses crimes, seraient-ils commandités par quelqu'un d'autre ? Aurait-il finalement un complice ? Je pense à Antéros. Haze a eu affaire à lui et le SM serait bien son genre. Objectivement, je ne peux rien affirmer mais c'est une piste à creuser.

La Plage des Cafards. Ça fait combien de temps que je suis là ? Je ne sais plus. J'ai l'impression que ça fait des siècles. Des rumeurs courent. On dit qu'on peut s'enfuir. On dit qu'il y a des Passeurs, des gens qui savent comment faire pour se tirer d'ici. Mais s'ils savent, pourquoi ils ne se tirent pas eux-mêmes ?
Au loin, une sirène de chantier ou d'usine se fait entendre...

    Il pleut. Il y a du brouillard. Je ne suis plus à LA, ni à Berlin. Il y a un instant, j'étais dans un local du LAPD à visionner des bandes. Et maintenant, je suis sous la pluie, la Pluie Noire, face à une nouvelle scène de crime. C'est toujours la même scène. L'homme âgé, le pantalon aux chevilles, le porc, mort, à côté. Par acquis de conscience, je retourne le cadavre et retrouve la rune tailladée dans le dos. Je ne suis pas une Mouche. Je ne sais pas vraiment comment ça marche. Moi, pour voyager entre les mondes, j'utilise mes propres runes. Mais, toutefois, je ne crois pas que la rune Hshl fonctionne comme ça. Je ne crois pas que graver une rune Hshl ouvre un passage. Pour ce que j'en sais, le motif de la rune est déjà présent et indique un passage. Graver un rune n'est pas sensé ouvrir un passage. Pourtant, j'ai bien l'impression que mon tueur pense que ça marche ainsi. Et on dirait que pour lui... ça marche ! J'ai déjà fouillé une scène de crime et n'ai pas trouvé de passage. Est-ce que ça vaut vraiment le coup ici ? Il pleut et la pluie a certainement déjà effacé la plupart des indices que j'aurais pu relever. En plus ici, je suis seul, pas d'équipiers du LAPD, pas d'agents de la RPA. Il n'y a même pas de commissariat en réalité. Mais il y a peut-être un témoin et un passage, malgré tout. Un témoin... Et si ici, à Silent Hill, je trouvais un Jasper Fünf ?
    Je sors de la ruelle en courant. Je crois apercevoir une silhouette. Je ne cries pas pour ne pas l'effrayer ou attirer son attention. Je veux juste lui tomber dessus. Je cours. Le paysage défile autour de moi. L'air siffle à mes oreilles, comme une sirène d'usine. Autour de moi - effet de la vitesse ? -,  le bitume s'effrite et s'envole en nuée de limaille de fer. La pluie devient cendre. Mes pas résonnent sur le sol. Ça sonne creux. Je cours sur des dalles d'acier. Autour de moi, tout devient rouge. Les murs se couvrent de rouille et de tâches brunâtres que je sais être du sang. Je rattrape la silhouette. Je veux m'arrêter net mais je suis emporté par mon propre élan. Je reconnais ce truc. C'est le truc noir avec le pic dans le ventre. Il tourne vers moi sa figure noire avec ses trous blancs à la place des yeux et de la bouche. Emporté par mon élan, j'ai peur de m'empaler sur son pic. Mais, je me laisse emporter et lui saute dessus, poings en avant.
    Le truc m'accueille à bras ouverts et... je m'empale littéralement sur son pic. Je ne crains pas la mort puisque je suis déjà mort mais ça fait mal quand même. Et ça fait chier. Il me serre fort. Je suis trop mal pour réagir. Il me fixe de ses yeux vides et je vois.

Nous sommes chez Haze. Tous les trois. La Reine n'est pas là. La Reine est morte. Haze nous a fait venir car il veut savoir qui l'a tuée. Et il veut savoir qui de nous va la remplacer. En effet, il s'est avéré que la Reine avait un rôle à jouer dans toutes cette histoire avec le Seigneur des Recoins et les Homosantos. Nous ne le savions pas à l'époque mais c'était pour rejoindre Kid et Eurydice qu'elle avait quitté la RIM. C'était avant que Haze ne la retrouve et la remette aux Soars qui l'ont ensuite remise à Lewis-Maria.
Haze est convaincu que c'est l'un de nous qui a tué la Reine. Il a raison. Je le sais car je sais que c'est lui qui l'a tuée. Et je crois qu'il sait que je sais. Je ne sais pas si le Cafard le sait. Peut-être... Après tout, il a violé la mémoire de la Reine. Il y a peut-être trouvé des choses qu'elle et lui seuls savent.
Lors de notre petite réunion, je n'ai rien dit. J'ai laissé entendre à Haze que je savais mais je n'ai rien dit. Je ne sais pas pourquoi. Nous ne savons pas qui est sensé reprendre le rôle de la Reine. Ce n'est pas Haze, ça c'est sûr. Alors qui ? Le Cafard ou moi ?
C'est le moment de choisir. Mais de choisir entre Lewis-Maria ou moi. C'est le moment de choisir entre ces trois dernière scènes de crimes.
Empalé sur le pic du truc noir aux yeux blancs, je suis pris de Vertiges... Logiques ! Avant de m'écrouler, de sombrer dans l'inconscience dont je reviendrai, je le sais, en parfaire santé, je choisis...
Merde ! Je choisis quoi ? Berlin et son Jasper qui affirme que le tueur a hurlé le nom d'Eurydice ou  Los Angeles et sa vidéo laissant penser que le tueur est un maso et que son dominant est peut-être le commanditaire des crimes ou son complice ?
Me regard se voile. Je suis de nouveau sur la Plage des Cafards. Je revois le moment où j'ai acquis mes premières runes, celles qui me permettent d'accéder à la dimension du Voyeur. S'il y a une raison pour laquelle le Cafard serait plus digne que moi de reprendre le rôle de la Reine, c'est pour ça !

    L'idée que le tueur soit animé par une sorte d'élan romantique, qu'il tuerait pour trouver Eurydice, ne me satisfait pas complètement. Mais qu'il s'agisse d'un masochiste tuant sur ordre de son dominant me satisfait encore moins. Je réfléchis et finis par penser que s'il reproduit la rune Hshl, ce n'est peut-être pas pour tenter de trouver ou ouvrir un passage vers un autre monde. C'est peut-être pour montrer qu'il sait quelque chose. Et s'il cherche Eurydice, ce n'est peut-être pas motivé par un sentiment amoureux. Par quoi ? Pourquoi ? Je ne le sais pas encore. Mais peut-être qu'en reproduisant le meurtre métaphysique, que ce soit à Berlin, Los Angeles ou Silent Hill, et en marquant sa victime de la rune, il souhaite attirer l'attention d'Eurydice. Il a quelque chose à lui dire ou à lui demander. La rune n'est pas une provocation contre Black Rain. Il veut montrer à Eurydice qu'il est sérieux.
    Eurydice, c'est la Reine qui, la première d'entre nous a fait sa connaissance. Et finalement, que Haze l'ait tuée avant ou après l'avoir remise aux Soars – plus rien n'est sûr aujourd'hui – ça, ça ne change pas. La Reine a et aura toujours croisé la route d'Eurydice et de Kid. Et la menace des Homosantos plane toujours.
    OK, je choisis Berlin !
    Comme la question de l'état du chat de Schrödinger, toutes les possibilités s'écroulent alors que j'ouvre la boite (de Pandore?) qui me ramène à Berlin en 1952.

    Mon tueur est un sorcier, un mystique et peut-être bien aussi un malade mental et un toxicomane. Mais il est aussi bien informé quant à la réalité des choses. Il ne connaît pas tous les secrets (mais qui les connaît?). Il n'est pas aussi bien informé que peuvent l'être les agents de Black Rain, les Cafards et les Soars mais il sait des choses et veut en savoir plus. C'est pour ça qu'il cherche Eurydice, j'en suis convaincu maintenant. Il ne tue pas par plaisir sadique. Instrument de l'Entropie, il a déjà fait son job. Non, il continue de tuer pour attirer l'attention de celle dont il pense qu'elle a les réponses à ses questions.

    Et il ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas ses réponses. La preuve ? Cette nouvelle scène de crime. Je regarde, j'observe et donne des consignes. Rien ne me laisse penser qu'il est encore dans les parages. A-t-il eu ce qu'il voulait ? Eurydice s'est-elle montrée ? Arrêterait-il de tuer si elle se montrait ? Accepterait-elle de se montrer si elle savait que cela stopperait cette série de meurtres ? Et si je la cherchais, elle ? Mais où est-elle dans cette réalité ? Comment la trouver ? Comment attirer son attention ? Ou comment faire savoir, faire croire au tueur que j'ai compris et que je sais où la trouver ?
    Alors, je donne de nouvelles consignes. Je ne lance pas les agents de la RPA sur la seule piste du tueur mais aussi sur celle d'Eurydice. Et de nouveau, devant moi, la réalité ondule. Je la vois comme à travers une sorte de voile invisible mais agité par une brise légère. Les silhouettes de mes collègues ondulent elles aussi. J'avance prudemment. Je lis sur leurs visages déformés que l'expression de mon visage les questionne. Bien que ma vision se trouble, je les entends parfaitement. Ils me demandent si ça va, comment je me sens. Je ne sais pas ce que je veux leur répondre. Je ne sais pas comment je me sens.

    J'ai chaud. Il fait déjà très chaud ce matin à Los Angeles. On est dans un squat. Une nouvelle scène de crime. Une nouvelle victime. Un nouveau porc. Une nouvelle rune. Nous sommes le 8 juillet 2019. La victime du 7 n'existe pas puisque j'ai choisi celle de Berlin. D'ailleurs, ce serait intéressant de vérifier dans les archives s'il y a eu des meurtres à Berlin en 1952. Normalement non,  mais...
    Je ne peux rien dire à mes collègues mais j'ai une nouvelle piste : Eurydice. Je fais mon travail de légiste, comme d'habitude. Je ne néglige rien mais j’avoue que mon esprit est ailleurs. Comment utiliser cette information pour tendre un piège au tueur ? Et si je pouvait trouver Eurydice avant lui ? Et j'ai un flash ! Il sait qu'Eurydice existe. Il connaît la rune Hshl. Il sait certainement que d'autres mondes existent et qu'on peut les atteindre. Il est aussi très probable qu'il se drogue. Dans ce dernier cas, consomme-t-il de la Bille ou de la Noix ? Cela expliquerait bien des choses. Aussi, je cherche des traces de ces drogues sur les lieux. Et je trouve... des coquilles de Noix. Et je me rappelle également qu'il y en avait sur une des scènes de crimes berlinoises. J'avais pensé qu'il ne s'agissait que de nourriture, pour patienter. Mais non ! Il est aussi fort probable que le tueur ait pris de la Noix. Et dans ce cas, où la trouve-t-il ? Il doit être en contact avec la Magicienne. C'est la principale dealeuse de Noix.
    J'ai maintenant deux nouvelles pistes, si on veut appeler ça comme ça. Je dois trouver Eurydice et la Magicienne. Je demande à Black Rain s'ils ont des informations sur Eurydice. Non, mais elle doit forcément être présente dans ce monde-ci. On ne veut pas me dire le pourquoi du comment mais mon interlocuteur affirme qu'Eurydice est là, à Los Angeles. Il ne peut rien me dire de plus si ce n'est que, si je la cherche, je finirais bien par la trouver.
    J'aurais peut-être plus de chance avec la Magicienne. Dealeuse, elle a peut-être déjà eu à faire avec la police. Aussi, je me mets à éplucher les archives. Rien ! En vérité, je ne sais pas si je dois m'en étonner.
    Retour à la case départ ? Pas tout à fait. Pas encore.

Elle est là et j'ai toujours su qu'elle était là. Dans ce monde, dans les mondes... La Reine est morte mais pas elle. Elle, elle est folle. Rendue folle par ses visions, la Bille et la Noix.
Si je la cherche, je finirais bien par la trouver. C'est ce qu'a dit le gars de Black Rain. Et je n'ai pas eu à chercher bien loin en vérité. Je l'ai finalement vite trouvée. J'ai pensé faire le tour des hôpitaux et des centres de désintox ou des foyers pour sans-abris. Mais c'est finalement dans un squat pourri que je l'ai trouvée.
Elle était là, au milieu des ordures. Ordures humaines et ménagères. Déchet parmi les déchets. Rongée par la Bille, la Noix et ses visions. Alors, je l’ai prise  dans mes bras et je l'ai ramenée chez moi. Eurydice...
Elle n'est pas folle. Elle croit qu'elle est folle mais je sais que ce n'est pas le cas. A-t-elle rencontré Kid et la Reine dans cette réalité ?
Elle me fait de la peine. Elle est juste submergée, bouffée non pas par la drogue mais par le poids de ses visions. Comme la Reine, comme nous tous finalement, elle a un rôle à jouer. Mais le sien est écrasant. Quel était le rôle de la Reine par rapport à elle ? Est-ce finalement moi qui doit remplir ce rôle maintenant ?
Je n'ai pas fait que ramener Eurydice chez moi. J'ai aussi ramené le squat, le caniveau de son âme. Et mon salon, mon appartement tout entier se mettent au diapason de l’inconscient d'Eurydice.
Pas besoin de la sirène de chantier pour savoir où je suis maintenant.

Silent Hill...

    De retour à Silent Hill, je m'attends à ce que ce truc avec le pic dans le ventre me tombe de nouveau dessus. Mais si cette ville et son double rouillé sont des émanations de la psyché d'Eurydice, que représente cette créature pour elle ? Est-ce son « croquemitaine » ? ou alors, est-ce une sorte de protecteur ? Contre qui ? Le tueur ? Moi ?
    Cet être noir avec ce pic ressemble à une sorte de poupée vaudou. Un truc maudit...Et si je lui ôtais ce pic, qu'est-ce qui se passerait ? Est-ce que ça aiderait Eurydice à sortir de sa catatonie ? Je m'assure qu'elle va aussi bien que possible et sors. Je n'ai aucune idée de comment faire mais j'espère que ce truc vaudou va me trouver. L'espace d'un instant je me surprends à penser que ce serait peut-être bien lui mon tueur, mais ça ne tient pas debout. Mais ce ne serait pas la première fois que la vérité ne tiendrait pas debout. Finalement, qu'est-ce qui fait que toute vérité n'est pas bancale ? C'est peut-être parce qu'elle nous permet à nous de rester stable. Mais si on prend une béquille, elle est incapable de rester debout toute seule. Pourtant, grâce à elle, nous pouvons tenir debout. C'est peut-être ça la vérité, une béquille incapable de tenir debout mais qui nous permet de le faire. En fait, nous nous appuyons autant sur la vérité qu'elle s'appuie sur nous. Mais ce ne sont pas ces genre de pensées qui vont me conduire au truc.
    Je me rappelle l'avoir vu dans une ruelle. Aussi, je quitte au plus vite les grandes avenues brouillardeuses pour m'enfoncer dans un réseau de petites rues encore plus sombre. J'entends des bruits étranges. Des cliquetis métalliques, des raclements, des gémissements, des cris. Tout ça a l'air à la fois très proche et très loin. J'aperçois des silhouettes, des ombres à travers le brouillard. Elles bougent d'une manière étrange. Leurs mouvements sont saccadés. J'ai par moment l'impression d'assister à une chorégraphie de danse Buto. Mais je reconnais pas de silhouette avec un pic dans le ventre. Est-ce que ce truc sait que je le cherche ? Se cacherait-il ? Pourtant, il m'a déjà battu.
    Et il me vient une idée complètement débile. À un moment, ses mains sont devenues celles d'un squelette. Un squelette, c'est un mort. Je suis mort. Si ce truc est sensé être le croquemitaine ou le protecteur d'Eurydice, que se passerait-il si moi, un mort, je me plantais un pic dans le ventre ? En vérité, ça ne me tuerait pas. J'ai presque envie d'essayer. Presque... En m'enfonçant dans l'entrelacs de ruelles obscures, je cherche quoi que ce soit qui pourrait faire office d'arme. Rien évidemment. Rien sauf... cette sirène. Et le monde change. Après avoir été rongée par l'humidité ambiante, c'est maintenant la rouille qui s'empare des rues. Et avec la rouille vient le truc.
    Je n'ai pas d'arme. Il m'a déjà laissé pour mort. Autant dire que je ne pars pas gagnant. Pourtant, je ne compte pas me défiler. Je veux savoir ce qui se cache derrière les trous blancs de ses yeux. Je veux savoir ce qui se passe quand on lui retire son pic. Alors, je n'attends pas et me jette sur lui. J'essaye de m'emparer de son pic justement. Au mieux, j'arrive à le lui retirer d'un coup. Au pire je dois pouvoir le tourner et lui faire assez mal pour qu'il ne riposte pas. Enfin ça,c'est si je l'atteins.
    Rien n'est gratuit dans la vie. J'empoigne le pic mais le truc se saisit de moi et m'enserre. Impossible de me dégager. Pour autant, je ne veux pas lâcher ma prise. J'essaye de tourner le pic mais il me serre trop fort et je ne parviens à impulser le mouvement que je veux. Alors, je plonge mes dents dans son cou et tente de lui arracher un bout de chair. C'est caoutchouteux et cendreux. Le truc n'a aucune réaction et continue de me serrer contre lui. Au moins, cette fois je ne suis pas empalé. D'une certaine façon, pour l'instant j'ai de la chance. Mais ça ne va pas durer. Aussi, malgré tout, je tente de faire glisser, coulisser le pic. Ça vient petit à petit mais le truc resserre sa prise. Ça fait mal mais ça veut dire qu'il n'aime pas. Alors, je continue. Je tente de forcer la chance et ma vue se brouille alors que l'étau se resserre. J'entends, je sens mes côtes craquer. Je lâche ma prise. Il ne lâche pas la sienne. Est-ce que cette saloperie peut parler ? Je sens que je vais bientôt perdre connaissance. Alors, je joues ce que je pense être un ultime va-tout. Je lâche le nom d'Eurydice en espérant qu'il comprenne et me relâche.
    Et ça marche ! Il desserre son étreinte et me repose doucement par terre. Il me fixe de ses grands yeux blancs mais je n'arrive pas à comprendre ce que ce regard peut bien exprimer. Alors je continues. Je dis que je connais Eurydice, que je sais où elle est et espère pouvoir observer une réaction qui aurait du sens. Et il se passe un truc de dingue ! Sa bouche et ses yeux se mettent à grandir. Ils deviennent énormes. Et les trous se rejoignent pour n'en former plus qu'un qui envahit tout son visage, toute sa tête. Et sa tête devient énorme. Le trou blanc devient énorme. De l'autre coté, c'est blanc et éclatant. Je repense à cette scène de Fight Club, quand le personnage incarné par Edward Norton explore sa caverne intérieure. Il y croise un pingouin qui lui dit « Glisse ! ». Et j'ai envie de glisser moi aussi dans ce grand trou blanc et éclatant. Où ça va me mener ? Le Multivers est infini mais il y a deux mondes où je n'ai pas envie de tomber. Millevaux et Mantoïd. Et comme on ne peut pas dire que je sois le type le plus chanceux de la Terre. Faites au moins que ce ne soit pas les deux en même temps...

