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#91 27 Apr 2023 08:55

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

MILLEVOLOÏD

Les univers trashs et dĂ©jantĂ©s de Batronoban, mĂȘlĂ©s Ă  la forĂȘt cryptique de Millevaux pour une quĂȘte Ă©pique parfaitement hors du rĂ©el !

(temps de lecture : 45 min)

Terminé le 07/12/2019

Les jeux principaux :
MantoĂŻd Universe de Batronoban & co., space opera barbare du chaos
La Trilogie de la Crasse, par Batronoban et Christophe Siebert : cafards, porcs et mouches mutantes et toxiques

Univers : la forĂȘt de Millevaux

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von Zzyzx, cc-by-nc


L'histoire :

    La rĂšgle n°1 du Fight Club : il est interdit de parler du Fight Club.
    La rĂšgle n°2 du Fight Club : il est interdit de parler du Fight Club.

    Et je colle une patate en pleine poire de mon adversaire. Mais ça ne m’empĂȘche pas d’en prendre une au passage. J’ai du sang dans la bouche mais je m’en fous. Je montre les dents, en crache une et balance un coup de pied dans l’estomac du type qui me fait face. Les autres hurlent autour de nous. Je comprends rien Ă  ce qu’ils disent. Mon adversaire a le teint pĂąle et ça fait ressortir ses scarifications. Il a les traits tirĂ©s aussi, aprĂšs le coup que je viens de lui flanquer. Objectivement, il est plus fort que moi mais
 il est moins
 brutal ! Alors qu’il tente de se relever, je vais pour lui balancer un nouveau shoot dans les cĂŽtes. Ça l’achĂšve ! Le gars s’écroule au sol et fait signe qu’il abandonne. Peut-ĂȘtre que lui il abandonne mais pas moi !
    Je sens le chaos bouillir dans mes veines. Ça envahit mon cerveau. Ça me dĂ©fonce la gueule. Ça me dĂ©chire la gueule au sens propre alors qu’une espĂšce de trompe mĂ©cano-insectoĂŻde remplace mon nez et tout le bas de mon visage. Mes yeux ? Mes yeux ! Je vois
 partout ! les types autour de moi continuent Ă  gueuler. Je ne sais pas s’ils se rendent compte de ce qui est en train de m’arriver. Mon dos me fait mal et ma peau se dĂ©chire pour laisser apparaĂźtre des ailes translucides. Mes jambes se tordent et me font mal. Les autres hurlent toujours mais j’entends aussi dans leurs tĂȘtes. Et ils ne remarquent rien. Ils ne voient qu’un type Ă  la gueule en sang qui vient d’en Ă©clater un autre. Un samedi soir comme un autre.
    Je m’appelle Tad-Angel Corso. Mais, je ne sais pas pourquoi, les autres crient le nom de Roormi. Je regarde autour de moi. Je suis
 Je suis une MouchoĂŻde PĂ©trol’head qui torture ses ennemis ! Je veux savoir ! Tout savoir ! Les secrets de l’univers & d’Azathoth ! Mais aussi ses liens avec Millevaux et Shub-Niggurath ! Et l’origine de cette Ă©trange vision aussi
 Celle d’un autre moi, dans une forĂȘt, en train de trancher en deux un gĂ©ant mĂ©canique.
    Je n’ai pas besoin de faire un tour sur moi-mĂȘme pour avoir une vision pĂ©riphĂ©rique de ce qui m’entoure. Je n’ai pas besoin d’écouter ce que disent les autres pour savoir ce qu’ils pensent. Ils voient trĂšs bien ce que je suis devenu. Mais ils refusent de l’accepter car c’est trop dĂ©gueulasse. Alors, ils voient seulement le type que j’étais il y a quelques instants Ă  peine. Les noms d’Azathoth, Shub-Niggurath et Millevaux tournent en boucle dans mon crĂąne. Je ne peux pas rester là ! Je suis encerclĂ© par tous les membres du Fight Club. Je saute au plafond et cours jusqu’à la sortie.

    Je suis une MouchoĂŻde, un Mouche. Je le sais parce que l’« Autre », le « Joueur », dont je suis l‘avatar le sait. Je ne sais que ce qu’il veut bien que je sache car, autrement, il n’y aurait plus de jeu et
 le Joueur est
 joueur.
    Les Mouches appartiennent gĂ©nĂ©ralement Ă  cette organisation secrĂšte nommĂ©e Black Rain. Mais ce n’est pas mon cas. Mes investigations ne vont pas concerner le Meurtre MĂ©taphysique de l’Hommonde. Non, moi, je veux utiliser mes nouvelles facultĂ©s pour percer d’autres mystĂšres. Les mystĂšres de l’univers ! Les mystĂšres d’Azathoth et de Millevaux !
    Je ne pars pas de rien ni de nulle part. GrĂące aux connaissances du Joueur, je connais l’existence de ce marchĂ© noir aux mains d’un underground composĂ© de morts-vivants, d’hommes-porcs et de cafards gĂ©ants. Alors, je m’y rends. On y accĂšde par un cimetiĂšre et ce n’est mĂȘme pas une blague. Par contre, c’est plutĂŽt joli car il neige. Mais ça reste Ă©trange car ce n’est pas tout Ă  fait la saison. Bref, je m’enfonce dans cette ville souterraine et suis plus qu’étonnĂ© parce que j’y dĂ©couvre.
    Ce marchĂ© ressemble Ă  un village traditionnelle du Japon mĂ©diĂ©val. Il y a ces petites maisons Ă  pagode, des petits ponts qui enjambent les Ă©gouts. En vrai, toute l’architecture et l’esthĂ©tique du coin emprunte aux clichĂ©s du japon. Et mĂȘme quelques marchands et visiteurs portent le kimono traditionnel, ou caricatural, au choix.
    Il n’y a pas beaucoup de monde ce soir. Aussi, je repĂšre assez facilement cette femme Ă  l’air nerveux, toute excitĂ©e. Elle a le teint pĂąle et, drapĂ©e dans son impermĂ©able noir, on dirait un vampire. Mais ce n’est pas le cas. Elle n’est pas un vampire. Elle est un mort-vivant, en fuite du Tas de Merde des Cafards. Je m’approche, l’air le plus cool possible. Je lui demande si elle a besoin d’aide. Je sais dĂ©jĂ  que c’est le cas. Le Joueur me dit qu’elle s’est effectivement enfuie du Tas de Merde mais que ce n’est pas tout. Par la bouche de cette fille, il me dit que le Passeur l’a faite transiter par une forĂȘt, Millevaux, et que lĂ , on lui a volĂ© son cƓur. Elle avait rĂ©ussi Ă  tromper le passeur et conserver son organe mais, une fois dans la forĂȘt, un Horla le lui a volĂ©. Elle ouvre son impermĂ©able et mon montre la tĂąche de sang qui imprĂšgne sa chemise au niveau de sa poitrine, cĂŽtĂ© gauche. Elle me demande si je peux lui rapporter son cƓur. Elle me dit qu’elle a de l’argent. Ça tombe bien, trĂšs bien mĂȘme. Je veux me rendre Ă  Millevaux. Mais, mĂȘme si en tant que MouchoĂŻde je peux voyager entre les mondes, il me faut quand mĂȘme des coordonnĂ©es. Elle les a mais
 Et elle prend un air suspicieux. Comment s’assurer que je vais revenir ? Elle n’a qu’à venir avec moi, je lui propose. Mais non ! c’est exclu ! Elle ne veut pas retourner lĂ -bas. Alors, elle va devoir me faire confiance. Je lui demande les coordonnĂ©es de Millevaux, des informations sur l’endroit oĂč elle a atterri et une description du Horla qui lui a volĂ© son cƓur. Je lui propose aussi de nous donner rendez-vous oĂč elle veut en ville, quand elle veut. Je lui promets d’ĂȘtre lĂ , que j’aie trouvĂ© son cƓur ou non, au moins pour lui dire oĂč j’en suis. Cela semble lui convenir. Elle me donne rendez-vous dans quatre jours, dans une brasserie. Mais avant cela, je devrais, dans la forĂȘt, me rendre prĂšs d’une falaise. Je reconnaĂźtrai l’endroit car il y pleut beaucoup et l’eau de pluie transforme les choses. Il faudra aussi faire attention aux parasites vĂ©gĂ©taux. Ils sont une des consĂ©quences de la pluie. Ensuite, au nord-ouest, se trouve un palais-mille-pattes fait de milliers, voire de millions, de corps humains collĂ©s les uns aux autres. Le palais semble en ruine mais, en rĂ©alitĂ©, l’intĂ©rieur est « comme neuf ». Une lumiĂšre rouge palpite en permanence et, lĂ , on peut attirer les fantĂŽmes et les Horlas. Celui qu’elle a appelĂ© Ă©tait scarifiĂ© mais malgrĂ© cela trĂšs beau. Ses cicatrices Ă©taient
 artistiques et bouleversantes. Il lui a promis de la dĂ©livrer de ses peurs les plus profondes. LĂ , elle raconte s’ĂȘtre transformĂ©e en un chien solitaire et apeurĂ©, terrifiĂ© Ă  l’idĂ©e d’ĂȘtre seul mais aussi Ă  l’idĂ©e de n’ĂȘtre qu’un membre anonyme d’une meute. Elle m’explique ĂȘtre tiraillĂ©e par ce paradoxe angoissant : peur de la solitude mais peur de se perdre dans un groupe. Puis, quand elle a retrouvĂ© forme humaine, le fantĂŽme, ou le Horla, s’était enfui avec son cƓur qu’elle s’était donnĂ© tant de mal Ă  conserver.
    En vĂ©ritĂ©, je me fous complĂštement des histoires de cƓur de cette femme. Pourtant, son histoire m’intĂ©resse car ce palais-mille-pattes est bien le signe d’une prĂ©sence manifeste d’Azathoth sur le territoire de Shub-Niggurath. Pour l’heure, ce n’est pas trĂšs clair mais on dirait qu’il y a eu des fuites entre les domaines des deux divinitĂ©s et je veux en savoir plus. Et je veux savoir en quoi ça me concerne. Et ça, pas de bol, je sais que le Joueur n’en a pour l’instant aucune idĂ©e.

    Millevaux ! J’ai l’impression d’atterrir dans la cave inondĂ©e du Multivers. Je regarde autour de moi. Je suis inquiet par ces parasites vĂ©gĂ©taux qui semblent traĂźner dans le coin. L’endroit est de plus humides et plus que propice au dĂ©veloppement de champignons en tous genres. En fait, l’air est tellement chargĂ© d’humiditĂ© que cela lui donne des reflets multicolores, comme plein de petits nuages arc-en-ciel. MouchoĂŻde PĂ©trol’head, je me dĂ©fais de ma forme humain. Mon bec de gaz devrait me protĂ©ger des spores. J’espĂšre. Maintenant, je dois trouver la falaise et le palais des mille-pattes. En vĂ©ritĂ©, je cherche n’importe quelle manifestation de la prĂ©sence d’Azathoth. Et je suis servi !
    Je ne sais pas si j’approche de cette fameuse falaise mais, quoi qu’il en soit, j’arrive en vue du palais-mille-pattes. Mais la situation est des plus chaotiques puisque le palais est assiĂ©gĂ© par une horde de SumĂ©riens. Les mille-pattes leur rĂ©pondent avec un bataillon de Sodomiseurs semant le trouble parmi les Ă©claireurs. Les SumĂ©riens ne doivent pas ĂȘtre habituĂ©s Ă  ce genre de traitement. D’ailleurs, ils perdent du terrain.
    Je profite du bordel ambiant pour tenter de m’introduire dans le palais. Quel talent ! Quel brio ! Je vole jusqu’à une ouverture puis, discrĂštement, marche au plafond jusqu’à gagner cette fameuse piĂšce Ă©clairĂ©e d’un rouge palpitant. Je ne sais pas trop ce que je cherche lĂ . Le Horla ayant volĂ© le cƓur de la fille ? Autant je me fiche de son cƓur, autant il aura peut-ĂȘtre des rĂ©ponses Ă  mes questions. Et puis, que fout-il dans un palais-mille-pattes ? Et surtout, que fout un palais-mille-pattes ici ?
    Me baladant au plafond, je constate une intense activitĂ© mille-pattes. Pourtant, ces saloperies ne paraissent pas du tout intĂ©ressĂ©es par la bataille qui se joue dehors. J’en suis un au hasard qui me conduit Ă  l’entrĂ©e de la forteresse. LĂ , plusieurs sont en train de s’amuser en torturant un cavalier sumĂ©rien arrachĂ© Ă  son dinomutant et tirĂ©, dans tous les sens du terme, Ă  l’intĂ©rieur. En les observant, il s’avĂšre qu’ils considĂšrent le SumĂ©rien comme une sorte de casse-tĂȘte amusant Ă  rĂ©soudre. Aussi, ils l’étirent et le plient dans tous les sens jusqu’à ce que, Ă  dĂ©faut de trouver une solution acceptable Ă  cette Ă©nigme, les os du SumĂ©riens ne finissent par cĂ©der.
    Alors, j’utilise ma vision de Mouche afin de savoir si, par hasard, il y aurait ici quelques Cafards ou Soars invisibles. Rien, si ce n’est quelques PorcoĂŻdes entiers, et encore vivants pour certains, en train de rĂŽtir, empalĂ©s sur une broche. Les mille-pattes ont le sens de la fĂȘte. Mais ça ne me dit pas oĂč se trouve cette fichue salle et ce Horla.
    Ça n’avance pas. Et plus je traĂźne, plus je risque de me faire repĂ©rer. Alors, je m’en remets Ă  ROHUM. Il y a des humains dans ce palais, des Millevaliens. Et ils connaissent l’existence de la salle que je cherche. Je capte leurs pensĂ©es et me laisse guider jusqu’à la salle rouge palpitante.
    Cette fille ne m’avait pas tout dit sur cette salle. Peut-ĂȘtre n’avait-elle-mĂȘme pas compris oĂč elle Ă©tait. Cette salle est en rĂ©alitĂ© une gigantesque cathĂ©drale construite sur le squelette mĂ©tallique d’un void-dragon. Et c’est de son cƓur que vient cette lumiĂšre rouge palpitante. Chaque membre et organe interne, chaque vaisseau sanguin, sont autant de piĂšces et de couloirs menant jusqu’à ce cƓur. Je ne sais pas pourquoi mais je sens que je n’ai pas d’autre choix que de tout tenter pour atteindre ce cƓur ! Aussi, alors que plusieurs fantĂŽmes semblent m’avoir pris pour cible, je fonce jusqu’à l’entrĂ©e de cette forteresse dans la forteresse. Et Ă©videmment, c’est par le cul que je rentre !
    Je remonte aussi vite que possible le colon technodracoĂŻde et me retrouve dans une sorte d’abri oĂč il fait trĂšs chaud. Dans un coin, il y a un trousseau de clĂ©s. C’est louche mais j’approche. Je demande Ă  ROHUM si je dois craindre un piĂšge. Évidemment que oui ! S’il y a un piĂšge, c’est que ces clĂ©s ont de la valeur. Alors, il me les faut ! Je tourne autour, prudemment. Je regarde partout autour de moi, prĂšs Ă  rĂ©agir Ă  la moindre menace. Rien Ă  l’horizon, j’attrape les clĂ©s et, littĂ©ralement, les bras m’en tombent !
    Et je suis lĂ , comme un con, Ă  regarder mes bras et ce trousseau de clĂ©s par terre. ROHUM me rassure, tout rentrera dans l’ordre dans quelques heures. Mais d’ici lĂ , j’espĂšre que personne ne me cherchera d’ennui. Dans le doute, je vole jusqu’au plafond et me colle dans un coin sombre. Prenant mon mal en patience, je rĂ©flĂ©chis Ă  l’utilitĂ© de ces clĂ©s quand mon regard se porte sur une silhouette monstrueusement dĂ©gueulasse sculptĂ©e dans un recoin de la salle. Et, juste en dessous, je reconnais la rune gravĂ©e : Hshl !

