LA TÉNÉBREUSE
Une nouvelle incursion millevalienne dans ce jeu de donjon enfantin, avec la rencontre de moultes créatures aussi sympathiques qu'inquiétantes. Un enregistrement de partie par Claude Féry.
Le jeu : Milky Monsters, de Valentin et Guillaume Jentey, un jeu de rôle adapté aux enfants pour jouer des aventures dans un univers d'heroic fantasy
Joué le 09/03/2019
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Frank Starmer, cc-by-sa, sur flickr
Cet épisode fait suite à une première aventure jouée avec Milky Monsters : Pigasus.
Thomas, retour après écoute :
A. Un épisode délibérément plus gris et millevaux que le premier
B. Le crocodile gourmand est tour Ă tour terrifiant et marrant:)
C. Moi je me méfierais des corbeaux et je ne les suivrais ni eux ni leurs conseils..
D. La sorcière aux yeux charbonneux est-elle un Corax ?
E. Le monstre qui vole les dents des enfants et qui récupère leur vrai nom, ça vient des notes de Surnature, n’est-ce pas ?
F. Sympa de mettre un saule, j’oublie trop souvent de mentionner les essences d’arbres
G. Ils tombent et tu déclare la perte de leur équipement mais tu leur permets de récupérer aussitôt leur matériel : seulement une partie ou la totalité ?
RĂ©ponse de Claude :
A. et G. En partie seulement, mais l'idée maîtresse de Milky Monsters c'est qu'ils doivent gagner à la fin. En somme je l'ai teinté Millevaux mais j'ai tenté de coller à la proposition de Guillaume et de rester sur une histoire à hauteur d'enfant. Xavier avait vraiment la frousse à certains moments mais cela permettait à Mathieu de jouer le grand frère et cela a augmenté son plaisir de jeu.
B. Là c'était une incursion dans l'univers de Sedeck Siew et Munkao qu'a reconnu immédiatement Gabriel.
C. Mais les garçons sont fans de Corbeaux alors pour moi la tentation était trop forte et les émotions partagées autour de la table provenaient autant des personnages que des joueuses.
D. Oui
E. Je ne me souvenais pas avoir lu ce passage. Lorsque j'ai préparé la partie j'avais le dessin de Valentin et le petit bonhomme au fond de l'estomac de la créature. Le dentophage est un monstre que j'ai glané dans mes lectures de la scène osr anglophone et que j'avais traduit pour moi en me disant qu'il serait un méchant tip top pour les garçons.
RĂ©ponse de Thomas :
C. En réalité, les Corax ne sont pas forcément dangereux, cruels, trompeurs ou maléfiques. Ils peuvent aussi être dotés de bonnes intentions. Cela va dépendre de leur clan, de leur voie et des individualités. Les PJ Corax dans mes parties d'Inflorenza étaient plutôt du côté du bien, en tout cas de la lutte contre les horlas :)
E. Le monstre qui vole les dents des enfants est un classique de la littérature enfantine. Par coïncidence, il s'avère que je l'avais moi aussi repris à mon compte dans mes notes pour Surnature (je crois que ça figure dans la dernière mise à jour du document) :)
Hors ligne
J’AI TUÉ POUR TON NOMBRE
Une suite multipliant les jeux, les mises en abîme, la contagion forestière et le délire numérologique.
Joué le 27/10/2018
Jonathan Gray, cc-by-sa, sur flickr
Épisodes précédents :
1. Le Peuple des Ruines (joué avec The Quiet Year)
Damien Lagauzère reprend sa cosmogonie personnelle de Millevaux avec l’intro d’une troisième campagne solo qui amène beaucoup de pistes intrigantes et fait à nouveau planer la menace des Cœlacanthes et la perspective de nouveau cauchemars !
2. Un clou dans la main, deux trous pour les yeux (joué avec Omniscience)
Souvenirs psychotiques d’un futur antérieur où la menace horla prend des allures de guerre totale.
Et voila donc le dernier CR en date ? celui-là a été joué avec Dans La Nuit Longue et Glaciale (un mini PBTA) et 2 jeux Protocol (le Tueur du Calendrier et Eons). j'ai aussi joué un cauchemar de Cœlacanthes, réutilisé le contexte de Lacuna, rajouté un p’tit intermède avec Omniscience et un article rédigé selon les règles des Forges d'Encre. Pour vraiment conclure ce chapitre, je dois d'ailleurs encore en écrire un mais bon, ça attendra un peu, y a pas urgence ^^ maintenant, je dois trier toutes mes notes et préparer ma partie avec le personnage du Kraken et... préparer aussi tout ce qui concernera La Trilogie de la Crasse. j'attends d'ailleurs de recevoir Mantra et Mantoid que j’inclurai là dedans ?
L'histoire :
DLN...
Je suis l'agent Damon Haze. Je travaillais pour le FBI. Aujourd'hui, je travaille pour la Compagnie. Je possède un niveau d'accréditation Vert. Je n'ai donc pas encore vraiment accès à Blue City. Je dois encore faire mes preuves. Je suis d'ailleurs en train de les faire.
On m'a chargé d'une affaire digne de celles sur lesquelles je travaillais au sein du FBI, le Tueur du Calendrier. Un cas difficile puisque ce tueur n'opère que le 13ème jour du 13ème mois. C'est dans le cadre de cette enquête que je me suis retrouvé avec... ça !
Alors que je voyageais à bord d'un hélicoptère avec un dangereux virus, une violente tempête a éclaté. J'ai eu le temps de sauter de l'appareil avant que celui-ci ne s'écrase sur le flanc d'une montagne. Je suis seul, perdu au milieu d'une forêt brumeuse et enneigée, à plusieurs kilomètres du crash. À mon réveil, j'entends des coups de feu. Avec pour seules ressources du matériel d'escalade et quelques rations, je vais devoir survivre, découvrir la vérité sur ce lieu et découvrir ma vraie nature. Mais pour l'heure, j'ai froid. Et plus encore, je me sens terriblement déprimé.
EONS
Nom : Damon Haze
Rôle : Enquêteur. Il a le truc pour poser les bonnes questions et repérer ce qui n'est pas à sa place.
Motivation : Récompense/Provocant : ce n'est pas pour rien qu'il a quitté sa place au FBI pour la Compagnie. Il veut en savoir plus sur cette affaire « Millevaux » et il est convaincu que c'est en gravissant les échelons de la Compagnie qu'il en apprendra plus. Il n'est pas prêt à tout mais presque et prendra les initiatives nécessaires.
Relations : Romance/Folie : tout a changé pour Johanna Ackermann depuis que la lumière a été faite sur l'existence et le rôle de Sodek NoFink dans toute cette histoire. Sur le plan légal, rien n'a pu lu être reproché. Aussi, elle est libre. Mais son équilibre psychologique est plus précaire que jamais et maintenant qu'il n'appartient plus au Bureau, Haze entretient une relation de proximité relativement ambiguë avec celle dont il ne sait plus si elle est victime ou bourreau dans cette affaire.
LE TUEUR DU CALENDRIER
Nom : Damon Haze
Rôle : Enquêteur. L’enquêteur a le don pour poser les bonnes questions et repérer ce qui n’est pas à sa place.
Motivation : Impulsif/Envie : ce n'est pas pour rien qu'il a quitté sa place au FBI pour la Compagnie. Il veut en savoir plus sur cette affaire « Millevaux » et il est convaincu que c'est en gravissant les échelons de la Compagnie qu'il en apprendra plus. Il n'est pas prêt à tout mais presque et prendra les initiatives nécessaires.
Relations : Romantique/Argent : si Haze entretient une relation ambiguë avec Johanna Ackermann, c'est également le cas avec Edes Corso, l'héritière de la famille Corso qui a fait fortune dans la fabrication et la vente d'armes. Ils se sont connus au moment où Haze quittait le FBI pour la Compagnie. Il ne peut s'empêcher de se demander si c'est vraiment par hasard que leurs chemins se sont croisés. Edes Corso n'est pas seulement riche, elle est aussi très pieuse et se sent investie, comme tous les membres de sa famille, d'une sorte de mission. Elle accorde beaucoup d'importance aux questions de foi et de morale, ce qui ne manque pas d'attirer l'attention de Haze qui, depuis Millevaux et Ackermann, navigue en eaux troubles aux frontières de l'occulte.
XxXxX
Haze n'attend pas d'en savoir plus quant à ces coups de feu. Spontanément, il court dans la direction opposée et se retrouve à dévaler à toute vitesse ce flanc de montagne enneigée. À mesure qu'il s'éloigne de l'origine des détonations, il prend un peu plus le temps d'observer son environnement. Quelque chose cloche. Une forêt sous la neige, OK ! Mais pas une forêt comme ça. Haze finit par s'arrêter pour examiner un arbre. Il s'agit d'un arbre typique d'un forêt tropicale. Il n'y connaît rien, certes, mais il sait reconnaître un arbre tropical et il sait que ces régions ne connaissent jamais de périodes de neiges. Donc, quelque chose cloche.
L'espace d'un instant, il se demande si... mais non, impossible ! Son niveau d'accréditation est vert. Il n'a pas accès à Blue City et même dans ce cas, il faudra que ce soit une méga-interférence pour que la ville apparaisse sous cette forme. Où a-t-il atterri ? Quel est cet endroit ?
Haze vérifie le contenu de ses poches et de son sac. Du matériel d'escalade, super ! Des rations, mieux ! Le Virus, le plus important. Il doit l'emmener quelque part, mais où ? Curieusement, sa mémoire lui joue des tours. C'est comme quand on cherche un mot qu'on a sur le bout de la langue. On le connaît, pas de problème là -dessus ! Mais pour l'instant, impossible de s'en rappeler. Ça reviendra, on le sait. Mais quand ? Pas trop tard espère-t-il.
Par contre, il se rappelle bien de quelque chose. Le Virus. Le Cruel Centipède. Le Virus a été conçu à partir d'extrait du Cruel Centipède. Ce n'est pas facile, mais Haze rassemble sa mémoire. Il doit fixer ses idées quant au Virus avant d'oublier. Il sait que ce lieu, cet endroit, cette forêt va tenter de lui faire perdre la mémoire. Parce que cette forêt est... Millevaux. Et le Cruel Centipède est issu d'une variation, d'une interprétation de Millevaux. Le Virus est une variation de Millevaux. Une mutation de Millevaux. Parce que Millevaux est une maladie. Une maladie qui altère le temps et l'espace. Une maladie qui se répand d'autant plus facilement que, sous licence Creative Commons, l'accès à ses diverses interprétations est gratuite. Auteurs comme joueurs peuvent s'en emparer sans problème pour créer et répandre leurs propres versions de Millevaux. Mais déjà il a oublié comment il avait mis la maison sur cette version, le Cruel Centipède. Est-ce la Compagnie qui lui a donné ordre de le remettre à quelqu'un, quelque part ? Ou alors, l'a-t-il dérobé à quelqu'un et doit-il le remettre à la Compagnie au plus vite ?
Ces pensées dérivent alors vers les deux femmes qui partagent ses pensées et sa vie actuellement. Johanna Ackermann d'abord. Il culpabilise de cette relation car il sait au fond de lui qu'il l'entretient en grande partie pour percer le mystère entourant son « autre » personnalité : Sodek NoFink. Et Edes Corso. Il ne sait pas ce qu'elle lui trouve. Elle a tout. L'argent, le pouvoir, la beauté. Pourquoi s'être intéressée à lui ? Et lui, pourquoi s’intéresse-t-il à elle, si différente, issue d'un monde si lointain. Un monde si lointain ?
Sans s'en rendre compte, il a repris sa marche dans la neige et est arrivé dans une clairière. Là , un autre fait étrange. Au milieu de cette forêt tropicale, un arbre qui une fois de plus n'a rien à faire là  : un Noyer. Haze se sent bizarrement attiré par l'arbre. Quelque chose en lui... Non, quelqu'un à l'extérieur de lui sait que ce qu'il s'apprête à faire est complètement stupide et que cela va le précipiter dans un monde de cauchemar. Il sait que toutes ses interrogations ne sont que de futiles tentatives de gagner du temps car il va le faire. Il ne peut pas faire autrement. Il tente de se convaincre que cela lui permettra de mieux comprendre ce qu'a vécu Johanna. De mieux cerner la personnalité d'Edes. Une étrange association d'idées lui fait songer à l'Hadès. Et si la belle héritière était son monde des morts ? Alors, Johanna serait la vie. Non, elle est la folie. Après Éros et Thanatos, il y aurait Hybris et Thanatos ? L'Hybris ? Dionysos ?
Haze soupire et regarde la Noix qu'il trouve dans le creux de sa main. Dans son sac, il se saisit d'un mousqueton d'escalade et s'en sert pour en briser la coquille. Une soudaine rafale de vent lui arrache quelques larmes. Il songe alors à cette chanson de Laibach, Hell Symmetry et à ces quelques mots relatifs à la « 7 deadly sins industry ». Sans même songer à s'essuyer les yeux, il gobe la Noix...
Il ouvre les yeux. Il est là mais n'est pas là . Il se voit quelques mètres devant lui. Il se souvient. C'était avant de venir profiler au FBI. Il était alors négociateur. Il intervenait là sur une prise d'otage. Cette grande avenue. Laquelle ? Quelle ville ? Il a déjà ... oublié... Cette grande avenue avait été bloquée, évacuée par les forces de l'ordre. Le forcené, un braqueur en fuite, s'était réfugié dans un bus et avait pris les passagers et le conducteur en otage. Des snipers avaient été placés en des endroits stratégiques dans les immeubles de chaque côté. Des SWAT, positionnés dans les rues perpendiculaires, attendaient le feu vert pour intervenir. Lui, tentait de gagner du temps, d'obtenir qu'il libère les otages et de détourner son attention pour permettre aux SWAT, menés par son coéquipier, de s'approcher sans être vus. Qu'est-ce qui avait cloché ? Tout semblait bien se passer puis la situation a dégénéré. Le braqueur a été abattu mais des otages sont morts et son coéquipier a reçu une balle qui lui a sectionné la moelle épinière. Haze revoit la scène de loin mais la revit de l'intérieur. De loin, il voit cette petite porte d'environ 1m de haut. Était-elle vraiment là ce jour ? Il ne sait pas. Et s'il l'avait emprunté ? Où l'aurait-elle mené ? Quelque part d'où il aurait pu sauver son coéquipier ? Et si... Il fait un pas dans cette direction. Et ce retrouve au milieu d'un cercle composé d'hommes et de femmes nus à tête de sanglier, le corps couvert d'humus, de mousse et d'asticots. Ils se tiennent debout, les bras croisés, sans mot dire. Autour de lui, la moisissure a pris des proportions dantesques : buissons de mousse et masses fongiques. Le limon coule de partout. On entend un grondement et on sent la terre trembler. Il pense alors à Johanna, à Sodek et, va savoir pourquoi, à Shub-Niggurath. Puis, les hommes et femmes sangliers disparaissent. Il n'en reste plus qu'un, avec une verge d'une taille monstrueuse qui pend entre ses cuisses et deux seins gonflés de lait. Verge comme seins dégoulinent de pus. Immobile, inerte, il se contente de dire : « Fais pire, au nom des Abysses. »
Pire ? Qu'est-ce qui peut être pire que ce fiasco à part avoir tiré lui-même sur son coéquipier ? À part l'avoir... tué ?
De tout cela, rien n'est réel. Haze le sait et c'est pour ça qu'il pointe son arme en direction du crâne de son coéquipier et qu'il tire. Il garde les yeux fermés si fort que ça lui fait mal mais il ne veut pas les ouvrir. Il attend d'entendre siffler les coups de feu. Il attend d'entendre les cris. Il attend de se sentir projeté au sol et menotté par les SWAT.
Il attend et... rien ne se passe...
Le siège, ou en tout cas un des sièges, de la Compagnie. Depuis cette affaire qui l'a confronté à Millevaux, Haze a quitté le FBI. Il a été recruté par la Compagnie. On ne lui a pas présenté les choses ainsi mais il a compris qu'il devait remplacer un autre agent, Paul Singer, lié lui aussi à toute cette histoire. Haze sait, mais comment ?, que sous l'influence de Millevaux il a tendance à perdre la mémoire. Ou, du moins, certains éléments deviennent flous, disparaissent. Il sait qu'il connaît Paul Singer. Mais d'où ? Se sont-ils rencontrés ou a-t-il seulement entendu parler de lui ? Il ne sait plus. En tout cas, Singer est aujourd'hui porté disparu et Haze sait qu'ayant travaillé sur cette même affaire il est tout désigné pour remplacer Singer au sein de la Compagnie. Pour autant, il doit faire ses preuves. Pour l'instant, son niveau d'accréditation est Vert. Il n'a pas accès à Blue City. La Cité Bleue. Le bourreau de Johanna en avait parlé dans un de ses messages délirants. Le bourreau de Johanna ou l'instrument de Sodek NoFink ? Les dirigeants de la Compagnie savant-ils qu'il la fréquente ? Il n'en serait pas étonné. De même qu'il ne serait pas étonné qu'on le fasse suivre, qu'on l'espionne et que, comme lui, on cherche à percer le mystère de Johanna/Sodek. Le mystère de Millevaux. Enfin, un des mystères de Millevaux.
La mission de Singer a montré une chose. Millevaux est contagieuse. Millevaux n'aurait pas dû s'infiltrer dans Blue City, même au titre d'interférence. Quelque chose, quelqu'un, a volontairement contaminer Blue City en y introduisant le concept de Millevaux pour le pervertir, en faire la proie de Shub-Niggurath et du Roi en Jaune. Le Jaune contre le Bleu. Dans cette histoire, la Compagnie a perdu l'agent Singer. Et l'agent Singer, lui, a perdu... la raison ?
Pour l'instant, en tant qu'agent à la cravate verte, Haze doit « simplement » éplucher toutes les sources d'informations à sa disposition pour se faire l'idée la plus précise de la situation concernant Millevaux. D'une façon ou d'une autre, il faut « protéger » Blue City, ramener l'ordre. Ou au moins, ramener le niveau d'interférence à un degré plus convenable. Gérable ? Haze avait bien compris ce qu'on attendait de lui.
Haze reprend ses esprits. Il est toujours près du Noyer. Il n'a aucune idée du temps qui a bien pu s'écouler. Toutefois, il fait maintenant presque nuit et de plus en plus froid. Un vent glacial l'éloigne de l'arbre. Alors qu'il va pour se réchauffer les mains et les frottant l'une contre l'autre, il remarque que sa paume gauche saigne. Il se rend alors compte que sa main a été transpercée. Comment ? Quand ? Par qui ?
Alors que le vent le pousse, l'éloigne encore plus de l'arbre et de la montagne, un grincement attire son attention. À cause du vent, il a du mal à savoir d'où cela provient. Il tourne sur lui-même et son regard tombe alors sur un homme en fauteuil roulant. Son ancien coéquipier ! C'est forcément une illusion, une hallucination ! Comment il aurait pu arriver jusqu'ici en fauteuil roulant ? En plus, il porte un costume-cravate complètement inadapté à la situation. Spontanément, Haze porte la main au niveau de son aisselle gauche mais ne trouve rien. Il n'a aucune arme sur lui.
Son ancien coéquipier sourit. À mesure que sa bouche s'élargit, s'ouvre, du sang en coule et inonde sa chemise. Il ouvre grand les yeux. Son sourire se crispe. Ses traits se figent. Il articule quelques mots que Haze saisit mal à cause du vent.
« Le nid de serpents géants... Là est le Niaucheur... Il parle le Langage Noir... ou le Langage Jaune... Il mange de la Viande Noire... ou fume l'Opium Jaune... »
Haze se précipite sur son coéquipier. Il se jette sur lui et renverse le fauteuil ! Il se réceptionne mal et une douleur aigue lui vrille la main. Il se relève et se rend compte qu'il est seul. La nuit est maintenant tombée. Haze se retrouve au bord d'un fleuve gelé. Il ne sait pas comment il est arrivé là . Il distingue l'ombre d'un bâtiment au loin. Il y a de la lumière.
Après une marche finalement assez courte, Haze se retrouve devant un portail en fer forgé. Le mur d'enceinte est haut mais en ruine. Il trouve facilement un passage et s'introduit à l'intérieur de cette ancienne propriété. Un peu plus loin s'élève la bâtisse. La porte d'entrée est ouverte. La neige a envahi l'accueil. Il s'agit bien d'un accueil, Haze reconnaît un comptoir. Il y a même un téléphone. Au cas où, il s'en empare : « Contrôle ?
Agent Haze ?
Oui. Contrôle ?
Oui. Que faites-vous lĂ Â ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas oĂą je suis.
Je... Je ne sais pas non plus.
Mais, si vous êtes Contrôle, c'est que je suis à Blue City, non ?
Oui, non. Normalement. Enfin, vu votre niveau d'accréditation vous ne devriez pas être à Blue City. Mais, si nous avons cette conversation c'est que vous êtes à Blue City, non ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas où je suis. Mon hélico s'est écrasé en pleine montagne. Il y a une tempête de neige. Je suis redescendu dans la vallée et me suis réfugié dans une propriété en ruine. On m'a tiré dessus. Enfin, j'ai entendu des coups de feu. J'ai le Virus. J'ai le Cruel Centipède.
Vous avez le Cruel Centipède ?!
Oui, je ne sais pas comment je l'ai eu mais je l'ai. Et je ne sais pas ce que je dois en faire. Contrôle ?
Surtout n'y jouez pas !
Y jouer ?
Oui, savez-vous ce qu'est le Cruel Centipède ?
Non. Un ver ? Une limace ? Un insecte dégoûtant ?
Non ! Oui, d'une certaine façon. Le Cruel Centipède est une maladie du temps et de l'espace. Une corruption, un corrupteur. Un jeu.
Comment ça, un jeu ?
Agent Haze, souffrez-vous de pertes de mémoires ?
Je ne sais pas. Oui, peut-ĂŞtre, Ă cause du crash...
Ou à cause de Millevaux. Vous êtes dans une forêt, n'est-ce pas ?
Oui, j'ai traversé une forêt.
Millevaux est LE jeu, la corruption qui menace Blue City. Vous avez oublié ?
Je crois bien que oui.
Le Virus que vous transportez, agent Haze, cet extrait du Cruel Centipède, est un nouveau jeu de rôle dans l'univers de Millevaux. Et Millevaux est une maladie d'autant plus contagieuse que, sous licence Creative Commons, sa gratuité fait qu'il est facile et tentant pour les auteurs et les joueurs d'investir cet univers, de le faire vivre, de l'explorer, le faire muter, le répandre. D'après ce que nous savons, un joueur qui se fait appeler Demian Hesse a introduit Millevaux dans Blue City, contaminant ainsi la Cité Bleue. Blue City et l’Hôpital sont des portes entre Millevaux et... un certain niveau de réalité que souhaitent atteindre les Cœlacanthes. Pour ce Demian Hesse, tout ceci n'est qu'un jeu. Mais pour nous, c'est une menace réelle. Si les Cœlacanthes... Agent Haze, vous êtes à l'hôpital, hein ?
Je ne sais pas. Il y avait une grille en fer forgé et là tout est en ruine.
C'EST UN HÔPITAL, AGENT HAZE ! NE ME MENTEZ PAS ! VOUS ÊTES A L’HÔPITAL !
Je ne sais pas, Contrôle, je ne suis pas sûr. C'est possible que cet endroit soit un ancien hôpital. Ce n'est pas une maison en tout cas. Contrôle ! Je dois vous laisser ! »
Haze raccroche précipitamment. Une ombre vient de lui passer devant. C'était fugace, presque translucide. Ça portait un masque... et des cornes. Ça s'est jeté dans les escaliers en direction de l'étage. Haze sent qu'il doit monter lui aussi.
En haut, Haze entend des rires et des chants. À mesure qu'il gravit les marches, la neige est remplacée par des algues et une indescriptible odeur de poisson mort. Plus il monte et plus il est difficile pour lui de se rappeler que rien de tout cela n'est normal. Il jette un œil, aussi discrètement que possible à travers la porte d'où proviennent les chants et les rires. Dans une grande pièce, une troupe d'hommes et de femmes, à moitié nus, chante et danse au pied d'un trône de fortune. Sur ce trône, un homme revêtu d'une toge grecque et d'un énorme masque à tête de scarabée. Au dessus de son épaule, sur sa gauche, une bouche dessinée sur le mur scande : « Je suis Dionysos ! La Voix de la Bouche ! Dansez ! Chantez, les ivres et les fous ! »
Haze fait un pas en arrière, de peur qu'on le remarque. Alors, il distingue un fragment de miroir brisé encore fixé à un mur. Il y plonge son regard mais n'y trouve pas le sien. Qui est cet homme au masque étrange, le connaît-il ? Il ne sait plus. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est celui qui porte la maladie ! Le Cruel Centipède !
« Entre, Haze ! Entre en scène ! Rejoins mon petit théâtre ! La Bouche ne te veut aucun mal. »
Haze croit reconnaître cette voix. Il n'est sûr de rien, à cause de ce masque mais... Paul Singer ? Cet homme est-il l'agent Paul Singer ? Cet agent de la Compagnie qui a disparu après cette étrange affaire ? C'est lui qui avait retrouvé Johanna dans Blue City puis dans Millevaux. Il ne sait plus trop, sa mémoire vacille.
« Paul... Singer ?, hasarde Haze en approchant lentement.
Oui, non. Je suis Dionysos, la Voix de la Bouche et la Bouche a des choses à te dire. »
Dionysos change alors de voix. Autour de lui, les hommes et les femmes dansent et chantent toujours en riant et buvant du vin Ă mĂŞme la bouteille.
« Agent spécial Haze, les tueurs qui tu as arrêtés vont à l'hôpital ou en prison. Le Tueur du 13ème Jour du 13ème Mois n'est pas ici. Tu dois aller le chercher en prison. La Prison du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan te donnera un nombre et ce nombre sera le 13. En chemin, arrête-toi devant les nids de serpents. Parles au Niaucheur. Parles-lui le Langage Noir ou le Langage Jaune. Partage avec lui la Viande Noire ou l'Opium Jaune. Écoute sa plainte. Maintenant, va, Agent Haze. La Bouche a parlé. »
Haze plonge sa main dans sa poche et en tire un jeu de cartes. Il en sait pas ce que ce jeu fait là . Il n'aime pas jouer aux cartes. Enfin, pas spécialement. Juste comme ça, il en tire 2 au hasard : 10 de cœur et 5 de trèfle. Il a envie d'un café. Dans ce parc, la température vient de chuter brutalement. Un café le réchauffera. Il fait signe a un des agents en uniforme, celui qui tient le petit plateau garni de gobelets en carton fumant. Une tasse à la main, il parcourt de nouveau la scène de crime des yeux.
La victime est un homme dans la cinquantaine. Légèrement en surpoids. Est-ce par coquetterie qu'il a les cheveux teints ? Il devait faire son jogging dans ce parc. Il porte encore ses vêtements sportswear. Pourtant, le tueur lui a baissé son pantalon. Ils se sont visiblement battus. Le visage de la victime est couvert d'hématomes. On voit aussi des marques au niveau de ses cuisses. Haze parcourt les environs du regard. Cette partie du parc n'est pas la plus exposée aux regards. Pour autant, ce n'est pas non plus l'endroit le plus opportun pour une agression. Haze se laisse aller à penser que le tueur savait ce qu'il faisait en agissant ici. Peut-être a-t-il procédé à quelques repérages. Au fait du parcours de cet homme, il a estimé que c'était le meilleur endroit pour l'agresser. Oui, le tueur savait parfaitement où et quand attaquer. Avec un peu de chance, ça faisait plusieurs semaines que le sort de cet homme était scellé et personne ne le savait. À part le Tueur du Calendrier, celui qui tue le 13ème jour du 13ème mois. C'est SON calendrier. Il y a déjà eu 4 victimes, que des hommes dans la cinquantaine. Et les briseurs de codes du Bureau, en examinant les dates des meurtres, ont mis en évidence ce cycle de 13 mois et 13 jours. Toujours le même modus operandi. La victime est rouée de coups puis étranglée. Le tueur lui baisse son pantalon mais ne procède à aucune agression sexuelle. Visiblement, il s'agit surtout d'une dernière humiliation consistant à laisser la victime dans cette posture pour le moins inconvenante. Les corps ne sont ni dissimulés ni spécialement mis en évidence. Le tueur les laisse là . Il sait qu'on les trouvera. Il veut qu'on les trouve, mais pas trop vite. Les autopsies ont montré que, vu les angles des coups portés, le tueur devait être plus petit que ses victimes mais en meilleure condition physique. Pourquoi s'en prendre à des hommes plutôt âgés ? Haze pense que le tueur a peut-être été victime d'un pédophile et qu'il se venge. Il a même demandé à ce qu'on fouille le passé des victimes à ce sujet. Pour l'instant, cela n'a rien donné mais cela ne prouve pas grand chose. Il y a tant de criminels qui ne sont jamais inquiétés... Et si le tueur s'en prenait aux membres d'un réseau ? Ou alors, il fait une simple projection sur ces hommes-là  ? Ou alors, Haze fait totalement fausse route... Il n'exclut pas non plus que l'assassin soit une femme ou un enfant, un adolescent. Cela expliquerait sa taille. Haze soupire et boit une gorgée de café. Soudain, son téléphone sonne. C'est Johanna. Il la rappellera plus tard.
Haze ne fait plus partie du Bureau. Aussi, un de ses anciens collègues lui signale le plus courtoisement possible qu'il va maintenant devoir quitter les lieux et... laisser la police faire son travail. Haze comprend. Il lui sourit et le remercie pour... le café. Il lui promet de le tenir informé si, de son côté, il devait apprendre quelque chose. Il prends ensuite un taxi et se rend à l'Auberge, ce café à thème où il doit retrouver le Chef-Instructeur Snyder. Son niveau d'accréditation est Indigo/Blanc. Il n'est plus envoyé à Blue City mais il joue, parfois encore, le rôle de mentor pour les nouveaux agents de la Compagnie comme Haze. Snyder n'est pas un rigolo. C'est un dur. Mais il est réglo et il connaît son boulot. Il est convaincu que ce Tueur du Calendrier a quelque chose à voir avec les affaires de la Compagnie et Haze lui fait confiance à ce sujet. Le 13ème jour du 13ème mois. Ce ne peut pas être une coïncidence. C'est forcément lié avec cette histoire de Patient 13. Que ce serait-il passé si Coleman était parvenu à tuer 13 femmes ? Il voulait ouvrir une porte vers Millevaux, pour les Cœlacanthes. Et Johanna...
Snyder tire Haze de ses pensées d'un claquement de doigts. Il interpelle la serveuse et lui commande café et donuts. Haze est ravi. Il fait si froid en ce moment. Il est gelé, même à l'intérieur de l'Auberge. Un café lui fera du bien. Alors que la serveuse revient, il se rappelle avec amusement le chef DiCompain de la police d'Olympia, grand amateur de donuts devant l’Éternel.
« Et que vient faire Ackermann dans cette histoire ?
- Pardon ?
- Oui, Ackermann... Vous la... fréquentez si je ne m'abuse.
- Oui, non euh... Oui, nous nous... fréquentons, comme vous dîtes, Chef-Instructeur Snyder.
- Bien, alors, quel est son rôle dans cette histoire ? Quelque chose m'échappe.
- Et bien, pour faire court, Johanna... Miss Ackermann est une des victimes de Coleman. Il la retenait prisonnière, en vue de son exécution à venir, quand les forces de l'ordre sont intervenues dans sa planque. Elle a été admise en soins intensifs. Sauf que, d'après les rapports de la Compagnie que j'ai lu, l'Agent Singer a eu au même moment un « contact » avec elle dans Blue City. Poursuivis par une créature, ils se sont retrouvés à Millevaux. C'est là que Johanna s'est révélé posséder une double personnalité. L'autre, nommé Sodek NoFink, semblait alors être un complice de la Magicienne, ou du Magicien, ce n'est pas... plus très clair... NoFink aurait en fait manipulé Coleman afin qu'il tue. Il aurait fait en sorte, malgré tout, de garder Johanna en vie, nécessité oblige. Mais, les investigations de Singer notamment tendent à montrer que les choses étaient en réalité plus complexes. Finalement, Johanna ne serait plus vraiment une victime. Elle aurait joué le rôle de la victime auprès de Coleman pour rester près de lui et serait passée par l'intermédiaire de la personnalité de Sodek NoFink pour le manipuler. Dans cette nouvelle configuration, Sodek n'est plus qu'un pion et Johanna n'est plus du tout une victime. Elle serait même, finalement, à l'origine des meurtres. Toutefois, aucun examen psychiatrique n'a pu mettre en évidence l'existence cette personnalité de Sodek NoFink. Aussi, les réflexions de l'agent Singer sont restées lettre morte et Johanna continue d'être considérée comme une victime et uniquement comme cela.
- Bien, et votre opinion ? Sachant que vous... fréquentez Johanna Ackermann.
- Aucune trace de NoFink. Avec moi en tout cas, elle est à 100% Johanna. Je ne remets pas en cause l'existence de Sodek mais je ne peux qu'affirmer ne l'avoir jamais vu depuis la fin de cette affaire. Je pense, mais je n'ai aucun élément pour étayer ce point de vue, que Sodek ne peut se manifester que dans Blue City et Millevaux. Coleman était fou et obsédé par Millevaux. C'est sans doute pour ça que Sodek a pu lui apparaître. Il faudrait, je pense, ramener Johanna à Blue City puis à Millevaux pour pouvoir accéder à Sodek.
- Et pensez-vous qu'elle ait quelque chose à voir avec cette affaire du Tueur du Calendrier ?
- Non, mais je pense par contre que cette affaire est liée à Millevaux d'une façon ou d'une autre. Pour Coleman, Blue City était un sas entre Millevaux et notre réalité. Il est possible que le Tueur du Calendrier partage un délire similaire. Vous prenez le dernier donut ? »
Haze quitte donc l'Hôpital et Dionysos. Il ne sait pas pourquoi mais quelque chose lui manquera et ça le déprime encore plus, plus que la nuit et le froid. Cela lui semble aberrant. Qu'est-ce qui pourrait bien lui manquer dans un endroit pareil ? Aberrant aussi, cette idée que le Virus ne serait qu'une espèce de jeu de rôle qui parviendrait à contaminer la réalité. Mais après tout, lui aussi est roliste. Il en a joué des personnages, que ce soit IRL, sur table, ou derrière son écran sur des forums. Finalement, il comprend un peu cette notion de contamination du réel par le jeu. Il se rappelle le jeu De Profundis, un jeu de rôle épistolaire dans un univers lovecraftien. Au passage, il note que Millevaux emprunte aussi au mythe de Chtulhu. Mais surtout, l'auteur de De Profundis insistait sur le fait que chaque expérience du quotidien pouvait venir enrichir le récit. Ainsi, d'une certaine façon, on ne sortait jamais du jeu et c'était finalement une sorte de contamination du réel par le jeu. Mais avec Millevaux, ça allait plus loin. Ça allait d'autant plus loin que Haze savait pertinemment qu'il n'avait pas lu De Profundis. Ce n'était pas lui, ce n'était pas son souvenir. Mais qui ? Demian Hesse ? Que signifiait tout ça ? Il ne savait plus vraiment. Sa mémoire commençait vraiment à lui jouer des tours. Il pensait savoir qui était ce Demian Hesse mais finalement en doutait. Il ne savait plus s'il était sensé le connaître ou non. Mais, il savait aussi que ces pertes de mémoires étaient caractéristiques de Millevaux. Était-il donc contaminé ? Se débarrasser du Cruel Centipède suffirait-il à lui rendre ses souvenirs ?
Haze longea le fleuve gelé jusqu'à ce que, sous la glace, il aperçut les entrées des nids de serpents géants. Là , il devait trouver le Niaucheur. Mais comment accéder aux nids ? Fouillant dans son sac, il se dit qu'il pouvait peut-être utiliser un gros mousqueton d'escalade pour tenter de briser la glace. Mais il n'avait en réalité que peu d'espoir d'y parvenir. Malgré tout, prudemment, il posa un pied sur la glace et entreprit de traverser le fleuve. Regardant à travers la glace, il ne voit rien de vivant. Pas un poisson ni même un batracien ne peut vivre dans ces conditions. Encore moins un serpent, fut-il géant. Il fait beaucoup trop froid. Au moins, pense-t-il, il ne risque pas d'être la proie d'un reptile. Mais comment trouver le Niaucheur ?
Haze pose pied sur l'autre rive et entreprend de faire du feu. Cela le réchauffera et, peut-être, attirera le Niaucheur. Mais, contre toute attente, le feu prend bien mieux que prévu. Beaucoup trop même. Et le manteau de Haze prend feu. Il se jette dans la neige pour l'éteindre. Il y parvient rapidement mais souffre malgré tout de vilaines brûlures aux bras et au torse. Il ouvre son manteau et sa chemise et se recouvre de neige pour apaiser les brûlures. Malgré tout, il ne peut retenir ses larmes, autant de dépit que de douleur. Et il se surprend à pleurnicher comme un gamin. Pleurnicher... Niaucher comme dit Anke, son amie rôliste fribourgeoise. Le Niaucheur, le Pleurnicheur !! Est-ce possible ?
À 4 pattes, Haze gagne le bord du fleuve et contemple le reflet de son visage dans la glace. Presque torse nu, il est fasciné par les brûlures qui, remontant de son torse à son cou, le défigurent. Ou peu s'en faut qu'il ne soit défiguré en tout cas. Il fixe l'homme dans la glace. Il ne se reconnaît pas. Mais, il sait que c'est lui. Il se rappelle les mots de la Bouche. Il doit parler au Niaucheur, partager avec lui. Le Langage Noir ou le Langage Jaune. La Viande Noire ou l'Opium Jaune. Noir, c'est forcément négatif, ce sont les ténèbres, l'obscurité. Mais le Jaune, il le sait bien, c'est l'indicible, c'est la folie hasturienne ! Il se regarde droit dans les yeux et prend conscience qu'il ne sait pas quoi se dire.
« Qui es-tu, Niaucheur ? As-tu quelque chose à me dire ?
- Non, mais... en vérité je te le dis, tout a déjà commencé à changer dans les murs de la Cité Bleue. Ce qui était pur devient vermine, ce qui était laid se pare d'une beauté artificielle et contre-nature, l'homme qui était vertueux devient un pécheur et la femme qui était fidèle voit son corps enfler de concupiscence. Et le cœur même de la Cité Bleue n'est jamais tout à fait ce qu'il était hier. Les palais deviennent des cloaques, les jardins deviennent des jungles. La bête docile et servile devient un monstre sauvage, elle mord la main qui l'a nourri, force les barreaux de sa cage et part semer la terreur dans la Cité Bleue. Et des choses dorment dans des cocons, ce qu'elles étaient auparavant n'est plus que limon à l'intérieur d'une carapace, et ce qui en sortira portera le visage du Démon.
Que le Juste châtie ses semblables qui ont déjà chuté, qu'il leur donne l'absolution, qu'il traite les maladies et les difformités, ou qu'il se prémunisse lui-même contre toute forme d'impureté et de changement, le Juste devra lire en son cœur pour savoir ce que Dieu veut qu'il fasse en son Nom. »
Haze fixe le Niaucheur, les yeux grand ouverts. Il croit comprendre. Il a peur de comprendre. La maladie a commencé à se répandre à Blue City. Et, de là , elle pourra se répandre dans le monde réel. L'avenir s'annonce bien sombre. Haze a parlé le Langage Noir. Il doit maintenant partager la Viande Noire. Dans la glace, il voit que son torse brûlé est devenu noir justement. Il retourne à son sac et trouve dedans un petit couteau. De retour au bord du fleuve, il s'attaque à découper un morceau de viande carbonisée à même son torse. La douleur est insupportable. Il y a du sang partout dans la neige, sur la glace. Le visage du Niaucheur ne lui apparaît plus que derrière un voile de larme et de sang. Pourtant, malgré tout, il présente un bout de chair sombre au Niaucheur et entreprend de dévorer cette Viande Noire et crue.
Puis, il s'Ă©croule, inconscient, dans la neige et le sang.
L'appartement de Johanna Ackermann. Elle est seule. Elle fait la cuisine. Elle a de la visite ce soir. Damon Haze, l'ex agent du FBI qui s'est occupé d'elle suite à son kidnapping par le tueur Coleman. Elle a passé du temps en soins intensifs puis, à sa sortie, Haze est revenue vers elle. Pour l’aider. Mais pas que. Aujourd'hui, ils ont une relation pour le moins ambiguë. À la limite du platonique et... d'autre chose. Elle sent bien que Haze n'en a pas fini avec cette histoire et qu'il reste auprès d'elle aussi, entre autre ou principalement pour en savoir plus sur les délires de Coleman. Et aussi sur tout ce qu'elle a ou croit avoir vécu dans cette Cité Bleue et cette forêt maudite. Mais rien de tout cela n'était réel, hein ? D'ailleurs, même le type avec qui elle s'est retrouvée là -bas a disparu. Elle ne sait même pas s'il a vraiment existé ailleurs que de son crâne. D'après certains médecins, elle aurait inventé tout ça pour tenir psychologiquement face aux sévices infligés par Coleman. Une sorte de fuite, de fugue psychologique. Oui, elle est tentée d'y croire. Elle y croirait plus facilement si Haze y croyait et se décidai à franchir le cap. Ce soir, peut-être...
« Toc Toc !
Qui est lĂ Â ?
C'est moi, Sodek.
Qu'est-ce que tu me veux encore ?
Tu le sais, on a du travail. C'est bientĂ´t le jour.
Non ! Ce n'est pas le jour. Il y a encore du temps. Beaucoup de temps avant la prochaine fois. Tu n'as aucune raison de venir m'importuner. Pourquoi ?
Pourquoi ? Mais... mais parce que tu t'es assez servi de moi, Johanna. Maintenant, c'est mon tour. Pourquoi attendre le 13ème jour du 13ème mois pour s'amuser un peu ? Qu'est-ce que ça changera ? Rien du tout !
Bien sûr que si ! Se laisser aller comme ça est le meilleur moyen de commettre une erreur qui les mettra sur ta trace, notre trace.
Mais non ! Il suffit de changer de mode opératoire. Là , ce ne sera pas pour ce que tu sais. Ce sera juste pour... s'amuser. Allez, il n'y a personne dont tu voudrais te débarrasser ?
Si ! Il y a cette femme. Edes Corso. Je sais que Damon la connaît. Je sais qu'il la voit.
Et tu voudrais qu'il lui arrive quelque chose à cette Edes Corso ? Pourquoi attendre le 13ème jour du 13ème mois ?
Tu es certain que ça ne bouleversera pas nos... tes plans ?
Certain !
Pourquoi ? Pourquoi fais tu ça, Sodek ?
Tu le sais très bien. Tu as eu ta chance, Johanna. Et tu as échoué. Maintenant, c'est moi qui prend les rênes. On va faire ça à ma manière. Ça va prendre un peu plus de temps mais ça marchera cette fois.
Sodek, pourquoi dis-tu qu'on a du travail alors que tu sais que le 13ème jour du 13ème est dans longtemps et que tu veux seulement t'amuser ?
Je dis ça parce qu'on a vraiment du travail. Certes, nous avons du temps devant nous mais il y aussi de long préparatifs et de longs rituels à accomplir pour que tout soit parfait. Tu sais bien de quoi je parle...
« Le roman qui rend fou ! » Voila quel sera désormais l'argument de vente de ce vieux roman de fantasy écrit en 1958 par un certain Jone King : La Quête de l'Ange-Paon de Yézédis. En vérité, l'intrigue importe peu. Ce qui importe, c'est ce qui s'est passé ce samedi 25 mai dans une bibliothèque de quartier d'Olympia, état de Washington. En effet, un homme d'une cinquantaine d'année en train de lire ce roman a subitement été pris de folie. Criant être l'un des personnages principaux, un certain Tad Corso – aventurier explorant une forêt hantée par des monstres nommés Horlas, l'homme s'en est pris avec les plus grande violence aux autres usagers ainsi qu'aux membres du personnel. Il a fallu l'intervention conjointe des forces de police et des services de sécurité de la bibliothèque pour maîtriser le forcené. Celui-ci a finalement succombé à une crise cardiaque. Ces derniers mots concernèrent le Roi-Volcan et parlèrent du 13ème jour du 13ème mois, un autre personnage et un moment fort du livre.
Haze émerge lentement et douloureusement de son inconscience. Il a l'impression qu'on s'agite autour de lui. Il sent des mains qui le palpent sans ménagement. On est en train de lui faire les poches ! Il se retourne sur le dos aussi vite qu'il peut et tente de voir à qui ou à quoi il a à faire.
« Edes ? »
Non, ce n'est pas elle. Impossible. Qu'est-ce qu'Edes ferait ici. Et puis, son œil ? Comme une coquille de noix. Et... ce déguisement ! Ces ailes en bois... Haze tente de se redresser en prenant appui sur son coude.
« Edes ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Qu'est-ce que tu... ?
Qui es-tu ? D'où tu me connais ?
C'est moi, Damon.
Les seuls démons que je connais sont ceux que j'ai tués ! Es-tu un Horla ? Tu ne ressembles pas à un Cœlacanthe.
Non,non Edes. C'est moi, Damon Haze. Rappelles-toi, on est... ami.s Enfin plus ou moins. Plus que moins même. Enfin, tu vois ce que je veux dire ? »
Il semblait bien que non. Cet étrange sosie d'Edes, qui répondait pourtant à son nom, fit un petit bond en arrière, s'arma d'une dague et fixa Haze avec méfiance.
« Euh, Edes... J'ai vu le Niaucheur. Il m'a dit que la corruption allait se répandre. Qu'elle s'était déjà répandue. Ça a déjà commencé. Elle traverse les mondes. Les Justes doivent éradiquer les démons... au nom de Dieu. »
Haze, en jouant franc jeu autant que possible, espérant ainsi apaiser cette femme et gagner sa confiance. Il savait qu'il n'était clairement pas en position de force. En cas de combat, elle l'emporterait certainement. Et puis, peut-être que tout ça aurait du sens pour elle.
La femme, Edes ? le fixait toujours mais son visage prit une nouvelle expression, moins menaçante. Elle semblait étonnée, surprise, mais aussi plus attentive.
« Tu parles comme lui
Comme qui ?
Le Fondateur de notre famille, l'Ange Guerrier, le Rêveur. Tad Edes Corso. C'est de lui que je tiens mon nom et mes dons. C'est grâce à lui que j'entends les Lwas en songe. C'est notre devoir d'aller dans le cauchemar combattre les Cœlacanthes. Tu ne dois pas y aller. Tu ne peux pas. C'est à nous, les Corso héritiers du don du Fondateur, qu'incombe cette tâche. Et les Powl nous aident en attirant sur nous la bienveillance des Lwas. »
OK, cette femme est folle. Elle ressemble à Edes. Elle répond au même nom. Mais elle est folle. Comment se tirer de ce mauvais pas ? Haze ne pense plus qu'à une chose, se tirer le plus vite possible. Pourtant...
« Je dois me rendre à la Prison du Roi-Volcan.
Non ! N'y vas pas ! Cet endroit est maudit. On ne peut y accéder sans danger que le 13ème jour du 13ème mois.
Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Que sais-tu du tueur du 13ème jour du 13ème mois ? »
Et Haze eut une vision. Un flash. Il se rappelle alors une conversation avec Johanna. Dans sa cuisine. Elle était en panique totale et lui a parlé du tueur. Elle disait le connaître. Elle disait que c'était lui, Sodek Nofink, qui tuait chaque 13ème jour du 13mois. Lui aussi, comme Coleman voudrait ouvrir une Porte aux Cœlacanthes. Mais il aurait un plan à long terme. À beaucoup plus long terme. Cela ferait longtemps que Sodek mûrit son plan. Il aurait même commencé à tuer avant Coleman. Et Sodek voulait tuer... Edes !
Haze ne savait plus. Edes avait-elle été assassinée ou non ? Si oui, cette fille était un fantôme et il était... certainement pas au Paradis. Où ça alors ? L'Enfer ? Le Purgatoire ? Était-il mort lui aussi ? Dans le crash de l'hélicoptère... Avait-il basculé dans ce monde de folie et de cauchemars dont parlait Coleman, ce Millevaux ? Et jamais un téléphone quand on en a besoin ! Il aurait bien eu besoin des conseil de Contrôle à ce moment précis.
« Edes... Es-tu... Vivante ?
Évidemment, imbécile ! Je ne serais pas là à te parler sinon. Mais je suis la dernière, la seule survivante. Mon clan, toutes mes familles ont péri dans la fracture. Seules... enfin, nous avons pu remonter de l'Abysse.
Nous ?
Oui, la Magicienne. Elle aussi a pu remonter. C'est elle qui m'a tiré de là . Elle m'a sauvé, cette fois encore. »
Et Edes tapotait du doigt la coquille de noix qui lui servait d’œil.
« La Magicienne ? Je dois la voir. Où est-elle ?
Je suis là , Damon-Demian. »
Haze reconnut tout de suite cette silhouette. Ce long manteau et cette toque en fourrure. Le Magicien ! La Magicienne... C'était pourtant bien UN Magicien qu'il avait interrogé dans les locaux de la police d'Olympia quand il enquêtait sur Coleman ?
« Je dois rêver, lâcha-t-il dans un souffle. Mais je ne veux pas.
Tu vois, rebondit Edes. Tu parles encore comme lui. Le Fondateur disait ça lui aussi. Il devait rêver mais ne voulait pas. »
La magicienne l'observa avec un certain amusement. Elle fouilla dans sa besace et tendit devant lui ses deux paumes ouvertes.
« La Bille ou la Noix ? Le 13ème jour ou le 13ème mois ? Choisis ! »
Et le visage de la Magicienne se fendit d'un large sourire. Haze flairait l'arnaque à plusieurs kilomètres. Il ne voulait pas choisir. Et pourtant... Il fixa Edes droit dans les yeux. Dans l’œil et la Noix... Vas pour la Noix ?
Et il saisit la...
Le réfectoire d'un hôpital. Non ! Le réfectoire DE l'Hôpital. Les patients sont en train de manger. Soudain, l'un d'eux se lève. Pris d'une crise de démence, il renverse sa chaise. La bave aux lèvres, il se jette sur son voisin et lui plante sa fourchette dans la gorge.
Le patient 58,un homme d'une cinquantaine d'années, est rapidement maîtrisé par les Blouses Blanches. Sodek, comme beaucoup d'autres patients, est resté impassible. Il a tout de même remarqué que le patient 58 a les épaules couvertes de pellicules. Mentalement, il prend des notes. Aujourd'hui, le 58. Avant-hier, le 71. Demain, le 46...
Pour Sodek, n° 82, tout est clair. Ceci est un message. Et qui dit message, dit messager. Et qui dit messager dit... Nyarlathotep !
Ville de XXXX. Ce parc d'attractions est particulièrement bien gardé, de jour comme de nuit, car son sous-sol abrite des locaux de la Compagnie. Aujourd'hui, ici-même, le chef-instructeur Snyder participe à une réunion du Département Spécial de la Compagnie avec des cadres de l'Ingénierie Mnémonique et de la Mythographie.
Ce matin, tout le monde tente de faire bonne figure mais, contrairement à ce qui se passe en surface, l'ambiance n'est pas à la fête. Le désespoir et la peur se lisent dans les regards des uns et des autres. La nouvelle est tombé et elle est mauvaise. Très mauvaise. Blue City est en proie à une corruption d'origine inconnue. Des noms reviennent néanmoins : le Cruel Centipède, Shub'Niggurath, le Roi en Jaune, Millevaux.
Snyder tente malgré tout d'être rassurant. Il a une piste, affirme-t-il, un atout. Ce nouvel agent, Haze. Il connaît Millevaux. Il y a encore une chance de sauver Blue City... et le monde.
OMNISCIENCEÂ :
Depuis quelques jours, depuis qu'il a tué deux membres de sa communauté, SiAber se sent mal. Ce ne sont ni les remords, ni la culpabilité mais des images étranges qui lui sont venues en rêve peu de temps après qui le rongent. En réalité, ce ne sont pas des rêves mais des souvenirs. Mais, ce ne sont pas les siens. Ce sont ceux des personnes qu'il a tuées. Il voit ainsi la première dans une cabane à moitié en ruine, sorte de taverne, perdue dans des marais. Là , il boit en compagnie d'une bande de dégénérés qui ont tout l'air d'une bande de cannibales. Tous, ils rient en buvant et se donnant de grandes tapes dans le dos. Son autre rêve lui paraît plus intéressant. Même si plus mystérieux. Il revoit la Prison du Roi-Volcan. Ce membre de son clan s'y est rendu. Il a vu, dans ces ruines, le Roi-Volcan et le Roi-Volcan lui a donné un nombre. Ce nombre était le 13.