    Gagné, perdu, je ne sais pas. Je suis dans Millevaux, pas de doute. Il y a des arbres partout. Mais je suis aussi perdu en montagne. Le sol est escarpé et rocheux. À travers les arbres, je vois le soleil se lever. Il tombe une pluie fine. L'air de rien, ça fait du bien. J'ai encore mal partout après ce que m'a fait subir le truc dans Silent Hill. Finalement, j'ai percé un de ses secrets mais pas celui que j'espérais. Je voulais savoir ce qui le liait à Eurydice et je vois qu'il est une sorte de porte vers Millevaux. Peut-être qu'il est aussi une porte vers plein d'autres endroits. Mais moi, il m'a envoyé à Millevaux. Et je comprends vite pourquoi. Je fais quelques pas et découvre une nouvelle scène de crime. La même, toujours. Comme à Berlin. Comme à LA. Comme à Silent Hill. Il y a tout. Le type avec le pantalon aux chevilles, le porc, la rune Hshl tailladée dans le dos. Tout ça a forcément du sens. C'est juste que je suis trop con, trop fatigué ou juste trop humain pour comprendre. J'ai besoin de repos. Mais c'est vraiment pas le bon moment. Mes pas font un bruit d'éponge en s'enfonçant dans des plaques de mousse imbibées d'eau de pluie. Je regarde autour de moi. Alors que j'étais sûr de rien trouver, je vois !
    Une tablette de bois. Elle n'est pas très grande. C'est vraiment un coup de chance que je l'ai remarquée. Il me la faut. Je m'en saisis. Elle est couverte de signes que je ne connais pas, mais j'en comprends pourtant le sens. Il y a des symboles géométriques et des chiffres qui ne trompent pas. C'est un sort. Et je dois pouvoir le reproduire avec les runes que je possède déjà. Mais quels en sont les effets ? C'est ça que je ne comprends pas.
    Bon, je suis assez stupide pour tenter une combinaison de runes sans en connaître les effets. Mais je ne suis pas assez stupide pour associer n'importe quelle divinité de ce cycle à cette combinaison. Aussi, je choisis Mantorok, le Gardien. Quel que ce soit ce sort, ses effets devraient m'être bénéfiques. Alors ?
    Un voile pourpre (la couleur du Gardien) teint la forêt autour de moi. Et je vois ! J'ai vu ! Mais mon cerveau n'a pas imprimé. Il n'a pas voulu imprimer. Je ne sais pas ce que j'ai vu. Le Gardien a-t-il voulu me préserver de la folie qui me fut révélée ? J'ai vu quelque chose que je n'étais pas sensé voir. Et il ne m'en reste aucun souvenir quand les effets du sort s'effacent. Même si la montagne et la forêt semblent désertes autour de moi, il y a ici quelque chose de dangereux. Je dois partir. Je lance un nouveau sort, celui qui me donne accès à la dimension du Voyeur. Je m'enfuis. Je fuis Millevaux.

J'explore la dimension du Voyeur. Je peux maintenant me rendre à peu près où je veux. Berlin, Los Angeles. Je peux même retourner à Silent Hill. Alors, que se passe-t-il là-bas.
Et je me vois à LA, en train de tester ce nouveau sort avec chacune des trois autres divinités. Mantorok a voulu me préserver dans Millevaux. Les autres ne prendront pas ces précautions. Que je périsse ou devienne fou les comblera de joie au contraire.
Puis, je suis à Berlin, dans les égouts. Qu'est-ce que je fais là ? Je suis en train de tenir tête à un militaire ; un français on dirait. Est-ce en rapport avec le meurtre métaphysique ? Est-ce qu'une nouvelle piste berlinoise me mènerait dans les sous-sols ?
Je ne m'attends pas à trouver quoi que ce soit d'intéressant à Silent Hill. Ou plutôt, je m'attends à forcément voir là quelque chose de dangereux. Alors ? Alors c'est le monde à l'envers. On dirait bien que c'est là, finalement, que je suis le plus en sécurité. En fait, je me vois prendre du repos et récupérer de mes blessures. Eurydice n'est pas là mais je sais que je sais qu'elle va bien. Cette version du futur est tentante. Un peu trop même. Certes, je suis au calme pour l'instant, mais qu'est-ce qui m'attend ensuite ?
Je suis très tenté d'aller à LA pour en savoir plus sur ce nouveau sort. Mais je pense plutôt me rendre à Berlin. Si je suis dans les égouts, c'est forcément qu'une piste m'y a conduit. Si je suis là, c'est que je suis sur la piste du tueur. Cet abruti de Français me fait perdre du temps mais, sachant cela, je peux peut-être l'éviter.

    Berlin, 1952, le secteur français, une nouvelle scène de crime. Je n'attends pas. Je n'attends rien. Je cherche immédiatement la bouche d'égout la plus proche. Elle est fermée mais des traces montre qu'on la bougée récemment. Je le tiens !
    Les égouts sont sombres mais j'ai pensé à prendre une lampe. Je suis tenté de me mettre à courir mais je veux d'abord être sûr de prendre la bonne direction, mais aussi de ne pas me jeter dans la gueule des Français.
    Je sais maintenant que le tueur est accro à la Noix. Aussi, je cherche quelques coquilles qui pourraient traîner et indiquer sa présence. Je sais aussi que taillader la rune Hshl sur le dos de la victime ne crée pas un passage entre le monde. Sinon, il l'aurait utilisé pour fuir.
    La chance est avec moi. Je repère des traces de Noix. Je cours dans cette direction mais ne perçois à aucun moment quelque signe de sa présence. A-t-il déjà quitté les souterrains ? La Noix lui a-t-elle permis de quitter notre réalité ? À moins que... Je sors mes runes et la tablette trouvé dans la forêt. Peut-il se rendre invisible ? Si oui, c'est peut-être de lui, de sa vue, que Mantorok a voulu me protéger ? Mais il est le tueur métaphysique. Aussi, pour cette fois, je m'en remettrai à  Ulyaoth, la divinité liée à la magie et à la spiritualité. Un voile bleu recouvre mon champ de vision. Et je le vois ! Il est loin. Je me mets à courir. Le voile bleu s'estompe. La silhouette du tueur aussi. Mais c'est trop tard... pour lui ! Je l'attrape par l'épaule et le retourne pour qu'il me fasse face. Il ne porte plus son masque de cuir. Je ne le connais pas, ça me rassure. Je lui flanque une droite en plein visage. Il s'écroule.
    Personne à la RPA ne sait que je viens de l'arrêter. Aussi, je fonce vers les locaux de Black Rain. Je l'enferme dans un petit bureau et le laisse mariner le temps de négocier les termes de l'interrogatoire avec mes supérieurs. On le tient. Il ne tuera plus. Mais je veux savoir pourquoi il continuait à tuer et ce qu'il veut à Eurydice. Il n'est pas non plus exclu que son comportement soit lié à sa consommation de Noix. Aussi, la Magicienne est peut-être derrière tout ça. En fait, j'explique à mes chefs qu'il n'est pas impossible qu'elle l'ait rendu accroc à la Noix précisément pour le pousser à agir ainsi. Je leur demande donc l'autorisation de piocher dans nos maigres stocks de Pétrol'Magie afin de le contraindre à parler. Et on pourrait même en profiter pour le guérir de son addiction. Ensuite, il pourrait devenir le 8è prisonnier de la prison de Spandau, donnant ainsi corps à la légende. Mes chefs acquiescent.

    J'entre dans le petit bureau accompagné de deux autres agents de Black Rain. Ils poussent devant eux une espèce de carcan sur roulette. C'est une structure en métal avec des lanières en cuir et de fins tuyaux en caoutchouc. Ils soulèvent le tueur et l'attachent au carcan. Il se retrouve ainsi débout, reposant inconfortablement sur la pointe des pieds. Son cou est enserré par un large collier en acier. Cela contribue à maintenir son corps dans une posture désagréable. De plus, il ne peut détourner le regard quand il voit l'un des agents remplir une poche plastique de liquide noir et y ficher le bout d'un des petits tuyaux. Je lis dans son regard qu'il comprend qu'on va lui injecter ce liquide qu'il ne sait pas être du Pétrol'Magie. Pourtant, il parvient à se retenir de crier. Je ne sais pas s'il est toujours sous l'influence de la Noix. Il y a un vrai risque d'overdose et, sur le coup, ni mes chefs ni moi n'y avons pensé. C'est trop tard maintenant. Je dois aller jusqu'au bout. Mais avant, quand même, je lui pose mes questions. Je ne lui demande pas qui il est. Dans l'immédiat, cela n'a aucune importance. Je veux savoir pourquoi il cherche Eurydice. Évidemment, il garde le silence. Je m'y attendais. Je fais un signe de tête et le liquide noir commence à couler dans le tuyau. Ce n'est pas de l'angoisse que je lis dans son regard. C'est plutôt une sorte d'hébétude. J'espère qu'on ne va pas lui griller le cerveau avant de savoir.
    L'effet du Pétrol'Magie est immédiat. Le tueur convulse. Je jette un regard inquiet aux deux agents. Mais ils restent calmes. Le tueur tend son cou au maximum et scrute le plafond. Son teint devient jaune. Malgré tout, je garde mon calme et repose mes questions. Que veut-il à Eurydice ? Quels sont ses liens avec la Magicienne ? Il prend alors un air mystérieux. Je me retiens de lui flanquer un coup de poing. Je sens qu'il lutte contre la drogue. Derrière lui, de sorte à ce qu'il ne puisse pas le voir, un des agents me fait signe de patienter. Cela ne devrait plus trop durer.
    Alors, est-ce la Magicienne qui lui a fourni la Noix ? Il répond que oui mais que ce n'est pas ce que je crois. La Magicienne n'a joué que le rôle de fournisseur. Elle n'a rien à voir dans sa quête d'Eurydice.
    Et alors, pourquoi chercher Eurydice ? Son regard devient soudain très triste et il dit « … pour faire cesser les voix dans ma tête... » Les voix ? « … les Abeilles... les bourdonnements... »

    L'interrogatoire se poursuit. J'alterne des questions banales sur son identité, sa planque, ses relations, ce qu'il faisait avant la guerre, pendant la guerre. Il n'a pas été victime des expériences occultes menées par les nazis. C'est toujours ça de pris. Je reviens ensuite sur son mode opératoire. Pourquoi reproduire ce meurtre ? Pourquoi ce « dessin » taillé dans le dos de ses victimes ? Et à chaque fois, c'est la même réponse. Les Voix. Les Abeilles.
    Ce type est un pauvre type. Il n'a vraiment pas eu de chance. Il s'est retrouvé instrumentalisé par l'Entropie pour reproduire le meurtre métaphysique. Puis, dans la foulée, les Homosantos se sont servis de lui pour mettre la main sur Eurydice. Mais Eurydice va bien, je le sais. Elle est en sécurité à Silent Hill. Cette ville est dégueulasse mais je sais qu'un truc bizarre avec un pic dans le ventre veille sur elle. Je repense à la dernière fois où j'ai vu Haze et Lewis-Maria. On se demandait qui devait reprendre le rôle de la Reine. Je ne sais pas si c'est moi. Je ne sais pas si c'est ce rôle que j'ai joué. Mais en tout cas, pour le moment, j'ai quand même réussi à protéger Eurydice des Homosantos. Pour combien de temps ? Je n'en sais rien.


Commentaires de Thomas :

A. Forcément, je suis obligé de faire un lien entre le début de ce CR, un Psychomeurtre / Cold City joué à Berlin, avec L’Idole de Berlin, un de tes premiers CR joué avec mes jeux (mais sans Millevaux dedans, à l'époque). La boucle se boucle !

B. J'adore la bascule entre le cadre Berlin 1952 et Los Angeles 2019, sur la même histoire. Bon effet de vertige logique.

C. Ce masque de cuir avec des cornes de cerf. Que fait-il ici ? L'a-t-il oublié ?
Millevaux se fait discret dans ce dernier épisode. Ce masque en est le premier indice.

D. « Et le monde change. Après avoir été rongée par l'humidité ambiante, c'est maintenant la rouille qui s'empare des rues. Et avec la rouille vient le truc. »
De ce phénomène très silent-hillien, on pourrait aussi lire une prémisse de Millevaux : avec la rouille vient la pourriture, puis l'humus...

E. « Je dois partir. Je lance un nouveau sort, celui qui me donne accès à la dimension du Voyeur. Je m'enfuis. Je fuis Millevaux. »
Passage hyper rapide dans Millevaux, systématiquement fui par les personnages : soit on se dit que le multivers est une fausse bonne idée parce qu'il permet de quitter rapidement les univers les plus horrifiques, soit on se dit que la rareté de Millevaux en fait sa qualité d'univers-croquemitaine qui serait plus menaçant que les autres.

F. « Je l'attrape par l'épaule et le retourne pour qu'il me fasse face. Il ne porte plus son masque de cuir. Je ne le connais pas, ça me rassure. Je lui flanque une droite en plein visage. Il s'écroule. »
J'aime bien que le signalement physique du tueur s'arrête à ça, c'est intéressant.

G. Qu'as-tu utilisé de Perfect dans ce RP ?


Damien :

C. Le Masque est un des attributs du Tueur dans la Trilogie de la Crasse. Il y en  d'autres mais j'aime bien celui-là. Et puis, c'est vrai qu'il évoque a forêt et donc, quelque part, Millevaux. En fait, j'ai mélangé et remis à ma sauce les BG de Millevaux, Mantra et la Crasse. Ce ne sont finalement plus tout à fait les uns et les autres mais un mix.

D. Ah mais c'est clairement Silent Hill. Il y a 3 niveaux dans ce scenar : Berlin, LA et Silent Hill.

E. Dans ma vision de Mantra et de La Trilogie de la Crasse, Millevaux devient une autre manifestation de l'Entropie. C'est un peu comme des bulles de putréfactions qui s'échappent du cadavre de l'Hommonde pour venir corrompre les autres univers. Donc oui, c'est vraiment un univers croquemitaine. On l'évite, on cherche à s'enfuir. On s'en préserve autant que possible. Mais il a sa vie propre. Après tout, je le conçois aussi comme un avatar de Shub-Niggurath. Pour moi, Millevaux est devenu autant le domaine de la Chèvre qu'une incarnation de la Chèvre elle-même et elle se répand.

F. Là, j'avais postulé que le tueur pouvait être un PNJ déjà rencontré, voire Haze lui-même. Les D en ont décidé autrement. Et c'est ptete pas plus mal ^^

G. Le Cycle narratif Crime/tentative de capture ou recueil d'indice/scène de « torture »/XP du criminel.


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#72 23 May 2022 13:13

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

GRÃ…TMYRSBAN, SECONDE PARTIE

Plongée au cœur du scénario de Gratmyrsbarn, avec une ambiance glaçante dans tous les sens du terme. Un enregistrement de partie par Claude Féry.

(temps d’écoute : 1H)

Joué le 05/01/2020

Le jeu : La Sorcière de l’écorce, un jeu de rôle suédois d’horreur folklorique et forestière par Pelle Nilsson et Johan Nohr.

Le scénario : Grätmyrsban, une glaçante histoire d'enfants disparus par Pelle Nilsson et Johan Nohr

Lire / télécharger le mp3

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Lilian D, cc-by-nc-nd


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).

Commentaires de Thomas après écoute :

A. Intéressant ces archives sur les expériences de mort imminentes : à Millevaux, les souvenirs d’expériences de mort imminentes sont très recherchés

B. C’est astucieux d’avoir interprété un personnage dans le premier épisode pour le confier à Mathieu lors du deuxième épisode : dans ce type de scénario, l’irruption d’un nouveau PJ en cours de route serait mal passé.

C. Super intéressant que tu précise que le nom de la rivière est sami et non norrois : encore un crossover entre les sami et Millevaux…

D. Là encore tu fais un gros travail d’extrapolation sur le PNJ Anders

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Gabrielle joue Sven

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Mathieu joue Pelle

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Xavier joue Chat-Chat


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#73 26 May 2022 10:33

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

GRÅTMYRSBAN, TROISIÈME PARTIE

La conclusion du scénario sous forme de pinacle horrifique, avec une fenêtre dimensionnelle ouverte sur Millevaux. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry

(temps de lecture : 3 min ; temps d’écoute : 1H49)

Joué le 05/01/2020

Le jeu : La Sorcière de l’écorce, un jeu de rôle suédois d’horreur folklorique et forestière par Pelle Nilsson et Johan Nohr.

Le scénario : Gråtmyrsban, une glaçante histoire d'enfants disparus par Pelle Nilsson et Johan Nohr

Lire / télécharger le mp3

Avertissement : Contenu sensible (voir détail après l'image)

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Alex Berger, cc-by-nc

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).

Contenu sensible : maltraitance enfantine



L'histoire :

Nous avons donc joué la suite et la conclusion du scénario Gråtmyrsbarn.

Sven, aidé de Pelle, ont circonscrit le lieu de disparition de Veronika par leurs recherches et sont repartis, à ski cette fois, malgré d'inquiétant présages., (découverte de dépouilles d'animaux autour de leur ponton). Après s'être à demi égarés dans la réserve ornithologique et avoir exploré un vieux bunker désaffecté, ils ont suivi les traces laissées la veille par la motoneige et ont découvert le pick-up de Veronika sous un amoncellement de neige.
Le téléphone de Chat-Chat a fait de nouveau des siennes, (il avait reçu plus tôt un appel du numéro de sa sœur où une gamine fredonnait des phrases énigmatiques), et s'est calé sur la page YouTube d'un groupe oï russe. L'autoradio s'est mis en marche tout seul pour lui faire écho, puis à nouveau le froid et le murmure de la forêt.
Alors Pelle a cru discerner un reniflement et des pleurs étouffés par la distance. Ils ont remonté une sente forestière jusqu'à une clairière.
Là, une gamine était suspendue, attachée par une corde au-dessus d'une mare fangeuse, comme dans le snuff movie visionné sur le dark Web. Mais Elle fredonnait.
Sven a coupé la corde à l'aide d'une dague de chasse récupérée dans un vieux refuge de chasseur, ayant appartenu à un psychopathe ayant tué une gamine à coups de couteau et reconnu fou, capitonné dans un asile du sud du pays.
Mais à peine libérée la petite gamine s'est mise à flotter dans l'air, puis son visage réduit à deux puits sur un noir insondable a tenter de dévorer Pelle. Chat-Chat a mis le feu à la houppelande couvrant la créature et tous en en profité pour la fuir. Dans leur fuite, ils sont tombés sur Veronika, un bras cassé, gisant contre un arbre.
C'est elle qui avait suspendu la créature et c'est le seul moyen de contenir sa faim dévorante, son désir de vengeance sur les grands qui l'abandonnèrent au fond du bois lors des famines de 1905.
Après avoir repris le rituel et suspendu la créature, Sven débloque les portières de la voiture.

Millevaux

Lorsque Chat-Chat met la main sur la poignée gelée, (il avait ôté son gant pour utiliser son briquet), il contemple le même pick up tout rouillé avec sur la plate forme arrière une caisse contenant un missile.  Le vieux Monsieur, lui sourit depuis le siège du conducteur.

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Commentaire de l'auteur :

wow fantastic, many thanks »

Puis a retweeté sur son compte :
About a year ago we made Barkhäxan - an evil little game about horror in the forests of northern Sweden, not unlike The Blair Witch Project in tone. We only made it in Swedish, but these guys translated it into French (and also played it). We are very humbled.