    Au bout de 4 heures, mes bras me reviennent et je peux enfin examiner ces clĂ©s. Elles ne sont pas normales. En fait, ce ne sont pas vraiment des clĂ©s. C’est
 de la magie condensĂ©e. Chacune est un concentrĂ© d’énergie d’ÉgrĂ©gore que je dois pouvoir libĂ©rer et utiliser. Et la rune ? Je me mĂ©fie de cette sculpture et prĂ©fĂšre m‘esquiver.
    J’arpente un couloir qui me mĂšne rapidement Ă  une grande salle Ă©voquant des thermes antiques. Et je constate qu’ils fonctionnent toujours. Il y a de l’eau, de la vapeur. Il y a aussi du monde. À travers la vapeur, je distingue quelques silhouettes mais j’ai du mal Ă  dĂ©finir ce qui est en train de se passer. Je distingue deux « personnes » et une au moins s’exprime dans ce que je reconnais ĂȘtre la Langue Putride. Le ton est plutĂŽt doux, mĂȘme si, malgrĂ© cela, je perçois une vrai tension. Celui qui parle Ă©voque une liaison. Il demande Ă  l’autre d’attĂ©nuer sa douleur. L’autre lui rĂ©pond dans la Langue Putride Ă©galement. Il Ă©voque des souvenirs. Il crache au visage du premier qu’étant un espion, il ne peut rien pour lui. L’autre entame alors une logorrhĂ©e mĂȘlant sentiment de culpabilitĂ© et satisfaction malsaine Ă  l’exhibition de ses souffrances. CachĂ© dans la vapeur, je suis en train de me dire que je fous littĂ©ralement de ces histoires quand je percute. Ce sont lĂ  des histoires de cƓur ! Y a-t-il un lien avec le cƓur de cette fille ? Et si l’un des deux Ă©tait le Horla que je cherche. Je m’approche discrĂštement
 ou plutĂŽt, j’essaye. Toujours dissimulĂ©, je fais pourtant un faux mouvement et libĂšre l’ÉgrĂ©gore contenu dans l’une des clĂ©s. L’ÉgrĂ©gore se combine alors aux derniĂšres paroles prononcĂ©es : « Le champion rectifie le labyrinthe ! »
    Sous l’effet de l’ÉgrĂ©gore, la vapeur s’épaissit encore. Mais je distingue malgrĂ© tout de nombreuses silhouettes et des cliquetis ainsi que des bruissements d’ailes. Des Cafards ! MoitiĂ© insecte humanoĂŻde, moitiĂ© machine biomĂ©canique, cette nuĂ©e de crĂ©atures Ă  taille humaine se rĂ©pand dans les bains. Ils grouillent partout, envahissent l’espace. Ils se grimpent les uns sur les autres et tapent les tĂȘtes-Clarck Nova les uns des autres. Ces prophĂštes du Chaos annoncent la venue du champion et la fin du Labyrinthe. Je vois des rayons de lumiĂšre verte fluorescente. Ils ont lĂąchĂ© des « AraignĂ©es Ă  accĂ©lĂ©rer le temps » ! C’est ainsi qu’ils vont en finir avec ce labyrinthe. Ils vont hĂąter le temps et le mener jusqu’au moment oĂč il tombera en ruine. PaniquĂ©, je regarde partout autour de moi et ne vois pas ce fameux champion. Peut-ĂȘtre ne s’agit-il pas d’un ĂȘtre dans le sens oĂč je l’entends. Peut-ĂȘtre que le champion n’est rien d’autre que le bordel ambiant, la nuĂ©e de Cafards ou ces AraignĂ©es. En tout cas, je dois me mettre Ă  l’abri car si les Cafards accĂ©lĂšrent le temps jusqu’à provoquer la ruine des lieux, ça veut dire qu’ils vont juste me tomber sur la gueule. L’avantage, si je survis, c’est qu’il sera sĂ»rement plus facile de trouver lĂ  le cƓur palpitant du void-dragon. Je m’envole, espĂ©rant qu’ĂȘtre le plus haut possible m’évitera de me prendre des coups. Et alors que le squelette du void-dragon s’écroule sur lui-mĂȘme et ceux qui le peuplaient, je file par une fenĂȘtre et arrive Ă  me coller dans un recoin du palais-mille-pattes pour observer la chute du labyrinthe.
    J’attends un moment et constate avec Ă©tonnement mais satisfaction que cette catastrophe n’a finalement attirĂ© l’attention de personne. J’attends encore un peu et voit des survivants Ă©merger de ce qui reste du labyrinthe. Je ne distingue aucun Cafards mais vois des AraignĂ©es filer dans l’ombre en courant. Je ne vois personne mais, pourtant, j’entends des voix. Exactement les mĂȘmes que celles que j’ai entendues dans les thermes. MalgrĂ© la chute du squelette et le temps qui passe, ces deux lĂ  ne sont pas morts ? Ou alors, si je les entends sans les voir, c’est peut-ĂȘtre parce que ce sont
 des fantĂŽmes, des
 Horlas ?
    Toutefois, et c’est plus gĂȘnant, aucune trace du cƓur rouge palpitant du void-dragon !
    Je veux voir ces Horlas. Alors, je m’empare d’une des clĂ©s magiques et use de cet ÉgrĂ©gore pour les rendre visibles. L’un d’entre eux se rĂ©vĂšle n’ĂȘtre rien d’autre qu’un
 gigantesque tas de boue ! De lĂ , se forment des visages grossiĂšrement humains qui se parlent entre eux. Et je comprends qu’il n’y a jamais eu lĂ  qu’un seul Horla, un LiĂ©ju qu’on appelle aussi Labyrinthe. Ce serait lui que les Cafards sont venus dĂ©truire et non le void-dragon ?
    Je fixe successivement plusieurs visages et l’un d’entre eux rĂ©vĂšle des scarifications. Est-ce Ă  lui que je dois m’adresser ? Qu’a-t-il fait du cƓur de la fille ? Sait-il quelque chose au sujet du cƓur du void-dragon ? Pourquoi les Cafards ont tentĂ© de le tuer ?

    Le Horla m’a repĂ©rĂ© et tourne une de ses tĂȘtes de boue, celle qui parlait avec la tĂȘte scarifiĂ©, vers moi. Elle me demande d’approcher. Je connais ce genre de crĂ©atures. Ça ne pense qu’à se nourrir. Si cette chose s’est bien emparĂ© du cƓur de la fille, il est possible qu’elle soit sous son emprise et qu’il se soit servi d’elle pour rabattre des proies, comme moi. Confiant dans mes capacitĂ©s de MouchoĂŻde, je m’approche prudemment en lui demandant ce qu’il me veut. Il ne rĂ©pond pas mais me fait signe d’approcher encore. Il veut m’attraper, c’est certain ! J’arrĂȘte d’avancer et lui demande simplement de me raconter son histoire. Que fait-il ici ? Que fait cette citadelle mille-pattes dans la forĂȘt de Millevaux ? Quel est le secret du cƓur palpitant du void-dragon ? Il promet de tout me dire mais
 je dois approcher encore. Si ce truc me touche, je risque de le payer trĂšs cher. Pourtant, j’approche, prĂȘt Ă  m’envoler au moindre geste brusque de sa part. alors, a-t-il quelque chose d’intĂ©ressant Ă  me dire ?
    Le Horla commence par rire et m’explique qu’il a plusieurs relations amoureuses en mĂȘme temps. J’en dĂ©duis que cette fille n’est pas la seule Ă  qui il a volĂ© son cƓur. Mais ce n’est pas cela qui m’intĂ©resse. Je veux savoir pourquoi Millevaux se retrouve Ă  abriter tant d’élĂ©ments issus de la Mer du Chaos d’Azathoth. Le Labyrinthe soupire. La tempĂ©rature baisse brutalement. Il avoue ne rien pouvoir me dire Ă  ce sujet. Lui aussi, Ă©videmment, a constatĂ© l’arrivĂ©e, il y a longtemps maintenant, d’habitants de la Mer du Chaos mais il ne sait ni comment, ni pourquoi. Ce qu’il sait, c’est que la ChĂšvre Noire, la ForĂȘt, les tolĂšre. Aussi, il les tolĂšre. Les Mille-Pattes ont construit ce palais autour du cadavre d’un void-dragon et il y a trouvĂ© refuge. Le Labyrinthe s’est cachĂ© dans le labyrinthe. Il refuse de me dire pourquoi il doit se cacher mais je devine qu’il a perdu de sa puissance. On dirait qu’il est
 blessĂ©, affaibli en tout cas. Je peux peut-ĂȘtre en tirer avantage.
    Je me lance. Je lui fais part de ma thĂ©orie. J’ai bien compris qu’il s’était cachĂ© ici pour reprendre des forces. Ses « liaisons amoureuses » sont en rĂ©alitĂ© des pantins qu’il manipule afin de lui servir de rabatteur. Ainsi, cette fille ne m’a pas demandĂ© de lui ramener son cƓur, elle m’a envoyĂ© dans un piĂšge pour me faire bouffer. Toutefois, en tant que Mouche, je ne suis pas un met de choix (et j’espĂšre qu’il me croira quand je lui dis ça). Je lui explique ĂȘtre ici suite Ă  une vision d’un « autre-moi » tranchant un VoĂŻvode. Je ne connaissais pas l’existence de cette forĂȘt avant. Je suis donc venu pour connaĂźtre l’origine de cette vision. Et puisqu’on dirait bien que c’est cette vision, cette rĂ©vĂ©lation, qui a fait de moi une Mouche, je veux aussi comprendre comment ça se fait que les domaines de Shub-Niggurath et Azathoth se retrouvent aussi intimement liĂ©s. Je sens le Horla quelque peu dĂ©boussolĂ©. Je ne sais pas si c’est vraiment Ă  moi qu’il s’adresse ou s’il parle tout seul mais il se rappelle que les Mille-Pattes craignaient le froid. Lui, bien sĂ»r, ça ne le dĂ©range pas. Je m’en remets Ă  ROHUM pour avoir quelques prĂ©cisions. Il apparaĂźt comme fort probable que tous ces ressortissants de la Mer du Chaos se soient en rĂ©alitĂ© rĂ©fugiĂ©s Ă  Millevaux. Mais pourquoi fuir la Mer du Chaos ? À cause du froid justement ? Un froid intense les aurait contraint Ă  s’enfuir ? Et puis, est-il possible que certains aient choisi une autre destination que Millevaux ?
    Je m’envole et m’éloigne du Horla. Je rĂ©flĂ©chis. On dirait qu’une intense vague de froid a chassĂ© les habitants de la Mer du Chaos. Certains se sont rĂ©fugiĂ©s Ă  Millevaux mais il est trĂšs possible que d’autres aient choisi d’autres destinations. Il est Ă©galement plus que probable que ces rĂ©fugiĂ©s foutent la merde Ă  peu prĂšs partout oĂč ils arrivent. Mais il est Ă©galement plus que probable que la plupart, sinon tous, ne souhaitent que rentrer chez eux. Alors
 comment rendre la Mer du Chaos de nouveau habitable ?
    Corso la Mouche s’efface et laisse un peu plus de place au Joueur. Il existe diverses divinitĂ©s du froid, notamment Ithaqua ou encore Rlim Shaikorth. L’un d’eux ou encore une autre serait-elle Ă  l’origine de la vague de froid ayant envahi la Mer du Chaos et contraint ses habitants Ă  l’exil ? Et est-ce que le cƓur palpitant du void-dragon a quelque rĂŽle Ă  jouer lĂ -dedans ? Dis-moi, ROHUM ! ROHUM me dit que non mais
 ce serait quand mĂȘme bien de mettre la main dessus !
    Je laisse le Horla dans les ruines du squelette du void-dragon et poursuis ma quĂȘte du cƓur palpitant. Ensuite, il faudra que je trouve un moyen de mettre fin Ă  cette vague de froid qui s’est rĂ©pandue sur la Mer du Chaos. Ainsi, si le royaume d’Azathoth est de nouveau vivable, on peut espĂ©rer que ses habitants y retourneront spontanĂ©ment


    Je laisse lĂ  le LiĂ©ju, me disant que c’est peut-ĂȘtre une connerie et que je devrais profiter de sa faiblesse pour l’abattre. Mais bon, force m’est de reconnaĂźtre que je ne suis pas vraiment un guerrier. Je n’ai rien d’un SumĂ©rien, ni mĂȘme d’un Mille-Pattes. Alors je me fonds dans l’ombre et repars en quĂȘte du CƓur Palpitant.
    Je dĂ©boule dans une salle aux dimensions nettement plus rĂ©duites que celle abritant le Labyrinthe. Pourtant, il s’en dĂ©gage quelque chose de
 mythique ! Au sol, une mosaĂŻque de pierres prĂ©cieuses dessine un astrolabe au centre duquel se trouve un puits. Les murs, eux, semblent fait de roches nues. Par contre, pas de bol, il y a du monde. Un tel endroit aurait pu ĂȘtre le thĂ©Ăątre d’une quelconque cĂ©rĂ©monie mais on dirait bien que ce qui se passe ici n’a rien de spirituel. Au contraire mĂȘme. Trois personnes, deux Millevaliens pure souche et une Mouche s’en prennent au puits central.
    Et ils ont bon espoir d’y parvenir puisque l’un des Millevaliens est manifestement un Horla, une sorte de gargouille. L’autre est un humain corrompu par l’ÉgrĂ©gore, ou le PĂ©trol’magie. Pour ce que j’en vois, son corps semble parcouru de cicatrices et autres boursouflures verdĂątres et palpitantes. Je me colle au plafond et scrute la Mouche Ă  la recherche de la rune Hshl sur sa nuque. Je veux savoir s’il s’agit d’un agent de Black Rain. Évidemment, je ne parviens pas Ă  trouver un bon point de vue. En plus, il se met soudain Ă  tomber une pluie acide ! À l’intĂ©rieur ?
    Non ! Nous ne sommes plus Ă  l’intĂ©rieur. Je ne sais sous quel effet, le toit s’est ouvert. Et non seulement il pleut de l’acide, mais en plus nous pouvons voir dans le ciel une titanesque citĂ© de mĂ©tal dont je ne me rappelle pas qu’elle Ă©tait lĂ  Ă  mon arrivĂ©e. Est-ce une citadelle Voyvode ? J’espĂšre que non. Mais je me poserai la question plus tard car, effet de la pluie ou de la citadelle, je tombe du plafond, sujet Ă  une terrible crise de vomissement. Au moins, je ne suis pas une cible facile pour les autres puisqu’ils se mettent eux aussi Ă  vomir. Je tente de ramper jusqu’au puits. En vain. Je ne peux plus que me tordre de douleur sur place.
    À travers le voile des larmes que la douleur m’arrache, je vois, venant de la citadelle volante, dĂ©ferler une horde de Cyborgs bardĂ©s de technologie Voyvode. Certains n’ont plus grand-chose d’humain, hĂ©rissĂ©s qu’ils sont de lanceurs de vinyles de void-mĂ©tal ou autre tuyau d’éjection de viande d’homme-porc. Celui qui semble ĂȘtre le chef agite une Ă©norme pince mĂ©tallique projetant de la lumiĂšre noire. Je sens que je suis en train de sombrer dans l’inconscience et c’est pas bon du tout. Il m’en coĂ»te mais j’arrive Ă  puiser dans mes derniĂšres rĂ©serves pour ramper jusqu’au puits. Mais le mutant aux boursouflures verdĂątres tentent de se saisir de ma cheville au passage. Je me dĂ©gage mais ça fait mal.
    ArrivĂ© au bord du puits, je vois au fond de l’eau tourbillonner. Ça sent la magie. Une magie mortelle. Ce n’est pas de l’eau qu’il y a au fond. Est-ce de l’ÉgrĂ©gore ou du PĂ©trol’Magie ? Et puis, y a-t-il vraiment une diffĂ©rence entre ces deux substances. Ce n’est mĂȘme pas sĂ»r. Mais j’ai soudain l’horrible sentiment de ne plus m’appartenir, de n’ĂȘtre qu’une marionnette. Je serai moins inquiet si j’avais la certitude que c’est le Joueur qui tire les ficelles mais je sais que ce n’est pas le cas. C’est le Joueur qui tape ces mots mais ce n’est pas lui qui a dĂ©cidĂ© cette pulsion, ce vertige qui me pousse Ă  me jeter dans ce puits. Est-ce que cela mĂšne quelque part ou vais-je seulement me noyer ? Et si ça mĂšne quelque part, oĂč ? Serai-je toujours dans le palais-mille-pattes ? Serai-je toujours Ă  Millevaux ? Et qui est ce sorcier qui s’est substituĂ© au Joueur pour me pousser Ă  me laisser glisser au fond du puits ?