Aujourd'hui, SiAber a suivi la Magicienne dans la forêt. Ou plutôt, elle s'est laissée suivre. Arrivée au Noyer, elle lui fait face et, lui tendant les mains, paumes ouvertes, lui propose de choisir entre une Noix et une Bille.
SiAber choisit la...
Ses visions le transportent dans un autre monde ou un autre temps. Il ne sait plus. En tout cas, cela n'a rien à voir avec ses visions habituelles. Là , il ne se contente pas de voir fugacement, partiellement, ce qui va advenir. Ses visions lui donnent... une mission. Il doit accomplir quelque chose pour accéder à une vision « Primordiale », quelque chose d'important, de capital !
Quand il ouvre les yeux, SiAber reconnaît cette étrange pyramide au Nord-Ouest des Colonnes. Mais quelque chose a changé. Quelque chose de majeur. De radical ! Il neige !!! La pyramide. La forêt. Millevaux est sous la neige !
Une silhouette se dessine à l'une des entrées de la pyramide. Un Horla ! Il a un corps d'homme mais sa tête est un amas de tentacules grouillants. Le torse de la créature est scarifié au niveau du cœur. Ces cicatrices, SiAber le sait, symbolise le nombre 13. malgré la neige et le froid, le Horla ne porte qu'un long pagne de couleur pourpre. Il a les bras levés en croix et semble dans une sorte de transe qui le fait onduler lentement. Autour de lui, l'air se cristallise en pétales de fleurs tombant à ses pieds. Fragments de rose en hologramme...
SiAber est terrifié. Pourtant, le Horla semble inoffensif. Il ne bouge pas. À se demander s'il a conscience de la présence de SiAber. Pourtant...
« Je suis le Kraken ! L'oubli m'a jeté au fond d'un océan de solitude, à 13000 m de profondeur. Retrouver mon nom apaiserait mon âme... Parce que le joueur le sait, je le sais et tu le sais. La forêt est Millevaux est Shub'Niggurath. La neige est Ithaqua. La Magicienne est à tes côtés. »
Et à ces mots, le Kraken s'en retourne à l'intérieur de la pyramide, laissant SiAber là , interdit. Un raclement de gorge à sa droite attire son attention. La Magicienne est là ... à ses côtés. Mais quelque chose a changé chez elle. Son long manteau glisse sur ses épaules qui se révèlent être en acier. Des symboles sont gravés dessus. SiAber s'approche pour mieux les voir mais la Magicienne recule et remonte son manteau. Elle le regarde droit dans les yeux. SiAber jurerait qu'elle tente de le charmer. Elle fouille dans ses poches et en sort une Bille et une Noix.
« Choisis »
Et SiAber choisit la...
Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Là , de jeunes garçons sont la proie de horlacanthes qui leur arrachent les bourses avec une arme-cactus électrique, sans anesthésie. L'arme les cautérise. Puis ils restent parqués ici, vivant captifs dans leur propre merde. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que doit-il faire ? Sauver un enfant ? Lequel ? Déjà , il cherche un endroit d'où pouvoir mieux observer la scène sans être vu des Cœlacanthes.
Une fois à l'abri derrière... Derrière quoi ? SiAber se rend alors compte que si les enfants et les Cœlacanthes lui apparaissent très nettement, tout me reste est flou. Concrètement, il lui est impossible de dire où il est, à quoi ressemble cet endroit. Cela lui donne presque le tournis. Il doit même se concentrer pour que les enfants ne deviennent pas flous eux aussi. Il sent qu'il doit agir vite. Aussi, il relâche les araignées qu'il a en lui et les envoie faire diversion. Il espère ainsi attirer ailleurs l'attention des monstres pendant qu'il s'emparera d'un enfant (mais lequel et pourquoi celui-là plus qu'un autre?) et s'enfuira par cette porte qu'il sait (mais comment?) être derrière lui sur sa gauche.
Il se recroqueville alors sur lui-même et ouvre grand les yeux et la bouche. Il sent alors des milliers d'araignées s'agiter et sortir de son corps. Alors qu'elles se mettent à recouvrir deux horlacanthes opérant sur de jeunes garçons, SiAber rampe dans la direction opposée. Il s'approche d'un enfant et le tire par le bras. Il lui plaque la main sur la bouche pour l'empêcher de crier et, alors que les monstres se débattent avec les araignées, il le tire vers la sortie. Mais avant de passer la porte, il tire deux Noix de sa besace et lui en tend une. Et lui dit :
« Je suis le Corvidé ! Ici et maintenant je te donne cette Noix pour transporter ton âme dans la vie suivante. Je suis le Corvidé !
Écoute les yeux, répond le garçon. Ils te disent de répéter ton mantra pour accéder à la Vision. Ils te disent que mon sang doit couler »
SiAber acquiesce. Il sort une dague de sa besace et entaille la main du garçon. Alors, le décor cesse d'être flou. Et la porte apparaît nettement. Il entraîne le garçon.
Dehors, dans la neige, la Magicienne est lĂ . Elle attend.
« Camille ! Viens ! »
Elle ouvre grand son manteau et le jeune garçon s'y réfugie, à l'abri du froid. Alors qu'elle le referme sur eux deux, elle prend soin de laisser nues ses épaules d'acier. SiAber s'approche et parcourt du doigts les étranges gravures en langue putride. Il comprend...
Le Cruel Centipède, une nouvelle forme de Millevaux, cette maladie qui ronge l'espace et le temps. Cette corruption. Cette putréfaction. L'univers, les univers meurent ! Il(s) se décompose(ent) et Millevaux sont ses miasmes protéiformes et pourrissant qui en émanent et se répandent, condamnant ce qui reste du cadavre de l'Hommonde à une lente désagrégation. L'Hommonde ? Qu'est-ce que c'est ?
SiAber a un mouvement de recul. La Magicienne se retourne et lui présente son autre épaule. D'autres gravures, mais pas en langue putride cette fois. Les « Dunes Vivantes », la paix contre la nocive alliance.
SiAber fixe son regard sur la Magicienne mais elle ne lui accorde plus aucune attention. Elle ne songe plus qu'à réchauffer et cajoler le jeune Camille. Mais il sait ! Il sait que les Dunes Vivantes l'aideront à vaincre la neige, à vaincre la forêt, à faire reculer Millevaux !
SiAber ouvre les yeux. La Magicienne, celle aux épaules de chair, est face a lui. Elle lui sourit. Quelque chose dans son regard lui dit qu'elle sait. Elle sait tout ! Tout ?
Elle lui tend les mains, paumes ouvertes. L'une est vide. Dans l'autre, il reste une...
SiAber s'en saisit...
Il reconnaît cet endroit. Il est consacré au Roi-Volcan. Devant la porte, deux personnes semblent l'attendre. Un homme, plutôt mal en point, à l'air nerveux, se présente comme étant un certain Damon Haze. Le femme prétend s'appeler Sodek NoFink et elle fait peur à SiAber. Elle lève la main et déclare.
« Le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est... »
Et d'un geste, elle nous invite, ce Haze et moi ,à entrer dans la prison du Roi-Volcan. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, Haze et SiAber ont très bien compris ce qu'il doivent faire : trouver le Roi-Volcan pour qu'il leur donne leur nombre.
SiAber se rappelle que tout cela n'est qu'une vision. Rien n'est réel. Pas encore. Il sait, en tant que chaman du clan des Arbres, qu'il a la main-mise sur une partie de ce qui va se passer. Ce Haze est certainement un homme bon, mais s'il veut savoir, percer les secrets, SiAber doit trouver le Roi-Volcan avant lui.
Haze entre et prend immédiatement le couloir sur sa gauche. SiAber, lui, demeure immobile et se concentre. Mais il a du mal à conserver son calme. Une voix résonne en lui. « Commence par la dernière chose ! Le monde est un cut-up ! »
Ses yeux lui piquent d'une façon vraiment désagréable. Ça bourdonne dans sa tête. Il farfouille dans sa besace et en sort une carte. Une sorte de lame de tarot. Mais dessus, il y a des mots. Sur tout le pourtour de la carte, des mots. Au milieu de la carte, des mots ! Un titre : Soudain... Juste en dessous : « Commence par la dernière chose. Perds ton calme. Aide l'ennemi ou le monstre. Un tremblement de terre. Une personne a en fait un dédoublement de personnalité. » Il y a bien d'autres mots sur cette carte mais SiAber ne parvient pas à les lire. Il comprend que cette douleur dans sa tête et dans ses yeux est la rage qui tente de sortir. Il comprend que l'ennemi qu'il doit aider est Sodek. Il comprend que cet homme dans ce corps de femme, Sodek, souffre d'un dédoublement de la personnalité. Et quand il se concentre sur la terre, pour écouter les conseils des racines des arbres, il entend les prémices d'un tremblement de terre. La dernière chose à faire... serait de rester dans cette prison dont ce qui reste des ruines va bientôt s'effondrer sur ceux qui seront à l'intérieur. Et il aidera son ennemi, Johanna, en la délivrant de Sodek. Tuer Sodek ! Ce serait vraiment la dernière chose à faire. Comment percer ses secrets s'il meurt ? Ça, ce serait vraiment la dernière chose à faire. « Perds ton calme ! »
SiAber pousse un grognement et sort de la prison. Il se plante, les deux pieds dans la neige, face à Sodek et crie :
« Je suis le Corvidé ! Ici et maintenant, pour maintenir l'équilibre entre la vie et la mort, je vais transporter ton âme dans sa vie suivante ! Je suis le Corvidé ! Je vais vider ton corps ! »
Sodek s'empare alors de son arme, une sorte de pistolet-cactus, et la braque en direction de SiAber. Mais quelque chose l'empêche de tirer. Les Yeux de la forêt sont braqués sur eux. Ils vont dire à SiAber ce qu'il doit faire. S'il accepte, alors Sodek mourra.
« Tout cela est un cycle dont l'ivresse te guérira... Mais Haze mourra...
J'accepte ! »
Alors, la terre se met à trembler. Derrière lui, les ruines de la prison du Roi-Volcan s'écroule. Le bruit est tel qu'on entend même pas les cris de Haze. SiAber enfonce profondément ses pieds dans la neige. Il sent les vibrations de la terre. Il veut se transformer en arbre pour tuer Sodek mais quelque chose ne fonctionne pas dans son mantra. Le Corvidé est là . Il fait obstacle. Il s’immisce. Alors que SiAber tente de plonger ses racines dans le sol à la recherche de celles de son totem, il sent les cornes de son masque pousser. Vers le haut, dans le ciel. Mais aussi vers le bas, dans son crane. Les bois s'enfoncent dans son cerveau et cheminent tout le long de son système nerveux. Jusqu'au bout de ses pieds, de ses racines, pour enfin s'enfoncer dans la sol. Les bois vont jusqu'au bout de ses doigts qu'ils transpercent pour devenir d'improbables griffes. SiAber lève les bras en direction de Sodek et ses branchages s'allongent à toute vitesse, transperçant Sodek de part en part. Alors, le sang de Sodek se mêlant à la sève de SiAber, ce dernier sait. Il sait qui est la Terre et il sait qui est la Neige qui la recouvre. Ithaqua, le Marcheur du Vent, s'est allié à Shub'Niggurath. Il a recouvert Millevaux de son manteau de neige protectrice, figeant ainsi la forêt dans un hiver éternel. La Neige, la poudre, la poussière d'ange, l'ivresse, la défonce, l'hubris, la folie dionysiaque... La Neige d'Ithaqua est cette cocaïne qui maintient Millevaux dans une perpétuelle folie. Johanna était folle. Folle car habitée par Sodek NoFink. Les meurtres perpétrés par Sodek n'avaient pas pour seule vocation d'ouvrir une porte aux Cœlacanthes. Sodek savait ce que Johanna ne savait pas. Ces meurtres n'avaient pour seule vocation de sceller l'alliance entre Ithaqua et Shub'Niggurath. Sodek savait pour l'Hommonde ! Il savait que l'Hommonde était mort et que sa mort, sa décomposition avait engendré un cycle d'entropie. Or, l'entropie c'est la vie ! La mort de l'Hommonde était donc synonyme de vie. Mais cette décomposition s'achèverait nécessairement par la disparition totale du cadavre de l'Hommonde, signifiant alors la fin de la vie, de toutes les formes de vie ayant émergé de ce corps mort. Toutes les formes de vie dont Millevaux, les miasmes s'échappant de ce corps en putréfaction. Ces miasmes portés par le vent qui se répandaient et contaminaient le Néant, accélérant (involontairement?) la décomposition du cadavre de l'Hommonde. Les hommes que tuait Sodek n'étaient pas que d'anciens patient de l'Hôpital, ils étaient aussi, à ses yeux, des symboles de l'Hommonde, un vieil homme mourant. Tel était donc le secret de Sodek. SiAber n'était pas certain d'avoir tout saisi ni tout compris. Mais cela, il le sentait, ne lui appartenait plus. Sous son masque, par sa bouche de bois, les araignées quittaient son corps par milliers. Elles courraient le long des branches jusqu'à Sodek et tissaient leur toile autour de lui. Certaines commençaient à le manger, à pondre. SiAber se sentit étrangement vide quand la dernière araignée eut déserté son corps de chair et de bois. Mais alors, une mouche vint se poser sur lui. Et d'autres arrivèrent. Elles, elles achèveraient de comprendre tout ce que cela voulait dire...
SiAber ouvre les yeux. Il est dans une clairière. Au centre, un gigantesque noyer. Au pied de l'arbre, un vieux grammophone. Il y a un disque posé dessus. SiAber remonte la mécanique en tournant la manivelle. Une musique dissonante et discordante se fait entendre. Puis une voix...
« Je suis le Corps Vidé. Je ne suis ni un bon ni un mauvais présage. La dernière âme que j'ai accompagné au repos est celle de Johanna Ackermann. C'est dur de vivre entre la vie et la mort... »
SiAber se met à pleurer. Il se dirige vers l'arbre et cueille une poignée de Noix.
Haze ouvre les yeux dans une salle de bain. Les murs sont fait de carrelages vieillots, la faïence est fendue. Les robinets sont ouvragés avec raffinement mais très abîmés et gouttent en permanence. Il fait froid et la fenêtre ouverte donne sur la forêt, on entend des chouettes. Le bidet et le lavabo sont sales. Il y a une baignoire remplie d'une eau grise où surnagent des feuilles mortes. Une étrange musique vient de... impossible à définir. Haze reconnaît l'album Body and Soul de Cabaret Voltaire. Il se plante devant la glace et ne se reconnaît pas. Face à lui se tient un enfant. Une fille ou un garçon, difficile d'en être sûr juste en regardant ce visage triste.
Haze s'approche de la baignoire. Quelque chose de fatal va arriver, il le sent. Mais il sent aussi que...
Il se plonge dans l'eau sale. Il aspire une grande goulée d'air et plonge la tête la dans l'eau en fermant les yeux. Quand il les ouvre à nouveau, il est de nouveau dans cette forêt enneigée. Il entend toujours la musique. Devant lui, un vieux bâtiment en ruine. Adossée à un mur, une cigarette à la bouche, Johanna. Non, Sodek NoFink !
« Edes ? Elle est morte ? Tu l'as tuée finalement ?
Oui, et j'ai fait ça salement si tu veux savoir. Comme un porc... »
Haze se jette sur Sodek ! Mais il pare le coup, lui saisit le bras, le retourne et manque de lui démettre l'épaule.
« Ne fais pas l'enfant ! Calme-toi. On attend quelqu'un.
Qui ça ?
Je ne sais pas trop. Un chaman du Clan des Arbres. Sais-tu où nous sommes ?
Non.
La prison du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan doit me donner un nombre.
Un nombre ?
Oui, mais... C'est compliqué, Damon. Tout ça te dépasse. Nous dépasse. Tout a un sens mais ce n'est pas forcément à nous qu'il incombe de le saisir. C'est la tâche du Joueur. Nous ne sommes que des révélateurs. Des pions améliorés. Mes morts ont un nombre et le Roi-Volcan en a un aussi. Je tuerai à nouveau, comme j'ai tué Edes et comme j'ai tué ces nombres. Mais il me faut aussi le nombre du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan est bon mais il lui faut un sacrifice. Ce sera toi ou lui. »
Haze se tourne dans la direction indiquée par Sodek et voit un homme étrange. Aucune idée d'où il surgit, ni même de comment. Ses vêtements de cuir et de fourrures sont sales, couverts de terre et de sang. Il porte un masque, sorte de sac de toile sur lequel sont fixées des cornes de cerf.
Sodek se tourne vers le nouvel arrivant, lève la main et déclare.
« Le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est... »
...d'un geste, elle nous invite, ce type et moi, à entrer dans la prison du Roi-Volcan. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, tous deux ont très bien compris ce qu'il doivent faire : trouver le Roi-Volcan pour qu'il leur donne leur nombre.
Haze ne sait plus si tout cela est bien réel, mais s'il veut savoir, percer les secrets, il doit trouver le Roi-Volcan avant ce type. Haze entre et, plantant l'homme dans l'entrée, prend immédiatement le couloir sur sa gauche.
Haze n'a aucune idée de comment trouver ce foutu Roi-Volcan. Il n'a même aucune idée de ce à quoi il peut bien ressembler. En tout cas, tout ça est lié à Millevaux. Et il porte une part de Millevaux sur lui : le Cruel Centipède. Après avoir vérifié que l'autre gars ne l'avait pas suivi, il se saisit du Cruel Centipède et le fixe du regard, espérant un signe. Aucune réaction de la part de cette chose mais... Haze se rend compte qu'il entend toujours cette musique. Toujours le même album du même groupe. Ça n'a pas de sens. Si, ça a forcément du sens. Réfléchis Haze !
Cabaret Voltaire, Body and Soul. Cabaret, une scène, un spectacle, une illusion. Voltaire, un philosophe, les Lumières, LA Lumière, la métaphysique. Body, le corps, mortel, un corps mort. Le meurtre métaphysique ! Soul, l'âme. Une âme, celle de qui ? La sienne ? Celle de Johanna, de Sodek ? De ses victimes ? L'âme ? Qu'est-ce que l'âme ? Une illusion. Un produit permettant à un organisme de percevoir son unité en vue de mettre en place les stratégies de préservation de son intégrité. Une illusion, un spectacle, un cabaret... Paul Singer, Dionysos, l'a dit. Tout ça n'est qu'un petit théâtre. Et si ce qui était le plus important aux yeux des hommes n'était qu'une illusion, un spectacle ? À destination de quel spectateur ? Qui se réjouit du spectacle de nos âmes ? Un Dieu ? Le Joueur ? Des Dieux ? Millevaux est hanté par des Dieux.
Haze croit comprendre. Il y a un message derrière tout ça. Ce spectacle est à destination de quelqu'un. C'est bien un message. Mais qui dit message dit messager. Et qui dit Messager dit Nyarlathotep ! Nyarlatothep ! Le messager des Dieux, le message et le moyen de communication. Et quel meilleur moyen de communication pour un Dieu fou qu'une série de meurtres ? Les meurtres de Sodek ne sont pas que les bornes d'un rituel visant à ouvrir une porte aux Cœlacanthes. C'est aussi un message. Un message chiffré puisqu'à chaque victime correspond un nombre. Mais lequel ? Des... coordonnées. Tous ces chiffres doivent être des coordonnées, ou un code dont le Roi-Volcan aurait la clé ?
Haze secoue la tête. Comment sait-il que les victimes de Sodek ont chacune un nombre ? Johanna lui a raconté une partie de son histoire. Mais celle-là  ? Il ne sait plus. Mais il sait que ce que sait le Joueur, les personnages le savent également. Ou du moins, ils peuvent accéder à quelques bribes de ce savoir. La musique ! C'est ça ! Haze comprend. C'est le Joueur qui écoute cette musique. Là , maintenant, tout de suite, il a accès au Joueur !
Soudain, la terre tremble ! Quelques briques tombent du haut des murs. Haze sait qu'il n'en a plus pour très longtemps. Mais il sait ce qu'il doit chercher. Les Yeux ont menti. Il ne mourra pas ! Ou alors, il mourra pour renaître.
La terre tremble de plus en plus et ce sont maintenant des pans de murs entier qui s'écroulent. Haze regarde autour de lui et ne trouve nul part où se mettre à l'abri. Dans sa main, il tient toujours le Cruel Centipède. Il a une idée. Ça va marcher. C'est obligé !
Il libère alors le Cruel Centipède. La créature tombe au sol. Elle se met à grandir et se tortille, s'enroule sur elle-même en un motif compliqué. Haze, grâce au Joueur, reconnaît ce motif. C'est la rune Hshl et le nombre du Roi-Volcan est le 1808. Haze cligne des yeux. Un horrible bourdonnement de mouches lui vrille le crane. Il se sent aspiré par le Néant dans lequel gît le cadavre de l'Hommonde. Ça n'a aucun sens. Pas encore... Il doit mourir pour renaître...
Haze a donné rendez-vous à Johanna sur le front de mer. Il comptait prendre un verre avant de l'emmener au restaurant mais... la conversation a pris une autre tournure. Sodek s'est invité. Non en tant qu'interlocuteur mais malgré tout en tant que sujet. Johanna a peur. Elle fait de son mieux pour garder une certaine contenance mais Haze sent bien qu'elle est à deux doigts de craquer. Il sent aussi que c'est le bon moment.
« Johanna, c'est toi qui a tué Edes ?
Oui. Enfin, c'est Sodek.
Et tout ça a à voir avec son « grand plan » ?
Bien sûr. Il n'y a pas de hasard. Ces autres victimes ont un nombre. Mais pas Edes. Elle, c'est différent mais ça fait aussi parti du plan. Ce meurtre là , c'est comme... une fractale. Un fragment de rose en hologramme. C'est l'univers...
Des nombres ?
Oui, chaque victime avait un nombre, un numéro... à l'Hôpital. Je crois que tout ça forme une série. Je ne sais pas trop. Il ne m'a pas tout dit. Mais il y a une histoire de nombre.
Et Edes, pourquoi cette mise en scène ? Pourquoi le... porc ?
Parce que... c'est comme ça. Partout. Partout où Le Meurtre a lieu, il y a... le porc. Et le Tueur... Des fois, c'est un tueur en série. Des fois, c'est un enfant. Des fois, il est aveugle. Des fois, il a des cornes sur la tête. Mais tout le temps, il y a le porc...
Est-ce que... est-ce que je vais mourir ?
Oui, mais... pour renaître... »
Haze a reçu un appel anonyme. On lui a donné rendez-vous dans un terrain vague. Il doit venir cette nuit. Seul, évidemment. Et sans arme bien sûr. Son interlocuteur a déclaré travailler pour quelqu'un qui avait quelque chose à lui remettre pour la Compagnie. Il n'a pas voulu en dire plus mais cette référence à la Compagnie était suffisante pour qu'Haze prenne le risque d'accepter ces conditions.
À l'heure dite, une limousine aux vitres teintées fait son apparition, phares éteints. Le véhicule s'arrête à une dizaine de mètres de Haze. Il fait mine de s'approcher mais la porte du conducteur s'ouvre. Celui-ci fait mine de porter la main droite au niveau de son aisselle gauche et, de la main gauche, lui fait signe de rester là où il est. Haze obéit. Le chauffeur ouvre alors la portière arrière. Le chauffeur se penche et échange quelques mots inaudibles avec son patron. Il ferme la portière et se dirige vers Haze. Sans un mot, il lui remet une boîte. Haze ne peut s'empêcher de l'ouvrir. Dedans, une fiole en verre. Et dans la fiole, le Cruel Centipède. Le chauffeur se barre les lèvres de son index puis, les deux paumes levées, fait signe à Haze de reculer. Marchant à reculons, le chauffeur regagne la limousine et redémarre.
Haze range la boîte dans la poche intérieure de sa veste. Il en est convaincu, l'Horreur vient de prendre une nouvelle forme, arpentant le monde au milieu des mortels...
Le meurtre d'Edes Corso a fait la une de tous les journaux et l'ouverture de tous les JT nationaux et même internationaux. La riche héritière était très célèbre et les journalistes ont adoré décrire encore et encore les détails les plus salaces de la scène de crime. Les blessures au visage mais surtout... le porc. Célébrité et argent oblige, la police a mis les bouchées doubles sur l'affaire. Des croisements effectués à la suite de prélèvements d'ADN ont permis de remonter jusqu'à une certaine Johanna Ackermann. Il semblerait donc que cette femme ait été présente sur toutes les scènes de crime. Pas seulement celle d'Edes Corso mais aussi celles de ces hommes dont la mort était attribuée au Tueur du Calendrier.
Ackermann s'est rendue sans opposer de résistance. Lors des premiers interrogatoires, elle a peiné à raconter ce qu'elle savait. On aurait dit qu'elle racontait une histoire vécue par un autre. Puis, au détour d'un entretien avec un des experts psychiatres, la personnalité de Sodek NoFink a fait son apparition. Il a tenu alors des propos plus qu'incohérents, affirmant que oui toutes ces morts, même celle d'Edes Corso s'inscrivaient dans un vaste plan. Oui, ce plan était interrompu mais, après tout, le mal était fait et rien n'empêcherait plus sa réalisation. Ici ou ailleurs... il affirma également que ce n'était pas par hasard qu'Edes Corso s'était entiché de cet ancien agent du FBI. Elle savait qu'il était mêlé à tout ça. Et elle savait qu'elle allait mourir. Il alla même jusqu'à dire que c'était pour l'approcher lui, Sodek, qu'elle avait fait la connaissance de l'ex agent Haze. Tout ça faisait donc parti de ce fameux plan. Aucune logique là -dedans, aux dires du psychiatre. Les délires d'un fou. Ou plutôt, d'une folle. C'était certainement par unique jalousie qu'elle s'était attaquée à Edes Corso. Et pour les autres hommes, une enquête sur l'enfance de Johanna fit état d'une hospitalisation en maison de repos. Là , il semblerait qu'elle fut abusée par un autre patient pouvant présenter des ressemblances avec ses victimes en tant que Tueur du Calendrier.
Ackermann fut condamnée à être internée en institut psychiatrique de haute sécurité pour une durée de 13 ans.
Réponse de Thomas !
A. Encore un grand merci pour ce CR qui s’avère être à nouveau une novelette !
B. Damon Haze et Edes Corso en couple, la rencontre de deux persos principaux de la première et de la deuxième campagne, c’est enthousiasmant ! Tu es train de tisser ta saga personnelle à travers Millevaux.
C. J’adore le côté super méta de voir Millevaux comme un virus libéré sous licence creative commons, afin que n’importe qui puisse créer ses propres souches mutantes ! Pour l’exactitude, Millevaux n’est pas en creative commons mais dans le domaine public. Je pense qu’ « open source » serait le terme qui collerait mieux à ta fiction, pour sa connotation hacker.
D. Sympa de voir certaines thématiques de Millevaux (l’emprise, avec cette forêt tropicale enneigée, et l’oubli) se retrouver exploitées dans ce CR !
E. La contamination des mondes par Millevaux est un thème récurrent de Millevaux Mantra, j’ignore à quel point tu exploites ce jeu dans ta campagne (juste le contexte ? Aussi les tables ? Ou aussi le système?)
F. « une bouche dessinée sur le mur scande « Je suis Dionysos ! La Voix de la Bouche ! Dansez ! Chantez, les ivres et les fous ! » : la bouche dessinée chante vraiment où les paroles sont justes écrites sur le mur ?
G. « Haze plonge sa main dans sa poche et en tire un jeu de cartes. Il en sait pas ce que ce jeu fait là . Il n'aime pas jouer aux cartes. Enfin, pas spécialement. Juste comme ça, il en tire 2 au hasard : 10 de cœur et 5 de trèfle. » Je suppose qu’il s’agit des cartes à tirer dans le jeu « Le Tueur du Calendrier » motorisé par Protocol ? J’aime beaucoup cette mise en abîme !
H. Encore un trip méta avec le personnage qui base ses réflexions sur le jeu de rôle épistolaire De Profundis… qu’il n’a en réalité pas lu : la pervasivité entre le personnage et le joueur joue à plein.
I. Un petit extrait de l’Apocalypse selon Millevaux fort à propos suivi d’une dégustation de sa propre chair carbonisée, un moment tout cronenbergien !
I. Le Roman qui rend fou : hommage au roi en jaune et nouvelle poupée gigogne narrative avec cette référence à Tad Corso, le PJ de ta deuxième campagne Millevaux:)
J. Les références à Patient 13 sont de plus en plus appuyées. A ce sujet, je ne peux que conseiller L’Hôpital, un crossover Millevaux / Patient 13 par Eugénie.
K. SiAber possède les souvenirs des personnes qu’il a tuées : clin d’œil à Ecorce, je suppose ?
L. Intéressant que l’enfant sauvé de l’abattoir par SiAber dans un des cauchemars de Coelacanthes s’avère être Camille, l’enfant d’un autre des cauchemars de Coelacanthes:) Tout ceci préfigure un maelstroms de liens logiques entre tous les éléments de ta campagne.
M. Les gravures sur la chair de la Magicienne évoquent la sarcomantie, l’art de remodeler la chair qui est pratiqué à Millevaux, avec du « liquide sarcomantique » et des baguettes de bois
N. Est-ce que la « lame de tarot » que prend SiAber est une carte de Muses & Oracles ?
O. « Les hommes que tuait Sodek n'étaient pas que d'anciens patient de l'Hôpital, ils étaient aussi, à ses yeux, des symboles de l'Hommonde, un vieil homme mourant. » Est-ce qu’on peut dire que Sodek s’en prenait à des anciens PJ ou a des PNJ-clés, commentant des meurtres au caractère très méta ?
P. Retour à la Maison Carogne pour Haze. Finalement, ce scénario de Coelacanthes s’avère central dans ta cosmogonie de campagne. Je me demande ce que donneraient d’autres zones méta de Coelacanthes, comme le Château Illogique qu’on trouve en zone 9 dans le cauchemar d’Alice.
Q. Est-ce que les nombres du Roi-Volcan (et d’autres) que recherchent Sodek NoFink correspondent à des numéros de carte, comme par exemple les cartes de Muses & Oracles ?
R. « Cabaret Voltaire, Body and Soul. Cabaret, une scène, un spectacle, une illusion. Voltaire, un philosophe, les Lumières, LA Lumière, la métaphysique. Body, le corps, mortel, un corps mort. Le meurtre métaphysique ! Soul, l'âme. Une âme, celle de qui ? La sienne ? Celle de Johanna, de Sodek ? De ses victimes ? L'âme ? Qu'est-ce que l'âme ? Une illusion. Un produit permettant à un organisme de percevoir son unité en vue de mettre en place les stratégies de préservation de son intégrité. Une illusion, un spectacle, un cabaret... Paul Singer, Dionysos, l'a dit. Tout ça n'est qu'un petit théâtre. Et si ce qui était le plus important aux yeux des hommes n'était qu'une illusion, un spectacle ? À destination de quel spectateur ? Qui se réjouit du spectacle de nos âmes ? » : tout ceci m’évoque, en plus de la métaphore méta, les palais mentaux, reflet de l’inconscient des personnes, dans Little Hô-Chi-Minh-Ville, et le fait que ces palais soient sous surveillance.
S. J’adore le fait que le personnage entende la musique qu’écoute le joueur. On poursuit la mise en abîme. Pour te confier une anecdote personnelle, il m’arrive très souvent de rêver que je mets en place une partie de jeu de rôle (souvent d’ailleurs sans pouvoir la concrétiser), ou de « réaliser » que mon rêve est en fait une partie de jeu de rôle, et sur un rêve particulièrement intense, j’ai justement entendu une bande-son.
EDIT : Commentaires de Damien Lagauzère (05/02/2020) :
je n'ai pas pu mettre ce pti com à la suite donc, le voila: "C’est drôle de me replonger dans cette partie si longtemps après ^^
Je ne crois pas avoir déjà lu Mantra à l’époque (c’est fait depuis) mais cette idée de Millevaux en tant que « virus » contaminant les mondes me vient de Coelancanthes. Je crois bien que c’est le premier jeu « Millevaux » auxquels j’ai vraiment joué (ou Sombre, je ne sais plus). Mais c’est bien de Coelacanthes que me vient cette idée de Millevaux comme éant à la fois un « monde » mais aussi une menace qu’il faut empêcher. Millevaux est devenu chez moi une sorte de croquemitaine. Et c’est de nouveau le cas dans la campagne de Seekers Beyond the Shroud que je joue en ce moment.
Pour le F, la Bouche est un PNJ de Patient 13 et elle parle vraiment pour qui sait ou peu l’entendre ^^
De même, j’ai vachement aimé joué en méta-jeu. C’était vraiment bien et faudrait ptete que je le refasse.
Franchement, cette campagne de Millevaux était vraiment sympa à jouer. Je ne sais pas si c’est très intéressant à lire pour les autres ^^ mais c’était vraiment sympa à jouer ? Pour l’instant, je n’ai pas encore fait de méta-jeu dans mon solo actuel mais je vais ptete le faire après avoir relu tout ça ^^
mais c'est vrai que ces moments "méta" dans la campagne, notamment celui où j'écoute un album de Cabaret Voltaire ont été cool à jouer. ce sont des moments de jeu comme celui-là qui me font dire que le jdr en solo a vraiment sa plus-value et n'est pas qu'un pis-aller au jdr tradi.
Hors ligne
LE MOULIN DÉJÀ-VU
Du vertige logique au programme et un peu moins de trahison que désiré pour ce test de scénario croisé Millevaux/ Trophée Sombre. Un récit par JBFH.
Le jeu : Trophée Sombre de Jesse Ross, expédition punitive au cœur de la forêt
Le scénario : Le Moulin Déjà -Vu, par JBFH. Entre oubli, ruine et étrangeté circulaire, vous ne sortirez pas indemne ce moulin.
Joué le 20/02/20.
Neal Wellons, cc-by-nc-nd
Scénario joué pour ma part hier soir en ligne. Deux joueurs qui ne connaissaient pas Millevaux et qui ont joué un historien et une sorcière pour une partie de 2h30-3h. Il y a eu très peu de jets de dés car peu d’actions risquées, et en fait on a surtout lancé pour les Rituels. La Ruine n’est pas montée très haut (3 et 5), mais suffisamment pour jouer un peu avec les États tout de même. Les choix des joueurs vis à vis du But de leur personnage, de ce que pouvait être le trésor et de leurs motivations se sont plutôt bien accordés avec l’Oubli et le thème de l’Incursion. Là dessus ça a plutôt bien convergé.
Je me suis bien amusé à faire des Flashbacks et des Flashforwards pour mélanger les lignes de vie des exploratrices. Malheureusement, je n’ai pas réussi à suffisamment instaurer de méfiance et de jalousie pour déclencher un PvP final.
+ J’ai presque réussi à garder la sorcière au village dans le Poids du passé, c’était très émouvant.
+ On a eu un très bon moment de « maelstrom » (pour reprendre un terme de La Cellule) – ou de Vertige Logique (?) - où le joueur de la sorcière décide d’ajouter une marque de naissance sur le corps de son personnage, qu’elle retrouve sur une des vieilles au village et que je transforme en cicatrice laissée par l’historien, loin dans leur passé commun, suite à une trahison elle aussi oubliée. En 10 min tout à pris sens. C’était chouette.
- J’ai perdu le joueur de l’historien que je n’ai pas su embarquer dans ma vision un peu trop abstraite et onirique de la forêt hantée ^^ Le côté contemplatif et la perte de repère ne lui ont pas parlé.
- C’était un peu difficile de jouer les dopplegangers lors de la dernière scène et d’accabler mes pauvres joueurs, d’être méchant avec eux pour déclencher un sentiment de honte. Je les ai fait vite disparaître et ai laissé les joueurs décider de la fin.
Finalement la sorcière a maladroitement bu le liquide coulant du grammophone, son corps s’est alors décomposé et son esprit a été propulsé dans son propre passé où elle a décidé de ne pas trahir l’historien (contrairement à sa première ligne temporelle).
L’historien est sorti de la forêt avec une partie du trésor, a demandé à Nitsed à ce que le nom de la sorcière soit ajouté au registre en souvenir et il a rapporté le trésor à son village pour l’étudier.
Bref, je pense que sans concertation préalable avec les joueuses, il est assez difficile de créer la trahison finale si les personnage sont dans un « alignement » bon ou neutre. En tout cas, c’était une bonne expérience que je devrais reproduire vendredi soir :) (oui je rentabilise mes scénarios haha)
Hors ligne
KRAKEN
Un homme-tentacules en quête de l’extinction de Millevaux parcourt les mondes autour d’une ange ni morte ni vivante. Avec une rencontre effarante au final.
Un festival de jeux utilisés pour ce grand final de la troisième campagne Millevaux solo multi-systèmes par Damien Lagauzère !
Joué le 10/11/2018
Les jeux utilisés pour cette partie
Mantra/The Name of God
La trilogie de la crasse
CĹ“lacanthes
Avertissement : contenu sensible (voir après l'image)
Reva G, cc-by-nc, sur flickr
Contenu sensible :viol, violence sur enfants
Épisodes précédents :
1. Le Peuple des Ruines.
Damien Lagauzère reprend sa cosmogonie personnelle de Millevaux avec l’intro d’une troisième campagne solo qui amène beaucoup de pistes intrigantes et fait à nouveau planer la menace des Cœlacanthes et la perspective de nouveau cauchemars !
2. Un clou dans la main, deux trous pour les yeux
Souvenirs psychotiques d’un futur antérieur où la menace horla prend des allures de guerre totale.
3. J’ai tué pour ton nombre
Une suite multipliant les jeux, les mises en abîme, la contagion forestière et le délire numérologique.
Lire / télécharger le texte intégral de la campagne :
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version pdf
L'histoire :
Je suis le Kraken. Ce n'est pas mon nom. J'ai oublié mon nom, mon passé, mon histoire. Je sais seulement que je suis le Kraken. Cet oublié est la cause de ma solitude. Je vis dans cette pyramide abandonnée par les Horlas mais au fond de moi, je me sens comme abandonné au fond de l'océan. Retrouver mon nom, connaître mon histoire, voilà qui apaiserait mon âme.
Comme chaque jour, je quitte la chambre obscure où je m'abandonne aux rêves et viens contempler ce cauchemar qu'est Millevaux. Cette année, les Bergers du Givre sont venus... et ils ne sont toujours pas partis. Cela fait bien trop longtemps maintenant que dure l'hiver. Et jamais hiver n'a ici été aussi rude. Jusqu'alors et autant qu'on s'en souvienne, les Bergers du Givre apportaient avec eux le froid de l'hiver et repartaient avec au printemps. Là , ils sont venus avec la neige et le vent. Et ils semblent décidés à ne plus quitter ces lieux.
Millevaux sous la neige. Ce serait presque beau...
Aujourd'hui, j'ai décidé de rendre visite au Niaucheur. Avant, je savais qu’il existait mais je ne savais pas où le trouver. Maintenant, depuis que cet hélicoptère est passé dans le ciel, je le sais. Et depuis, je lui rend régulièrement visite. Le Niaucheur se terre non loin des nids des serpents géants. Avec cette glace, ils sont soit partis, soit morts de froid. Je ne les crains pas. Je crains plutôt que le Niaucheur n'ait finalement rien à m'apprendre et que ses plaintes lui fassent plus de bien à lui qu'à moi. Nous verrons bien. Je serais peut-être le témoin d'un événement inédit, qui sait ?
Je descends les degrés qui me séparent du sol millevalien. Je sais qu'il fait froid mais n'en ressens aucune gêne. Cela vient peut-être de ce que le Kraken est habitué à errer dans les fonds glacés de l'océan.
Il me faut plus de deux heures de marche pour atteindre les rives du fleuve gelé. Il se jette dans un gouffre sans fond. Un jour, je me rendrai là -bas. Demain, peut-être. J'aperçois le Niaucheur. Il est là , allongé dans la neige, face contre terre, rampant vers la glace, répandant des traînées de sang noirâtre derrière lui. Je le rattrape rapidement. Dès qu'il perçoit ma présence, il se retourne sur le dos et exhibe son torse calciné et écorché vif. Dans sa main droite, la lame de son couteau est dégoulinante de sang. Il a recommencé. Il est accro à la Viande Noire. Et dès qu'il me voit, il commence à se plaindre et à pleurnicher sur son sort. D'un côté, je le plains effectivement. Je pourrais l'aider mais il ne le veut pas. De quoi aurait-il à se plaindre si je panse ses plaies ? Et où trouverait-il sa Viande Noire ? Mais, que va-t-il me raconter aujourd'hui ? Va-t-il se mettre à délirer ou seulement s'apitoyer sur son sort ? Ou va-t-il enfin me dire quelque chose d'intéressant sur... moi ?
« Bonjour, Niaucheur. Est-ce le jour ?
Le jour ? Quel jour, Kraken ?
Le jour où tu me donnes un début de réponse.
Mon pauvre ami... Regardes-moi. Regardes dans quel état je suis. Je suis pitoyable. Qu'est-ce qu'une loque comme moi peut bien avoir à donner ? Non ! Je n'ai rien à donner. J'ai tant besoin de recevoir. Mais je ne suis qu'une loque dégoûtante et repoussante. Personne ne voudrait me témoigner la moindre compassion. Toi, Kraken, tu viens me voir car tu veux des visions. Tu veux la Viande Noire. Tu ne m'aimes pas vraiment. »
Le Niaucheur a raison. Je ne l'aime pas vraiment. Je compatis à son malheur mais je sais aussi qu'il en est responsable et qu'il s'y complaît. Je n’éprouve aucune pitié ni aucune compassion pour lui. Je voudrais qu'il me donne sa Viande Noire, celle qui me donnera la connaissance. J'ai été patient. Mais aujourd'hui, je ne vais pas vainement espérer qu'il me donne. Je suis venu prendre.
« Niaucheur, donne-moi la Viande Noire. Donne-moi la Vision et la Connaissance. »
Je sors de ma réserve naturelle. Je brise ces chaînes qui me retiennent. Elles se matérialisent entre mes mains. Mon Karma est comme le lac dans lequel on vient de jeter une grosse pierre. Il y a des remous et il lui faudra du temps pour retrouver son calme mais... Je veux la Viande Noire. Je la veux maintenant.
Le Niaucheur est trop affaibli pour esquiver ou parer mon coup. Les chaînes s'abattent sur son corps déjà meurtri et le sang coule à nouveau. Pourtant, quelque chose d'imprévu arrive. Un casque translucide apparaît au niveau de son visage. Ce n'est pas comme s'il portait ce casque, non ! C'est plutôt comme si le casque s'interposait entre lui et moi. Qu'est-ce que cela signifie ? Je tends la main pour m'en saisir mais il disparaît aussitôt. Je lis dans le regard du Niaucheur qu'il ne comprend pas non plus ce qui vient de se passer mais il a quand même une idée derrière la tête.
« Expliques-toi, Niaucheur ! Qu'est-ce que ça veut dire ?
Je ne sais pas Kraken. Je te le jure !
Mais ce n'est pas la première fois que tu vois ce casque. Ne mens pas !
C'est vrai. J'ai déjà vu ce casque et le chevalier.
Le chevalier ?
Oui, l'Homme-Libre, libre comme le feu, celui des champs de feu !
Donnes-moi la Viande Noire, Niaucheur ! Je dois savoir ce que sont ces champs de feu ! »
Alors que j'abats de nouveau mes chaînes sur son visage, le casque apparaît de nouveau. Je ne lutte pas. Aujourd'hui encore, je n'aurai pas la Viande Noire, mais j'aurai le casque de l'Homme-Libre. Je fais disparaître mes chaînes. Je me penche lentement en direction du Niaucheur. Je me saisis du casque. La configuration de ma tête m'empêche de l'enfiler. Toutefois, je peux lui ménager une place au centre des mes tentacules. Une fois délicatement posé, j'enroule autour de lui mes longs appendices et attends la révélation.
Je vois ce que le Niaucheur appelle les Champs de Feu. Il y fait effectivement une chaleur accablante. Un être tel que moi, profondément attaché à la mer, ne pourrait espérer y survivre. Une fois ce constat fait, je remarque également qu'il n'y a aucune trace de Millevaux. Aucune forêt. Seulement du sable. Des dunes à perte de vue. Et ces dunes se déplacent. Elles sont vivantes. J'ignore comment et pourquoi le Niaucheur est entré en possession de ce casque mais cette vision me donne une idée. Je dois trouver l'Homme-Libre, celui qui vient des Champs de Feu. Ensemble, nous dompterons les Dunes Vivantes et chasserons la neige de Millevaux. Puis, nous chasserons Millevaux.
J'ai abandonné là le Niaucheur. Je suis reparti sans aucune des réponses auxquelles je m'attendais. Une fois de plus... J'ai même des questions supplémentaires. Qui est cet Homme-Libre ? Où sont les Champs de Feu ? Pourquoi ce casque ? Pourquoi est-il apparu au Niaucheur ? Mais surtout, et plus qu'avant, j'ai maintenant un but véritable. Libérer les Colonnes de l'influence néfaste de Millevaux et des Horlas n'est pas un but. C'est un rêve. Trouver l'Homme-Libre et lui demander, le contraindre si nécessaire, de m'apprendre à dompter les Dunes Vivantes pour chasser la neige et Millevaux, ça c'est un but ! Mais où trouver un passage vers ces Champs de Feu en ces terres gelées par les Bergers du Givre ? Le gouffre ! Là où le fleuve gelé s'enfonce dans les ténèbres. Le fond des océans est glacé. Mais en dessous, sous la croûte terrestre, le magma est brûlant. S'il reste une source de chaleur ici, c'est là que je dois chercher.
Longue est la marche qui me mène au gouffre mais j'y parviens sans effort. Je suis le Kraken. Je ne suis pas soumis à ces rigueurs comme le sont les humains. Mais, peut-être ai-je été un humain, avant ? Je ne l'exclue pas. Je le saurai, un jour.
Arrivé au bord du gouffre, je ressens pourtant une sorte de malaise diffus. Le temps est plutôt doux en comparaison des jours précédents. Mais il y a dans l'air quelque chose de corrompu, de hanté... Un Horla ? Mes sens sont en éveil. Les Yeux vont me dire si je suis effectivement en danger. Ils sont mes yeux, d'une certaine façon.
Cet endroit est désolé. Il n'y a ici que neige et glace. Cette végétation caractéristique des climats tropicaux ne supporte que difficilement les rigueurs anormales imposées par les Bergers du Givre. Leurs feuilles, courageusement, ne sont pas tombées mais leurs branches plient sous le poids de la neige. Ce fleuve jadis tranquille et source de vie est maintenant gelé. Le calme et la tranquillité d'une vie paisible et sereine ont laissé la place à l'immobilité de la mort. Plus rien ne vit ici, pas même les serpents géants. Et ce gouffre... Alors que les rayons du soleil ne percent que rarement et difficilement l'épaisse couche de nuages, la glace s'enfonce dans des ténèbres insondables. Je devrais m'y sentir chez moi.
Malgré les apparences, je ne suis pas seul. Dissimulés sous la neige, camouflés grâce à leurs vêtements de cuir blanc, ils m'observent. Mais moi aussi je les observe. Je sens leur présence. Je veux en savoir plus. Dans la paume de main, une Noix. Je fais craquer la coquille entre mes doigts et porte la chair du fruit à mon bec.
Je pensais que la Noix me dirait comment vaincre mes ennemis mais elle me fait pressentir la nécessité de la défaite. Qu'il en soit ainsi. Je demeure immobile et laisse les Bergers du Givre, car il s'agit bien d'eux, se saisir de moi. Alors qu'ils me soulèvent du sol et se dirigent vers le gouffre, je comprends. J'écoute leurs imprécations scandées en Langue Putride. Ils comptent me sacrifier, m'offrir à leur Dieu : Ithaqua, le Marcheur du Vent. Je devrais mourir. Cette chute devrait m'être fatale. Mais, je ne sais ni comment ni pourquoi, j'ai eu accès par le passé aux pensées et aux connaissances du Joueur. Je sais qu'il ne souhaite pas ma mort. Je sais qu'il joue pour savoir ce qui va se passer. Il me sauvera de cette chute mortelle pour que je continue mes aventures. Mais je sais aussi que les Bergers du Givre sont des adorateurs d'Ithaqua. C'est lui qui maintient cet hiver perpétuel sur Millevaux. Pourquoi ? Ça, je dois encore l'apprendre.
Hurlant, les Bergers du Givre me jettent dans le gouffre glacé. Confiant, je me laisse bercer par cette sensation de chute. Ithaqua veille sur les Bergers du Givre. Le Joueur veille sur moi. Au moins pour cette fois. Je n'ai pas fait l'expérience de l'impact de cette chute. C'est comme si la réalité avait cligné des Yeux. Je chutai et maintenant je suis debout, au fond du gouffre, dans le noir et le froid.
Mais je ne suis pas seul. Elle est là , la Magicienne. Elle me sourit mais son sourire est triste. Elle est préoccupée. À ses côtés gît un ange aux ailes de bois et de feuilles. Edes Corso. Je la croyais morte...
Je me penche sur Edes. Ses ailes de bois sont brisées. Les feuilles qui lui restent sont brunes et rousses. Elle a de la fièvre. Je ne suis même pas sûr qu'elle ait conscience de ma présence. Je suis le Kraken et, à ce titre, je peux me régénérer. Mais comment la régénérer elle ? En faisant comme les shamans. Je vais lui raconter une histoire. Nous allons la vivre ensemble. Ce sera une aventure symbolique et elle en ressortira guérie. J'espère. Mais quelle est cette histoire ? Je ne la connais pas moi-même...
Le Joueur a relu Immondys cette semaine. Une bande dessinée aux accents lynchesques teintés de Bacon avec, peut-être, un arrière goût de Giger. Le personnage principal, un dénommé Ange, y explore cette ville étrange mais aussi sa vie, son inconscient. Et si je lui racontais une histoire de ce genre ?
« Écoutes-moi, Edes Corso. Tu n'es pas morte. Tu es affaiblie, certes, mais tu vas t'en sortir. Nous allons tous les deux explorer une ville étrange. Nous y ferons peut-être des rencontres. J'espère qu'elles seront bénéfiques. En tout cas, nous vivrons une expérience au terme de laquelle tu reviendra parmi nous en bonne santé, régénérée. Mais avant de savoir à quoi ressemble cette ville, ta ville, interrogeons les Yeux. »
On dirait que mes mots ont fait mouche, Edes tourne son visage vers moi. Elle ouvre les yeux, ou plutôt son œil valide et la Noix que la Magicienne a placé dans l'autre. Je suis tenté de la prendre. Est-ce une bonne idée ? Qu'en pensent les Yeux ?
Une image se dessine dans l’œil valide d'Edes. La réponse !
Un couteau ! Un œil, encore ! La lame du couteau s'abat sur un visage, transperce un œil, l’œil d'Edes Corso. Mais pas l'Edes aux ailes de bois et de feuilles. Une autre. Une Edes qui a très peur. Peur de mourir. Une Edes qui vit loin de la forêt, loin de la crasse mais qui est rattrapée par la Crasse. Il y a cet homme et son couteau. Et le porc... Cet homme est le Diable. Il est déchaîné. Il faut être déchaîné, libéré des chaînes et des entraves de la morale, de toutes vertus pour l'avoir contrainte avec ce porc, pour l'avoir lardée d'autant de coups de couteau. Et pour avoir permis au porc de recommencer, après ça...
Mes tentacules frissonnent d'effroi. Pauvre Edes. Est-ce cela qu'elle doit revivre ? Peut-être ? Mais cette fois, je serai là . Je me saisis de la Noix et la remplace par une Bille. Je vois mon reflet dans la Bille. Je gobe la Noix.
Un terrain vague. Le corps d'une femme, Edes. Pas l'ange. L'autre Edes. Non loin, celui du porc. Pauvre bête... Je regarde autour de moi. Le meurtrier a disparu. Mais il y a du bruit. Des gens approchent. On dirait des mortels mais je sens que ce n'est pas le cas. Amis ou ennemis ? Ils approchent du corps d'Edes. Je suis le Kraken, je me fonds dans le décor et j'observe.
« Quelque chose cloche, dit l'un d'eux. Un homme aux lèvres minces. Tout est là mais... ça devrait être un homme. C'est toujours un homme d'habitude, non ?