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Commentaires de Thomas après écoute :

A. La sensation de froid est bien rendue tout du long des trois épisodes

B. Sympa d’avoir prévu un effet sonore pour la sonnerie du portable de Chat-Chat

C. Hé hé à voir Xavier marri de perdre des PV, je pense à mon fils qui ne supporte pas ça non plus :)

D. J’adore le fait que Mathieu cherche une explication rationnelle aux caprices du téléphone de Chat-Chat :)

E. Remarque de game design de scénario : je me dis que ça doit être rarissime que les persos ne coupent pas la corde

F. Hé hé tu fais bien peur quand tu fais l’enfant qui chante:)

G. En écoutant, on réalise bien toute l’horreur du scénar : pour se protéger de l’enfant, il faut à nouveau l’abandonner…

H. C’est super intéressant le cliffhanger de fin avec morphing vers Barbaque ! Bel effet de vertige logique

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Claude :

D. Chez Mathieu la suspension de l'incrédulité est au prix d'une démarche de cohérence immersionniste. Et même si il place des éléments pour se distinguer de son personnage il a beaucoup de mal à ne pas vivre la partie.
C'est un équilibre délicat à obtenir

E. L'auteur est un joueur de la scène OSR où la dimension tactique et les choix de la joueuse priment sur tout le reste.

G. Boule d'Or ?


Thomas :

G. Ah oui je ne m'étais pas rendu compte du parallèle, mais c'est évident. Mélocoton et Boule d'Or sont des enfants abandonnés.
(du moins dans ma vision des choses)

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Auteur de Millevaux.
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#74 06 Jun 2022 12:34

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LÈPRE NOIRE

Un épisode particulièrement sombre et cauchemardesque à la rencontre de trois sorcières qui hantent la forêt, les voies déchues et les rizières autour de Little Hô Chi Minh Ville. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry

(temps de lecture : 4 min ; temps d’écoute : 1h47)

Joué le 12/01/2020

Le jeu : We Forest Three par Rae Nedjadi : pour qui vous prenez-vous pour vous aventurer dans cette forêt que vos ancêtres ont abandonnée ? (un jeu OSR-Sword dream pour un seul perso, basé sur le folklore philippin)

Lire / télécharger le mp3

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Keith M Avery, cc-by-nc

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


Le bilan :

Nous avons joué avec Xavier et Alex une incursion dans Millevaux.
J'ai choisi de la bâtir autour du jeu We Forest Three.
Nous avons joué la procédure proposée par cet excellent jeu jusqu'à la rencontre avec la première des trois sœurs.
Nous avions convenu que cette partie est la mise en jeu du trouble ressenti par Albert, Petite et Léo lorsque Monsieur Clément, le chauffeur du pick-up leur a offert d'effeuiller l'un de ses almanachs glané sur sa route. Assis dans une maison en ruines à deux cents mètres de la voie déchue, ils ont brassé les souvenirs de Hin, Kaluna et Chat-Chat, des gamins d'en bas, une communauté forestière alimentant Little Hô Chi Minh Ville,

La partie fut plaisante même si Xavier a quelque peu tiré la couverture à lui.
Alex a déroulé le fil d'une lèpre mentale dont souffre Kaluma / Petite. Seule Kaluma voit la maladie progresser...une FOLIE ?

Le titre Lèpre noire est inspiré des remarques d'Alex lors du bilan et remet en perspective cette session au sein de notre campagne.

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Xavier joue Leo / Chat-Chat / Kara / Cain


Commentaire de l'autrice

Wow this is so cool! I love seeing WE FOREST THREE used in such a creative way for campaign play


Commentaires de Thomas :

A. À l'époque où on faisait des donjons, on avait un sérieux problème de déséquilibre entre les joueuses assidues et les joueuses ponctuelles, les premières ayant gagné beaucoup plus de niveaux que les autres, elles pouvaient littéralement faire le scénario sans l'aide des secondes. Quelque part avec Xavier tu as peut-être le même problème option narrativiste. Comme Xavier joue le plus souvent, ses personnages sont plus étoffés et aussi il maîtrise beaucoup plus les codes de la table qu'il a activement participé à façonner. Forcément, en pente naturelle, il va prendre plus de place que le joueur plus ponctuelle qu'est Alex. Si c'est un vrai problème, je suppose qu'on peut le résoudre par le dialogue ou par un effort de ta part pour centrer l'intrigue sur les personnages des joueuses ponctuelles.

B. C'est très cool que tu informes les auteurices des jeu de tes parties. ça fait toujours plaisir je pense.

C. Peux-tu nous donner un peu plus de détails sur We Forest Three ?

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Claude :

A. La discussion a été amorcée à l'issue de la dernière session et je pensais leur proposer d'explorer le ressenti de Petite lors de notre prochaine séance.

C. Un jeu solo, où sur option, à plus, pour jouer une chasse aux trois sorcières qui menacent notre communauté. La forêt peut être métaphore, mais sa progression est menace. Ancré dans le folklore des Philippines.


Thomas :

A. Cool

C. Oh là là ça a l'air passionnant. Ça colle tellement à Millevaux, et encore un jeu d'origine asiatique, ça ne mange pas de pain (ça me fait penser que le film Tropical Malady est un film de chevet et je voudrais beaucoup faire un replay de partie dans cette veine pour la version finale d'Inflorenza 2.) Et en plus, c'est dans la vague Sword Dream !

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Alex joue Kaluna


Commentaires de Thomas après écoute :

A. Très intéressant de faire le lien entre l’almanach de Mr Clément et les feuilles poèmes de Central Park. Par ailleurs, on pourrait faire un lien avec les feuilles mémorielles de Métro…

B. Entre son truc de faire moisir le végétal et son nouveau passage du côté obscur, on dirait que Xavier cherche à se soustraire de l’horreur. Quelque part, je me demande si son trip avec les Pokemon lors de la partie de la Sorcière de l’Écorce ne procède pas du même échappatoire.

C. Sympa le retour de notre Boule d’Or fugueur : on doit pouvoir dire qu’il souffre de l’appel de la forêt comme dans le jeu de rôle Summerland :)

D. Le récit qu’Alex fait de son rêve est vraiment top.

E. Le fait de mentionner les noms véritables évoque les multiples vies de personnages voués à l’oubli

F. Utilise-tu des mécaniques de We Forest Three ou juste son ambiance générale ?

G. Très sympa de demander aux persos comment ils ont déjà pu se protéger du Titan Kalaung par le passé

H. Les diatribes du Titan Kalaung m’évoquent L’Apocalypse selon Millevaux :)

I. Le retour de l’esprit malin de Léo évoque la plongée dans les vies antérieures des personnages

J. Sympa de réciter la vanne sur les quatre saisons de Millevaux :)

K. Les délires de Xavier autour du sang, du bras-lame, de la corde de pendu et du briquet sont saisissants (bien que dans son esprit ça a plus de réalité que ce que tu lui en accordes, puisque tu valides ses propositions comme des visions et non comme des faits)

L. La sorcière est comme une version maléfique de la grand-mère de Boule d’Or :)

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Claude :

B. Oui, de son propre aveu. Toutefois Xavier se plaint du manque d'adversité si il n'y a pas de monstres qui font peur.

C. Il me semble qu'Alex avait émis cette hypothèse (l'appel de la forêt, sans le lier au jeu qu'elle ignore).

F. J'ai commencé la session en utilisant les seules mécaniques de We Forest Three, et à mesure des apports des joueuses, je me suis contenté du décalage de canon produit.

K. Une pomme de discorde entre Gabrielle et Xavier. La toute puissance créatrice que s'accorde ce dernier est vécue comme un déni de jeu, une rupture de cohérence par le second.

L. Oui, c'est Baboushka de la session The Body /Hack  ou la babayaga.
Cette dernière acception prendra plus de relief à priori dans Muddus.

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Thomas :

C. L'appel de la forêt (The call of the Wild) est aussi un roman de Jack London (adapté en film cette année, avec Harisson Ford) sur un chien domestique enlevé et intégré de force comme chien de traîneau, puis devenant chef d'une meute de loups. ça pourrait très bien s'adapter à Millevaux :)

K. Je suppose que ça a été frictionnant aussi dans la partie Puok Krisd Sasanik [à paraître] où Xavier va jusqu'à sortir un fusil (à la balle décrite comme très létale) ainsi qu'un piano à queue de son œil :)


Claude :

C. Le premier roman qu'ait accepté de lire Xavier

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#75 09 Jun 2022 08:32

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LE SECRET DE SAMAËL FAUCHIN

Vivants, morts, fantômes, mourants, marchent de concert dans la forêt qui s'assombrit. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry.

(temps de lecture : 3 min, temps d’écoute : 45 min)

Joué le 20/01/2020

Le jeu : Your Dead Friend, par Jeeyon Shim (jdr/gn en duo où deux amis se promènent un forêt la veille de la mort d'un d'eux)

Lire/télécharger le mp3

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netzanette, cc-by-nc


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


Bilan :

Nouvelle incursion en Millevaux avec Xavier cet après-midi, avec pour véhicule Sève la durée du oui.
Xavier joue Samaël Fauchin, je joue Tuuka.
Partie de courte durée, (45 minutes) que j'envisageai, a priori, douce et mélancolique, sous les auspices de Your Dead Friend et qui a changé de tonalité pour devenir sombre et horrifique, sans que nous n'ajoutions d'adversité extérieure, le personnage de Xavier était là pour cela.
Xavier a souligné que cela manquait d'adversité incarnée de monstre à affronter.
Je suis heureux des moments de convergence de la séance, des instants où une proximité, un embryon d'intimité s'est tissée entre nos personnages.
Mes premières instances étaient imprégnées de procédures issues de Your Dead Friend et j'ai pu voir les émotions naître sur le visage de Xavier.
J'ai mis en jeu mon poème et il a influé nettement sur l'interprétation de mon personnage, Tuuka.

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Commentaires de Thomas :

A. Samaël Fauchin a-t-il un lien avec le premier personnage de Xavier, Samaël ?

B. « Xavier a souligné que cela manquait d'adversité incarnée de monstre à affronter. »
En effet, ce n'est pas ce à quoi on est censé s'attendre en jouant à Your Dead Friend. Xavier était-il informé à l'avance du caractère contemplatif du jeu ?

C. J'ai cru voir sur votre table des pierres glanées sur un champ de fouilles. Les avez-vous utilisées en jeu ?

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fragment d'obus


Claude :

A. Non dans la phase de création mais il a établi des liens en session et après

B. Oui mais il en a décidé autrement après

C. Oui, les feuilles utilisées lors de la séance ont été créées à partir de celles-ci.

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Commentaires de Thomas après écoute :

A. Un champ lexical forestier très vaste dans ce monologue d’intro

B. Où se passe cet épisode géographiquement ? Douaumont ?

C. Au début, tu dis qu’on ne sait pas qui va mourir des deux et je crois que ça minimise la portée de la proposition de Your Dead Friend (où, il me semble, on sait lequel des deux persos va mourir)

D. Xavier est bien à l’aise dans la narration partagée

E. Un opossum : encore une anomalie bio-géographique comme le panda roux :)

F. Super l’image du casque de bouc qui pleure trouvée par Xavier :)

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Claude :

A. Cette introspection de Tuuka présente le décor et la situation initiale. L'idée que j'avais en tête c'est la forêt au cœur du parc naturel de Muddus.
Nous avions regardé avec Xavier un documentaire sur les forêts scandinaves.
J'ai tenté de décrire cette forêt en détails, comme si elle nous habitait.
C'est notre milieu. Nous vivons en son sein et elle vit en nous.

B. De fait en Suède. Toutefois je l'imaginait comme étant la forêt qui avait enseveli la partie urbaine qui jouxte la forêt noire actuellement, Ce sont ceux d'en-bas, l'un des groupes qui alimente dans mon imaginaire Little Hô Chi Minh Ville.

C. On en convient au départ effectivement. De fait en nous ménageant cette ouverture, Xavier a compté la mort de son personnage que je redoutais initialement et j'ai envisagé que mon personnage questionnait sa croyance et son interprétation de ses rêves prémonitoires et se trouvait convaincu jusqu'à ce qu'il trouve le saule que c'était lui qui devait disparaître et non pas son copain.
Que Xavier n'ait pas joué le jeu ne m'a pas empêché d'enrichir notre partie de certaines propositions de Your Dead Friend même si ce fut a minima.

E. Xavier avait flashé sur une photographie de ballade forestière de Kira Magrann juste avant de débuter la partie.


Auteur de Millevaux.
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#76 04 Jul 2022 12:19

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

MUDDUS

Ambiance délétère de film nordique pour ce premier opus qui amène l'horreur par petites touches. Un récit et un enregistrement par Claude Féry.

(temps de lecture : 5 min ; temps d’écoute : 2h03)

Joué le 02/02/2020

Le jeu : La Sorcière de l’écorce, un jeu de rôle suédois d’horreur folklorique et forestière par Pelle Nilsson et Johan Nohr.

Lire / télécharger le mp3

Générique de la Sorcière de l'Écorce

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Michiel van Nimwegen, cc-by-nc-nd

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


L'histoire :

Préparation non préparation de notre prochaine partie, une séance qui sera placée sous les auspices de la Sorcière de l'écorce. Elle se passe dans le parc de Muddus, notre prochain lieu de villégiature...

Quarante minutes pour définir à cinq la situation de départ et créer les personnages.
Xavier joue Oscar Millepois un collégien passionné par le dessin, tendance manga, en établissement Freinet.  Alex joue Leslie Millepois, sa sÅ“ur, une jeune lycéenne passionnée par les écorchés et les technologies chirurgicales. Tous  deux sont invités pour une excursion de 4 jours au parc National de Muddus en Suède par leur cousin Adrien Dumont, un jeune virologue qui conjugue une semaine de vacances familiales subventionnées par son C. E. avec un séminaire d'immunologie qui doit se tenir sur la dernière semaine de Juillet 2020. Il est joué par Mathieu.
Gabrielle joue Joris Karl Conan, un jeune écrivain, cousin germain d'Adrien qui s'est exilé en Laponie pour se consacrer à son écriture.

Fiction deux heures, Mathieu a du nous quitter au bout de 35 minutes.

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Gabrielle joue Joris Karl Conan

Cela fait plus d'un an que Joris Karl est parti. C'est l'occasion de renouer avec la famille et de « remercier »  son bienfaiteur de cousin qui lui a obtenu une résidence en mécénat dans l'hôtel arboricole non loin de Jokkmokk, payée par sa boîte de recherches médicales.
Pour les trois grands voyageurs, l'arrivée à Lulea est un soulagement après la chaleur étouffante de Paris.
Ils voyagent peu nombreux sur la ligne intérieure pour se retrouver dans le combi Volkswagen affrété par l'office du tourisme de Noorbotten avec l'asiatique dûment masqué qui a fait route depuis Paris avec eux.
Leur chauffeur, Stig Noorboyten, un Saami en costume traditionnel à la soixantaine bien sonnée, sera leur guide pour leur randonnée dans le parc de Muddus. Leslie l'a pris pour un vieux déguisé en père Noël.
Adrien a été rassuré par les moyens déployés par les compagnies aériennes pour s'assurer de l'innocuité de leurs passagers au regard de la pandémie du Corona virus.
Ils passent la nuit dans la cabane de Joris Karl. Les deux grands dorment par terre dans leurs sacs de couchage, le frère et la sœur dans le lit deux places.

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Xavier joue Oscar Millepois

Au matin, le réveil tonitruant au gros son de rappeurs finlandais qui répandent leur Flow à la radio est une torture pour Leslie. Elle s'éveille avec le genou gauche bloqué. A l'examen, un immense hématome noircit sa cuisse et trois vilaines griffures purulentes entaillent son genou.
Joris Karl est maniaque et s'assure que toutes les issues sont hermétiquement fermées et remonte l'échelle de corde.
La boîte de céréales est éventrée et le sachet plastique plein de bave.
Cela n'empêche pas Oscar de manger avidement le reste.
Une martre peut-être ?
La blessure est trop vilaine et leur trousse à pharmacie trop légère.
Joris les accompagne chez Georg, un pharmacien qui parle un peu français.
Là le pharmacien soigne l'adolescente revêche. Piqûre antirabique, antibiotique large spectre, c'est sans appel une griffure d'ours noir.
Au moment de passer la carte européenne, Leslie apparaît dans le registre du pharmacien comme Leslie Ranso, âgée de 92 ans.
Ça lui parle Ranso.
Il n'est pas Sami lui même, mais par alliance avec sa défunte femme emportée par un cancer.
Et les Ranso sont célèbres pour avoir lutter contre la couronne pour maintenir leur droit à exploiter leurs terres au moment du tracé de la route et de l'extension du parc.
C'étaient pas des éleveurs de rennes, mais des vachers élevant des danoises. Dont une, la Marguerite a remporté de nombreux concours agricoles, une vache toute blanche, une albinos.
Puis le pharmacien a observé attentivement et de très près Leslie. Son regard lui dit quelque chose. Il demande par courriel à son fils éleveur de rennes qui lui renvoie une vieille photographie des enfants Ranso... Il y a un air de famille.
Shooté au cocktail de médocs, Leslie accompagne le petit groupe pour l'excursion qui débute par la visite de l'élevage de leur guide.
Ce dernier en profite pour faire l'article des produits de l'artisanat local.
Oscar lui achète un couteau et une pierre à aiguiser.
Il y laisse toutes ses couronnes.
Sur la pierre figurent des sigil.

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Gabrielle joue Joris Karl Conan

Stig remarque que Leslie boitille et lui administre un remède Saami à base de plantes.
Départ de l'expédition dans la forêt d'épicéas.
Puis la tourbière.
Stig les invite à quitter le chemin de planches pour goûter la mélasse noire qui suinte d'un champignon blanc. Adrien et Leslie goûtent c'est pas mauvais.
L'asiatique se régale.
Il se présente : Kiyoshi Kurosawa. Il réalise des films d'horreur. Kiyoshi tousse.
Oscar lui demande si il est atteint par le virus. Il lui répond « of course not! », il insiste.
la marche reprend.
Kiyoshi reste près du guide.
L'atmosphère est tendue.
Ce dernier, l'air mauvais, observe un gars au bord de l'eau assis sur un siège pliant qui prend des notes sur un ordinateur portable.
Il se rue sur lui, l'insulte copieusement, casse son matériel et le bouscule.
L'inconnu s'éclipse sans demander son reste, abandonnant son matériel sur place.
Stig explique qu'il s'agit de Clas Vahn, un emmerdeur d'ufologue qui n'a rien à faire sur les terres tribales. Après une longue marche, ils parviennent à une soucoupe volante perchée dans un arbre qui leur servira de logis pour la nuit. Ce refuge ridicule, c'est à cause des conneries de Svahn...
Pas de feu, y a tout ce qui faut dans le refuge. Quartier libre jusqu'au lendemain 10h00.
Le Témoignage audio suivra.
Nous jouerons la suite la semaine prochaine.

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Gabrielle joue Joris Karl


Commentaires de Thomas après lecture :

A. Rien qu'à lire la présentation des personnages, je sais que ça va tourner au film d'horreur :)

B. Très cool de voir une nouvelle partie centrée sur le folklore Saami :)

C. « Elle s'éveille avec le genou gauche bloqué. A l'examen, un immense hématome noircit sa cuisse et trois vilaines griffures purulentes entaillent son genou. » :
Ça sent la promenade somnambule qui se conclut par une attaque de zombie :)

D. « Stig les invite à quitter le chemin de planches pour goûter la mélasse noire qui suinte d'un champignon blanc. » :
Ça sent pas le bon plan :)

E. Kiyoshi Kurosawa : rigolo le caméo de l'auteur du film Charisma que tu avais cité comme inspi pour Millevaux :)

F. J'aime beaucoup l'altercation avec l'ufologue, je trouve ça assez typique d'un film d'ambiance aussi, on se demande qui est méchant, le guide ou l'ufologue.