    OĂč suis-je ? Des marais. Je ne suis plus dans le palais-mille-pattes. Quand je lĂšve les yeux, je vois le ciel Ă©toilĂ©. Il fait nuit et j’ai les pieds dans la boue. Autour de moi, aucune trace du palais, ni du puits qui m’a recrachĂ© ici. Sur ma gauche, une petite construction en ruine. Les vestiges d’une tour. Quand je m’approche, je vois que des squelettes Ă©mergent des marais. Il y a eu une bataille ici et on a pas pris la peine de rendre plus d’hommages que ça aux dĂ©funts. S’agit-il des cadavres de ceux qui ont tentĂ© de prendre cette bĂątisse ou de ceux qui ont voulu la dĂ©fendre ?
    Les ruines n’ont plus de porte. Mais elles n’en n’ont pas besoin car des pans de murs se sont Ă©croulĂ©s et remplacent ce qui, Ă  l’époque, a fait office de porte. Pas de problĂšmes, je vole par-dessus. Et derriĂšre, un gouffre ! Le plancher ne s’est pas seulement Ă©croulĂ©, il s’est enfoncĂ© sur plusieurs dizaines de mĂštres. Plusieurs centaines peut-ĂȘtre. Je ne vois pas le fond. De l’autre cĂŽtĂ©, toutefois, des pierres tombales Ă©mergent de la boue du marais. Cette mĂȘme boue se dĂ©verse lentement dans le gouffre mais je n’entends aucun bruit me laissant penser qu’elle touche le fond. Une tombe attire nĂ©anmoins mon attention et je vole jusqu’à elle. Plusieurs mains squelettiques sont sculptĂ©es dessus, comme si elles devaient courir le long de la pierre. Mais, une de ses mains tient un livre. Un vrai livre. Je dois pouvoir le prendre. Les doigts squelettiques masquent en partie le titre mais je parviens Ă  lire le mot « Manifeste ». Je tente de dĂ©gager l’ouvrage mais ça rĂ©siste. Impossible de bouger ce truc. Merde ! J’ai fendu un Voyvode en deux ! C’est pas un caillou qui va me rĂ©sister !
    J’utilise une des clĂ©s magiques, non pour son effet mais pour faire une sorte de levier. Il y a un peu de jeu entre les doigts du squelette mais
 la clĂ© se brise et libĂšre son ÉgrĂ©gore. Et, une fois encore, mes bras tombent. Et pas seulement mes bras. Tout autour de moi, tout ce qui vit ou a vĂ©cu perd ses membres. Les arbres perdent leurs branches. Les animaux perdent une ou plusieurs pattes et se mettent Ă  hurler alors qu’ils s’effondrent dans la boue. Puis, l’inanimĂ© lui-mĂȘme devient la proie de cette vague d’amputation. Les pierres se brisent. Le ciel aussi. Les Ă©toiles se fracturent. C’est
 la fin du monde ?
    Mes yeux se posent de nouveau, plein d’effroi, sur la tombe et je lis. Il s’agit de la tombe d’un sorcier connu sous le nom de Iben-Ohrer. Et on dirait qu’il est l’auteur du Manifeste. Mais, je dois avant tout me calmer. Je tente de me convaincre que tout ceci n’est qu’une hallucination, que mon bec est dĂ©fectueux et que je suis victime d’une remontĂ©e de PĂ©trol’magie d’autant plus violente que la clĂ© brisĂ©e vient de dĂ©charger une bonne dose d'Ă©grĂ©gore.
    Ainsi, je me ressaisis et tout redevient normal. Je regarde les deux clĂ©s qui me restent et dĂ©cide d’en briser une afin de libĂ©rer ce tome Ă©trange. Je veux en savoir plus sur ce sorcier, cet endroit et ce que je fous là ! Sous l’action de l’ÉgrĂ©gore, les doigts s’ouvrent et je m’empare du livre dont le titre complet est « Le Manifeste de Thuggon ». Qu’est-ce que c’est que ça ? Soudain, je me demande si ce sorcier, mĂȘme mort, pourrait ĂȘtre celui qui s’est substituĂ© au Joueur pour me faire tomber au fond du puits. Je parcours rapidement les premiĂšres pages du livre et comprends que Thuggon est une planĂšte. Et cette planĂšte est le domaine d’un Grand Ancien nommĂ© « Y’mo-Thog ». Est-ce une divinitĂ© du froid ? Y’mo-Thog est-il responsable de la glaciation qui s’est abattue sur la Mer du Chaos ?
    AprĂšs avoir volĂ© jusque dans les ruines du petit donjon, je m’installe afin d’en lire plus. Iben-Ohrer semble avoir voyagĂ© jusqu’à cette planĂšte. MalgrĂ© ses craintes, il n’a pu rĂ©sister Ă  l’appel de la divinitĂ©. L’Ancien est dĂ©crit comme une sorte de colosse Ă  la peau bleutĂ©e. Il ne semble pas possĂ©der de tĂȘte, ou seulement une Ă©bauche ou un vestige. Deux yeux posĂ©s sur une boursouflure de chair entre ses Ă©paules. De lĂ , part un tentacule se terminant par une bouche aux crocs acĂ©rĂ©s. Le sorcier a trouvĂ© un moyen de se rendre physiquement sur Thuggon. Il dĂ©crit une planĂšte gelĂ©e, morte. Tellement morte que rien n’y vit, exceptĂ© Y’mo-Thog. Iben-Ohrer raconte avoir traversĂ© une jungle pĂ©trifiĂ©e dans la glace. Puis, au milieu de la forĂȘt de glace, il a vu une statue de l’Ancien. La pierre s’était fendue sous l’effet du froid et rĂ©vĂ©lait un passage. Mais, Ă  sa grande surprise, le passage bien que descendant, ne conduisait pas sous terre. Iben-Ohrer s’est ainsi retrouvĂ© dans un petit temple amĂ©nagĂ© au fond d’un cratĂšre, peut-ĂȘtre un ancien volcan. LĂ , il eut une vision. Il allait perdre ses mains, les offrir Ă  Y’mo-Thog. Je saute quelques chapitres. Je veux savoir si ce que raconte le sorcier est en lien avec ce qui s’est passĂ© dans la Mer du Chaos. Et puis, je veux aussi les coordonnĂ©es de cette planĂšte !

    Oui ! Oui et oui ! La vague de froid qui a ravagĂ© la Mer du Chaos et conduit celui que j’ai vu en rĂȘve Ă  Millevaux vient bien de Thuggon ! Et le sorcier a mĂȘme notĂ© les coordonnĂ©es de ce monde. Ce n’est pas par hasard que, mĂȘme mort, Iben-Ohrer a fait en sorte que je lise son Manifeste. Il veut que je me rende sur cette planĂšte. Mais pourquoi ? Y a-t-il quelque chose Ă  ce sujet Ă  la fin du livre ? Oui, le sorcier achĂšve son Manifeste en Ă©mettant le dĂ©sir de retourner sur Thuggon mais il n’explique pas pourquoi. Voulait-il rendre un ultime hommage Ă  Y’mo-Thog ? Voulait-il au contraire se venger de l’Ancien qui lui a volĂ© ses mains ? Regrettait-il d’avoir participĂ© au dĂ©clenchement de cette terrible glaciation ou, au contraire, souhaitait-il aller encore plus loin ? Quoi qu’il en soit, il a fait en sorte de me dĂ©signer pour lui succĂ©der dans la tĂąche qu’il s’était imposĂ© de remplir. J’irai donc sur Thuggon. Mais j’y ferai bien ce que je veux !

    Le voyage se dĂ©roule sans encombre et je dĂ©barque sur cette terre gelĂ©e. Autour de moi s’élĂšvent les ruines d’une antique citĂ© figĂ©e dans la glace. Iben-Ohrer parlait d’une forĂȘt, tant pis. Mais, si cette planĂšte est bien le domaine d’Y’mo-Thog, il doit bien y avoir ici un lieu qui lui est dĂ©diĂ©.
    J’erre dans cet espace dĂ©sert jusqu’à ce qui a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© une sorte de parc. Sous la glace, je vois des rosiers. Est-ce que la vie rependrait son cours si la glace s’en allait ? Mes pas me mĂšnent jusqu’à une statue. Elle est brisĂ©e. Je n’en vois que le piĂ©destal et les jambes de celui ou celle qu’elle reprĂ©sentait. S’agissait-il de l’Ancien ? Nulle inscription sur le piĂ©destal mais des petites gravures rappelant celle que j’ai vu dans le palais-mille-pattes, accompagnant la rune Hshl. Et maintenant, je me rappelle que cette gravure reprĂ©sentait bien Y’mo-Thog.
    Iben-Ohrer raconte dans son manifeste que le passage vers le temple de l’Ancien se trouvait dans une statue brisĂ©e par le froid. Est-ce le cas ici aussi ? Non, mais les gravures sur un des cĂŽtĂ©s du piĂ©destal semblent ĂȘtre une sorte de carte de la planĂšte et de son ciel mettant un endroit prĂ©cis en Ă©vidence. Ça me prend un long moment et je dois lutter contre le froid mais je finis par rĂ©ussir Ă  me localiser, ainsi que ce fameux temple, sur ce semblant de carte. Apparemment, ce n’est pas trĂšs loin mais, avec ce froid, qui peut savoir combien de temps ça va me prendre ? Je peux essayer de gagner du temps en volant. Heureusement, le froid ne cause aucun dommage Ă  mes ailes.
    Cherchant des repĂšres dans le ciel et au sol avec ce que j’ai pu « lire » sur cette « carte », je finis par sortir de cette citĂ© et par atterrir Ă  proximitĂ© d’une tombe. Au vue des symboles gravĂ©s dessus, elle est consacrĂ©e Ă  Y’mo-Thog. Si je me fies au Manifeste du sorcier, ce sont des monuments brisĂ©s qui conduisent au temple de l’Ancien. Mais cette tombe est en bon Ă©tat. Alors, dois-je la briser ? Est-ce que ce sera suffisant ou la « porte » doit-elle forcĂ©ment ĂȘtre ouverte par une cassure due au froid ? Le « moi » de ma vision a dĂ©gommĂ© un Voyvode, je devrais donc pouvoir venir Ă  bout d’un bout de caillou gelĂ©. Un bon coup d’épaule suffit Ă  faire basculer la pierre tombale qui se brise, fragilisĂ©e par le gel. Toutefois, je tombe Ă  genoux sous l’effet d’une nouvelle vision. La forĂȘt, l’autre moi, de nouveau

    Cela fait maintenant trois jours que nous marchons en direction de ce chĂąteau qui est apparu au loin et
 alors que l’air rĂ©sonne de guitares saturĂ©es et autres sonoritĂ©s Ă©lectroniques, il est toujours aussi loin ! Nous marchons et nous marchons et ne nous rapprochons jamais de ce chĂąteau. Pourtant, je suis quasiment certain que ses murs renferment l’usine de poupĂ©es sumĂ©riennes. Je veux dĂ©molir ce chĂąteau. Mais comment l’atteindre ? Nous verrons ça plus tard. La nuit tombe. Nous approchons d’une zone marĂ©cageuse et le vent est dense en ÉgrĂ©gore. Il y a de la magie dans l’air et elle est pourrie. Et elle vient de ce maudit chĂąteau !
    Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que cela signifie que le temple d’Y’mo-Thog m’est Ă  jamais inaccessible ? Non ! Impossible ! Je ne peux me rĂ©soudre Ă  ça. Je fouille les restes de la pierre tombale. Il doit bien y avoir un passage quelque part au milieu de ces cailloux ! Mais il n’y a rien ! Rien Ă  part cette AraignĂ©e Ă  accĂ©lĂ©rer le temps, produit de la technologie CafaroĂŻde. Elle ne fonctionne plus, sans doute Ă  cause du froid mais je dois pouvoir la remettre en Ă©tat. J’utilise l’ÉgrĂ©gore contenu dans la derniĂšre de mes clĂ©s magiques pour « rĂ©chauffer » l’AraignĂ©e. J’espĂšre que ça va suffire et que ça ne va pas me pĂ©ter Ă  la gueule.
    Le temps file Ă  la vitesse d’une araignĂ©e Ă  la toile verte et gluante. La glace fond et laisse place, de nouveau, Ă  de la vĂ©gĂ©tation. Et mon voyage dans le temps prend fin, me laissant dans une clairiĂšre, juste Ă  cĂŽtĂ© d’une petite cabane. LĂ , un type Ă  la carrure gigantesque vaque Ă  ses occupations. Manifestement, il ne s’attendait pas Ă  me voir mais parait pourtant heureux de ma venue.
    Mon apparence de MouchoĂŻde ne l’effraie pas. Il m’invite mĂȘme Ă  entrer et me propose Ă  boire et Ă  manger. J’accepte volontiers et, quand il m’y invite, lui raconte mon histoire. Cette planĂšte n’est manifestement plus sous le joug d’Y’mo-Thog. D’ailleurs, ce type, Colborn Heartcreek, n’en a jamais entendu parler. Il n’a mĂȘme jamais entendu parler d’une pĂ©riode de glaciation. Était-ce il y a si longtemps ? Y a-t-il quelque part des gens ou des sources que je pourrais consulter au sujet de l’histoire de cette planĂšte ? Colborn me conseille de me rendre Ă  la citĂ© la plus proche. LĂ , les prĂȘtres d’Azathoth pourront me renseigner.
    Les prĂȘtres d’Azathoth ? Qu’est donc devenue cette planĂšte ?

    Cette citĂ© est
 Ă©trange. J’y sens bien l’influence d’Azathoth mais pas d’une maniĂšre aussi prĂ©gnante et chaotique que dans la Mer du Chaos. Il y a quelque chose de mĂ©diĂ©val dans l’architecture mais rien qui rappelle les coins les plus glauques de l’Interzone par exemple. En fait, cette citĂ© porte l’empreinte de la forĂȘt qui l’entoure. Et, Ă©coutant les conversations autour de moi, j’entends plusieurs fois le nom de Millevaux, Ă©noncĂ© non sans une certaine crainte dans la voix.
    Errant dans les rues, j’en dĂ©duis qu’Y’mo-Thog a Ă©tĂ© chassĂ© et remplacĂ© par une sorte d’alliance de circonstance entre Azathoth et Shub-Niggurath. Le premier Ă©tendra son influence sur les villes, le second sur
 le reste ? En vĂ©ritĂ©, je n’en sais rien.
    Sur un des murs d’une toute petite place, un groupe d’hommes et de femmes (et d’autres choses aussi) se pressent autour d’affiches. Ce sont des avis de recherches. Les rumeurs vont bon train concernant un barde, un conteur, accusĂ© de contrefaçon. L’affichette explique que le criminel voyage de citĂ© en citĂ© et qu’il a Ă©tĂ© vu ici rĂ©cemment. Les prĂȘtres d’Azathoth offrent une prime de 250 piĂšces d’or pour sa capture.
    Je pourrais demander un audience aux prĂȘtres d’Azathoth pour savoir ce qui s’est rĂ©ellement passĂ© sur cette planĂšte, mais j’obtiendrai plus facilement gain de cause, et 250 piĂšces d’or, si je n’arrive pas les mains vides. De plus, ce barde faussaire Ă©tant aussi un voyageur, il aura certainement des choses Ă  me dire sur la forĂȘt de Millevaux.
    GrĂące Ă  ROHUM, je peux avoir une longueur d’avance sur les autres chasseurs de primes. Ainsi, ma nouvelle cible semble s’ĂȘtre rĂ©fugiĂ©e dans les Ă©gouts. Le nommĂ© Erlan Sarfiel est visiblement un humain, mĂȘme pas un clone. Par contre, il semble douĂ© pour le maniement de la lame. MĂ©fiance donc tout de mĂȘme.
    Dans les Ă©gouts, je sens un peu plus l’influence d’Azathoth. Ou plutĂŽt, on dirait que les eaux usĂ©es charrient aussi du PĂ©trol’Magie. Si la forĂȘt qui entoure toutes ces citĂ©s et bien Millevaux, elle doit regorger d’ÉgrĂ©gore. Entre ces deux sources de magie, les sorciers doivent s’en donner Ă  cƓur joie.
    Azathoth soit loué ! À peine ai-je mis un pied dans les Ă©gouts qu’un zazamon apparaĂźt, manifestement Ă  mon service. Ainsi, ce Gazzolon est une sorte de plante carnivore dont on ne distingue pas bien l’avant de l’arriĂšre mais qui hurle, qui hurle ! Je le flatte en tapotant ce que j’espĂšre ĂȘtre sa tĂȘte et commençons notre pĂ©riple souterrain.
    Rapidement, quelque chose ne va pas. Un brouillard Ă©pais envahit les Ă©gouts et je n’y vois rien du tout. Puis, alors que je sors de ce nuage, il s’avĂšre que nous ne sommes plus dans les Ă©gouts mais dans les bois. Et, au loin, un chĂąteau. Et je reconnais ce chĂąteau. C’est celui de ma vision, celui que mon « autre moi » n’a jamais rĂ©ussi Ă  atteindre. Est-ce que moi aussi je vais devoir marcher pendant des jours sans jamais parvenir jusqu’à cette forteresse ? Ces murs abritent-ils vraiment une usine de poupĂ©es sumĂ©riennes ? Est-ce vraiment une bonne idĂ©e de vouloir en savoir plus ?
    Je me fige. Inutile de continuer Ă  avancer si ça ne sert Ă  rien. Mais je me pose quand mĂȘme des questions. Cette apparition ne peut pas ĂȘtre une simple coĂŻncidence, un simple fruit du hasard (et pourtant
). De deux choses l’une :
1-cette hallucination est le fruit de l’ÉgrĂ©gore ambiant, si je suis bien dans la forĂȘt, ou du PĂ©trol’Magie si je suis toujours dans les Ă©gouts. Dans ce cas, ce chĂąteau est une projection de mon inconscient ou quelque chose comme ça.
2-cette hallucination est le fruit d’un sort ou d’un rituel. Dans ce cas, qui est derriĂšre ça ? Quelqu’un qui me connaĂźt, qui m’en veut ? Quelqu’un qui a accĂšs Ă  certaines de mes pensĂ©es puisqu’il peut reproduire cette vision du chĂąteau. Et puis, pourquoi ? Un serviteur d’Y’mo-Thog ? Iben-Ohrer ? Est-ce que ça a vraiment du sens ?
3-et si ce barde Ă©tait aussi un mage et que, ayant vu que j’étais Ă  ses trousses, il m’aurait envoĂ»té ? AprĂšs tout, c’est possible.
    Mais, avant toute chose, je dois dĂ©jĂ  m’assurer d’oĂč je suis. Toujours dans les Ă©gouts ou dans les bois. Et puis, en vue de ce chĂąteau, suis-je toujours sur la planĂšte Thuggon ou est-ce que ce brouillard m’a renvoyĂ© dans le Millevaux de mon « autre moi » ?