Si, répond un autre homme. »
Au premier regard, j'ai l'impression qu'il a une tâche de naissance sur le visage. Puis, je me rends compte que ce n'est pas une tâche, c'est... autre chose. L'homme est mort. Et il marche. Et il parle.
Les deux hommes font le tour de la scène de crime, prenant soin de relever le moindre indice sans pour autant nuire au travail de la police qui ne devrait plus tarder à intervenir.
Le 1er homme se retourne ensuite vers celui dont je pense qu'il est mort.
« Les Mouches Cosmiques sont catégoriques. Ce meurtre est LE Meurtre. Même si la victime est une femme. C'est... l'exception qui confirme la règle.
Et tes mouches t'ont dit qui était l'assassin ?
Oui, il s'agit d'un certain Sodek NoFink.
On intervient ?
Non, la police va le trouver et l'arrêter. C'est après. Après, on reprendra le dossier. Pour l'instant, nous devons partir et laisser la police faire son travail. Ce meurtre nous apportera son lot de révélations mais plus tard. Viens, on rentre... »
Les deux hommes s'éloignent. Je sors de l'ombre. Sodek NoFink. Ce nom ne m'est pas inconnu. Pourquoi faut-il que ma mémoire me fasse tant défaut ? Que sont ces Mouches Cosmiques dont a parlé cet homme ?
Si ce Sodek s'est montré suffisamment déchaîné pour infliger ces tourments à Edes, est-ce parce qu'il s'est libéré des entraves des conventions, de la culpabilité ? Ce déchaînement et cette libération sont-ils un moyen ou le but en soi ? Et si c'était Sodek NoFink cet homme-libre que je dois trouver ? Il connaîtrait le secret des Dunes Vivantes ?
Sodek vit ici, comme vivait Edes. Edes le connaissait peut-être. Elle pourrait me le dire mais elle est morte. Elle est morte aujourd'hui mais elle n'était pas morte hier. Je me rappelle qu'il y a longtemps, ailleurs, j'ai su ouvrir des Portails à travers le temps et l'espace. À l'époque, je m'appelais Tad Corso. Si, aujourd'hui, je prenais ce nom, pourrais-je remonter ne serait-ce que quelques jours dans le passé pour trouver Edes et lui poser la question ?
Mes tentacules sourient. J'aime cette idée. Que dois-je faire pour ouvrir un Portail ?
Oh ! Les yeux sont cruels avec moi. Une Brume s'étend. Tad Corso connaît cette Brume. Et Damon Haze craint ce qui s'y cache. Les Gargouilles. Tad Corso était aux commandes d'une sorte d'exosquelette surarmé. Moi, je n'ai que mes chaînes. Et les Yeux exigent que je perde quelque chose qui m’est cher. Mes chaînes ? Et si cela me... libérait ? Deviendrai-je moi aussi un homme-libre comme Sodek NoFink ?
Je fais tournoyer mes chaînes au dessus de ma tête et les jette sur les gargouilles. Je ne sais pas si cela les blesse ou les même les ralentit. Les Yeux sont beaux joueurs. J'ai perdu mes chaînes mais... J'ai huit jours devant moi pour trouver Edes Corso et savoir si elle connaît son assassin, Sodek NoFink.
J'erre dans les rues de cette ville que je ne connais pas. Pourtant, j'ai le sentiment que je devrais. Conscient que mon apparence pourrait me causer des problèmes, j'use de cette capacité de mon totem, le Kraken, pour changer mon apparence, me camoufler, me fondre dans le décor. Alors que je prends une apparence humaine, j'entends un effroyable fracas. La terre tremble, se fend en deux presque sous mes pieds. Je manque de tomber dans une terrible gorge dans laquelle s'engouffre un blizzard des plus violents. J'entends une explosion, des coups de feu ! Les montagnes, au nord de ma pyramide ! Je suis... de retour ? Non ! C'est une hallucination due à la Noix. Mais je vois cet hélicoptère s'écraser. Je vois le Niaucheur s'extraire de la carcasse. Je le sens, il porte sur lui le Cruel Centipède. Un reflet attire mon regard qui se porte sur le canon d'une arme à feu. Impossible ! Ce ne peut être qu'un sosie ! L'Ange-Paon de Yézédis ! Que fait-il ici ? Et pourquoi tenter de tuer le Niaucheur ?
Quand je reprends mes esprits, la rue est redevenue comme avant. Et moi, j'ai un visage humain. Je ne sais plus où je suis. Je sais que ce monde n'est pas la réalité. C'est un voyage shamanique pour guérir Edes. Serais-je donc revenu, l'espace d'un instant dans la réalité. Ma réalité de Millevaux ? Mais pourquoi dans les montagnes et non auprès d'Edes ? Était-ce le présent, le passé ou l'avenir ? Je ne sais plus. Ma mémoire me joue des tours. J'y réfléchirai plus tard. Pour l'instant, je dois trouver Edes.
Savoir où la trouver ne devrait pas être très compliqué. Après tout, je suis le Kraken. L'atteindre sera peut-être plus difficile. Je fouille dans ma mémoire et y trouve mon amie, la machine-cafard. Elle écrira pour moi ce qui va arriver. Dans ma pyramide, je sais où la trouver. Mais ici, où est-elle ? Forcément, elle n'est pas loin. Mais où ? Comment la voir ?
La Noix ou la Bille ? La Bille ou la Noix ? Laquelle me donnera la vision la plus précise ? Je choisis la...
...jeunesse ! Pourquoi ce mot s'impose-t-il à moi ? Spontanément, je la cherche autour de moi, la jeunesse. Il est peu probable de la trouver ici et à cette heure de la nuit. D'autant plus que cette pluie fine chasse la plupart des noctambules. Et pourtant, elle est là , la jeunesse. Camille ! Je te reconnais ! Pourtant, ce n'est pas lui. Ce n'est plus lui. Ce n'est plus le protégé de la Magicienne. Je vois à l'intérieur de lui. Le cafard ! Immonde et énorme ! Est-ce mon amie ? Un craquement sec secoue le petit garçon. Il se secoue. Son corps se retrouve penché en avant, à la limite de tomber. Le craquement s'amplifie. Son dos s'ouvre en une béance horrible. Je vois le détail de son anatomie, comme celui d'une grenouille clouée sur la planche d'un biologiste. De là , de cette cavité, s'extrait un cafard. Un gigantesque cafard de près de 2 mètres de haut. Son « visage » est totalement inexpressif mais je ressens pourtant une certaine joie qui en émane. La joie de me revoir mais également une autre... plus malsaine.
« Les souffrances de ce petit garçon sont un délice, Kraken. Les Carogne ne l'ont pas loupé. Tu en veux ? »
Les mots ne parviennent pas à sortir de ma gorge. Je pointe du doigt la machine que le cafard porte sous le bras. Il... sourit ? Il produit une espèce de bruit de bouche puis lève la machine au dessus de sa tête. Il l’abat ensuite violemment et l'enfonce sur ce qui lui sert de crâne. Il secoue un peu la machine, la fait tourner, fait craquer ses cervicales. La machine a trouvé sa place. J'ai retrouvé mon amie, ma fidèle Clark Nova !
Je m'approche de Clark Nova. Mes doigts glissent le long des lignes de la machine. Je commence à pianoter. C'est le moment ! Le moment de (me) taper une vision d'enfer !
Je suis dans une chambre d'hôtel propre et vide. Elle donne sur une ruelle, vide également. Il pleut. Je sais que je fuis une menace. Mais je sais aussi qu'ici règne une menace tout aussi grande. Les deux menaces sont-elles liées ? Quelles sont leur nature ? C'est cela que je dois comprendre. Alors, je trouverai Edes.
Je sens que cette menace va bientôt se manifester. Je ne peux pourtant pas quitter cette chambre. D'une part parce qu'une autre menace m'attend dehors. D'autre part, il y a ici quelque chose que je dois trouver. La magicienne a l'habitude de cacher des Billes et des Noix un peu partout. Est-ce cela que je dois trouver ? Je commence par les tiroirs.
Un... pénis (?!) de métal chromé, strié de veines rouges, de 18 cm au garrot. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est effectivement menaçant.
Mais mon sourire se fige. Je comprends ce que signifie la présence de cet objet, à qui, ou plutôt à quoi il appartient. Je connais ces êtres dominateurs et pourtant esclaves de leurs pulsions les plus viles et les plus basses. Un Soar ! Un homme-porc. J'ai trouvé dans ma pyramide des textes à propos de ce peuple, de son histoire, de sa magie... Les Soar peuvent se rendre invisibles. Il est là  ! L'homme-porc est là et il m'observe. Qu'attend-il ? Pourquoi ai-je peur ? Va-t-il m'attaquer ? Attend-il seulement que je quitte les lieux ? Sait-il ce que je cherche ? Sait-il que j'ai compris qu'il était là  ?
J'ouvre un autre tiroir...
Un petit sachet en plastique. Des petits morceaux de papiers découpés. Un mode d'emploi. J'ai 2 mn !
J'ai réussi !!! mais qu'est-ce que ça veut dire ? Dans tous les sens, des séries de chiffres et de lettres. C'est un code. Je le mémorise et, l'air de rien, remetd le tout à sa place en tentant de repérer le Soar. Si je devais me battre, l'emporterais-je ?
Je dois me rappeler que tout cela n'est qu'une vision, une illusion. Ce n'est pas vraiment réel. Je dois garder la tête froide. Je suis le Kraken. Je sais ce qu'est ce code. Il m'indique là où je peux trouver Edes Corso. La question n'est pas tant de savoir pourquoi ce Soar détient une information concernant Edes. Il n'y a peut-être, d'ailleurs aucun lien entre les deux. Le lien, c'est la vision. Ma vision. Le lien, c'est moi ! Cette vision me permet de trouver Edes et me met en garde contre les Soar. Mais aussi contre autre chose qui m'attend dehors. Je ne dois pas douter un seul instant de ma capacité à aller au bout de ce voyage. Je ne dois pas douter de ma capacité à guérir Edes. Mais je ne dois pas douter non plus de la réalité de la menace qui pèse sur nous. Et cette menace semble plus grande que je ne l'imaginais au départ. Quels étaient donc les plans de Sodek NoFink ?
Le Soar ne se manifeste toujours pas. Peut-être pense-t-il que je n'ai pas percé le code, que je ne suis pas une menace. C'est aussi bien. Mais peut-être tout simplement prolonge-t-il l'extase qui le cache à mes yeux ? Je ne veux pas vraiment le savoir. Ces hommes-porcs sont un mystère et j'aimerais autant qu'ils le restent. Pour l'instant, je dois sortir. Par la fenêtre, la rue semble déserte. Pourtant, je sais qu'une menace m'attend à l'extérieur. Une menace extérieure... alors que je me saisis malgré ma peur de la poignée de la porte, je comprends. Une menace extérieure. Un Dieu Extérieur ! Nyarlathotep ! Le messager et le message ! Le code ! J'ai mémorisé le code. C'est lui la menace ! Et je l'ai dans la tête. Je pâlis. Je suis tombé dans le piège du Soar. Oui, ce code va me permettre de trouver Edes, mais il va aussi me ronger. Ce code est une maladie ! C'est le Cruel Centipède !
Je tourne la poignée... Elle refuse de plier. Je dois forcer. Je tremble sous l'effort. Une horrible puanteur envahit soudain la chambre. JE DOIS SORTIR D'ICI !!!
Je suis de nouveau dans la rue. Cette pluie fine tombe toujours et se mélange à la sueur qui court le long de mon dos et trempe ma chemise. Sous mon visage humain illusoire, je sens mes tentacules s'agiter. Je le regarde sans le voir. Le cafard me tourne le dos. Il a ôté Clark Nova de sa tête et s'en retourne à l'intérieur du petit Camille afin de se repaître des horreurs qu'il a subi dans la maison Carogne. Je sens un très très mauvais Karma ! Je cherchais Edes pour la sauver et j'ai le sentiment de m'être fait avoir. Je cligne des yeux. Devant moi, une voiture aux vitre teintées me barre le chemin. Derrière, la même chose. Un homme sort de la 1ère voiture. Il porte un costume sombre, des lunettes de soleil et une coiffure mohawk teinte en orange vif qui détonne avec son look de men in black. Brodé sur son épaule gauche, je crois reconnaître ce symbole. Une swastika déformée sur une croix copte. J'ai le cafard mais... peut-être ne devrais-je pas prendre la mouche... Qu'en pensent les Yeux ?
Je suis en danger. Pour de bon, pour de vrai ! Ces types sont au mieux des humains adorateurs des cafards et au pire des cafards eux-mêmes. Dans tous les cas, ils seront moins bienveillants à mon égard que ma fidèle Clark Nova. Les Soar, les cafards ! Dans quel pétrin s'est mise Edes ? Mais pour l'instant, je dois me sortir de là . Je reprends mon apparence de Kraken. Mes tentacules se déplient et savourent cette pluie fine. Je lève les bras et les fait onduler lentement, au rythme de mes tentacules.
« Je suis le Kraken ! Ici et maintenant, je vous plonge tous dans l'obscurité. Vous allez sombrer dans le sommeil. Et à votre réveil, vous serez au plus profond de l'océan. Je suis le Kraken ! »
Alors, j'écoute les Yeux. Qu'attendent-ils de moi ?
« Kraken ! Nous sommes les Yeux. Tu dois avaler l'anarchie ! Ton sang doit couler ! »
Est-ce sous l'influence des yeux ? : ma main droite se pare de griffes longues et acérées. Le temps semble s'être figé mais c'est faux. Je dois agir maintenant ! Je lève ma main et laboure mon torse. Mon sang coule. Il est sombre comme le fond de l'océan. J'avale l'anarchie. Je la fais mienne. Je rejette toute forme de gouvernement concernant mes pensées et mes actions. Désormais, je sors de ma réserve. Je cesse d'être un témoin passif. Mon sang coule en vagues énormes et déchaînées. Il entraîne les adorateurs des cafards par le fond. Quand le calme revient dans cette ruelle. Je suis seul et je suis un autre. Ces griffes ont disparu de ma main droite. Je me saisi alors de cette clepsydre trouvée dans ma pyramide. Le temps s'écoule plus vite. Non, pas le temps. Le Karma. J'ai 8 jours pour trouver Edes mais beaucoup moins avant la catastrophe.
Malgré tout, la réalité, le monde, l'Hommonde (?), ont tenu parole. Je sais où trouver Edes ! Je vois une cathédrale. Des dunes. Tout cela se mêle dans ma tête. Edes assiste ce soir à un vernissage. Un peintre italien expose ses nouvelles toiles. Elles représentent des temples et autres lieux sacrées, mais aussi des paysages désertiques.
« Taxi ! »
A l'entrée de la galerie, je parviens à tromper la vigilance des hommes de la sécurité mais cela me coûte une nouvelle Noix. Il ne m'en reste que deux pour sauver Edes. À l'intérieur, je la cherche parmi les invités. Je ne la vois pas mais j'entends un groupe de personnes parler d'elle. Je m'approche et tente de capter leur conversation. Ils parlent d'un orchestre dans une autre salle. Elle s'y serait rendue. Je trouve effectivement cette salle mais la porte est fermée. Je colle mon oreille à la porte. Il y a effectivement de la musique. Que cette porte soit close m'intrigue. Et je me demande si les affaires dont on traite ici ont vraiment à voir avec l'art. Je dois absolument entrer. Par acquis de conscience, je tourne lentement la poignée mais la porte refuse de s'ouvrir. Et si elle était en danger ? Il ne me reste que 2 Noix. Je colle à nouveau mon oreille à la porte, tentant de capter une conversation par dessus la musique. Des gémissements étouffés. Un bruit de chute. De la vaisselle, des verres qui se brisent. Quelqu'un vient de tomber. Je le sais maintenant, je peux être brutal à l'occasion. Et j'ai renoncé à obéir à cette réserve qui était la mienne jusqu'à présent. D'un coup d'épaule, j'enfonce la porte.
Alors que je fais une entrée fracassante dans le petit salon, l'orchestre enchaîne spontanément sur une adaptation de Wagner. Edes Corso, magnifique dans cette robe de soirée, me jette un regard des plus dédaigneux. Au sol, un homme-porc en smoking est en train de se relever. D'un geste agacé, il refuse l'aide de ce congénères. Edes est la seule humaine présente mais elle ne semble pas en danger. Le Soar se relève, lisse sa veste de smoking et tente de retrouver une certaine contenance. Contre toute attente, personne ne semble gêné par le spectacle offert par ce porc ivre. Au contraire même, ils semblent attendre quelque chose. Le Soar va parler.
« Hum, désolé Edes. Je... J'ai vu... Des innocents vont périr. Et il y a... plusieurs assassins. Prends soin de toi. »
Puis, enfin, tous se tournent vers... moi !
« Qui êtes-vous ? demande Edes, calmant d'un geste les Soar s'emparant de leurs armes.
Je suis le Kraken. Le Soar a raison. Des innocents vont mourir. Tu vas mourir. Dans une semaine. Je suis là pour t'aider, Edes. Je suis le Kraken. »
A ma grande surprise, l'ambiance se détend. Les Soar rangent leurs armes et Edes s'approche de moi, visiblement très à l'aise avec la nouvelle que j'apporte. Dans un coin de la pièce, des Soar chuchotent en me regardant. Je n'entends pas bien ce qu'ils racontent mais j'entends parler de Black Rain. Ça me dit vaguement quelque chose mais impossible de faire le lien avec quoi que ce soit. Edes m'invite à m’asseoir et me tend un verre. Elle veut tout savoir. Mais avant, elle congédie les hommes-porcs. Ceux-ci refusent. Ils veulent eux aussi entendre ce que j'ai à dire. J'espère qu'elle va refuser. Je n'ai aucune confiance en eux. Heureusement, Edes reste ferme et leur intime l'ordre de quitter la pièce. L'orchestre joue toujours. Du Bach, maintenant. Le Soar ivre tente de négocier sa présence et agitant sous son nez un vieux carnet. Edes répond qu'elle aussi sait des choses qu'ils veulent savoir. Elle explique que ce que j'ai à dire ne concerne qu'elle seule et qu'ils reprendront leurs transaction là où je l'ai interrompue quand nous en aurons fini. Tenir ainsi tête à une délégation d'hommes-porcs, je reconnais ma Edes Corso.
Les Soar quittent finalement la pièce, apparemment sans rancune. Edes se retourne vers moi. Je la sens pleine d'entrain. Je lui raconte tout. Comment je suis revenu dans le passé pour empêcher sa mort. Comment je suis arrivé sur les lieux du crime en provenance de Millevaux. Et surtout, comment, de mon point de vue, sa réalité n'est qu'une vision fantasmatique, un voyage onirique afin de délivrer l'Edes Corso de Millevaux de sa fièvre. Comment va-t-elle réagir à ça ? Va-t-elle me croire ? Va-t-elle me prendre pour un fou ? Je suis... anxieux. Ma vision se trouble. Autour de moi, l'air se fige, se cristallise et forme une suite de mots. « La répétition est une forme de changement. Une malédiction. Elle ne veut pas être sauvée. »
« … serait un certain Yézédis Corso, tu comprends ? »
Edes a poursuivi son récit. Elle n'a, dirait-on, rien perçu de mon trouble passager. Mais je comprends alors certaines choses moi aussi. Edes, ici, trafique avec les Soar afin d'en savoir plus sur un de ses ancêtres. Un certain Yézédis Corso. Les hommes-porcs auraient des informations le concernant. En échange, ils veulent des informations sur Damon Haze. C'est donc pour ça qu'elle s'est approchée de lui. Yézédis Corso ? L'Ange-Paon de Yézédis ? C'est lui qui a tiré sur Haze quand son hélicoptère s'est crashé dans les montagnes millevaliennes. Je le lui dis. Et elle me confirme que Haze a quelque chose à voir avec Millevaux, qu'une de ses enquêtes, quand il était agent du FBI, lui a fait toucher certains des mystères de cette forêt. Elle sait aussi que cela est en lien avec un certain Sodek NoFink. « La répétition... » J'ai l'impression d'une boucle, d'un cycle dans l'espace et le temps entre Millevaux et cette réalité. Quoi qu'il en soit, dans ces deux mondes, Edes est liée à tout ça. Et dans ces deux mondes, son sort est des plus précaires. Et elle ne voudrait pas être sauvée ? Dois-je vraiment la laisser mourir ? Dois-je la laisser au fond du gouffre ? Et est-ce possible que ce Yézédis Corso et l'Ange-Paon soit une seule et même personne ?
Edes se tait maintenant. Et moi, je réfléchis. Peut-être dois-je me résoudre à renoncer à la sauver, dans ce monde comme dans le mien. Sa mort ici serait, comme l'a dit l'homme sur la scène de crime, l'exception qui confirme la règle. Changement et répétition... Et sa mort au fond du gouffre de Millevaux ? Quel sens cela pourrait-il bien avoir ? Peut-être n'y a-t-il finalement aucun moyen, ni aucune raison de la sauver ? Et si, pour en savoir plus maintenant, et sauver les Colonnes, je devais trouver l'Ange-Paon de Yézédis ? Et si c'était lui l'Homme-Libre ? Et si c'était lui qui pouvait m'apprendre à dompter les Dunes Vivantes ?
La malédiction... Le Soar m'a fait ingérer le code du Cruel Centipède. Il me ronge. Mon temps ici est compté et... Edes ne veut pas être sauvée. Elle est un élément du cycle. L'exception qui confirme la règle. Je pense avoir mes réponses. Je dois maintenant retourner à Millevaux. Retourner au fond du gouffre et lui annoncer qu'elle va mourir, pour le cycle.
Je suis de retour au fond du gouffre. Edes est toujours en proie à la fièvre. Est-ce un effet de l'obscurité mais je lui trouve l'air méfiant. Et elle a raison. Je suis de retour pour lui annoncer mon échec. Pour lui faire part de son souhait de mourir. De la nécessité de sa mort pour que se poursuive le cycle. Je sens des images se former à l'arrière de mon crane. Cela parle d'oubli, d'amnésie. Je les refuse. Je vacille. Je me tourne vers la Magicienne. Elle s'agite dans l'ombre. J'ai le sentiment horrible d'avoir oublié quelque de primordial. Mais quoi ? Je sombre... Est-il possible de tomber encore plus bas ?
Je suis de nouveau à la surface. Au bord du gouffre, celui-là même où j'ai abandonné Edes et la Magicienne. Une assemblée de corbeaux est attroupée autour de l'abîme aux parois garnies de racines et grouillantes de vers. Au fond, j’aperçois les Abysses qui remontent pour envahir Millevaux. Alors, certains corbeaux se transforment en humains et en humaines. Leur mutation est horrible. Leurs corps se tordent, se déchirent. Les os saillent et le sang coule. Les chairs sont à vif. Ces craquement et crissements sont effrayants. Je les reconnais. Ce sont des Corax. Peuvent-ils m'apprendre quelque chose ? Je ne suis pas leur ennemi. Mais le savent-ils ?
Je m'approche de l'un d'entre eux, nouvellement transformé en être humain. Ses gestes sont lents et mesurés. Il émane de lui une odeur parfumée plutôt agréable. C'est étrange en ce lieu. Il m'a l'air sympathique et j'essaye de lui paraître sympathique également. Pourtant, quand il parle, il me prend de haut. Il dit qu'eux, les Corax, sont la race à venir, et que l’humanité a démérité de sa suprématie. Je lui rappelle que ces propos ne sont nullement provocateurs me concernant puisque je ne suis pas humain. Je suis le Kraken. Pas un humain. Et si les humains ne méritent plus d'être les maîtres de cette terre, doivent-ils pour autant disparaître ? Ne peut-on pas tout simplement les laisser en paix ? Aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de maintenir les humains au sommet de cette hiérarchie que de chasser cet hiver qui n'en finit plus et qui tue même les Horlas. Je lui parle de l'alliance entre Ithaqua et Shub'Niggurath. Je lui parle aussi des Dunes Vivantes et de l'Ange-Paon de Yézédis. Je lui dis que la Magicienne et Edes Corso sont au fond du gouffre et qu'Edes n'en sortira pas. Mais moi, je dois trouver l'Ange-Paon. Les Corax peuvent-ils m'aider ? Il me dit que oui. Je lui demande s'il a quelque chose pour moi. Mais non ! Il n'a rien à m'offrir. Au contraire même. Il exige de moi... une épidémie ? Je ne comprends pas. Ou plutôt, j'ai peur de comprendre. Aurais-je ramené avec moi le Cruel Centipède ? Ou une « version » ? Le code trouvé dans la chambre du Soar serait toujours dans ma tête ? Et le Corax le veut ? Il tend la main dans ma direction. Je ne peux pas lui donner ma tête ! Mais lui, peut-il extraire ce code ? Non ! Et il m'explique même que cela me tuerait de le faire. Ce code risque donc de me tuer à petit feu et cela me tuerait de tenter de l'extraire. Mais, si je ne l'extrais pas, puis-je l'effacer de ma mémoire, le remplacer par autre chose, l'écraser ? Oui, mais... par quoi le remplacer ? Un autre code, je lui dis. Ou par ce que je cherche. Au-delà des Dunes Vivantes, de l'Ange-Paon et de l'Homme-Libre, ce que je cherche par dessus tout, c'est mon nom ! Mon nom... Je réalise alors que cela forme un palindrome. Je m'en ouvre au Corax. Il sourit et sa main tendue vers moi en attente de quelque chose devient une main tendue en attente d'être serrée. Je crois m'être fait un nouvel ami. Il se sépare alors de la chaîne pendant à son cou. Il me ta tend et m'explique que cette pépite lui permettra de me retrouver où que je sois. Alors, il me viendra en aide, mais une seule et unique fois. J'ai compris et le remercies.
Je regarde au fond du gouffre. Point de Magicienne ni d'Edes. Les ténèbres continuent de progresser lentement mais sûrement vers la surface. Plus que jamais, je dois retrouver l'Ange-Paon. Et plus que jamais je dois retrouver mon nom.
Je quitte alors l'assemblée des Corax. Je me dirige vers les montagnes. C'est là , pour ce que je m'en rappelle, que l'Ange-Paon a tiré sur Haze. Sur le trajet, je fais toutefois un détour par le Noyer. Je n'ai plus ni Noix, ni Bille. Et la Magicienne ne m'en a pas donné d'autres.
La route conduisant aux montagnes me fait m'arrêter dans cette clairière où s'élève un gigantesque Noyer. Malgré l'hiver, il regorge de fruits. Aussi, je m'autorise à en manger une et à en garder une autre pour plus tard. Je n'ose en prendre plus. Je croque la Noix et m'enfonce dans un profond sommeil.
Je suis le Kraken. Tout n'est que ténèbres autour de moi. Il fait froid et sombre comme au fond de l'océan. Je me sens seul, si seul. Et soudain, alors que je commençais à me perdre dans ma solitude, je sens une présence. Elle est diffuse, lointaine. Mais elle est bien présente et je la sens bien intentionnée à mon égard. Je pointe mes tentacules dans ce que je crois, ce que j'espère être sa direction. Mais c'est de la folie que je ressens alors ! Je vois d'horribles Gargouilles s'animer dans les Brumes de Millevaux. Qu'est-ce que cela signifie ? Qui s'interpose ainsi entre mon nouvel ami et moi ? Où est-il ?
Horreur ! C'est une vision d'horreur ! Comment ai-je pu me retrouver sur le territoire de Celui Qui Rêve Au Fond de l'Océan ? Chtulhu ! Je le vois ! Je le sens ! Sa menace plane sur nous, sur moi ! Mais il y a toujours de l'espoir. Je me concentre et cherche mon étrange ami. Je veux lui transmettre cet espoir qu'au-delà de la mort et de la folie, il y a... l'amour ?
Quelque chose fonce vers nous ! C'est lui, le Messager, Nyarlathoptep !
Je suis en proie à une terreur indicible. Mais, je sens toujours la présence de mon ami et cela me donne de la force. Nyarlathotep peut venir, je suis prêt ! Quel que soit le message des Dieux, je suis prêt à la recevoir. Je suis le Kraken.
Et mon ami du rêve est une amie. Un ange. Edes Alom. Qui es-tu ? Es-tu liée à Edes Corso ? Si oui, je suis désolé d'avoir dû la laisser mourir mais c'était son choix. Au fond d'elle, elle souhaitait participer du cycle. Mais, ô Edes, j'aurais vraiment voulu faire plus. Je voulais te sauver. Crois-moi !
J'ouvre les yeux. Je suis assis, dos contre le Noyer. Sur mes genoux, un vieux carnet. Il n'y a pas de titre. Je l'ouvre et crois reconnaître l'écriture. Mais en vérité, je ne suis sûr de rien. Est-ce la mienne ? Peut-être ? Peut-être pas ? Ma mémoire me joue des tours.
Non, ce n'est pas moi. Ce n'est pas mon journal. C'est celui d'un certain Dorso, un légionnaire romain. Je lis qu'enfant il a été mordu par un serpent. Un Horla ? Un de ces homme-serpents à 7 têtes ou un serpent géant comme ceux qui nichent sur les abords du fleuve ? Ce Dorso s'est ensuite engagé dans la légion. Envoyé combattre en Germanie avec son ami Lento, c'est là qu'il se fait mordre et devient un être de la nuit se nourrissant du sang d'autrui. Il serait donc ainsi devenu une sorte de Horla lui aussi. Le journal raconte aussi comment il s'est disputé avec son ami Pavo au sujet d'une pierre, d'une amulette. Un peu comme celle que m'a donné le Corax ? Pavo ? Le Paon en latin. Cet homme serait-il l'Ange-Paon ? Quelle horreur ! Quelle froideur lorsqu'il raconte comment il s'est nourri de sa propre mère. Puis comment, de retour à Rome, il n'a cessé de tuer pour survivre. Qui est ce Thot-Hermès ? Ce serait à son initiative qu'il aurait étudié l'alchimie. Sous son influence involontaire, il aurait appris à créer des goules, s'ajoutant à ses serviteurs mortels. Ce fragment de journal se conclut par ces mots : « En effet, je relis les lignes de mon journal et constate que ces souvenirs ne sont plus les miens. Ce ne sont plus que des mots... Je gagne en âge et celui que j'étais disparaît. Il devient une... fiction ! »
C'est un étrange cadeau que tu m'as fait là Edes Alom. Tu as bravé le territoire de Chtulhu. Tu as risqué de subir le courroux de Nyarlathotep pour me transmettre ce fragment de journal. Dorso, Pavo le paon, Thot-Hermès... Qui m'attend au sommet de ces montagnes ?
C'est un bien étrange spectacle qui s'offre à moi alors que j'approche du sommet. Un hélicoptère est la proie d'un assaut mené par un essaim de gargouilles. Au sol, des cris attirent mon attention. C'est lui ! Je le reconnais à la couleur de ses ailes. L'Ange-Paon de Yézédis ! Yézédis Corso. Le légionnaire Dorso. Il pointe son fusil en direction de l'engin volant mais ne tire pas. Nul besoin. Les gargouilles font du bon travail et le pilote a manifestement perdu le contrôle de l'appareil qui perd très- trop ? - rapidement de l'altitude. Il est à bord ! Je le sens. Je ne sais pas qui il est mais je sens que lui aussi, comme moi, est porteur du Cruel Centipède. Qui est-il ? Dois-je lui porter secours ou le laisser mourir ? Le Kraken est un témoin, pas un acteur... Mais peut-être qu'aujourd'hui je suis l'Homme-Libre, celui des Champs de Feu, le Dompteurs des Dunes Vivantes. Je dois agir. Je veux savoir comment cet homme c'est retrouvé en possession du Cruel Centipède. Et je veux que l'Ange-Paon accède à ma requête et m'enseigne. Mais ce dernier semble vouloir que l'homme meure. J'ai une idée !
Je m'approche calmement de l'Ange-Paon. Il ne semble pas avoir pris conscience de ma présence. Il continue de tirer en hurlant et je dois faire attention à ne pas prendre une balle perdue. Une fois à porter de voix, je lui dis :
« Je suis le Kraken ! Je repose à plus de 6 000 mètres au fond de l'océan. Je me sens si seul depuis que j'ai perdu la mémoire. Retrouver au moins mon nom apaiserait mon âme. Je suis le Kraken ! »
Un dernier de coup de feu claque comme un coup de fouet. L'Ange-Paon se tourne alors vers moi, l'air Ă©trangement conciliant.
« Je suis l'Ange-Paon de Yézédis. Je vis au sommet des montagnes du Roi-Volcan. Moi aussi, je me sens seul. Moi aussi, je ne sais plus qui je suis. Mais je me suis fabriqué un peuple, le Peuple des Gargouilles. Je ne suis plus seul. Je suis l'Ange-Paon de Yézédis ! »
Je le regarde, circonspect. Devrais-je moi aussi me fabriquer un peuple de pierre pour ne plus être seul ?
« Tu as raison, Ange-Paon ! Moi aussi, je veux me fabriquer un peuple. Et si cet homme qui tombe du ciel devenait le premier membre de mon peuple ?
Non, Kraken ! Lui, Haze, doit mourir !
Pourquoi ?
Je dois tenir ma promesse.
Soit ! Je ne ferai pas de toi un parjure. Mais puis-je te faire cette proposition ? Laisses moi conduire cet homme vers la mort et, en échange, apprends moi à dompter les Dunes Vivantes. »
L'Ange-Paon a l'air intrigué.
« Et comment comptes-tu t'y prendre, Kraken ?
Je compte lui faire ce qu'on nous a fait. Un être peut mourir même si son corps ne meurt pas. Il lui suffit de perdre tout ou partie de son identité. Pour toi, je vais altérer cette identité, sa mémoire, et cela le conduira vers la mort. Je n'ai qu'à m'approcher de lui pour ce faire. »
L'Ange-Paon ne se dépare pas de son expression amicale mais pointe néanmoins son fusil vers moi.
« Non, Kraken ! Haze doit et va mourir ! Ici et maintenant !
Soit, mais accepteras-tu malgré tout de m'enseigner?
Non ! Jamais ! Les Dunes Vivantes transformeront Millevaux en désert et moi seul serai le Roi-Soleil de ce désert à venir !
Soit, dans ce cas, je te volerai tes secrets. Je les prendrai par la force ! »
Et alors, je sers dans ma main l'amulette offerte par le Corax. J'espère qu'il saura comment s'y prendre contre Yézédis. Ai-je vraiment raison d'agir ainsi ? Ne vais-je pas le payer plus tard, ou même... maintenant ? Il me reste une Noix. Une dernière. Je la croque pour forcer le destin, mon Karma, ? et obtenir ce que je désire... Étrange sensation de quitte ou double ! Je … Glisse...
...le long d'un intestin géant avec tout un tas d'espèces fossiles ou disparues : des limules, des ichtyosaures, des ammonites et des choses gerbantes avec des tentacules écumantes de foutre primordial.
Cœlacanthe !
J'émerge dans la poche à merde du Cœlacanthe, qui est pleine à ras bord de fange liquide et de squelettes de dinosaures morts. Je mourrais étouffé si je n'étais pas le Kraken. Je mourrais écrasé par la pression si je n'étais pas le Kraken. Je ne suis pas chez moi au fond de cet océan de merde mais je peux y vivre, y survivre.
Une silhouette au loin. Je la reconnais. La Magicienne ! Que fait-elle là  ? Elle est... étrange. Elle a des branchies à la place du sexe et sous les joues. Et ses mains et ses jambes commencent à évoluer en pseudo-nageoires. Elle me fait un signe de la main. Elle me montre une direction. Le bas. Je lui fais confiance.
Je me retrouve maintenant aspiré dans une forêt immergée. Il y a de l'eau à perte de vue, dans tous les sens, au-dessus de ma tête, en-dessous. L'effet de la pression est titanesque. Je mourrais si je n'étais pas le Kraken ! Il y a des arbres gigantesques aux branches moisies par l'eau. Des milliers de cœlacanthes mous et fluorescents remontent des Abysses. Je suis au fond de l'océan mais je ne suis pas chez moi. Cet océan est celui des Cœlacanthes. Je veux retrouver ma pyramide. Je veux retrouver mon nom. Peu m'importe maintenant d'être l'Homme-Libre, le Dompteur des Dunes Vivantes. Je suis le Kraken et je veux retrouver mon nom ! Je remonte vers la surface.
Je suis maintenant à la surface. Mais il n'y a pas d'eau. Par où suis donc arrivé ? Je ne sais pas. C'est une petite pièce aux murs blancs. Il y a peu de meubles mais tout est propre. Par la fenêtre, je vois que je ne suis plus à Millevaux. Derrière moi, j'entends du bruit. Il y a quelqu'un dans ce petit appartement. Silencieusement, je m'approche. Il y a une porte entrouverte. Je l'ouvre doucement. Je suis accueilli par l'ombre d'un Soar. Pas tout à fait un Soar. Un homme-sanglier. Son corps translucide est dans un état de putréfaction avancé. À deux pas devant lui, je vois un homme, de dos, penché sur son bureau. Il tape sur le clavier de son ordinateur. Je me tourne vers l'homme-sanglier. Il s'appelle NoAnde. Je ne sais pas comment je le sais mais... Quand je le dépasse, il disparaît. L'homme qui tape à l'ordinateur est le Joueur. Ça aussi, je le sais. Et je sais qu'il sait que je suis là . Pourtant, il ne se retourne pas. Il sait que s'il se retournait, il ne me verrait pas. Pourtant, je suis là . Nous le savons tous les deux. Je suis là , hein ? Ne te retournes pas, Joueur ! S'il te plaît !
Le Joueur est tenté de se retourner mais résiste !
Je m'approche et lis par dessus son Ă©paule.
« Bonjour Kraken. C'est un peu bizarre de (ne pas) te voir ici. Tu n'as pas besoin de parler. Je sais ce que tu veux. Tu veux retrouver ton nom ; je vais te le dire. Tu veux dompter les Dunes Vivantes pour chasser Ithaqua et les Bergers du Givre. Je vais les chasser. Ne t'inquiètes pas pour Haze. Finalement, il n'est pas mort. Et l'Ange-Paon de Yézédis ne semble pas disposé à mourir non plus. Son histoire va continuer encore un peu. La tienne, par contre, va s'arrêter là . Pour l'instant. Tu reviendras, Kraken, en tant que Kraken ou... qui sait ? Je ne sais pas encore. Je t'aime bien, Kraken. Je pense que ce serait bien que tu reviennes. Mais plus tard. Pour l'instant, j'ai d'autres projets. Je vais laisser les Dunes Vivantes s'occuper de Millevaux. Moi, nous, nous allons devoir nous occuper d'autres mystères planant aussi autour de Millevaux mais peut-être plus vastes encore. Je te parle de la Crasse, de l'Hommonde. Tu le sais, Millevaux contient bien des mondes en son sein, les Forêts Limbiques, les mondes des Déités Horlas. Même cette région des Colonnes est un peu comme une « poupée russe », un Millevaux dans Millevaux. Et bien, j'ai découvert que Millevaux était également une partie d'un univers plus vaste composé lui-même de bien des mondes. Et ces mondes ont été tués. Je sais que les Mouches enquêtent. Je veux percer ce secret. Je veux explorer ces mondes. Et j'aurais besoin de toi pour ça Kraken ; donc, ne t'inquiètes pas, tu reviendras. Mais, j'ai l'impression de tourner autour du pot, Kraken. Je repousse ce moment car même si elle n'est que provisoire c'est quand même une fin et ça me rend un peu triste. Mais bon, je t'ai promis de te dire ton nom alors je vais te le dire. Je vais même faire mieux. Je vais te dire TES noms, car tu en as deux !
Le premier nom que je te révélerai est Demian Hesse. Mais Demian Hesse est lui aussi une sorte d'avatar. C'est le pseudonyme que je prends, parfois, pour jouer ; car oui, c'est un jeu. Un jeu de rôles dont toi, Kraken, est un personnage, présenté à d'autres par celui qui se fait appeler Demian Hesse mais qui est en réalité, et c'est le deuxième nom que je te révélerai, Damien : le Joueur ! Et oui, je suis le Joueur ! Et tu es mon personnage que joue en utilisant, parfois, le pseudonyme de Demian. Tu comprends ?
Les Dunes Vivantes vont certainement ravager les Colonnes. Mais Millevaux reviendra d'une façon ou d'une autre car j'aime cette univers. J'ai encore envie de l'explorer. Nous aurons donc encore des Horlas et des Coelacanthes à combattre. Nous croiserons encore la route de la Magicienne, ou du Magicien, je ne sais pas encore. Et maintenant, nous croiserons aussi des Mouches, dont je pense qu'elles seront nos alliées ; Nous croiserons aussi des Cafards et des Soar. J'ai un peu plus de doutes les concernant.
Il est 17h02. Il pleut. C'est la fin, pour l'instant. Je vais me retourner et il n'y aura personne derrière moi. Ni Kraken, ni fantôme de NoAnde. Haze est perdu quelque part mais je sais qu'il va s'en sortir. L'Ange-Paon de Yézédis n'est pas encore mort lui non plus. SiAber a toutes les qualités requises à mon goût pour être recruté par Black Rain. Et Edes et Tad pourraient bien m'être utiles de nouveau...
Je n'ai pas besoin de me retourner. Je sais bien qu'il n'y a personne derrière moi. Pas vrai ?
Commentaires de Thomas :
A. "Retrouver mon nom, connaître mon histoire, voilà qui apaiserait mon âme." En effet, dans Millevaux il y a tout un tas de personnes qui ont comme quête personnelle de retrouver leur nom de naissance
B. "Cette chute devrait m'être fatale. Mais, je ne sais ni comment ni pourquoi, j'ai eu accès par le passé aux pensées et aux connaissances du Joueur. Je sais qu'il ne souhaite pas ma mort. Je sais qu'il joue pour savoir ce qui va se passer." Le retour de la mise en abîme > On attend une confrontation plus directe avec le joueur ! :)
C. "Le Joueur a relu Immondys cette semaine. Une bande dessinée aux accents lynchesques teintés de Bacon avec, peut-être, un arrière goût de Giger. Le personnage principal, un dénommé Ange, y explore cette ville étrange mais aussi sa vie, son inconscient. Et si je lui racontais une histoire de ce genre ?" Cool que le personnage plonge dans la mémoire du joueur pour raconter une histoire à Edes !
D. " Je suis tenté de la prendre. Est-ce une bonne idée ? Qu'en pensent les Yeux ?
Une image se dessine dans l’œil valide d'Edes. La réponse !
Un couteau ! Un œil, encore ! La lame du couteau s'abat sur un visage, transperce un œil, l’œil d'Edes Corso." Intéressant la symbolique que tu développes autour des yeux... Je suppose qu'ils symbolisent entre autre le regard du joueur ?
E. "Un craquement sec secoue le petit garçon." Dans Coelacanthes, le sexe de Camille est inconnu.
F. "La malédiction... Le Soar m'a fait ingérer le code du Cruel Centipède. Il me ronge. Mon temps ici est compté et... Edes ne veut pas être sauvée. Elle est un élément du cycle. L'exception qui confirme la règle. Je pense avoir mes réponses. Je dois maintenant retourner à Millevaux. Retourner au fond du gouffre et lui annoncer qu'elle va mourir, pour le cycle." Le mystère s'épaissit alors que les protagonistes se multiplient tout comme les lignes temporelles. Mais le fait de devoir reconstituer la mort d'Edes Corso rappelle le scénario de Mantra avec Euridyce. A cette étape de la lecture, je me demande si ce n'est pas le Kraken lui-même qui va la tuer pour boucler ce cycle.
G. "Ce n'est pas mon journal. C'est celui d'un certain Dorso, un légionnaire romain. Je lis qu'enfant il a été mordu par un serpent. Un Horla ?" En théorie, Millevaux (et donc les horlas) n'existait pas dans le passé, mais on peut interpréter l'intervention d'un horla à cette époque comme une contagion chronologique opérée par Millevaux, ou une prémisse de Millevaux.
H. "Et alors, je sers dans ma main l'amulette offerte par le Corax. J'espère qu'il saura comment s'y prendre contre Yézédis. Ai-je vraiment raison d'agir ainsi ? Ne vais-je pas le payer plus tard, ou même... maintenant ? Il me reste une Noix. Une dernière. Je la croque pour forcer le destin, mon Karma, ? et obtenir ce que je désire... Étrange sensation de quitte ou double ! Je … Glisse...
...le long d'un intestin géant avec tout un tas d'espèces fossiles ou disparues : des limules, des ichtyosaures, des ammonites et des choses gerbantes avec des tentacules écumantes de foutre primordial." OK, je viens seulement de comprendre que pour obtenir un effet désiré, Kraken doit croquer une de ses noix et affronter un cauchemar de Coelacanthes :)
I. "À deux pas devant lui, je vois un homme, de dos, penché sur son bureau. Il tape sur le clavier de son ordinateur. " Ah, ben la voilà cette confrontation directe avec le Joueur que j'appelais de mes voeux :)
Réponse de Damien :
Hey, salut:) oula, clair que ça remonte oui ^^ je me rappelle pas de tout (l'effet Millevaux sans doute ^^ ) [Note de Thomas : mes commentaires ont été écrits 5 mois après cette partie...]
pour la symbolique de l'oeil, elle tient entre autre à ce que dans The Name of God les autres joueurs incarnent... les Yeux. Autant reprendre ça donc ^^
et pour le sexe de Camille, certes il est indifférencié mais va savoir pourquoi, ça s'est mis comme ça. Donc, j'ai pas cherché plus loin. Et puis je me suis dit qu'il était indifférencié justement pour qu'on puisse choisir.
Sinon, pour les paradoxes temporels, comme j'ai introduit des éléments relatifs à Mantra et la Trilogie de la Crasse, je suis parti d'une vision un peu quantique de l'espace temps. Tout est partout et en même temps mais c'est notre nature humaine qui nous oblige à ordonner toutes ces expériences dans l'espace et le temps, créant ainsi les notions de passé, présent et futur. Mais là , comme on peut voyager d'une réalité à l'autre, d'une époque à l'autre, que tout est entremêlé et confus... ben... rien n'est vrai, tout est permis quoi ^^
Pour l'instant, j'ai mis de côté ce mix Millevaux/Mantra. J'attends d'avoir fini de relire la Trilogie de la Crasse et de recevoir Mantra et Mantoid pour partir dans un nouveau truc.
En ce moment, je joue un 2nd Grey Cells avec des bouts de Bois-Saule et Coelacanthes dedans. Ensuite, je compte partir sur du Chtulhu plus « classique », notamment pour tester le Solo Investigator Handbook et divers mini jdr relatifs à Lovecraft. Mais, j'aimerais en profiter pour caler des outils des Vertiges logiques et ainsi, à voir, donner finalement une sorte de cohérence à tous ces petits one shot. Mais bon, déjà , finit Grey Cells entier ^^
ah ouais, non sinon quand m^me... pour le final, j'avais que ça a été un grand moment pour moi ? c'est con à dire mais... je ne suis pas sûr qu'on puisse faire ça lors d'une partie sur table classique à plusieurs. c'était quand même une première pour moi et je trouve dingue ces émotions qu'on peut finalement ressentir en jouant... tout seul ?
Hors ligne
I'M ONLY HUMAN
Un essai de faire du jeu de rôle solo avec une IA dans le contexte post-apocalyptique forestier de Millevaux. Préparez-vous à un voyage dans la vallée de l'étrange, dans un travail interprétatif profond et dans le vertige psychologique.
Le jeu : AI Dungeon, une IA de jeu de rôle textuel (vous écrivez du texte libre et elle réagit).
Jonathan Stampf, cc-by-nc-nd
(temps de lecture : 9 minutes pour le commentaire de partie en français + 9 minutes pour la retranscription de partie en anglais
Commentaire de partie :
Voici un retour d'expérience sur ce qui, à défaut d'être le futur du jeu de rôle, en est une nouvelle branche diablement intéressante.
AI Dungeon est une intelligence artificielle qui a été nourrie avec des jeux de rôles informatiques textuels (en tout cas, elle est présentée comme une IA de jeu de rôle textuel). Il est possible que d'autre matériel ait été utilisé pour la nourrir (des romans ? des bases de jeu de rôle sur table ?), mais l'équipe de conception n'explique pas trop quel matériel a été utilisé.
Concrètement, l'IA vous propose une expérience de jeu de rôle textuel. Vous choisissez un setting (j'ai choisi "apocalyptic") puis un archétype de personnage (j'ai choisi "courrier"), vous dites comme s'appelle votre personnage, et ensuite l'IA vous brosse une situation de départ, vous précisant deux items de votre équipement (j'avais un sac de lettres et un pistolet) et un contexte déclencheur (je devais livrer le courrier de Boston à Charleston, le voyage était décrit comme dangereux mais il était précisé que je connaissais bien la route).
Ensuite, vous devez répondre à la question "What do you do ?". En théorie, il est conseillé de répondre un verbe d'action (par exemple "attack the orcs" ou "you attack the orcs") mais en pratique, on peut taper un peu ce qu'on veut, et l'IA s'adapte.
Vous l'avez compris : cette IA est littéralement un MJ virtuel pour du jeu de rôle solo.
C'est typiquement l'expérience dont j'aurais rêvé dans ma jeunesse. Je souffre un peu de n'avoir aujourd'hui qu'une réaction vaguement blasée maintenant que ce rêve est devenu réalité, mais heureusement j'ai quand même ressenti assez d'enthousiasme pour avoir envie de vous relater mon vécu.
J'ai d'abord joué une mini-partie en "apocalyptic" où je jouais un "survivor", puis j'ai recommencé une nouvelle partie avec un objectif précis : tenter de jouer dans l'univers de Millevaux. Cela n'était pas gagné de base, l'IA ne proposant que des univers très génériques, mais vous me connaissez, je tente toujours de tout contaminer avec Millevaux, donc j'y suis allé quand même, et figurez-vous que le résultat a été inattendu, mais concluant !
J'aurais voulu que cette IA puisse me servir d'assistant virtuel dans mes roleplay solos (par exemple pour mon roman-jdr solo "Dans le mufle des Vosges"), je ne suis pas certain que ça fonctionne à moins d'une gymnastique mentale de ma part, en revanche pour jouer un stand-alone c'est clairement motivant.
La première chose que j'apprécie est que le gameplay est purement textuel. On n'a pas de caractéristiques, de points de vie et visiblement il n'y aucun lancers de dés comme on peut en voir dans la majorité des livres dont vous êtes le héros. Entre nous et l'IA, il n'y a que la langue.
Cela a un peu les défauts de ses qualités, car on sent que l'IA est en mode "yesman" : elle a tendance à accepter toutes nos propositions. On veut tuer un PNJ ? Pas de souci, on le tue. L'IA va juste appliquer des conséquences (par exemple, la milice vous arrête). Cela laisse un sentiment d'absence de résistance qu'il faudra surmonter dans un premier temps : il vaut mieux se mettre dans l'état d'esprit "jouer pour voir ce qui va se passer."
Je ne sais pas si j'ai appris grand chose à cette IA, mais elle m'en a appris beaucoup sur ce qu'est le jeu de rôle. Elle chamboule nos présupposés. En remplaçant le MJ par une machine, on ne sait plus ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas. Quand un MJ vous répond, vous partez du principe que sa réponse est presque toujours logique. Quand une machine vous répond, a fortiori cette IA qui reste quand même sacrément buguée (en tout cas, elle ne tient pas le test de Turing 5 minutes), on se demande toujours si sa réponse a un intérêt ou une pertinence narrative et ludique. C'est là où se rend compte que l'indulgence qu'on a envers les opérateurs humains (on pense par défaut que leurs réponses ont du sens) est un gros huilant pour le roleplay. Cette IA remet en cause d'autres présupposés du gameplay rôliste. Ainsi, vers la fin du jeu (la suite jouée avec un autre joueur), l'IA annonce qu'un PNJ important se fait abattre derrière nous. L'IA fait ensuite une ellipse au lendemain ! Ce genre de rupture hyper brutale était un plaisir à jouer, ça nous obligeait à revoir tous nos réflexes.
J'ai dit qu'en théorie on ne devait répondre qu'avec des verbes d'action, mais dans la pratique on peut écrire ce qu'on veut. On peut écrire les pensées de notre personnage, ses lignes de dialogue, et surtout on peut aussi écrire ce qu'on veut concernant le décor et les figurants, et la machine va valider par défaut avant de renchérir. Par ailleurs, la machine n'hésite pas (à la manière de certains livres dont vous êtes le héros) à prendre le contrôle sur votre personnage, écrivant ses lignes de dialogue ou décrivant certaines de ses actions.
Personnellement, j'ai beaucoup aimé ce brouillage des pistes en matière de partage de la narration, je le pense pour être la principale force de cette expérience, et c'est notamment une partie de cela qui m'a permis de "déplacer" le contexte de jeu à Millevaux.