I. Muddus, c’est un scénario de ta plume, pas un scénario officiel de Barkhäxan ?

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Xavier joue Oscar Millepois


Réponse de Claude :

E. J'ai dialogué dans un spit English de bon ton et Alex m'a surpris en jouant l'impact sur son personnage de la rencontre avec un réalisateur de film d'horreur.
La suspicion de Xavier était jouée à fond et cela a donné une scène intense autour d'un malaise confus empreint de racisme et d'ostracisme. Nous sommes demeuré dans le jeu et l'interprétation mais ce fut intense

F. J'ai préparé ma session en effectuant des recherches sur Internet. Le groupe UFO Sweden existe tout autant que l'ufologue.
L'opposition de Saamis aux investigations de ces chercheurs est en revanche pure invention.
Toutefois je souhaite aboutir à une situation semblable à celle dépeinte dans Cœur de Tonnerre de Michael Apted.
Le personnage de Stig est le souvenir d' un activiste de l'AIM que j'ai rencontré en 2000. Je cherche à créer une tension autour des terres ancestrales du parc, pour que notamment l'événement aléatoire à base de bâche plastique prenne toute son importance.

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G. L'autre moment intense était la scène de la pharmacie.
La blessure est un évènement aléatoire. Toutefois en le mettant en jeu, j'ai immédiatement établi un lien avec la menace qui plane sur le petit groupe de touriste.
J'ai joué en convergence avec les éléments matériels dont nous disposions. La photographie d'enfants de Muddus prise dans les années 40 et Alex face à moi.
Par coquetterie elle porte un cache nez et des gants. A ce stade j'ai réalisé que je n'avais pas pris de photographe de la séance.
Devant moi j'avais son regard intense, tout comme celui de la photographe des enfants que je voulais jouer.
Avec ma main j'ai mimé Georg isolant son regard et l'examinant attentivement. Puis il lui demande de la prendre en photo, ce que je m'empresse de faire.
La scène fut intense.
Alex a précisé que cela provoquait un malaise perceptible chez Leslie, en revanche elle s'amusait beaucoup de voir l'étrange s'installer à notre table.

H. La pierre à aiguiser avec sigil est un apport, parmi d'autres de Xavier. Celui-ci a cependant interpellé Gabrielle qui a oublié qui en était l'auteur et y perçoit un lien trouble avec l'identité trouble des enfants saami français

I. De mon cru

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Alex joue Leslie Millepois


Commentaires de Thomas après écoute :

A. C'est fou comme entendre un PNJ parler en anglais peut être immersif.

B. Cette introduction très low-key ressemble vraiment à du jeu de rôle de tourisme :)

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Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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#77 07 Jul 2022 07:47

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

VENGEANCE SYNDROME

Suite du scénario Muddus. On poursuit l'ambiance de polar nordique, sur fond de vengeance et de contamination. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry !

(temps de lecture : 5 min ; temps d'écoute : 22 min + 1H55)

Joué le 08/02/2020

Le jeu : La Sorcière de l’écorce, un jeu de rôle suédois d’horreur folklorique et forestière par Pelle Nilsson et Johan Nohr.

Playlist La Sorcière de l’Écorce

Cet après-midi avec Alex, Gabrielle et Xavier nous jouerons la  suite de notre partie de La Sorcière de l'écorce, intitulée Muddus.

Lire/télécharger le mp3 (partie 1)

Lire/télécharger le mp3 (partie 2)

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Thomas, cc-by-sa

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


L'histoire :

Alors que le ciel puise la lumière pour la répandre vers les étoiles, Leslie prépare le repas du soir : renne et purée lyophilisée. A la demande d'Oscar elle prépare ensuite des gaufres. La soucoupe suspendue dans les arbres est agréable et fonctionnelle. Ils trouvent du lait, de la viande, des céréales de quoi se sustenter ce soir et déjeuner le lendemain.
Oscar est ravi des couchettes qui ressemblent à celles de Tintin dans l'album objectif lune.
Il dessine et négocie une gaufre d'avance sur le petit déjeuner. Adrien s'endort sur son téléphone en tentant de lire la documentation téléchargée.
Joris Karl s'endort à demi sur ses notes et retrouve la photographie d'une obscure gravure glissée comme marque page dans son carnet, une représentation d'un Svarog en puissance.
Kiyoshi, après avoir contemplé longuement la forêt, par la baie qui éclaire le séjour, se couche aussi.
Le sommeil fuit Leslie qui repousse une attaque somnambule d'Oscar vers la pile de gaufre.
Il renonce et se rendort par terre avec la BD de Tintin rabattue sur la tête.
Le froid et un radio-réveil Bang & Olfusen les réveillent. Oscar danse comme un fou sur le rap Lapon et Kiyoshi retient le geste de Leslie qui s' apprêtait à couper la chique à la Saami revendicative pour profiter de son Flow.
Adrien beugle. « c'est quoi ce binz ! »  désignant la bâche plastique qui remplace la porte oblongue de la soucoupe. En s'approchant il butte sur une bonbonne métallique qui achève sa course contre le chambranle de la porte. Inscriptions cyrilliques sur fond anodisé.
Non sans mal il arrache la bâche agrafée depuis l'extérieur, la porte sagement posée sur le perron.
Kiyoshi l'aide à revisser les charnières et replacer la porte sur ses gonds. Une visseuse électrique gisait dans l'herbe sous l'échelle de corde.
Leurs narines sont emplies d'une odeur de cramé. Ils cherchent partout le départ de feu, sans succès.
Kiyoshi demande à goûter une gaufre. Leslie l'y autorise. Oscar et Adrien se joignent à lui.
C'est dégueulasse, pâteux et ils ont la bouche desséchée après une bouchée.
Un mince film gras et jaunâtre recouvre tout.
Il est six heures et c'est n'importe quoi beugle Adrien hors de lui.
Il est fiévreux, inquiet désorienté.

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Il chuchote à l'oreille de son cousin un discours décousu à propos de ses lectures de la veille.
Son débit est si rapide, qu'il perd le contrôle de sa voix et attire l'attention des gamins.
L'OCP n'a pas un stock suffisant pour faire face à la pandémie et envisage de diffuser des placebo en masse. Son séminaire c'est une réunion de crise et on a cherché à les gazer ! Et l'autre Kiyoshi il est atteint. On est des putains de rats de laboratoire.
Puis après sa diatribe il est saisi d'un vertige. Son bras est bloqué. Leslie l'examine, pas de griffures, mais il est brûlant de fièvre.
Elle lui donne un de ses cachets.
L'eau ne fonctionne plus dans le chalet.
Plus de réseau, non plus et l'application boussole est folle !
Adrien clame qu'il faut partir immédiatement.
Kiyoshi est pris d'une nouvelle quinte de toux.
Il descend une carte du parc qui était punaisée dans leur chambre.
Nouvelle quinte de toux.
Kiyoshi déclare qu'il doivent se séparer maintenant.
Dans la main il tient une photographie d'une jeune femme qu'il contemple d'un regard triste, presque larmoyant, puis reporte son regard sur les traces laissées par des motos.
Joris Karl l'interroge.
Kiyoshi recherche sa future femme, Soeng, disparue au début du mois dans le parc. Elle y était venue pour mûrir sa décision sur sa proposition de mariage.
Joris Karl traduit les explications de Kiyoshi.
Adrien en conclut qu'il faut l'aider, qu'il était peut être la cible de la tentative d'empoisonnement.
Kiyoshi les avertit de ses intentions.
Il sort un revolver de sous sa chemise.
Ils décident de suivre les traces des motos en silence en essayant de surprendre les kidnappeurs.
Ils marchent jusque midi d'un bon pas, hors piste. Ils ne s'arrêtent que pour grappiller des myrtilles.
A la pause, Adrien s'approche de Leslie.
Il frissonne, il est glacé.
Il est incohérent. Il ne sait plus qui est qui.
Il demande à Leslie, qu'il appelle Soeng de ne pas oublier leur promesse de bonheur de décembre. Il ne reconnaît plus Oscar, puis s'offusque qu'on lui réaffirme des évidences.
Leslie lui administre une bonne dose de ventoline.

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Ils reprennent leur progression et Leslie s'attarde pour récolter des simples. Un bon stimulant cardiaque dont elle enduit la lame de son scalpel et rempli une seringue.
En fin d'après midi, à la lisière d'une forêt de bouleaux, un campement sur les berges.
Deux motos sont à l'arrêt et un solide gaillard tisonne un feu, leur tournant le dos.
Ils s'approchant en silence, Kiyoshi en tête, qui braque son arme sur le type.
A cinq mètres de leur cible, Oscar laisse choir sa pierre à aiguiser sur les graviers. Le gars, barbu, massif se retourne et porte la main à sa ceinture tout en contournant le barbecue pour le placer entre eux et lui.
Kiyoshi crie « don't move! freeze! »
Le gars lève la main gauche en signe de reddition et balance quelque chose dans le feu.
Joris Karl bondit et répand le contenu du barbecue au sol pour écraser une poignée de cartouches de chasse. Leslie en profite et lui plante une seringue de sa préparation.
Le gars tressaute au sol près des motos.
Alors, de derrière les buissons, surgit le second, une immense brute barbue, au teint sombre, brandissant une kalach.
Avec un accent épais il lâche
« Nu Pachli Don't move Drop your weapons! »
Kiyoshi hésite
Joris Karl bondit et se jette sur lui pour le déséquilibrer.
Il reçoit un méchant coup de crosse au visage et entend résonner les cloches de Notre-Dame, retour express à Paris et plongeon dans la boue.
Aussitôt, Oscar tente de le planter de sa lame achetée à Stig. Il sectionne le ceinturon, mais dans un mouvement tournant la brute lui assène un méchant coup de pied à la mâchoire qui l'envoie valser. Leslie s'apprête à se jeter sur lui munie de son scalpel, lorsque son tympan droit explose en même temps que l'épaule gauche du mercenaire.
Il s'effondre et gémit faiblement alors que le sang noircit en étoile sa tunique camouflée.
Leslie se ressaisit et tente de comprimer la blessure.
Kiyoshi le secoue désespéré
« where is my wife? »
Elle y parvient brièvement. Pour le booster Adrien lui administre de la ventoline.
Le gars est mourant
« You are all dead now!  If the virus don't leave us with you the Sentinel will kill you!  »

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Alex joue Leslie, Gabrielle joue Joris Karl


Bilan provisoire :

J'ai joué le personnage de Mathieu, non comme un figurant mais selon un mélange entre les réactions qui seraient les siennes propres en de telles circonstances et celles du personnage.
J'ai tenté de jouer Kiyoshi sur une ligne mélancolique et dramatique.
J'ai utilisé une fraction des remarques de la partie précédente pour jouer en miroir, même si je conserve l'histoire de père fouettard pour plus tard.
Alex était beaucoup plus actif qu' à l'accoutumée.
Dans la mesure où nous avons pleinement joué la barrière des langues, je craignais que Xavier se sente un peu délaissé.
Après la partie il m'a dit que c'était super de jouer comme ça en convergence avec son personnage.
Xavier a déclaré qu'il avait A D O R É et Alex a apprécié la forte adversité (beau sourire illuminant son visage).
Une partie très agréable !

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Claude


Commentaires de Thomas :

A. Quelle est le métier de l'homme barbu avec des chaînes sur la photo en noir et blanc ?

B. Merci pour ce récit très complet, ça a dû te prendre du temps de le rédiger ! J'aime beaucoup le côté polar.

C. Est-ce que « Sentinel » fait référence aux Sentinelles, les maletronches dotés de sens hyper-développés et utilisés comme « chiens de chasse » ?

D. Muddus est davantage improvisé et suit donc plus les directives du seul livre de base que Grätmyrsban, qui était un scénario un peu plus construit. Sur lequel des deux modes va ta préférence ?

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Xavier joue Oscar Millepois (C) par Claude Féry


Claude :

A. C'est le père fouettard (Hans Trapp dans l'est)

C. La sentinelle du gang des quads de Barbaque ! et Ballade pour un missile.

D. Muddus, en grande partie aussi parce que les personnages découvrent la Suède tout comme les joueuses.


Thomas Munier :

C. Ah oui alors c'est bien ça.

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Alex joue Leslie, Gabrielle joue Joris Karl


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#78 19 Jul 2022 12:43

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LA CÉRÉMONIE DE L'OURS

Le final du scénario Muddus. Quelques rires, de l'action, de l'étrange et quelques scènes effrayantes, avec un père fouettard vraiment trop méchant et une histoire de couloir obscur... Un enregistrement de partie par Claude Féry.

(temps d’écoute : 3H08)

Joué le 09/02/2020

Le jeu : La Sorcière de l’écorce, un jeu de rôle suédois d’horreur folklorique et forestière par Pelle Nilsson et Johan Nohr.

Lire/télécharger le mp3

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Travis, cc-by-nc


L'histoire :

Cet après-midi nous jouons à La Sorcière de l'écorce la suite et conclusion de Muddus

Quatre heures de jeu pour aboutir à une scène finale de cérémonie de l'ours, selon les rites ancestraux Saami.

Belle partie.


Parties précédentes du scénario Muddus :

1. Muddus *
Ambiance délétère de film nordique pour ce premier opus qui amène l’horreur par petites touches. Un récit et un enregistrement par Claude Féry. (temps de lecture : 5 min ; temps d’écoute : 2h03)

2. Vengeance Syndrome *
Suite du scénario Muddus. On poursuit l'ambiance de polar nordique, sur fond de vengeance et de contamination. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry ! (temps de lecture : 5 min ; temps d’écoute : 22 min + 1H55)


Note du 29/02/2020 :

Quand la réalité rencontre notre fiction

Samedi, après notre partie, j''ai pris connaissance de l'arrêté préfectoral de phase 2 Covid 19 emportant la fermeture des établissements scolaires.

Et non la réaction d'Alex et Xavier  ne fut pas de sauter à pieds joints sur le lit sur lequel ils discutaient, en beuglant l' école est finie, non...

Alex s'est tourné vers moi

« C'est vrai, c'est pas une histoire ? Non mais dans la vraie vie, c'est pas vrai, non ? Dis ? »

Pour mémoire, dans notre dernière partie en date de La Sorcière de l'écorce, je faisais l'hypothèse de l'extension de la pandémie au-delà de tout contrôle.


Thomas :

Bon, j'espère que vous avez assez de conserves dans votre abri anti-atomique :)


Claude :

Nous avons fait des provisions, mais dès samedi les rayons nourriture des supermarchés du coin avaient été dévalisés...


Commentaires de Thomas après écoute :

A. « Tu sens la chair noire frissonner sous ton doigt. »
Ah ah on dirait que la viande de l'ours est de la Viande Noire ;)


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#79 06 Sep 2022 08:58

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

KRAKEN

Le joueur en personne se retrouve catapulté dans Millevaux ! Prisonnier de son propre jeu, il va devoir s’en remettre aux pires extrémités pour tenter une évasion. Nouvelle campagne solo multisystèmes par Damien Lagauzère, cette fois-ci axée sur Millevaux et Mantra 2ème édition !

(temps de lecture : 40 min)

Joué le 20/07/2019

Le jeu : Mantra Oniropunk, vertiges métaphysiques et multiversels par Batronoban, Nina François-Lucchioni & co.

Salut, voici la 1ère partie de mon solo de Mantra qui se passe dans la forêt de Millevaux. ça finit un peu en sucette car en vérité j'ai dû me tirer un peu en speed et les Yeux s'en sont mêlés d'une façon un peu strange avec un enchaînement de questions tirées de hacks de Pour la Reine  dont Oriente, le hack Millevaux et de Vertiges Logiques. Sinon, je joue donc cette campagne avec Mantra mais aussi Omniscience et les Forges d'Encre. la suite se situera dans le Berlin de Cold City.

Cette nouvelle campagne Millevaux / Mantra 2 peut être vue comme la suite de la précédente campagne Millevaux / La Trilogie de la Crasse

Avertissement  :contenu sensible (voir détail après illustration)

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RANT 73 - Digital Art., cc-0, sur flickr

Contenu sensible : camps de la mort


L’histoire:


Salut,
    Il y a quelques semaines maintenant, j'ai lu Cheval du Diable, le dernier chapitre de La Trilogie de la Crasse (Tétralogie désormais), le jeu de rôle de Christophe Siébert et Batronoban. Et plus je lisais, plus une voix dans ma tête (la mienne) disait « Oh, putain !... Oh, putain !... »
    Je n'ai nulle intention de spoiler le contenu de ce texte mais je dois dire que les révélations contenues dans Cheval du Diable ont fait plus que s'interroger le rôliste solitaire que je suis. Je me suis posé pas mal de questions après avoir lu Cheval du Diable. Mais j'ai aussi eu vachement la trouille ! Ça, je dois bien le reconnaître.
    Histoire de me changer les idées (ou de me voiler la face) je me suis lancé dans quelques parties en solo mais sans finalement jamais réussir à trop m'éloigner des univers de la Crasse et de Millevaux. Il me fallait quelque chose de plus fort. Alors, j'ai ressorti Mantra. Pour des raisons finalement assez évidentes, je m'étais jeté dessus pour le lire au plus vite mais, plus ou moins consciemment, repoussais le moment de passer à l'acte et créer un personnage. Mais au bout d'un moment, je n'avais plus vraiment le choix.
    Rôliste solitaire, il m'est plus facile qu'à d'autres de trouver la Magicienne. En plus, je la connaissais déjà depuis l'affaire des CÅ“lacanthes. Aussi, j'ai pu obtenir sans problème mes premières doses de Billes et de Noix, dont je sais aujourd'hui qu'elles sont en parties composées de Pétrol'Magie. Grâce à la Bille, j'ai eu une double illumination. Une bonne et une mauvaise nouvelle en quelque sorte.
    La bonne nouvelle, c'était que j'allais de nouveau incarner le Kraken. Et pour ça, je n'ai même pas eu besoin de me jeter dans le Puits des Âmes. La mauvaise, c'était que j'avais désormais le Bureau des Narcotiques aux fesses. Et oui, j'ai beau être rôliste solitaire, il y a quand même des choses que même la double casquette de MJ/PJ ne peut permettre d'éviter. En ce moment, je n'ai pas de boulot donc ce n'est pas grave si je suis aux abonnés absents. Aussi, j'ai décidé de m'enfuir !
    J'ai filé aussi vite que j'ai pu. J'ai juste pris avec moi mes dés, ma réserves de Billes, un rêve d'Anton Vandenberg et une photo d'Olav. J'ai fermé les yeux et, comme dans Fight Club, j'ai commencé à explorer ma caverne intérieure jusqu'à ce qu'un pingouin me dise « Glisse ! ».