    Ce chĂąteau au loin ne m’apparaĂźt pas du tout comme un bon prĂ©sage. Aussi, je dĂ©cide tout simplement de m’en dĂ©tourner ! Que ce qu’a vĂ©cu mon « autre moi » me serve de leçon. Et puis, si ce chĂąteau abrite vraiment une sorte d’usine Ă  SumĂ©riens, pas la peine que je me jette dans leurs pattes. Pour autant, est-ce que rebrousser chemin va me faire sortir de cette
 illusion ?
    Et oui ! Je fais demi-tour pour me retrouver dans les Ă©gouts. Et quand je me retourne, le brouillard a disparu. Mais, quand j’y retourne, le brouillard revient. Et quand je m’y enfonce Ă  nouveau, je ressors en vue de ce chĂąteau. Mais, quelque chose a changĂ©. Le chĂąteau est en partie en ruine et recouvert de gel. GelĂ©, est-il toujours inaccessible ? On dirait bien que non. J’approche et
 il ne recule pas ! Vais-je rĂ©ussir lĂ  oĂč mon autre moi a Ă©choué ? Peut-ĂȘtre bien.
    J’avance et suis Ă  l’affĂ»t du moindre bruit, du moindre mouvement. Mais tout Ă  l’air dĂ©sert. La porte est figĂ©e par la glace et il est impossible de la faire tourner sur ses gonds. Pour autant, le gel l’a fragilisĂ©e et un bon coup bien placĂ© devrait suffire. Pourtant, la glace rĂ©siste plus que je ne l’avais imaginĂ©. Non, ça va plus loin que ça. J’entends dans mon crĂąne rĂ©sonner le rire d’Ymo-Thog. L’Ancien exerce toujours une certaine influence sur cette planĂšte et je suis
 maudit ! Et bien, si j’en suis lĂ , autant aller jusqu’au bout. Par contre, je cherche un autre accĂšs et m’infiltre Ă  l’intĂ©rieur via une brĂšche dans un mur.
    À l’intĂ©rieur, l’agencement de cette petite piĂšce ressemble Ă  celle d’un bateau. Il n’y a rien en Ă©tat sauf une petite statuette en forme de corbeau. A priori, elle n’a rien de particulier. Pourtant, elle semble avoir Ă©tĂ© mise en Ă©vidence. Un peu comme si cette piĂšce lui Ă©tĂ© dĂ©diĂ©e. Aussi, je cherche dans tout ce qui traĂźne quelque chose pouvant m’en dire un peu plus. Mais, alors mĂȘme que je farfouille dans les dĂ©combres, un Ă©clair frappe mon zazamon qui est instantanĂ©ment rĂ©duit en cendres !
    Soyons lucides, on m’en veut ! J’ai vraiment l’impression d’ĂȘtre seul en ces murs. Pourtant, Ă  chacun de mes pas ou presque il arrive une catastrophe. C’est comme si on m’observait et me mettait des bĂątons dans les roues dĂšs que possible. S’agit-il de ce barde faussaire ? S’agit-il plutĂŽt de serviteur d’Y’mo-Thog qui n’auraient pas apprĂ©ciĂ© qu’on mette un terme au rĂšgne de glace de leur divinitĂ© sur Thuggon ? Je vole jusqu’à un coin de plafond et me colle dans l’ombre, le temps de poser quelques questions Ă  ROHUM.
    Oui, on me surveille mais il ne s’agit pas de celui ou ceux que je soupçonne. Mais, s’il ne s’agit ni du barde, ni de serviteurs d’Y’mo-Thog, s’agirait-il des SumĂ©riens ? Oui ! Les SumĂ©riens sont sur Thuggon. Et ils comptent bien poursuivre ici leur guerre contre Azathoth et son royaume. Ce chĂąteau-usine n’est plus en Ă©tat mais il sert de « portail » aux SumĂ©riens entre la forĂȘt de Millevaux de mon « autre-moi » et Thuggon.
    En vĂ©ritĂ©, tout ça commence Ă  me dĂ©passer et je ne sais plus si c’est une si bonne idĂ©e que ça de courir aprĂšs ce barde. Avec la menace des SumĂ©riens qui planent, peut-ĂȘtre que je devrais juste courir au premier temple d’Azathoth pour prĂ©venir les prĂȘtres de ce qui est en train de se tramer. Mais me croiront-ils sans preuve ? Je ne sais pas si cette statuette est typique de l’art sumĂ©rien mais, au cas oĂč, je la prends. Si c’est le cas, elle sera la preuve d’une prĂ©sence sumĂ©rienne sur Thuggon. Et sinon
 je verrais bien !
    Évidemment, le retour ne pouvait s’effectuer sans embrouille ! Sorti des Ă©gouts, je constate que la ville est en proie Ă  la panique. En effet, les rues sont envahies par un Ă©pais brouillard et, haut dans le ciel, se dessine la silhouette d’un dragon. Et dĂ©jĂ , les citadins craignent qu’il ne s’agisse de Candiolanth, le lĂ©gendaire dragon rouge destructeur de citĂ©. À mon avis, il s’agit d’une illusion du mĂȘme genre que celle dont j’ai Ă©tĂ© la cible dans les Ă©gouts. Mais bon, les prĂȘtres d’Azathoth, je l’espĂšre, en sauront plus.
    ArrivĂ© au temple construit en os de void-dragon, enfin, je demande audience de toute urgence. Pour appuyer ma demande, je brandis la statuette, preuve Ă  mes yeux de la menace sumĂ©rienne. On va me recevoir, oui, mais pas tout de suite. Les prĂȘtres sont occupĂ©s. Mais Ă  quoi bordel ? Et je n’ai pas fini de poser ma question qu’une vague de PĂ©trol’magie dĂ©ferle dans tout le temple et se rĂ©pand dans les rues, infligeant d’horribles mutations Ă  toute personne prĂ©sente dans les parages. Heureusement, ma nature de MouchoĂŻde me prĂ©serve. Une fois la vague dissipĂ©e, j’accĂšde enfin Ă  un concile de prĂȘtres auxquels, fort de ma statuette, je raconte toutes mes aventures et les prĂ©viens de la menace sumĂ©rienne. Manifestement, ils se fichent royalement de ce que je raconte. Je tente malgrĂ© tout de les convaincre et, va savoir pourquoi mais je sens lĂ  l‘influence du Joueur qui, s’il ne tire pas sur les cordelettes de la marionnette que je suis tape nĂ©anmoins les mots qui sont les miens sur son PC, fracasse la statuette au sol. Elle se brise dans un sorte de vent d’illusion et rĂ©vĂšle un crĂąne aux canines plus longues que nĂ©cessaires. Un crĂąne de vampire ! L’un des prĂȘtres s’en saisit et entame le descriptif d’un artefact Ă  la magie plus ou moins puissante.
    Alors, face Ă  toutes ces illusions, face Ă  toute cette magie, prennent-ils enfin la menace sumĂ©rienne au sĂ©rieux ? Pas du tout ! Selon eux, les SumĂ©riens n’ont rien Ă  voir lĂ -dedans. Il n’y a aucune prĂ©sence sumĂ©rienne sur Thuggon. Il n’y a aucune crainte Ă  avoir non plus de la part d’éventuels serviteurs d’Y’mo-Thog car ils ont tous Ă©tĂ© tuĂ© il y a maintenant trĂšs longtemps. Toutefois, ils consentent Ă  reconnaĂźtre l’existence d’une menace qu’ils mettent sur le compte d’un mage, d’un sorcier ou n’importe quoi du mĂȘme genre.
    L’espace d’un instant, j’ai peur qu’ils me demandent de mettre fin Ă  cette menace mais pas du tout. En rĂ©alitĂ©, ils ont d’autres projets pour la misĂ©rable Mouche Ă  Merde que je suis. Une lĂ©gende locale parle du gardien secret d’un objet sacrĂ© se livrant Ă  divers trafic. Ses trafics ne les intĂ©ressent guĂšre mais ils veulent cet objet sacré ! Il s’agirait des restes brisĂ©s d’un masque recouvert de fines Ă©critures, autant de sortilĂšges anciens et oubliĂ©s sur lesquels ils aimeraient bien mettre la main.
    A toute fin utile, il semblerait que le gardien de cet artefact se soit spĂ©cialisĂ© dans le trafic d’ĂȘtre humain. Il s’appelle Kohgn mais, dans le milieu, on l’appelle le HiĂ©rarque !

    Le HiĂ©rarque ! Quel nom ! Si ça c’est pas se la raconter
 Bref, je dois lui mettre la main dessus. Dans les rues, tout le monde est hĂ©bĂ©tĂ©, sous l’emprise de cette vision d’un dragon Ă©mergeant du brouillard. Mais j’ai peut-ĂȘtre lĂ  une carte Ă  jouer. Je peux en effet profiter de cet Ă©tat de stupeur ambiant pour poser mes questions tout simplement. J’espĂšre que, sous l’emprise de la peur, les gens seront moins vigilants, moins mĂ©fiants et rĂ©pondront Ă  ma questions concernant le HiĂ©rarque.
    Dans la foule, mon attention se porte sur un homme aux traits bouffis. Il a le teint jaunĂątre et sa peau grasse brille, lui donnant un air visqueux. Il a malgrĂ© cela un air hautain mais aussi
 mystĂ©rieux. Aussi, je l’aborde le plus tranquillement du monde alors que la foule rassemblĂ©e lĂ  Ă  les yeux levĂ©s vers l’ombre du dragon.
    Je commence par lui dire que, selon moi, il n’y a aucun vĂ©ritable dragon derriĂšre tout ça. A mon avis, et je ne suis pas loin de le penser rĂ©ellement, tout cela n’est qu’une illusion due Ă  une concentration excessive d’ÉgrĂ©gore ou de PĂ©trol’Magie. D’ailleurs, n’est-ce pas lĂ  une occasion inespĂ©rĂ©e pour des trafiquants de faire main basse sur une grosse quantitĂ© d’hallucinogĂšne qu’ils pourraient revendre plus tard. Et puis, cette hallucination collective persistante peut aussi se rĂ©vĂ©ler une formidable publicitĂ© pour un tel produit, non ? Mais l’homme n’adhĂšre pas du tout Ă  mon discours. Au contraire mĂȘme. D‘aprĂšs lui, je ne devrais pas plaisanter avec ça car cela ne fera qu’accroĂźtre la colĂšre du dragon rouge. Je fais un pas en arriĂšre en reconnaissant que des trafiquants auraient effectivement plus Ă  gagner Ă  rester discret. Mais, Ă  son avis, pourquoi Candiolanth agit ainsi, lui ? L’homme n’est sĂ»r de rien mais il pense que le dragon n’est peut-ĂȘtre pas au mieux de sa forme. Ce serait ça, finalement, qui l’aurait poussĂ© Ă  sortir de sa retraite. Il a besoin de reprendre des forces. Il ferait donc monter la pression avec ce brouillard, attendant le moment propice pour fondre sur la ville et s’emparer de ce dont il a besoin. J’acquiesce et lui demande s’il ne craint que d’autres profitent de la situation. Il ne pense pas mais me demande malgrĂ© tout Ă  quoi je fais allusion. Aussi, j’enchaĂźne avec le HiĂ©rarque. Je sais, par les prĂȘtres d’Azathoth, qu’il se livre au trafic d’ĂȘtres humains. Aussi, j’émets l‘hypothĂšse qu’un tel personnage pourrait profiter de la panique gĂ©nĂ©rale pour procĂ©der Ă  des enlĂšvements par exemple.
    Mon homme connaĂźt le HiĂ©rarque. Et il le connaĂźt bien visiblement. Heureusement pour moi, il semble mĂȘme le dĂ©tester cordialement. Non, il n’a pas Ă©tĂ© lui-mĂȘme victime de ses agissements mais il trouve ces procĂ©dĂ©s rĂ©pugnants. Ainsi, j’apprends que le HiĂ©rarque se livre au trafic d’ĂȘtres humains pour en faire des esclaves sexuels. Selon lui, c’est tout simplement rĂ©voltant car on ne devrait pas avoir Ă  passer par ce genre d’intermĂ©diaire pour accĂ©der Ă  des tels esclaves. Dans une utopie telle qu’il la conçoit, nous devrions tous ĂȘtre les esclaves sexuels les uns des autres sans que quiconque doive payer un trafiquant. J’opine vigoureusement du chef et affirme avec autant de conviction que possible que ce HiĂ©rarque mĂ©rite mille sanctions. Et, innocemment, je lui demande si, selon lui, l’agitation ambiante n’est pas une bonne opportunitĂ© pour, justement, faire payer Ă  ce HiĂ©rarque l’infĂąme prix de son commerce. Mais l’homme me rembarre aussitĂŽt. Il n’a nulle envie de s’en mĂȘler ni d’y ĂȘtre mĂȘlĂ© et il met fin Ă  la conversation en s’enfonçant dans la foule qui ne cesse de fixer l’ombre de Candiolanth.
    Au moins, j’en sais un peu plus sur le HiĂ©rarque et j’ai une petite idĂ©e de lĂ  oĂč le trouver et je file vers ce qui fait office d’Interzone dans cette citĂ©. J’erre dans ce dĂ©dale obscur Ă  la recherche de quelques MantoĂŻds, CafaroĂŻdes ou autres PĂ©trol’heads les plus louches possibles. Je jette finalement mon dĂ©volu sur un Cyborg Ă  l’implant gĂ©nital dĂ©mesurĂ©, pour ne pas dire cauchemardesque. Nul doute qu’il ne peut qu’avoir recours aux services de professionnel(le)s plus ou moins consentant(e)s. Je le trouve lĂ  s’adonnant Ă  une activitĂ© tĂ©moignant de sa frustration. PrĂ©sentement, il agite son implant, Ă©jectant ce qui semble ĂȘtre des saucisses de viande d’Homme-porcs. Je m’approche en prenant bien soin de rester dans l’ombre et invoque ROHUM afin de savoir si cette boĂźte de conserve connaĂźt mon HiĂ©rarque. C’est le cas, mais alors mĂȘme que je m’apprĂȘtais Ă  m’en aller, le cyborg m’interpelle. Bien que s’astiquant en pleine rue, il ne semble pas apprĂ©cier qu’on l’observe et me demande des comptes. Clairement, il veut se battre. Je peux comprendre, c’est effectivement un autre moyen de se dĂ©barrasser de ses frustrations.
    Mes yeux de MouchoĂŻde me permettent de le voir venir et Ă©viter ainsi sa premiĂšre attaque. Je vole dans un coin d’ombre, me collant en hauteur, espĂ©rant ĂȘtre ainsi plus dur Ă  atteindre. Autant pour moi, je me prends une saucisse en pleine tĂȘte. C’est d’autant plus humiliant quand on sait d’oĂč elle a Ă©tĂ© tirĂ©e. Mais j’ai quand mĂȘme de la chance dans mon malheur car, Ă  la lumiĂšre qui Ă©mane et s’affaiblit aussitĂŽt autour du cyborg, je comprends que le gĂ©nĂ©rateur alimentant une partie de son blindage vient de tomber en rade. C’est maintenant Ă  moi de jouer.
    Mon « autre moi » a dĂ©zinguĂ© un Voyvode, je devrais donc pouvoir venir Ă  bout d’un Cyborg en manque de compagnie. ROHUM ou Azathoth, je ne sais pas qui je dois remercier mais sous l’impact du formidable coup de boule en piquĂ© que je viens de lui assĂ©ner, le Cyborg tombe Ă  genoux ! Mais dĂ©jĂ  il se relĂšve et empoigne son projecteur de saucisses qu’il pointe dans ma direction. Il vise bien le saligaud ! Mais je l’aurai ! Je vole dans son dos pour le frapper sur le sommet de la tĂȘte. J’espĂšre l’assommer, au moins. Et c’est mĂȘme mieux que ça ! Le Cyborg s’écroule. Certains de ses implants devaient vraiment ĂȘtre de mauvaise qualitĂ© car il tombe littĂ©ralement en piĂšces Ă  mes pieds.
    Je n’en tirerai pas plus de lui, et pour cause, mais au moins, je sais oĂč trouver le HiĂ©rarque maintenant. De plus, It’s time for loot ! Je rĂ©cupĂšre son implant lanceur de saucisses ainsi que sa batterie. Je ne sais pas trop Ă  quoi ça peut me servir. Je sais encore moins si j’oserais me les faire poser par un charcudoc local. Au pire, je les revendrai. Mais pour l’heure, je file vers ce quartier oĂč je devrais trouver le HiĂ©rarque et qui porte le doux nom d’Oubliettes Spectrales.

    Les Oubliettes Spectrales ont bien mal choisi leur nom. Ce coin de la citĂ© n’a rien d’une oubliette, ni rien de spectral. En vĂ©ritĂ©, il s’agit d’une sorte de baie s’ouvrant su une mer verte, un vaste pĂąturage sur lequel voguent quelques barcasses. Une sorte de petite mer intĂ©rieure verte, donc et un semblant de port de plaisance. Toutefois, et malgrĂ© ces apparences idylliques, qui dit port dit tavernes, auberges et filles de joie. Aussi, il doit bien y avoir lĂ  quelques traces du commerce du HiĂ©rarque. Pourtant, aucune fille (ou autre) en vue. Je cherche une taverne mais on dirait qu’il n’y en a pas. Ce n’est vraiment qu’une sorte de port de plaisance pour ceux des notables qui voudraient s’offrir une petite virĂ©e sur ce lac vert. Je n’arrive pas Ă  concevoir qu’un tel endroit existe ici. NĂ©anmoins, s’il n’y a pas de taverne, il y a malgrĂ© tout une sorte de « country club ».
    Je pensais devoir montrer patte blanche et une carte de membre mais on me laisse rentrer sans aucun problĂšme. L’intĂ©rieur est confortable, trĂšs confortable. Une sorte de luxe discret qui a le bon goĂ»t de ne pas en faire trop. A cette heure de la journĂ©e, les lieux sont dĂ©serts. Je m’approche du bar et commande un cocktail au hasard parmi les noms Ă©tranges prĂ©sents sur la carte. On me sert donc une MĂ©decine Soudaine Ă  l’odeur infecte
 et au goĂ»t infect Ă©galement. Je profite de ce que le serveur regarde ailleurs pour vider mon verre dans une plante verte. Les feuilles se fendent alors chacune en une bouche qui, se tournant vers moi, murmurent que je vais bientĂŽt mourir. Je sens comme une pointe au cƓur. Je rappelle le serveur et commande, cette fois, une IdĂ©e Diurne. Alors, il me regarde bizarrement, hĂ©sitant Ă  me servir. ROHUM m’indique que ce cocktail est en rĂ©alitĂ© plus qu’une boisson, c’est un mot de passe. Je souris et enchaĂźne, expliquant dĂ©sirer m’entretenir avec le HiĂ©rarque. Le serveur semble inquiet et je le rassure. Je ne suis qu’un humble client, certainement pas un reprĂ©sentant des forces de l’ordre ou du dĂ©sordre. MalgrĂ© l’heure un peu inhabituelle pour ce genre de prestation, le serveur dĂ©clare pouvoir me conduire au HiĂ©rarque.
    Le serveur me fait passer derriĂšre le bar. LĂ , nous empruntons une petite porte donnant sur les « coulisses » de l’établissement. Fini le confort, les quartiers rĂ©servĂ©s au personnel tiennent plutĂŽt de la caserne. Les couloirs sont dĂ©serts mais je sens, partout, la prĂ©sence de ceux qui occupent les lieux aux heures de plus hautes frĂ©quentations. Finalement, ce n’est pas plus mal que je sois venu maintenant. Au moins, je serai tranquille. Nous arrivons devant une porte en acier et peinte en blanc. C’est une botte fixĂ©e lĂ  par un gros clou qui fait office de marteau. Le serveur frappe plusieurs fois selon un rythme tenant lĂ  encore du code secret. La porte s’ouvre. DerriĂšre, un nain avec d’horribles plaques rouges sur le visage. Muet, il parle avec les main. Il doit ĂȘtre sourd aussi car le serveur lui rĂ©pond en utilisant le langage des signes. Toutefois, il ne doit pas le parler couramment car il s’y reprend  plusieurs fois face aux multiples froncements de sourcils du nain. Finalement, nous entrons.
    Je suis ennuyĂ© car on ne me conduit pas au HiĂ©rarque. En fait, on m’amĂšne directement dans un boudoir ou attendent divers esclaves sexuels de tous sexes ; toutes tailles mais aussi toutes espĂšces. Je me plante lĂ , joues le client hĂ©sitant et demande Ă  parler au maĂźtre des lieux. Accepterait-il un entretien afin que je lui expose une demande un peu
 particuliĂšre ? Le serveur traduit pour le nain qui se retire aprĂšs avoir acquiescĂ©. Il revient quelques instants plus tard. Le HiĂ©rarque veut bien me recevoir mais il me propose un rendez-vous un peu plus tard dans la journĂ©e. Je voyais les choses autrement mais, ne voulant pas faire de vagues, j’accepte de revenir le lendemain, environ aux mĂȘmes heures.
    Je quitte donc le Country Club en prenant bien garde Ă  ne pas ĂȘtre suivi. En vĂ©ritĂ©, je suis convaincu que le HiĂ©rarque n’a diffĂ©rĂ© notre entrevue que pour pouvoir mener sa petite enquĂȘte. A moi donc de paraĂźtre le plus « banal » possible pour n’éveiller aucun soupçon. Aussi, je passe les heures suivantes Ă  traĂźner dans les rues, donnant mon avis sur le brouillard et la menace du dragon rouge. Je jette aussi discrĂštement possible des regards par-dessus mon Ă©paule. Si le HiĂ©rarque m’a fait suivre, ses sbires sont bons !
    Je me prĂ©sente donc au Country Club le lendemain, Ă  l’heure dite. Je commande une IdĂ©e Soudaine. Le serveur me reconnaĂźt mais reste neutre et discret en me faisant passer de l’autre cĂŽtĂ©. De nouveaux coups de bottes sur la porte blanche. Cette fois, c’est un CafaroĂŻde Ă  la face bien amochĂ©e par une sale blessure qui nous ouvre. Je repĂšre une araignĂ©e Ă  accĂ©lĂ©rer le temps sur son Ă©paule. MĂ©fiance