Je l'ai déjà dit, l'IA n'est pas sans défaut, et c'est bien normal, c'est une IA faible, de surcroît développée par une petite équipe (6 personnes à ma connaissance). Elle peine clairement à comprendre nos requêtes et à les réincorporer et y répondre avec fidélité et logique. Le fait que le jeu soit en anglais et que ma maîtrise de cette langue est plus qu'approximative a aussi beaucoup joué. Par exemple, je parle à un moment de prendre le premier tour de garde (take the first guard's turn) puis de laisser un PNJ prendre le deuxième tour de garde. Peu après, l'IA me dit... que je rencontre le troisième garde ! ("The next day you arrive at the town of Charleston. The third guard is already there, he looks very old and weak.")
Je ne veux pas faire le procès de l'IA, je n'ai aucune idée de son niveau de performance en comparaison avec les autres IA sur le marché, à ma connaissance c'est la seule IA rôliste, elle a donc le très grand mérite d'exister (si vous en connaissez d'autres, merci de me le faire savoir !). Pointer ses défauts me sert juste à vous expliquer le contexte et aussi à vous montrer comment j'ai exploité ces défauts pour en tirer une expérience intéressante.
Par exemple, il semblerait que l'IA fasse mal la différence entre votre personnage et les figurants, et je pense que la langue anglaise n'arrange rien (polysémie de "you", de "they"...). Ceci a donné lieu à la scène la plus forte de mon roleplay. Alors que je suis poursuivi par des mutants cannibales, j'escalade le portail de la cité de Maysville et rencontre une jeune fille de 10 ans, Marjory Delaqua. Elle me tient des propos étranges, alors je l'interroge plus avant, je lui demande qui elle est. Elle me répond qu'elle livre le courrier. Exactement comme mon personnage ! S'il y avait un MJ, et que le premier PNJ avec qui je dialogue avait la même profession insolite que mon personnage, je n'y verrais pas une coïncidence mais une malice pour créer du lien.
J'ai conçu une ambition folle, qui était d'intégrer cette expérience dans l'univers de Millevaux. L'IA fournit les bases en offrant de jouer dans un contexte apocalyptique, je me suis alors demandé si je pouvais nourrir l'IA avec l'univers de Millevaux. Mon premier essai a consister à lui copier-coller des extraits du lore de Millevaux tirés de la version anglaise d'Inflorenza. Mais ça n'a pas été concluant : l'IA y répondait soit en me donnant des conseils de lecture de romans post-apocalyptiques, soit en buguant totalement (commentaires étranges, écriture en idéogrammes...). J'ai donc changé mon fusil d'épaules et j'ai tâché d'injecter l'univers de Millevaux dans mon roleplay, réponse après réponse. J'ai donc utilisé le champ lexical de Millevaux (les "horlas", les "mutants") et j'ai axé mes réponses sur trois thèmes : l'oubli, la forêt, l'humain/non-humain. Et cette approche a bien fonctionné, puisqu'à plusieurs reprises l'IA a situé l'action en forêt, a parlé d'oubli (ainsi, quand j'interroge plus avant Marjory sur son passé, elle me dit qu'elle a grandi à New Haven, puis me dit qu'elle ne se rappelle de rien d'autre), a mentionné "the howls of the horlas" et m'a fait attaquer par des mutants hommes-rats cannibales.
Le traitement de Millevaux a cependant surtout été de mon fait, puisque j'ai basé mes réactions sur l'idée qu'on était dans Millevaux. Ainsi, face aux réactions étranges de Marjory, j'ai mentionné à l'IA que je pensais qu'elle était un horla, plus exactement un mimique/doppleganger qui copiait son apparence et son comportement de mon passé et de mes attitudes.
Situer l'expérience de Millevaux a donc axé mon roleplay sur un intense travail interprétatif. Je vous tanne régulièrement sur le fait que l'interprétation est la troisième mammelle du jeu de rôle (avec l'interactivité et l'intercréativité), et ici ça a été vraiment important. Les spéculations que j'ai faites en appliquant une grille de lecture sont devenues les pensées de mon personnage et ont ensuite influencé ses actions mais aussi la description du monde. Ainsi, le fait que je pose beaucoup de questions à Marjory ont intensifié, je pense, l'étrangeté de son comportement, mais aussi le rapport de ce personnage avec la notion de passé (nous apprendrons plus tard que Marjory est ma sœur ou la copie de ma sœur).
La base de ce travail d'interprétation a été de prendre les propos de l'IA, et donc la diégèse, au sérieux. Plutôt que d'écarter comme non-pertinent ses déclarations les plus étranges, je les ai acceptées comme faisant partie de la fiction et j'ai travaillé à leur construire une cohérence. Par exemple, quand Marjory me dit qu'elle est courrier, je décrète que mon personnage ne croit pas à une telle coïncidence, et qu'il demande à Marjory de lui montrer ses lettres. L'IA me répond alors que Marjory, non seulement me montre ses lettres, mais m'invite à les lire. A ce moment, je réponds à l'IA qu'un vrai postier ne donnerait jamais son courrier à lire à un inconnu, ce qui renforce ma conviction que Marjory est une mimique, peu aux faits des subtilités du comportement humain. Je décrète ensuite que je lis les lettres mais je mentionne à l'IA que les lettres n'ont aucun sens : ici j'emploie mon droit à partager la narration pour renforcer l'impression que Marjory est un mimique et que ses lettres sont des faux.
L'IA manque de cohérence, mais ce manque de cohérence devient alors un terreau pour la fiction. Quelque part, le fait que Marjory échoue au test de Turing s'avère tout à fait cohérent avec l'idée que Millevaux est peuplé de horlas qui singent maladroitement des postures humaines.
Le parcours dans la vallée de l'étrange continue. Ainsi, l'IA semble avoir de la peine a distinguer les temps présents, passé et futurs, et de surcroît, elle tient peu compte des messages les plus anciens à moins qu'on ne lui en martèle la teneur. Marjory confond la ville de Maysville, où nous nous rencontrons, avec la ville de New Haven, d'où elle vient. Le voyage entre Boston et Charleston, annoncé d'une durée de quatre jours, se conclut en deux jouers. S'ensuite alors pour mon personnage une véritable errance mémorielle. Il en vient à douter de son propre passé. Est-il vraiment un postier, ou n'est-il pas un amnésique qui a volé ou hérité d'un sac de lettres ? Le caractère erratique de son voyage serait-il dû à des passages involontaires par les forêts limbiques ?
J'ai enfin tiré beaucoup de satisfaction de l'infinie liberté de ton offerte par l'IA. Si les prémisses esquissées par la machine semblent très rôlistes, autour du combat et de l'enquête, elle a une grande capacité à nous renvoyer la balle si on part dans d'autres terrains (et oui, bien des usagers ont tenté des aventures érotiques...), et de toute façon, en se bornant à la seule diégèse, elle nous offre une liberté interprétative totale. Ainsi, c'est moi qui ai décidé que Marjory n'était pas digne de confiance. Mais c'est aussi moi qui ai décidé que je m'attachais à elle, voyant dans cette jeune fille un être à protéger, fusse-t-elle en réalité un mimique. Ceci m'a offert un final que je retiendrai. Nous arrivons à Charleston et je peux distribuer mon courrier. L'IA me dit que Marjory dort dans notre chambre d'hotel. Alors je lui subtilise son propre sac de courrier et je l'abandonne. Si Marjory reste en ma compagnie, elle est en danger. Si elle distribue le courrier elle-même, elle est en danger. Le mieux est donc que je l'abandonne ET que je distribue son courrier. Je continue alors mon cycle de postier, persévérant dans mon imposture, m'exposant à revivre un nouveau cycle d'oubli. Alors que je sors de l'hotel, une bande armée s'en prend à moi. Parfait cliffhanger, j'arrête là .
J'ai eu ensuite l'idée de jouer à deux avec l'IA. Il existe un mode multiplayer, mais ici je voulais surtout jouer moi-même l'IA, en annonçant ses propositions tout en les arrangeant un peu, tandis qu'un autre joueur aurait joué le personnage. J'ai trouvé un volontaire et lui ai proposé de continuer l'aventure de mon personnage. L'expérience a hélas été moins stimulante que l'essai en solo. L'IA s'est avérée particulièrement buguée, et c'est plus facile de "réparer" son incohérence en solo qu'en commentant en direct vers un autre joueur. Il y a eu néanmoins des fulgurances au niveau de l'histoire. La bande armée ramène Ravage vers Marjory, qui visiblement leur donne des ordres. Marjory le supplie de la prendre avec lui. Mais Ravage lui a dit de rester à l'abri, et il lui a tourné le dos. C'est alors qu'une détonation retentit, et Marjory tombe morte dans la rue. L'IA décrète alors brutalement une ellipse : "le lendemain, tu reçois une nouvelle lettre de Marjory". Ravage reçoit alors, venues d'on ne sait où, des lettres post-mortem de Marjory, qui lui révèle qu'ils sont frères et sœurs... Nous jouons encore quelques temps, avant que l'envie retombe. Ravage, un temps soupçonné d'être l'auteur du coup de feu, est finalement relâché par la milice. Il quitte la ville alors que le corps de Marjory est toujours allongé dans la rue. Personne ne l'en a retiré.
Vous l'aurez compris, cette partie a été une expérience hors du commun, qui bouscule tous les codes habituels du jeu de rôle tout en nous faisant réfléchir dessus. Deux phénomènes ressortent : les déclarations du MJ n'ont jamais d'arrière-pensée, ce qui délègue l'ensemble du travail interprétatif à la seule joueuse, et le MJ ne sort jamais de la fiction. Ce sont deux choses totalement nouvelles (même si relativement communes en JDR solo), et qui donnent énormément à réfléchir.
Partie jouée en solo :
You are Ravage, a courier trying to survive in a post apocalyptic world by scavenging among the ruins of what is left. You have a parcel of letters and a small pistol. It's a long and dangerous road from Boston to Charleston, but you're one of the only people who knows the roads well enough to get your parcel of letters there. You set out in the morning and hope that you can make it before nightfall.
The journey takes four days and nights.
> You in the future, long after a cataclysm. A haunted forest covers the ruins of civilization. Humankind survives in a dark, fantastic, feudal world. Supernatural monsters, the Horlas, terrorize people. Egregore, the sum of all human hauntings, shapes events into nightmares. Milesvale's future is between the hands of heroes, bastards and martyrs of the forest hell.
In the far distance, you see a bright light. The sun has risen and is shining on the horizon. You know that this must be the town of Maysville.
> You [i inserted backgroudn text about madness]
Recommends: The Road Less Traveled
MARGARET STREEP'S THE ROAD LESS TRAVELED
Kathleen Stiefvater's novel is about a young girl named Mary who has been
> You [i inserted background text about memory]
???????????????????,???
> You [i inserted background text about nature]
Recommending books:
I recommend reading these books:
-The Lost World by John Wyndham (a classic)
-The Last Man by William Gibson (an excellent novel about the future)
> You hold [i inserted background text about hold]
?The last moments are the best.
???????????!
> You [i inserted background text about egregore]
Click to expand...
> You [i inserted background text about religion]
Click to expand...
> You wander in the forest hell of Milesvale, carrier of important letters. Through the trees, you see the lights that might be the ones of the city of Maysville. You walk carrefully to the city. Beware of the horlas and the mutants.
Your journey begins in the night. The sky is dark and full of stars. You can hear the cries of mutants and the howls of horlas.
> You read aloud your memory journal, struggling against oblivion. you pray for your body and soul. Your pistol is ready in case of attack.
The next day, you arrive at the city of Maysville. A few mutants stand outside the gates. They look like a cross between an old man and a giant rat, with long black hair and large teeth.
> You have been told that not every mutant is evil, but who knows ? You can't take the risk. So you walk through the bush in order to reach the gates without beeing seen by the mutants.
But the mutants are watching you. They stare at you as if they want to eat you alive. But then, this is what they do best: eating humans !
Eventually, you reach the gate.
> You knock to the gate as stronger as you can. you shout to the inhabitants : "please open the door ! The enwilded ones are coming for me !"
You wait patiently for a moment, but no one answers. Then you start to cry loudly and run towards the gate.
Then you hear a voice: "What are you doing here?
> You answer in panic : "I am the courier ! I carry your precious letters ! For God's sake, open the fucking door !"
A woman appears on the other side of the gate. She looks very young, maybe ten years old. Her eyes are red and puffy from crying.
"Who are you?" she asks angrily.
> You look beyond you. Mutants are running. you try to climb the gates, saying : "My name is Ravage ! I no longer remember a lot of my past, but i know that i carry the courrier ! I risk my life so you had news from the other vaults in the forest ! Please let me in !"
She stares at you for a while, before nodding slowly.
"Yes, yes... Yes..." she says softly.
And she opens the gate.
You are now free to go back home!
> You ask to girl to say her name and all that she can say about her life. You write it all in your memory journal.
The girl's name is Marjory Delaqua. She was born in the year 2045, in a town called New Haven. She has lived most of her life since then, working as a courier.
> You say to her : "Your life's story is not coherent. I've never been told about the year 2045. And it is a strange coincidence that you are also a courier. Can you show me your bunch of letters ?"
Marjory smiles shyly.
"Thank you for reading them.
> You that is so strange. You no longer believe her to be human. She must be a horla, a mimic. A real courier wouldn't let a stranger read the letter they carry. You read the letters but they make no sens at all. You look into her eyes, seeking for a detail betraying her non-human nature.
You see nothing.
"Can you tell me more about yourself ?"
Marjory nods again.
"I'm sorry, I don't know much about myself."
You smile.
> You oK. She is definitely a horla. Oblivion is not an excuse that justifies her mimic attitude. You can't kill her with your pistol. Too much noise. So you look for a silent weapon and you ask Marjory : "Can you tell me more about the inhabitants of Maysville ?"
Marjory looks surprised.
"What? No, I can't do that. The residents of Maysville are very different from us."
You laugh.
> You tell Marjory : "I don't understand. Is there not the town of Maysville ? So where are we ?"
Marjory shakes her head.
"No, we are not in Maysville. We live on the other side of the island."
You shake your head too.
> You "So how is this place called ?"
Marjory looks down.
"It's called New Haven. It used to be a city, but now it is just a little village."
You nod slowly.
> You "OK. So why are you in Maysville now ?"
Marjory shrugs.
"We were sent here to deliver a package. There was some trouble when we arrived and we had to fight off the cannibals."
You frown.
> You "OK so we have quite the same history."
Marjory looks up at you.
"Yes, yes we do."
You smile.
"Well then, I'll take my leave now."
> You "Wait, please. I have many doubts about my past, about my human nature, about your human nature. Please take a while. I will read one of the letters that i have to carry. I know that i should'nt do that, but i need to learn more about the whole context." you start to read one of the letters from your bunch.
Marjory smiles.
"Thank you, thank you! That's wonderful!"
You smile back.
"Now come on, let's go."
She nods and follows you into the woods.
> You the letter that you read speaks about the forest that invaded Boston and grows over and over on the way to Charleston. People are worrying about their relatives. It must be important to carry the letters to Charleston. In the other hand, Marjory's reaction is far from normal. There is still something in her behaviour hinting that she could you a horla, something non-human, a mimic. But, you fool, you start to like her. She is an innocent person, like a letter that is yet to be written. Maybe she needs protection. So, you fool, instead of taking refuge in the town of Maysville, you go into the woods with her and look for a place to build a camp.
The two of you walk through the trees. The air is fresh and cool. You feel very happy to be together again.
> You together again ? You don't remember having met Marjory yet. Or did you ? Maybe something in your flesh is reminding her, while your brain has forgotten her. But if she is a mimic, it could have an explanation. Maybe she sucked her appearance from your deep memory. You find a clearing and light a fire. You watch carrefully Marjory, looking for a detail that could remember you some part of your forgotten past.
"I can't believe that you are here!"
"What?"
"That you are here, alone, in this wilderness. How come? Did someone bring you here? Are they coming after us?
> You answer : "I am the courier. People from Boston sent me to Charleston, i have to bring their letters there. People from Boston don't come after us, because they are not our ennemies, they are my customers. And they don't know the way through the woods to Charleston. I came alone because i know the path, because i am a survivalist. At least, it is what i think about me. But now i am not sure at all. Do you think that i am right ? Do you think that i am human ?"
Marjory looks at you, as if she wants to say something, but doesn't.
"I'm sorry," she says.
"It's okay."
"Do you want to talk more about it?"
> You think that Marjory always fails to give human responses. But you want her to be human, you want her so hard. You don't want to be alone. So you answer back : "It's hard. My past is just like a black hole, like a pit in the middle of the woods. I try to catch the roots of my remembrance. I have some feelings of déjà -vu. I can tell you what i fear. Is it possible that i was not the real courrier ? Could i be a rogue that stole the bunch of letters and forgot about his own past ?"
Marjory looks at you again, then she sighs. She puts down her pen and begins to write.
"No, it's impossible."
"Then why did they send me here ?
> You "I mean, why did they choose an amnesic one to carry important letters ? That makes no sense. Or maybe there was no available competent person who suffered not from oblivion. You can sleep now, Marjory." You take the first guard's turn. You try to see what happens in the darkened while looking at Marjory sleeping.
You feel cold, you feel hungry, you feel tired...
But still, you don't want to leave her. You want to stay with her forever.
And so you will keep on waiting for her.
> You think that Marjory is worth your trust enough so you can let her take the second guard's turn. You fell asleep and you start having a nightmare where you wander through the limbic forests which is the domain of horlas, ghosts and dreams.
The next day you arrive at the town of Charleston. The third guard is already there, he looks very old and weak.
> You say : "My name is Ravage. I am a courier coming from the fallen town of Boston. I carry important letters to the inhabitants of Charleston. Please let me in with Marjory who is under my protection."
The guards look at each other and shrug their shoulders. They give you a nod and you enter the house.
Inside, Marjory sleeps on the bed.
> You while Marjoy is sleeping, you carried your letters to the town hall so they can distribute them to the inhabitants. You also asked from a card. You saw that Charleston is very far from Boston, while you used to think that it took only a four days' trip. Maybe you've never started from Boston. Maybe you unconsciously took a shortcut through the limbic forests. Sure you'll never now. You come back to the inn. Marjory is still sleeping. You kiss her forehead. You steal her bunch of letters. You know that they make no sense, but who cares ? You are the courier. You have the power to carry them to the people who are waiting for. Marjory won't be secure if she keeps the letters or if she stays besides you. So you abandon her and you leave with her letters in your bag. The forest is awaiting you.
You are walking along the path when you see a group of three men, two of them are armed with rifles and the third one has a knife.
"I'm here to deliver these letters to the people of Charleston."
La suite, jouée avec un autre joueur :
> You look in your bag, searching for a letter for them.
You open your bag and find a letter from Marjory. She writes that she will meet you soon at the Inn.
"What do you mean?"
"They are waiting for us."
> You follow them.
You follow the men and arrive at the Inn. You don't know why, but you feel happy. A warm feeling fills your heart. You go inside and sit down near Marjory.
> You asked Marjory : "Am i allowed to leave ?"
Marjory looks at you with surprise.
"Are you really going to leave me alone ?"
"Yes, I am sorry."
"But...but...
> You answer : "I am the courrier. I have to deliver MY letters"
"But..."
"If you want to stay here, then you should wait for my return."
"But I thought you were leaving !
> You leave the inn, saying to Marjory : "Next time, please be kind. Don't send rogues anymore."
You leave the Inn and walk towards the direction where you saw the men. Suddenly, you hear a gunshot. You turn around and see Marjory lying on the ground.
> You who shot Marjory ?
A man shoots Marjory. He runs away quickly and hides behind a tree.
The next day, you receive another letter from Marjory.
> You open the letter and you read it.
Dear Brother,
It's been a while since we've spoken. I hope everything is okay with you. We can talk more about this later, but right now I need to tell you something important.
We are heading to Charleston, South Carolina. I'm sure you already heard about it because the news is everywhere. But I think it would be best if we didn't discuss any details until after we get there.
The militia has been gathering there for some days now. They say they are looking for a mad doctor called Tobias Church. I wish I could believe all this, but as you might expect, it isn't true.
Tobias Church was a famous blacksmith from Massachusetts who went insane and started killing his family.
> You search for any hint explaining why Marjory has been shot.
After reading the letter, you start searching for any clue that explains why Marjory has been shot.
You find a note on top of a desk in Marjory's room.
> You don't look at the note. You leave the inn in order to deliver your letters.
You don't pay attention to the note. You just leave the inn in order to deliver your letters.
In the afternoon, you receive another letter from Marjory.
> You how can you receive a letter from a dead girl ?
> You ask yourself how did a dead girl manage to send you letters.
Marjory tells you that she doesn't know anything about her mother. She says she had no idea why her mother wrote to her. When Marjory asked why, she said "I just wanted to write back".
> You get red it of and you go traveling.
When you arrive in Charleston, you immediately meet with the local militia. They take you to a house where they are waiting for you.
They tell you that Marjory has been killed by an unknown assailant.
> You say "i know" and you try and leave Charleston.
You say "i know" and you try and leave Charleston. The militia catches up with you and asks you if you want to confess or not. If so, they will release you, otherwise they will shoot you.
> You refuse to confess.
You refuse to confess and you are released.
Later, you return home and Marjory's body is lying in the street. You realize that something terrible happened here...
> You go away. You leave Charleston.
You decide to go away from Charleston and you travel all over the country. Eventually, you reach a town called New Salem which seems to be thriving. You stay there for several days until someone comes looking for you.
> You what does this person want out of yourself ?
You ask yourself what does this person want out of you. What do they want from you? You think about it and then answer:
"I'm sorry."
> You ask the person to say what they want.
The person asks you to say what they want out of you. You reply:
"I don't like being alone."
"That's good..."
Hors ligne
LA CHUTE DE MONTSÉGUR ET DE LA CITÉ VOLANTE
Un récit choral, occulte, gore, mindfuck et épique au cœur d’une grande conspiration pour la contagion forestière.
Une quatrième campagne solo multi-systèmes par Damien Lagauzère, de la taille d’une novella.
Temps de lecture : 2H
Le jeu principal de cette séance : Montségur 1244, vivre les derniers moments de l'hérésie cathare, par Frederik J. Jensen
Avertissement de contenu : voir trigger warnings deux paragraphes plus loin
Télécharger le PDF de la campagne
en gros et en espérant n'oubliez personne, Corso a été joué avec Don't Rest your Head, Lucius avec Annalise, Balthus avec 1000 Years Old Vampire et The Quiet Year, Franky avec la Trilogie de la Crasse, Herbodoudiab avec l'Appel de Chathulhu, les Exorcistes avec... les Exorcistes, Spike avec Abstarct et ODD avec Never Tell me the Odd
j'ai"rythmé" la fin de la campagne avec Montségur 1244 et joué le final avec Face au Titan et Muses et Oracles ? dire que j'ai pris du plaisir à jouer est un euphémisme. j'espère juste que ce sera pas trop chiant à lire ^^
pittou2, cc-by-nc
Campagnes Millevaux solo précédentes :
Campagne 1
Campagne 2
Campagne 3
La suggestion musicale de Thomas pour le final épique de cette campagne :
Trigger warning : viol
L'histoire :
Lucius Salinger :
Pendant longtemps, nous, les habitants de la Cité Volante, avons été en guerre contre le Peuple des Aquarians. Maintenant, enfin, nous les avons repoussés, renvoyés au fond de l'océan, et nous connaissons une année de répit. Une année de tranquillité relative, pendant laquelle nous allons construire notre communauté et réapprendre à travailler ensemble. Quand viendra l’hiver, les Bergers du Givre arriveront et nous pourrions ne pas survivre à cette rencontre. Mais nous ne le savons pas encore. Ce que nous savons, c’est que là , maintenant, il y a l’occasion de construire quelque chose.
Mais que nous réserve cette étrange forêt que nous survolons maintenant ? On dit que c'est le territoire des Horlas. On l'appelle Millevaux.
Notre Cité porte ce nom parce que, littéralement, nous volons. À l'origine, nos ancêtres s'étaient réfugiés dans les airs pour fuir une menace aujourd'hui oubliée. Ils ont ainsi vécu à bord de montgolfière, de dirigeables et autre engins flottants qu'ils ont relié les aux autres avec des cordages et des planches de bois. Avec le temps, les mois, les années, les décennies puis les siècles, c'est maintenant une véritable ville de bois, de pierre, de verre et d'acier qui se maintient en l'air grâce à notre technologie vapo-électrique.
Aujourd'hui, nous volons plus haut, plus vite. Nous produisons notre propre énergie. Nous avons des champs de cultures hors-sol et des enclos à bétails pour subvenir à nos besoins. Nous avons des palais pour abriter nos nobles et des quartiers de bric et de broc pour nos plus démunis. Par moment, nous en oublions même que nous volons.
Les palais occupent, pour des raisons avant tout d'ordre aérodynamique, le centre et le haut de notre Cité. Les quartiers les plus pauvres, ceux qui ne sont constitués que de ponts de singes, de filets, cordages et planches de bois se trouvent à la périphérie et en dessous, collés au secteurs « industriels » de notre cité. Par-là , j'entends non seulement tout ce qui concerne la fabrication d'objets manufacturés, la transformation des matières premières, mais également le centre névralgique de tout notre réseau énergétique, celui qui alimente tous nos moteurs.
Entre la pluie et l'océan, nous ne manquons pas d'eau, que ce soit pour boire ou alimenter nos machines. Par contre, nous devons être prudents quant à nos réserves de nourriture et à nos stocks de matières premières. Notre Cité est grande mais nous devons malgré tout économiser chaque mètre carré. Aussi, nous devons rester constamment vigilants afin de ne pas manquer de fruits, de légumes et de bétail. Nous devons aussi réfléchir à nos déplacements en fonction de nos besoins en bois ou en acier.
Ces derniers temps, de grands débats enflamment nos dirigeants. Alors que nous survolons cette Millevaux sans fin, certains de nos alchimistes et autres mages ont identifié une source d'énergie qu'ils nomment Égrégore. Ils pensent qu'il est possible de domestiquer cette énergie. Leurs opposant considèrent que tout ce qui provient de Millevaux est maléfique et que nous devrions fuir ce lieu au plus vite. Pourtant, les alchimistes ont convaincu les membres de la noblesse d'équiper une expédition afin de poser le pied dans cette forêt et voir ce qu'il en est réellement de cet Égrégore.
Pour ma part, j'ai découvert un nouveau débit de boisson dans les quartiers du « dessous ». je n'y descends que rarement. Le moins possible en vérité. Mais là , je ne sais ce qui a guidé mes pas dans ces ruelles sombres et ces plates-formes à l'équilibre instable. En tout cas, je l'ai trouvé. Le Grüneblaue est cette taverne obscure éclairée par une douzaine de candélabres tout au plus. Ce clair obscur semble satisfaisant à cette faune pas si bigarrée que ça. En effet, on dirait qu'une « tenue correcte » est exigée pour obtenir le titre d'habitué. Ici, tous sont vêtus de long imperméables de cuir noir ou sombre. Ils ont tous les cheveux noirs, qu'il s'agisse de leur couleur naturelle ou non, de cheveux tondus presque ras, de longues queues de cheval ou encore de tresses auxquelles sont suspendues des breloques aux reflets métalliques. Malgré la pénombre, nombre d'entre eux portent des lunettes aux verres teintés, voire, pour certains, des lunettes de soudeurs. D'autres portent également des masques à gaz ou ces masques que portaient les médecins des temps anciens quand la peste se répandait à terre. Qu'est-ce que je fais là au juste ? Je viens boire. Je passe commande sans préciser le contenu de mon verre. Le barman s'en moque et me sert un liquide bleu-vert. Je porte la chope à mes lèvres non sans regarder tout autour de moi avant d'avaler la moindre goutte de ce liquide à l'odeur étrange. Les visages me semblent menaçant mais pour autant je ne sens personne prêt à me sauter dessus. Ce breuvage est infâme !
Cette semaine encore, les journaux, la radio et tout simplement la rumeur se font l'écho des débats qui animent nos dirigeants. Les représentants de la famille Powl ne décolèrent pas. Cette expédition est une erreur lamentable selon eux. Pourtant, les Andes ont convaincu les Corso qui ont d'ailleurs pris la tête des troupes au sol. Après tout, ils sont les mieux taillés pour ce genre de mission. Depuis des générations, ces trois familles se partagent le pouvoir sur la Cité Volante. Les Corso sont avant tout une dynastie de guerriers. Mais ils ont aussi produit nombre d'ingénieurs et scientifiques. Les Powl, quant à eux, se sont toujours occupé de notre salut spirituel et des questions de justice. De pères en fils et depuis des siècles, ils entendent les Lwas et se font l'écho de leur volonté. Les Andes... Je crois que plus personne ne sait vraiment comment cette famille est arrivée à cette position dans notre société. Eux aussi s'occupent des questions d'ordre spirituel mais sont moins dogmatiques que les Powl. En ce sens, ils sont une sorte de contre-pouvoir, peut-être... Néanmoins, nous leur devons de grands penseurs, des poètes, des artistes. Des magiciens aussi... D'une certaine façon, ils sont notre lien avec la terre, avec le sol. Cette expédition leur tenait vraiment à cœur. D'ailleurs, certains pensent que l’Égrégore n'est qu'un prétexte et qu'en réalité ils cherchent autre chose. Je veux bien mais quoi ? Cet Égrégore est déjà assez étrange pour qu'on ait pas besoin de rajouter du mystère. On verra bien ce qu'il en est.
C'est jour de deuil. Notre Cité est bien triste. Nous venons d'apprendre la mort d'Aaron Powl. Son âme a déjà rejoint le territoire des Lwas. Nous devons maintenant nous occuper de son corps. Toute la population lui rendra hommage durant plusieurs jours. C'est la moindre des choses. Aaron Powl était un grand homme. Et maintenant, il le sera pour toujours. Bien sûr, je ne le connaissais pas personnellement, mais je suis triste. Aussi, mes pas me guident vers le Grüneblaue et sa clientèle étrange qu'on ne trouve que là . Le mauvais goût de cette étrange mixture me fait oublier l'espace de quelques verres l'amertume de cette perte pour nous tous.
Mais déjà , les festivités sont teintées d'autres considérations. En effet, le siège laissé par Aaron Powl ne peut être laissé vacant. Déjà , on lui cherche un successeur. Eloïm, Jézabel, Esaü ? Qui sera le plus à même de prendre sa place ?
Mais, je ne me suis pas présenté ! Je m'appelle Lucius Salinger et je suis Vapotechnologicien. Je suis donc spécialiste dans la conception, la fabrication et l'entretien de machines alimentées par l'énergie vapo-électrique. Je possède un petit atelier personnel bien sûr, mais je suis principalement attaché à la maintenance des propulseurs et stabilisateurs de notre Cité Volantes. Pour autant, et malgré le ronflant du titre, ce serait une erreur de penser que ma position est tous les jours enviables. Certes, je connais ces machines comme ma poche mais c'est au prix d'heures et de journées entières passées à ramper des conduits étroits et dégoûtants. Mais passons, ce n'est pas forcément le plus intéressant. Je ne sais pas si c'est intéressant mais, depuis toujours, j'ai peur... des rêves ! C'est idiot, j'en conviens, mais c'est comme ça. C'est peut-être l'influence des prêches des Powl. Après tout, c'est dans leurs rêves que leur apparaissent les Lwas. Moi, ça me terrifie que des esprits viennent dans ma tête pendant que je dors. Que des choses immatérielles me parlent et me donnent des ordres pendant mon sommeil, alors que je suis totalement vulnérable... Comment font-ils pour ne pas devenir fou? Moi, rien que d'y penser...
Mon enfance a donc été plutôt horrible. Mes nuits surtout. Petit, je refusais d'aller me coucher. Je me réveillais en hurlant. Plus grand, je faisais mon maximum pour repousser l'heure de me mettre au lit. Puis, dès que cela m'a été possible, je me suis procuré toute sortes de produits me permettant de dormir le moins possible, voire de dormir d'un sommeil sans rêve. Croyez-le ou non mais on trouve vraiment de tout dans nos quartiers les plus sombres... Je suis d'ailleurs surpris de ne pas avoir été abordé à ce sujet au Grüneblaue. Peut-être que le revendeur attitré attend de mieux me connaître, mieux me cerner, avant de se dévoiler. Mais je ne serais pas surpris si un jour un de ces hommes en noir devait m'aborder et me proposer quelques produits, sinon illicites, au moins néfastes à la santé. D'ailleurs, j'ai rendez-vous avec YesAnde. Ce n'est pas vraiment étonnant que ce soit parmi les membres de la famille Ande que j'ai trouvé celui qui s'est avéré le plus à même de me fournir en Opium Jaune. Tout le monde assure que ce toxique ouvre les portes à des rêves d'une incomparable profondeur. Pour moi, c'est l'inverse. Grâce à l'Opium Jaune, je dors en paix.
Ces derniers jours, c'est la panique totale ! Une tempête d'une violence extrême s'est abattue sur nous et a provoqué de nombreux dégâts. C'était même plus qu'une tempête . Un cyclone, un typhon ! Je ne sais pas. Certains pensent que c'était d'origine magique. Les Powl attendent que les Lwas se prononcent à ce sujet. Pour autant, les vents étaient tellement puissants qu'ils ont soulevé de la mer quantité de poissons qui se sont écrasés sur nos avenues et nos trottoirs. Si on ajoute à cela que les nuages nous ont plongés dans une nuit qui a duré plusieurs jours, je crois que les peureux et les plus superstitieux d'entre nous ont cru venue la fin du monde. Et pour certains, ce fut le cas. Nous avons eu des pertes à déplorer. Pour ma part, je n'ai pas à me confronter à cette réalité. Ma tâche consiste seulement à m'assurer que nos machines fonctionnent toujours. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour les habitués du Grüneblaue. Dès que possible, je descendrai voir ce qu'il en est advenu d'eux.
Balthus Malmort :
Je m'appelle Balthus Malmort, nom prédestiné s'il en est. Je suis, ou plutôt j'étais, architecte. Ça, c'était avant, quand je vivais encore dans cette communauté à proximité des falaises. Nous avions baptisée notre petite cité du nom de Récif, en référence aux rochers sur lesquels se brisaient les vagues aux pieds des falaises. Là , nous étions à l'abri de l'influence maléfique des Horlas. Du moins, le croyons-nous. J'exerçais à l'époque les fonctions d'architecte donc. Tout était à construire, à créer. Nous avions chacun nos domaines de prédilection. Moi, je dessinais plutôt bien. Je pensais que cela serait inutile, qu'il aurait mieux valu que je sache construire une maison ou faire pousser des légumes ou chasser. Mais on m'a demandé de dessiner des maisons qui tiendraient debout. Et j'ai su le faire.
À cette époque, et malgré la rudesse de notre mode de vie, j'avais le sentiment que rien n'aurait pu m'apporter plus de joie que je n'en avais. Je le devais pour l'essentiel à l'amour que me portait ma douce Aira. Je pensais, naïvement, que ça durerait toujours. J'avais aussi le soutien de mes amis, Sililia, la sculptrice, et Ithéron que tout le monde croyait mort. Je ne pensais qu'à dessiner des maisons et des monuments. Je me disais que j'aurais tout le temps de me plonger plus tard dans la lecture de ce grimoire et dans la résolution de ce puzzle qui s'étaient invités, imposés, dans mes affaires depuis des années sans que je ne sache plus comment ils étaient arrivés là . Mais le destin en a voulu autrement.
Par une nuit pluvieuse, j'ai été mordu, dévoré, vidé de mon sang et ramené à la non-vie par ce Horla qui se fait appeler Orlan Strygias. Il a fait de moi un monstre, un esprit immatériel qui ne peut désormais survivre qu'en prenant possession du corps d'un pauvre mortel, marionnette dont j'ai besoin pour pour pouvoir me nourrir. Je lui dois maintenant cette vie d'errance, cette vie de maudit. Et ces étranges arabesques qui ornent le visage de ceux que je possède pour me nourrir et qui ne les quittent plus, jamais...
Je me regarde dans le miroir. Je ne me reconnais pas. La seule chose qui me soit familière sont ces horribles cicatrices qui me défigurent. Ce sont les mêmes que celles...d'Ithéron ! Est-il possible que ce soit à lui que je doive d'être devenu une telle horreur ? Alors que j'animais le corps de cette pourtant si magnifique jeune femme qui m'accueille contre sa volonté, je sens la soif monter en moi. Alors que je m'apprête à frapper à la porte de mon ami, la soif et la faim me submerge. Je ne frappe pas à la porte. Je la défonce ! Je fais irruption dans la pièce principale et m'en vais tirer Ithéron de son sommeil. Plus question d'obtenir des réponses. Je ne veux plus que son sang et sa chair ! L'ivresse de la frénésie et du sang m'emportent. Je m'échappe de moi-même et sombre. Je me réveille longtemps plus tard au milieu d'un bain de sang. Celui de mon ami. Était-ce bien lui qui, revenu d'on ne sait où, peut-être vraiment d'entre les morts, le responsable de mon état ? Je tente de me convaincre que c'est un sentiment de paix retrouvée que je lis dans son ultime regard.
J'ai fui Récif ! J'ai abandonné là mon aimée, mes amis. Je les ai perdus il y a maintenant plusieurs semaines, depuis que le monstre m'a projeté hors de moi, me condamnant à cette vie d'errance. Mais j'étais néanmoins resté près d'eux, dissimulé dans le corps de cette belle jeune femme que j'ai défigurée en lui imposant mes stigmates. Mais après la mort d'Ithéron, je ne peux rester. Je ne veux pas mettre Aira en danger. J'ai profité d'une tempête pour m'enfuir. Celle-ci a ramené près de nous une gigantesque Cité Volante. Je ne savais pas qu'une telle chose pouvait exister. J'ai réussi à gagner ses soubassements. Là , j'ai pu me faire une petite place dans des recoins sombres. Alors que j'errais en quête de nourriture, un certain Boots, tout de noir vêtu et au regard inquiétant, s'est proposé de me venir en aide. N'attend-il de moi que quelques faveurs malhonnêtes ? En tous cas, il est décidé à me servir de guide et de protecteur dans cette Cité, mon nouveau chez moi.
Boots m'a conduit au Grüneblaue, un établissement où il a ses habitudes. Là , il m'a présenté comme une amie très chère qui avait besoin d'aide. Il n'a pas entièrement tort. J'aime cet endroit. Tout y est sombre. Les clients sont tous de noir vêtus. Cela s'accommode bien à mon humeur. D'autres portent d'étranges masque à gaz dissimulant leurs traits. Il m'en faut un ! Je veux des vêtements comme les leurs également. Je le dis à Boots qui transmets ma requête à l'entourage. Déjà un homme s'approche et me tend sa cape de cuir doublée de velours. Il se nomme Hexa. Quelque chose d'étrange dans sa façon de se tenir le rend... repoussant mais pourtant fascinant. J'accepte sa cape.
Hexa m'a rendu visite aujourd'hui. Il m'a expliqué avoir compris qui et ce que j'étais. Il affirme s'en moquer. Il prétend m'aimer. Il veut m'aider. Mais m'aider à quoi ? À redevenir comme avant ? Non ! Il veut m'aider à ... réaliser mon « potentiel » dit-il. Mon... destin ? Soit, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas lui faire confiance ? Je n'ai aucune idée du destin ni du potentiel auxquels il pense. Je verrai bien où tout cela me mène.
Lucius Salinger :
C'est une bonne nouvelle, je crois. Un successeur à Aaron Powl a été trouvé en la personne de Jezabel Powl. Est-ce son éloquence ou ses magnifiques cheveux roux, elle a su gagner la confiance de tous et, finalement, calmement, s'imposer à la tête de la famille Powl. Mais à peine installée dans ses nouvelles fonctions, elle doit faire face à une situation délicate. Notre Cité est stationnée maintenant depuis un long moment au dessus de cette étrange et sinistre forêt et... l'eau vient à manquer. Mais cette ressource vitale se révèle fédératrice. Aussi, c'est favorablement que son double projet de consolider et agrandir les récupérateurs d'eau de pluie tout en envoyant une équipe d'éclaireurs au sol en quête d'une source.
J'ai fait aujourd'hui la connaissance d'une nouvelle « habituée » du Grüneblaue. Une dénommée Trybelhe. J'aurais aimé m'assurer que son nom était mérité mais elle cache ses traits derrière un masque noir couverts de plumes. Elle ne parle que rarement directement aux autres. Le plus souvent, elle le fait par l'intermédiaire de ses courtisans. Je reconnais parmi eux, entre autres, Boots et Hexa. Je me méfies de ce dernier. Je sais qu'il a de mauvaises fréquentations. Aujourd'hui, tous trois proposent à la cantonade de les rejoindre pour une fête d'un genre nouveau et unique. Il va se passer des grandes choses, mais personne n'en ressortira indemne, promettent-ils. C'est une des rares fois où j'entends sa voix, étouffée par son masque. Elle promet de grand moment d'extase et de béatitude. Une hubris qui nous transportera tous. Elle parle de cette étrange forêt que nous survolons et des créatures qui l'habitent. C'est l'une d'elles qu'elle nous propose de rencontrer. Si nous sommes prêts à en payer le prix... fort ! J'avoue être tenté. Ne serait-ce que par curiosité... Autour de moi, les conversations vont bon train. Certains sont enthousiastes, d'autres plus méfiants. Trybelhe et les autres attendent patiemment la fin des débats. Ils ont dit tout ce qu'ils avaient à dire. Au bout d'un moment, tous trois se lèvent et invitent ceux qui le désirent à les suivre. Nous ne sommes que trois, courageux affirment-ils, à nous lever.
Pour ajouter du mystère, on nous bande les yeux. Nous marchons quelques minutes, pas assez pour vraiment nous éloigner du Grüneblaue. En réalité, il ne me sera pas difficile de retrouver cet endroit en partant de la taverne. Nous n'avons même pas changé de niveau. La pièce dans laquelle on nous ôte nos bandeaux ressemble un peu à une forge, à un laboratoire. Je reconnais des bec, des réchauds, des produits chimiques, des minéraux. Au mur, des parchemins épinglés détaillent des procédés d'influence alchimique. Je m'attendais à autre chose. Je lis là des références aux Balances de Jabir, aux travaux de Yézédis Corso. Corso ?
Mais, nous ne sommes plus seuls. D'autres hommes font leur apparition. Eux aussi portent des masques. Mais uniquement des masques. Ils dissimulent leur visage mais exhibent une virilité... démesurée ! La température grimpe de quelques degrés. Une odeur de musc envahit la pièce. J'ai l'impression qu'il souffle comme une brise chaude. On nous sert une boisson forte. Je reconnais l'Opium Jaune mais il y a un autre ingrédient qui m'est inconnu. J'ai beau être habitué à consommer de l'Opium Jaune, je sombre...
Un vieux tribunal aux gradins vermoulus, envahis par des champignons blancs géants et des toiles d'araignées. Partout, des humains empaillés dans des postures diverses mais grotesques et obscènes. Et aussi un renard empaillé avec un fromage dans la bouche, mangé aux vers.
Perchés dans de hautes tribunes, des juges et des avocats à têtes de corbeaux, en toge noire et perruque poudrée. Dans les gradins, des corbeaux. Sur le banc des jurés, des têtes de corbeaux. Ils me rappellent les masques de certains habitués du Grüneblaue.
Pendue à un lustre de branchages garni de bougies tremblotantes, une femme au... pénis en érection !! et aux seins perlant de lait. Est-ce le vrai visage de Trybelhe ? Dans la flaque de foutre à ses pieds, un tubercule humanoïde a poussé. Je reconnais de la mandragore. Alors que le juge prend la parole, je m'approche discrètement et m'empare de la racine à forme humaine. Les mots du juge peinent à parvenir jusqu'à mes oreilles. Ils nous accusent d'un meurtre. Le meurtre de l'Hommonde. Je ne sais pas de quoi il parle. Je porte la mandragore à ma bouche et... me réveille juste avant de croquer dedans.
Je me réveille nu dans l'espèce de laboratoire-forge où nous ont conduit Trybelhe, Boots et Hexa. Des femmes nous ont rejoint. Je ne les ai pas vu entrer. Je gis, littéralement, oublié dans un coin de la pièce. Ce que je vois, une orgie. Mais... une orgie d'un type particulier. Le jeunes femmes qui nous ont rejoint sont couvertes de sang. On dirait des poupées désarticulées. Elles ne sont mues que par les soubresauts des coups de boutoir que leur assènent avec violence ces hommes à la tête de... porc ?! Je me tasse dans un coin et cherche Trybelhe du regard. Je ne la vois pas. Qu'est-ce que c'est que ça ? Dans quoi me suis-je embarqué ? Aussi discrètement que possible, je m'empare de quelques vêtements traînant là et... une main s'abat lourdement sur mon épaule. Je me retourne et manque de vomir en me retrouvant littéralement nez-à -nez avec un homme à tête de sanglier. Non pas de porc comme les autres. Mais une vraie tête de sanglier. De sanglier... mort ! Cet être chimérique est mort et en putréfaction. Il plonge son regard dans le mien. Sa main se tend vers la mienne. Il ouvre sans effort et s'empare de la racine de mandragore qu'il exhibe sous mes yeux. Son haleine est horrible. Son odeur, de terre et de cadavre, manque de me faire vomir. Je sens son érection contre ma cuisse nue. Il halète. J'ai l'impression qu'il se retient de me sauter dessus. Il se penche et murmure à mon oreille :
« Je vais t'apprendre... »
Puis, il me retourne et me plaque au sol. Je le sens en moi. Après de longs et brutaux aller-retours, son essence remonte le long de mon système nerveux jusqu'à exploser dans mon cerveau et je vois ! La Cité Souterraine. Je reconnais le style architectural de certains bâtiments. Mais beaucoup d'autres me demeurent étrangers. J'ai l'impression de voler au dessus des interminables rue de cette étrange ville peuplée d'hommes à tête de porc. Mais tout se passe en accéléré. J'ai l'impression que je vais vomir. Je ferme les yeux. Quand je les ouvre à nouveau, ma joue racle le sol, maintenue fermement par la main puante de celui qui me chuchote presque tendrement son nom à l'oreille : NoAnde.
« Je vais t'apprendre... »
Puis, il me libère et, presque nu, la joue en sang, quitte précipitamment le repaire de Trybelhe.
De retour chez moi, je m'Ă©croule sur mon lit. Puis, je fais une longue et minutieuse toilette. Je m'Ă©croule Ă nouveau sur mon lit, en larmes. Puis, enfin, je me saisis d'un carnet afin d'expulser de ma tĂŞte tout souvenir de cette horrible nuit.
Cette chose, ce NoAnde, est horrible. Son odeur, il pue la mort et la terre. Je sais où il se cache. Je saurai le retrouver. Je me rappelle ses mains, puissantes, me plaquant au sol. C'était à la fois dur et mou, là où la putréfaction était la plus avancée. Son apparence et sa brutalité me révulsent. Mais la perspective de ce qu'il pourrait m'enseigner m'attire, me fascine. Je me sens comme le papillon volant autour de la flamme de la bougie. Alors que je couche ces mots sur le papier, je sens quelque chose en moi. L'espace d'un instant, j'ai eu peur que ce soit dans mon ventre. Mais non ! C'est... dans ma tête. Ça se tortille. C'est comme un Ver. Un Ver Cosmique ? Un code ! Pourquoi ce nom dans ma tête ? Le Cruel Centipède...
Je veux le revoir. Je veux le tuer. Je veux savoir... NoAnde, que m'as-tu fais ?
Balthus Malmort :
Il s'appelle Ekli Stanpedro. Il est comme moi. Un vampire. C'est ainsi qu'il se nomme. Il m'a « reconnu ». Il m'a abordé au Grüneblaue et s'est présenté sans rien cacher de sa nature. Mon étonnement l'a fait sourire. Il a compris que j'ignorais finalement beaucoup de chose sur ma nouvelle nature, que j'étais... jeune. Il m'a offert un verre et a commencé à me raconter son histoire, notre histoire. Puis, il s'est arrêté. Il a remarqué ma bague et a de nouveau esquissé un petit sourire. Il me l'a demandé en échange de nouveaux secrets. J'ai hésité à me séparer de cet objet, ce lien avec mon ancienne vie mais n'est-ce pas justement ce que j'ai de mieux à faire ? Couper ces liens ? Je lui ai donné la bague et il m'a expliqué que nous, les vampires, étions une sorte de Horla d'un genre particulier. Il m'a expliqué comment fonctionnent nos pouvoirs mais aussi les contraintes qui sont les nôtres, notamment le Cycle qui nous fait provisoirement quitter ce plan d'existence. C'était étrange de l'écouter. C'était un peu douloureux de me séparer de ma bague. Mais je pense que j'ai eu raison de le faire. Pour plein de raisons.
Lucius Salinger :
Je n'ai pas remis les pieds au Grüneblaue avant plusieurs jours. J'avais peur d'y revoir Thrybelhe et cet ignoble créature qui m'a... forcé... Mais, au bout d'un moment, la curiosité l'a emporté sur la douleur et l'humiliation. Il a promis de m'apprendre, de m'enseigner. Quoi ? Quel secret ? Et puis, je sens toujours cette chose dans mon crâne. Ce Ver Cosmique dont je ne parviens pas à percer le code. Finalement, renonçant à ma fierté, je retournais au Grüneblaue précisément pour retrouver ceux que je m'étais promis d'effacer de ma vie. Et ils étaient là . Non, pas lui, pas NoAnde. Mais Trybelhe, Boots et Hexa. Ils étaient à une table et examinaient un étrange puzzle. Ils ne se cachaient pas. Au contraire même, j'avais plutôt l'impression qu'ils attendaient que quelques curieux s'intéressent à ce qu'ils faisaient. Encore un moyen de convaincre une innocente victime de les rejoindre et participer à une de leurs orgies sauvages ? Bon, je serai une fois de plus le curieux du jour.
-Comment le détruire ? me demande Boots.
Je m'étonnais. Pourquoi détruire un simple puzzle. Et puis, il suffit de le jeter ou d'y mettre le feu. Trybelhe fit un bruit de bouche et hocha la tête. Non, c'était visiblement plus compliqué que cela.
Elle m'expliqua que ce puzzle était à elle. Elle me montra ensuite comment les pièces résistaient à la flamme d'une bougie et à la lame d'un couteau. Ensuite, elle se mit à les assembler. Au fur et à mesure que l'image se précisait, je sentais monter en moi une terreur irrépressible à laquelle répondait le Ver par des tremblements convulsifs. Le dessin représentait un homme aux jambes amputées. Il aurait dû m'inspirer de la pitié. Pourtant, quelle horreur. Son visage était d'une incroyable laideur. Son corps entièrement décharné. Ne fut-ce son regard perçant et vicieux, on l'aurait cru mort. Au moment où Trybelhe s'apprêtait à poser l'une des dernières pièces, je lui saisi le bras pour l'en empêcher. Je lis alors de la colère dans son regard. Elle me fixe, les lèvres pincées. Je relâche son poignet.
« Où est NoAnde ? », demandé-je.
De retour chez moi, je m'écroule au sol, saisi de convulsions. Je manque de vomir. Je ne sais pas si le plus horrible est ce que NoAnde m'a fait ou que je l'ai laissé faire. J'ai mal partout. Mais un peu moins que la première fois. Je n'ai pas cherché à m'enfuir cette fois. Je me suis recroquevillé dans un coin et j'ai attendu. Après un long moment, alors que j'avais l'impression qu'il avait oublié ma présence, je lui ai rappelé sa promesse. Son figure a alors été animée d'une espèce de tic dégoûtant. Il cracha par terre et s'approcha de moi. Il m'a demandé ce que je voulais savoir. Je n'en savais rien...
Il fouilla dans ses affaires et en sorti une petite carte. Il l'agita sous mon nez.