    Et j'ai émergé dans cette espèce de cave, au pied d'un escalier. En haut, une porte. La peinture s'écaillait. Ça avait l'air dégueulasse. Tout avait l'air dégueulasse. C'était humide et sale. J'ai d'abord cru m'être retrouvé à Silent Hill. Mais non ! Heureusement ! J'ai fixé cette porte un moment.  Plusieurs choses, j'avoue, me fichaient la trouille. Déjà, l'obscurité de cette cave. Non pas que j'ai peur du noir mais je n'avais alors aucune idée de ce qui pouvait se tapir dans les ténèbres. Et c'est pas comme si, la seule chose dont j'étais sûr, c'est que partout autour de moi ça grouillait de Horlas. Et puis j'avais les pieds dans la flotte, ce qui est très désagréable. Et puis, il y avait ces runes sur la porte. Elles aussi ne m'inspiraient pas confiance, loin de là. Puis, enfin, la lumière derrière la porte. C'était une lumière éclatante. Un truc aveuglant. Un flash de fin du monde. Ou plutôt un flash de création du monde. Je n'avais aucune idée de ce qu'il pouvait y avoir derrière cette porte. Ma seule certitude concernait l'existence de Horlas. Voilà où j'en étais. Derrière moi, le Bureau des Narcotiques dont les agents étaient sûrement déjà à mes basques. Et devant, en haut des marches, un Nouveau Monde où tout était à découvrir, à construire. Et pour ça, je n'avais en poche que mes dés, le Rêve 18 d'Anton Vandenberg et les photos d'Olav. Mais heureusement, grâce à Christophe BJ Breysse, je reste Connecté.

XxXxX

    Je monte les marches. Plus j'approche de la porte couverte de runes, plus la lumière est aveuglante. Derrière, il n'y a rien que le blanc. Tout est à créer. Et pour cela, je n'ai qu'un rêve d'Anton Vandenberg, le n°18.
    Je ferme les yeux. J'ouvre la porte. Je fais quelques pas. J'ouvre les yeux. Je suis dans le salon miteux d'une petite maison en bois. En fait, c'est plus que miteux, c'est carrément à l'abandon. À travers la fenêtre perce un rayon de la Lune A, celle qui précède la Lune B, qui éclaire un pistolet, un Beretta, qui traîne sur la table basse. Je vais en avoir besoin. Dehors, j'entends hurler les Voix Mortes. Je savais qu'il y avait des Horlas ici.
    Je monte à l'étage. Les escaliers grincent mais tiennent bon. J'entre dans une pièce vide. Une porte fenêtre s'ouvre sur un balcon. Là, je vois la forêt s'étendre à perte de vue. De tous les mondes maudits où je pouvais atterrir il fallait que ce soit celui-là ! Millevaux !
    Au loin, je vois des immeubles abandonnés et envahis par la végétation. On dit qu'une tribu de tarés y vit. On les appelle les Natifs de l'Abattage. Tout un programme. Je vois aussi les ruines d'un théâtre antique. Je sais. C'est là que se trouve le prochain rêve d'Anton Vandenberg.
    Pour l'instant, avec ce qui me reste du rêve n°18, je fais en sorte que trois ouvriers retapent un peu cette maison qui est désormais la mienne. Par le balcon, je vois qu'Olav a peint des runes un peu partout. Elles me protègent des Voix Mortes. Avec un nouveau rêve d'Anton, je pourrais améliorer tout ça.

    Le rôliste solitaire est tout autant PJ que MJ. En cela, il est un peu Omniscient. Cela fait de moi, au moins de dans ce Nouveau Monde, ce nouveau Millevaux, un Connecté. Ainsi, je sais comment l'avènement de la Chèvre Noire, la Mauvaise Mère, a précipité la fin de l'humanité. Mais pour ce qui est de dire ce qui s'est vraiment passé à l'époque, je crois bien qu'il n'en existe plus aucune trace. Je crois que les survivants ont fait de leur mieux pour écrire leur histoire puis la transmettre oralement mais... l'Emprise, l’Égrégore et l'oubli. Bref, il ne reste plus rien aujourd'hui. Que des ruines. Des immeubles en ruine. Des ruines humaines à la mémoire rongée par la forêt. Et les Horlas et autres CÅ“lacanthes qui hantent les bois.
    Il y a encore des zones saines bien sûr. Où ? Je ne sais pas encore mais il y en a. Tous les survivants n'ont pas fini comme les Natifs de l'Abattage. Certains ont rafistolé comme ils ont pu les ruines dans lesquelles ils se sont installés et y vivent aussi paisiblement que possible.
    Les Horlas et les malades comme les Natifs ne sont pas les seules menaces auxquelles il faut faire face. L'ennemi est parfois plus insidieux quand il prend la forme de la corruption. Corruption de l'âme mais aussi des corps. La corruption frappe tout le monde, humain, animal, végétal, minéral. Tout ce qui est, sous l'influence de la Mauvaise Mère, peut devenir un ennemi mortel. C'est peut-être une des façons qu'a la nature de reprendre ses droits. Mais heureusement, il y a encore moyen de trouver de la nourriture saine et de l'eau potable. L'eau de pluie, quand elle n'est pas noire, peut être récoltée. Pour peu qu'on la fasse bouillir, l'eau des lacs est potable aussi.
    Pour l'instant, la seule communauté que je connais est celle des Natifs de l'Abattage. Elle est à quelques kilomètres d'ici, dans les immeubles abandonnés. Là-bas, c'est la loi du plus fort et du plus fous. En ce moment, je crois que leur chef s'appelle Kainen. J'aimerais être sûr qu'ils sont comme ça à cause de Millevaux. Mais je crois que non. À ma connaissance, ils n'ont aucun lien avec les Horlas. Je crois même qu'ils les craignent. C'est leur choix de vivre ainsi, c'est tout. Il va vraiment falloir que je me protège car s'ils se rendent compte que je suis là, je ne donne pas cher de ma peau.
    Et là, vient le moment où Christophe Breysse m'interroge à propos des Connectés. Comment ils sont perçus, s'ils sont l'objet de luttes d'influence etc. ? Sauf que, à ma connaissance, je suis le seul Connecté ici. Peut-être que j'en rencontrerais d'autres. Mais pour l'instant, je suis le seul.
    Et la résistance ? Contre qui ? Millevaux ? La Chèvre Noire ? Les Horlas ? Je ne pense pas qu'on puisse dire que les Natifs de l'Abattage constituent un mouvement de résistance contre quoi que ce soit. Et comme pour les Connectés, s'il y a une résistance, je n'en ai vu aucune trace. En fait, j'ai l'impression que si quelqu'un fait office de résistance, c'est moi. Et là, on est vraiment mal barré.

    Mes trois ouvriers, mes trois techies que j'ai appelés Haze, Corso et Lewis-Maria ont, entre autres petits travaux, restauré l'électricité. J'ai ainsi fait la découverte, à la cave, d'une Forge d'Encre. Ça tombe très bien. Grâce à elle, je vais pouvoir en apprendre un peu plus sur ce théâtre antique où se trouve le prochain rêve d'Anton Vandenberg.
    Une fois seul, je m'installe et réfléchis à ce théâtre. Que sait-on à son sujet ? Que sais-je à son sujet ? Tout d'abord il s'agit d'une ruine datant de l'Antiquité gréco-romaine. Avant l'avènement de la Mauvaise Mère, c'était déjà une ruine. Mais des archéologues l'avaient extirpée de la terre. Ils avaient remis en état tout ce qui pouvait l'être et avaient reconstitué une partie de son histoire afin que le public se rappelle comment on vivait à l'époque et à quoi ce genre de lieu servait. À l'époque, cette découverte a stoppé net la construction de nouvelles barres d'immeubles. En effet, c'est en creusant les fondations d'un futur HLM que ces vestiges furent découverts. Aussi, pour des raisons historiques, culturelles, etc, le projet d'agrandissement de la ZUP locale fut abandonné. Au contraire même, les édiles de l'époque se félicitaient de la proximité de ces précieuses ruines avec les barres déjà existantes. Ainsi, la culture et l'histoire se trouvaient à quelques pas des populations les plus défavorisées. Avec le temps, la forêt a détruit les bâtiments les plus proches du théâtre. C'est pour ça que le quartier général des Natifs de l'Abattage semble plus éloigné.
    De mon balcon, le théâtre ne paraît pas si décrépi que ça, comparé aux immeubles. En fait, il semble faire corps avec la forêt. C'est un peu comme s'il n'avait pas été envahi et rongé par Millevaux mais plutôt comme s'il en était une partie. D'ailleurs, on raconte des choses sur cet endroit. On dit que ceux qui en reviennent sont porteurs d'une maladie mortelle et contagieuse. Avec le temps, ce lieu s'est entouré d'une aura de mystère et de secret. Mais, en réalité, de secret il n'y en a point. C'est juste que cet endroit est le cÅ“ur du territoire d'un de ces Horlas qu'on appelle Manducateur. C'est lui le vecteur de la maladie. Les Manducateurs ne sont pas seulement des porteurs de maladies, ils se nourrissent aussi de cadavres. Et, quand ils n'en trouvent pas, ils tuent ! Une fois là-bas, je devrais être très prudent. Surtout que je n'ai qu'un Beretta pour me défendre.

    Maintenant que j'en sais un peu plus sur ce qui m'attend, je me concentre. Grâce à Christophe BJ Breysse, même ici je reste Connecté. Aussi, je peux avoir une vision de ce qui m'attend. Je ne sais pas si me concentrer permet de la générer. Aussi bien, ces visions sont spontanées mais j'essaye quand même.
    Est-ce un pur hasard ? Je vois ! Le théâtre bien sûr. Je suis dans la fosse. Étrangement, à l'intérieur, la végétation est moins envahissante. Je vois le rêve d'Anton Vandenberg. Il est gravé sur une plaque de pierre perché au sommet d'une colonne. Comment mettre la main dessus ? J'ai tout le trajet pour y réfléchir.

XxXxX

    Et me voilà parti pour ce théâtre en ruine. Je pars seul. J'aurais pu emmener Haze, Corso et Lewis-Maria avec moi mais cette quête de rêve est la mienne. À moi, à moi tout seul ! Ça m'apprendra à ne jamais me rappeler de mes rêves. Je n'aurais pas besoin de piquer ceux des autres si je m'en rappelais.
    Dans l'état actuel des choses, il n'est pas compliqué d'éviter les immeubles des Natifs de l'Abattage. Par contre, je vais quand même devoir me dépatouiller des Voix Mortes qui entourent la cabane (j'ai du mal à dire « ma maison »). Plus je m'éloigne de la cabane, plus je m'approche de la sphère d'influence de cet étrange Horla que sont les Voix Mortes. La cabane se situe dans une petite clairière et au moment de m'enfoncer réellement dans la forêt, je sens l'influence du Horla, quelque chose dans l'air, comme un filet, un réseau d’Égrégore. J'ai la sensation très nette que continuer ma route me serait plus que néfaste. Pour autant, je n'ai pas vraiment le choix. Je regarde autour de moi. Je cherche un autre chemin, sans trop y croire. Et je vois cette espèce se stèle qui se dresse un peu plus loin sur ma droite. Je m'approche. Le caillou fait environ un mètre de haut. Il n'a rien de particulier si ce n'est cette série d'encoches taillées au sommet. À cet endroit, la roche est particulièrement polie. Il ne faut pas être un génie pour comprendre que ces encoches sont une sorte d'interrupteur. Je vois bien qu'il faut que j'y pose la main, sauf que ce n'est pas vraiment configuré pour une main humaine. À la limite, je peux passer mes doigts dans chaque entaille, mais dans quel ordre ? Qu'est-ce qui va se passer si je le fais ? Qu'est-ce qui va se passer si je le fais mal ? Est-ce que ce truc va désactiver le Horla ou au contraire m'attirer la colère des Voix Mortes ? Je passe un doigt dans chaque encoche, l'une après l'autre, de gauche à droite. Maintenant, il arrivera ce qui doit arriver.
    Et merde ! C'est ce que je craignais. J'ai attiré les Voix Mortes. Je les entends avant de les voir. En fait, je les sens dans ma tête. C'est un bourdonnement désagréable, les prémices d'une sacrée migraine. Le truc dont je n'ai pas besoin maintenant. Évidemment, aucun dealer de Relpax ou d'Ibuprofène dans le coin ! Je ne bouge pas. Je reste près de la stèle. Je penche la tête. J'essaye de voir les Voix Mortes mais je ne vois rien. Pourtant, je les sens. Elles approchent. Pourquoi je ne peux pas les voir ? Elles sont tout près. Je m'empare du Beretta, même si je sens bien que ça ne sert pas à grand chose. J'ai pris mes Billes avec moi. J'espérais ne pas avoir à m'en servir avant de tomber sur le Manducateur.
    Une voix dans ma tête. Plusieurs voix dans ma tête, qui se superposent. Des hommes et des femmes, des adultes et des enfants, dans plusieurs langues.

    « Prends le masque du Toxique ! »

    De quoi ça parle ? Quel masque ? Involontairement, mon regard se porte sur la stèle. Et il  y a un masque. Un mélange de masque à gaz et de cagoule SM. Je prends le masque.

    « Mets le masque du Toxique ! »

    Bizarrement, je ne sens aucune agressivité dans ces Voix. Normalement, les Voix Mortes devraient vouloir me tuer et me manger. Mais je ne le sens pas comme ça. Je mets le masque. Et je les vois. Les Voix. Les Voix Mortes. Des dizaines de silhouettes. Elles sont là, partout devant moi, si proches et immobiles. On dirait des statues de glaise. Elles sont orangées et décrépites. Elles ne portent pas de vêtement mais ne possèdent aucun organe génital visible. On  ne peut pas faire la différence entre les hommes et les femmes. Ils n'ont pas de visage, juste deux trous pour les yeux et un pour la bouche. Pas de nez. Pas de dent. Pas de cheveux. Autour d'eux, l'air est trouble. Comme quand il fait très chaud. Je n'ose pas bouger. Je dis juste que, selon moi, elles étaient sensées me sauter dessus pour me tuer et me manger. Les Voix rient.

    « Non, nous ne souhaitons pas te tuer, ni te manger. Mais tu as raison. C'est dans la logique des choses. Nous devrions avoir envie de te tuer et te manger. »

    Je suis presque rassuré et je leur demande si leur changement de comportement est lié à mon projet de me rendre au théâtre. Évidemment ! qu'elles me disent. Je les crois solidaires du Horla qui vit là-bas. Alors, je leur explique ne pas spécialement vouloir tuer le Manducateur. Je veux juste le rêve d'Anton Vandenberg qui est au sommet d'une vieille colonne. Si le Manducateur me laisse le prendre et m'en aller, il ne se passera rien. Comme j'ai tendance à parfois trop parler, je leur explique aussi qu'à l'origine j'avais pour projet de « discuter » avec le Horla afin de savoir s'il y avait un moyen de s'allier contre les Natifs de l'Abattage. Mais je me suis rappelé que ce type de Horla ne communiquait pas. Ils ne font que tuer et répandre la pestilence. D'ailleurs, je note que ce masque est le bienvenu. Et maintenant, je leur pose la question qui me brûle les lèvres depuis hier. Les Voix Mortes pensent-elles qu'il est possible d'« apprivoiser » le Manducateur si je lui fournis de la nourriture ? C'est un non catégorique ! Il me tuera. Ça a le mérite d 'être clair.

    Je ne comprends pas pourquoi elles m'ont donné ce masque. Est-ce seulement parce que j'ai touché la stèle avant de m'enfoncer dans la forêt ? Je n'ose pas leur demander. En fait, je me borne juste à les remercier pour le masque et leur mise en garde. Puis, le plus poliment possible, je leur explique devoir prendre congé. Un rêve m'attend. Les Voix Mortes ne bougent toujours pas. Elles me laisseront passer, elles disent, mais... Mais quoi, bordel ? Que veulent-elles ?
    Et elles m'expliquent. Elles ont un ennemi. Elles me laisseront passer si j'utilise une partie du rêve à faire échouer ses plans. Je reste prudent et explique ne pas pouvoir promettre de réussir du premier coup. Peut-être qu'il me faudra plusieurs rêves pour ça. Et puis, j'ai besoin de savoir qui est cet ennemi. Il faudra m'en dire le plus possible. Partant de là, pourquoi pas, oui ! J'étais prêt à m'allier au Manducateur, pourquoi ne pas m'allier aux Voix Mortes ? Qu'elles me laissent aller à ma guise dans la forêt et moi, avec les rêves que je trouverai, je combattrai leur ennemi.

    Les choses n'ont pas vraiment pris la tournure à laquelle je m'attendais mais soit ! Alors, avant que je ne parte pour le théâtre, qui est cet ennemi ? On l'appelle Euphorie ! OK, est-ce un chef de guerre, un sorcier, un solitaire ou est-il à la tête d'une armée, d'une bande ? Euphorie est un guerrier solitaire. Un véritable colosse. Je devine qu'il s'agit d'un redoutable chasseur de Horlas. Mais non ! Pas du tout ! En fait, Euphorie est un vieil ami. Je comprends pas. En quoi est-il un ennemi alors ? Parce que c'est un menteur ? Je ne comprends vraiment rien. Et les Voix Mortes m'expliquent que ce vieil ami s'est mis à colporter des mensonges à leur sujet. Aussi, il faut le faire taire. Bon, je sens bien qu'il va falloir faire avec ça dans l'immédiat. De plus, la journée avance et je dois encore récupérer le rêve d'Anton. Nous aurons de nouveau l'occasion de parler avec les Voix Mortes mais, avant de partir, je veux encore connaître un détail sur Euphorie qui me permettra de le reconnaître. Il a les yeux violets et de vilaines cicatrices.

    Le moment était venu de prendre congés. Les Voix Mortes s'écartaient sur mon passage. Je gardais le masque du Toxique sur la tête jusqu'à ce que je sois sûr qu'elles étaient toutes loin derrière moi. Je le remettrai en arrivant au théâtre. Il me protégera de la pestilence du Manducateur.