    Je m’attends Ă  ce qu’il me conduise au HiĂ©rarque et.. j’ai tort. En fait, il me fait patienter dans une sorte de couloir ou d’antichambre donnant l’impression d’ĂȘtre dans une mine. Il y a mĂȘme des rails au sol. Le HiĂ©rarque se montre enfin. Je lĂąche un soupir, un peu lassĂ© par toute cette mise en scĂšne. Je suis frappĂ© par son long nez. Comme moi, il possĂšde un bec de PĂ©trol’head. Est-il en lien avec le Crabe ? Celui-ci a-t-il Ă©tendu son influence jusqu’ici ? Je n’ose lui poser la question. J’attends. Lui aussi. Le silence est un peu pesant et je finis par le rompre. Je sors de mon sac l’implant lance-saucisse que j’ai rĂ©cupĂ©rĂ© sur le Cyborg et entame mon baratin comme quoi je voudrais quelque chose sur quoi m‘en servir. Mais le HiĂ©rarque n’est pas dupe. D’une façon ou d’une autre, il sait que je ne suis pas un client. Il demeure silencieux. Il ne fait que hocher la tĂȘte. Je regarde autour de moi, craignant que nous ne soyons pas seuls.
    Mes yeux de MouchoĂŻdes me permettent d’avoir une vision Ă  360° sans avoir Ă  tourner la tĂȘte. Aussi, le HiĂ©rarque ne peut savoir que je suis en train de checker les lieux. Pour autant, cela ne me met Ă  l’abri de rien et surtout pas de ce doigt d’honneur surgissant des cieux (et pourtant nous ne sommes pas dehors) et fonçant sur moi pour m’écraser. Mais, va savoir pourquoi, alors que je porte mes bras en croix devant mon visage, protection inutile contre le destin, le doigt dĂ©vie de sa trajectoire et Ă©crabouille le HiĂ©rarque ! Je regarde autour de moi. Je ne comprends rien et j’espĂšre que rien ni personne ne va maintenant me sauter dessus. Il ne se passe rien, si ce n’est que j’entends, venant du fond de cet Ă©trange endroit, monter quelques grondements abjects. Mieux vaut ne pas traĂźner. En toute hĂąte, je fouille le cadavre. Je n’y croyais pas mais, pourtant, il a sur lui un morceau du masque que veulent rĂ©cupĂ©rer les PrĂȘtres d’Azathoth. Par contre, il n’y a qu’un seul morceau. OĂč sont les autres ? Les grondements se font de nouveaux entendre. Je m’empare d’une clĂ© que le HiĂ©rarque avait dans sa poche et quitte les lieux.

    J’essaye d’ĂȘtre discret mais j’ai certainement Ă©chouĂ© quelque part car je ressens une vive douleur au niveau du bras droit. Normal, je viens de recevoir un carreau d’arbalĂšte. Ma vision mouchoĂŻde aurait dĂ» me prĂ©venir de la prĂ©sence d’un ennemi. S’agit-il d’un tireur invisible, d’un magicien quelconque ? Je ne vois rien. AprĂšs, ce tunnel n’est pas des mieux Ă©clairĂ©s. Mais, ne voyant personne, je prĂ©fĂšre quand mĂȘme m’enfuir en courant. Mais, dĂ©jĂ , j’entends le sifflement d’un autre carreau. Je me jette Ă  terre pour l’éviter mais je me retrouve secouĂ© de spasmes alors mĂȘme qu’un tsunami de vers blancs dĂ©cident de se frayer un chemin de je ne sais oĂč dans mon anatomie vers l’extĂ©rieur. Je me roule par terre et tente de comprendre oĂč mon tireur s’est cachĂ©. Ma peau se met alors Ă  me dĂ©manger. Je sens des excroissances se frayer un chemin, une fois de plus, de l’intĂ©rieur de mon organisme vers sa surface mais, heureusement, ma constitution de Mouche vient  rapidement Ă  bout de cette tentative de cancer. Mais cela n’empĂȘche pas mon tireur de remettre le couvert et j’encaisse un second carreau. D’un bond, je me relĂšve et reprends ma course vers la sortie.
    Je trĂ©buche alors mĂȘme que mon cerveau Ă©clate sous l’effet de la vision d’un gigantesque tsunami s’abattant sur la citĂ©. Ce n’est pas une simple hallucination. C’est une vision. Un prĂ©sage. C’est le futur. Et cela est prĂ©vu pour
 demain ! Les prĂȘtres d’Azathoth sont-ils au courant ? Est-ce que cela Ă  quelque chose Ă  voir avec le brouillard et le dragon rouge ? Est-ce que je vais juste finir ici, comme un con, transpercĂ© par des carreaux d’arbalĂšte dont je ne sais mĂȘme pas qui les tire, ni d’oĂč ? Je ne veux pas finir comme un vulgaire hĂ©risson ! Je dois prĂ©venir les prĂȘtres d’Azathoth et, surtout, je dois sauver ma peau.
    Ce masque, mĂȘme si je n’en possĂšde qu’un bout, est couvert d’écriture magique. Ce doit ĂȘtre un artefact puissant si les prĂȘtres le veulent. Et mĂȘme si j’en ai qu’un bout, je peux peut-ĂȘtre profiter d’un de ses effets. Alors, je porte le masque devant mon visage et lis quelques-unes des inscriptions gravĂ©es lĂ  en Langue Putride. Jaillit alors un flash psychĂ©dĂ©lique qui illumine le couloir. Et je vois, enfin, Ă  qui j’ai Ă  faire. A en juger par sa panoplie, ce doit ĂȘtre un chasseur de prime. Il a l’air extrĂȘmement tendu, fermĂ© mĂȘme. Je remarque surtout ses yeux violets. Sa tenue est trĂšs soignĂ©e, presque trop. Est-ce Ă  cause de ses yeux, il ne parait pas du tout embĂȘtĂ© par ce flash. Je roule sur moi-mĂȘme et parviens, quand mĂȘme, Ă  Ă©viter un carreau. Je dois absolument reprendre l’initiative. Je rĂ©flĂ©chis Ă  toute vitesse et, grĂące Ă  ROHUM, comprends que ce masque est un artefact en lien avec la technomagie d’Azathoth. C’est donc une magie chaotique et hasardeuse. Et avec un peu de chance, je dois pouvoir trouver dans ce bout de masque un sort qui viendra Ă  bout de ce type.
    Je lis donc ces mots en Langue Putride et me voilĂ  revĂȘtu d’une cape. On va dire que c’est toujours ça de gagnĂ©. Je tourne le dos Ă  l’arbalĂ©trier et cours vers la sortie. Et je sens un carreau ricochet sur la cape. Elle est peut-ĂȘtre magique

    J’arrive finalement Ă  la sortie. Mais j’ai toujours mon chasseur de prime aux trousses. Je cherche donc Ă  me perdre, et surtout le perdre, dans les ruelles de l’Interzone avant de regagner le temple d’Azathoth. Mais il me suit toujours. Au moins, il ne tire pas en courant.
    Je demande asile aux prĂȘtres d’Azathoth alors mĂȘme que l’arbalĂ©trier et toujours sur mes talons. D’ailleurs, le caractĂšre sacrĂ© des lieux ne l’arrĂȘte pas et il fait irruption dans le temple. Reprenant son souffle, il pointe dĂ©jĂ  son arme vers moi. Je vole jusque dans un coin d’ombre tout en hurlant aux prĂȘtres prĂ©sents qu’ils doivent me protĂ©ger. J’esquive deux carreaux avant de pouvoir me coller au plafond. Pendant ce temps, les prĂȘtres restent impassibles. Pourtant, quelque chose se passe. Des clameurs viennent de l’extĂ©rieur, attirant l’attention des prĂȘtres et du chasseur de primes. Tout le monde se prĂ©cipite dehors, mĂȘme si je sens que le tireur me garde dans son champ de vision.
    Sans quitter ma cachette, je me connecte Ă  la foule grĂące Ă  ROHUM. Dehors, un Ă©norme vaisseau-bouche vient d’apparaĂźtre. Il peut venir de n’importe oĂč et n’importe quand puisque sa corne frontale lui permet de traverser les vortex spatio-temporels. Le pilote apparaĂźt, sorte d’homme-ver Ă  la peau trĂšs trĂšs pĂąle. Il a une rĂ©vĂ©lation Ă  faire Ă  la foule. La citĂ© va bientĂŽt ĂȘtre engloutie. Dans moins d’une journĂ©e. Je le savais ! Mais, ce que je ne savais pas, c’est qu’il y a un moyen de nous sauver tous.
Et ce moyen, c’est


    Alors qu’une partie de la foule reste suspendue aux lĂšvres de cet Ă©trange pilote de vaisseau-bouche, une autre partie s’en est dĂ©jĂ  dĂ©tournĂ©e pour aller prier le dragon rouge des les Ă©pargner. Le pilote semble quelque peu dĂ©confit par cette attitude mais cela ne l’empĂȘche pas de poursuivre.
    Oui, nous pouvons tous ĂȘtre sauvĂ© de cette vague Ă  venir. Pour cela, nous avons donc une journĂ©e pour rompre une malĂ©diction. Laquelle ? Celle lancĂ©e par les membres de l’Église du Serpent Innombrable ! Je regarde autour de moi. Ce nom ne semble pas totalement inconnu aux membres de la foule mais provoque quand mĂȘme un certain Ă©tonnement. Visiblement, ce n’est certainement pas le groupuscule le plus influent du coin. A moins, comme je ne peux m’empĂȘcher de le souffler Ă  mon voisin, qu’ils ne prĂ©parent leur coup en secret depuis longtemps.
    Pour autant, cette dĂ©claration suscite le doute. En effet, cette Église est minoritaire mais, pour autant qu’on le sache, ses membres ne font l’objet d’aucune persĂ©cution qui justifierait la destruction de la ville. Je ne me sens pas l’ñme d’un leader mais je ne peux m’empĂȘcher de faire courir le bruit que le meilleur moyen d’en ĂȘtre certain serait peut-ĂȘtre bien d’aller leur demander directement.
    Et voila que cette suggestion se rĂ©pand et que la foule se met en marche vers le temple du Serpent Innombrable. Nous arrivons devant une petite bĂątisse austĂšre et sale. La façade est envahie par l’humiditĂ© et il se dĂ©gage des lieux quelque chose de sinistre. Quelqu’un dans la foule prend alors la parole et exige qu’un membre de l’Église sorte s’exprimer sur la question. Personne ne sort Ă©videmment, certainement par peur d’un lynchage. Toutefois, une voix retentit et interroge la foule sur le motif de sa prĂ©sence. Une fois la clameur retombĂ©e, la voix nie en bloc ĂȘtre Ă  l’origine d’une quelconque malĂ©diction et nous prie tous de rentrer chez nous. Alors, je m’envole au-dessus de la foule et demande s’il me serait possible d’entrer pour discuter, seul bien sĂ»r. Une fenĂȘtre s’ouvre et on me fait signe d’entrer.
    A l’intĂ©rieur, l’église est Ă  peine moins miteuse que sa façade. Je suis accueilli par un MantoĂŻd. Il a l’air nerveux. Il n’arrĂȘte pas de triturer sa bague. Je lui dis venir en paix. Contrairement Ă  la foule, je ne pense pas que le Serpent Innombrable soit Ă  l’origine de cette malĂ©diction. Toutefois, l’Église a Ă©tĂ© accusĂ©e et, malgrĂ© cela, elle a peut-ĂȘtre un rĂŽle Ă  jouer dans le sauvetage de la citĂ©. Je n’ai pas l‘impression de l’avoir vraiment convaincu mais, quand mĂȘme, il me laisse poursuivre. En vĂ©ritĂ©, je n’ai aucune hypothĂšse ni thĂ©orie sur la question et j’improvise totalement mon baratin. Aussi, je lui explique que, selon moi, il est plus probable de voir lĂ  les consĂ©quences des manigances de serviteurs d’Y’mo-Thog, l’ancienne divinitĂ© rĂ©gnante sur cette planĂšte. Je pense en effet que ce serait plutĂŽt qui, dans un esprit de vengeance et afin de restaurer un nouvel Ăąge de glace, auraient provoquĂ© l’apparition de ce brouillard et de cette ombre du dragon pour crĂ©er un certaine panique. De mĂȘme, ils auraient impliquĂ© l’Église du Serpent Innombrable uniquement pour semer plus de trouble et se laisser encore un peu plus de temps pour finaliser leur plan. LĂ , je sens le MantoĂŻd un peu plus intĂ©ressĂ©. Alors, a-t-il des informations concernant une rĂ©surgence du culte d’Y’mo-Thog ou d’une quelconque divinitĂ© liĂ©e au froid et Ă  la glace ? Non, mais
 peut-ĂȘtre que le Serpent a une rĂ©ponse, lui.
    Le MantoĂŻd me conduit alors dans une autre piĂšce, trois Ă©tages plus haut. LĂ , il s’arrĂȘte devant une porte. Je l’interroge quant Ă  ce qu’il y a derriĂšre et il m’explique que personne ne le sait. En rĂ©alitĂ©, personne n’a jamais ouvert cette porte. Pas depuis qu’il est membre de l’Église en tous les cas. En fait, cette porte est magique. Pas dans le sens oĂč elle s’ouvrirait sur d’autres endroits mais dans le sens oĂč elle est chargĂ©e d’un mĂ©lange d’ÉgrĂ©gore et de PĂ©trol’Magie qui permet de faire voyager
 l’esprit. C’est un peu, me dit-il, comme si une porte s’ouvrait dans l’esprit et que le Serpent Innombrable en profitait pour y dĂ©verser une vision, une rĂ©vĂ©lation. Il pose alors les mains sur la porte, ferme les yeux et nous attendons tous les deux.
    Le MantoĂŻd est un peu ennuyĂ© quand il se retourne vers moi. Le serpent n’a pas Ă©tĂ© trĂšs bavard. Tout ce qu’il a pu voir concerne
 Une tĂȘte de femme titanesque en pierre taillĂ©e, Ă  moitiĂ© recouverte de mousse. Elle porte une sorte de casque d’astronaute et, d’aprĂšs le MantoĂŻd, elle parle dans une langue inconnue. Il me prĂ©vient Ă©galement que ses yeux Ă©mettent des rayons mortels. Super ! Et maintenant, oĂč je trouve cette tĂȘte gĂ©ante ? Dans la forĂȘt j’imagine. Le MantoĂŻd hausse les Ă©paules. Il ne peut m’en dire plus.
    Heureusement pour moi, les prĂȘtres d’Azathoth connaissent l’existence de cette tĂȘte et s’empressent de me faire un plan dĂ©taillĂ© pour y parvenir. Tant que je suis lĂ , je leur remets le bout du masque du HiĂ©rarque que j’ai rĂ©cupĂ©rĂ©, leur promettant de leur ramener le reste si nous survivons Ă  la prochaine journĂ©e. Je sens bien que ma rĂ©ponse ne leur convient pas et je me fĂ©licite d’ĂȘtre immunisĂ© aux mutations car je reconnais dans l’invocation qu’il vient de lancer dans ma direction quelques expressions Ă©voquant un blob.
    Pas la peine de m’attarder. Je quitte les lieux et fonce dans la forĂȘt jusqu’à cette fameuse tĂȘte. Je verrai bien ce qu’elle a Ă  me dire.