« Sais-tu ce que c'est ? Non, évidemment ! C'est une accréditation de niveau Indigo. Un passeport pour la Cité Bleue. »
Balthus Malmort :
Que m'arrive-t-il ? Je me regarde dans le miroir et je ne reconnais plus mon hôte. Ses cheveux sont toujours les mêmes, ainsi que ses yeux, ses épaules... Mais c'est... sa bouche ! Quelque chose a changé. Elle est plus grande. Plus... grossière. Elle s'étire d'une manière grotesque. Pourquoi cela me rappelle-t-il Itheron ? Lui aussi avait tellement changé à son retour. Nous l'avons tous cru revenu d'entre les morts mais nous ne pensions pas avoir à ce point raison. Je suis maintenant certain que c'est lui qui a servi de véhicule à la chose qui m'a transformé. Et maintenant, je suis affublé de cette Bouche étrange. Mais... je vois ses lèvres s'animer. La Bouche... parle ! « Lucius Salinger est-il vraiment celui qu'il prétend ? Et pourquoi NoAnde a-t-il jeté son dévolu sur lui ? Ne te laisse pas doubler par l'homme-porc ! Demandes à Franky de s'en occuper » Je plaque alors mes deux mains sur ma (?), sur cette bouche. Je l'ouvre grand, j'articule des mots silencieux. On dirait qu'elle est redevenue mienne. Mais pourquoi attirer mon attention sur Salinger ? Et NoAnde ? Dois-je me méfier de lui ? Je vais demander à Franky d'enquêter à ce sujet.
Lucius Salinger :
C'est étrange. Alors que mes relations sont de plus en plus intenses et intimes avec NoAnde, j'ai de plus en plus l'impression d'être un étranger au sein de la Cité Volante. Son histoire, sa façon de voir les choses, ses expériences... Il m'ouvre des perspectives... Je sens qu'il a un projet pour moi et que, dans ce sens, il se sert de moi. Mais je sais aussi que même si ce projet devait s'avérer dangereux j'en ressortirais différent, meilleur. À ses côtés, j'apprends beaucoup et je sens que j'ai encore beaucoup à apprendre. De même, nous avons, je pense, beaucoup à apprendre de ce groupe d'hommes et de femmes que nous avons localisé au sol. Ils vivent comme des sauvages et nous ne savons pas trop comment eux nous perçoivent. Avec envie, certainement. Ils semblent tellement démunis vus d'ici. Je marche et capte des bouts de conversations. Chacun a son avis. Il faut les aider. Il ne faut pas s'en mêler. Il faut les attaquer avant qu'ils ne nous attaquent. Moi, je ne sais pas. Auprès de NoAnde, mes pensées volent ailleurs. Plus loin ! Mais, ne serais-je pas suivi ? On dirait, oui. Mais par qui ? Je ne parviens pas à le déterminer. J'espère réussir à les semer d'ici à arriver chez NoAnde.
Aujourd'hui, NoAnde m'a fait un cadeau. Déjà , il ne m'a pas brutalisé. Au contraire, il s'est montré très aimable et même... tendre. Nous avons longuement parlé des conclusions auxquelles sont parvenues les membres de l'expédition lancée afin de savoir si l’Égrégore pouvait nous servir comme source d'énergie. Il semblerait que oui mais que ce ne soit pas sans risque, sans conséquence. NoAnde confirme ces réserves. De son point de vue, il m'explique qu'il n'hésiterait pas une minute à user de l’Égrégore mais comprend que, pour nous, la question se pose. Il serait d'ailleurs préférable que nous renoncions. Que vont décider nos chefs ? Mais, il m'a aussi fait un beau cadeau. En effet, il s'est enfin ouvert à moi de certains de ses projets. Il m'a expliqué ce qu'est cette chose qui s'agite à la base de mon crâne. Il s'agit d'une sorte de Ver Cosmique dont certaines incarnations porte le nom de Cruel Centipède. Ce serait une sorte d'agent de l'Entropie. Je ne comprends pas trop ce que ça signifie mais NoAnde me rassure. Grâce à ce Cruel Centipède, qui n'aurait de cruel que le nom, je vais pouvoir faire un grand voyage. Et c'est précisément à ce grand voyage qu'il me prépare par nos étreintes. Les lieux, les époques qu'ils me montrent, sont autant de temps et d'endroits que je serais peut-être à même de visiter. En effet, il veut m'envoyer là -bas, au loin, dans d'autres mondes pour percer un mystère. Il m'a choisi. Il m'a élu pour percer le Mystère du Ver. Il veut que je trouve pour lui ce livre qu'on appelle le De Vermiis Mysteriis.
Balthus Malmort :
Quelque chose a changé. Je ne saurai dire quoi. Mais, depuis peu, je ne puis plus me montrer en public autrement que masqué. Jusqu'à présent, mes scarifications caractéristiques de mon état ne m’avaient pas valu autre chose que de l'étonnement ou du dégoût. Mais maintenant, les choses ont changé. Des gens se sont montrés agressifs sur mon passage. Je n'ai dû mon salut qu'à l'intervention de Boots et Hexa qui m'ont permis de m'enfuir. Depuis ce jour, je ne sors plus sans gardes du corps. Ni sans un masque. J'ai la chance que cela soit à la mode dans certains groupes peuplant cette cité. Je me suis ouverte de cette mésaventure à NoAnde qui m'a expliqué qu'il s'agissait d'un nouveau stigmate qu'il a qualifié d'Aura Putride. Pourtant, je ne sens rien. Mais il m'a assuré que les autres, les mortels, ressentaient cette aura avec force. Je lui ai aussi parlé de cet homme au comportement étrange. Il n'a pas participé à la tentative de lynchage mais j'ai bien senti qu'il observait la scène et représentait une véritable menace pour moi. NoAnde m'a conseillé de demander à Boots et Hexa d'être vigilants et de le suivre s'il devait se montrer à nouveau.
Lucius Salinger :
Il y a des nouveaux venus dans la Cité. Des sortes de Prêcheurs. Ils se nomment Frères et Maîtres Exorcistes. Ils ont été reçus sans délai par les Anciens. Je n'ai aucune idée de ce qu'ils font là mais ils ont obtenu de pouvoir circuler et agir à leur guise dans nos rues. Trybelhe, NoAnde, les autres Soars et moi-même sommes depuis très vigilants. Je ne suis pas sûr qu'ils en aient après nous mais je n'ai aucun doute quant au sort qu'ils nous réserveraient s'ils apprenaient notre existence et nos buts.
Pourtant, bien que contraint à la plus grande discrétion, NoAnde m'a révélé qu'il avait réservé pour nous deux une suite dans un de ces palaces qui se trouvent dans les beaux quartiers. À l'annonce de cette nouvelle, je suis à la fois curieux et effrayé. Quel sort me réserve-t-il cette fois ? Pourquoi un tel lieu et pourquoi maintenant ?
NoAnde me rejoindra dans cette suite luxueuse. Pour l'instant, je dois m'y rendre seul. Je le comprends. Difficile pour lui d'être discret. Surtout avec ces exorcistes dans les rues. On dit qu'il y a un Corso dans leurs rangs. Cela expliquerait qu'ils aient pu obtenir une audience auprès du Conseil aussi vite.
Simple paranoïa ? J'ai l'impression qu'on me suit et c'est plus qu'une impression. Avant même de pénétrer dans les beaux quartiers, un groupe de ces fameux exorcistes sort de l'ombre et se met à courir dans ma direction. On dirait qu'ils ne sont que trois mais je ne serais pas surpris d'en voir d'autres arriver sous peu. Heureusement pour moi, je connais mieux la Cité Volante qu'eux et parviens à leur fausser compagnie. Mais il s'en est fallu de peu. En tous les cas, maintenant c'est certain, c'est après nous qu'ils en ont. Mais pourquoi ? Et comment ont-ils été mis au courant de notre existence ? NoAnde saura peut-être...
Une fois arrivé au palace, il s'avère que NoAnde est déjà là . Il m'attend avec impatience car il y a visiblement beaucoup de chose à préparer. Qu'a-t-il prévu pour aujourd'hui ?
Je ne parviens pas à cacher mon étonnement quand je le vois. NoAnde est... enceint. Et près à mettre bas. Face à mon expression, il s'explique. Il est un serviteur de Shub'Niggurath et la Chèvre Noire à des projets. Non pas des projets pour lui. Lui, comme moi, ne sommes que les instruments de ce projet. Il me rappelle que l'objectif de notre organisation et de contaminer les univers en répandant les miasmes de Millevaux.
Je me garde bien de lui rappeler que ce ne sont pas là mes projets. Moi, je ne suis là finalement que par hasard. Pour assouvir une curiosité qui se révèle réellement un bien mauvais défaut car il risque de me coûter très cher. Mais la curiosité l'emporte une fois de plus. Alors, aidant NoAnde à se mouvoir dans cette suite luxueuse, je l'écoute m'expliquer son plan.
Oui, il sert la Chèvre Noire, la Mauvaise Mère. Certes, il a trahi l'éthique du Clan des Arbres. Mais ô combien il a appris de choses et percé des secrets au contact des Horlas. D'après lui, Millevaux n'est pas unique. Il y en a d'autres, beaucoup d'autres. En tant que royaume de Shub'Niggurath, cette forêt est une sorte de corruption luttant à la fois pour se répandre, pour vivre et répandre ses miasmes à travers les mondes. Car, oui, comme il y a un nombre infini de Millevaux, il y a un nombre infini de mondes... à contaminer.
Alors que ses halètements s'accélèrent, il m'explique autant qu'il peut comment le Un Primordial est devenu le Cycle. Comment cet Hommonde est mort et en putréfaction. Et que, selon la morale du culte qu'il rend à la Chèvre Noire, cette putréfaction est en réalité une forme de vie. C'est la mort de l'Hommonde qui permet la vie. Cette mort, selon lui, doit se répandre. En répandant la mort, on répand la vie, affirme-t-il. J'ai du mal à le suivre dans son délire. Mais il semble convaincu de ce qu'il avance. Il me rappelle qu'il y a plusieurs agents de contagion. Millevaux, la forêt elle-même bien sûr. Mais il y a aussi ces Vers Cosmiques, agent de l'entropie, comme le Cruel Centipède que j'ai dans le crâne. Le Cruel Centipède, la maladie de l'espace et du temps. Le Code. Le Jeu par lequel se répand Millevaux, sa putréfaction et, en définitive selon NoAnde, la vie. Mais je sens que la délivrance est proche. Je suis curieux de voir ce qui va sortir de son ventre.
NoAnde redevient maître de sa respiration. Il m'explique alors que pour que son enfant puisse sortir, il va devoir provisoirement altérer son anatomie par des moyens magiques propres aux rites Soars. Je comprends où il veut en venir. Puisant dans ses dernière forces, il s'empare de moi. Alors qu'il me force une fois de plus avec une brutalité dont je ne le soupçonnais pas vu son état, je tente de me convaincre que je me laisse faire par curiosité, pour savoir ce qui va sortir de ce ventre, et non par peur ou lâcheté ou... plaisir ?
Je sens son ventre contre mon dos. Ça bouge à l'intérieur. Je sens la chair se déformer. C'est ça qu'il appelait une altération de son anatomie. Ses chairs aménagent une ouverture par laquelle la chose qu'il contient va pouvoir sortir. À moins que... Non ? Non ! Entre deux halètements rauques, j'entends son rire. Il me maintient au sol et explose finalement de rire. Cette suite, ce palace, quelle ironie !
Je sens son ventre s'ouvrir. Quelque chose de visqueux en sort et se répand sur mon dos, m'enserre, m'enlace et m'attire à l'intérieur ! NoAnde me plaque au sol de tout son poids.
C'est un cauchemar ! Un cauchemar ! Je vais me réveiller. Je dois me réveiller ! De toutes mes forces, je tente de retrouver la maîtrise de mes pensées et de mes perceptions comme dans mes mauvais rêves. Je tente de me convaincre que ceci n'est pas la réalité. Si je fais comme dans mes mauvais rêves cela sera peut-être moins horrible. Non ! Je dois transformer cette réalité cauchemardesque en un rêve dont je vais pouvoir me tirer en me réveillant. Je dois... altérer... cette réalité... comme j'ai vu NoAnde et les Soars le faire durant leurs orgies. Je dois utiliser cette force qui m'immobilise, me contraint, pour...
Je ne sais comment mais alors que je m'imagine chez moi en train de me préparer plusieurs doses d'Opium Jaune, j'en ressens maintenant les effets. Le produit voyage dans mon corps, en pénètre chaque cellule et remonte jusque dans mon cerveau. Plus que jamais, je me sens puissant ! Pourtant, mes pensées m'échappent. Le... Cruel Centipède m'échappe. Oui ! Il me sent menacé. Il se sent menacé ! Et il va réagir, se défendre, me défendre. Il sort de mon crâne par mon nez, ma bouche et mes yeux. Il recouvre mon visage d'un masque chitineux. Alors, je me retourne et fixe NoAnde dans les yeux. Il pousse alors un hurlement et recule en me relâchant. Alors, la porte de la suite explose et 5 de ces exorcistes envahissent la pièce. Je me dégage de sous le corps de NoAnde qui, à quatre pattes, s'éloigne en geignant...
Balthus Malmort :
J'ai consacré beaucoup de temps à observer NoAnde. Il n'est pas comme les autres Soars. Et je ne dis pas cela juste parce qu'il est... mort... et fou. Il n'est pas fou dans le sens où il serait incohérent. Il est fou car... sa perception du monde, des mondes, de l'espace et du temps n'est pas comme la nôtre. Il voit tout cela différemment et cela l'amène à penser différemment. Il conçoit les choses autrement et entrevoit des pistes d'exploration conceptuelle qui nous échappent, auxquelles nous ne pouvons accéder car nous ne pouvons même pas y penser. Pour lui, la réalité n'a pas ce caractère immuable que nous lui attribuons spontanément. Il la voit comme un ensemble de forces sur lesquelles il est possible d'agir. D'après lui, il est concrètement possible d’altérer le cours du temps, de modifier l'espace, de le modeler à sa guise. C'est là une des propriétés de cet Égrégore dans lequel nous baignons. Au début, je ne comprenais pas. Puis, je l'ai vu faire. En dénaturant les rites Soars, il est parvenu à modifier la trame du réel. Et des choses sont advenues. Et je sais que toutes ses expériences s’inscrivent dans le cadre de ce projet dans lequel il a embarqué Lucius. J'aurais bien bu le sang de ce jeune homme mais... NoAnde en a voulu autrement. Et c'est fort dommage car, entre ce nouveau stigmate, cet Aura Putride, et l'arrivée de ces exorcistes, il m'est devenu bien difficile de me nourrir. Aussi, j'avoue avoir recouru en cachette à cet art auquel recourt NoAnde pour, moi aussi, altérer le réel et me faciliter l'accès à des proies sans risquer de tomber nez-à -nez avec des exorcistes. Ainsi, l'acte sexuel, même solitaire, me permet d'ouvrir une sorte de brèche dans l'espace par laquelle le sang de ma victime s'écoule jusqu'à moi. Je n'ai même pas à souffrir de contempler l'agonie de ma proie. Tout se passe de « l'autre côté ». Là où je suis, je ne vois que des filets de sang traverser l'espace et pénétrer mon corps par chacun des pores de ma peau.
Lucius Salinger :
Tout se précipite. Alors que je parviens juste à me défaire de l'emprise de NoAnde et de cette chose qui voulait m'attirer en lui, des exorcistes font irruption dans la suite. Je sens toujours le Cruel Centipède recouvrir mon visage. À l'intérieur du masque chitineux qu'il a formé autour de mon visage, je sens comme des milliers de cils ou petites pattes s'agiter. C'est une sensation peu agréable mais qui ne l'emporte pas sur l'angoisse suscitée par cette nouvelle intrusion. En réalité, je n'ai pas vraiment le temps de me demander quoi faire pour sauver ma peau. Le Cruel Centipède se charge de nous sauver. De petits volets en écaille tombent sur mes yeux. Je sens une sorte de trompe rigide s'introduire de force dans ma bouche et se frayer un chemin jusque dans mes poumons. L'air autour de moi devient solide mais malléable. Puis, plus rien ! Plus aucune sensation.
Franky :
Ce n'est pas de gaieté de cœur que j'accepte d'obéir aux ordres de Balthus mais... Il se trouve que je suis assez d'accord avec lui pour considérer que NoAnde nous cache des choses. Nous avons fui notre cité car notre condition de Khaarij est insoutenable. Et nous avons choisi de servir Shub'Niggurath et de répandre Millevaux à travers les mondes et les âges avant tout pour abattre cette société injuste et libérer nos frères. Mais NoAnde n'est pas comme nous et nous savons tous qu'il poursuit ses propres buts dont il ne veut rien nous dire. Que Balthus s'ouvre enfin à moi de ses doutes me rassure quelque part. Au cas où NoAnde nous trahirait, le Horla pourra se révéler un allié.
Depuis quelques temps maintenant, il a jeté son dévolu sur un des habitués du Grüneblaue, un certain Lucius. Mais il n'est pas qu'un jouet sexuel. NoAnde semble lui avoir attribué un véritable rôle dans ses projets secrets. Et je dois savoir lesquels. Je sais qu'ils se retrouvent en cachette. Je sais aussi que NoAnde lui a donné rendez-vous dans une suite d'un palace des quartiers riches. Je vais donc en profiter en pour fouiller ses quartiers durant son absence.Il semble que NoAnde se soit doté d'une bibliothèque des plus particulières. J'ai en effet trouvé dans ses quartiers des ouvrages relatifs aux rituels Soars. Ces derniers sont parsemés de notes expliquant comment les modifier, en contourner certaines règles, afin d'en accroître la portée. L'une de ces notes renvoie notamment au De Vermiis Mysteriis. Je ne l'ai pas trouvé. J'en déduis qu'il doit être à sa recherche. J'ai trouvé, par contre, un exemplaire du Rameau d'Or et un autre du Manuscrit de Castro.
Concernant Le Rameau d'Or, il s'agit de deux gros volumes datant de 1890. Cet ouvrage de l'anthropologue Ă©cossais James Frazer traite des Mythologies et la religion. On y trouve Ă©galement le descriptif de plusieurs rituels.
Le Manuscrit de Castro tire son nom de celui d'un dément condamné à mort par l'Inquisition au XVe siècle. Avant son exécution, un moine décida de retranscrire tous les délires qui avaient poussé les inquisiteurs à le croire possédé. La plus grande partie de cet ouvrage semble donc incohérente mais elle recèle de tristes vérités à même de faire vaciller n'importe quel faible d'esprit.Sans tarder, je vais faire mon rapport à Balthus. Je le trouve en train de se nourrir d'une nouvelle et bien étrange façon. L’Égrégore exerce sur lui une bien étrange influence. Là , nu, il se livre à un plaisir solitaire. En face de lui, l'air semble s'être quelque peu solidifié. Ça et là , on dirait qu'il s'est formé de petites crevasses par lesquelles s'infiltrent des filaments de sang volant littéralement jusqu'au vampire qui s'en délecte. J'attends qu'il en ait fini avant de manifester ma présence. Je vois alors qu'il se sent bien. Nullement gêné par ma présence, il prend son temps pour se couvrir. C'est vrai qu'il ne considère pas vraiment ce corps comme le sien. Cette femme n'est qu'un véhicule, une marionnette.
Il Ă©coute avec attention mon petit rĂ©cit. Il semble intĂ©ressĂ© par les ouvrages que je cite mĂŞme s'il avoue n'en connaĂ®tre aucun. Contrairement Ă ma suggestion, il ne souhaite pas que je m'empare de ces deux ouvrages. Par contre, si NoAnde cherche effectivement un exemplaire du De Vermiis Mysteriis, je dois tout faire pour le trouver avant lui. J'avoue ĂŞtre tout Ă fait d'accord. Ce ne sera pas compliquĂ© d'obĂ©ir Ă cet ordre-lĂ.
Tad Corso :
Elle sait qui je suis. Les Lwas le lui ont dit. C'est pour ça que nous avons obtenu si facilement cette audience. En tant que successeur d'Aaron Powl, Jezabel peut accéder au monde du Rêve. Je peux le faire aussi parce que j'ai volé son pouvoir à Edes Alom. Et je ne lui ai pas volé que son pouvoir. Je lui ai aussi volé ses ailes, sa vie.
Je suis Tad Corso, le 1er des Corso. Mais je me présente sous le nom de Tad Edes. Aussi, les membres de la famille Corso ignorent que je suis le fondateur de leur lignée. De même qu'ils ignorent que je viens d'un autre Millevaux où j'ai combattu les Horlacanthes. Mais Jezabel, elle, elle sait. Elle garde le silence mais son sourire en dit long.
Nous avons demandé cette audience afin d'obtenir l'autorisation d'aller et venir à notre guise dans la Cité Volante. Nous savons, mes frères et maîtres inquisiteurs et moi-même, que le Mal est ici sous la forme du Cruel Centipède. Dans le Millevaux d'où je viens, il était un des cavalier de l'Apocalypse. La Pestilence. La maladie de l'espace et du temps. Depuis, il a muté, s'est transformé, s'est adapté. Mais il reste une maladie que nous devons éradiquer.
Jezabel invoque les Lwas et plaide en notre faveur. Les Lwas lui ont-ils vraiment parlé de nous ? Je n'en sais rien. Mais les Ande et les Corso acceptent de bon gré que nous menions notre enquête. Pour autant, ils ne souhaitent pas s'impliquer plus que cela dans nos affaires. Cela signifie qu'ils ne nous viendront pas nécessairement en aide. Mais cela veut aussi dire qu'ils ne se mêleront pas de savoir ce que nous faisons et cela nous arrange bien.
Une fois sortis, Maître Quantus s'étonne de ce que cette audience se soit si bien passée. Je lui réponds par un sourire aussi énigmatique que celui de Jezabel. Mais il se demande aussi comment nous allons faire pour trouver la trace du Cruel Centipède dans cette Cité Volante gigantesque. Je me souviens avoir mangé le Cruel Centipède, lui dis-je. Et là , je ne sais pas pourquoi, j'ajoute que La Réalité est un Cut-Up. Je presse le pas et lui et Frère Santos peinent à me rattraper.
Une fois dans nos quartiers, je m'enferme dans la cellule qui me sert de chambre. J'ai toujours cette amulette contenant ce liquide inconnu. Je n'avais jamais osé l'utiliser. C'est maintenant ou jamais.
Je m'assois en tailleur au milieu de la pièce. Je bois une gorgée du liquide et ferme les yeux. Et je répète comme un Mantra « La Réalité Est Un Cut-Up ! » Et je sens le Cruel Centipède frémir. Moi aussi je frémis. J'ai peur car je suis... épuisé. Et je vois !
Lucius ! Il s'appelle Lucius Salinger et le Cruel Centipède est en lui. Je tente de me relever mais... Ma vue se trouble. Je vacille. Je peine à rester debout. Je tombe. Je sombre...
Balthus Malmort :
Je ne connaissais pas cet homme. Il s'appelle Spike N'Ger, m'explique Boots, et c'est un chasseur de monstres. C'est un errant. Il est déjà venu dans la Cité Volante par le passé. Sa présence aujourd'hui n'est pas bon signe. Il est fort probable qu'il vienne pour nous. Heureusement, ces savoirs que j'ai acquis auprès des Soars me permettent maintenant de me nourrir plus « discrètement ». Certes, je laisse toujours des cadavres derrière moi mais il sera plus difficile de remonter une piste jusqu'à moi désormais. Et puis, grâce à cette magie, je ne suis plus soumis à la faim avec autant de violence qu'avant. J'espère juste qu'il n'est pas là pour nous et que rien ne le mettra sur notre piste. Néanmoins, je me dois d'en douter et de redoubler de prudence car... on parle dans les rues de la Cité. On parle de nous. Personne ne semble réellement soupçonner notre existence et encore moins nos buts mais la découverte des cadavres que j'ai laissés derrière moi suscite malgré tout des interrogations. J'espère vraiment que ce Spike n'en a pas après nous.
Tad Corso :
Je glisse dans le sommeil. Je glisse le long d'un intestin géant avec tout un tas d'espèces fossiles ou disparues : des limules, des ichtyosaures, des ammonites et des choses gerbantes avec des tentacules écumantes de foutre primordial. Je reconnais ce monde. C'est celui des Cœlacanthes. Où vais-je me retrouver cette fois ? De nouveau dans cette horrible maison au fond des bois ?
Un lac de merde ! Je me retrouve dans un lac de merde dans lequel baignent des squelettes de reptiles géants. Au loin, j'aperçois une silhouette me faire de grands gestes. Je ne peux pas la reconnaître, mais je sais que c'est la Magicienne. Je ne comprends pas ce qu'elle tente de me dire. Je me laisse entraîner. Je glisse. Je crois reconnaître cette forêt immergée mais je ne suis sûr de rien. Je vois de la lumière en haut. Je rassemble mes dernières forces et pousse dans cette direction. Au loin, j'aperçois des Cœlacanthes. Je dois arriver à la surface avant eux.
Je retrouve l'air libre en sortant par un puits. Il fait nuit. L'air est frais. Il n'y aucun nuage dans le ciel. C'est beau. Il n'y a pas un bruit. Je regarde autour de moi et constate que je suis au milieu d'une place forte médiévale. Je connais cet endroit. On m'a raconté les événements qui s'y sont déroulés. Certains de mes frères, quand j'étais un ange au service de Dieu, ont combattu ici. C'est la place forte de Montségur. En 1244, nous en avons fait le siège pour forcer les Cathares à abjurer. Que fais-je ici ?
Les exorcistes :
Comme si Millevaux n'était pas un Enfer suffisant ! Corso a de nouveau sombré dans le cauchemar des Cœlacanthes. Qu'a-t-il vu là -bas ? Que lui est-il vraiment arrivé pour qu'il nous revienne ainsi ? Ces ailes rouges de Corax ne sont que la partie visible de sa... transformation. Je sens bien qu'il a changé à l'intérieur. D'ailleurs, il ne se fait plus appeler Corso mais Edes. Pourquoi ? Cela ressemble tellement à l'Hadès, le royaume des morts. Est-ce de là qu'il est revenu ?
En tous cas, avant de s'écrouler, il a eu le temps de nous communiquer toutes les informations utiles concernant notre cible : un certain Lucius Salinger. Celui-ci doit se rendre dans un palace des beaux quartiers en ce moment même. Après avoir rapidement donné des consignes pour qu'on prenne soin de notre frère, Santos et moi sommons trois des nôtres de nous suivre.
Nous localisons ce Lucius dans la rue mais il parvient malgré tout à nous fausser compagnie. Peu importe. Nous savons où il se rend et fonçons là -bas. Nous perdons du temps à l'entrée de ce somptueux palace car on nous demande nos laissez-passer. Une fois ces formalités réglées, nous nous ruons dans les étages et trouvons la suite où s'est rendu Lucius. Sans attendre, nous enfonçons la porte. Et là ...
Quelle horreur ! Lucius est aux prises avec une horrible créature. Certainement un Horla. La chose est un être difforme en putréfaction dotée, comme si cela ne suffisait pas, d'une horrible tête de sanglier. De son ventre grand ouvert jaillissent des tentacules. De l'autre côté de la pièce, Lucius, nu lui aussi, semble étouffé par le port d'un masque noir luisant. J'ordonne à mes frères d'immobiliser le monstre pendant que Santos et moi nous approchons de Lucius. Mais celui-ci, sous nos yeux et alors que l'homme-sanglier éclate de rire, devient translucide et disparaît sous nos yeux !
Je me retourne alors vers le monstre qui est en train de se relever. Un geste en direction de mes frères qui comprennent et le chargent de leurs lances. Mais la créature est plus agile qu'elle n'en a l'air et dévie leurs coups avec aisance. Je fais un signe à Santos qui, d'une cabriole, saute par dessus le Horla et atterrit juste derrière lui. Je me saisis de mon poignard et vise la gorge.
Je sens ma lame s'enfoncer dans la chair morte de l'homme-sanglier. Mais celui-ci reste sans réaction. Alors que je fais tourner ma lame dans son cou, il me sourit. Mais quand Santos s'empare de lui pour l'étrangler, il se rebiffe et le projette sans effort par dessus son épaule. Nous voyons alors ces horribles tentacules refluer à l'intérieur de son ventre. Ses chairs se referment dans un dégoûtant bruit de succion. Il y a des hauts le cœur dans nos rangs et nous voyons une lueur de malice dans le regard du Horla.
L'homme-sanglier scande alors quelques mots dans ce que je soupçonne être la Langue Putride et lui aussi disparaît sous nos yeux mais... Il y a quelque chose, un livre. Un très vieux livre. Une sorte de grimoire. Aucun d'entre nous n'ose le toucher. Nous nous approchons assez pour voir le titre « Le Grimoire de la Bouche ». Nos regards se croisent encore. Santos esquisse un geste discret mais que nous percevons tous. Spontanément, nous détournons notre attention en direction du coin de la pièce de la pièce suggéré par Santos. Rien ! Quand nous posons à nouveau nos regards sur le livre, il a disparu ! J'adresse un sourire discret à Santos qui feint de ne pas comprendre.De retour dans nos quartiers, Santos et moi prenons mille précautions avant de manipuler ce livre démoniaque. Après l'avoir aspergé d'eau bénite et récité nos prières, nous nous décidons à l'ouvrir. Ce grimoire semble appartenir à un certain Balthus Malmort. En fait de récit, il s'agit plutôt d'une collection inachevée d'articles sur des sujets aussi divers qu'étranges. On y parle de Millevaux, de Horlas, de vampire. Mais aussi de choses que ni Santos ni moi ne comprennons. Qu'est-ce qu'un accréditation de niveau Indigo ? Qui est ce Yézédis ? Un membre de la famille de Corso ? Et ce Haze ? Et ce Dionysos ? Qui sont ces gens ? Que sont ces lieux ? Et parmi tous ces écrits mystérieux, nous trouvons les lettres que Corso nous a fait parvenir par le biais des forêts limbiques durant le siège des Horlacanthes. Que font-elles là  ?
Franky :
Je crois savoir comment faire pour obtenir des informations sur les projets de NoAnde. En fait, ce sera même plus facile et peut-être même plus agréable que prévu. Enfin, peut-être seulement. Le Vish évidemment ! Une dose me permettra de gagner la plage des cafards. Là , il me suffira de trouver l'objet-totem qui me permettra d'obtenir une vision primordiale. Ensuite, je saurai où aller et quoi faire.
J'aurais pu voyager jusqu'au monde des Cafards en abusant d'une de ces si jolies jeunes femmes arpentant les trottoirs de la Cité Volante. Certaines auraient même accepté de me suivre sans même que je ne propose de les payer pour ça. Mais le Vish me procure une autre sorte de satisfaction. Outre l'extase que me procure la drogue, je jouis aussi de savoir à quel point ce peuple que je déteste serait offusqué, outré, de me voir le consommer sans retenue.
J'absorbe le produit et mon corps se raidit. Tout mon corps. Je me retrouve sur la plage et je sais ce que je dois y trouver. Un livre. Un vieux grimoire. C'est le Grimoire de la Bouche. Et cette bouche, je dois la souiller ! Alors, elle me révélera ses secrets.
Une fois arrivée, je ne sais pas vraiment pourquoi mais je préfère me couvrir le visage. Je ne veux pas que les Cafards me voient. Je fais de mon mieux pour me fondre dans le décor et me comporter comme les autres esclaves. Comme eux, je ramasse des détritus mais j'espère y trouver au plus vite le Grimoire que je cherche.
Mais je ne le trouve pas.
Le temps passe. Si lentement que je perds toute notion de durée. Une minute, un an. Je ne fais plus la différence. Je ne perçois plus le cycle circadien. Je suis incapable de dire si un soleil se lève et se couche. Je ramasse des objets, constate que le Grimoire n'est pas parmi eux et les conduis à l'incinérateur. Et je recommence, inlassablement. Je sens ma volonté et ma conscience se diluer, se déliter. Et c'est quand j'ai l'impression de ne plus vraiment savoir qui je suis que j'entends derrière moi.
« NoAnde ? Tu es NoAnde, c'est ça ? »
Je me retourne.
« Non, pardon. Tu n'es pas lui. Tu lui ressemble, avec ta tête, mais tu n'es pas lui. Désolé ».
Je lui demande qui il est et me dit s'appeler Damon Haze. Je lui dis qu'il va m'aider.
Odd Olkvolg :
ODD OLKVOLG a fait un pari, celui de s'introduire dans cette gigantesque Cité Volante qui survole Millevaux. Mais, il ne s'agit pas seulement d'impressionner les autres Scélérats de sa communauté de voleurs et de pillards. Il agit aussi, et surtout, suite aux injonctions de son « fantôme », la belle et éthérée SiY. Il ne sait pas pourquoi mais un jour elle est apparue dans un coin de son champ de vision. Magnifique et, surtout, sans aucun vêtement. Ses propos ne sont pas toujours compréhensibles, ni même cohérents. ODD croit qu'elle est folle mais... elle se balade toute nue et elle ne lui a jamais menti. Alors, quand elle lui a dit qu'il devait absolument aller là haut et trouver un certain NoAnde à la tête de sanglier et bien... pas question d'hésiter. SiY sait forcément ce qu'elle dit !
C'est bien sûr sans problème qu'ODD, avec l'aide de SiY, a pu s'introduire dans la Cité Volante. En cela, il reste fidèle à sa réputation. Et il regrette un peu d'ailleurs que les autres Scélérats ne puissent assister à cette nouvelle victoire. Mais, déjà , SiY le guide à travers le dédale de avenues et de ruelles. Il se retrouve bientôt dans une des parties les plus sombres de la Cité, là où se trouvent les machines lui permettant de rester en l'air et de se mouvoir. SiY semble savoir où se cache ce NoAnde. Ainsi, ODD découvre rapidement sa planque. Mais, ce type ne vit pas seul. SiY insiste pour qu'ODD rentre tout de suite. Elle sait que NoAnde est absent et veut qu'ODD fouille sa chambre et ce malgré la présence de ses complices. D'après elle, ils sont nettement moins dangereux que lui. ODD examine la situation. De son pont de vue de Scélérat, la situation est des plus risquées. Quoi qu'en dise la jolie fantôme, la présence des complices de NoAnde est vraiment un problème, d'autant plus qu'il n'a aucune idée de leur puissance. Mais bon, il sait aussi qu'il peut compter sur son petit gabarit pour rentrer discrètement à peu près n'importe où. Sauf là ... Il est presque immédiatement repéré et pris en chasse par des types vêtus de longs manteaux de cuir. Ils portent aussi des masques à gaz ou des masques avec une sorte de long bec. ODD tente de les semer en espérant qu'ils n'ont pas vu son visage. En vérité, il espère bien pouvoir retenter le coup plus tard. Mais ces types ont l'air hargneux ! Allez, vu la situation, autant tenter un gros coup de poker ! ODD court dans le dédale de rues. Il tente de semer ses poursuivants tout en faisant en sorte de tourner en rond. Il espère en réalité revenir sur ses pas et avoir le temps de s'introduire dans la planque avant de se faire rattraper. Les autres penseront l'avoir perdu et ne penseront pas, du moins l'espère-t-il, à le chercher dans leur propre cachette. Mais, alors qu'il introduit une des lames de son kit de crochetage dans la serrure, une lourde main s'abat justement sur la sienne, lui tordant le poignet et brisant son outil au passage. ODD se retourne et lève la tête. Au dessus de lui, une silhouette massive dont le visage est masqué par la capuche d'une cape sombre.
Balthus Malmort :
C'est étrange. Incompréhensible, bizarre, mais... intéressant. À mesure que je me familiarise avec les rituels de NoAnde, je me sens de moins en moins soumis aux instincts de la Bête. Je ne parviens pas seulement à modifier certains aspects de mon environnement. Je sens que je contrôle la Bête aujourd'hui plus qu'elle ne me contrôlait jusqu'à présent. Je ne sais pas si je dois y voir un rapport de causalité, une simple coïncidence ou un effet de synchronie dont le sens m'apparaîtra peut-être plus tard mais de la même façon que la bouche de la Bête est devenu La Bouche, la couverture de mon vieux grimoire s'est lui aussi orné d'une Bouche quasi identique. Je ne doute pas que NoAnde aurait des réponses à ce sujet. Mais, je préfère rester dans une ignorance temporaire que de devoir lui poser la question. Pour autant, malgré toutes ces incertitudes et questionnements, je suis en paix. Pourtant, nous traversons des moments difficiles. NoAnde poursuit ses propres buts à l'aide de Lucius. Je suis sans nouvelle de Franky que j'ai lancé après lui. Et puis, je viens d'apprendre que Boots s'était fait capturer par des Exorcistes. Depuis que la Cité Volante stagne au dessus de Millevaux, nous nous sommes lancés dans une série de rituels en l'honneur de la Chèvre Noire afin d'étendre l'influence de la Forêt aux cieux. Pour cela, nous avons besoin de « préparer » certains lieux en vue d'une grande cérémonie que j'espérais prochaine. Mais avec l'arrestation de Boots, cela pourrait bien être compromis. Mais, là où le temps va peut-être malgré tout jouer en notre faveur, c’est que l'expédition est revenue avec cette « bonne » nouvelle qu'il y a de l'eau potable à proximité. Aussi, il me paraît très probable que la Cité reste encore en vol par ici quelques temps. Cela nous permettra de libérer Boots ou de poursuivre notre projet sans lui. En espérant qu'il ne dise rien. En tout cas, pour ce qu'on m'en a rapporté, cette arrestation fait beaucoup parler et ces Exorcistes viennent ainsi de rallier à leur cause une partie de ceux qui doutaient de la pertinence de leur présence ici. Jezabel Powl doit s'en réjouir, elle qui les a visiblement tant soutenus.
Spike N'Ger :
Herbodoudiab a beau m'arriver à la taille, il n'en est pas moins un chat et passe son temps à dormir. Mais ses rêves me sont bien utiles. Et quand il daigne se réveiller, l'espèce de bouche qui lui déchire le flanc gauche lui permet de me faire part en langue intelligible du contenu de ses songes. Intelligible mais pas toujours compréhensible. Avec le temps, toutefois, j'ai appris à comprendre certains symboles. Je sais par exemple que tout ce qui est méchant et mauvais lui apparaît sous la forme de scintillements vifs de couleur rouge foncée, orange ou parfois noire. Les humains lui apparaissent comme des boules ou des tourbillons dont la couleurs lui disent s'ils sont bien ou mal intentionnés envers les chats. Parmi les chats, Herbodoudiab est une sorte de Prophète, de devin. Partout où nous allons, quand il y a des chats, il tient des conférences et dispense ses bons conseils. Ce sont ces mêmes conseils qui nous ont conduit dans cette Cité Volante.
Je suis à la recherche d'une de mes anciennes partenaire, Nuancia. Je l'avais laissée au sein d'une communauté nommée Récifs. Elle voulait prendre du repos, en avait assez de cette vie de chasseur de Horlas. Mais quand j'ai voulu la revoir, on m'a dit qu'elle avait disparu. Herbodoudiab a alors invoqué ses Dieux – Phtar &Axlan, je crois – qui nous ont guidé jusqu'ici. Après nous être installés dans une auberge acceptant les animaux, et surtout ceux de cette taille, mon chat s'est mis à rêver. Alors en plein sommeil, sa Bouche m'a parlé. Il a vu des choses. Et ce n'était pas de bonnes choses. Une flamme noire ! Très mauvais signe. Dans la langue des chats, ce type d'homme s'appelle un Disséqueur. Ce sont les pires. Ils prennent plaisir à torturer et tuer des animaux. Et il y en a un ici. Et d'une façon ou d'une autre, il tourne autour du Nuancia.
Les exorcistes :
Santos et moi sommes en pleine lecture de cet étrange grimoire. Qui sont ces gens ? NoAnde, Paul Singer, Damon Haze ? Et pourquoi certains passages concernent Corso et Edes ? Qui est ce Roi-Volcan ? Et que signifie cette mention de Thot-Hermès ? Rien de bon assurément ! Je connais ce vampire de nom. C'est un des pires qu'on puisse trouver ! Et il serait donc le meurtrier du Doyen des Powl ? Comment et pourquoi tout ceci s'est-il retrouvé compilé dans cet ouvrage ?
En tout cas, plus que jamais nous devons nous activer. Il y a bel et bien un vampire ici. Et s'il s'agit de Thot-Hermès... Je n'ose y penser... Et Tad serait mêlé à tout ça ? D'une manière plus subtile que ce que nous avions pu envisager jusqu'alors.
Soudain, nous sommes tirés de nos réflexions par un frère qui nous annonce la capture d'un hérétique, d'un cultiste, d'un serviteur des Horlas. Après avoir rangé le livre avec soin, nous nous rendons dans la cellule où il est retenu. Pour l'heure, on a réussi qu'à apprendre son nom. Il se fait appeler Boots. À Santos et à moi d'en apprendre plus.
Nos frères nous apprennent qu'il a été trouvé dans les environs de l'Aérium. Des voisins avaient attiré l'attention des forces de l'ordre après avoir retrouvé plusieurs fois la même porte fracturée et les lieux souillés par du sang, des excréments et autres sécrétions d'origines organiques, humaines et animales. Je ne peux m'empêcher de jeter un regard dégoûté en direction de ce Boots qui me lance quant à lui un regard que je jurerais amical. Mais Dieu sait que je ne veux pas être l'ami d'un tel être ! Et je me fais fort de lui extorquer tout ce que nous devons savoir pour arrêter ses complices et mettre fin à leurs manigances.
Santos me connaît bien et voit que je brûle de le soumettre à la question. Il me retient et me rappelle que ce genre de serviteur des Horlas aiment à parler d'eux. Il ne sera peut-être pas besoin d'en venir à la torture. Aussi bien, il a refusé de parler jusque là à ceux qu'il considérait comme du menu fretin, mais s'il pense que nous sommes vraiment des frères et maîtres important dans notre hiérarchie, il voudra sûrement nous impressionner en nous révélant une partie au moins de ses plans. Je laisse alors Santos débuter l'interrogatoire.
Santos commence en rappelant simplement les faits. Il lui signifie également qu'étant en connaissance de son identité, nos frères et maîtres ont déjà remonté une partie de la piste menant à ses complice. Pieux mensonge. Il parlera et nous remonterons effectivement cette piste. Toutefois, Santos veut en savoir plus sur ces buts. Boots part alors dans une logorrhée incompréhensible. Je crois reconnaître certains mots de la Langue Putride. Mais Santos et moi ne pouvons nous empêcher de nous regarder quand il parle du Roi-Volcan. Il se lance ensuite dans de sinistres imprécations à Shub'Niggurath. On dirait qu'il est fou mais quelque chose dans son regard me laisse penser qu'il se moque de nous. Pourtant, comment peut-il avoir évoqué le Roi-Volcan ? Ce ne peut être qu'une simple coïncidence ?
Santos me paraît quelque peu pris au dépourvu et ne parvient plus à l'arrêter. Aussi, je tente de les stopper en lui demandant tout simplement où trouver NoAnde. Il s'arrête net et me regarde d'un air dédaigneux. Il reprend son monologue mais je sens qu'il tente là de retrouver une certaine contenance. En réalité, je suis convaincu qu'il ne cesse de parler précisément pour ne pas nous laisser l'opportunité de lui poser plus de questions et lui soutirer les réponses dont nous avons besoin. Alors, je m'empare d'un couteau à large lame que j'examine de manière ostentatoire. Mais, il éclate alors de rire et reprend ses imprécations à la Chèvre Noire. Dans son baragouinage en Langue Putride, je reconnais le nom de Damon Haze. Pourtant, là , je ne lis plus la même défiance dans son regard. J'ai le sentiment qu'à ce moment précis il est réellement possédé. Mais par qui ?
Alors que je m'empare d'une Bible, d'un crucifix et d'une fiole d'eau bénite, je fais un signe de tête à Santos qui comprend tout de suite où je veux en venir. Nous devons savoir qui nous parle par l'intermédiaire de Boots.
Santos se met à chanter la Gloire de Notre Seigneur. Je m'approche en brandissant devant moi le crucifix et somme ce qui habite Boots de décliner son identité.
« Vous vouliez savoir où est NoAnde ? Et bien je suis là  ! Vous pouvez tuer cet imbécile. Il ne me sert à rien ! Vous voulez connaître nos objectifs ? Mais bien sûr ! Nous allons répandre Millevaux à travers le monde, à travers les mondes et l'Hommonde ! Nous allons désintégrer son cadavre et ce sera la mort définitive et irrémédiable de tout ce qui vit à tout jamais ! Et vous aurez un avant goût de la catastrophe quand cette ridicule Cité Volante s'écroulera, soumise à la Forêt, à la Terre et à Shub'Niggurath. Tuez-le ! Tuez Boots ! Vous ne nous arrêterez pas, jamais ! »
Et alors, sous nos yeux, les chairs de Boots se mirent à se déformer. Ses rires se craquelèrent et se transformèrent en hurlements. Les os de son crâne se brisèrent et se reconfigurèrent afin de donner à celui-ci la forme d'une... clé ? Et son épaule gauche se mit à enfler et enfler. Sous la peau, on voyait quelque chose rougir. On devinait les vaisseaux sanguins, les os. Puis la peau se déchira et un torrent de feu et de lave en fusion se déversa sur le sol.
Nous nous regardons avec Santos, stupéfaits. À nos pieds gît le corps méconnaissable de Boots, une clé géante à la place du crane. Cela n'a aucun sens. Est-ce vraiment NoAnde qui nous a parlé ou autre chose qui s'est moqué de nous ?
Je... J'ai besoin d'une pause, de faire le point...
Franky :
Ce Haze connaît NoAnde. Enfin, il croit le connaître. Il m'avoue ne plus être sûr de rien. Il ne sait même plus depuis combien de temps il est coincé là . Il me dit savoir comment partir mais quelque chose le retient. Il a l'air d'avoir peur et au-delà de cela, j'ai l'impression que son séjour ici lui a ôté toute volonté. Mais j'ai pourtant envie de le croire quand il me dit qu'il sait comment partir. Il est fort probable qu'il ait été initié par un autre passeur. Il pourrait ainsi me permettre de rentrer. Mais j'avoue être embêté à l'idée de lui céder mon cœur. Mais s'il le faut. Après tout, en ai-je vraiment besoin ?
Mais pour l'instant, je dois trouver ce maudit Grimoire et lui fourrer ma queue dans la Bouche. Là , il me révélera ses secrets ! Je décris l'objet à Haze qui pense l'avoir vu quelque part mais ne se rappelle pas vraiment où. Je le secoue par les épaules et songe qu'il a intérêt à vite se rappeler s'il ne veut pas que je lui fasse remonter ses souvenirs en poussant par le fond !
« La répétition est une forme de changement. »
Je ne comprends pas pourquoi il dit ça. Je le fais répéter. Lui non plus ne comprend pas.
La répétition est une forme de changement. Répètes encore, lui dis-je.
Et il obéit, encore et encore...
« La répétition est une forme de changement. »
« La répétition est en forme de changement. »
« L'art est pétition et en forme de chant, je mens. »
« L'arrêt pétition, es-tu une forme de changement. »
« La répétition est une forme de changement. »
« Le chant est l'art de celui qui ment ? »
Le chant et le mensonge. Pourquoi ça me parle ? J'ai déjà vu ça quelque part ! Où ?
La bibliothèque de NoAnde ! Les Chants Dhols ! J'ai vu ce livre chez lui. Mais il me faut avant tout le Grimoire avec la Bouche. Je ne peux plus attendre. Je m'empare de la main de Haze et le force à me branler. À mesure que l'orgasme monte, je descends dans ses pensées à la recherche de l'endroit où il a vu le livre. La volonté de Haze est à ce point atomisée par son séjour ici qu'il ne songe même pas à se défendre. Alors, je vois l'endroit.
Je me répands sur ce sol recouvert d'immondice et fonce vers le grimoire. Il n'est pas loin. Je le sais. Haze l'a vu et je l'ai vu aussi !
Je m'empare du livre. Il y a effectivement cette énorme et grotesque bouche qui en défigure la couverture. Je m'enfonce dedans et exécute de violents va-et-vient. Tout au fond, je sens les petites lettres imprimées. Ça parle de NoAnde, de Haze, de plein de choses et même... de moi ! Je viens ! Je vais rentrer ! Non ! Pas chez moi ! Pas dans la Cité Volante ! C'est à Montségur que Haze doit me renvoyer. Je vais lui laisser mon cœur en gage et il va m'envoyer là -bas. C'est là -bas que je dois me rendre !
ODDÂ :
Se faire capturer est aussi un moyen de pénétrer une place forte ! ODD est bien sûr convaincu que SiY ne l'a pas abandonné mais il aimerait quand même que son soutien soit plus « concret » à cette heure car il se sent quand même très mal parti. La poigne qui lui enserre le bras est des plus fermes et, quand il tente de discerner les traits de son agresseur, il a l'impression de reconnaître... un énorme groin ! Où est-il tombé ? Dans quel guêpier SiY l'a-t-elle fourré ? Pour l'instant, il se laisse sagement conduire. Il verra bien où cela mène. De toute façon, il ne compte pas partir sans avoir fouillé les affaires de ce NoAnde. Est-ce lui d'ailleurs ? Pour l'instant, il n'ose rien dire. On le conduit dans un sous-sol dont le plafond est constitué d'une succession d'arcades. ODD distingue un lutrin sur lequel est disposé un énorme grimoire. Il s'adresse une note à lui-même comme quoi il lui faudra penser à le prendre avant de partir car il a certainement de la valeur. En tout cas, pour l'instant, il a l'impression de se retrouver dans le repaire de quelque secte vouée au culte de divinités malveillantes. S'agit-il d'adorateurs de Horlas ? En attendant d'en savoir plus, il prend des notes mentales concernant la configuration des lieux. On lui fait suivre plusieurs couloirs des plus étroits. On dirait le réseau d'une gigantesque toile d'araignée. Il y a vraiment de quoi se perdre. Mais, finalement, on l'enferme dans une toute petite pièce. La question est maintenant de savoir s'il y a quoi que soit d'utile dans tout ce capharnaüm. Des bijoux sans grande valeur tout d'abord. Quelques fioles et petites bouteilles remplies de liquides colorés. Mais surtout... un livre ! « La Quête de l'Ange-Paon de Yézédis », par un certain Jone King. Étrange. Mais maintenant, il faut sortir. ODD examine la serrure. Même sans ses instruments de crochetage, il devrait y arriver. Et s'il n'y arrive pas, c'est vraiment qu'il n'est plus le meilleur ! Mais... il est toujours le meilleur !
Spike N'Ger :
Et me voici errant dans les rues et avenues de cette incroyable cité volante. Les rêves d'Herbodoudiab ont leurs limites. Maintenant, je dois me débrouiller par mes propres moyens pour retrouver la trace de Nuancia. J'accoste donc les passants un peu au hasard et leur fais une description de mon ancienne partenaire. L'ont-ils vu ? Savent-ils quelque chose à son sujet ? Cette cité est gigantesque et récolter des informations est tout sauf facile. Mais je suis têtu et finis par obtenir quelques renseignements après des heures épuisantes à arpenter les rues et les passerelles de la Cité Volante. Quelqu'un ressemblant vaguement à Nuancia a été aperçu dans les quartiers inférieurs, du côté des machines centrales. Mais, la description qui m'est faite me laisse un arrière-goût bizarre. Oui, la jeune femme qui a aperçu Nuancia la reconnaît dans ma description mais elle y ajoute des détails inquiétants. Un visage scarifié. Une bouche contrefaite. Des gardes du corps vêtus de noirs et portant des masques. Toutefois, outre des inquiétudes, j'ai un nom : le Grüneblaue. Ce serait un endroit où Nuancia a été vue plusieurs fois accompagnée de sa nouvelle clique. Ou de ses ravisseurs... Après être repassé par ma chambre et constaté qu'Herbodoudiab dort encore, je m'octroies moi aussi un peu de repos et repars. Je trouve facilement cet établissement. C'est une sorte de taverne à la décoration très sombre et un peu gothique. La clientèle est à l'image de la salle. Sombre ! La majorité des clients portent effectivement des vêtements de velours ou de cuir noir. Certains portent aussi des masques à gaz ou de théâtre peints en noir. Discrètement, je longe le mur sur la gauche et, tout en me dirigeant vers le bar, j'observe la clientèle. Et si elle était parmi eux ? Je m'approche du bar et fais signe au serveur. Avant même que je ne formule ma commande, il fait glisser sous mon nez une chope remplie d'un liquide bleu-vert dégageant une odeur étrange. Le plus discrètement possible, j'observe cette femme entourée de toute une petite cour d'hommes en noir. Le bas de son visage est caché par une épaisse écharpe de velours noir. Mais, pour autant, elle laisse apparaître quelques unes des scarifications décrites par mon témoin. Je reconnais bien certains traits de son visage, ses cheveux. Mais il y a quelque chose dans son regard qui m'inquiète. Je ne sais pas si elle m'a vu ; si tel est le cas, elle n'en a rien laissé paraître. Ou alors, est-il possible qu'elle ne m'ait pas reconnu ?