XxXxX

    Arrivé au théâtre, j'enfile le Masque du Toxique. Je regarde autour de moi, au cas où les Voix Mortes seraient là. Je ne vois personne mais je sens quand même leurs présences, à moins qu'il ne s'agisse du Manducateur. Je descends dans la fosse et commence à errer au milieu des colonnes recouvertes de lierre et autres plantes grimpantes. En vérité, c'est beau. Le marbre de certaines colonnes est encore lisse malgré les siècles. Je lève la tête. Je cherche celles de ces colonnes au sommet de laquelle se trouve le rêve d'Anton. Je finis par la trouver. Pas de bol, c'est haut. Un peu de bol, quand même, on dirait que le Manducateur n'est pas décidé à se montrer. Peut-être qu'il n'a pas faim.
    J'ai pratiqué l'escalade en salle pendant quelques années. Sur le plan purement théorique, j'ai des restes. Maintenant, il faut voir si mes jambes et mes bras suivront. Ça fait presque deux ans que je n'ai pas touché une prise mais je continue à faire de l'exercice très fréquemment. Sans battre des records, je reste quand même assez endurant. J'espère que ça suffira pour arriver en haut.
    J'ai encore de beaux restes en escalade, pour peu que les prises soient bonnes. Arrivé au sommet, je m'empare de la tablette sur laquelle est gravée le rêve. Être un Connecté me permet d'avoir sur moi de la corde et un petit sac à dos. C'est un peu casse-gueule mais j'arrive à ranger la tablette dans le sac et à redescendre sans rien me casser.
    Une fois en bas, je regarde partout autour de moi. Aucune trace du Manducateur ! Limite, ça m'inquiète. À moins qu'il ne soit parti chasser, je ne sais pas. Autant en profiter un peu pour explorer les lieux. Je n'aurais peut-être pas l'occasion de le refaire. Errant d'abord au milieu des colonnes, je monte ensuite sur les gradins. Je regarde la scène. C'est vraiment bien fichu. Je me rappelle qu'on m'a aussi dit que ces théâtres antiques étaient une merveille d'acoustique. Aussi, je prête l'oreille. Le silence... absolu ! Ça, par contre, c'est vraiment bizarre. À moins que la pestilence du Manducateur ait fait fuir tous les animaux du coin ? En vrai, c'est très possible. Je renonce à l'idée de chercher la tanière du Horla. Ce serait vraiment un risque inutile. Par contre, je m'emplis une dernière fois les yeux de ce magnifique décor. Et je vois quelque chose qui brille en bas. Je redescends pour voir. C'est un diamant. Pas un truc énorme mais quand même, d'où je viens ça vaut une fortune. Je l'embarque et quitte les lieux. Rester plus longtemps, c'est s'exposer au retour du Manducateur.
    Plus je m'éloigne du théâtre, plus je marche vite. Au bout d'un moment, je me rends compte que je me suis mis à courir. J'ai gardé le Masque du Toxique et j'ai bien fait. Il est là, soudain, dressé devant moi, le Manducateur ! Là, ça craint ! Ce truc ressemble à un cadavre momifié enveloppé dans un suaire dégueulasse. Le Masque du Toxique me permet en plus de voir l'aura de pestilence qui l'entoure. Plantée devant, elle avance la tête dans ma direction et ouvre grand sa bouche dans un feulement silencieux. Ce truc est doté d'une force prodigieuse et est quasiment indestructible. Et moi, je n'ai qu'un pauvre petit flingue. Il me faudrait un lance-flamme plutôt. Merde ! Je suis le Kraken, je peux le faire ! J'ai gobé de la Bille ! Du Pétrol'Magie coule dans mes veines alors... je peux le faire ! La drogue me permet de dépasser mes capacités de Connecté. Aussi, le flingue devient la lance relié au réservoir d'essence qu'est devenu mon sac-à-dos. Et je dis :

    « Je suis le Kraken !
    Ici et maintenant, pour te renvoyer dans les ténèbres que tu n'aurais jamais dû quitter, je te crames la gueule !
    Je suis le Kraken ! »

    Et j’envoie la sauce ! Et je pries pour que les Yeux de la Forêts me soient favorables. Alors, les Yeux, que dois-je faire de plus pour en finir avec ce truc ?
    Et malgré le Masque, j'entends « … rétablir le Colosse... » Je comprends pas mais j'accepte. C'est promis, les Yeux, je rétablirai le Colosse !
    Le vent se met alors à souffler. Le Manducateur s'enfuit en hurlant. Cette fois, je l'entends. Mais un retour de flamme me fait lâcher mon arme. Ça chauffe dur. Ça me brûle les mains. Heureusement, le Masque me protège le visage.

    C'est pas la méga forme mais je finis par rejoindre la cabane, ma maison. Mes trois techos s'occupent de moi. Ils me passent de la crème sur les mains. Je vais avoir mal pendant un petit moment mais ça va finir par passer. Au moins, même si c'est douloureux, je peux me servir de mes mains. Je descends à la cave et dépose la tablette sur la plateau de la Forge d'Encre. Je commence la lecture du Rêve n°14.

XxXxX

    Je commence à décortiquer le Rêve n°14. J'ai besoin d'une source d'information. L'air de rien, mes ennemis commencent à être nombreux : le Bureau des Narcotiques, le Manducateur, les Natifs de l'Abattage... et je ne sais pas trop ce que je dois penser des Voix Mortes et d'Euphorie.
    Dans le rêve, il y a un micro et tout un matériel de sono. Avec ça, et mes souvenirs de la tête de Kid, je me bricole une radio. Le Bureau des Narcotiques travaille sous l'autorité directe du Président. Pas celui de la soi-disant République, non ! Ses agents travaillent pour le vrai Président, celui de mon signe astral, le Lion ! Liés que nous sommes par l'astrologie, je me mets au diapason de sa fréquence et écoute. Alors ? Savent-ils où je suis ? Non, mais... ils se rapprochent. Je vais devoir être vigilant.
    Je change de fréquence et tente de capter les Natifs de l'Abattage. Hey ! Je ne m'y attendais pas mais ces barbares émettent. C'est plein de parasites mais je comprends quelques mots. Ils parlent d'étrangers et d'en finir. Parlent-ils de moi ? Je ne suis pas sûr qu'ils soient au courant de ma présence ici mais on ne sait jamais.
    Je change encore de fréquence. Là, je capte une conversation. De qui s'agit-il ? De quoi parlent-ils ?

    « ...il l'a tué et il a des remords !, dit une femme à la voix plutôt jeune.
    C'est pour rompre la malédiction, répond un jeune homme.
    C'est un rebelle...
    … qui a la bougeotte !
    Le Colosse, Euphorie ?
    Oui, et ?
    Il en a dans les boyaux ! Il sait se défendre !
    Il a de bons outils. Tu as vu ces plaques rouges qu'il a sur tout le corps ? »

    Ils parlent d'Euphorie. Ce Colosse aurait tué ? Pour rompre une malédiction ? On dirait qu'il s'en veut. Ces deux-là le perçoivent comme un rebelle, quelqu'un qu'il ne faut pas chercher. Mais, à les entendre, j'ai du mal à croire que ce soit vraiment un homme mauvais. J'ai quand même de plus en plus l'impression que les Voix Mortes ont essayé de m'entourlouper sur ce coup-là.

    Mais bon, c'est pas tout ça mais... j'ai un rêve qui m'attend sur ma Forge d'Encre. J'ai du boulot ! À l'origine, je comptais utiliser les rêves d'Anton pour améliorer un peu le confort de ma cabane. Mais là, le rêve n°14 rend d'autres projets possibles. Enfin, surtout un. Aussi, je commence par demander à Haze, Corso et Lewis-Maria de remplir tous ces sacs de terre et de les empiler afin de faire de cette petite clairière un camp aussi fortifié qu'une banque suisse. À l'intérieur, j'installe plusieurs gibets et guillotines. Je m'inspire d'ailleurs de ces instruments pour protéger mon territoire de quelques pièges bien cachés. Je veux évidemment me protéger des Voix Mortes comme des Natifs de l'Abattage qui pourraient venir fouiner par ici. Et je ne veux absolument pas qu'on fouine car... j'ai un plan !
    J'ai lu Cheval du Diable ! Et je sais quel rôle y jouent les camps de la mort. J'ai d'ailleurs une toute nouvelle théorie expliquant pourquoi les nazis les ont construit. Je ne rentrerai pas dans les détails car :
1-je ne veux pas spoiler.
2-je ne veux pas d'emmerdes ! Je ne me sens pas l'âme d'un Dieudonné... qui est pourtant parfois, voire souvent, très drôle quand même. Bref...
3-notez bien que ma volonté de ne pas spoiler (et donc vous inciter à lire Cheval du Diable en particulier et tout Christophe Siébert en général) l'emporte largement sur mon désir de ne pas finir devant un juge.
    Bref, grâce à ma Forge d'Encre et au rêve n°14, ma cabane se retrouve au centre d'un camp retranché qui n'attend plus que d'être peuplé. Et là, comme objet et fruit de mes futures expériences, j'invoque une foule d'éclopés, d'éborgnés et d'édentés grâce au Rituel de la Charogne que j'accomplis en plongeant le Kriss de Vill dans le cÅ“ur d'un serval.
    Et me voilà maintenant à la tête de mon petit camp. Haze, Corso et Lewis-Maria sont mes kapos. J'ai de hauts murs en sacs remplis de terre. Il y a des gibets, des guillotines et des pièges à l'intérieur comme à l'extérieur. Je n'oublies pas que je dois aussi m'occuper du Colosse Euphorie mais j'ai le sentiment que les choses vont bientôt commencer.
    Pour fêter ça, je fais le plein de Billes puisque Anton a eu le bon goût de remplir son rêve n°14 de drogue !

    Ça va être la fête ! Ça je vous le dis ! La fête à la charogne ! On va s'éclater un peu plus qu'à la kermesse d'un parti politique !

XxXxX

    Je ne sais pas si c'est à cause de la drogue contenue dans le rêve d'Anton mais... j'ai eu deux visions cette fois.
    Dans la première, je suis dans la forêt. Je cours ! Derrière moi, les agents du Bureau des Narcotiques. Ils m'ont retrouvé. Je dois les semer. Je dois sauver ma peau et surtout, surtout, faire en sorte qu'ils ne trouvent pas ma cabane.
    Dans la seconde, je crois que c'est pire. Je suis chez les Natifs de l'Abattage. Comment me suis-je retrouvé sur leur territoire ? Ils forment un cercle autour de moi. Non, autour de nous ! Il est là, le Colosse Euphorie. On ne m'a pas menti. Il est énorme. Je lis des sentiments contradictoires dans ses yeux violets. Son corps est parcouru de cicatrices et, par endroits, recouverts de plaques rouges dont je ne sais si c'est de l'écorce ou de la pierre. Je me rappelle qu'il n'est pas seulement un guerrier puissant. Il est aussi connu pour être un sorcier. Est-ce que ces plaques sont le résultat de sa magie qu'il aurait utilisé sur lui-même ? C'est possible. Mais pour l'instant, il va falloir que je me sorte de là car, au milieu des Natifs, on dirait bien que je vais devoir affronter le Colosse. On dirait qu'il va se battre à mains nues. Moi, j'ai mon Beretta mais je ne suis pas sûr que cela lui fasse grand chose...

XxXxX

    La drogue, c'est pas bien. Certes, j'ai eu deux visions mais ce sont vraiment des visions de merde. Dans chacune, je suis dans la merde jusqu'au cou et je n'ai aucun indice pour ce qui est de trouver le prochain rêve d'Anton.
    De mon balcon, je regarde Haze, Corso et Lewis-Maria maltraiter les éclopés que j'ai invoqués. J'espère que ce camp deviendra vite un vrai camp de la mort. Je veux savoir si ce que Siébert a écrit est vrai. Mais pour ça, pour aller plus loin, il me faut un rêve.
    Je lève la tête et regarde la forêt. Grâce au Masque du Toxique, je vois les Voix Mortes. Je vois les Voix, c'est drôle ça ! Bref, elles sont toujours là. Elles attendent que je règle leur problème avec Euphorie. Je vois les Voix et j'entends les Yeux. Les Yeux de la forêt qui ont, eux, d'autres projets pour le Colosse. D'habitude, je suis plutôt un observateur discret. Mais là, il va falloir que je me lance. Je regarde mes mains et constate que j'ai complètement oublié de m'en occuper. Les brûlures sont vilaines mais moins douloureuses.
    Et là, j'ai une idée. Une putain d'idée de génie ! Je ne suis pas un génie, évidemment mais... je suis pas non plus un parfait abruti. J'ai le minium syndical de culture et je sais ce qu'est un haruspice. Et je possède un Kriss. Et, du haut de mon balcon, j'ordonne qu'on m'amène un éclopé, un édenté, n'importe lequel ! Dans ces entrailles, je trouverai un indice. Alors, je saurai où chercher le rêve d'Anton.
    Je fais monter un autel entre une guillotine et un gibet. Je le fais construire entre autres par celui-là même qui va y passer. Ça ne m'amuse pas spécialement mais je dois être cruel si je veux que mon camp de la mort attire ceux que j'espère attirer. C'est à ce prix seul que je percerai les secrets de Cheval du Diable et que je saurai si, finalement, je suis bien réel ou si je ne suis qu'un personnage de fiction, moi aussi.
    Il faut un minimum de mise en scène et de décorum pour impressionner mes prisonniers. Mais je ne veux pas trop en faire non plus. Je veux que ça reste « froid » et « mécanique », utilitaire. Je fais ça car c'est utile et eux, dans tout ça, ne sont plus humains. Ils ne sont plus sujets. Je veux qu'ils sentent qu'ils ne sont que de la matière. Pas même des objets. Ils sont ce qui sert à fabriquer les objets. Ils sont encore en dessous. C'est ma petite touche de cruauté mentale. J'espère que ce sera suffisant.
    Allez, à peine un ou deux Iä Iä Shub-Niggurath pour le folklore et j'éventre l'éclopé. J'en fous partout et étale ses tripes en espérant vraiment y voir quelque chose. Et je vois ! Là où le temps s'écoule différemment. Là où le bois rejoint l'acier. Putain mais qu'est-ce que ça veut dire ? Je farfouille encore. Je vois de l'or. Je vois des cavernes. Des mines ! Ce sont des mines. Sous terre, dans le noir, on ne perçoit pas le temps de la même façon qu'en plein jour. Et dans ces mines, il y a du fer. Sous les bois, il y a de l'acier. Et entre cet acier serpentent les racines des arbres. Le bois rejoint le fer. Le rêve d'Anton serait donc dans des mines de fer ou d'acier. Mais où trouver ces mines dans le coin ?

    J'ordonne à d'autres prisonniers de disposer du cadavre. Dans mon infinie bonté, je les autorise à le manger. Ça les changera de l'infâme brouet qu'on leur distribue et l'apport en protéines leur redonnera un peu de force. Moi, je rentre dans la cabane et m'enferme au sous-sol, face à ma Forge d'Encre. Où sont ces mines ? Merde ! Je n'ai plus assez du dernier rêve pour les créer. Mais, d'un autre côté, ce rêve m'a permis de faire le plein de Billes. Et avec une Bille, je peux créer une carte.
    De retour dans le salon, je convoque mes trois kapos et leur explique que je vais devoir m'absenter. Je leur fais un topo de la situation. Je leur montre les mines et leur explique le contenu de mes visions. Pas de panique, je suis le Kraken ! Je m'en sortirai ! En vérité, je suis moins sûr de moi que je ne le montre mais bon...
    Et les emmerdes arrivent plus tôt que prévu. Dehors, ce sont des cris et des hurlements. J'en vois mes kapos voir ce qu'il se passe et monte jusqu'au balcon. Merde ! On est attaqué ! Je reconnais ces costumes, le Bureau des Narcotiques. Heureusement, ils ne sont que trois. Je dois réfléchir vite, très vite. C'est moi qu'ils veulent. Et moi, je ne veux surtout pas qu'ils parlent de mon petit camp à leurs supérieurs. Alors, j'attire leur attention en gueulant un bon coup et quitte le camp en courant à en perdre haleine. Heureusement que je cours sur de l'herbe et de la terre. Les vibrations qui remontent jusqu'à mon épaule sont moins douloureuses. Les kapos savent ce qu'ils ont à faire. De toutes façons, je suis le Kraken et nous sommes Connectés. Pour l'heure, je veux juste entraîner ces trois andouilles loin du camp et les abattre avant qu'elles n'en communiquent les coordonnées à leurs chefs. Ça peut marcher !

XxXxX

    Et voilà ! Comme dans ma vision, je suis dans la forêt et je cours. Et derrière moi, les agents du Bureau des Narcotiques. Il ne s'agit pas seulement de les éloigner de mon petit camp de la mort. Je dois surtout m'assurer qu'ils n'ont transmis aucune information me concernant au Bureau. Aussi, maintenir la pression pour qu'ils n'aient pas le temps de le faire. Les tuer. En gardant un vivant pour le faire parler. Je cours et tire quelques coups de feu pour maintenir la pression. Je ne suis pas un très bon tireur. En plus, le poids de l'arme me fait mal à l'épaule. Que j'en touche un serait vraiment un coup de bol. Coup de bol que je n'ai pas bien sûr. Mais ça suffit à leur mettre la pression. Maintenant, je dois trouver un lieu favorable à une embuscade. Je peux les conduire jusqu'à l'antre du Manducateur. C'est loin mais je suis endurant et je peux tenir. Je ne m'inquiète pas pour mes poursuivants, ils sont entraînés.

    Le théâtre en ruine ! Est-ce que le Horla est chez lui ? Oui, et il a l'air particulièrement agressif. Tant mieux ! Je lui tire dessus. Pas pour le blesser car je sais qu'il est quasiment indestructible, mais pour l'énerver encore un peu plus. Les agents du Bureau sont juste derrière moi. Et moi, j'utilise ce don du Kraken pour passer en mode « camouflage » et me fondre dans le décor. Je peux le faire car...

    « Je suis le Kraken !
    Ici et maintenant, pour disparaître de la vue de mes ennemis, j'accepte de répondre sans réserve aux questions des Yeux.
    Je suis le Kraken ! »

    Et l'obscurité se répand, comme un nuage d'encre noire, dans tout le théâtre. J'entends le Manducateur hurler. J'entends les agents du Bureau aussi. Ils ne tirent pas mais crient. Ils tentent de comprendre ce qui est en train de se passer. Ils tentent de se localiser les uns les autres. Et moi, je réponds à la question des Yeux. Les Yeux de la forêt me demandent :

    « Gardes-tu un bon souvenir de votre relation intime avec Oriente ? »

    Quoi ?! Mais de quoi ils parlent ? Il me faut un petit moment pour comprendre. Les Yeux font référence à Trancher les parties pourries, la partie d'Oriente que je joue avec Thomas Munier. Sauf que, ni moi ni mon personnage n'avons eu de relation intime avec Oriente. Ou alors, qu'entend-on par intime au juste ? En fait, mon personnage est convaincu qu'Oriente est affilié aux Horlas et à Shub-Niggurath. Il craint fort que ce dernier ne nous guide tous à la mort, un peu comme le joueur de flûte. Mon personnage et moi croyons que nous sommes, pour Oriente, les éléments à sacrifier dans le cadre d'un rituel dédié à la Mauvaise Mère mais, comme nous ne pouvons rien prouver, une curiosité malsaine nous force à le le suivre. Mais peut-on vraiment parler d'intimité ? Je ne sais pas. Je ne crois pas. Ou alors, les Yeux feraient allusion à une intimité à venir ? Quelque chose qui va avoir lieu mais dont je ne suis pas encore au courant ? Oh, les Yeux ! Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question mais c'est ma réponse. Mais j'y pense, je devrais m'enfuir, non ? Il est plus que probable que le Manducateur ne va faire qu'une bouchée des trois agents du Bureau des Narcotiques. Il est dans ce cas plus que probable que je n'ai personne à interroger. Alors, pourquoi je reste ? Pour voir l'état des corps ? Par curiosité ? Comme mon personnage d'Oriente ? L'intimité, la proximité... Mon personnage est quasiment certain que sa curiosité va le mener à la mort. Et la mienne ? Je crois que j'ai saisi le message, je m'en vais. Je saurai bien assez tôt si les agents ont survécu et s'ils ont prévenu leurs chefs.
    Je m'éloigne du théâtre. Je ne sais toujours pas où se trouve cette mine, là où je devrais trouver le prochain rêve d'Anton. Mais je sais qu'à un moment ou un autre je vais me retrouver chez les Natifs, face à Euphorie. Alors, et si je me jetais dans la gueule du loup ? Histoire de pouvoir dire « ça, c'est fait ! » Et puis, il n'est pas exclu que le Colosse ou un de ces barbares puissent me dire, justement, où est cette mine.

    J'arrive sur le territoire des Natifs de l'Abattage. Une demi-douzaine d'immeubles en ruine envahis par la forêt. Il n'y a plus une seule vitre aux fenêtres. Des pans entier de béton se sont écroulés. Par endroit, les caves sont à ciel ouvert. Comme des mines ? Des mines à ciel ouvert ? Non, non ! Ça ne peut pas être là. Dans les entrailles de l'éclopé, j'ai vu une vraie mine.
    Je m'approche et suis surpris par le silence qui règne là. Je ne sais pas pourquoi mais je m'attendais à tomber sur une bande de brutasses et une orgie permanente. Je crois que je m'attendais à une sorte de teuf tek, des « boum-boums » etc. Mais rien de tout ça. Je suis d'autant plus sur mes gardes. Ça sent le piège.
    Soudain, une lance se fiche dans le sol, juste devant moi. Les emmerdes, c'est maintenant que ça commence. Je m'empare de l'arme et essaye de localiser celui ou celle qui l'a lancée. Un peu plus loin, sur ma gauche. Une jeune femme. Une jeune fille plutôt, elle doit avoir dans les 14 ou 15 ans à peine. Elle me regarde avec beaucoup d'attention mais son calme n'est qu'apparent. Il y a de la colère dans ses yeux. Ses yeux. Les Yeux. Je pourrais accepter de répondre à une autre de leurs questions pour me tirer de se mauvais pas mais... au contraire ! J'attends précisément de cette fille qu'elle me conduise là où je dois rencontrer le Colosse Euphorie à qui j'ai tant de chose à dire. Histoire de faire bonne impression, je retire le Masque du Toxique et je lui explique venir en paix.