    Et je me retrouve dans cette forĂȘt. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression de la connaĂźtre sans pourtant jamais y avoir mis les pieds. En rĂ©alitĂ©, je ne me souviens pas d’y ĂȘtre allĂ©, ni mĂȘme de n’y ĂȘtre jamais allĂ©. Je suis sĂ»r de ne pas savoir et pourtant
 cette forĂȘt me rappelle quelque chose. Est-ce que cela a Ă  voir avec mon « autre moi » ou le Joueur ? Le Joueur, lui, connaĂźt bien cette forĂȘt. Il l’a visitĂ© bien des fois Ă  bien des Ă©poques et sous bien des formes. Pourtant, s’il la connaĂźt, il avoue volontiers que, pour lui aussi, elle demeure bien mystĂ©rieuse. Il est bien loin d’en avoir fait le tour.
    Cela fait un petit moment maintenant que j’erre dans ces bois et je ne peux qu’ĂȘtre frappĂ© par l’exubĂ©rance de cette vĂ©gĂ©tation. Ce n’est pas une simple forĂȘt, je le sais bien. C’est le domaine autant qu’un avatar de Shub-Niggurath mais
 Il y a quelque chose
 d’agressif dans la façon dont ces bois se dĂ©veloppe. Cette vĂ©gĂ©tation est un prĂ©dateur. On dirait que ces bois se dĂ©vorent eux-mĂȘmes mais que, malgrĂ© cela, ils en ressortent toujours plus fort. Ils se nourrissent d’eux-mĂȘmes, se renforcent. Ça fait peur. Mais, d’un autre cĂŽtĂ©, se dĂ©vorant elle-mĂȘme, la forĂȘt semble renaĂźtre en permanence. Elle est un perpĂ©tuelle nouveau-nĂ©, sans mĂ©moire, qui doit tout redĂ©couvrir, tout rĂ©apprendre. Ça aussi, ça me met mal Ă  l’aise.
    J’arrive finalement au pied d’un arbre. J’entends le hululement d’un hibou, plus haut dans son feuillage. Je lĂšve les yeux et distingue une silhouette taillĂ©e dans une sorte de feu translucide. Cet oiseau serait-il une manifestation de l’Emprise, une sorte de forme modelĂ©e dans l’ÉgrĂ©gore selon des rĂšgles que je ne connais pas ? Essaie-t-il de me dire quelque chose ? Autant le lui demander. Je grimpe. Enfin, j’essaye

    Le Joueur a pratiquĂ© l’escalade pendant plusieurs annĂ©es mais on dirait qu’il ne m’en a rien transmis. Aussi, finalement, je m’en remets Ă  mes ailes et vole jusqu’à cet Ă©trange hibou. Une fois en face de lui, je le vois fixer sur moi son regard attentif. Et dans ce regard, je lis de la colĂšre. Dans ma tĂȘte, des mots et des images apparaissent, explosent mĂȘme ! Ce n’est pas formulĂ© dans un langage qu’on pourrait qualifier d’« humain » mais l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale est une association des notions de livres et de poison. Alors, est-ce que cela veut dire que les livres, les mots, sont un poison, qu’ils sont dangereux ? Cette idĂ©e n’est pas nouvelle. Pourtant, elle fait Ă©cho Ă  mes pensĂ©es concernant cette forĂȘt sans mĂ©moire. D’une certaine façon, les livres sont nos 1er disques durs externes, non ? Des sortes de mĂ©moires
 et ces mĂ©moires seraient un poison ? MĂ©moire, savoir
 l’ignorance serait-elle prĂ©fĂ©rable ? Vivre finalement dans un Ă©tat de perpĂ©tuel prĂ©sent, sans passĂ© ni avenir ? Je secoue la tĂȘte. Ce hibou est en train de jouer avec ma propension, et celle du Joueur, Ă  me prendre la tĂȘte. Il me fait rĂ©flĂ©chir Ă  toutes ces considĂ©rations pour mieux me faire oublier pourquoi je suis ici. Est-ce lĂ  la ruse de la forĂȘt pour me dĂ©tourner de mon but ? Me remplir la tĂȘte de considĂ©rations plus ou moins et moins que plus philosophiques pour me dĂ©tourner de mon but ?
    Les livres sont un poison, mais pour qui ? Pas pour moi ! Pour moi, au contraire, ils sont un remĂšde ou alors, comme l’écrivait Sloterdijk, il s’agit d’un procĂšs d’intoxication volontaire. Ainsi, la lecture devient pour moi une sorte de mithridatisation. Je m’immunise au poison. Je suis immunisĂ©, dĂ©jĂ , car je suis une MouchoĂŻde ! Alors, sans dĂ©tourner mon regard des yeux du hibou d’ÉgrĂ©gore, je me dĂ©cide Ă  l’« ouvrir » pour lire en lui. Dans cet ĂȘtre d’ÉgrĂ©gore et d’Emprise, je vais trouver ce que je cherche, l’endroit oĂč se trouve cette tĂȘte en pierre.
    Le hibou rĂ©siste mais finit par cĂ©der. J’ai trouvĂ© ce que je cherchais. Ainsi, je vole maintenant vers mon but, ma cible, la tĂȘte gĂ©ante. Elle a Ă©tĂ© sculptĂ©e au sommet d’un tertre. DerriĂšre, il y a une cascade. L’endroit est beau, d’autant plus que la nuit tombe. Le vent souffle, prĂ©misse du tsunami Ă  venir ? J’avance prudemment afin de ne pas tomber sous le coup de ses rayons mortels contre lesquels on m’a mis en garde. Et lĂ , je me rappelle de la carte que m’ont donnĂ© les prĂȘtres d’Azathoth. La forĂȘt a Ă©tĂ© maligne et me l’a faite oublier. J’aurais pu arriver plus tĂŽt. J’ai maintenant moins de temps pour trouver une parade Ă  cette vague qui va dĂ©truire la citĂ©.
    Je vole selon une trajectoire qui me permet de m’approcher de la tĂȘte dans dĂ©clencher ses rayons. Maintenant que je suis tout proche d’elle, je reste silencieux et attends un peu au cas oĂč elle prendrait spontanĂ©ment la parole. Effectivement, je n’attends pas longtemps avant qu’elle ne s’adresse directement Ă  moi. C’est bizarre. Je pensais qu’elle userait d’une sorte de tĂ©lĂ©pathie mais je vois distinctement bouger ses lĂšvres de pierre recouvertes de mousses. Son haleine est putride, comme la Langue dans laquelle elle s’exprime.
    La tĂȘte me rassure. Elle ne me veut pas de mal. Il y a quelque chose de dĂ©senchantĂ© dans sa voix. En fait, elle ne me veut pas de mal car cela ne sert plus Ă  rien. Elle affirme que, depuis le dĂ©but ou presque, je ne cours pas aprĂšs les bonnes cibles, je ne cherche pas du bon cĂŽtĂ©. Et maintenant, il est trop tard. Je lui demande s’il n’y a vraiment aucun moyen d’éviter ce tsunami. Il y en a un mais
 il est trop tard maintenant. Dans le doute, je lui demande quel est ce moyen. AprĂšs tout, ce n’est pas parce qu’elle semble convaincue qu’il est trop tard que c’est effectivement le cas. Et puis, peut-ĂȘtre me ment-elle ? Et la tĂȘte, j’ai l’impression qu’elle se tourne vers moi-mĂȘme si c’est faux parce que c’est impossible, me demande :
    « Ne t’est-il pas venu Ă  l’idĂ©e que tu avais Ă©tĂ© droguĂ© et que tout cela n’était qu’une illusion, une hallucination ? »
    PĂ©trol’head que je suis
 Je n’ai rien pris depuis
 depuis
 ?
    Suis-je en manque ? Ai-je fais une overdose ?
    Je me rappelle ces mots de Nietzsche qu’on attribue aussi Ă  Burroughs : « Rien n’est vrai, tout est permis. »
    Merde !
    Cette vague, ce tsunami, ce brouillard, cette fumĂ©e, ce dragon rouge

    Tout cet ÉgrĂ©gore et ce PĂ©trol’magie.
    Suis-je vraiment ici ? Ne suis-pas tout simplement en train d’ultra-planer ou de me tordre de douleur Ă  cause du manque ?
    Tout ça

    
 ne serait finalement

    
 qu’une hallucination ?

    C’est
 trop tard ?
    Vraiment ?

    Quelque part, le Joueur se ronge les ongles. MĂȘme lui ne sait plus. Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
    La mĂ©moire est un poison. Les livres sont un poison. Et mĂȘme si je suis immunisĂ©, le mieux que j’ai Ă  faire est peut-ĂȘtre de faire comme cette forĂȘt : repartir Ă  zĂ©ro !


Commentaires de Thomas :

A. 13540 mots... Encore une novelette. Vous ĂȘtes productif, monsieur LagauzĂšre !

B. « Je reconnaĂźtrai l’endroit car il y pleut beaucoup et l’eau de pluie transforme les choses »

Hum, hum, l'emprise :)

C. « Celui qu’elle a appelĂ© Ă©tait scarifiĂ© mais malgrĂ© cela trĂšs beau. Ses cicatrices Ă©taient
 artistiques et bouleversantes. »

Peut-ĂȘtre l’Ɠuvre d'un sarcomantien ?

D. « Millevaux ! J’ai l’impression d’atterrir dans la cave inondĂ©e du Multivers. »

J'adore l'image :)

E. « Je demande à ROHUM si je dois craindre un piÚge. »

Tu me rappelles ce qu'est ROHUM ?

F. Je ne croyais pas ça possible, mais j'ai l'impression que tes RP sont de plus en plus what the fuck :)

G. Le personnage a des visions d'un autre personnage de ta campagne, ce qui accentue l'effet de flou, le sentiment que tout s'Ă©quivaut :)

H. Le personnage parcourt d'immenses durées dans le temps, j'ignore s'il sera à l'heure à son rendez-vous fixé quatre jours aprÚs son départ :)

I. « Et je reconnais ce chĂąteau. C’est celui de ma vision, celui que mon « autre moi » n’a jamais rĂ©ussi Ă  atteindre. » ça me fait penser au ChĂąteau de Kafka. Peut-ĂȘtre qu'avec l'Ă©grĂ©gore, il est des lieux dont on peut voir les contours mais qu'on ne peut jamais atteindre.

J. « En vĂ©ritĂ©, tout ça commence Ă  me dĂ©passer et je ne sais plus si c’est une si bonne idĂ©e que ça de courir aprĂšs ce barde.  »

Moi aussi, ça commence à me dépasser :) Les « non mais » à répétition provoqués par les outils de systÚme nous perdent dans des méandres narratives inextricables :)

K. « Je le trouve lĂ  s’adonnant Ă  une activitĂ© tĂ©moignant de sa frustration. PrĂ©sentement, il agite son implant, Ă©jectant ce qui semble ĂȘtre des saucisses de viande d’Homme-porcs »
Ah oui quand mĂȘme on en est lĂ  :)

L. « Le Joueur, lui, connaĂźt bien cette forĂȘt. Il l’a visitĂ© bien des fois Ă  bien des Ă©poques et sous bien des formes. Pourtant, s’il la connaĂźt, il avoue volontiers que, pour lui aussi, elle demeure bien mystĂ©rieuse. Il est bien loin d’en avoir fait le tour. »
Et comment, moi non plus :)

M. «  On dirait que ces bois se dĂ©vorent eux-mĂȘmes mais que, malgrĂ© cela, ils en ressortent toujours plus fort. Ils se nourrissent d’eux-mĂȘmes, se renforcent. Ça fait peur. Mais, d’un autre cĂŽtĂ©, se dĂ©vorant elle-mĂȘme, la forĂȘt semble renaĂźtre en permanence. Elle est un perpĂ©tuelle nouveau-nĂ©, sans mĂ©moire, qui doit tout redĂ©couvrir, tout rĂ©apprendre. Ça aussi, ça me met mal Ă  l’aise.  »
J'aime beaucoup l'image


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
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#92 18 May 2023 11:06

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

PREMIER ÉTÉ DANS LE VENTRE DE MEJGORIÉ

Une séance enfantine intimiste qui se colore de plus en plus en sombre. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry.

(temps de lecture : 9 min / temps d’écoute : 48 min)

Joué en présentiel le 14/06/2020

Le jeu : Trois Ă©tĂ©s Ă  Bonneville, un jeu de rĂŽle intimiste, aventureux et plein d’espoir, par Chestel

L'univers : La forĂȘt de Millevaux

Lire/télécharger le mp3

Lire/télécharger le PDF du scénario


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Farhad Sadykov, cc-by


Toutes les photos suivantes sont de Claude FĂ©ry (par courtoisie).


L'histoire :

Voici une petite réflexion sur ma démarche ludique.

À chaque nouvelle session je m'efforce de proposer diffĂ©rentes tonalitĂ©s pour envisager les suites de notre campagne.
RéguliÚrement j'ai proposé trois jeux différents afin que nous obtenions lors de la mise en jeu l'atmosphÚre et l'intensité d'émotions attendues.
Récemment, dans le cadre de ma préparation non préparation, je me suis contenté de proposer un nouveau jeu, plutÎt destiné à une unique partie que je m'efforce de faire dialoguer avec la seconde partie de la session.
Dans notre derniĂšre session, je ne suis pas parvenu Ă  Ă©tablir un lien avec le contenu fictionnel de notre partie de Le cueilleur d’arbres.
Quoique la seconde partie de la session ait été l'occasion de moucher une nouvelle bougie et poursuivre notre exploration de Mejgorié, je n'étais pas en mesure de tisser des liens comme je l'avais fait avec Lillipousse.


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Xavier joue Helio


J'ai donc parcouru ma ludothĂšque et me suis arrĂȘtĂ© sur Mahamoth de John GrĂŒmph qui pourrait offrir un retour vers le Spomenik et les enfants de la LumiĂšre Noire : Germaine, Apo850 et HĂ©li.
J'ai ensuite songé à Skyrealms Of Jorune, l'épisode d'exploration de planÚte devant initialement aboutir à une scÚne de chasse Ramian lors du « Rurvi Tchorko ».
Entre temps  chacune des joueuses m'a communiquĂ© ses centres d'intĂ©rĂȘts du moment, Xavier en me narrant une histoire rocambolesque d'un enquĂȘteur avec gourdin plutĂŽt que fusil de chasse, Alexa en me livrant une sĂ©rie de dessins oĂč son avatar rĂ©current destinĂ© Ă  sa chaĂźne YouTube devient une Katsune plutĂŽt qu'une vampire et Gabrielle m'a Ă©voquĂ© une nouvelle dystopie.
Et moi, profitant d' un arrĂȘt maladie pour laisser vagabonder mes oreilles vers divers podcasts, j'ai dĂ©couvert au travers d'un souvenir rĂŽliste 3 Ă©tĂ©s Ă  Bonneville  du bon Docteur Chestel.
Je l'ai lu et succombĂ©, aux appels de gamins farceurs dans la montagne. ImmĂ©diatement ce sont des Ă©chos de jeux enfantins dans la forĂȘt des Vosges qui ont tintĂ© Ă  mes esgourdes.

Puis j'ai écouté le dernier témoignage audio d'une partie de La clé des songes jouée par kF et Eugénie, une pure pépite de poésie,
un peu de neige salie de Bernard Gunter, transposée au jeu de rÎle...

Enfin, j'ai lu le hors sĂ©rie 5 de Sombre  de Johan Scipion, ou plutĂŽt ses articles sur sa dĂ©marche crĂ©ative afin d'obtenir « la peur comme au cinĂ©ma ».

Et je constate alors que ce que je tente de convoquer à ma table c'est un « cinéma pour l'oreille », (tagline déjà mobilisée par JérÎme Noetinger pour son excellente production sur Metamkine).


Avec Gabrielle, Alex  et Xavier nous jouerons demain aprĂšs-midi les suites de notre exploration du Ventre de MejgoriĂ©, sous un autre angle toutefois.  « Avec notre Ɠil, nous arrangeons les rĂ©alitĂ©s. » Georges Aperghis.
Vivre dans le ventre de MejgoriĂ© rend la vallĂ©e au dehors un havre dĂ©sirable oĂč bĂątir notre refuge loin du regard inquisiteur de nos aĂźnĂ©s...


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Manuel en cyriloc, comme toutes les instructions dans l'hypogée


Belle session de trois heures, beaucoup plus sombre que ce que propose initialement 3 étés à Bonneville. Nous avons convenu de jouer le second été sur le thÚme des transformations subies par nos personnages au contact du bois.

A la suite d'un dysfonctionnement d'une clé USB de transfert ne subsistent que les 2 premiÚres minutes des trois premiÚres étapes du plan 1 sur les presque deux heures jouées. Les étapes 4 et 5 ainsi que le bilan ont été épargné. Ce moignon sonore, à défaut d'autre chose, vous fournira une idée de l'ambiance à la table, loin du riant été savoyard.


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Nous avons jouĂ© en dĂ©tail notre Ă©chappĂ©e. Kwolia Ă©met l'idĂ©e de voler un bidon d'acide Ă  l'octroi. Vassily est d'accord mais se dĂ©gonfle tandis que Elisheba dĂ©bite des sornettes au vieil Alan sur des Ă©cureuils retors qui dĂ©vorent la cĂąblerie au risque d'interrompre l'alimentation Ă©lectrique de la salle des Dormeurs pour l'Ă©loigner.  Helio et Elisheba enferment le dupe dans un rĂ©duit, pendant que Kwolia s'empare du bidon convoitĂ©, chĂąteau branlant sur un vieil escabot.  Et il chute, comprime le bidon et s’éclabousse les mains d'acide. Elisheba et Vassily l'enjoignent Ă  se laver les mains Ă  l'eau froide. Ça picote ! Ça picote ! Geint le voleur. Vassily et Helio grattent les murs dont ils ont la charge d'entretien Ă  l'acide, pendant que le blessĂ© et Elisheba se rendent Ă  l'infirmerie.