Balthus Malmort :
Pour l'instant, on dirait que tout se passe bien. Certes, Boots s'est fait capturer mais j'ai assez confiance en lui pour être sûr qu'il ne parlera pas. De plus, à force de fréquenter le Grüneblaue, j'ai pu cerner le profil des habitués les plus malléables. Maintenant, s'il m'est difficile de sortir sans escorte, nous sommes tous à l'abri du besoin puisque tous ces sots mettent un point d'honneur à remplir nos caisses de leur or. Et en échange, il me suffit de les autoriser à participer aux orgies rituelles des Soars. Je dois garder à l'esprit que ce Spike est peut-être sur nos traces. Je dois aussi rester vigilant quant à ces exorcistes qui fourmillent dans les rues. Mais j'ai confiance en l'avenir. Malgré les disparitions de Boots et Lucius et bien que NoAnde poursuivent ses propres plans, je ne doute pas une minute de la réussite de notre entreprise. Nous allons répandre Millevaux. Ici, la Forêt va connaître une poussée expansionniste sans précédent pour la plus grande gloire de Shub'Niggurath. Et ce n'est pas une poignée de prêtres qui va nous en empêcher. Dans la rue, on dit qu'un groupe obscur gagne en puissance ? Ils ne savent pas à quel point ils ont raison. Mais autant ils savent que nous existons, autant ils ne savent rien d'autre et surtout pas comment nous arrêter !
De houleuses discussions animent la Cité Volante en ce moment. Un membre des Andes tente d'accroître l'influence de sa famille. Mais, ce dont personne ne se doute, c'est que nous sommes derrière toutes ses manigances. S'il accède au pouvoir à la place de Jézabel Powl, c'est nous qui seront aux commandes de la Cité. Les exorcistes, les Corsos et bien entendu les Powl tenteront de nous arrêter. Mais je suis immortel. J'avance ainsi mes pions. Même si cette offensive devait échouer, le temps joue en ma faveur et nous vaincrons. Shub'Niggurath vaincra et Millevaux se répandra à travers les restes de l'Hommonde. J'ai raison de me montrer prudent. Pour autant, force est de constater que les débats que suscitent cette tentative de prise de pouvoir par le Ande a pour conséquence immédiate de gêner les exorcistes dans leurs investigations. Je ne peux que m'en féliciter. Parallèlement, je n'ai pas aimé la façon dont cet homme m'a fixé du regard au Grüneblaue. Et s'il était lié au passé du corps que j'occupe ? Je n'avais jamais pris le temps ni la peine de creuser sa mémoire mais peut-être aurais-je des réponses en le faisant ?
Elle s'appelait Nuancia. Elle a perdu son enfant à cause des Horlas. Elle est donc devenue chasseur de monstres aux côté de cet homme : Spike N'Ger !
Lucius Salinger :
Où suis-je ? Le Cruel Centipède vient de libérer mon visage. J'ai l'impression de respirer à nouveau. Je me sens bien mais je n'ai aucun idée d'où je suis. Autour de moi, quelques tombes. Je regarde les dates. La plus récente date de 1242. Qu'est-ce que ça veut dire ? Au vue des manigances de NoAnde, la question n'est peut-être pas tant de savoir où je suis mais quand ! Quel tour m'ont joué le Soar et le Centipède ?
Chose étrange, le Cruel Centipède a changé de forme. Il est devenu une sorte de liquide noir au fond d'une fiole en verre fumé. Je ne cherche plus à comprendre. Je dois maintenant en savoir plus sur là et quand je me trouve. Si je suis là , c'est que le De Vermiis Mysteriis doit s'y trouver aussi. Dès que j'aurai mis la main dessus, il faudra que je trouve un moyen de rentrer.
J'ai mis la main sur une robe de bure. Je me suis ainsi mêlé à la population de cette place forte. Elle porte le nom de Montségur et se veut un bastion Cathare. Je ne sais pas trop ce que c'est. Une sorte de religion. Une variante de la religion officielle qui ne plaît pas à tout le monde. Pourtant, c'est gens m'ont tout l'air d'être des femmes et des hommes bons. C'est d'ailleurs ainsi qu'ils se nomment eux-mêmes : les bonnes femmes et les bonshommes. Ils mènent là une vie simple même si, à ce que j'ai cru comprendre, certains au moins d'entre eux considèrent que cette Terre est l'Enfer. Je ne peux m'empêcher de penser à l'enfer qu'est Millevaux. Ces Cathares savent-ils quelque chose au sujet de Shub'Niggurath, de la forêt et des Horlas ? Je vais tenter d'en apprendre davantage.
Je sais maintenant que je suis en 1242, en France. Un inquisiteur a été assassiné.
Un an plus tard... que s'est-il passé ? Montségur est assiégé par les forces de l’Église catholique suite à l'assassinat de l'inquisiteur. Mais les Cathares tiennent bon. Nous ne manquons en réalité de rien, pour l'instant. Ce soir, d'ailleurs, l'ambiance est festive. J'entends les notes d'une musique pleine d'entrain. Mais je ne mêle pas à la fête. Depuis que je suis là , j'ai eu le temps de mener mon enquête. À défaut de trouver le De Vermiis Mysteriis ou un moyen de rentrer chez moi, j'ai au moins trouvé les traces d'un culte rendu à Shub'Niggurath. En effet, depuis mon arrivée, des cérémonies se sont tenues au rythme d'un cycle bien précis en vue de « préparer » certains lieux à un rituel de plus grande importance. Mais je ne sais pas du tout lequel. Et je ne suis pas encore parvenu à identifier quelque membre que ce soit de cette congrégation. Je n'ai osé m'ouvrir à personne de mes recherches. Je me fais le plus discret possible, convaincu qu'on s'apercevrait très vite que je n'ai rien à faire ici. Aussi, je me débrouille seul.
Ce soir, je pense avoir une idée de là où devrait se dérouler le prochain rituel. J'espère ne pas m'être trompé. J'ai transposé quelques unes des connaissances ésotériques et alchimiques acquises auprès de NoAnde pour tenter de déterminer le lieu et le moment les plus propices à une cérémonie en l'honneur de Shub'Niggurath. Il n'est pas possible de quitter Montségur pour gagner la forêt mais je pense que certaines parties des sous-sols de la forteresse sont autant de lieux propices.
Le temps passe et un groupe d'hommes et de femmes se regroupent. Ils sont nus sous leur cape. Ils portent des masques représentant les uns des porcs, les autres des chats. Celui qui joue le rôle de maître de cérémonie ne porte en guise de masque qu'un loup. Sa bouche est déformée par deux horribles cicatrices qui lui barrent le visage. Après avoir invoqué les noms de la Chèvre Noire et de la Mère aux Milles Petits, ils se livrent à des actes obscènes et cruels. Ils répandent ça et là du sang, des excréments et d'autres matières malodorantes. Cela dure des heures. Je m'approche discrètement, mais pas assez...
Deux hommes portant des masques de porcs se saisissent de moi. Ils sont nus, recouverts de sang et de merde. Mais il y a quelque chose d'encore plus repoussant dans leur façon de se tenir et de bouger. J'ai le sentiment que ce n'est pas... humain de bouger comme ça. Et je crois que cela me dégoûte encore plus que leur apparence et leur odeur. Ils me conduisent devant leur chef. Cette bouche me rappelle Trybelhe et j'ai peur de ce qu'elle va me dire.
Spike N’Ger :
Cette femme n'est pas Nuancia. Elle se fait appeler Trybelhe. Elle est pourtant bien la femme que je connais mais... Et ce ne sont pas seulement ses cicatrices qui me font douter, ni même qu'elle ne semble pas me reconnaître. Il y a quelque chose dans son attitude, comme si elle n'était pas elle-même, comme si elle était... possédée ? Oui, c'est certainement ça. Elle doit être possédée par un esprit ou un Horla. Serait-ce le Disséqueur dont m'a parlé Herbodoudiab ? Je quitte le Grüneblaue aussi discrètement que possible. J'espère ne pas avoir attiré l'attention et que personne ne me suit. Mais, je connais divers moyens de m'assurer de ne pas être l'objet d'une filature. Et il se trouve que c'est le cas. Si la chose qui a pris possession de Nuancia a vu en moi une menace, elle n'a pas cru bon d'envoyer un de ses sbires après moi. Une fois dans ma chambre, je m'apprête à consulter mon Recueil des Monstres et Horlas afin d'y trouver des informations sur la créature qui s'est emparée de mon amie. Mais Herbodoudiab est réveillé et il a visiblement quelque chose à me dire. Je sens qu'il ne va pas bien. Il se frotte contre moi et manque de me renverser. Je repose mon livre avant même de l'avoir ouvert et le caresse afin de le rassurer. Il se met à ronronner. La bouche sur son flanc articule d'une voix tremblotante. : « J'ai peur de dormir. Reste près de moi. J'ai vu un soleil grimaçant. Les adorateurs du Roi-Volcan nous menacent. Le Roi-Volcan... Je crois que c'est une autre forme du Soleil. L’œil de Râ nous observe et menace nos vies. Le mal est plus important que ce que je croyais. Mais nous avons des alliés ici même. Il y en a un qui joue sa vie à pile ou face. Lui aussi combat le même mal que nous. Ce mal protéiforme, polynomal. Ce mal qui ne sait même pas qu'il est pluriel. J'ai sommeil, Spike... Reste avec moi s'il te plaît... » Je continues de le caresser d'une main. Il pose sa lourde tête sur mon giron tout en continuant de ronronner. Je le bouscule un peu afin de pouvoir m'asseoir sur le lit. Je l'invite à grimper à côté de moi. Alors, il s'endort enfin et je reprends mon Recueil. Là , je crois trouver la réponse à ma question. Nuancia pourrait fort bien être possédée par ce type de Horlas qu'on appelle Vampire.
ODDÂ :
Le Meilleur, certes, mais perdu! SiY l'a envoyé ici afin de trouver NoAnde, ou au moins des informations le concernant. Elle est un fantôme. Elle doit forcément pouvoir faire quelque chose pour lui, même ici. Si elle a pu remonter la trace de ce type jusqu'ici, elle doit bien pouvoir trouver un moyen de le guider dans cet dédale avant qu'on ne lui tombe dessus. Allez, il se concentre et tente d'attirer l'attention de SiY. En réalité, il ne doute pas vraiment de capter son attention car il est convaincu qu'elle l'aime bien. Et on dirait qu'il a raison car le joli fantôme lui apparaît. Elle lui fait signe de garder le silence et la suivre. Maintenant face à une porte close, il voit Si passer au travers. Mais... et lui ? Il n'a plus son kit de crochetage. Comment entrer ? ODD soupire. Cela ne l'enchante guère mais il ne voit pas d'autre solution à part tenter de défoncer la porte. Il espère vraiment ne pas s'être démi l'épaule, ni avoir attiré l'attention. En tout cas, les gonds de la porte ont cédé. Il se masse son épaule douloureuse, regarde autour de lui au cas où quelqu'un viendrait et... Oh non!!!
Tad Corso :
Je ne suis pas arrivé en 1244 comme je le pensais mais en 1242. Bien plus tôt, donc. J'ai ainsi eu l'occasion d'assister au meurtre de cet inquisiteur qui a déclenché le siège de Montségur. De l'intérieur, j'ai eu tout le loisir d'observer ces cathares que les miens, les anges, à l'extérieur, vont s'évertuer à massacrer. Et je doute. Oui, leurs manières de croire et adorer notre Seigneur dévient du dogme en vigueur. Oui, ils n'aiment pas Dieu comme nous le voulons. Mais sont-ils mauvais pour autant et méritent-ils de mourir? À voir ces hommes, ces femmes et ses enfants, je doute. Au début, j'ai pensé quitter la place forte et rejoindre mes frères parmi les assiégeants. J'ai ensuite songé à leur prêter main forte de l'intérieur. Maintenant, je me demande si je ne devrais pas mieux tenter de calmer leur courroux. Et si c'était pour cela que Dieu m'avait envoyé ici?
Presque un an plus tard, le siège dure toujours. Je n'ai pas pris de décision quant à ma conduite à venir. Et ces Cathares ne perdent ni l'espoir, ni la foi. Et s'ils avaient raison? Et si cet Enfer qu'ils voient sur Terre était une vision de Millevaux à venir? Et si leur façon de croire avait permis d'éviter tout cela? Si le Catharisme était une solution à Millevaux?
Mais les choses sont plus compliquées qu'il n'y parait. Les Cathares ne sont pas les seuls hérétiques en cette place. J'ai découvert, dans les souterrains, des traces de rituels maléfiques en l'honneur, je présume, de Shub'Niggurath ou quelque autre avatar de ces divinités morbides. Je ne me suis pas encore décidé à passer à l'action mais peut-être devrais-je contacter mes frères anges non pas pour attiser ou éteindre leur colère envers les Cathares mais plutôt pour mettre fin à ce culte. Mais je dois en savoir plus.
Le son de l'acier contre l'acier me tire de mes pensées. On se bat à l'épée non loin de moi. Je me lève et réajuste la cape qui dissimule mes ailes rouges sang, ou plutôt celles d'Edes à qui je les ai volées.
Qui se bat? L'un des deux a la tête recouverte d'un heaume. Il se bat avec une canne de fer et non une épée. Il tente de protéger une fiole contenant un liquide noir. L'autre a le visage marqué par la petite vérole. Lui, par contre, a une épée. Je suis frappé aussi par ses canines proéminentes. Malgré sa pâleur, il dégage quelque chose de flamboyant. Il y a de la frénésie dans ses attaques, dans son regard. Je ne me peux m'empêcher de penser qu'il s'agit là , comme moi, d'un être surnaturel. Mais pas comme moi. Pas un ange. Non! Plutôt un démon. De Samigina peut-être? Ou un Horla? Je reste dans l'ombre et observe. Qui prend l'avantage?
L'homme au heaume, après avoir été contraint à reculer, reprends du poil de la bête et du terrain sur celui que je pense être un monstre. Il le jette à terre et, se jetant sur lui à sa suite, commence à l'étouffer en écrasant sa barre de fer sur gorge.
J'ai toujours avec moi mon marteau de guerre millevalien et cette épée-démon récupérée Dieu seul sait quand dans la forêt. Je serre la poignée de l'épée et presse le démon de m'en dire plus. Cet homme pâle est-il un des siens? La lame reste muette. Je la secoue. Surgit alors dans mon crâne l'image d'un soleil grimaçant. Qu'est-ce que ça veut dire? Que le soleil est une menace ? Pour qui? Cette créature ou moi ? Parle, lame maudite ! Je vois... L’œil de Râ! Le symbole des pharaons d’Égypte. Mais aussi de Nyarlathotep, le Pharaon Noir et le messager des Dieux Anciens. Et je comprends que la lame ne me parle pas car elle est muette de... peur!
Oui, cette chose est bien un démon de Samigina. Un vampire! Mais ce n'est pas lui que je dois craindre. C'est l'autre! L'homme au heaume. Le serviteur de Nyarlathotep et des Anciens. Je relâche ma lame. Dans son état, elle m'est inutile. Je m'empare de mon marteau de guerre et m'en vais prêter main-forte au... démon!
Je jaillis de l'ombre, marteau levé et l'abats sur le crâne de mon adversaire. Il s'écroule sur le coup, inconscient. Je lance un regard glacial au démon qui comprend qu'il doit rester immobile et silencieux. Je retire le heaume. Dessous, une tête de porc. Cette chose est un Soar ! Je souris à l'idée de ce qu'il aurait fait subir au vampire si je n'étais pas intervenu. Je le fouille et récupère la fiole. À l'intérieur, bien que liquide, je reconnais le Cruel Centipède.
Ce vampire peut-il m'être d'une quelconque utilité? À part me dire ce qu'il fait là et si Satan a une quelconque projet pour les Cathares... Je m'approche de lui, me baisse à son niveau et attends la réponse. Je souris car le vampire est mort de peur. Non, Satan n'a pas de plan particulier concernant les Cathares. Lui ne s'est retrouvé ici que par hasard, pour se nourrir. Et maintenant, il est coincé, ne pouvant sortir sous peine de tomber entre les griffes des anges qui attendent dehors. De même, il ne sait rien concernant cette créature à tête de cochon mais il en a déjà vu à Montségur. Il n'y a pas que des Cathares ici. Quelque chose de bien plus grave se prépare. Le vampire connaît quelques uns de leurs lieux de réunion. Bien, cela me sera utile. J'explique ensuite au vampire comment je vais le libérer et lui permettre de quitter Montségur. Il n'a pas le temps de crier…
Herbodoudiab :
C'est terrible! J'ai peur de dormir. J'ai dû m'abaisser à demander à mon humain de rester près de moi pour pouvoir céder au sommeil. Et, pour la première fois, j'ai espéré un sommeil sans rêve.
Je sais qu'il y a un Disséqueur dans cette Cité. Je sais qu'il y a des monstres, une menace bien réelle et bien plus importante que tout ce que nous avons combattre par le passé Spike et moi.
Dans quel pétrin s'est fourée Nuancia? Dans d'autres circonstances, j'aurais été tenté de la laisser se débrouiller mais là ...
Spike a fini par s'endormir sur son grimoire. Rêve-t-il? Peu importe en vérité. Son sommeil m'a réveillé. Et je ne veux pas dormir s'il ne veille pas sur moi. Je me lève, saute du lit et, d'un coup de patte, ouvre la porte de la chambre d'hôtel.
Dans la rue, personne ne me prête attention. Pourtant, je ne suis pas un chat ordinaire. Je suis un chat millevalien, ce que les gens d'ici appellent un “mutant”. Et surtout, je suis un Tigre-Rêvant. Cela devrait m'attirer leur respect. Mais j'ai l'impression qu'ils sont préoccupés par d'autres choses.
L'agitation règne dans les rues. Nous ne sommes pas les seuls chasseurs de monstres ici. Les Exorcistes et Inquisiteurs sillonnent les rues. Traquent-ils la même menace que nous? Sont-ils sur les traces du Disséqueur?
D'ailleurs, comment m'assurer que Nuancia est bien le Disséqueur que je crois?
Spontanément, j'ai fait ce rapprochement et j'ai « invité » Spike a en faire de même mais... il est après tout possible que le Disséqueur ne soit pas tant la chose qui habite Nuancia aujourd'hui mais autre chose agissant dans l'ombre.
Et si je suivais ces Exorcistes ?
Quel est cet étrange bâtiment ? Une... léproserie ? Que viennent-ils faire là  ?
Les exorcistes :
Alors que les Exorcistes continuent à traquer le mal dans les rues de la Cité Volante, Santos et Quantus se sont retirés afin d'étudier cet étrange Grimoire sur lequel ils ont mis la main.
Outre les lettres que Corso leur avait fait parvenir lors du siège des Cœlacanthes, il y a là toute une collection de textes aux significations les plus bizarres.
Ainsi, le premier est l’œuvre d'un certain SiAber de la famille Ande. Il traite d'Edes Corso. Mais, à sa lecture, les exorcistes comprennent vite qu'il ne s'agit en rien des familles régnantes ici même. Peut-être est-ce un texte très anciens datant d'avant la construction de la Cité Volante ? Peut-être qu'à cette époque, les familles Andes, Corso et Powl formaient déjà le noyau dur de leur communauté et vivaient près de cette pyramide qui est évoquée comme la résidence des Horlas et des Cœlacanthes. Mais surtout, qu'est-ce que ce Méta-Monde que SiAber prétend avoir gagné ?
Le second texte, relatif à la Prison du Roi-Volcan, évoque aussi ce fameux SiAber. Mais pas seulement ! Il parle aussi de Haze et de Dionysos. Qui sont-ils ? Qu'est-ce que cet hôpital ? Qui est le Patient 13 ? Et qui est ce Roi-Volcan ? Le grand prêtre d'un culte hérétique ? Pourtant, il affirme avoir subi les assauts de Shub'Niggurath et Millevaux.
Le troisième texte parle de la mort d'Eloïm Powl mais... il n'est pas mort. Il était au contraire un des prétendants à la succession d'Aaron Powl. Et qui est ce Dorso qui l'aurait tué ? Est-ce l'assassin d'Aaron ?
Le texte suivant n'a plus aucun sens pour les deux exorcistes. Il raconte comment un homme a été pris de violence et s'est pris pour... Tad Corso après avoir lu un roman. L'homme a parlé du Roi-Volcan et du 13ème jour du 13ème mois. Il y a certainement un rapport avec ce Patient13.
Jone King serait donc l'auteur de ce roman qui rend fou. Mais pourquoi en se prenant pour Tad Corso ? Comment l’auteur peut-il le connaître et pourquoi en faire un personnage de roman ? Et, comment peut-il évoquer Millevaux de cette façon ? Il en parle comme du simple théâtre d'une histoire pour faire peur. Mais... Il s'agit du monde ! Le voyage de Corso n'est pas une histoire. C'est la réalité. Et elle n'a jamais rien eu à voir avec cet Ange-Paon de Yézédis ! Et qu'est-ce que NoAnde vient faire là -dedans ? Car c'est bien lui qu'ils ont surpris dans cette chambre. Cet être horrible à tête de porc ! Comment ce Jone King peut-il faire de leurs vies une simple histoire ? Et pourquoi y ajouter ces éléments étranges ? Puis, Quantus a une illumination. Jone King, Jone Roi, Jaune Roi, le Roi en Jaune... Hastur l'indicible. L'article se conclut d'ailleurs ainsi : « Mon vrai nom... On ne peut pas le dire. Il ne doit pas être dit. » Cela expliquerait pourquoi on raconte plus tard que ce roman est maudit...
Le dénommé Haze serait l'auteur de l'article suivant. Il s'adresserait à ... Edes Corso ? Mais laquelle ? Ce grimoire semble faire état de plusieurs Edes justement. Mais il parle aussi de Gargouilles semblables à celle qu'a affronté Tad Corso lors du siège des Cœlacanthes. Et on en apprend un peu plus sur ce Yézédis. Il serait doté d'un groin lui aussi. Serait-ce un homme-porc comme NoAnde ?
Un autre fragment parle de Dionysos. Il parle de mort, de vie, de putréfaction et, encore une fois, d'un cycle qui se répète. Et le suivant parle encore de ce Haze qui serait mort, disparu en tout cas. Serait-ce dans les circonstances décrites plus haut ?
Ce Thot-Hermès dont il a déjà été question apparaît ici comme l'assassin d'Aaron Powl. Il ne s'agirait donc pas de ce fameux Dorso ? Mais ces deux textes parlent-ils vraiment de la même chose. Dans l'un, c'est Eloïm qui est assassiné ?
Puis il y a de nouveaux une référence à l'Hôpital. Cette fois, le texte précise les liens unissant Dionysos à ce qui est appelé « la Bouche ». Le texte laisse entendre qu'il y aurait plusieurs hôpitaux. Un à Millevaux et un autre dans cette Cité Bleue. Mais où est-elle ?
Des notes attribuées à Haze évoquent une fois de plus Corso. Cette famille s'adonnerait à la magie ? Mais dans le plus grand secret alors... A moins que ce soit une allusion aux pouvoirs angéliques de Tad. Comment savoir ? Et surtout, comment l'auteur de ces notes peut le savoir ? Et pourquoi encore une allusion à NoAnde ? Comment Corso et NoAnde peuvent-ils être liés ? Corso n'en a jamais parlé. Il ne semble pas connaître ce monstre. En tout cas, ce NoAnde est entré en possession d'une sorte de passe qui en fait quelqu'un de vraiment dangereux.
Le texte suivant serait l’œuvre de Haze. Il parle pourtant d'un sujet beaucoup plus familier puisqu'il fait l'état des lieux des connaissances relatives à ces Horlas qu'on nomme aussi « vampires ». Les stigmates dont il est question pourraient être ceux attribués à ce Yézédis. Cet Ange-Paon pourrait-il être un vampire ? Et Thot-Hermès ? Et s'ils devaient chercher un vampire ici même ? Qui serait affublé de tels stigmates... ou d'autres ? En effet, il apparaît que sous l'influence de l’Égrégore, les stigmates varient d'un Horla à l'autre. Où pourrait se cacher un être défiguré par la malédiction d'un Horla ? Un hôpital évidemment ! Mais pas n'importe lequel. La léproserie de la Cité Volante !
L'article suivant confirme la dangerosité de NoAnde qui serait en possession non seulement d'un « passe » mais surtout de biens des ouvrages impies. Et il semblerait qu'il soit à la recherche d'un exemplaire du De Vermiis Mysteriis. Est-il possible qu'un tel exemplaire se trouve ici, à la Cité Volante ?
Le dernier texte va lui aussi dans le sens de l'existence de plusieurs mondes et de plusieurs Millevaux. Finalement, peut-être qu'il y a des Andes, des Corso et des Powl dans chacun. Et d'ailleurs, ce NoAnde pourrait très bien être issu d'une des familles Ande. Mais de quel monde ? Son « passe » et ses rituels pourraient très bien lui permettre de voyager d'un Millevaux à l'autre.
Quoi qu'il en soit, NoAnde s'est bien allié avec d'autres hommes à tête de porc ainsi qu'à un vampire. La forme de la menace se précise. Il faut absolument trouver ce vampire au plus vite et, si possible, mettre la main sur le De Vermiis Mysteriis avant NoAnde.
Franky :
Les Chants Dhols et le De Vermiis Mysteriis. Si NoAnde a lu le premier et cherche le second, c'est qu'ils contiennent des éléments importants quant à la réalisation de ses plans. Et si j'ai atterri ici... C'est certainement pour la même raison.
À cette époque plus encore qu'au 21ème siècle, je dois me cacher. La situation à Montségur est des plus tendue. Ces Cathares ne sont pas des gens mauvais. Au contraire même. Spontanément, j'aurais même plutôt tendance à vouloir les soutenir. Mais j'ai vraiment d'autres chats à fouetter. En réalité, face à la nécessité de me cacher dans les sous-sols de la forteresse, j'ai découvert les traces de cérémonies en l'honneur de divinités bien plus dangereuses que ce qu'on peut attribuer aux Cathares. J'en suis même arrivé à me demander si le siège de Montségur n'avait pas pour but réel que d'éradiquer ces serviteurs des Anciens. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il y a ici des serviteurs de Shub'Niggurath, Nyarlatothep et bien d'autres. Je pense que le meurtre de l'inquisiteur n'est qu'un prétexte. En réalité, les assiégeants savent très bien ce qui se trame dans les souterrains mais ne peuvent se résoudre à révéler ces secrets au grand jour. Alors, sous couvert de combattre l'hérésie des Cathares, ils en profiteront pour faire le ménage aux sous-sols. Mais pas si je peux les en empêcher. En effet, ces serviteurs et moi poursuivons finalement des buts similaires. Je dois les trouver et m'en faire des alliés. Avec un peu de chance, ils possèdent les livres dont j'ai besoin.
Un examen minutieux des lieux où ce sont déroulés ces cérémonies m'a permis de comprendre qu'il s'agit d'un grand rituel collectif visant à préparer, en le souillant, un ensemble de lieux en vue de ce qui semblerait être une invocation. Ces gens seraient-ils assez fous pour tenter d'invoquer un Ancien ? Peut-être... Il m'a fallu du temps pour cartographier les sous-sols de Montségur et comprendre le schéma qui se dessinait en reliant ces divers lieux. C'est un symbole ancien lié à Nyarlathotep, je crois. Si j'ai bien compris, souiller ces lieux en respectant ces rituels est un moyen d'attirer l'attention du Messager. Il semblerait que dans leur optique ,Nyarlathotep n'a pas vocation de leur transmettre le message des Dieux. Non, ce serait même plutôt l'inverse. Je crois qu'il veulent charger Nyarlathotep de transmettre leur message aux autres Dieux, à Shub'Niggurath peut-être. À moins que, agissant sous terre, ils souhaitent s'attirer les faveurs de Shudde M'ell et ses chtoniens.
Mais, j'ai beau retourner les données que j'ai recueillies dans tous les sens, je ne peux faire que de creuses spéculations. Je ne parviens pas à comprendre la logique de ce cycle de cérémonies et encore moins à deviner le prochain lieu afin de les rencontrer.
Les jours et les semaines passent. Les rituels continuent d'avoir lieu et j'en trouve toujours les traces trop tard. J'en arrive à me demander s'il il y a vraiment une logique à leurs actes. Seraient-ils totalement fous ?
J'ai refait tous mes calculs, une fois de plus. Je pense avoir découvert le lieu probable d'une prochaine cérémonie. J'espère ne pas m'être trompé une fois de plus.
Là , je vois des hommes et des femmes approcher. Ils sont nus sous leur cape. Ils portent des masques représentant les uns des porcs, les autres des chats. Celui qui joue le rôle de maître de cérémonie ne porte en guise de masque qu'un loup. Sa bouche est déformée par deux horribles cicatrices qui lui barrent le visage. Après avoir invoqué les noms de la Chèvre Noire et de la Mère aux Milles Petits, ils se livrent à des actes obscènes et cruels. Ils répandent ça et là du sang, des excréments et d'autres matières malodorantes. Il règne une indescriptible odeur de pourriture . Cela dure des heures. Je m'approche discrètement, et je reconnais... Lucius ?! Que fait-il là  ?
Deux hommes portant des masques de porcs se saisissent de lui. Ils sont nus, recouverts de sang et de merde. Ils le conduisent devant leur chef. Cette bouche ressemble à celle de Trybelhe. Est-ce un Horla ? Attendons de voir comment les choses vont tourner avant d'intervenir.
Balthus Malmort :
La Bouche,ma (?) Bouche m'a parlé. Quelque part dans la léproserie de la Cité Volante, un malade doublé d'un aliéné hurle à qui veut l'entendre que nous tramons quelque chose. Il a manifestement évoqué l'Aura Putride qui m'entoure. Je dois m'en débarrasser si je veux moins attirer l'attention. Je connais quelques rituels à cette fin. Cela sera douloureux mais ça marchera. Je dois pour cela marquer mon corps de symboles semblables à ceux qui ornent mon visage. Et je dois ensuite y faire couler le mercure dont la nature aura été suffisamment altérée pour lui permettre de se solidifier dans ces nouvelles cicatrices. Mais je veux aussi en savoir plus sur cet homme. Qui est-il ? Comment sait-il ? Nous devons le faire taire si nous voulons réaliser nos plans ! Aussi, je sommes Hexa d'envoyer des hommes là -bas. Je ne connais ce malade mais... je lui ferai regretter les souffrances que je dois endurer pour me débarrasser de l'Aura Putride.
Lucius Salinger :
Et cette Bouche m'a reconnu comme étant un ennemi de leur cause. Un traître ! L'homme à abattre ! Alors, dans un sursaut de bravoure ou de bêtise, je me débats et projette l'un des hommes de main qui me retenait à terre. L'autre est surpris, me laissant le temps de bousculer également le prêtre à la Bouche. Je le frappe au visage, tire sur sa cape. Là , je me rend compte qu'il dissimulait dans une poche secrète un ouvrage. Je m'en empare. Il s'agit du De Vermiis Mysteriis ! Je m'enfuis sans chercher à en savoir plus. Je cours au hasard dans les sombres souterrains. Au bout d'un moment, à bout de souffle, je me laisse guider vers la surface par le bruit du vent faisant claquer des fanions. Je rejoins alors la cellule me servant de cachette, priant pour que ces femmes et ces hommes ne sachent où je me trouve.
Les semaines passent et je les consacre à l'étude du De Vermiis. Avant de tomber entre les mains de l'Inquisition, Ludwig Prinn a étudié les aspects les plus sombres des religions de l’Égypte ancienne. Ses pérégrinations intellectuelles et ésotériques l'ont mené sur les traces de Nyarlathotep. Manifestement, ces serviteurs de Shub'Niggurath attendent que le Messager des Dieux leur délivrent la parole de la Méchante Mère. Jusqu'à quel point ai-je contrecarré leurs projets ? Pourquoi suis-je toujours coincé à Montségur ? Je pensais que la magie de NoAnde aurait fait en sorte de me ramener instantanément à la Cité Volante sitôt que j'aurais mis la main sur le Livre. Mais non, je suis toujours là . Heureusement, ces cultistes ne m'ont toujours pas trouvé. Après, j'imagine qu'ils doivent être bien occupés à assurer leur propre sécurité. En effet, récemment, les Cathares ont eu à repousser une offensive. Une poignée d'éclaireurs a réussi à s'introduire dans la place forte et a causer de lourdes pertes. Combien des leurs comptent parmi les victimes ? Si seulement ils pouvaient tous être morts.
Mais Lucius se reprend. Loin de lui l'idée de se voir détourné de ses recherches par ce genre de pensées. Outre des réponses concernant les plans des serviteurs de Shub'Niggurath, il veut aussi en appendre plus sur les buts de NoAnde et, surtout, trouver un moyen de regagner la Cité Volante. Et c'est effectivement le cas. Il y a dans ces pages un rituel qui pourrait lui permettre de quitter Montségur. Mais, alors que la monotonie de sa lecture lui fait fermer les yeux, il sent le sommeil venir pour l'emporter. Craignant de se mettre à rêver, il se jette sur une dose d'Opium Jaune. Paradoxalement, cette substance toxique lui permet de rester éveillé. Alors, venant du fond des pages, il a l'impression d'entendre les pleurs d'un enfant...
Spike N’Ger :
Herbodoudiab n'est plus là quand je me réveille. Ce n'est pas dans ses habitudes, lui qui passe tellement de temps à dormir justement. Mais il avait l'air si effrayé à l'idée de dormir. Et s'il était parti sur les traces de cet allié potentiel ? Celui qui “joue sa vie à pile ou face” comme il a dit. La rumeur ambiante me permettra peut-être de le trouver. En effet, à peine ai-je mis le nez dehors que j'entends déjà les vives discussions concernant les prophéties et autres mises en garde apocalyptiques provenant d'un des patient de la léproserie. Je ne savais même pas qu'il y en avait une ici. Quel intérêt de garder ici ces malades? Autant les jeter par-dessus bord. Enfin... Toutefois, ces rumeurs m'interpellent. En effet, on parle d'un monstre auréolé d'une Aura Putride et cela me rappelle le monstre qui a pris possession du corps de Nuancia. Aussi, après avoir demandé mon chemin, je me dirige vers cette fameuse léproserie. Là , une foule s'est amassée, mais la situation reste sous contrôle grâce à l'action des Exorcistes et Inquisiteurs. Il m'est donc facile de m'approcher mais vais-je pouvoir entrer pour autant? Et mon chat est-il dans les parages? On dirait que non ! Dommage... Occupée à contenir la foule, la troupe d'Exorcistes ne me prête aucune attention. Aussi, c'est finalement assez facilement que j'arrive à m'introduire dans le bâtiment en passant par une fenêtre donnant sur une ruelle adjacente. À l'intérieur, l'air est glacial. Je sens mes membres s'engourdir et mes paupières tomber. Je repense à Herbodoudiab et sa soudaine peur de dormir et de rêver. Je me reprends et me mets en mouvement. Je n'ai aucune idée d'où aller mais j'ai cette intime conviction que si je reste immobile, je vais m'endormir et être la proie d'un cauchemar. J'entends du bruit sur ma gauche. Aussi silencieusement que possible, je m'approche. Je vois un homme, manifestement aveugle. Il a de longs cheveux noirs et semble entouré d'une brume sombre. Il est seul, immobile. Et alors même que j'étais certain d'être bien caché, il prononce mon nom!
ODDÂ :
” Qui sont ces deux types ? Et que font-ils là  ? Pourquoi maintenant ? Ô SiY, aides-moi! Si tu peux ou veux faire quelque chose pour moi, c'est maintenant. Ne m'abandonnez pas, mon joli fantôme! ” Et... rien! SiY n'est plus là et ces deux hommes vêtus de noir se jettent sur ODD. Mais n'est-il pas le meilleur pour sortir de n'importe où ? Quand bien même la place serait gardée? Oh si, il l'est ! Certes, il est repéré et ne pourra rien rapporter mais au moins il va sauver sa peau et sortir d'ici ! Ainsi, à la grande surprise des deux hommes, il se jette entre eux mais, loin de chercher à les bousculer ou quoi que ce soit, se contente de détaler comme un lapin. Il ne connaît pas les lieux mais peu importe. Dans l'immédiat, il s'agit seulement de les semer et de trouver un endroit où reprendre son souffle et trouver un moyen de sortir de ces couloirs. Mais, soudain, alors qu'il pensait pouvoir se reposer un peu, ODD est le témoin d'une scène des plus étranges. Un homme à la tête de porc est en train de se battre avec une sorte de forme éthérée. Mais ce n'est pas SiY. Ce fantôme lance des sortes d'éclairs en hurlant. Cela crée une sorte d'effet stroboscopique dans la salle. Mais l'homme à la tête de porc ne se laisse pas impressionner. Lui aussi crie, mais dans la Langue Putride à ce qu'il croit en reconnaître. Cela doit forcément être le cas car il perçoit clairement des noms de dieux maudits comme Shub'Niggurath et Nyarlathotep. Mais, dans un coin, il remarque alors la silhouette translucide de SiY. Que fait-elle ? Il lui trouve un air méfiant et mauvais. Elle devrait combattre l'homme-porc mais n'en fait rien. ODD a alors un très mauvais pressentiment. Et si la belle n’avait fait que se servir de lui pour pouvoir entrer en ces lieux ? Quels sont ses véritables plans ? Et si, en réalité, elle ne cherchait pas tant à se venger de ce NoAnde qu'à en faire un allié ou à prendre sa place au sein de quelque maléfique cabale ?
Tad Corso :
Une fois le vampire renvoyé dans le néant qu'il n'aurait jamais dû quitter, je me tourne vers le Soar toujours inconscient. Lui aussi va périr. Mais avant, il m'aura livré quelques uns de ses secrets. Le pouvoir angélique d'Edes me permet de fouiller à ma guise sa mémoire et ses rêves. Et je découvre une horreur abominable.
À l'insu des Cathares, un culte s'est réuni autour des Anciens. Il regroupe des humains autour de Soars et de Horlas. Leurs plans concernent Shub'Niggurath et Shudde'Mel. Mais avant cela, il souhaitent contacter Nyarlathotep et le charger d'un message à l'attention de leurs divinités. Ils veulent attirer leur attention sur nous, sur Terre, maintenant ! Ils n'en sont pas tous conscients, mais le Soar le sait. Il s'agit là de hâter la venue de Millevaux. Hâter la fin du monde. Involontairement, en raison d'une partie de leurs convictions, les Cathares renforcent ce culte puisqu'ils considèrent que, d'une certain façon, nous sommes déjà en Enfer.
La question est maintenant de savoir si mes compagnons faisant le siège de Montségur sont au courant de tout cela. Aussi, je dois sortir et le trouver. Je dois en tous cas trouver un moyen de les contacter. Mais avant, je dois m'assurer que ce Soar ne nuira plus à personne. Aussi, je m'empare de mon épée-démon et enfonce la lame dans son cœur. Alors, il se réveille et pousse un ultime hurlement de douleur.
Après avoir dissimulé le corps de l'homme-porc, je tente de rassembler mes esprits en vue d'un plan d'action. Je comprends mieux maintenant les raisons de ma présence à Montségur. Il s'agit d'empêcher l'avènement de Millevaux. Je n'ai aucune idée quant au fait que les anges à l'extérieur soient ou non au courant de ce qui se trame réellement ici. Je n'ai aucun moyen de les contacter. Pour cela, je dois sortir. Mais, me sera-t-il possible de rentrer alors même que la situation se complique ? En effet, depuis, les Cathares se sont attelés à la construction d'une catapulte. Il ne faudrait pas déclencher un assaut malheureux, ni me retrouver sous des jets de pierres. Pourtant, je dois sortir et ce au plus vite !
Je n'attends pas et tente une sortie dès la nuit tombée. La chance semble être avec moi car je parviens à franchir les murs sans encombre. Pourtant, je sens planer sur moi l'ombre malveillante et tourmentée des Horlas. Mais pas n'importe lesquels. J'ai l'horrible sentiment que chacune de mes actions me rapproche des Cœlacanthes. L'espace d'un instant, je crains qu'ils n'aient infiltré les rangs des assiégeants et de me précipiter droit dans la gueule du loup. J'implore le Seigneur qu'il n'en soit pas ainsi.
Pourtant, alors que j'approche d'un campement Ă la recherche d'un visage ami, je reconnais un visage haĂŻ...
Herbodoudiab :
les Exorcistes se font introduire dans cette léproserie sans aucune difficulté. Mais moi, comment faire ? Je contourne le bâtiment et finis par trouver une fenêtre par laquelle je pourrais m'introduire. Ce serait une tâche aisée pour n'importe quel chat de gouttière, mais moi je suis un Tigre Rêveur et il m'en coûte rien qu'à penser à hisser ma carcasse jusque là haut.
Ce n'est pas sans peine ni fracas que je parviens à passer par cette fenêtre. Et déjà j'entends une voix demander qui va là . Je ne sais pas ce qui me prend et réponds tout simplement par la bouche qui orne mon flanc.
« Je suis Herbodoudiab ! Le Tigre Rêveur ! Je veux savoir ce que cherchent ces Exorcistes ! »
Je me retrouve alors face à un homme en blouse blanche armé d'une matraque. Il a l'air méfiant, sceptique. Je crois qu'il n'arrive pas à concevoir que ce soit moi qui lui ai adressé la parole. Aussi, je réitère ma demande.
« Je suis Herbodoudiab ! Je veux savoir ce que cherchent ces exorcistes ! »
et je m'avance vers lui, du pas le plus sûr dont je suis capable après m'être cassé la figure en escaladant cette maudite fenêtre. Le fauve en moi me dit de lui sauter dessus et de le déchirer de mes crocs et de mes griffes mais, n'ayant pas dormi depuis trop longtemps, je me sens faible et me contente d'avancer dans sa direction sans plus rien dire.
Je sens que ce garde est décontenancé par ce qui lui arrive. Il range sa matraque et s'approche de moi. Je le laisse me caresser et écoute ce qu'il a à me dire.
Il ne sait pas vraiment ce que les Exorcistes viennent faire ici mais pense néanmoins que cela est en lien avec cet étrange malade aux prédictions et prophéties apocalyptiques.
Cet homme en sait peut-être plus qu'il ne le croit. Écoutons ce qu'il a à dire.
Les Exorcistes :
La lecture de ces textes a laissé Santos et Quantus dans un état d'hébétude totale. Il y aurait donc plusieurs mondes, plusieurs Millevaux, mais aussi plusieurs... Corso ? Et ce dernier combattrait les Horlas et les Coelacanthes, un parmi tous ceux mentionnés dans ces textes qui semblent les combattre également. Et qui est ce Patient 13 ? Lui aussi semble être un personnage central de ce cycle. Car il s'agit bien d'un cycle, hein ?
Et si ce lépreux clamant ses prophéties apocalyptiques du fond de sa cellule était plus sensé que ses paroles n'en ont l'air ? Et si cet exemplaire du De Vermiis Mysteriis après lequel tant de monde court contenait des réponses ?
Après un long moment de silence et de réflexion, les deux exorcistes se décident pour un plan d'action. Ils vont devoir mettre la main sur un exemplaire du De Vermiis Mysteriis. Et ils vont aussi devoir rendre visite à ce lépreux car il doit forcément savoir des choses quand à ce groupe chaque jour un peu plus puissant de serviteurs des Anciens. Et si ce Boots faisait bien partie de ce groupe...
Prenant avec eux quelques uns de leurs frères et maîtres, Quantus et Santos se rendent au plus vite à cette léproserie. Forts de leur statut d’Exorcistes, ils obtiennent rapidement l'autorisation d'entrer et d'être reçus par le responsable des lieux. Ce dernier met à leur disposition les transcriptions des délires auxquels s'est laissé aller « ce pauvre aveugle », comme il l'appelle. Là , ils en lisent bien plus que ce que la rumeur a rapporté. Il décrit ainsi l'un des maîtres de ce cultes, un « Horla sans corps baignant dans l'Aura Putride ». Il parle aussi d'hommes à la tête de porc. Il se livre à de longs délires concernant des fléaux venant de l'espace, des pluies de météores et autres cataclysmes. Mais surtout, il parle de Millevaux. Et pas seulement de la forêt, de leur monde, de leur Enfer. Il parle du Titan Millevaux ! Qu'est-ce que cela signifie ?
Les deux Exorcistes demandent alors à ce qu'on les conduise jusqu'au lépreux dont ils se demandent de plus en plus s'il ne s'agira de ce mystérieux Patient 13. Une fois devant la porte ouverte de sa cellule, ils se retrouvent face à un aveugle. Il a de longs cheveux noirs et est entouré d'une sorte de brume sombre qui empêche de bien discerner le détail des traits de son visage. Il sourit. Manifestement, il les attendait.
« Patient 13 ?
-Tu peux m'appeler comme ça mais ce n'est pas moi. Je ne suis pas lui.
-Qui êtes-vous ?
-Appelles-moi le Lépreux. C'est ce que je suis. Un pauvre lépreux. Un pauvre fou. Tu viens pour mes folies, pour Millevaux, pour le Titan !
-Qu'est-ce que ce Titan ?
-Je ne peux te dire que ce que je sais. Le Titan Millevaux va se réveiller. Des âmes noires s'y attellent. Ces âmes baignent dans l'Aura Putride et se roulent dans la fange de la bauge des homme-porc. Ils sont là . Dans notre Cité. Je ne sais pas où trouver le De Vermiis Mysteriis. Mais je sais que ces serviteurs des Anciens ont un message pour leurs Dieux. Je ne sais pas où ils se cachent et... »
Et alors, la brume s'est intensifiée. Le lépreux a semblé étouffer l'espace d'un instant. La brume est devenue opaque. Puis, tout est devenu noir. Quand la lumière est revenue, la cellule était vide.
Franky :
Qui a le plus de chance de Lucius ou de moi ? Il parvient à s'enfuir et, d’une certaine manière, me laisse le champ libre. J'attends que chacun se remette de ses émotions et fais mon apparition, la plus théâtrale possible. Mon apparence de Soar, je l'espère, va me servir.
Alors que je fais mon entrée, des regards suspicieux se tournent vers moi. Nulle frayeur en tout cas sur les visages de ces hommes et ces femmes. J'interpelle leur chef.
« Horla ! J'ai déjà vu un sourire comme le tien. Ne te préoccupes pas de cet homme, ni de l'ouvrage qu'il t'a dérobé. Tu n'en as plus besoin maintenant que je suis là . Je détiens les connaissances nécessaires à la réalisation de tes plans. Je connais Shub'Niggurath et Nyarlathotep. Mais avant toute chose, dis m'en plus. »
L'homme à la bouche de Horla demeure impassible et je doute d'avoir vraiment convaincu les autres. Mais soudain, au loin, très loin, on entend alors les pleurs d'un enfant. Et je me rappelle cette vieille histoire de cette femme de l’Égypte ancienne enterrée vivante avec son enfant. Je me rappelle d'un lien avec Nyarlathotep. Certainement le fait qu'il s'agit d'un pharaon. Aussi, j'interprète ces pleurs dans ce sens en espérant m'attirer les faveurs de ces serviteurs des Anciens. Je ne sais pas si c'est cette histoire où mes seules connaissances concernant les Anciens mais j'ai finalement réussi à capter leur attention. Je leur explique ensuite être un Soar, d'où je viens et pourquoi je sers Shub'Niggurath. Et alors, je vois l'expression de leur visage changer pour devenir plus amicale. Intérieurement, je lâche un soupir de soulagement. Je ne cherche pas à me poser en chef de ce groupe. Au contraire, je me propose de jouer le rôle de « conseiller », d'émissaire. Je propose de leur faire profiter de mes connaissances occultes pour les aider à réaliser leurs plans. J'espère qu'ainsi ils finiront par m'en dire plus.
Et le chef, celui à la bouche de Horla, décide finalement de me conduire dans leur repaire. Là , il m'explique la finalité de tous leurs rituels. Il s'agit de « préparer » Montségur à être le théâtre d'une grande cérémonie visant à invoquer Shub'Niggurath. À cette fin, ils souhaitent également charger le Pharaon Noir d'un message à l'attention de leur divinité. Et il semblerait que ces pleurs d'enfants soient un heureux présage en ce sens. En raison de la nature chtonienne de leurs cérémonies, j'attire leur attention quant au culte rendu à Shudde M'ell, le Fouisseur. Il pourrait être utile de s'attirer le soutien de quelques chtoniens le moment venu. Et j'évoque alors l'existence et ma connaissance des Chants Dholes.
Balthus Malmort :
Les problèmes s'accumulent en ce moment. Déjà , je ne peux plus utiliser la magie de NoAnde pour me nourrir. Je ne sais par quel coup du sort mais ma dernière proie pratiquait elle aussi cette même forme de magie et l'a retournée contre moi. Aussi, non seulement, je ne peux plus altérer la réalité autour de moi mais mon corps se retrouve altéré. Ainsi, une tête de dragon, inutile, pend au dessus de mon épaule gauche. Mais ce n'est pas tout ! Les délires de ce lépreux ont attiré l'attention des Exorcistes et il semble qu'ils en aient appris plus que nécessaire à notre sujet. L'étau se resserre et il va falloir jouer serré. Et ce d'autant plus que je suis toujours sans nouvelle ni de Franky, ni de NoAnde. Notre mouvement ne perd pas en puissance malgré la menace mais il va falloir pourtant accroître la fréquence de nos rituels tout en nous montrant de plus en plus prudent. En effet, a ce qu'on m'en a dit, non seulement les Exorcistes se rapprochent de nous mais de plus en plus de citoyens de la Cité Volante s'intéressent à nos activités, non pour nous rejoindre, mais pour nous combattre. Dois-je y voir l'action non seulement des Exorcistes mais aussi des Powl ? Et derrière eux la volonté des Lwas ?
Lucius Salinger :
Je me terre dans les sous-sols de Montségur depuis que j'ai réussi à fausser compagnie à ces serviteurs des Anciens. J'ai jusqu'à présent consacré l'essentiel de mon temps à l'étude du De Vermiis Mysteriis. Je prends sur moi pour dormir le moins possible afin de ne pas laisser l'opportunité de venir hanter mes rêves à ceux qui vivent au-delà de notre compréhension. Pour autant, à mesure que je poursuis ma lecture, je sens de plus en plus prégnante l'empreinte de Nyarlathotep sous la forme des rires de cette femme que la légende dit avoir été inhumée vivante conformément à la volonté du Pharaon. Je crains que même mon éveil soit maudit. Mais une nouvelle menace apparaît en ce mois de Janvier 1244. En effet, des troupes de Gascons ont escaladé la falaise et tué plusieurs Cathares. Il s'en est suivi des bombardements causant beaucoup de morts et de destructions. Et alors que je cherche à survivre et percer les mystères des écrits de Prinn, je dois aussi, plus prosaïquement, penser à sauver ma peau !
Ainsi, je me cache des serviteurs des Anciens qui veulent certainement récupérer leur Livre, mais aussi des Cathares auxquels je vole ma nourriture et des catholiques qui se sont introduits dans la forteresse. Je suis, avouons-le, épuisé. Il y a bien dans cet ouvrage des rituels qui me permettraient de quitter Montségur mais j'ai le sentiment que je dois rester ici jusqu'au dénouement de toute cette histoire, fut-il tragique. J'ai un rôle à jouer et je ne dois pas fuir cette responsabilité. Pour autant, quel est ce rôle ? Alors que, dehors, la bataille fait rage, je décide finalement d'en profiter pour sortir de ma cachette et repartir espionner les cultistes. Où en sont-ils de leur entreprise ?
Mais, je prends alors conscience que je n'ai aucune idée de là où ils peuvent bien se cacher. Il est peu probable en réalité que je les trouve au même endroit que la fois précédente. Aussi, malgré ma peur des rêves et des cauchemars, je me résous à utiliser l'Opium Jaune afin de trouver leur trace par le biais du monde onirique.
J'ai de la chance. Je les retrouve facilement. Et je découvre aussi que Franky, le Soar, est parmi eux. Que fait-il ici ? J'hésite l'espace d'un instant à attirer son attention mais me reprends, avec raison. En l'écoutant parler avec cet homme étrange à la bouche horrible je saisis mieux leurs plans à tous les deux. Ces hommes et ces femmes veulent donc réellement attirer l'attention de Nyarlathotep afin que celui-ci délivre leur message à Shub'Niggurrath. Ils espèrent vraiment réussir à invoquer la Chèvre Noire ici, à Montségur. D'une certaine manière, ils profitent des troubles occasionné par le siège pour opérer le plus tranquillement possible. Toutefois, ils doivent parvenir à leurs fins avant que la place ne tombe. Franky, de son côté, leur explique venir d'un territoire sous l'emprise de Shub'Niggurath justement, cette forêt maudite nommée Millevaux. Il lui raconte comment, chez lui, des serviteurs de la Chèvre Noire œuvrent à accroître sa puissance. Je comprends alors que non seulement ces deux sectes ont un projet similaire mais que celui-ci s'inscrit en réalité dans un projet global ourdi non pas tant par les cultistes que par les Anciens eux-mêmes qui souhaitent voir leur puissance accrue et leur domination étendue en parvenant à une invocation de Shub'Niggurath à deux époques et dans deux plans de réalité différents. Je ne suis certain de rien mais crains néanmoins l'apparition d'un nouvel avatar de la Chèvre Noire. Quelle forme pourrait-elle alors prendre ? En tous cas, alors même que je me demande comment arrêter tout ça, j'entends Franky proposer d'attirer des Chtoniens en procédant à des rituels en l'honneur de Shudde M'ell.