    « Je ne cherche pas les emmerdes ! J'en ai assez comme ça. Je veux parler à Euphorie. Je sais qu'il est ici. Peux-tu me mener à lui ?
    Non, Euphorie n'est pas chez nous. Mais tu es bien renseigné. Il doit effectivement arriver sous peu. »

    Elle ne pose pas la question mais je sens qu'elle a envie de savoir qui je suis. Alors, je dis la vérité, tout simplement, ou je me la raconte à mort en inventant un personnage de dingue ?

    « Je m'appelle Damien. Mais on m'appelle aussi, ça dépend, Demian ou le Joueur. Je suis aussi le Kraken. Et toi ? »

    A voir son air suspicieux, je ne suis pas sûr d'avoir marqué des points.

    « Je m'appelle Barrette...
    … parce que tu portes une barrette ? »

    Elle porte effectivement une grosse barrette en bois. Je ne saurais dire si c'est joli ou non. Disons que c'est... spécial. En tout cas, on la reconnaît de loin.
    Je fais un pas dans sa direction. Je tiens sa lance pointe baissée. Grâce à ma vision, je sais que les choses vont mal tourner mais autant retarder ce moment.

    « Je ne suis pas si bien renseigné que ça. Je croyais que le Colosse était déjà là. Ça t'embête si je l'attends ? »

    Et je continue d'avancer dans sa direction. J'espère qu'elle est seule même si je suis convaincu que plusieurs paires d'yeux nous épient. Je respire lentement. Je veux paraître le plus sûr de moi possible. Allez, je suis le Kraken et rien ne peut m'arriver.

XxXxX

    À tout moment, je m'attends à ce qu'une bande de barbares me tombent dessus. À chaque pas, je sens la pression sur mes épaules devenir de plus en plus lourde. Mais il ne se passe rien. J'arrive face à Barrette. Elle me fixe du regard, menaçante. Je crois qu'elle a oublié que c'est moi qui ai sa lance. D'ailleurs, en signe de bonne volonté, je la lui rends. Alors, va-t-elle me conduire jusque chez eux pour y attendre le Colosse ? Non ! Comment ça, non ? Elle m'explique que je suis assez grand pour y arriver tout seul. Elle m'indique le chemin. Je n'ai pas le GPS intégré mais je devrais m'en sortir.

    En vérité, même si le chemin n'est pas une ligne droite, trouver le repaire des Natifs de l'Abattage n'est pas très difficile. En effet, les hautes ruines sont toujours dans mon champ de vision et me permettent de me repérer. J'arrive donc dans ce qui reste d'un hall. Une grande partie du mur est effondré. Aussi, l'endroit est plutôt bien éclairé. À l'intérieur, le plafond menant au 1er étage est crevé et la végétation s'y est infiltrée. Certaines des branches et racines sont si épaisses qu'on doit pouvoir les escalader. Mais je m'amuserai à ça plus tard. En fait, il y a du monde et comme je n'ai rien fait pour que mon arrivée soit discrète...

    Tous les regards se tournent évidemment vers moi. À ma grande surprise, il n'y a pas tant d'hostilité que ça. Ce n'est pas le grand amour, faut pas exagérer, mais ils ne tirent pas à vue. Aussi, je me présente, Demian, le Kraken ! Je viens ici pour rencontrer le Colosse. Je sais qu'il est attendu pour bientôt, Barrette me l'a dit.

    « L'invasion avance un minimum à l'Ouest ! me dit un gars avec une longue barbe.
    C'est possible, je réponds. En réalité, je n'ai aucune idée de quoi il parle.
    Ceux qui sont contre nous veulent atteindre le minerai. »

    Et là, je tilte ! La mine !

    « Je sais ! Je dis alors qu'en vrai je n'en sais rien du tout. Je sais ! Vos ennemis en veulent au minerai. Ils veulent accéder à la mine. Moi aussi, mais pas pour les mêmes raisons. C'est pour ça que je dois voir Euphorie. Le Colosse, vous lui avez demandé de venir pour vous aider contre vos ennemis. Moi, ce sont les Yeux de la forêt qui m'envoient. Je dois rencontrer le Colosse ici. Je dois aller à la mine. Une fois fait, je m'en irai et je n'aurai pris aucun minerai. C'est promis. Mais si vous êtes menacé, je peux vous aider. Je suis Demian. Je suis le Kraken. Je peux le faire ! »

    Les Natifs ont l'air dubitatif, même si je suis sûr qu'ils seraient incapable d'écrire ce mot sans faire une faute. Mais, l'air de rien, je sens que ça cogite. J'enchaîne.

    « Je ne sais pas ce que vous demande le Colosse en échange de son aide. Moi, je ne vous demande qu'un accès à la mine. C'est tout. Les Yeux m'ont dit d'y aller. Alors, j'y vais. Puis je m'en vais. »

    Je ne sais pas trop ce qui se passe. C'est moitié conscient, moitié seulement... Je gobe une Bille et sens le contenu voyager dans mon corps. Je sens le liquide traverser ma gorge, traverser la paroi de mes intestins pour se mêler à mon sang. Je sens une partie remonter jusqu'à mon cerveau. Et là, je ne saurais dire si c'est de la prescience ou si j'ai provoqué cet événement mais...
    Le barbu veut savoir qui est le plus à même de les aider entre le Colosse et moi. Il veut que nous nous battions. Ils engageront le plus fort. C'est complètement débile car, objectivement je ne leur demande vraiment rien. Ils pourraient avoir deux protecteurs pour le prix d'un. Mais ce doit être à cause du mélange de Bille et de ma vision de Connecté ou un truc comme ça. Je n'aurais peut-être pas du prendre cette Bille. Mais bon, c'est comme ça. Maintenant, je n'ai plus qu'à attendre l'arrivée du Colosse.

    Que fout Euphorie ? Ça fait plusieurs jours que je suis là. On l'attend, comme des cons ! J'ai soigné mes mains et je n'ai presque plus de Billes. Ce n'est pas qu'on me retient prisonnier mais j'ai bien compris que je ne gagnerai rien à proposer de rentrer chez moi pour revenir plus tard. Alors, j'attends... comme un con ! Et le lendemain, enfin, le Colosse débarque. Avec ses yeux violets et ses plaques rouges. Il a pour seul arme un carreau d'arbalète. Pas l'arbalète, juste le carreau. Ça doit lui suffire et c'est pas rassurant.
    Le barbu l'accueille. Ils discutent. Je suis trop loin pour entendre ce qui se dit et, en vrai, je m'en fous car je sais déjà comment ça va se finir. Ça ne traîne pas. Les Natifs forment un cercle autour d'Euphorie et moi. Le barbu explique la règle du jeu, l'enjeu. Le Colosse se saisit de son carreau et le projette dans ma direction. Il vise volontairement largement au-dessus de moi. Je me retourne et voit le carreau planté dans le béton. Ça promet ! Je me remémore ma vision. Euphorie est énorme. Je lis des sentiments contradictoires dans ses yeux violets. Son corps est parcouru de cicatrices et, par endroits, recouverts de plaques rouges dont je ne sais si c'est de l'écorce ou de la pierre. Je me rappelle qu'il n'est pas seulement un guerrier puissant. Il est aussi connu pour être un sorcier. Est-ce que ces plaques sont le résultat de sa magie qu'il aurait utilisé sur lui-même ? Il va se battre à mains nues. Moi, j'ai mon Beretta mais je ne suis pas sûr que cela lui fasse grand chose.
    En vérité, je n'ai aucune intention ni même aucun intérêt à me battre avec lui. Alors, je m'assois en tailleur au milieu du cercle et je dis :

    « Salut, Euphorie ! Je suis Demian, le Kraken. Je ne viens pas pour me battre contre toi. Je ne viens pas pour prendre ta place ou ton job. J'ai proposé mon aide aux Natifs, mais pas dans l'idée de te remplacer. Je pensais qu'on pourrait travailler ensemble. En fait, j'ai quelque chose à faire dans la mine. Ce n'est pas long. Mais je voulais aussi te parler. J'ai un souci car les Yeux de la forêt et les Voix Mortes m'ont parlé de toi. Les Yeux m'ont demandé de t'aider mais les Voix Mortes m'ont demandé l'inverse. Spontanément, j'aurais plutôt tendance à écouter les Yeux. Mais les Voix Mortes ont dit que tu étais un ancien ami, mais que tu avais dit des mensonges sur elles. Et les Yeux, au contraire, ont dit que tu avais besoin de mon aide pour te rétablir. Es-tu malade ? »

    Le Colosse est vraiment plein de contradiction. Je vois bien dans son regard qu'il est irrité par mes propos. Pour autant, je sens qu'il prend sur lui pour rester conciliant. En vérité, il n'est pas du tout une brute sans cervelle ne pensant qu'à se battre. Il a un cerveau et il s'en sert. Mais pour autant, il demeure silencieux. Je crois savoir à quoi il joue. Il veut certainement laisser s'instaurer un silence gênant. Le premier à le rompre sera en quelque sorte le perdant car parler reviendra d'une façon ou d'une autre à livrer quelque chose de soi à l'adversaire. Bon, réfléchissons. Le concernant, j'ai deux sons de cloches différents. Celui des Yeux de la Forêt, qui sont bizarres mais plutôt bienveillant. Celui des Voix Mortes, des Horlas ! Ai-je vraiment besoin de réfléchir plus longtemps ? Je me relève et m'approche du Colosse.

    « Écoute, ce serait ridicule de ma part d'accorder du crédit aux dires des Voix Mortes. Quoi que tu aies pu dire sur elles, que ce soit vrai ou non, cela ne me concerne pas et, surtout, je ne suis pas vraiment l'ami des Horlas. Par contre, les Yeux, c'est différent. Ils ne sont pas toujours très clairs dans leurs propos mais ils ont quand même eu l'air de dire que tu avais besoin d'aide. Alors, en quoi puis-je t'aider ? »

    Et je me rappelle ces mots que j'ai entendu dans la Forge d'Encre. Une malédiction. Il a tué pour se débarrasser d'une malédiction. Peut-être que ça n'a pas marché, que ce n'était pas ça qu'il fallait faire. Je lui propose de continuer en privé mais il refuse. Bon, OK ! Alors je lui expose ma théorie selon laquelle il aurait effectivement été maudit. Il est un sorcier aussi connaît-il certains rituels. Peut-être est-ce pour accomplir un rituel de désenvoûtement qu'il a tué quelqu'un, comme l'ont dit les voix dans la Forge d'Encre. En tout cas, ça n'a pas marché. Je lui explique donc posséder une telle Forge. Je lui dis aussi qu'avec un rêve d'Anton je dois pouvoir lever cette malédiction. Mais, le rêve se trouve dans la mine. Alors, me laissera-t-il accéder à la mine ?

    C'est pratique et bizarre d'être « dissocié », « clivé », je ne sais pas comment on dit. Mais alors que, au beau milieu des Natifs de l'Abattage qui s'attendaient à une boucherie en règle, je négocie avec le Colosse Euphorie, je suis également face à mon PC. Je tire une carte Muses & Oracles du paquet situé sur ma gauche. Je regarde le Colosse en souriant. Je retourne la carte en espérant ne pas tirer un « Non ! » et... Je tire un « Oui, et... » Et c'est pas tout ! Le picto représente une poignée de main. Mon sourire grandit. Et le Colosse se met à sourire aussi. Sur la carte, je lis des mots et des expressions comme « Fou de joie », « Relation : sauveur/sauvé », « Breuvage » et « paroxysme ». Je ne sais pas qui sont les ennemis des Natifs mais je sais que ce n'est pas moi qui les combattrais. Moi, je viens de me faire un ami pour la vie. On va fêter ça ici avec les Natifs et un flot de boisson. Ensuite, j'irai chercher le rêve d'Anton.

    Je ne bois pas d'alcool. Jusqu'à ce que je me mette à la Bille, ma seule drogue était le glucose. Bon, ce soir je ne picole toujours pas et je n'ai pas assez de Billes pour me permettre de les gaspiller. Pour autant, je passe un bon moment. Même si les Natifs ne m'appréciaient pas au départ, Euphorie a fait en sorte qu'ils me fichent la paix. Je crois surtout qu'ils n'ont rien compris à ce qui s'était passé. Toutefois, le Colosse s'est en quelque sorte porté garant pour moi donc tout va bien. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'avec les Natifs on se tape dans le dos mais je crois au moins pouvoir dire qu'ils ne me créeront pas d'ennuis.
    En réalité, Euphorie m'a vraiment l'air d'un type bien. Ce n'est pas qu'une force de la nature. Il a aussi un cerveau. Je ne lui ai rien demandé de ses secrets mais je pense que cette réputation de sorcellerie lui vient entre autre de son intelligence à laquelle on ne s'attend chez un type comme ça. En fait, je ne lui demande rien car, et je le lui ai dit, je veux avoir le champ libre quand je serai devant ma Forge d'Encre. Tout ce qu'il pourrait me dire serait autant de contrainte. Si je ne sais rien, face à la Forge, je serai libre de tout inventer. Cela me sera alors encore plus facile de régler son problème de malédiction. De même, je me fiche de savoir ce qu'il a pu dire sur les Voix Mortes. Et même, j'en fais mon affaire. Avec ce prochain rêve d'Anton, je trouverais sûrement dedans de quoi fortifier un peu plus mon camp. Il y aura peut-être des armes dedans ou au moins de quoi en faire. Ce serait bien. Un moment, j'ai pensé offrir le Masque du Toxique à Euphorie. Mais en vrai, c'est plus prudent que je le garde. D'ailleurs... Non, aucune Voix Mortes à l'horizon ! Par contre, quand je regarde le Colosse à travers les yeux du Masque, je vois une sorte d'aura arc-en-ciel. Je pense bien sûr au Rainbow Flag et me demande si Euphorie est gay. En vrai, on s'en fout complètement !
    Et c'est alors que je suis en plein je m'en foutisme concernant la vie privée de mon nouvel ami que j'entends, dans ma tête, les Yeux. D'habitude, ils me demandent quelque chose quand je leur demande quelque chose. Sauf que là, j'ai rien demandé. Pourtant...

    « Crois-tu ce qu'on raconte sur Atlanta ? Si non, pourquoi pas ? »

    Atlanta ? Merde ! De quoi ils parlent ? De la ville ? C'est quelqu'un ? À quoi ils jouent ? Ils savent très bien que je ne peux pas répondre à cette question sans gober une Bille. Ou alors, il faut que j'y consacre une part du rêve d'Anton. Mais dans ce cas, ce sera une part de rêve en moins pour aider Euphorie ou améliorer mon camp. J'ai l'impression que ces salauds veulent me forcer à gober une Bille. Ou alors, je peux m'en remettre au hasard mais avec le risque de tomber sur quelque chose de vraiment dégueulasse. Je n'ai plus que deux Billes. En claquer une juste pour m'assurer qu'Atlanta n'est pas une emmerde de plus... Est-ce que ça vaut vraiment le coup ? En plus, le temps file et le taux de Pétrol'Magie dans mon sang diminue. Bientôt, bientôt... Je serai en manque ! C'est ça, bordel ! Les Yeux veulent que je sois en manque ! Je dois absolument garder au moins une Bille alors je tire une carte ! Atlanta, c'est une personne ?

    « Oui, mais...
    Mais quoi ? Il est pas... humain ?
    Si, mais...
    Putain ! C'est une espèce de mutant dégueulasse ? C'est ça ? »

    Soudain...

    « Kraken, le chemin le plus long est parfois le meilleur : emprunte le ! »

    Je me lève. Je me sens pas bien du tout ! J'explique comme je peux aux Natifs que je dois aller à la mine immédiatement. À part, j'explique à Euphorie que les Yeux viennent de me parler et que c'est louche. Lui, il ne doit pas s'inquiéter. Ça ne concerne que moi. Mais on dirait qu'un long chemin m'attend. Sauf qu'avant, je dois me préparer. Et il me faut le rêve d'Anton.

    Je suis seul dans la mine. Je cherche. Je fouille. Je finis par trouver le rêve d'Anton. C'est le rêve n°7. Je rentre au camp. J'ai du boulot. Avec ce rêve je dois lever la malédiction qui pèse sur Euphorie, améliorer mon petit camp de la mort, me protéger des Voix Mortes et du Bureau des Narcotiques et me préparer à un long voyage pour savoir ce qu'on raconte sur ce mutant dégueulasse qu'a l'air d'être ce fameux Atlanta. C'est une bonne liste de course, ça !

XxXxX

    OK, je m'attelle à ma Forge d'Encre avec sous les yeux le rêve n°7. La Forge me demande la biographie d'un personnage imaginaire. Ça tombe bien, je dois m'occuper du mutant Atlanta. Mais avant, je dois lever la malédiction pesant sur Euphorie.

    J'ai fait en sorte d'avoir au maximum le champ libre pour aider le Colosse. Il ne m'a rien dit. Aussi, rien n'est fixé. Rien n'est vrai. Tout est permis. Je pioche dans le rêve n°7 d'Anton : «Dernières heures », « soleil », « accélérer » et « angoisse ». Ainsi, la malédiction qui le frappe lui fait revivre, à chaque lever et coucher du soleil, ses dernières heures en accéléré. Il voit sa mort à venir deux fois par jour. Et la vitesse du film est telle qu'elle le frappe comme un rocher dans la figure, le laissant rempli d'angoisse. Euphorie fait bonne figure mais il est en réalité rongé par cette peur que ces visions deviennent réalité. Mais que puis-je lui apporter ? Dois-je simplement le délivrer de ces visions en sachant qu'elles pourront malgré tout se réaliser ou dois-je encore consacrer une part du rêve à lui écrire une nouvelle histoire ? Je ne sais pas si c'est le meilleur des cadeaux que je lui fais  là mais je décortique le rêve n°7 et en tire un « jardin », un « chien », un « chat » et le sentiment d'être « à l'aise ».
    Nous mourrons tous. Que je le délivre de ses visions ne résoudra pas ce problème. Alors, deux fois par jour, il aura toujours une vision de ses dernières heures mais il les vivra dans un jardin, à l'aise, avec son chien et son chat !