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L'infirmerie ici se confond avec le sas de dĂ©confinement, l'avant poste de l'hypogĂ©e, son regard sur le monde. Le lieu est Ă  circulation restreinte. Aussi les deux gamins inventent la prĂ©sence d'un nuage toxique de pollens qu'il conviendrait de circonvenir avant qu'il n'atteigne les conduits d'aĂ©ration. Pendant qu' Elisheba distrait L'aĂźnĂ© de faction par son verbiage et l'entraĂźne au dehors, Kwolia inspecte la pharmacie. Trois types de produits dans des fioles s'offrent Ă  lui : un translucide, un vert et un bleutĂ©. Les inscriptions en cyriloc lui sont d'aucune utilitĂ©. IndĂ©cis il s'en remet Ă  la sagacitĂ© de son amie, le vert s'est l'espoir... Elisheba se charge de l'injection et c'est atroce, ça brĂ»le encore plus ! Alors hop ! une injection de la solution bleutĂ©e qui Ă©tend le gamin au sol, pris de convulsions. Il se redresse bientĂŽt, les lĂšvres bleues, claquant des dents, mais ça marche ! 


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Tout Ă  changĂ©.   Elisheba aussi.   Il lui voit sous la paupiĂšre gauche un signe 24. Elle est une dormeuse. C'est un signe.   Lui a un 6.  Il lui injecte la solution bleue, froide, glacĂ©e puis qui bientĂŽt l'inonde d'une vive chaleur.  DĂ©sormais ils sont des Dormeurs et sont condamnĂ©s Ă  veiller leur pairs s'ils restent ici.  Ils se promettent donc de se bĂątir un refuge et de ne jamais revenir.  Les deux autres s'en Ă©meuvent et Kwolia leur offre une injection.  Helio est 17 et Vassily 21 pour les autres et 3 selon lui.  Ils grimpent dans le conduit d'aĂ©ration et s'Ă©chappent aprĂšs avoir sabotĂ© le sas technique.


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Gabrielle joue Vassily


Ils Ă©mergent dans une hĂȘtraie bruissante de vie.  Ils s'Ă©loignent heureux de quitter la citĂ© oppressante, mĂȘme si Elisheba et Helio sont un peu soucieux.  Tout est nouveau et jamais plus ils ne formeront de dessins dans la moisissure qui ronge les coursives avec leurs brosses.  Autour d'eux des milliers de fragrances se mĂȘlent dans l'air.  Le soleil perce au travers des houppiers  touffus et dessine la la lumiĂšre sur leurs visages.  Dans la vallĂ©e en contrebas, l'eau cascade sur la roche.  Des oiseaux chantent et Kwolia pousse un cri tonitruant en se suspendant Ă  une liane pour franchir le ravin.  Il atterrit cul par dessus tĂȘte, trĂšs fier, de l'autre cĂŽtĂ©.   MĂȘme pas mal !  MĂȘme pas peur !  Il avertit qu'un truc horrible fait hou hou derriĂšre Helio.   Mais non. C'est une farce !


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En revanche il y a un essaim d'abeilles forestiĂšres mĂ©contentes...   Il est trĂšs vite rejoint par son copain Helio qui rĂ©cupĂšre la corde du plus prudent Vassily, qu'il hisse vers eux.  Elisheba suit les deux garçons mais la liane trop sollicitĂ©e, cĂšde.  Elle est retenue dans chute par Vassily que tractent les deux compĂšres.  Kwolia passe la corde au pied d'un arbre solide Ă  l'invite d'Helio et tout le monde remonte sain et sauf.   Kwolia est tout Ă©branlĂ© cependant.   Contre la rugositĂ© de l'arbre il perçoit une prĂ©sence, hostile, avide.

Ce  n'est pas son corset de branches
Ni ses cheveux de feuilles
Ni ses lĂšvres d'insectes
Qui lui font peur

C'est qu'elle n'a pas de cƓur

(Almanach)


Maintenant ils se tiennent prÚs du vieux panneau rouillé signalant le risque de montée des eaux. Ils ont franchi la frontiÚre.


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La cavée aux goupils



Depuis le couvert de la chĂȘnaie, Elisheba lance un premier Ă©cho vers le versant qu'ils viennent de quitter. Un jeu de cris s'ensuit qui dissipe dans un premier temps leur trouble.  Mais bientĂŽt ce sont des Ă©chos du passĂ© qui les assaillent.  Les temps se mĂȘlent.  Kwolia s'englue dans la poussĂ©e d'un rĂ©acteur tokamak et vit un combat confus dans MejgoriĂ© oĂč un marchand d'esclave et un croyant l'abandonnent Ă  son sort pour protĂ©ger son amie, prise d'oubli. Helio entend des coups de feu qui s'Ă©ternisent... 

Le temps fuit de toute part et ils s'Ă©loignent dans la chĂȘnaie pour mieux s'y perdre en cherchant Ă  Ă©viter la menace des bĂ»cherons cannibales.  La nuit les saisit dans une clairiĂšre sans refuge et tout le bois glanĂ© perdu.  Ils s'installent dans le creux d'un arbre Ă  trois troncs que Helio amĂ©nage sommairement.

Kwolia rĂȘve de danser Ă  la cime des nuages, perd ses jambes, se drape dans la nue et sombre, proie d'une atroce douleur.

J'habite une blessure sacrée
j'habite des ancĂȘtres imaginaires
j'habite un vouloir obscur
j'habite un long silence
j'habite une soif irrémédiable
j'habite un voyage de mille ans
j'habite une guerre de trois cent ans
j'habite un culte désaffecté entre bulbe et caïeu
j'habite l'espace inexploité
j'habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la valleuse Ă  toute allure
et brûle toutes les mosquées

je m'accommode de mon mieux de cet avatar
d'une version du paradis absurdement ratée
- c'est bien pire qu'un enfer -
j'habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d'appartement
et toute paix m'effraie.

Aimé Césaire, Le Calendrier Lagunaire


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La cavée aux goupils


A presque-aube quatre cocons de toiles pendent dans la clairiĂšre.   

D'immenses cannes chitineuses pareilles aux troncs des arbres descendant de ce ceux-ci.

Vassily se libĂšre du sien et arrache celui de Kwolia qui retombe au sol, blĂȘme, frissonnant.

Le cocon qui enserre Helio est immobile, linceul pudique jeté sur un corps frappé par la foudre de l'orage sec que la nuit a convié.

Vassily libĂšre partiellement Elisheba alors qu'un visage familier salive au dessus de leurs tĂȘtes.  Alors Kwolia se redresse, sa bouche s'ouvre immense sur un cri silencieux qui Ă©branle la terre, souffle feuilles et soies et bientĂŽt ils sont enfin seuls.  Ils bĂątissent une cabane rudimentaire Ă  la lisiĂšre et s'Ă©changent promesses et serments solennels.  Kwolia ne dit rien de ses dents et sa langue pourries par la sepsie de Pandora.  Il Ă©treint leurs mains et pleure l'abandon qu'ils lui ont promis.

Nous avions tous présent à l'esprit la vidéo de présentation de Degenesis
dont le lien suit lorsque j'ai évoqué la réaction de Kwolia face à Visage Familier... Les sonorités de Wromb étaient de circonstances et cette scÚne était assez intense.


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La cavée aux goupils


Manifestement Kwolia est celui qui a pris une balle Ă  l'entrĂ©e de MejgoriĂ© et Elisheba serait LibertĂ© avant l’alcĂŽve...  Lapin serait un Dormeur qui s'ignore...   Une trĂšs belle session !

N. B. : Notre errance forestiÚre était illustrée par le diaporama de la cavée aux goupils que j'ai posté en inspiration.


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La cavée aux goupils


Commentaires de Thomas :

Merci beaucoup pour ce nouveau retour de partie !

A. Les photos de fougĂšres et de plantes sont de toi ?
B. C'est quoi le Recombination Group ?
C. A quoi penses-tu que la revisitation trÚs sombre de l'ambiance légÚre de 3 étés à Bonneville est due ?


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La cavée aux goupils


A. Oui Claude
B. C'est une organisation secrÚte qui au moyen de manipulations génétiques, de conditionnements et de moyens financiers et matériels colossaux à organisé la survivance, (sa survivance) à l'effondrement de la civilisation.
C. Au ton spontanément adopté par les joueuses, qui quoique le caractÚre léger ait été affirmé en amont on creusé un sillon trÚs sombre. Les dangers évoqués devenaient de réels enjeux et j'ai joué pour ma part ma feuille de personnage. Pour le final j'ai annoncé ma crainte et positionné ma noisette sur à sauver, sans secours la situation s'est encore aggravée. ParallÚlement Xavier s'est mis hors jeu avec la foudre... Ce n'était pas le ton initialement attendu, mais le résultat m'a vraiment plu, ainsi qu'aux autres. Gabrielle a joué en Théùtre de l'esprit et n'a pas vraiment suivi les injonctions du jeu.


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C bis. Je souhaitais Ă  titre personnel explorer un lieu au travers des souvenirs que se sont forgĂ©s de jeunes gamins. A cet Ă©gard cela a pleinement fonctionnĂ©. Les mĂ©caniques et le plan 1 ont Ă©tĂ© scrupuleusement respectĂ©s. Ils ont soutenu note rĂ©cit et produit comme escomptĂ© les trois heures de fiction attendue.  Alex et Xavier ont jouĂ© avec leurs voix d'enfant et Gabrielle a jouĂ© les enfantillages avec naturel.  Simplement notre cadre Millevalien a profondĂ©ment contaminĂ© la tonalitĂ© guillerette initiale du jeu.
Indubitablement ! Xavier en fin de session nous a indiquĂ© que si celle-ci lui avait plu, certains moments l'avaient effrayĂ©s (mais il n'a pas dĂ©signĂ© le D ou le X sur sa feuille de personnage) et que la musique faisait peeuuur.  Sur la partie non couverte par le tĂ©moignage audio la source sonore consistait en une sĂ©rie d'improvisations de Bertrand Gauget au saxophone et la deuxiĂšme partie d'une composition de musique concrĂšte de Lionel Marchetti intitulĂ©e Chasser. Cette derniĂšre est particuliĂšrement inquiĂ©tante, mais le glissement de tonalitĂ© Ă©tait amorcĂ© dĂšs la premiĂšre Ă©tape.


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La cavée aux goupils


Thomas :

C'est quoi le D sur la feuille de personnage ?


Claude :

Je me suite trompé. D désigne une demande d'arbitrage J'aurais du dire V droit de veto, une revisitation selon la rÚgle


Thomas :

C'est intéressant ces codes-lettres de sécurité émotionnelle sur la feuille de perso ! Que veut dire A ?


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Gabrielle joue Vassily


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Alex joue Elisheba


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Alex joue Elisheba


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Gabrielle joue Vassily


Auteur de Millevaux.
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#93 25 May 2023 13:54

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LA PRISON

Un labyrinthe sans issue envahi par la forĂȘt, une errance pĂ©rilleuse en compagnie d'Ă©tranges dĂ©tenus... Un scĂ©nario et le rĂ©cit d'une aventure solo par Damien LagauzĂšre

(temps de lecture : 10 min)

Joué le 14/12/2019

Le jeu : English Eerie, par Trollish Delver Games, un jeu de rîle sans MJ de contes d’horreur classiques et folkloriques dans la campagne anglaise.

Univers : la forĂȘt de Millevaux

Lire / Télécharger le scénario mis en forme (temps de lecture : 3 min)

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Gerhard, cc-by-nc


Synopsis :

    Cette ancienne prison est en ruine. Pourtant, le PJ y est enfermĂ©. Il erre dans ce labyrinthe de murs Ă©croulĂ©s, de couloirs et de salles envahis par la vĂ©gĂ©tation Ă  la recherche d’une sortie. Il ne sait pas comment il est arrivĂ© lĂ . Il s’est seulement rĂ©veillĂ©, allongĂ© sur un grabat fait de feuilles sentant le moisi. Des gĂ©missements ont suscitĂ© sa curiositĂ© et il a quittĂ© cette cellule pour dĂ©couvrir, dans une autre cellule, un homme au visage poupin et aux mains couvertes d’encre. Lui non plus ne sait pas ce qu’il fait ici. Regardant ses mains tĂąchĂ©es d’encre pas encore sĂšche, il cherche un livre. Il explique au PJ qu’il ne se rappelle de rien mais
 qu'il Ă©tait en train d’écrire quelque chose d’important. Et ce quelque chose est quelque part ici, dans cet endroit. Il sait, il est sĂ»r et certain, qu’on lui a dĂ©robĂ© son texte car, dessus, il avait notĂ© comment sortir d’ici !
    Par endroit, le toit est Ă©croulĂ© mais, Ă  cause des gravats et de la vĂ©gĂ©tation, il n’est jamais possible d’escalader les murs pour s’enfuir.


Personnage secondaire :

-Montague est donc cet homme au visage poupin convaincu d’avoir consignĂ© par Ă©crit le moyen de quitter cet endroit. Il pense que cet endroit recĂšle un secret et qu’on les observe. Il sourit tout le temps mais, au fond de lui, se sent coupable car il veut tuer un membre de sa famille. Il est plus vieux qu’il en a l’air.

-Quaté est un homme aux traits et au physique androgyne. Il erre lui aussi dans les couloirs. Comme les autres, il ne sait pas comment il est arrivé là mais il est à la recherche, pas tant de la sortie que du sceau parfait. Ce sceau, cette rune, ce symbole, est, prétend-il, présent en ces lieux. Le trouver et en comprendre la signification apportera bien plus de réponses que le seul accÚs la sortie de cette étrange prison.

-Frater Bush est une montagne. Il a l’air franc, volontaire. Il porte les cheveux longs et dĂ©tachĂ©s. Il a l’air fou de joie Ă  l’idĂ©e d’ĂȘtre ici. Il se dit aventurier et, pour lui, cette endroit ne peut ĂȘtre que le thĂ©Ăątre d’une vĂ©ritable et folle aventure. Il a hĂąte de se confronter aux lieux et Ă  ceux qui sont derriĂšre tout ça. Il erre dans les couloirs depuis plusieurs jours. Il ne semble pas souffrir de la faim ou de la soif. Il explique se nourrir d’herbe et de racines, mais aussi de petits animaux qu’il chasse.

-Tribale est une femme Ă  l’air distant et indiffĂ©rent. Comme les autres, elle cherche la sortie depuis
 elle ne sait plus. Elle pense ĂȘtre morte et en Enfer en raison de son passĂ© honteux. Quel passé ? Elle a oubliĂ©. Au dĂ©but, elle pensait ĂȘtre ici pour retrouver la mĂ©moire et la sortie mais elle n’y croit plus dĂ©sormais.


Indices mineurs :

-Une tombe profanĂ©e Ă  un endroit oĂč elle n’a rien Ă  faire.
-Un espace Ă  ciel ouvert oĂč la vĂ©gĂ©tation a mutĂ© sous l’effet de l’emprise et de l’égrĂ©gore.
-Le PJ assiste à la transformation, douloureuse, d’un rat en
 autre chose.
-Des traces rĂ©centes du passage d’un horla.
-Des lianes pendent du plafond mais
 il n’y a pas de plafond. Il s’est Ă©croulĂ©.


Obstacles environnementaux :
-La terre se met à bouger et poursuit le PJ pour l’engloutir.
-CachĂ© on ne sait oĂč, quelqu’un ou quelque chose envoie des fruits pourris sur le PJ.
-Un buisson aux épines acérées barrent le chemin.
-Le PJ a un flash-back, une vision déformée de son passé.
-Des insectes jaillissent de partout et recouvrent le PJ.


Obstacles « personnages secondaires » :

-Montague devient nerveux et tente de forcer le PJ Ă  lui donner son sang pour lui servir d’encre. Il veut poursuivre son Ɠuvre littĂ©raire en utilisant le PJ comme encrier et comme parchemin.
-QuatĂ© s’est soudain accroupi. Il s’est mis Ă  chantonner et Ă  dessiner d’étranges symboles sur le sol. Il se relĂšve brusquement et tente d’étrangler le PJ pour l’offrir aux symboles.
-A cause de la faim, un personnage secondaire tente de dévorer le PJ.
-Un personnage secondaire est persuadĂ© d’avoir eu une vision et tente de convaincre le PJ dans la direction qu’il croit ĂȘtre celle de la sortie.
-Un personnage secondaire tente de se suicider.


Tension :
1-Un portail s’ouvre sur les forĂȘts limbiques mais ne fait que ramener le PJ et ceux qui l’accompagnent Ă  son point de dĂ©part, dans l’espace comme dans le temps.
2-Le PJ et ceux qui l’accompagnent tombent un piùge tendu par un horla.
3-Des trompes et des cornes tonnent. On entend, s’approchant, des cris, des aboiements. Des hommes ( ?) à cheval, avec des chiens, prennent le PJ et ceux qui l’accompagnent en chasse.


Spirit :
-Au moins 1 Spirit : traqué ou non, le PJ finit par trouver, sinon un sens à tout cela, la sortie de cette étrange endroit.
-0 Spirit : le PJ meurt sous les crocs des chiens ou
 de faim et de soif dans les couloirs de cette prison.