Je me réveille alors en nage. Ma tête tourne. Je peine à me relever. On me tend la main. Je la saisis et lève la tête pour découvrir un homme aux long cheveux gris. Mais ce n'est pas tout. Il arbore une paire d'ailes rouges sang. Il se présente comme étant un ange, un certain Tad Edes, du clan Corso. Il est accompagné d'autres hommes, des anges, comme lui, ainsi que de Pierre Amiel, l’archevêque de Narbonne. Edes m'explique venir de la Cité Volante lui aussi. Il pense avoir été envoyé ici pour empêcher un rituel encore plus horrible que ce dont les démons sont capables. Cela aurait trait à Shub'Niggurath. Je ne peux que confirmer ses dires. Il se tourne alors vers l'archevêque et je comprends que le siège de Montségur ne vise pas tant les Cathares que les serviteurs des Anciens.
Spike N’Ger :
Comment cet homme connaît-il mon nom ? Et qui est-il lui-même d'ailleurs ? Il m'explique que certains le considèrent à tort comme le Patient 13. mais il n'est qu'un pauvre lépreux. Je peux le nommer ainsi, le Lépreux. Certes, il est aveugle mais il voit. Il voit un autre monde, celui des Rêves des Chats. Il me dit connaître Herbodoudiab. Oh, ils ne se sont jamais croisé ni parlé, mais il le reconnaîtrait s'il le voyait. D'ailleurs, il est ici, non ? Mais peu importe. Il a des choses à me dire. Celui qu'Herbodoudiab nomme le Disséqueur a pris possession de Nuancia. C'est un tueur qui ne reculera devant rien. Une grande catastrophe se prépare. Cela pourrait transformer Millevaux en quelque chose d'encore plus terrible, d'une ampleur sans précédent. Oui, il faut retrouver Nuancia et arrêter ce qui a pris possession d'elle. Où la trouver ? Mais c'est très simple. D'après lui, il suffirait que je me laisse guider par les lumières dans sa brume. Je ne comprends pas tout mais cela me rappelle ce qu'Herbodoudiab a déjà pu me dire de ses songes. Le Lépreux me sourit et je comprends que mon visage vient de trahir une hésitation. Il me tend la main. Je la saisis. Je me retrouve dans une vaste étendue de noir. Ça et là , des lumières de diverses formes et couleurs virevoltent en tous sens. Je regarde un peu partout autour de moi et reconnais Nuancia, le Disséqueur. C'est là que je dois me rendre.
ODDÂ :
ODD ne sait pas trop ce qu'il doit faire. Une partie de lui lui dit de s'enfuir mais une autre reste concentrée sur SiY. Le beau fantôme se moque-t-il de lui depuis le début ? Il veut en avoir le cœur net. Aussi, afin de s'assurer que SiY est toujours de son côté, il prend son élan et se jette sur l'homme-porc ! ODD attendait une réaction de SiY en sa faveur. Mais, en réalité, elle n'a finalement pas esquissé le moindre geste. Et ODD s'est tout simplement heurté à ce Soar qui s'est révélé dur comme un mur de pierre. Ce dernier ne semble même pas avoir perçu le choc de ce contact. ODD, lui, se retrouve au sol. Il observe SiY. Elle ricane mais elle ne semble pas se moquer de lui. En fait, elle se moquerait plutôt de l'autre forme éthérée. ODD, vexé, se relève. La belle se détourne de lui, il va se rappeler à son bon souvenir. ODD se concentre afin de « capter » l'essence de SiY et la forcer à lui obéir. Il sait le faire, cela lui est déjà arrivé. De plus, SiY ne lui prêtant aucune attention, elle n'en est que plus vulnérable. Elle se retrouve alors propulsée contre son gré vers le Soar qu'elle traverse de part en part. La peau de l'homme-porc se couvre de lézardes. ODD a l'impression qu'il se transforme en un bloc de pierre. Alors que SiY ressort dans son dos, des éclairs l'accompagnent. Bien qu'elle soit immatérielle et lui de pierre, le Soar, en se retournant, saisit SiY et la projette contre un mur qu'elle traverse en hurlant. Mais l'autre esprit réagit en envoyant trois sphères enflammées qui, en touchant le sol, se transforment en arbres dont les branches et les feuillages s'agitent au point de former des tourbillons faisant chuter l'homme-porc. L'esprit a les traits tendus et ODD craint qu'il ne soit à bout de forces. Aussi, toujours convaincu que SiY veille sur lui malgré ses étranges agissements, il se jette sur le Soar armé de sa dague. La lame s'enfonce dans la gorge du porc mais SiY n'est pas revenu. A-t-il perdu son ange-gardien ? Alors, il tourne son visage vers l'autre esprit...
Tad Corso :
Pierre Amiel ! L'archevêque de Narbonne ! Du moins à cette époque. Je déteste ce parvenu. Cet ange a toujours fait en sorte de choisir ses incarnations afin de profiter au mieux de la vie terrestre. Toujours un noble ou un prélat. Une honte aux vœux de pauvreté et d'humilité. Mais que fait-il ici ? Me reconnaîtra-t-il si je m'approche ? Espérons-le. Ce n'est certes pas le meilleur d'entre nous mais... c'est l'un d'entre nous.
Alors que je m'avance, ne cherchant pas à dissimuler mes ailes rouge sang, Amiel tourne vers moi un regard suspicieux. « Toi, ici ? » Il n'ose utiliser mon nom angélique. Aussi, je me présente sous le nom de Tad Edes. Il hoche la tête mais je sens comme une hostilité émanant de sa personne. Il sent que je ne l'aime pas. Je lève les mains en signe que j'espère de paix. Je me rappelle mon précédent combat contre les Cœlacanthes et lui raconte.
« J'ai fait un cauchemar. Notre monde n'était qu'une illusion. Demian Hesse, le Patient 13, est quelque part dans ma tête... »
Et je ne lis qu'incompréhension dans son regard. Pour autant, je sens qu'il ne me prend pas pour un ennemi.
« Pierre, je sais qu'un culte est en train de devenir très puissant. »
Là , je sais que j'ai capté son attention. Nous allons pouvoir discuter.
Pierre n'est pas à Montségur pour les Cathares. Le siège n'est que le prétexte à l'éradication d'un culte à des divinités anciennes. Il n'ose le nommer mais je sais qu'il pense à Shub'Niggurath. Et je sais qu'il a raison. Ici, à Montségur, Millevaux n'est encore qu'une lointaine menace mais il ne faudrait pas que les manigances de ces sorciers hâtent la fin du monde. Je ne suis pas certain qu'il me croit mais il m'écoute quand je lui explique venir d'un monde futur où des serviteurs des Anciens ont réussi à invoquer la Chèvre Noir, transformant ainsi le monde en Millevaux.
Je l'assure être ici pour l'aider au mieux et il semble me croire. Il me présente ceux de ses hommes – ses anges – qui sont dans le secret. Nous avons besoin d'un plan. Je sais que les cultistes ne sont pas encore tout à fait prêts pour leur invocation finale. Pour autant, nous ne devons pas perdre de temps. Amiel pense que nous devrions profiter d'une offensive, d'une percée dans les défenses de Montségur pour entrer et traquer ces sorciers. Mais où chercher dans cette immense place forte ? J'ai mon idée. J'ai déjà fait des rêves prémonitoires. Je peux recommencer. Peut-être même que je pourrais ainsi écrire le futur ? Ou au moins un futur ?
Je n'ai aucune idée de combien de temps pourra prendre ce rêve éveillé. Aussi, je prie Amiel de s'atteler aux préparatifs de l'attaque. Pendant ce temps, je m'en vais rêver les yeux ouverts, espérant échapper aux Cœlacanthes. Je sens planer la menace de leur tête osseuse mais parviens à éviter de tomber dans leurs filets. Je suis dans le rêve... le Rêve Éveillé ! Je le sais. Je peux voir le futur et le réécrire. Du moins, une partie.
Je sens Millevaux grandir en puissance mais d'une façon que je ne parviens pas à cerner. Je cherche les adorateurs de la Chèvre Noire dans tout Montségur. Je ne les trouve pas mais je perçois une autre lueur. Lucius ! Il est là  ! C'est lui que nous cherchions. Il est l'allié de NoAnde. Pourtant, sa flamme brille d'un éclat amical. Cet aura est faible. Je le renforce. Lucius sera notre allié.
Je ne sais pas quelle forme prendra notre ennemi. Mais je sais, car je l'ai vu et écrit, que nous entrerons dans cette forteresse. Je sais que nous trouverons Lucius et qu'il nous aidera à vaincre. Nous vaincrons. Je le sais. Je l'ai vu. Je l'ai écrit. Mais quel sera le prix de notre victoire ? Ça, je n'ai pour l'heure plus assez d'encre du Rêve pour l'écrire...
Je cligne des yeux et sors de mon Rêve Éveillé. Je ne sais pas comment je suis arrivé là . Je suis dans un souterrain. Derrière moi, Amiel et ses anges. Devant moi, Lucius, terrorisé. Je lui prends la main et lui souris. Un travail de bûcheron nous attend. Nous avons une forêt à abattre.
Herbodoudiab :
Je ne sais pas pourquoi mais ce garde a beaucoup à me dire quant à ce Lépreux. J'ai droit à une succession de prophéties plus ou moins fantasques mais il capte mon attention quand il parle de ce que je comprends être le Disséqueur. Il le décrit comme je le vois dans le Rêve.
Il parle aussi de Millevaux. La Forêt, dans ces prophéties, va gagner en puissance. Elle va changer de forme, d'après le Lépreux. Le monde va changer. Ce serait une catastrophe sans précédent.
J'invite le garde à me parler à nouveau du Lépreux. Il évoque alors cette étrange brume qui l'entoure et masque en partie les traits de son visage. Mais elles ne font pas que cela. Ces brumes sont un mystère. Elles cachent des choses ou en révèlent.
Alors que le garde continue sa logorrhée, je me frotte à lui en ronronnant. Je souhaite d'une part qu'il se taise car il n'a visiblement rien de plus intéressant à m'apprendre. Par contre, je veux qu'il me conduise à ce Lépreux. Et maintenant !
Sans savoir d'où lui vient cette envie soudaine, le garde me guide à travers le dédale de couloir jusqu'à une cellule. À son grand étonnement et à ma grande déception, elle est vide !
Les Exorcistes :
Non ! Non ! Où est passé ce Lépreux ? Qu'est-ce que ce Titan Millevaux ?
Quantus hurle des ordres afin qu'on le retrouve au plus vite. Lui-même se met à courir mais sans avoir aucune idée de là où il doit se rendre. Il a juste l'intime conviction que cet homme est encore là , dans ces murs.
Quantus a la foi. Dieu l'a sauvé par le passé. Il l'a sauvé lors de cet accident qui aurait dû lui coûter la vie. Et il a sauvé son âme de la folie en lui offrant de devenir un Exorciste. Il guidera ses pas encore aujourd'hui.
Et Dieu le guida. Dans un couloir, le Lépreux apparaît. Il est seul mais Quantus et Santos distinguent nettement une autre silhouette, comme une ombre, dans sa brume. Le Lépreux sourit, un peu tristement. On dirait qu'il s'excuse.
Il explique aux Exorcistes qu'il n'est pas maître de sa brume et qu'il avait pour elle une tâche à accomplir qui ne pouvait attendre. Et avant que les Exorcistes ne puissent dire quoi que ce soit, le Lépreux leur tend la main.
« Vous allez traverser un monde de cauchemars » leur dit-il tristement.
Quantus et Santos échangent un regard et rejoignent le Lépreux dans sa brume.Les deux Exorcistes se retrouvent dans une salle de bains. Les murs sont couverts de carrelage vieillot et de faïence fendue. Des robinets ouvragés gouttent en permanence. Il fait froid et la fenêtre ouverte donne sur la forêt. On entend des chouettes. Le bidet et le lavabo sont sales. Il y a une baignoire remplie d'une eau grise où surnagent des feuilles mortes. Ils reconnaissent ce lieu car Corso – Tad Edes – le leur a décrit. La Maison Carogne, un des domaines des Cœlacanthes.
Spontanément, ils s'éloignent de la baignoire et quittent la pièce.
De l'autre côté de la porte, ils se retrouvent les témoins du repas familial de la famille Carogne. La salle à manger est trop grande. Il y a des animaux empaillés. Le vaisselier est rempli d'assiettes aux motifs forestiers. Le tic-toc de la pendule à coucou est assourdissant, beaucoup trop fort. La soupe aux châtaignes est trop froide. Un vent glacial parvient d'une fenêtre ouverte sur la forêt. Camille a quelques années. Les parents Carogne se montrent presque gentils. La Mère Carogne lui parle de façon très douce. Le Père Carogne ne dit rien, mais il fixe toujours Camille du regard. Camille, il s'agit bien de se petit garçon martyrisé dont Corso a raconté la triste histoire. Mais l'enfant se montre sage et la Mère Carogne lui offre une part de gâteau. Puis, une fois le repas fini, Camille se lève et quitte la pièce. Les deux exorcistes le suivent jusqu'à une autre salle de bain, identique à celle qu'ils ont quitté. Là , Camille, sans même ôter ses vêtements, entre dans la baignoire remplie d'une eau sombre. Il s'y enfonce et disparaît. Quantus inspire une grande goulée d'air et se jette à son tour dans la baignoire. Santos le suit.Loin devant eux, ils distinguent la silhouette du petit garçon. Mais, est-ce à cause de l'eau qui trouble leur vision, ils ont parfois l'impression qu'il grandit pour ressembler à Corso. Les ténèbres laissent parfois apparaître des lueurs de couleurs et de formes diverses. Mais Camille semble en chercher une bien particulière. Ils le suivent jusqu'à une sorte de puits de lumière au milieu duquel s'agite une flamme noire. La silhouette de Camille devient trouble et disparaît.
Quantus et Santos sortent de l'eau. Ils sont dans une pièce de taille moyenne faite de pierres apparentes recouvertes de sang. Ils émergent dans une partie de la pièce baignant dans l'ombre. Et eux aussi, loin d'être trempés comme ils le pensaient sont en fait recouvert d'ombre.
Sous leurs yeux des hommes nus aux corps lacérés sont les victimes volontaires de sévices infligés par des hommes à tête de porc ! Au milieu d'eux déambulent une femme, elle aussi à moitié nue, dont le corps est recouvert de scarifications dans lesquelles a été coulé du métal. Son visage est lui aussi scarifié. Sur son épaule pend ce qui semble être une tête de dragon mort. Et cette bouche. Ils reconnaissent La Bouche criant « Ïa Ïa Shub'Niggurath !! Lève-toi Millevaux ! Lève-toi, Titan Millevaux ! »
D'instinct, Santos saisit le poignet de son frère d'arme. Et alors, il lui fait tourner la tête en direction d'un homme tapi dans l'ombre lui aussi. Il reconnaît un membre de son ancien clan, le dénommé ODD. Au dessus de lui, un être éthéré et lumineux lui adresse des mots qu'il écoute avec attention sans pour autant détacher son regard de cette femme monstrueuse.
Puis l'air se fracture. À travers cette cicatrice, ODD et les Exorcistes perçoivent des ténèbres parcourues de formes lumineuses. Mais surtout, ils voient un homme s'extirper de cette faille trop étroite. Celui-ci parvient finalement à s'extraire des ténèbres avant que celles-ci ne disparaissent dans une sorte de claquement sec. Alors, tombé à genoux, il se relève. Il se tourne vers la femme et lui dit : « Nuancia ? C'est bien toi ? »
Franky :
Nous sommes déjà en janvier 1244. Le temps passe si vite.
C'est sans peine que j'ai convaincu ces hommes et ces femmes que mes connaissances ésotériques valaient largement la perte du De Vermiis Mysteriis. Certains voulaient absolument retrouver Lucius et lui faire payer son forfait. Nul besoin en vérité de perdre ainsi son temps. Nous devons nous hâter. De plus en plus souvent, lors de nos cérémonies, j'entends les pleurs et les rires d'un enfant et d'une femme faisant écho à cette légende selon laquelle le Pharaon Noir – Nyarlathotep ? – aurait fait inhumer vivant une mère et son fils. Nous sommes tous d'accord pour voir là le signe que Nyarlathotep s'est bien fait notre messager et a porter notre parole à Shub'Niggurath.
Par nos rites orgiaques auxquels j'ai ajouté quelques spécificités Soars, nous avons préparé Montségur à la venue de la Chèvre Noire. Nous avons littéralement souillé et corrompu les sous-sols de la forteresse.
Et pendant ce temps, les Cathares luttent pour leur survie...
Mais maintenant nous sommes prêts. Alors que la menace d'une attaque menée par les catholiques se fait de plus en plus précise, nous avons maintenant une vision claire de la façon dont notre Déesse va nous apparaître.
Shub'Niggurath, la Chèvre Noire, la Mauvaise Mère sera la Forêt Mouvante, la Forêt Verticale, sera le Titan Millevaux !
Titan Millevaux ! Tu seras la Forêt et la Ruine ! Tu seras l'Oubli ! Tu seras l'Emprise et l’Égrégore ! Tu seras les Horlas et les Cœlacanthes !
Tes ennemis seront piétinés ou lacérés par les Horlas ou broyés par les cauchemars des Cœlacanthes !
Lèves-toi, Titan Millevaux ! Laisses-toi guider jusqu'à nous par les rires et les pleurs de la mère et du fils du Pharaon Noir ! Laisses-toi guider par les vibrations des Chtoniens rampant sous Montségur !
Au-dessus de nos têtes le combat fait rage car les Catholiques sont entrés mais cela ne fait rien. Pour eux tous, il est trop tard.
La terre tremble des reptations des Chtoniens sur lesquels s’appuie ton ascension !
Et alors que certains s'apprêtent à savourer leur victoire et que d'autres se résignent à accepter la défaite, tous désormais tremblent car...
Tu es debout, Titan Millevaux !
Tad Corso :
Je ne sais pas où nous sommes ni comment nous sommes arrivés là . Je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé après que j'ai pris la main de Lucius. Il est là . Je le vois. Je reconnais aussi Quantus et Santos, mes frères et maîtres Exorcistes. Mais qui sont les autres ? Je décide alors de prendre les choses en main.
« Je m'appelle Tad Edes ! Certains d'entre vous me connaissent aussi sous le nom de Tad Corso. Avec mes frères Exorcistes, nous combattons Shub'Niggurath et ses Horlas. Je sens que nous sommes tous réunis ici par la volonté du Patient 13. Aussi, nous serons la 13ème Compagnie. Celle dont on ne sait pas si elle va revenir. Mais je sais que nous vaincrons car dans mon rêve j'ai écrit le futur. Et j'ai écrit notre victoire...
Et vous, qui êtes-vous ? »
« Je suis Lucius Salinger, citoyen de la Cité Volante. C'est contre mon gré que j'ai rejoint cette secte d'adorateurs de Shub'Niggurath. C'est aussi contre mon gré que j'ai été initié à leurs secrets les plus noirs. Mais aujourd'hui, je me joins à vous et ces connaissances que j'ai payé le prix fort nous permettront de l'emporter. Ils baigneront tous dans leur sang, je le promets ! »
« OK, je suis Spike N'Ger. Je suis un chasseur de monstre. Je vois bien que ce que nous allons combattre maintenant est bien plus puissant que le Horla qui a pris possession de mon amie. Mais cette chose est un monstre et je chasse les monstres. Aussi, comptez sur moi, je traquerai cette horreur et je la tuerai ! »
« Tu me connais Santos, je suis ODD. Je suis le meilleur dans ma partie. Je n'ai pas mon pareil pour entrer et sortir de n'importe où. Et s'il faut rentrer dans le torse de ce monstre pour lui arracher le cœur, je me fais fort d'y parvenir ! »
« Nous sommes Santos et Quantus, frères et maîtres Exorcistes ! Nous traquons le mal sous toutes ses formes. Nous ne reculons devant rien pour faire triompher la Voix de Notre Seigneur. Millevaux est une épreuve divine. Cette chose est une nouvelle épreuve que nous surmonterons tous ensemble. Le sang va couler. Ce sera peut-être le nôtre, mais ce sera sûrement aussi celui de ce monstre ! »
Les présentations faites, il s'agissait maintenant de savoir où nous étions. Lucius et moi étions dans les sous-sols de Montségur mais les autres, manifestement, venaient de la Cité Volante, de Millevaux.
Nous nous étions tous habitués à la pénombre. Aussi, le manque de lumière ne nous dérangeait pas. Il nous a donc fallu un moment pour remarquer les faibles liserais de lumière qui zébraient cette obscurité. Alors, nous approchant des murs, nous avons pu observer qu'ils n'étaient fait que de bois. Nous nous étions retrouvés au centre d'une grande cabane. Dehors, nous parvenaient, lointain, le fracs des armes. Le siège de Montségur devait se poursuivre. Par intermittence, on entendait le tonnerre et des hurlements d'animaux.
« Tu semble en savoir plus que nous sur toute cette affaire, Corso. Qu'as-tu à nous dire ? »
« Je comprends ta méfiance ODD. Pour autant, fais moi confiance. Je ne vous cacherai rien. Ce n'est pas dans mon intérêt. Saches qu'à une autre époque, avant Millevaux, j'étais déjà au service de Notre Seigneur. J'étais un ange. Puis Millevaux est venu et a chassé notre Seigneur, nous infligeant l'épreuve de la Forêt Maudite de la Chèvre Noire. Avec mes frères et maîtres, nous poursuivons notre combat contre les Horlas et les adorateurs de Shub'Niggurath. Et par le passé, j'ai aussi à combattre les Cœlacanthes. Là , j'ai fait la connaissance de la Magicienne. Et derrière elle, se cachent le Patient 13 et le Joueur. Leurs intentions sont floues mais malgré les apparences ils ne sont pas contre nous. Ils sont pour... l'Histoire. Pour l'heure, il me semble qu'un rituel d’invocation de Shub'Niggurath a permis à la Chèvre Noire de s'incarner sous une nouvelle forme. Et c'est celle-ci que nous allons combattre maintenant. Ai-je raison, Quantus ? »
« Tu as raison, mon frère et maître. Nous sommes bien sortis, Santos et moi, d'un cauchemar ourdi par les Cœlacanthes en pleine cérémonie en l'honneur de la Chèvre Noire. Le Horla qui présidait ce rituel a parlé d'un Titan. Le Titan Millevaux. Ce sera certainement là notre plus grande épreuve en l'honneur de Notre Seigneur. Mais, et toi ODD, comment t'est-tu retrouvé ici ? »
« Je, j'étais sous l'emprise de ce que je croyais être un bel esprit mais qui n'était peut-être qu'un horrible Horla. Par goût du défi je me suis introduit dans cette Cité Volante en quête, pour ma belle, de celui qu'elle nomme NoAnde. Mais tout n'a été que de mal en pis. J'ai été capturé, me suis enfui, ai combattu un homme à la tête de cochon, ai vu ma belle m'abandonner et suis maintenant accompagné de ce Lwa dont je suis certain maintenant qu'il s'agit d'un bon esprit. Mais, et toi Spike, tu semblais connaître cette sorcière ? »
« Oh oui je la connais. Ou plutôt, je la connaissais. Nuancia était mon amie, mon alliée dans notre combat contre les monstres. Souhaitant se reposer quelques temps, je l'avais laissée au sein d'une petite communauté baptisée Récif. Mais quand je suis revenu la trouver, elle avait disparu. C'est grâce à mon chat, Herbodoudiab, que j'ai pu retrouver sa trace jusqu'à la Cité Volante. Il l'avait vue dans ses rêves. Mais elle était entourée d'une lueur malfaisante. Je la croyais en danger mais je n'avais pas compris qu'elle était devenue le danger. Je crains fort qu'aujourd'hui mon amie ne soit plus. Alors, ce sera sans remords que j'userai de tous les moyens pour mettre fin à cette horreur qu'elle a déclenché. Mais, et toi Lucius, tu dis connaître des secrets. Quels sont-ils ? »
« J'ai été initié aux secrets des Dieux Anciens. J'ai lu certains ouvrages et j'ai vu le dénommé NoAnde pratiquer sa magie contre nature. C'est même pire que ça. Cet être n'est pas tant contre la nature que contre la Réalité ! Il la tord, la déchire et en use à sa convenance. Grâce à l'Opium Jaune notamment, je peux moi aussi produire certains de ces effets. Mais j'ai aussi en ma possession le De Vermiis Mysteriis, ce Livre Maudit qui leur est à tous si précieux. Là , il y a des secrets concernant les Dieux Anciens, leurs buts, leurs points forts mais aussi leurs points faibles. »
Nous avions encore beaucoup de choses à apprendre les uns des autres. Mais dehors, le combat faisait rage. Et plus j'y prêtai attention, plus je comprenais qu'il ne s'agissait pas de la simple lutte des Cathares contre leurs assiégeants. Nous devions nous attendre à ne pas reconnaître ce que nous allions voir en sortant de cette cabane. Ni Lucius ni moi n'étions plus à Montségur. Et les autres n'étaient plus dans leur Cité Volante. Nous n'étions ni sur Terre ni à Millevaux. Nous étions... Face au Titan !
Mais que savions-nous de ce Titan Millevaux, si ce n'est qu'il s'agissait d'une sorte d'avatar de Shub'Niggurath ? Les hypothèses allaient bon train. Santos, Quantus et moi-même avions tendance à considérer les Horlas et les Cœlacanthes comme ce qui pourrait être le système immunitaire de ce Titan. Nous les imaginions déjà déchaînés et parcourant le Titan à sa surface et à l'intérieur de lui-même. Et je pensais aussi que les Coelacanthes, dans cette optique, devaient œuvrer au niveau de la psyché du monstre. En réalité, nous n'en savions rien...
« Mais comment en savez-vous autant sur ces Cœlacanthes ? Je crois n'en avoir jamais entendu parler »
J'expliquai alors à Spike que nous, les frères et maîtres Exorcistes, avions été appelé à la rescousse pour aider une communauté dont le village était assiégé par les Cœlacanthes. C'est alors que je fus désigné pour quitter le village afin de quêter de l'aide auprès de la Magicienne. J'ai alors entrepris un long voyage à travers Millevaux, les Forêts Limbiques et les cauchemars des Cœlacanthes. Ainsi, j'ai appris l'existence d'autres mondes et d'êtres étranges comme Demian Hesse, la Patient 13 et le Joueur. Pour ces derniers, l'existence d'autres mondes n'a rien d'étrange. Ils y voyagent avec aisance en usant de portes oniriques et d'avatars sans cesses différents. Le Joueur, par exemple, peut entrer dans ta tête et partager ses pensées avec toi. Il peut te faire voyager entre les mondes et te donner les connaissances dont tu as besoin pour vaincre tes ennemis.
Spike, quant à lui, ne savait pas trop quoi ajouter. Aussi, il s'approcha de l'entrée de la cabane et se borna à décrire ce qu'il vit. Au milieu d'un désert de rocaille s'élevait le Titan Millevaux, la Forêt Verticale. Un être aux proportions gigantesques, démesurées. Littéralement, il s'agissait d'un monde forestier dressé sur deux jambes titanesques. Et quelque part, autour de cet être, la Cité Volante devait graviter tel un simple moustique.
« Et la vois-tu, la Cité Volante ? Penses-tu que nous pourrions la rejoindre ? »
Ainsi avait parlé Santos. Mais Spike ne voyait rien. Le Titan était bien trop énorme pour que la Cité Volante soit visible. Il espérait surtout qu'elle n'avait pas été détruite avec l'apparition du Titan. Cette chose était si énorme qu'elle aurait très bien pu réduire la Cité Volante en ruine sans même s'en rendre compte.
La voix plus posée que celle de Santos, Quantus prit la parole.
« Je crois savoir qu'il y avait un trésor à Montségur, à l'époque du siège. Si le Titan Millevaux est né des ruines de la forteresse, peut-on penser que ce trésor est en lui ? Et quelle serait sa nature ? Et si ce trésor était... un point faible ? »
Ces derniers mots attirèrent l'attention de Lucius qui confirma la rumeur concernant un trésor. Mais, dans son esprit, il n'était question que d'or et d'argent. Pour autant, aux vues de ses expériences ésotériques, il en était venu à penser que la connaissance constituait également un trésor. Aussi, peut-être que le trésor en question n'était rien d'autre que les ouvrages collectionnés par les serviteurs des Anciens. Et il était vrai que ceux-ci pouvaient renfermer des informations quant aux points faibles de Shub'Niggurath.
« Mais dis-moi, Quantus, comment pourrait-on s'y prendre pour accéder à ce trésor ? Je n'ai avec moi que le De Vermiis Mysteriis or il concerne surtout Nyarlathotep. Mais il contient néanmoins des sorts permettant d'invoquer un Enfant de la Chèvre Noir ou même de contacter Yg. Le Dieu du Peuple Serpent pourrait peut-être nous aider ? »
Je vis mon frère et maître faire la moue. Je partageais ses pensées. Recourir à la magie des Anciens, même pour les combattre, me paraissait être un risque à ne courir qu'en ultime recours. Mais, j'avais une petite idée de ce à quoi il pensait et cela ne me semblait pas moins risqué, ou à peine...
« Avant d'en arriver, reprit-il calmement, peut-être que nous pouvons explorer d'autres chemins. Non moins dangereux, certes, mais que nous connaissons mieux, notamment car nous venons de les emprunter Santos et moi. Je pense au monde cauchemardesque des Cœlacanthes. Par là aussi nous pouvons attendre le Titan Millevaux. »
Lucius enchaîna, fébrile. Selon lui, il était possible que le Titan lui-même soit une porte vers d'autres mondes. Et par conséquent, son cœur devait forcément être accessible par d'autres mondes également. Venant de la Cité Volante, initié par NoAnde et ayant atterri à Montségur par des moyens occultes, ces notions lui étaient rapidement devenues familières. Il semblait réfléchir à toute vitesse et chercher un moyen de pénétrer le cœur du Titan. Oui, c'était son idée. Si le Titan était une porte menant à d'autres mondes, la réciproque était vraie. Nous devions pouvoir atteindre le cœur du Titan en passant par un autre monde. Mais lequel ? Celui des Cœlacanthes ? Le monde du cauchemar ou... celui du Rêve ? Je me rappelais alors les Forêts Limbiques puis, très étrangement, nous nous tournâmes tous vers ODD et l'esprit qui flottait au dessus de son épaule. Qu'avaient-ils à nous dire tous les deux ?
ODD et le Lwa, car cet esprit luminescent était bien un Lwa, parlaient en même temps, d'une même voix se faisant écho, et nous invitaient à nous interroger quant aux origines du Titan Millevaux. Nous savions tous que le Titan était la conséquence d'une double invocation de Shub'Niggurath qui s'était déroulée à la fois à Montségur et dans la Cité Volante. Mais ODD et le Lwa nous interrogèrent sur ce qu'ils nommaient le « vecteur ». Et alors que je me creusais la tête pour comprendre de quoi ils parlaient, j'eus une sensation étrange. Je rappelais alors avoir mangé le... Cruel Centipède, celui que je croyais alors être l'un des cavaliers de l'Apocalypse. Or, je ne sentais plus sa présence en moi. J'en fis part au Lwa qui sembla satisfait. Alors, Lucius poussa un petit cri. Il nous expliqua avoir été également exposé au Cruel Centipède mais il ne l'avait plus. C'est lui qui lui avait permis de survivre à son voyage jusqu'à Montségur. Mais il avait disparu. Il l'avait... perdu. Le Cruel Centipède était-il la clé de tout cela ? ODD n'en savait rien. Mais il savait qu'il était le meilleur pour entrer et sortir de n'importe où. Et s'il fallait rentrer à l'intérieur de ce Titan, il se faisait fort d'y parvenir.
Nous étions toujours dans notre cabane. Nous n'avions osé jeter que quelques coups d’œil furtifs à l'extérieur et n'avions finalement pas vu grand chose. Je crois qu'il était clair pour tout le monde que les mondes que nous avions connus, qu'il s'agisse de Millevaux, de Montségur ou des cauchemars des Cœlacanthes, n'existaient plus. Ou, en tous cas, ce n'était dans aucun de ces mondes qu'évoluait le Titan Millevaux. D'une certaine façon, le Millevaux que nous connaissions n'existait plus puisqu'il était maintenant devenu le Titan. Et le monde de Montségur ? Il ne pouvait avoir survécu à l'apparition du Titan Millevaux. Quel était donc ce nouveau monde ?
Il faudrait bien que nous sortions à un moment ou à un autre. Aussi, avant peut-être de réaliser que je me précipitais peut-être vers une mort horrible et avant que quiconque et encore moins ma propre raison ne m'en dissuade, je fonçai vers la porte de la cabane et mis le pied dehors.
Et je ne vis qu'un vaste désert de rocailles et de poussières. Il n'y avait nulle végétation, nulle trace de nuage dans le ciel. En fait, tout la verdure était rassemblée dans le Titan Millevaux dont la silhouette colossale se dressait au loin. Par le jeu d'une étrange perspective et de ses dimensions inimaginables, le Titan pourtant si loin semblait pourtant si proche. Le fixant, je voyais aussi que les seuls nuages qu'il y avait dans le ciel gravitaient autour de lui. J'entendais, par moment, résonner le tonnerre. L'eau, la végétation, le Titan Millevaux était finalement constitué de tout ce qui rendait la vie possible. Lui, la mort en marche, était finalement la vie. Il avait aspiré la vie de deux mondes pour redevenir un monde abritant la vie, pour donner la vie. Mais à quoi ? À des nouveaux Horlas ? À de nouveaux Cœlacanthes ? À de nouveaux monstres et cauchemars ? Quelles horreurs ce nouvel avatar de Shub'Nigurrath allait-il engendrer ?
« Le Cruel Centipède est une maladie... »
« Qu'as-tu dit ? Qu'est-ce que cela signifie? » me demanda Lucius alors que je n'avais même pas conscience d'avoir parlé.
Je me retournais vers lui et les autres.
« Le Cruel Centipède est une sorte de maladie. Il est une pestilence qui se propage et propage Millevaux sous diverses formes. Cette forêt, ce mal, est protéiforme. Il ne disparaîtra jamais. Il changera de forme. Il lutte pour sa vie. Il est une forme de vie prête à tout. Millevaux, par le vecteur du Cruel Centipède, est une incarnation de la Pulsion de Vie dans ce qu'elle a de plus primal. Elle ne vise qu'à sa survie et son expansion, quel qu'en soit le prix. C'est aussi pour ça qu'on appelle Shub'Niggurath la Mauvaise Mère, non ? Elle engendre la vie, elle se perpétue. Mais comment et à quel prix ?
Mes mots semblaient trouver un écho chez Lucius qui s'approcha de la porte et, me bousculant sans ménagement, passa la tête hors de la cabane.
« Ce monde aurait pu être beau. Mais le Titan en a aspiré toute la vie. Ou presque ! Qu'est-ce que c'est là -bas ? Regardes, Corso ! De la fumée ! On dirait des véhicules à vapeur comme ceux qu'on trouve dans la Cité Volante ? Je ne parviens pas à voir s'ils fuient le Titan ou tentent de s'en approcher. S'en approcher serait une folie à moins que... »
« A moins que quoi ? » trancha ODD.
« A moins qu'ils n'aient un plan et ne tentent de gagner le Titan. Peut-être savent-ils quelque chose eux aussi sur ce trésor qu'abriterait le Titan ? Peut-être sont-ce des citoyens de la Cité Volante tentant de sauver les leurs ? Qui sait ? Nous ne sommes peut-être pas les seuls à vouloir gagner ce Titan ? »
ODD à son tour s'approcha de la porte. Nous lui fîmes de la place. Par dessus son épaule, le Lwa passa la tête et sourit. Là où nous ne voyons que ruine, ils voyaient de l'espoir. Tous les deux semblaient confiants en ce monde pourtant dévasté par le Titan. Et pourquoi ?
« Regardez ! Ce monde n'est pas un désert. Il est habité. Ces gens ne sont pas des rescapés de la Cité Volante. Ce sont les habitants de ce monde. Pour nous, seuls quelques instants se sont écoulés. Mais pour eux, ce sont des éons ! Ils ont toujours vécu à l'ombre du Titan Millevaux. Ils le connaissent. Ils le connaissent bien. Et surtout, ils combattent les Horlas. Ils suivent la voie des Lwas. Ils ne sont pas... Horlas-Lwas ! Là est la véritable Pulsion de Vie. Il ne s'agit pas, comme le fait la Chèvre Noire, de voler la vie des autres pour donner naissance à de nouvelles formes corrompues. Non ! Ces hommes et ces femmes, sont nés dans un désert de rocailles à l'ombre d'un Titan malfaisant et pourtant, ils sont là  ! Depuis des éons ! Depuis toujours ! Ils ont réussi à vivre. Ils combattent le Titan animé de l'espoir que leur donne la Pulsion de Vie. Ce monde est merveilleux, vous ne trouvez pas ? »
« Tu dois avoir raison mais... comment nous en assurer ? Comment être certains que ce sont des alliés et qu'ils vont nous aider ? Et déjà , comment être certain qu'ils ne vont pas se faire écrabouiller par le Titan ? »
« Santos, tu devrais être plus optimiste. Quand je te dis que ces gens suivent la voix et la voie des Lwas, je sais de quoi je parle »
Alors, l'esprit éthéré se retourna vers mon frère et maître exorciste et je crus voir sur son visage l'esquisse d'un sourire bienveillant.
Quantus, alors, s'approcha Ă son tour de la porte. Il secoua la tĂŞte et souffla fort par le nez.
« ODD, je ne veux être un oiseau de mauvaise augure mais... regardes bien. Qu'est-ce là  ? Qui sont ces troupes descendant des flancs et des cuisses du Titan ? Ce ne sont pas des Horlas mais bien des hommes. Quelles créatures chevauchent-ils ? Quel horribles mutants ! Et sur leur banière, que lis-tu ? Qui sont ces Titanides ? Un peuple nouveau habite ce désert mais un peuple nouveau semble habité aussi Millevaux, tout inféodé à la Chèvre Noire et prêt à tout pour la défendre.
Spike était resté dans l'ombre. D'une voix fébrile, il demanda à Quantus d'en dire plus sur ce qu'il voyait. Qu'étaient donc ces Titanides ?
« Spike, je crains fort que ces Titanides soient aussi dangereux que des Horlas. Ils n'ont fait qu'une bouchée de ces hommes sur leurs machines mécaniques. Leurs animaux horribles les ont déchirés de leurs crocs et griffes. Et les survivants... Veux-tu vraiment le savoir ? Par contre, mes amis, l'heure ne me paraît plus aux paroles car... on dirait bien qu'ils s'approchent de nous !
Spike fit finalement un pas vers la porte. Pour autant, il ne regarda pas à l'extérieur.
« ODD et le Lwa ont raison. Gardons espoir. Et pour autant, continuons de réfléchir. Nous savons que ce monde n'est plus que rocailles hantées par Millevaux qui en aspirent la vie. Pourtant, il y a toujours des hommes et des femmes suivant les Lwas. Cela doit donc signifier qu'ils doivent savoir comment voyager dans le monde des Rêves. »
« Et qu'est-ce qui te permet d'affirmer ça ? »
« C'est comme ça que le Lépreux m'a conduit jusqu'à vous. Quand bien même il s'agit d'un cauchemar, c'est par une sorte de rêve que toi et Santos nous avaient rejoint pour assiter à cette cérémonie. Et si c'était par le rêve que nous pourrons contacter ces gens ? ODD, peut-être que ton Lwa pourrait nous y aider ? »
Tous les regards étaient tournés vers moi, Tad Edes Corso. Manifestement, j'étais celui qui avait la plus grande expérience du combat contre les Horlas et les Cœlacanthes. Et je devais être le plus familier avec ces notions d'autres mondes. Je compris alors que tous attendaient de moi un plan. Mais en avais-je vraiment un ? Je murmurais, plus pour moi-même que pour les autres.
« Un plan... Nous n'atteindrons le cœur du Titan qu'en empruntant les voies du Rêve. Si je cède aux cauchemars, les Cœlacanthes m'ouvriront malgré eux une porte vers Millevaux. »
Puis, je vis le regard de ODD qui fixait mon épée.
« Elle ? C'est une épée démoniaque ramenée d'un de mes voyages à travers les Forêts Limbiques. J'apprécie son tranchant mais surtout ses révélations. Le démon qui l'habite est avare de mots et souvent ne me parle que par images. Mais je sens qu'il n'est pas mon ennemi. Il a toujours été honnête avec moi. Cela fait longtemps que je ne l'ai pas sollicité. Peut-être a-t-il quelque chose à nous dire ? »
Je m'emparais alors de la lame. Le démon savait-il comment venir à bout du Titan sans s'exposer aux Cœlacanthes, sans passer par le cauchemar ? J'eus alors une sensation étrange. C'était un peu comme si le démon n'attendait que ça, que d'être appelé. Il avait des choses à dire mais semblait ne pas oser prendre la parole sans y avoir été invité. Alors comme ça, il connaissait un moyen de venir à bout du Titan ?
« Pour anéantir le Titan sans recourir à la magie, il faut exploiter ses faiblesses. La Mauvaise Mère chérit ses enfants et ne tolérera pas qu'on leur fasse du mal. Trouvez-le ! »
Je transmis ces mots à mes compagnons sans vraiment les comprendre. J'espérai qu'ils feraient sens pour eux. Comment trouver un enfant de Shub'Niggurath sans recourir à la magie pour invoquer un de ses sombres rejetons ? Je me tournai alors vers Lucius.
Lucius secoua la tête. Il ne voyait pas comment procéder sans recourir à la magie, ni aux connaissances occultes. Seul un rituel complexe pouvait permettre d'invoquer et contrôler un rejeton de Shub'Niggurath. Il garda le silence un moment puis se mit à réfléchir à haute voix.
« D'une certaine façon, NoAnde est un enfant de Shub'Niggurath. Si on le retrouvait... Mais pas seulement, il y a aussi le Cruel Centipède. Sa relation avec la Chèvre Noire est complexe. Il est le vecteur ayant donné naissance au Titan Millevaux mais sans Millevaux, il n'y aurait jamais de Cruel Centipède, je me trompe ? En ce sens, le Cruel Centipède est un enfant de Millevaux. Nous l'avons eu en notre possession, Corso. Il y en a plusieurs. Si nous le retrouvons ou en trouvons un autre...
« ODD, penses-tu que ton Lwa pourrait nous dire où trouver un Cruel Centipède ? »
Le Lwa sourit. Il se tourna vers ODD et, pour la première fois, traversa sa nuque de sa main. La tête de ODD se mit alors à bouger bizarrement, puis il se mit à parler.
« Le Cruel Centipède est la maladie, la corruption. Il est une forme de vie en expansion, un parasite. Il peut prendre n'importe quelle forme tant qu'il respecte ce principe de prédation, expansion et corruption. Une forme du Cruel Centipède est... un jeu. Un jeu de rôle. Créez un jeu. Créez des personnages. Laissez-vous corrompre, transformer par ce jeu millevalien. Créez un monde et ses règles. Créez un Cruel Centipède. Soyez Créateurs ! Soyez Joueurs ! »
Les mots s'accéléraient dans la bouche de ODD qui ne parvenait plus à suivre le rythme. Alors, le Lwa se tut. ODD sembla reprendre ses esprits. Il fouilla dans sa poche et en sortit une paire de dés à 6 faces qu'il tendit à Spike.
« Je te sens le plus joueur de tous nos compagnons. As-tu une idée de ce à quoi nous pourrions jouer ? »
Spike était pris de cours. Il cherchait ses mots. Tout en faisant jouer les dés entre ses doigts, il réfléchissait à haute voix. Selon lui, tout jeu possédait des règles. Il faudrait donc commencer par les écrire. Ensuite, s'il comprenait bien les mots du Lwa, tout jeu de rôle avait pour cadre un univers précis. Il faudrait le créer aussi. Ainsi que les personnages qui en seront les héros.
« Nous sommes face à un Titan. Appelons ce jeu « Face au Titan ». Qu'en dites-vous ? Il nous faut des règles simples pour lesquelles deux dés à six faces suffisent. Nous n'avons pas grand chose pour écrire ni prendre des notes. Notre système de jeu doit être plutôt narratif je pense. Et nous devons pouvoir nous passer de fiche de personnage. Je ne sais pas trop... Et vous, les Exorcistes, vous n'avez encore rien dit... »
Quantus et Santos écoutaient en silence. Ils n'étaient vraiment pas à l'aise avec ces considérations mais ne voyaient pas vraiment comment faire autrement que de se prêter à ce jeu.
« Soyons simples et pratiques, dit Quantus. Notre jeu aura pour seul finalité de vaincre le Titan. Aussi, ses différentes étapes auront pour but de présenter ses forces et faiblesse ainsi que nos propres ressources. Ainsi, nous pourrons ensemble décider de la marche à suivre. Je propose que nous commencions notre jeu dans une cabane comme celle-ci. Au début, nos personnages ne sauront rien du monde dans lequel ils évoluent. Ils devront apprendre et réfléchir ensemble pour trouver le meilleur moyen de vaincre le Titan. Et euh, je ne sais pas si c'est de la triche mais... Peut-être aussi que nous pourrions en profiter pour placer dans ce monde quelques éléments qui pourraient nous être utiles ? Nous pourrions peut-être améliorer cette technologie dont semblent disposer les habitant de ce monde ? »
Armés d'une paire de dés, de quelques feuilles de papier, de crayons et de notre imagination, nous, la 13ème Compagnie, étions maintenant aux commandes de notre propre Cruel Centipède. Nous étions prêts à faire face au Titan !
Alors, nous quittâmes notre cabane. Moi, Tad Edes Corso, l'ange plus ou moins déchu, armé de mon épée démoniaque, de mon marteau de guerre et porteur de cet étrange pouvoir consistant à écrire le futur dans mes rêve. Oui, j'avais écrit notre victoire. Je ne craignais donc pas tant notre défaite que le prix de notre victoire car celui-là m'était inconnu...
Lucius Salinger se tenait à ma droite. Autrefois mécanicien chargé de la maintenance des moteur de la Cité Volante. Aujourd'hui, initié aux secrets des Dieux Anciens par l'un de leurs plus abominable serviteurs, NoAnde !
Venaient ensuite Spike et ODD. Le chasseur de monstres avait été guidé jusqu'à nous par son chat rêveur et ODD, le roi des monte-en-l'air, était l'objet des esprits.
Mes frères et maîtres Exorcistes, enfin, Quantus et Santos, aussi prompt au combat à l'épée qu'au combat spirituel contre les démons.
Nous avions décidé, autant que possible, de ne pas user de magie. Nous comptions notamment sur Lucius pour nous faire part de ses connaissances concernant les Anciens mais aussi de ses connaissances techniques pour utiliser autant que possible la technologie développée par les habitants de ce monde ravagé par le Titan Millevaux. S'il y avait une faille dans la cuirasse du Titan, ODD la trouverait. Ensuite, une fois à l'intérieur, ce serait à nous autres de combattre les Horlas et gagner le cœur du Titan afin de le détruire.
Je prends mon marteau dans ma main droite et l'épée démoniaque dans la gauche. Je déploies les langues ailes d'Edes et m'envole. Je compte effectuer un vol de reconnaissance, faire le tour du Titan. Je veux en savoir plus sur les positions tenues par les Horlas et ces Titanides que nous avons vu.
J'ai vu notre victoire mais je n'en connaissais pas le prix.
Alors que j'approche, le Titan Millevaux se tourne vers moi. Il se campe sur ses jambes et se penche dans ma direction. Je ne suis qu'une mouche comparé à lui mais il m'a vu. Il pousse un hurlement terrible qui me glace, littéralement. Son souffle me congèle sur place et je tombe comme une pierre... et je me fracasse au sol en mille morceaux.
J'ai vu notre victoire et maintenant j'en connais le prix !
Le Titan hurle et frappe du pied, provoquant des secousses dignes de Shudde M'ell.
Lucius tremble mais se reprend. Il se rappelle les mots de Corso et demeure certain de leur victoire. Aussi, respectant leur vœux de ne pas user de magie, il se rue vers le Titan, prenant soin de se diriger vers un des véhicules abandonnés par le petit groupe de survivants réduit à néant un peu plus tôt par la Forêt Verticale. Comme prévu par le jeu, ce véhicule est mieux équipé qu'à l'origine. Non seulement il est en parfait état de marche mais il est en plus doté de toute une batterie d'armes et de gadgets qui les aideront à approcher le monstre.
Les deux exorcistes prennent place à bord. Les commandes des armes sont intuitives. Elles ont été conçues à cette fin lors de la création du jeu. Aussi, alors que Lucius roule à toute vitesse vers le Titan, ils tirent des torrents de flammes sur les Titanides qui se pressent à leur rencontre.
À bord de l'engin, Spike et ODD attendent leur heure. Mais ODD ne se sent pas bien. Il paraît perturbé. Spike l'appelle mais il ne répond pas. Spike en appelle alors au Lwa qui l'accompagne. Ce dernier explique qu'ODD est victime d'un des maléfices du Titan Millevaux. Comme tous ses habitants, il commence à perdre la mémoire. Alors, Spike saisit le bras du voleur et, à l'aide de sa dague, grave ces mots sur son avant-bras. « Je m'appelle ODD ». Ce dernier, lisant cette phrase, se reprend et lui sourit. Spike lui sourit également. Il se penche vers lui et lui glisse quelques mots qui lui arrache un éclat de rire. Concentrés sur leur tâche, les Exorcistes ne se rendent compte de rien mais Lucius ne peut s'empêcher de jeter un coup d’œil rapide dans leur direction. Il aperçoit le Lwa voletant en rond dans l'habitacle.
Le terrain est accidenté mais Lucius se révèle un bon pilote. Il esquive autant que possible les Titanides. Son véhicule est bien plus rapide que leurs montures monstrueuses. Ainsi, il s'approche encore un peu plus du Titan.
De leur côtés, les Exorcistes concentrent maintenant leurs tirs sur les jambes du Titan. Ils espèrent ainsi l'affaiblir. Mais la chaleur dégagée devient vite insoutenable et ils craignent de manquer de carburant. Aussi, devant l'absence de réaction du monstre. Ils stoppent leurs tirs mais restent vigilants.
Spike fait l'inventaire de ses armes. Dagues en tout genre, arbalètes. Il se sent prêt à en découdre une fois qu'il aura mis pied dans le Titan. ODD, quant à lui, envisage déjà différents moyens de s'introduire dans le cœur du Titan. Il est confiant dans l'aide du Lwa et sait qu'une fois à l'intérieur Spike saura faire face à toute menace.
Le Titan gronde. Le long de ses bras courent des hordes de Horlas chargés d’Égrégore. L'air crépitent de magie corrompue. Lucius braque et contre-braque à plusieurs reprises esquivant les attaques des Horlas. Les Exorcistes ont repris leurs tirs. Et alors, le Lwa fait son apparition aux côté de Lucius et lui glisse à l'oreille :
« Le Jeu de Rôle est un Cut-Up... »
Ces mots sonnent étrangement. Lucius, sans relâcher sa concentration sur la route, réfléchit. Certes, ils ont décidé de ne pas user de magie mais... le Cut-Up, est-ce de la magie ? Non ! Il ne sait pas d'où lui viennent ces pensées mais il sait que le Cut-Up est avant tout un genre littéraire. Et aussi une façon de pratiquer le jeu de rôle. Et là , tout s'éclaire. Le Cut-Up est une règle du jeu, pas de la magie. Ils peuvent y recourir sans risque de trahir leur vœux de ne pas utiliser la magie corrompue des Anciens.