    Et maintenant, Atlanta ! Tu es un mutant... artificiel ! Tu es un mélange de boue, de peinture et de plastique fondu. Tu as été crée à Berlin, dans un atelier caché sous un lac. Tu devais être une sorte de super Golem pour la plus grande gloire du Reich. Le premier d'une longue série de gardiens du nouvel Empire. Mais il s'est passé quelque chose d'inattendu. Un imprévu. Et tu n'es qu'une chose déclinante dont il a fallu se débarrasser. Voilà ce qu'on raconte sur toi. Et pour répondre à la question des Yeux, est-ce que je crois qu'on raconte sur toi ? Évidemment ! Et j'irai même plus loin que ça. Ce n'est pas pour rien que les Yeux m'ont parlé de toi, Atlanta, le mutant artificiel, le Golem raté ! Tu as été créé par des savants fous nazis, à Berlin ! Les nazis, ceux-là même qui ont crée tous ces camps de la mort. On dit que c'était pour se débarrasser de leurs ennemis, mais pas seulement. J'ai lu Cheval du Diable. Et je sais. Ou du moins, je crois savoir que les nazis voulaient surtout, en créant ces camps, attirer des Exilés afin de leur soutirer leurs secrets. C'est d'ailleurs ce que j'essaye de faire avec mon petit camp de la mort dans la forêt. Mais pour autant, le rêve d'Anton ravive une idée qui me trotte dans la tête depuis un moment. J'ai fabriqué mon petit camp mais je n'arriverai jamais à reproduire ce que les nazis ont fait. Si j'ajoute à ça que le Bureau des Narcotiques sait que je me réfugie à Millevaux et que, par conséquent, je n'y suis plus vraiment en sécurité (autant qu'on puisse être en sécurité à Millevaux), c'est peut-être tout simplement le moment de me tirer d'ici ! Et Berlin pourrait être la destination idéale. Pas le Berlin de la guerre, ce serait trop risqué. Le Berlin de l'après-guerre, du début des années 1950. La ville en ruine est aux mains des alliés. La plupart des nazis se sont enfuis en laissant tout en plan. Il reste certainement dans les décombres de leurs laboratoires les plus secrets des rapports concernant leurs expériences les plus barrées. C'est sûr, il reste des choses pour moi à Berlin. Les nazis n'ont pu ni tout emporter, ni tout détruire. Et en 1950, en tant qu'agent de la RPA, je pourrais mener ma petite enquête sans être trop ennuyé. Enfin, tant que le Bureau des Narcotiques ne me retrouve pas. Bon assez tourné autour du pot, mes trois kapos ne m'en voudront pas de les laisser là.
    Par contre, j'ai un problème. Je pourrais gober deux Billes pour remonter le temps jusque dans les années 1950. Sauf que je n'en ai plus qu'une ! Mais, je suis le Kraken et dans d'autres vies j'ai su ouvrir des Portes entre les mondes. J'ai fait ça, notamment, quand j'étais Corso. Je saurai le refaire. Alors, « Geh nach Berlin ! »

    Et là, je me revois, dans mon petit camp, en train de découper l'éclopé pour lire dans ses entrailles. Et j'entends, dans ma tête, les Yeux me demander :
    « Qui connaît un secret te concernant ? Quel risque s'il le révèle ? »
    En vrai, je n'en sais rien. De quel secret ils parlent ? Du fait que je sois un Ancien ? D'une certaine façon, tout ceux qui lisent mes posts sur Facebook sont au courant. Mais tout le monde s'en fout puisque tout le monde pense que c'est un jeu de rôle. Ça n'a même pas besoin d'être un secret. Ce serait plus gênant si le Bureau des Narcotiques tombait là-dessus.
    Et je n'ai pas fini de penser cette phrase que tout change autour de moi. C'est comme si tout était de l'eau mais que soudain tout se figeait. Je suis maintenant dans un bureau. Le bureau de Don Vincente. Qu'est-ce que je fous là ? Tout le monde est immobile. Moi aussi, je ne peux pas bouger. En fait, on vient de me faire une proposition. Don Vincente vient de me proposer de travailler pour lui mais... cela voudrait dire que je trahirai ceux pour qui je travaille actuellement. Qui je suis dans cette réalité ? J'en ai aucune idée mais la situation a l'air des plus tendues. Je sens de la sueur perler au ralenti le long de ma nuque. Je ne peux absolument pas bouger. C'est même difficile de faire rouler mes yeux dans leurs orbites. Les Yeux, à quoi ils jouent bordel ?!
    « Où trouvez-vous régulièrement des éclats de bois et des épines chez votre amant  dryade ? Lors de vos rapports sexuels, comment vous protégez-vous contre ces petites douleurs ? »
    Je crois que les Yeux ont complètement craqué ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je n'ai aucune relation de quelque nature que ce soit avec un... dryade ! Et c'est quoi d'abord ? Une espèce d'arbre vivant ? Si c'était le cas, l'endroit privilégié pour ça aurait été... Millevaux ! Pile l'endroit dont je viens de me tirer. Est-ce une sorte de métaphore ? Est-ce la façon qu'ont les Yeux de me dire qu'en construisant mon petit camp de la mort, j'ai fait quelque chose de pas très joli-joli et que, d'une certaine manière, cela veut dire que je serais finalement un peu pourri comme le sont tout ceux qui sont contaminés par Millevaux ? C'est ça la « relation sexuelle » ? L'esprit de Millevaux vu comme une maladie sexuellement transmissible parce que, au final, on tire un certain plaisir à faire du mal à autrui ? Pour être clair, je n'ai pas crée mon petit camp de la mort par sadisme. Je l'ai fait car, après avoir lu Cheval du Diable, je suis convaincu que c'est le seul moyen pour moi de percer le secret des Exilés et savoir, enfin, si je suis un être réel ou un être de fiction, le personnage d'un jeu. Suis-je le Joueur ou le personnage joué ? C'est uniquement pour ça que j'ai crée ce camp. Et d'ailleurs, maintenant que j'ai peut-être l'opportunité de trouver la réponse dans les archives des nazis à Berlin, je n'insiste pas et abandonne le petit camp. Comme quoi, je ne suis pas un sadique fou-furieux ! Ai-je réellement réussi à convaincre qui que ce soit alors que je ne suis même pas certain de m'être convaincu moi-même ?



Commentaires de Thomas :

A. Ici, on passe la vitesse supérieure puisque c'est le Joueur lui-même qui se retrouve protagoniste d'un dangereux voyage dans le multivers. On voit ici bien l'effet Mantra 2 (on se joue soi-même) mais c'est très cohérent avec l'évolution de plus en plus méta de tes parties précédentes. L'aspect horrifique s'en trouve renforcé puisqu'on suppose le Joueur plus fragile qu'un PJ (et cette fois-ci, pas de fusibles) mais on suppose aussi que la force du Joueur c'est son 100 % en Mythe de Cthulhu...

B. [Pour le public : Christophe Breysse est l'auteur d'Omniscience] « Et là, vient le moment où Christophe Breysse m'interroge à propos des Connectés. Comment ils sont perçus, s'ils sont l'objet de luttes d'influence etc. ? »
Fais-tu référence à une discussion en ligne que vous auriez eue ?

C. « Que sait-on à son sujet ? Que sais-je à son sujet ? Tout d'abord il s'agit d'une ruine datant de l'Antiquité gréco-romaine. Avant l'avènement de la Mauvaise Mère, c'était déjà une ruine. Mais des archéologues l'avaient extirpée de la terre. Ils avaient remis en état tout ce qui pouvait l'être et avaient reconstitué une partie de son histoire afin que le public se rappelle comment on vivait à l'époque et à quoi ce genre de lieu servait. À l'époque, cette découverte a stoppé net la construction de nouvelles barres d'immeubles. En effet, c'est en creusant les fondations d'un futur HLM que ces vestiges furent découverts. Aussi, pour des raisons historiques, culturelles, etc, le projet d'agrandissement de la ZUP locale fut abandonné. »
Est-ce que tu fais référence à un endroit réel ?

D. « J'ai pratiqué l'escalade en salle pendant quelques années. Sur le plan purement théorique, j'ai des restes. Maintenant, il faut voir si mes jambes et mes bras suivront. Ça fait presque deux ans que je n'ai pas touché une prise mais je continue à faire de l'exercice très fréquemment. Sans battre des records, je reste quand même assez endurant. J'espère que ça suffira pour arriver en haut. »
Intéressant (et très Mantra !) que tu utilises tes compétences de la vie réelle pour gérer un obstacle.

E. « J'ai lu Cheval du Diable ! Et je sais quel rôle y jouent les camps de la mort. J'ai d'ailleurs une toute nouvelle théorie expliquant pourquoi les nazis les ont construit. Je ne rentrerai pas dans les détails car :
1-je ne veux pas spoiler.
2-je ne veux pas d'emmerdes ! Je ne me sens pas l'âme d'un Dieudonné... qui est pourtant parfois, voire souvent, très drôle quand même. Bref...
3-notez bien que ma volonté de ne pas spoiler (et donc vous inciter à lire Cheval du Diable en particulier et tout Christophe Siébert en général) l'emporte largement sur mon désir de ne pas finir devant un juge. »
C'est amusant comme le Joueur quitte un instant les considérations de survie immédiate qui devraient l'animer pour se lancer dans une diatribe méta.

F. « De mon balcon, je regarde Haze, Corso et Lewis-Maria maltraiter les éclopés que j'ai invoqués. J'espère que ce camp deviendra vite un vrai camp de la mort. Je veux savoir si ce que Siébert a écrit est vrai. Mais pour ça, pour aller plus loin, il me faut un rêve. »
Ah oui, c'est chaud quand même.

G. Sympa que tu utilises des questions d'Oriente et que tu fasses référence à la partie qu'on a jouée ensemble ! (partie que j'ai renommée Trancher les parties pourries )

H. « Mon personnage est quasiment certain que sa curiosité va le mener à la mort. Et la mienne ? Je crois que j'ai saisi le message, je m'en vais. »
Certes ! Cette fois-ci la curiosité maladive du Joueur, sa volonté de savoir ce qui va se passer, l'a poussé à s'impliquer un peu trop !

I. « C'est pratique et bizarre d'être « dissocié », « clivé », je ne sais pas comment on dit. Mais alors que, au beau milieu des Natifs de l'Abattage qui s'attendaient à une boucherie en règle, je négocie avec le Colosse Euphorie, je suis également face à mon PC. »
Autant c'est intéressant en matière de jeu sur le méta, autant ça diminue le sentiment que le Joueur soit vraiment en danger.

J. « Je suis maintenant dans un bureau. Le bureau de Don Vincente. Qu'est-ce que je fous là ? Tout le monde est immobile. Moi aussi, je ne peux pas bouger. »
Sympa l'effet de temps suspendu. Une technique de vertige logique de plus !

K. « Où trouvez-vous régulièrement des éclats de bois et des épines chez votre amant  dryade ? Lors de vos rapports sexuels, comment vous protégez-vous contre ces petites douleurs ? »
Ça vient d'un jeu descended by the Queen ça ?

L. « Suis-je le Joueur ou le personnage joué ? »
Intéressante nouvelle couche métaphysique :)


Réponse de Damien :

A. Je pense être aller un peu plus loin dans le méta avec ma campagne de Mantra justement ^^

B. Pas du tout ^^

C. Pas du tout non plus ^^

D. Yep mais bon, je n'ai pas touché une prise depuis presque 2 ans donc je pense qu'une reprise serait très très dure ^^

E. En vrai, j'aime bien le méta-jeu justement ^^ c'est dommage de ne pas pouvoir dans le cadre d'une partie classique.

F. Cheval du Diable vaut vraiment le coup d'être lu 0_0 je n'en dis pas plus…

G. Méta toujours :)

H. Et bien, c'est un des paradoxes du perso. Le Quizz Mantra en fait un adepte de l'Hommonde mais son envie, voire son addiction au jeu de rôle, en fait plutôt un adepte du Cycle. C'est un de ses buts que de comprendre ça.

I. Bah je peux pas être tout le temps dans la méga-merde non plus ^^ autant qu'être un Ancien me serve par moment quand même ^^

J.     Oui, je voulais tester une alternance de hacks de Pour la Reine et de Vertiges Logiques. Y a moyen de faire quelque chose de fun. Là encore, ça peut être drôle à plusieurs.

K.  Oui :) voir le J. ^^

L. Questionnement tout droit sorti de ma lecture de Cheval du Diable :)


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#80 16 Sep 2022 15:28

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

DES VOIX PARMI LES ARBRES

Une symphonie agropastorale pour cœurs et sanglots avec un enfant, une guerre, et la forêt autour. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry.

(temps de lecture : 5 min)
(temps d’écoute : 3h30 en 4 épisodes)

Joué le 16/02/2020

Le jeu : Jardins des esprits, un bac à sable psychologique par Fabien Hildwein.

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Esto Minjatones_Larissa sayer, cc-by-nc


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


mp3 à lire ou télécharger :

Présentation
Fiction 1
Fiction 2
Fiction 3


Le contexte :

J'ai commencé à jouer Des voix parmi les arbres, une préparation de jardins des esprits.
La transmission du jeu n'est pas si évidente, surtout auprès de Xavier.
Une injonction page 42 par ailleurs m'interpelle.
Ne joue pas les émotions, décris-les.
Le cabotinage n'a pas sa place à Jardins des esprits.
Pour moi c'est un frein au bleed et une limitation difficile à accepter de mon agentivité.
Je persiste néanmoins avec l'intention de jouer by the book.
La suite de la partie avec Xavier sera jouée demain.


Thomas :

Ça m'intéresse beaucoup que tu testes le jardin des esprits, et de surcroît dans un cadre forestier ! Curieux donc (comme toujours) d'avoir votre retour d'expérience.
Je ne suis pas dans la tête de Fabien Hildwein (l'auteur), mais je suppose que cette règle « Ne joue pas les émotions décris les. » est faite pour éviter de donner la part belle aux joueuses théâtrales et aussi pour révéler l'introspection (car après les émotions que nous ressentons et celles que nous exprimons ne sont pas forcément les mêmes). Après, j'en conviens, ce n'est pas très convergent. Je crois qu'on pourrait réconcilier cette règle avec un objectif de convergence avec cette idée : les personnages pourraient être des mémographes équipés d'antiques magnétophones et régulièrement ils y tiennent un journal intime de leurs émotions, dédiés à eux-mêmes seuls. Qu'en penses-tu ?

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Claude :

Le cadre est toujours forestier et pré industriel.
Le jeu se joue à deux
Toi, la position voisine de celle du MJ, révèle une préparation un peu comme à Sphinx
Tu joues pour ta partenaire et afin mettre en évidence les beaux gestes, la dimension care du jeu.
Le temps de parole n'est pas ce que gère cette règle, je pense.
Plus une mise à distance, une esthétisation des émotions à la manière de certains romans.
L'interprétation est offerte à l'imagination de ta partenaire.
L'esthétique prime sur l'émotion.
J'ai posé la question à Fabien Hildwein, mais j'entends jouer selon la règle avant d'éventuellement l'interpréter.
Je n'ai pas encore pensé en termes d'adaptation à Millevaux.
Cependant je ressens à priori une grande porosité entre le royaume éternel et Millevaux.
Les préparations que je jouerai s’inséreront comme des réminiscences dans la campagne en cours et  notamment des éléments de réponse à la partie Muddus que nous achèverons jeudi.
Celle de vendredi avec Alex, Chien rouge, fera le lien avec des enfants soldats de Little Hô Chi Minh Ville, un flashforward, ou elle devra apaiser les remords d'enfants soldats devenus grands.


Réponse de Fabien Hildwein :

« Concernant Fenouil, oui, c'est un personnage aux émotions plutôt fortes et caricaturales. Néanmoins, je pense qu'on peut le jouer sans dire "il est en colère" ou "il est triste". Tu peux signaler qu'il veut partir à la guerre parce qu'il s'entraîne, par ce qu'il raconte ou par ce qu'il possède (d'où l'importance de sa cache, le Cinq de Pique).
Cela étant dit, c'est plutôt une règle de perfectionnement du jeu qu'une règle structurelle. Si tu veux néanmoins jouer les émotions ou en parler directement, ça n'est pas un problème. »

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Claude :

Nous venons d'achever notre partie avec Xavier.

Ce dernier a conclu que ce fut une excellente partie, très constructive.

J'ai quelque peu aiguillé Xavier pour construire son rituel sur la fin, mais le résultat me semble satisfaisant à défaut d'être orthodoxe.

Le maître des esprits intègre la communauté pour répandre la concorde autour.

Xavier veut jouer une suite en ce sens

Un peu plus de trois heures de jeu, avec des moments intenses en émotions.

Une  particularité intervient dans la mise en jeu avec Xavier, il est dys et souffre de troubles de l'attention.

Le memory était pour lui un immense défi.


Cela n'a pas fait obstacle à l'émergence de scènes particulièrement poignantes.

Je précise cela dans la mesure où le témoignage audio est probablement muet sur ce point.


Xavier avait les yeux embués de larmes, la gorge serrée, et m'a pris les mains dans les siennes afin de renforcer son propos, lorsqu'il tentait de convaincre Hellébore d'être présente pour Fenouil ou de convaincre ce dernier que la guerre est une vilaine affaire.


Thomas :

Mes commentaires après écoute :

A. J’ai l’impression que la mécanique de Mémory émule le cheminement vers la vérité

C. On dirait que les gens sont avant tout jugés par leur aptitude au travail

D. La référence aux mirabelliers et le nom de Brimbelle acte le mélange entre le grand nord scandinave et les Vosges:)

E. Le fait que tous les PNJ de Jardins des Esprits aient des noms végétaux accentue le côté Millevaux

F. Pourquoi Tobias trouve Saule pendu et pas Aloès dans le test suivant pratiqué avec Alex ?

G. C’est une belle performance de la part de Xavier de jouer à ce jeu qui se veut assez mature.

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Claude :

C. C'est un peu ma lecture de la préparation au regard des lignes et voiles déployées pour Xavier.
(pas de romance, pas de représentation de la sexualité).
Le maître des esprits arrive dans une communauté dont il ignore tout. Elle a perdu son harmonie, il se doit de la rétablir.
Ce que j'ai donné à voir à Maître Tobias c'est une vie où seul importe le labeur donné à la communauté tellement les absents rongent le cœur des présents.
J'ai une lecture moins abrupte dans ma partie, sur la même préparation avec Alex.

E. Oui et cela donne la dimension fantastique du royaume éternel déployé dans les préparations. Toutefois le sel du jeu demeure d'établir des liens avec les lieux et les personnages, mais avant tout  ces derniers.
La dimension psychologique prime sur le reste

E F.  Avec Xavier j'ai essayé de jouer au plus près de ce que j'ai compris de la vision de l'auteur, rebaptisant certains noms pour favoriser mon immersion dans le cadre de ma campagne ouverte de Millevaux. Les motifs déployés et la vision prosaïque de la scierie abandonnée renvoient à notre partie du Moulin Déjà Vu, Xavier y a d'ailleurs positivement réagi.
Toutefois, je me suis attaché à rendre une atmosphère agropastorale austère, une vie modeste, selon mes souvenirs personnels de la vie de ma famille maternelle dans les Vosges des années 40.
Ces détails ou ce cadre fiction ruralo-vraisemblable ne sont de fait qu'à esquisser. Le propos du jeu se focalise que sur les liens entre personnages, le reste est affaire de couleur.
Dans ma session avec Alex je l'ai invité à interpréter le cadre  et donner sa définition propre de sa relation aux esprits et à la communauté.
Si je considère que la partie est une belle partie elle s'éloigne encore un peu plus de la proposition de Jardins des Esprits, en cela qu'elle offre à l'interprétation de la maîtresse des esprits une part de la préparation.


Thomas :

E.F. Cette ambiance agropastorale rude me rappelle tous les romans du terroir que je lis en ce moment :)


Thomas :

Mes commentaires après écoute :

A. Une très belle peinture que tu fais là des figurants

B. C’est amusant de voir le même scénar joué deux fois sous un angle totalement différent

C. Ce qui change avec Jardins des Esprits, c’est cette impression de temps long, cohérent avec l’ambiance agropastorale.


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