Puis, le Lwa lui murmure un nouveau mot :
« Batro... »
Bien sûr, là , Lucius comprend tout. À travers le Lwa, c'est celui que Corso appelait le Joueur qui lui parle. Batro est un auteur de jeu de rôle dans la réalité du Joueur. Et il est l'auteur d'un jeu appelé les Exorcistes. Dans ce jeu, les personnages ont aussi se pouvoir d'utiliser des mots pour altérer la réalité. Certes cela n'est pas sans influence sur leur chemin de croix mais... ils peuvent le faire. Ainsi Quantus et Santos doivent forcément être capables de Cut-Up. Et lui aussi d'ailleurs. Il a appris à le faire grâce à NoAnde. Maintenant, il sait qu'il n'a plus besoin d'Opium jaune pour cela.
ODD avait vu le Lwa s'approcher de Lucius et, l'air de rien, écoutait ce qu'ils se disaient. Il tiqua en entendant ce nom de « Batro ». Il était certain de ne l'avoir jamais entendu mais ce nom lui disait pourtant quelque chose. Il s'approcha et écouta ce que Lucius et le Lwa se racontaient au sujet du jeu de rôle comme Cut-Up. Il sourit quand il comprit qu'il y avait dans ce point de règle le meilleur des moyens de pénétrer le cœur du Titan. Laissant l'esprit et le pilote deviser entre eux, il rejoint Spike et lui expliqua son plan.
Puisqu'ils étaient dans un jeu, ils devaient en suivre les règles. Or, les règles des jeux de Batro utilisaient le Cut-Up. Ils leur suffisaient d'en faire autant et altérer la réalité autour d'eux sous l'influence de « mots-clés ». Spike était circonspect. ODD allait lui faire une démonstration.
Alors, le Joueur s'empara de son paquet de cartes Muses & Oracles. Il en saisit une et lit le mot sous son pouce. « Jumeau ». ODD sourit et déclare à tout le monde.
« Mon frère jumeau est à Millevaux. Il va nous aider à entrer ! »
Spike le dévisage et ODD lui dit :
« A ton tour. Pioches une carte... »
« Commanditaire... »
Pas facile, se dit Spike. Surtout que de commanditaire ils n'en avaient point.
« Fais marcher ton imagination, l'encourage ODD.
« Commanditaire... Commande... Terre. Commandes la Terre ! Je commande la Terre, hurla Spike. »
Et sous eux, la terre se mit à trembler et à s'élever en une improbable passerelle en direction du Titan. Alors que la Forêt Verticale se rapprochait, Lucius se sentait attiré, guidé par une lueur, un feu. Et alors qu'ils allaient toucher le sol de la Forêt, à côté de ce phare improvisé, Lucius reconnu ODD. Ou plutôt, son portrait craché, son jumeau, EVEN.
Mais la joie des retrouvailles entre les deux frères fut plus que brève car déjà des troupes de Millevaliens en armes, adorateurs de la Chèvre Noire, se précipitaient vers eux en hurlant.
Les Exorcistes s'étaient remis à tirer et des torrents de lave coulaient en direction des serviteurs de Shub'Nigurrath. Mais pour une douzaine qui brûlaient, douze autres sortaient des bois. Comment gagner le cœur du Titan ?
ODD eut alors une idée et se tourna vers son frère. Chacun allait tirer une carte et ils combineraient les effets de leurs mots-clés.
« Langue », « Détection ».
Les deux frères se regardent, vaguement dégoûtés à l'idée de ce qu'ils s'apprêtent à faire.
Alors qu'un nouvel opposant fait son apparition, ils se jettent hors du véhicule et se mettent à lécher les arbres. Et, comme souhaité bien qu’improbable, ces derniers révèlent une piste. Aussi grotesque que ce soit, c'est en léchant les arbres et en reconnaissant la saveur des maléfices de Shub'Niggurath – le goût de l’Égrégore ? – qu'ils parviendront jusqu'à son cœur.
Lucius, quant à lui, voyant arriver cet homme en armes et revêtu d'une lourde cuirasse, oriente le véhicule dans sa direction et fonce sur lui. Entre la force de l'impact et le brûlant des armes des armes des Exorcistes, celui-ci se retrouve rapidement hors-combat, semant la panique parmi les autres cultistes.
Bravant les flammes et les derniers tirs d'arbalètes et jets de lances, Spike se rue sur le cadavre tout en tirant une carte.
« Bas-relief »
Et à travers les flammes, il parvient à discerner quelques gravures sur l'armure et reconnaît une représentation du Cruel Centipède. Sur le coup, il ne comprend pas ce que cela signifie puis se rappelle que le Cruel Centipède n'est pas qu'un vecteur de corruption. Il est aussi un remède. Aussi, sans parvenir à échapper à de terribles brûlures, il débarrasse le chevalier de son armure. Dessous, l'être qui la portait a une tête de... porc ?!!
« Franky ! » cria alors Lucius.
« Plus tard ! » répond-il à Spike qui l'interroge du regard.
Alors, malgré la chaleur, Spike enfile cette armure. Et après que les Exorcistes aient mis en fuite les derniers serviteurs des Anciens, tous se mettent à suivre la piste dégagée par ODD et son frère.
A l'intérieur de l'armure, Spike souffre le martyre. Pour autant, il refuse de l'ôter. En effet, selon lui, les jumeaux vont les guider jusqu'au cœur du Titan Millevaux. Mais c'est parce qu'il porte cette armure que les gardiens de ce cœur le prendront pour un des leurs et le laisseront entrer. Et il veut qu'ils le voient arriver de loin.
La fin est proche. Ils le savent tous. L'espace d'un instant, ils ont envisagé de faire croire que le chevalier revenait avec des prisonniers. Mais cette ruse leur a paru très convenue. Non, que Spike entre seul était risqué mais peut-être, finalement, la meilleure chose à faire.
À mesure qu'il avançait, le chasseur de monstres se disait qu'il lui avait semblé si peu probable que ce soit lui qui doive porter le coup fatal au Titan. Il pensait, comme eux tous, que ce serait le rôle de Corso. Puis, il s'était laissé aller à penser que Lucius romprait leur vœu et userait de magie, combattant le mal par le mal. Mais on dirait que ce serait lui. Ils approchaient et il regrettait qu'Herbodoudiab ne soit pas là .
Puis les jumeaux leur dirent à tous de s'arrêter. Devant eux, à quelques centaines de mètres, s'élevait le cœur du Titan. Ou plutôt, la forteresse qui le protégeait. Paradoxalement dans ce décor forestier, ce bâtiment qui ressemblait à un phare était recouvert de coquillages. Mais pas de beaux coquillages aux reflets multicolores. Non, leurs formes avaient quelques choses de hideux et glacial. Il émanait d'eux et du bâtiment quelque chose de vorace, de carnassier. Spike avait le sentiment qu'il allait se faire dévorer par quelque chose de marin.
« Chtulhu? » hasarda Lucius.
L'initié malgré lui expliqua que dans le panthéon des Anciens, Chtulhu était la divinité consacrée à la mer. Mais pas seulement. Il était aussi Celui Qui Rêve...
Et la porte s'ouvrit. Spike craignait de se faire dévorer par un cauchemar...
Sa ruse va-t-elle fonctionner ? Spike n'est plus sûr de rien. Aussi bien, cette porte va s'ouvrir sur une horde de Horlas et de Cœlacanthes qui le dévoreront. Mais il n'en est rien. Il distingue bien plusieurs silhouettes se dessinant dans l'ombre mais elles ne montrent aucune hostilité à son égard. Au contraire même, elles l'invitent à entrer.
Les lieux baignent dans un brouillard épais. Spike est guidé dans les escaliers jusqu'à une chambre se situant plusieurs étages au-dessus de l'entrée. Il tente de rester maître de lui-même et de ne pas paraître trop insistant quand il pose son regard sur ceux qui l'accompagnent. Il reconnaît des physionomies humaines mais horriblement altérées sous l'influence de l’Égrégore. Il y a aussi de ces Horlas à sept têtes de serpents.
Une fois dans cette chambre aux murs ravagés par le gel et aux meubles vermoulus et rendus bancals par l'humidité, Spike distingue une silhouette dans le lit. L'espace d'un instant, il a cru qu'il s'agissait de son amie Nuancia. Mais non ! De sous les couvertures rapiécées émerge...
« Herbodoudiab ?! »
Oui, c'était bien son chat qui se réveillait là  ! Mais Spike vit tout de suite que quelque chose n'allait pas. Herbodoudiab ne bougeait pas comme il avait l'habitude de le faire. Il grognait d'une manière étrange. Il se tourna et exposa celui de ses flancs déchiré par cette Bouche qui lui permettait de parler la langue des hommes. Mais là , il parlait la Langue Putride !
L'armure se mit alors à chauffer, à redevenir brûlante. Mais Spike vit que les chairs de son chat, ou plutôt de la chose qui avait pris possession de lui, fumaient également. Herbodoudiab devait payer le contrecoup de sa magie. Qui craquerait le premier ?
Spike et son chat se fixaient droit dans les yeux. Et Spike ne reconnaissait pas cette chose qui le faisait littéralement rôtir dans cette armure. Il posa alors un genou à terre. Mais toujours conscient, il se dit alors que l'armure n'avait peut-être pour fonction que de le faire entrer dans ce phare. Peut-être n'en avait-il plus besoin pour briser le cœur du Titan Millevaux. Aussi, il tenta de l'ôter. Contre toute attente et avant que quelques Horlas ou mutants aient le temps d'intervenir, Spike s'était dégagé de ces plaques de métal portées au rouge. Herbodoudiab en profita pour mettre fin à son sortilège. Lui non plus n'aurait peut-être pas pu tenir beaucoup plus longtemps.
« ...Briser le cœur du Titan... »
Spike se demanda quel être aimé du Titan Millevaux pourrait se détourner de lui et lui causer une peine telle qu'il renoncerait à la vie.
Millevaux, la Mauvaise Mère comme l'appelait souvent Herbodoudiab. La Chèvre Noire aime ses enfants. Ses enfants horribles. Les horribles mutants qui l'entourent en ce moment même. Quel plus grand drame pour une mère que de perdre ses enfants ? Mais comment éradiquer de la surface de la Forêt Verticale tous ses enfants corrompus par l'Egrégore ?
« Tire une carte... »
« Négligence »
Spike se demande ce qu'il a négligé. Ou ce que le Titan aurait pu négliger. Quel détail leur aurait échappé à tous ? Et Spike se rappelle la Bouche défigurant le visage de Nuancia. La même que celle s'ouvrant sur le flanc d'Herbodoudiab. La même encore que sur cet étrange Grimoire trouvé par les Exorcistes. La Bouche... Avait-elle quelque chose à dire ? Ou plutôt, et s'il suffisait de la museler pour faire taire cette folie ? Spike sourit. Pas Herbodoudiab...
Des mots ! Tout cela n'était que des mots proférés par une Bouche folle qui devait maintenant se taire à jamais.
Spike se jeta sur le lit. Il se saisit d'un drap et s'en servi pour bâillonner Herbodoudiab qui n'eut pas le temps de réagir. Le chat feulait, grognait mais ne pouvait plus parler. Il se cabrait, tentait de griffer et mordre son compagnon mais Spike tenait bon. Autour d'eux, les Horlas et les mutants n'osaient pas bouger. Peut-être avaient-ils peur de blesser Herbodoudiab ?
Puis le gros chat cessa de se débattre. Il finit par se laisse retomber sur le vieux matelas moisi. Il respirait encore. Spike fit en sorte que cela cesse. Alors, il défit le bâillon et s'assura que la Bouche avait, elle aussi, rendu son dernier souffle.
Horlas et mutants étaient saisis d'effroi. L'espace d'un instant, Spike crut qu'ils allaient se jeter sur lui mais tous savaient qu'à présent tout était fini. Aussi, il s’écartèrent et le laissèrent quitter le phare. En descendant les marches, Spike se demandait si, en définitive, tout cela n'était pas un rêve.
Le Titan Millevaux est mort. Ou au moins, il a cessé de se mouvoir. Pour autant la Forêt Verticale se dresse toujours au milieu de ce désert de rocailles. Peut-être que ce phare était une porte vers un autre monde, un autre rêve. En réalité, nous n'en savons rien et notre confrérie d'Exorciste a aujourd'hui pour mission de s'assurer que personne ne le sache jamais. Nos frères et maîtres sillonnent la forêt et le désert, traquant ce qui restent de Horlas, mutants et Cœlacanthes. Santos et moi sommes les gardiens du phare. Le cœur du Titan est une porte vers d'autres mondes et nous en sommes les gardiens.
Lucius, quant à lui, a décidé d'utiliser ses compétences en ingénierie et en occultisme au service de la communauté vivant dans le désert. Il répare les machines, en crée de nouvelles et use de ce qui reste d’Égrégore pour faire le bien, autant que possible. Il a aussi gardé de NoAnde ce goût pour les connaissances ésotériques et il lui arrive de faire de longs voyages en quête d'un Ouvrage ou d'une légende...
Spike est et reste un chasseur de monstres. Mais après avoir abattu le Titan Millevaux, il a décidé de s'en prendre à une nouvelle catégorie de monstre. Ce phare semblait consacré à celui qu'on nomme Chtulhu. S'il a pu défaire un avatar de Shub'Niggurath, il devrait bien réussir à en faire autant avec un avatar de Chtulhu...
ODD apprend à connaître son jumeau, EVEN. Tous deux sont guidés par le Lwa qui ne les quitte plus. Et tous ensemble, ils s'exercent à cette étrange magie du Cut-Up car ce ne sont pas de simples règles du jeu, c'est bien de la magie finalement...
Tel était donc le prix à payer. J'ai écrit le futur. J'ai écrit notre victoire. Le Titan Millevaux n'est plus... et moi non plus. Pour autant, je sais que l'esprit de Millevaux ne peut mourir. Il ne peut pas disparaître. Il y aura toujours un Millevaux tant qu'il y aura des Créateurs de jeux pour investir cet univers. Il y aura toujours un Millevaux tant qu'il y aura des Maîtres du jeu pour explorer cet univers, le déformer, le faire leur. Il y aura toujours un Millevaux tant qu'il y aura ne serait-ce qu'un seul Joueur, même solitaire. Sans Maître de Jeu ni même nécessairement de règles de du jeu.
Le Titan Millevaux n'est plus mais le Joueur est toujours là . Alors, Millevaux reviendra par l'intermédiaire du Cruel Centipède, et ce quel que sera sa forme ou son nom. Et si Millevaux revient, peut-être que moi aussi, Tad Edes Corso, je reviendrai.
Commentaires de Thomas :
A. "Alors que nous survolons cette Millevaux sans fin, certains de nos alchimistes et autres mages ont identifié une source d'énergie qu'ils nomment Égrégore. Ils pensent qu'il est possible de domestiquer cette énergie."
You fool !
B. "Le mauvais goût de cette étrange mixture me fait oublier l'espace de quelques verres l'amertume de cette perte pour nous tous." Serait-ce une liqueur d'oubli ?
C. "J'aurais aimé m'assurer que son nom était mérité mais elle cache ses traits derrière un masque noir couverts de plumes. " Est-ce que tous les habitués de la taverne sont des horlas cachant leur vraie nature ?
D. « Sais-tu ce que c'est ? Non, évidemment ! C'est une accréditation de niveau Indigo. Un passeport pour la Cité Bleue. »
Toute cette histoire de phobie des rĂŞves et de conspiration onirique me rappelle la fiction audio d'Alt236, Maelstrom
E. "Il m'a expliqué ce qu'est cette chose qui s'agite à la base de mon crâne. Il s'agit d'une sorte de Ver Cosmique dont certaines incarnations porte le nom de Cruel Centipède."
Dans Millevaux, il y a un parasite, le Ver Vorace, qui se nourrit de chair humaine. Depuis un arbre, il tombe sur le cou d'un hĂ´te humain, dont il va ensuite prendre le contrĂ´le de temps Ă autre pour le forcer Ă manger de la chair humaine.
F. "Et c'est précisément à ce grand voyage qu'il me prépare par nos étreintes. Les lieux, les époques qu'ils me montrent, sont autant de temps et d'endroits que je serais peut-être à même de visiter."
Donc l'homme-sanglier a le même pouvoir que les hommes-porcs dans La Trilogie de la Crasse. Pour info, les hommes-sangliers qu'on voit dans Coelacanthes sont effectivement inspirés des hommes-porcs (d'avant La Trilogie de la Crasse), j'en ai juste fait des sangliers pour donner le côté plus forestier. Les hommes-sangliers sont donc des sortes de Soar nettement plus sauvages.
G. "Je me suis ouverte de cette mésaventure à NoAnde qui m'a expliqué qu'il s'agissait d'un nouveau stigmate qu'il a qualifié d'Aura Putride." : j'aime ce concept que les horlas auraient une sorte d'aura que certains peuples ou personnes puissent détecter.
H. "Je sens son ventre contre mon dos. [...] Je me dégage de sous le corps de NoAnde qui, à quatre pattes, s'éloigne en geignant..." Une scène très intense avec tout le body horror propre à Millevaux !
I. " En dénaturant les rites Soars, il est parvenu à modifier la trame du réel." Ce qui confirme qu'en tant qu'homme-sanglier, NoAnde est un Soar perverti... ou au contraire, plus sauvage, donc plus naturel.
J. "Mais, alors qu'il introduit une des lames de son kit de crochetage dans la serrure, une lourde main s'abat justement sur la sienne, lui tordant le poignet et brisant son outil au passage. ODD se retourne et lève la tête. Au dessus de lui, une silhouette massive dont le visage est masqué par la capuche d'une cape sombre."
C'est intéressant de changer de personnage juste au moment où l'action prend un tournant. ça ménage du suspense pour le joueur solo que tu es, et pour le lectorat que nous sommes.
K. "Depuis que la Cité Volante stagne au dessus de Millevaux, nous nous sommes lancés dans une série de rituels en l'honneur de la Chèvre Noire afin d'étendre l'influence de la Forêt aux cieux. " Une petite partie jouée avec Loué soit Soth, pour incarner des cultistes de Shub-Niggurath, pourrait s'avérer intéressante...
K2. J'ai eu de grosses difficultés à démêler les différents protagonistes. J'ai essayé de rajouter leur nom au début de chaque section, mais je suis sûr d'avoir fait des erreurs, alors je veux bien que tu vérifies STP (voir doc ci-joint)
K3. "Mais pour l'instant, je dois trouver ce maudit Grimoire et lui fourrer ma queue dans la Bouche. " Ce concept de relation sexuelle avec des grimoires maudits, c'est très creepy-kink :)
L. "Mais je suis têtu et finis par obtenir quelques renseignements après des heures épuisantes à arpenter les rues et les passerelles de la Cité Volante. " A nouveau, la forêt est finalement la grande absente de tes séances de Millevaux. Je sais bien que sur cette campagne, la forêt n'est pas le cadre, mais une menace sous la ville, mais on peut envisager qu'une ébauche de colonisation se fasse (racines, lianes, radicelles, mycoses), qu'il y ait des signes avant-coureurs. A moins que tu estimes que la simple apparition de tels signes serait déjà le signal que c'est la fin. Mais dans ce cas-là , il faut faire peser la menace. Quelques descriptions rapides de la forêt de Millevaux sous les pieds des habitants de la Cité Volante pourrait permettre de mettre la pression.
M. "Ces Cathares savent-ils quelque chose au sujet de Shub'Niggurath, de la forêt et des Horlas ? Je vais tenter d'en apprendre davantage. " Il y a un petit passage sur les Cathares dans l'Atlas de Millevaux. Passage que j'ai par ailleurs mis en jeu dans ce compte-rendu de partie : Bugarach Survivors
N. "Je me fais le plus discret possible, convaincu qu'on s'apercevrait très vite que je n'ai rien à faire ici. Aussi, je me débrouille seul. " En fait, il y a une mise en abîme assez vertigineuse à insérer Montségur 1244 dans les jeux de cette campagne Millevaux, parce que justement le jeu ne paraît pas tout à fait cadrer avec le reste : le joueur doit partager le sentiment du personnage d'être en quelque sorte en infiltration dans le jeu.
O. "je m'apprête à consulter mon Recueil des Monstres et Horlas afin d'y trouver des informations sur la créature qui s'est emparée de mon amie." : un recueil que j'imagine des moins fiables car il est impossible de répertorier exactement les horlas...
P. "Je jaillis de l'ombre, marteau levé et l'abats sur le crâne de mon adversaire. Il s'écroule sur le coup, inconscient. Je lance un regard glacial au démon qui comprend qu'il doit rester immobile et silencieux. Je retire le heaume. Dessous, une tête de porc. Cette chose est un Soar !" L'omniprésence de créatures surnaturelle dans l'enceinte de Montségur m'évoque un temps médiéval ou le merveilleux fait encore partie de la vie quotidienne. Ici, un combat entre un Soar, un vampire et un ange, et ça n'offusque personne.
Q. "En effet, il apparaît que sous l'influence de l’Égrégore, les stigmates varient d'un Horla à l'autre. Où pourrait se cacher un être défiguré par la malédiction d'un Horla ?" : on comprend donc pourquoi la taverne grouille d'être masqués. Ceux qui portent un bec de corbin sont certainement des Corax.
R. "En réalité, face à la nécessité de me cacher dans les sous-sols de la forteresse, j'ai découvert les traces de cérémonies en l'honneur de divinités bien plus dangereuses que ce qu'on peut attribuer aux Cathares. J'en suis même arrivé à me demander si le siège de Montségur n'avait pas pour but réel que d'éradiquer ces serviteurs des Anciens. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il y a ici des serviteurs de Shub'Niggurath, Nyarlatothep et bien d'autres. Je pense que le meurtre de l'inquisiteur n'est qu'un prétexte. En réalité, les assiégeants savent très bien ce qui se trame dans les souterrains mais ne peuvent se résoudre à révéler ces secrets au grand jour. Alors, sous couvert de combattre l'hérésie des Cathares, ils en profiteront pour faire le ménage aux sous-sols. " Est-ce que c'est une intrigue que tu as rajoutée, où est-ce présent dans le livre de jeu de Montségur 1244 ?
S. "En effet, à peine ai-je mis le nez dehors que j'entends déjà les vives discussions concernant les prophéties et autres mises en garde apocalyptiques provenant d'un des patient de la léproserie. Je ne savais même pas qu'il y en avait une ici. Quel intérêt de garder ici ces malades? Autant les jeter par-dessus bord. " L'évocation d'épidémies et de masques de docteurs de la peste m'évoque un détour par le jeu de rôle Macadabre...
T. " Involontairement, en raison d'une partie de leurs convictions, les Cathares renforcent ce culte puisqu'ils considèrent que, d'une certain façon, nous sommes déjà en Enfer." Effet de l'égrégore...
U. "Mais surtout, il parle de Millevaux. Et pas seulement de la forêt, de leur monde, de leur Enfer. Il parle du Titan Millevaux !" Pour la petite histoire, Gulix, l'auteur de Face au Titan, m'avait demandé si je voulais bien écrire un Titan Millevaux pour son jeu. Hélas, trop débordé, j'avais dû décliner...
V. "Et je découvre aussi que Franky, le Soar, est parmi eux. " Je capte seulement maintenant que Franky n'est pas un simple cultiste, mais un Soar...
W. " Un travail de bûcheron nous attend. Nous avons une forêt à abattre." Come get some !
X. "Quantus a la foi. Dieu l'a sauvé par le passé. Il l'a sauvé lors de cet accident qui aurait dû lui coûter la vie. Et il a sauvé son âme de la folie en lui offrant de devenir un Exorciste. Il guidera ses pas encore aujourd'hui." J'y repense seulement maintenant, mais dans Les Exorcistes, il y a L'Apocalypse selon Millevaux, que tu as par ailleurs utilisé dans des parties précédentes, si ma mémoire est bonne... La lutte contre Millevaux s'inscrit donc comme une mission des exorcistes de la Cité Volante / inquisiteurs qui donnent le siège à Montségur.
Y. "« Le Cruel Centipède est la maladie, la corruption. Il est une forme de vie en expansion, un parasite. Il peut prendre n'importe quelle forme tant qu'il respecte ce principe de prédation, expansion et corruption. Une forme du Cruel Centipède est... un jeu. Un jeu de rôle. Créez un jeu. Créez des personnages. Laissez-vous corrompre, transformer par ce jeu millevalien. Créez un monde et ses règles. Créez un Cruel Centipède. Soyez Créateurs ! Soyez Joueurs ! »
Les mots s'accéléraient dans la bouche de ODD qui ne parvenait plus à suivre le rythme. Alors, le Lwa se tut. ODD sembla reprendre ses esprits. Il fouilla dans sa poche et en sortit une paire de dés à 6 faces qu'il tendit à Spike." Hé hé mise en abîme, quand tu nous tiens !
Z. Le terme de Forêt Verticale pour désigner le titan Millevaux est-il un clin d'oeil au texte de Claude Féry intitulé Dans la Forêt Verticale ?
AA. "Ce dernier explique qu'ODD est victime d'un des maléfices du Titan Millevaux. Comme tous ses habitants, il commence à perdre la mémoire." ça manquait, un peu d'oubli, dans cette campagne !
AB. "Ces mots sonnent étrangement. Lucius, sans relâcher sa concentration sur la route, réfléchit. Certes, ils ont décidé de ne pas user de magie mais... le Cut-Up, est-ce de la magie ? Non ! Il ne sait pas d'où lui viennent ces pensées mais il sait que le Cut-Up est avant tout un genre littéraire. Et aussi une façon de pratiquer le jeu de rôle. Et là , tout s'éclaire. Le Cut-Up est une règle du jeu, pas de la magie. Ils peuvent y recourir sans risque de trahir leur vœux de ne pas utiliser la magie corrompue des Anciens." Trop stylée cette mise en abîme : ce n'est pas de la magie, c'est de la triche !
AC. "Alors qu'un nouvel opposant fait son apparition, ils se jettent hors du véhicule et se mettent à lécher les arbres. Et, comme souhaité bien qu’improbable, ces derniers révèlent une piste. Aussi grotesque que ce soit, c'est en léchant les arbres et en reconnaissant la saveur des maléfices de Shub'Niggurath – le goût de l’Égrégore ? – qu'ils parviendront jusqu'à son cœur. " Cela rappelle le baiser prédictif dans Coelacanthes
AD. "Pour autant, je sais que l'esprit de Millevaux ne peut mourir. Il ne peut pas disparaître. Il y aura toujours un Millevaux tant qu'il y aura des Créateurs de jeux pour investir cet univers. Il y aura toujours un Millevaux tant qu'il y aura des Maîtres du jeu pour explorer cet univers, le déformer, le faire leur. Il y aura toujours un Millevaux tant qu'il y aura ne serait-ce qu'un seul Joueur, même solitaire. Sans Maître de Jeu ni même nécessairement de règles de du jeu.
Le Titan Millevaux n'est plus mais le Joueur est toujours là . Alors, Millevaux reviendra par l'intermédiaire du Cruel Centipède, et ce quel que sera sa forme ou son nom. Et si Millevaux revient, peut-être que moi aussi, Tad Edes Corso, je reviendrai. "
Très sympa et épique, la conclusion - mise en abîme :)
Réponse de Damien :
Olala, que de déjà vieilleries tu exhumes là ^^ [Note de Thomas : Ma réponse survient trois mois après la fin de la campagne]
A-bah ce n'est qu'une théorie des persos hein ^^ y a rien de prouvé !
B-je ne sais pas, je crois surtout que cette boisson est dégueulasse XD mais je ne peux pas dire, je ne bois pas d'alcool…
C-Non, ce sont surtout l'équivalent de nos gothos et fétiches. Mais elle, en l'occurrence est... autre chose ^^
D-Merci pour le lien. Depuis peu, je mate quelques Stendhal Syndrom justement, c'est vraiment chouette.
E-Et bien j'étais passé à côté de l'existence de ce ver... C'est une info à garder sous le coude pour plus tard. Merci !
F-Oui, là j'en ai fait une sorte de Soar. C'était ma façon de glisser vers la trilogie de la Crasse.
G-Ce stigmate est une conséquence du jeu 1000 Years Old Vampire Bon jeu solo s'il en est.
H-Au départ, mon perso devait se taper la vampire évidemment mais... le destin en a décidé autrement. Là encore, magie du jdr en solo. Quoi qu'en disent les détracteurs de cette façon de jouer, on ne peut vraiment pas tout prévoir
I-NoAnde est une sorte de Soar millevalien mort-vivant sectateur de Shub-Niggurath. Ça commence à faire beaucoup ^^
J-Je crois que j'ai dû m'arrêter là certes pour m'offrir un pti cliffanger mais aussi parce que je ne devais plus trop savoir comment poursuivre ; donc, autant stopper, laisser mûrir et reprendre plus tard. Magie du solo là encore:)
K1-Je ne connaissais pas Soth à l'époque. C'est réparé.
K3-Là encore, c'est tiré de la Crasse ^^ mais j'avoue que c'est pas évident pour moi de faire des Rps dans ce genre. Disons que c'est un exercice de style.
M-En fait, j'avais prévu qu'un rituel soit accompli afin qu'il y ait une « poussée millevalienne » et que la forêt envahisse la cité volante. Et c'est vrai que j'aime bien cette idée de Millevaux comme menace plus que comme cadre. J'aime bien alterner les 2.
N-Là , c'est surtout que j'avais envie de rejouer à Montségur 1244 ^^
O-Certes, mais comme j'aime bien le bestiaire de Steamshadows, je les considère comme des horlas.
P-Bah, ça n'offusquerait que les sottes gens, non ?
Q-C'est possible. En tant que repère de gothos, ce dress code permet à bien des gens de cacher leur véritable nature. Et je ne joues pas assez les corax. Il faudrait que je leur consacre plus de temps.
R-Non non, c'est perso ça ^^ De mémoire, il n'y a rien de surnaturel dans Montségur 1244.
S-Mais j'aimerais bien jouer Ă Macadabre. Surtout que j'ai l'impression que je pourrais m'en servir comme Coelacanthes.
T-Peut-ĂŞtre ^^ en vrai j'en sais rien.
U-Dommage, quand j'ai commencé à m'intéresser à Face au Titan j'ai tout de suite pensé à Chtulhu et au Titan Millevaux et c'était clair que cette campagne aller maintenant dans cette direction. Je me demande d'ailleurs si je ne vais pas garder cette idée pour mes prochaines campagnes.
V-Il s'appelle ainsi en référence à un morceau de Marilyn Manson ^^
X-J'aime bien ce jeu, Les Exorcistes. C'est en pensant à eux que j'ai créé Corso. Là , j'en ai profité.
Y-Franchement, ces mises en abîme là sont super à jouer:) c'est vraiment dommage de ne pas avoir sous la main un groupe de joueurs motivés car... c'est vraiment super !!
Z-Oui ! Complétement. J'ai trouvé que ça sonnait super bien et ça aussi ce serait chouette que je le reprenne ^^
AA-Ouais, j'avoues oublier de faire oublier mes persos c'est aussi pour ça que 1000 Years Old Vampire est intéressant, car il joue l'oubli justement.
AB-de la triche... disons que j'ai joué sur les mots ^^ si un PJ m'avait dit ça... j'aurais peut-être accepté.
AC-Ralala, je ne sais plus d'où ça vient ça ^^
AD-je confesse une certaine tendresse pour Corso... même s'il est mort comme une merde sur un bon vieux fumble des familles XD Je pense, j'aimerais, le rejouer plus tard. Ou jouer un autre Tad Corso en tous cas Lui et Haze, je les aime bien. Ça pourrait faire le duo de ma prochaine campagne. Je verrais bien Haze en Mouche de la Crasse dans une réalité proche de la notre et Corso dans un Millevaux Vertical. Faut voir…
Thomas :
A. En fait, l’idée d’utiliser l’égrégore comme énergie est über cool. C’est juste qu’il y aura forcément un retour de flamme.
B. En fait, je pensais que cette boisson faisait tomber les buveurs sous l'emprise des horlas. Ou alors ça pourrait être un nutriment essentiel aux horlas. Bref, c'aurait été cool de lui trouver une justification, en fait là ça s'est avéré être juste un détail sans importance :) [Dsl c'est le côté romancier qui parle. Ou lecteur curieux]
Q. Quelques comptes-rendus de partie mettant en scène des Corax :
Florence Charnelle
Venise Mortelle
Rome Ă©ternelle
Corbeaux des Balkans
La nef des fous
Cromlech 2
AA. Parmi les jeux Millevaux centrés sur l’oubli, il y a Les Remémorants et Dégringolade
Réponse de Damien :
Pour le A, c'est l'idée oui ^^ ptte que j'aurais l'occasion de tester ça dans un scenar. je suis aussi tenté par du Millevaux steampunk, ça pourrait le faire. et pour le B, bah ouais c'est vrai que je n'avais pensé à rie nde particulier si ce n'est que c'était le cocktail maison du bar quoi ^^ et merci pour ls liens, ça va encore me faires trucs à lire XD n'empêche, je viens de récupérer une aide de jeu pour évoquer la mort dans les jdr, je vais voir à intégrer ça aussi. ouais, j'avais lu Les remémorants, mais l'ayant lu en même tant que L'empreinte, j'avais préféré ce dernier auquel il faut vraiment que je joue au bout d'un moment!! et… Dégringolade? ça sort quand? ^^
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L'ENVOL DE L'ANGE
Nous expérimentons une version queer et émancipatrice de la forêt de Millevaux avec le mythique jeu de rôle d’Avery Alder ! Un actual play à retrouver sur la chaîne Youtube 1 MJ de Trop et en mp3 !
Le jeu : Dream Askew, d'Avery Alder, vivre au sein d'une enclage queer et post-apocalyptique
Joué en ligne le 31/01/2020
Voir sur Youtube (chaîne 1 MJ de Trop)
image : © Q Center: Connecting the spectrum of Portland’s LGBTQ community
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CURIOSA PLAGA
Où les personnages trébuchent en plein Millevaux de l'An Mil. Une partie enregistrée par Claude Féry.
(temps de lecture : 3 minutes, temps d'Ă©coute : 1H53)
Le jeu : Damnatio, le jeu de rĂ´le surnaturel de l'an Mil, par Yakaab Multiversalis
Joué le 22/06/2019
Wellcome Images, cc-by
Voici le témoignage audio d'une partie / tentative première de Damnatio de Yakaab. Nous avons joué en une heure et demie la moitié du scénario de découverte, Curiosa Plaga, adapté à notre table afin de l'insérer dans notre campagne Millevaux Mantra. Quoique je pense assez fidèle à l'esprit du jeu, il y a des morceaux de Millevaux dedans. La part de Millevaux et Mantra augmentera dans la suite que nous jouerons mercredi.
bonne Ă©coute,
Partie précédente de la campagne Millevaux Mantra :
Ramasser la peau de leur voix Ă l'ombre de leurs gestes
Le prologue d’une campagne Millevaux Mantra Oniropunk jouée avec Sève et For the Queen !
Thomas, retour après écoute :
A. C’est embêtant de refuser à Xavier de tirer à l’arc pour le plaisir et de le forcer à être chasseur.
B. Intéressant la chaleur / sécheresse, ça change du climat froid et humide qu’on pratique le plus souvent à Millevaux.
C. À nouveau le horla-loup est très peu décrit, c’est cool car ça laisse de la place aux interprétations multiples et paranoïaques
D. C’est cool que les personnages aient un repas végétal.
E. En terme de localisation, tu dirais que la partie se passe dans les Vosges ?
F. On ne sait pas si le vieux milites oublie ou arnaque les persos, c’est intéressant.
G. Intéressant de voir que le bulletin de sécurité émotionnelle t’a amené à occulter un aspect du scénario (la pédophilie, j’ai l’impression?).
H. La partie me semble archétypale de tes intrigues habituelles. Penses-tu avoir été fidèle au scénario ou te l’es-tu beaucoup approprié ?
I. Hum, je sens que le perso mordu va devenir un loup-garou.
J. Tu parles de pervasivité et oui, les joueuses auraient demandé une description plus ample de la créature, en mode time freeze, ça se serait passé différement. Mais à l’instar des personnages, elles ont plutôt réagi en mode instinctif sans prendre le temps de se poser.
K. Lâcher des chiens enragés chez l’ennemi : étonnante anecdote historique !
Claude :
A. L'an mil n'est pas une époque caractérisée par l'ouverture d'esprit, la liberté individuelle, etc.. Avant de débuter la création de personnages j'ai pris l'attache de Yakaab afin de déterminer l'incidence de la jeunesse des personnages au regard des points de création. Pour lui la réponse tenait en l'absence d'aptitudes de combat ou d'aptitude spécialisée. Gabriel a choisi la lecture de la bible avec le prieur en réduisant ses aptitudes générales, tandis qu'Alexane et Xavier ont choisi des aptitudes de combat. Dans la mesure où leur groupe est un groupe d'enfants marginaux et crève la faim, le braconnage sur les terres du Duc de France fait sens.
B. C'est la caractéristique mise en avant pour décrire l'époque. Un réchauffement graduel qui accompagne les mutations culturelles politiques et religieuses.
C. Dans le scénario de Yakaab ce sont des chiens errants et affamés, qui errent dans la brume suscitée par le démon Mardas. J'ai tenté de demeurer le plus ambigu possible sur leur aspect. Xavier a commenté qu'ils ne font pas peur lorsque le premier s'approche de Camille.
En revanche, les descriptions brèves et parfois contradictoires font que lorsqu'Hélinant est confronté à la gueule de la bête il est terrorisé et Xavier surtout qui fond en larmes.
Ce ne sont pas alors des chiens, des loups ou mĂŞme des loups garous mais l'incarnation de la peur du loup.
Par là j'entends que mon intention était bien de proposer ces molosses terrifiants à la frontière du fantastique.
En revanche je regrette que Xavier ait eu aussi peur.
D. Le choix d'une communauté pauvre dans ce contexte permet de s'inscrire dans une dimension de frugalité et de respect de la Nature.
E. Non pas du tout. L'ancrage géographique est très clair. Ce sont des serfs du duc de Sinletis, (Senlis) , Robert le pieux, roi des hommes libres, des francs, second des capétiens. Ils se perdent en forêt d'Halatte, forêt domaniale du roi, pour déboucher dans la vallée de Criolo (Creil), dans le hameau de Mortefontaine, (Villers-Saint-Paul) domaine de Foulque. Nous jouions dans l'Oise.
F. Il ne le sait plus lui même, il est rongé par le démon de la maladie qui lui boulotte ses souvenirs.
G. La méchante du scénario a été violée et laissée pour morte par son seigneur. Rongée par l'esprit de vengeance elle propage la maladie par son souffle possédée par le démon.
Interdits : rapport charnel, pédophilie, viol.
H. Foulque est un dévôt. Il ne supporte pas son penchant jamais assouvi pour les femmes qui l'entourent. Le démon l'habite et par son souffle il emporte dans la pestilence les femmes tentatrices.
Foulque, allié indéfectible des capétiens, fut un dévôt cruel et violent au point de choquer ses contemporains. Il tenta de racheter son âme souillée en bâtissant des églises et des cloîtres.
I Camille sera possédé par le démon (non prévu, résultat du tirage du tarot en début de seconde session)
H.
Voici la réaction de Yakaab après écoute :
Salut,
J'apprécie beaucoup la façon dont tu t'es approprié Curiosa Plaga pour le transposer en un autre lieu. Tu utilises le jeu comme un support d'apprentissage historique et c'est tellement ce que j'avais en tête en créant ce jeu.
L'immersion est excellente ; la narration sublime le scénario et comble ses manques.
Ce fût vraiment un régal à écouter.
Merci encore.Je ne sais plus lequel de tes deux grands fils, peut-être les deux, fait une remarque sur l'équilibre du mélange historicité / fantasy, mais c'est ce que je vise. De même pour le système qui mêle volontairement ludicité et narrativiste : je veux que chacun y trouve son compte.
En tout cas, avec un MJ de ta qualité, Damnatio prend toute sa dimension. C'est un pur bonheur pour moi.
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LA ROUTE DE KELP
La campagne multi-monde se poursuit avec une communauté d’enfants aux prises avec des désordres géographiques, climatiques et temporels, et une coalition de créatures insectoïdes. Un récit par Claude Féry.
(temps de lecture : 6 mn)
Joué le 30/06/2019
Le jeu : Mantra Oniropunk, le vertige métaphysique du multivers par Quentin Bachelet, Nina François-Luccioni, Tanguy Mandias, Batronoban, Elsa Sulaiman
Télécharger le format PDF du récit
LHG Creative Photography, cc-by-nc-nd
Episodes précédents de la campagne :
1. Ramasser la peau de leurs voix à l’ombre de leurs gestes.
Le prologue d’une campagne Millevaux Mantra Oniropunk jouée avec Sève et For the Queen !
Le contexte :
Cet après-midi nous avons enfin joué à Millevaux Mantra.
J'ai demandé aux deux joueuses, Alexane et Gabriel de créer des personnages tout en reprenant leurs personnages utilisés pour le prologue de la campagne.
Ils ont conservé leur idéal collectif "repousser les ombres", retenu comme objet respectivement un silex et un galet.
Gabriel a conservé son nom l'enfant divin et Alexane a adopté comme nom Née du désastre.
Gabriel a retenu comme déjà vu "j'ai embrasé les eaux", Alexane séchant, nous avons convenu qu'elle l'adoptera en
jeu.
Claude FĂ©ry, par courtoisie
Fiction :
Les deux enfants étaient membres d'une communauté, les littoraux, qui fuient l'Éternel Hiver. A bord de leurs pirogues, ils cabotent vers l'Été, en se nourrissant de phoques que drosse la mer. La violence croit au sein de la communauté à mesure qu'ils mangent des phoques. Leur physionomie évolue. Certains, sensibles aux cauchemars et aux pleurs des phoques se tournent vers le kelp, quittent le littoral et remontent le fleuve.
Ils trouvent du kelp dans la rivière, de l'amadou sur les berges et maintiennent à distance les lions du bois avec leurs lances à pointe de silex.
Si tous ont renoncé aux enseignements de l'Homme-Lion-de-Mer, et rejeté les os de phoques pour le silex froid comme l'Hiver qui s'échauffe comme l'Été quand on le taille, les enfants ont conservé l'effigie d'os de l'Homme-Lion-de-Mer pour les préserver de ce monde éternel, inconnu et hostile.
Maintenant tous les deux manient la lance et son propulseur avec habilité. Ils remontent le fleuve. Ils sont seuls désormais. Les autres ont bifurqués se sont installés ou sont morts.
A presque aube, L'enfant divin avise une grotte avec un affleurement de silex. Ils s'installent dans la grotte. Une rassurante odeur d'abeilles en émane. Née des astres adore le miel, elle rêvasse aux rayons qu'annonce l'odeur tandis que L'enfant divin dégage une pointe de lance en étoile.
Claude FĂ©ry, par courtoisie
Une autre odeur flotte dans l’air de la cavité qui les abrite des rayons ardents du soleil.
C'est presque nuit. Gavroche, La Procure et Tricorne voguent sur le canal qui mène aux bassins de rétention. Monsieur Moteur ronronne. Ils s'en viennent prendre leur tour de guet. La Révolution des Enfants touche au but. Les Versaillais, les Grands, les oppresseurs nourrissent les vers.
Les mouches pondent sur ceux encore debout. La menace des grands est écartée, mais les ogres prussiques entendent étendre leur emprise sur Parasite.
Les groupes de vigilance s'organisent et leur interdisent l'accès depuis les fortifs.
C'est leur mission ce soir. Tricorne est pressé d'en découdre. Alors qu'ils ne sont pas parvenu encore à leur point de vigie, il aperçoit un groupe qui se coule dans le marécage.Sans plus attendre, il chausse ses échasses et se lance à leur rencontre, fusil au clair de lune.
La Procure le suit sans entrain, inquiète.
Gavroche néglige les échasses et se coule parmi les joncs, maintenant la révolution à hauteur d'Homme.
Il s'enlise glisse et découvre, au pied d'un arbre un accès maçonné au ventre de Parasite.
Curieusement le lieux exhale une chaude odeur.
Alors qu'il s'apprête à s'en ouvrir à La Procure, il discerne un prussique qui menace son amie par derrière.
Tir tendu dans l'obscurité, il touche l'envahisseur horsain en pleine poire, non sans avoir craint de défigurer La Procure au passage, [(4 sur 4, repousser les ombres, son fusil, ils sont deux, (elle se baisse pour lui donner du champ)].
Elle se retourne pour s’assurer du cadavre et découvre qu'une massive créature pleine de mandibules se rue sur elle avec la ferme intention de la dévorer. Trop proche pour que son seul vieux fusil parle de raison, elle hurle la puissance de l’ours. Son hurlement se répand sur la tourbière et déstabilise la créature, ce qui lui suffit à ajuster son tir ; [une perle de conscience pour le déjà vu].
Elle déguerpit vers la barque avec son ami Gavroche. Elle voit que plusieurs autres créatures chitineuses se coulent vers eux depuis la roseraie.
Gavroche en abat une première de son fusil. [1 sur 3].Ils embarquent. Gavroche vide sa dernière cartouchière sèche pour alimenter le vorace Monsieur Moteur qui vrombit d’aise.
Mais d’autres créatures s’approchent menaçantes et se tiennent désormais entre leur embarcation leur hardi compagnon.
Alors, Gavroche plonge en lui-même, puise aux tréfonds de son âme une étincelle qui boute le feu à son souffle et embrase les eaux afin de les débarrasser des viles créatures chitineuses.
Les flammes en un instant consument les ajoncs et grillent les cancrelats immenses qui couinent leur désespoir.
Au loin, le pauvre Tricorne se consume tel un brandon révolutionnaire. [une perle de conscience pour le déjà vu et deux points de Karma pour la perte.]
Une goutte de bave se répand entre les genoux de Née des astres. L’odeur singulière est désormais manifeste. Une gueule béante et avide la menace. Une araignée des frondaisons se tient au plafond, juste au-dessus d’elle.
L'enfant divin tient fermement sa pointe de lance à peine achevée, en forme de d’éclat de lune et bondit vers le cou de la créature. Il l’enfonce, fouaille, fracasse la chitine, arrache les chairs, habité par une démentielle rage. [1 sur 3] Alors le sol tremble, un son suraigu assaille leurs oreilles //Samael, Née des astres et L'enfant divin sont dans le bosquet ardent. Celui-qui-détient-le-dit-des-Dieux les y a confinés. Autour d’eux, les saules forment un cercle consacré, noyé sous les cocons des sœurs tisseuses.
La nuit et la voracité emportera les plus faibles aux fonds de la fondrière.
Les élus reviendront porteurs de la lumière.
Autrefois, Celui-qui-détient-le-dit-des-Dieux leur a dit qu’il convenait d’adopter le parler des oiseaux légers, qui volent vers Été.
Alors, L'enfant divin plonge avec décision dans l’eau turbide. Puis il en émerge et convainc, non sans mal, Samael que la lumière se trouve sous les eaux, parmi les insectes qui grouillent dans la vase. Tous trois plongent.
Au dedans d’un cercle d’une obscurité intense ils discernent deux statues d’os, l’une à l’effigie de l’Homme-Lion-de-Mer, l’autre à celle d’un prodigieux volatile. [une perle de conscience, résolution de la réminiscence gain d’un déjà -vu]
L'enfant divin s’empare sans hésitation de celle à l’effigie du Lion, car ils sont désormais les Lions qui courent le monde, la rage au ventre, [déjà vu consommé pour résoudre les soubresauts de l’araignée ].
//
L’araignée gît sans vie, ses pattes piteusement repliées sur son abdomen.
Née des astres remarque un cocon parmi les autres suspendus à la voûte. Une main blême en émerge. Frénétiquement, elle déchire de sa lame de silex les soies et en extirpe //
// Le Tricorne recrache les eaux sales de la Seine avec peine. Ses lèvre son exsangues. Ses cheveux sont roussis. Sa peau est toute craquelée. Néanmoins, il a réchappé au carnage.
Claude FĂ©ry, par courtoisie
Commentaires de Thomas après lecture :
A. « Les deux enfants étaient membres d'une communauté, les littoraux, qui fuient l'Éternel
Hiver. A bord de leurs pirogues, ils cabotent vers l'Été, », j’aime beaucoup cette analogie d’une migration climatique vers une migration dans le temps, ça convient bien dans le registre mindfuck de Millevaux Mantra qui confond espaces et durées
B. Pour la petite info, j'ai tellement aimé le concept des Gavroches que je te l'ai emprunté pour en faire une communauté d'enfants dans Les Sentes :)
C. "La violence croit au sein de la communauté à mesure qu'ils mangent des phoques. Leur physionomie évolue. Certains, sensibles aux cauchemars et aux pleurs des phoques se tournent vers le kelp, quittent le littoral et remontent le fleuve."
Très intéressant effet de l'égrégore, qu'on pourrait lier aux noirceurs qui adviennent à ceux qui tuent ou mangent des animaux dans Marchebranche, ou aux chocs mentaux pour ceux qui tuent des animaux dans Ecorce. Cela m'évoque aussi la transformation en morses dans le théâtre arctique "Moins Quarante" par Orlov pour Inflorenza.
D. Il y a donc des phoques et des lions en bordure de la rivière ? Le dérèglement géographique et climatique est total.
E. Que sont les ogres prussiques ? Des émanations de la Guerre franco-prussienne générées par l'égrégore ?
F. L'araignée des frondaisons est le monstre d'un des scénarios de Millevaux Sombre. Sympa de le retrouver ici :)
G. A quoi correspond le bosquet ardent dans ta campagne de Millevaux Mantra ?
H. Durant cette partie, pas vraiment de voyage entre les mondes parallèles comme ce qu'on pourrait attendre dans Millevaux Mantra. Est-ce que tu envisages plutôt ces voyages à l'échelle de la campagne ?
Claude FĂ©ry, par courtoisie
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S'ÉCHAPPER DE PARASITE
L’ambiance d’un Paris en guerre, pris d’assaut par les contre-révolutionnaires et les prussiques est mise en place avec le jeu S’échapper des Faubourgs, puis une bascule s’opère vers une cohorte de vieillards martyrisés par des enfants soldats à la solde des khmers avec le jeu Charogne. Suite de la campagne Mantra / Millevaux, un enregistrement par Claude Féry.
(temps de lecture : 6 mn / temps d'Ă©coute : 1H50)
Le jeu N°1 : S'échapper des Faubourgs, par Thomas Munier, un cauchemar de poche dans une banlieue hallucinée
Le jeu N°2 : Charogne, un jeu de rôle Millevaux sous forme de parcours initiatique vers la décomposition, le désespoir et la mort. Par Claude Féry
Joué le 13/07/2019
screenpunk, cc-by-nc, sur flickr
Episodes précédents de la campagne :
1. Ramasser la peau de leurs voix à l’ombre de leurs gestes.
Le prologue d’une campagne Millevaux Mantra Oniropunk jouée avec Sève et For the Queen ! Un enregistrement par Claude Féry.
2. Route du Kelp
La campagne multi-monde se poursuit avec une communauté d’enfants aux prises avec des désordres géographiques, climatiques et temporels, et une coalition de créatures insectoïdes. Un récit et un enregistrement par Claude Féry.
Retours de Thomas après écoute :
A. J’aime beaucoup toutes les infos de contexte (gavroches pris entre les feux des versaillais et des prussiques) qui précèdent à la partie des faubourgs proprement dite.
B. La lumière enferme / l’obscurité libère : sympa d’en faire un double quartier avec d’un côté la Bastille et de l’autre les égoûts.
C. Contrairement à ce que tu dis, on peut faire deux fois la même action, à condition de se reposer entre deux pour redéplier le pétale.
D. Mathieu n’aurait pas pu tuer la nuée de rats : il eut fallu au préalable que le passage ait été décrit, puisqu’il y ait décrit sa personne, puis qu’il ait déplacé sa personne jusqu’à la nuée de rats pour la tuer lui-même et non par l’entremise de l’araignée.
E. Le jeu est l’occasion pour ta table de se partager la narration et ils s’avèrent à l’aise.
F. Contrairement à ce que tu dis, on ne doit pas placer le monstre sur un quartier pointé par la double flèche : on peut le placer sur n’importe quel quartier déjà décrit.
G. J’aime beaucoup l’expression « la plaine s’étend à perte de vue, à perte de mémoire. »
H. Le discours de Saloth Sâr rappelle le mélange des lieux et des époques
I. La tyrannie des enfants soldats fanatisés fait froid dans le dos.
J. Au final, S’échapper des Faubourgs aura surtout servi à camper un décor… Qui sera peut-être exploré une autre fois, après cette bascule dans l’enfer des khmers rouges.
K. J’aime beaucoup l'image de l’arbre-vieillard étayé.
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