XxXxX

L’histoire:

    Je ne sais pas comment je suis arrivĂ© ici. Je ne me rappelle pas de grand-chose en rĂ©alitĂ©. Je m’appelle NoAnde et je suis, ou j’étais, le shaman du Clan des Arbres. Il s’est passĂ© quelque chose de grave, je le sens, pour que je me retrouve ici. Mais quoi ? Trouverai-je des rĂ©ponses ? En tout cas, je ne crois pas que ce soit ce type, Montague, qui puisse m’aider Ă  en trouver. Il a l’air tout aussi perdu que moi. Mais peut-ĂȘtre qu’il y a vraiment quelque chose d’important de consignĂ© dans son livre



1er jour :

-Nous errons ici depuis plusieurs heures maintenant. Nous n’avons aucune idĂ©e du chemin que nous devons prendre. Montague cherche son livre. Je cherche une sortie. Nous marchons au hasard. Alors que nous entrons dans un couloir sombre et Ă©troit, nous devons nous arrĂȘter. En plein milieu du chemin, il y a un trou. Et de l’autre cĂŽtĂ© de ce trou, il y a
 une pierre tombale. Cet endroit n’a rien d’un cimetiĂšre et il n’y a aucune autre tombe de cette sorte alentour. Je me penche pour voir s’il y a quelque chose de gravĂ© dans la pierre. Rien ! C’est un mauvais prĂ©sage.
-Montague se remet Ă  gĂ©mir. Je me tourne vers lui et le voit fixer le fond de la tombe. A-t-il vu quelque chose qui m’a Ă©chappé ? Je me penche et suis littĂ©ralement happĂ© par la lumiĂšre noire qui s’est mis Ă  illuminer le fond du trou. C’est Ă©blouissant, aveuglant. Quand nous parvenons Ă  recouvrer la vision, tout a changĂ© mais
 rien n’a changé ! Nous sommes toujours dans cette Ă©trange endroit mais c’est la lumiĂšre qui a changĂ©. Le blanc est le noir et le noir est le blanc. Montague panique et je ne me sens pas bien non plus. Nous marchons, nous courrons. Rien ne nous poursuit si ce n’est la peur mais
 elle est en nous. Que fuyons-nous au juste ? Quand la lumiĂšre redevient normale, je suis de nouveau allongĂ© sur ce grabat dans cette cellule. Un peu plus loin, j’entends des gĂ©missements. Je reconnais ceux de Montague.


2Úme jour :

-Nous avons repris notre errance avec Montague, comme si de rien Ă©tait, comme si nous n’étions jamais tombĂ©s au fond de cette tombe. Puis, une douleur cinglante me cloue au sol. Comme si on m’enfonçait une lame dans le crĂąne. Je hurle. Ma vision se trouble. Autour de moi, tout se dĂ©double, comme si tout se reflĂ©tait soudain dans un miroir, dans une symĂ©trie glacĂ©e qui m’évoque la mort. Je me tourne vers Montague et
 son double symĂ©trique. MĂȘme sa voix est dotĂ©e d’un reflet inversĂ©. Je sens qu’il tente de m’apaiser mais comme tous ses mots sont doublĂ©s de leur strict inverse je ne sais rien de ce palindrome dysharmonieux ! Une nouvelle douleur me fait tomber Ă  nouveau quand j’ai cette rĂ©vĂ©lation que la symĂ©trie est en rĂ©alitĂ© l’opposĂ© de l’harmonie. C’est la mort. Un faux ordre. Un ordre illusoire. Je veux la vie
 Mais la vie n’est-elle pas l’opposĂ©e de la mort ? Vie et mort sont-elles symĂ©triques ?
-Et je ne dois mon salut qu’à une nouvelle menace. Alors que je me tords de douleur par terre, Montague et son double me secouent, me relĂšvent de force et me montre du doigt un homme
 ou une femme, qui se prĂ©cipite vers nous, les mains en avant. Il ou elle n’a pas de double car
 il ou elle sont dĂ©jĂ  doubles et symĂ©triques. Il ou elle me saisit au cou et commence Ă  m’étrangler. Alors, ma vision redevient normale. Suffocant, je croise le regard de Montague qui est redevenu lui-mĂȘme. Alors, dans un sursaut d’énergie, je flanque un coup de boule Ă  mon adversaire qui me relĂąche aussitĂŽt et s’écroule au sol. Il se relĂšve presque aussitĂŽt et, alors que Montague et moi approchons, il s’excuse et se prĂ©sente. Il s’appelle QuantĂ©. Et comme nous, il est coincĂ© ici depuis
 Il ne sait plus. Il cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment une sortie dont il est convaincu qu’elle se trouve dans un enchaĂźnement de symboles dissimulĂ©s un peu partout dans ces ruines. Pourquoi pas, aprĂšs tout ?


3Úme jour :

-QuantĂ© semble en avoir fini avec sa crise de dĂ©mence et se rĂ©vĂšle un compagnon de route finalement agrĂ©able. Il semble instruit dans les arts mystiques et symboliques et nous Ă©changeons quelques secrets relatifs Ă  nos traditions respectives. Montague tente de prendre part Ă  la conversation en affirmant que son fameux livre recĂšle lui aussi bien des secrets. Je veux bien le croire. Mais nous devons stopper notre discussion quand nous arrivons dans une sorte de cour. Au milieu, un arbre s’élĂšve et, assez haut, une femme au regard vide est assise sur une branche. Elle bouge bizarrement. On dirait qu’elle va tomber. Nous lui disons de faire attention mais exige que nous la laissions tomber, au sens propre. Nous tentons de la raisonner mais rien n’y fait. On dirait qu’elle n’attendait que nous pour se laisser basculer dans le vide. Nous tentons de la rattraper au vol mais
 trop tard !
-Plusieurs de ses os sont brisĂ©s. Il y a du sang tout autour d’elle. Nous nous regardons avec QuantĂ© et Montague et
 nous savons qu’il n’y a plus grand-chose Ă  faire. La femme sourit. Elle vient de s’évader.


4Úme jour :

-Nous nous nourrissons de ce que nous trouvons. Des petits animaux comme des rats ou des lĂ©zards, mais surtout des baies et des racines. Il y a manger ici, certes, mais pas assez pour que nous ne souffrions pas de la faim. Et QuantĂ© a Ă©tĂ© assez imprudent pour se jeter sur ces baies qu’aucun de nous ne connaissaient. La sanction n’est pas mortelle mais QuantĂ© aura passĂ© plusieurs heures Ă  se vider par tous les orifices possibles de sang et autres matiĂšres organiques puantes. Et qu’avons-nous pu faire, avec Montague, si ce n’est le soulager en lui donnant de l’eau fraĂźche ?
-Nous aurions vraiment aimĂ© avoir plus de temps, pouvoir attendre que QuantĂ© aille mieux. Mais, soudain, la terre s’est mise Ă  trembler. C’était plus qu’un sĂ©isme. La terre s’est soulevĂ©e et
 c’est comme si elle s’était mise Ă  nous poursuivre. Avec Montague, nous n’avons pas cherchĂ© Ă  comprendre. Nous avons pris QuantĂ©, chacun par un bras, et nous sommes mis Ă  courir aussi vite que possible. Ce n’est que lorsque nous avons regagner un couloir dallĂ© de pierre que la terre a cessĂ© de nous suivre. Il Ă©tait clair que nous pouvions plus revenir en arriĂšre maintenant.


5Úme jour :

-Ce couloir semble sans fin. De part et d’autre il n’y a que des cellules mais aucune bifurcation. Nous ne pouvons qu’aller tout droit ou revenir sur nos pas et affronter ce
 « sĂ©isme vivant » ? Mais comment poursuivre notre chemin quand le passage est soudain barrĂ© par un inextricable aux Ă©pines acĂ©rĂ©s ? Alors, nous utilisons des bouts de bois traĂźnant ça et lĂ  pour repousser un peu les taillis et nous frayer un passage.
-Mais ces broussailles ne sont pas le seul danger auquel nous devons faire face. QuantĂ© est le premier Ă  hurler quand une multitude d’insectes jaillit des buissons et se met Ă  nous courir dessus, rentrant dans nos vĂȘtements mais aussi nos oreilles, nos bouches. Nous tentons de courir malgrĂ© les Ă©pines mais c’est impossible. Nous sortons de ces buissons en rampant. Nous saignons de partout et vomissons des insectes et autres mille-pattes. Je ne parviens pas Ă  retenir mes larmes. Les autres non plus.


6Úme jour :

-Nous avons besoin de repos. Et pour cela, nous avons besoin d’un endroit Ă  peu prĂšs sĂ©cure. Nous le trouvons sous la forme d’une cellule dont le toit s’est Ă©croulĂ©. Nous voyons le ciel et cela nous redonne une sorte d’espoir, illusoire. Nous avons faim et, on ne l’y reprendra plus, QuantĂ© se retient de se jeter sur cet Ă©trange lierre qui court sur les murs. Ce n’est pas du lierre. Ce n’en est plus. Je vois lĂ  des dĂ©formations qui sont la marque de l’égrĂ©gore. Je n’y avais pas prĂȘtĂ© attention jusque-lĂ  mais cet endroit est comme saturĂ© d’égrĂ©gore. L’emprise est trĂšs prĂ©sente. Peut-ĂȘtre est-ce lĂ  l’explication Ă  tous ces mystĂšres ?
-Nous avons repris notre chemin et, cette fois, QuantĂ© et moi sommes plus attentifs Ă  la prĂ©sence d’égrĂ©gore. RĂ©alitĂ© ou auto-suggestion, nous en voyons de plus en plus les traces, les manifestations. Soucieux de ne pas ĂȘtre en reste, Montague nous fait part lui aussi de ses observations mais
 nous savons bien qu’il n’entend rien aux arts mystiques et occultes. Pourtant, nous aurions dĂ» prĂȘter plus attention Ă  ces dires quand nous sommes tombĂ©s dans ce
 piĂšge ? Deux lames bizarrement montĂ©es en anneaux ont bien failli nous trancher en deux. Et, dans les ombres, nous avons pu apercevoir la silhouette d’un horla. Ne pas nous avoir tuĂ© ne sembla pas lui poser de problĂšme. Il semblait mĂȘme sen moquer. Il quitta les lieux. Nous ne le vĂźmes pas vraiment mais nous avons entendus son rire s’éloigner.


7Úme jour :

-Ce matin, nous avons Ă©tĂ© rĂ©veillĂ© par des ricanements. Nous avons reconnu ceux du horla d’hier. Et ces ricanements ont aussitĂŽt Ă©tĂ© suivi du sons de cornes et de trompes et
 d’aboiements. Les ricanements gagnent en puissance. Les chiens se rapprochent. Nous pouvons les voir. C’est une vĂ©ritable meute enragĂ©e. DerriĂšre eux, des crĂ©atures vaguement humaines et difformes les Ă©nervent, les excitent, en soufflant dans leurs instruments. Et encore derriĂšre eux, immense et ricanant, le horla de boue et de bois. Nous courons ! Droit devant nous ! nous n’avons aucune idĂ©e de lĂ  oĂč nos pas nous mĂšnent. L’espace et le temps semblent s’étirer. Par moment, nous pensons les avoir semĂ©s puis ils rĂ©apparaissent. Parfois, nous voyons l’espace s’étirer entre eux et nous et nous espĂ©rons que le destin joue enfin en notre faveur. En vĂ©ritĂ©, cette course semble sans fin. Nous courons depuis des heures
 des jours ? Je ne sais plus. Je ne sais pas non plus d’oĂč nous vient cette Ă©nergie qui nous permet de ne pas nous Ă©crouler mais, au bout d’un moment, au dĂ©tour d’un couloir, une sortie ! nous nous jetons dehors. Nous sommes enfin
 dehors ! Nous n’attendons pas de savoir si le horla et sa meute peuvent ou non quitter cet endroit. Nous nous enfonçons dans la forĂȘt. Nous courons encore pendant un long moment puis, peu Ă  peu, nous ralentissons et nous mettons Ă  marcher. Enfin, au bout d’un moment, l’un d’entre nous finit par prendre la parole. Aucun de nous n’a vraiment compris ce qui s’était passĂ©. Puis, sans dire un mot, QuantĂ© nous fait signe qu’il va maintenant continuer sa route seul. Un peu plus tard, Montague me quitte aussi, avec un sourire. Je marche
 toujours tout droit, vers je ne sais oĂč. Seul.



Commentaires de Thomas :

A. « -Tribale est une femme Ă  l’air distant et indiffĂ©rent. Comme les autres, elle cherche la sortie depuis
 elle ne sait plus. Elle pense ĂȘtre morte et en Enfer en raison de son passĂ© honteux. Quel passé ? Elle a oubliĂ©. Au dĂ©but, elle pensait ĂȘtre ici pour retrouver la mĂ©moire et la sortie mais elle n’y croit plus dĂ©sormais. »

Ce PNJ est tout Ă  fait Millevaux :)

B. « -Mais ces broussailles ne sont pas le seul danger auquel nous devons faire face. QuantĂ© est le premier Ă  hurler quand une multitude d’insectes jaillit des buissons et se met Ă  nous courir dessus, rentrant dans nos vĂȘtements mais aussi nos oreilles, nos bouches. Nous tentons de courir malgrĂ© les Ă©pines mais c’est impossible. Nous sortons de ces buissons en rampant. Nous saignons de partout et vomissons des insectes et autres mille-pattes.  »

Avec le suicide du haut de l'arbre puis cette scĂšne, on est bien dans Millevaux, c'est cool :)


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#94 16 Jun 2023 11:48

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

L'APPEL DU 18 DE CHIEN

Suite des mésaventures légÚres des garnements de Mejgorié. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry

(temps de lecture : 3 min / temps d’écoute : 2H06)

Joué le 23/06/2020

Le jeu : Trois Ă©tĂ©s Ă  Bonneville, un jeu de rĂŽle intimiste, aventureux et plein d’espoir, par Chestel

L'univers : la forĂȘt de Millevaux

Suite de Premier été dans le ventre de Mejgorié

Lire/télécharger le mp3 (partie 1)
Lire/télécharger le mp3 (partie 2)


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(C) Claude FĂ©ry


Scénario :

Voici le plan n2 transposé pour notre table.


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(C) Claude FĂ©ry


L'histoire :

V utrobe Mezhgor'ya

Vtoroye leto

Notre session a produit une fiction de 2h10.
Nous avons joué 4 des 5 étapes du plan n 2.
Nous avons convenu de jouer le troisiĂšme Ă©tĂ©, avec Little HĂŽ-Chi-Minh-Ville dans la mesure oĂč HĂ©lio Vassily et Elisheba ont dĂ©cidĂ© de libĂ©rer les Dormeurs de MejgoriĂ©.
Gabrielle a baptisé l'épisode l'appel du 18 de chien


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(C) Claude FĂ©ry


HĂ©lio, gangrenĂ© par le bois se transformait en bouc, Elisheba en Kitsune. Kwolia les a libĂ©rĂ© de leur Ă©tat bestial afin qu'ils puissent entrer librement dans MejgoriĂ© en les mordant aprĂšs qu'il ait Ă©tĂ© lui-mĂȘme mordu par le Visage Familier qui nous poursuivait dans la chĂȘnaie.


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(C) Claude FĂ©ry


J'ai mis en jeu ce poĂšme

J'allais solitaire, ainsi qu'un nuage
Qui plane au dessus des vaux et des monts.
Quand soudain, je vis, en foule,
Des jonquilles d'or, une légion,
A cÎté du lac, sous les branches grises,
Flottant et dansant, gaiement Ă  la brise.

Serrées comme sont au ciel les étoiles
Qu'on voit scintiller sur la voie lactée,
Elles s'Ă©tendaient, sans un intervalle, https://live.staticflickr.com/65535/52978541683_e19baca7d9_o.jpg
Le long du rivage, au creux d'une baie.
J'en vis d'un coup d’Ɠil des milliers, je pense,
Agitant la tĂȘte, en leur folle danse.

Les vagues dansaient pleines d'Ă©tincelles
Mais elles dansaient plus allĂšgrement.
Pouvais-je rester, poĂšte, auprĂšs d'elles,
Sans ĂȘtre gagĂ© par leur enjouement ?
L’Ɠil fixe, Ă©bloui, je ne songeais guĂšre
Au riche présent qui m'était offert.

Car si je repose, absent ou songeur,
Souvent leur vision, Ô bĂ©atitude !
Vient illuminer l’Ɠil intĂ©rieur
Qui fait le bonheur de la solitude.
Et mon cƓur alors, dĂ©bordant, pĂ©tille
De plaisir, et danse avec les jonquilles.

William Wordsworth, Les Jonquilles, dans le recueil PoĂšmes


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(C) Claude FĂ©ry


Et  celui-ci

Je n'ai jamais cessé de marcher
vers mes racines d'homme
sans sourciers, sans boussole
sauf ma colÚre puisée dans le poumon du peuple
et les clameurs inédites de l'histoire
sauf mes yeux
n'ayant rien perdu
du désastre des ruelles
et de la rareté du pain
J'avais mal Ă  mes racines

Abdellatif LaĂąbi, extrait du recueil L'arbre de fer fleurit


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Gabrielle joue Vassili (C) par Claude FĂ©ry


Commentaires de Thomas :

J’ai Ă©coutĂ© la premiĂšre partie de deuxiĂšme Ă©tĂ© Ă  Mejgorié ! Voici mes retours :

A. La pousse de pierre au fond de la main, super manifestation de l’emprise

B. Super monologue de tes joueuses

C. Si j’ai bien compris, vous avez gardĂ© seulement la fibre intime du jeu lors de cette session.


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Alex joue Elisheba (C) par Claude FĂ©ry


Claude :

A. Effectivement la page 29, notre seconde rencontre Ă©tait avec le gĂ©nĂ©ral Ă  la tĂȘte de cette unitĂ©, le docteur, qui a fait de nous ses cobayes, (billes de bois).
Nous avons envisagé notre libération non sous un angle réaliste, mais en nous appuyant sur une évocation des sévices que nous subissions, nous avons envisagé une ligne de fuite qui convoque le fantastique et, je l'espÚre, une forme de poésie, en résonance avec l'intitulé de la campagne.


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Gabrielle joue Vassili (C) par Claude FĂ©ry


Nous aurions pu ajouter des pĂ©ripĂ©ties, notamment celles prĂ©vues autour du refuge du furet (pages 40, 41 et 42), mais j'ai proposĂ© Ă  la table de nous arrĂȘter sur cette tonalitĂ©  « enchantĂ©e ».
La suite ?
Les envies de la table, dans le désordre :
- Le playtest de la nouvelle mouture de Damnatio,
- The clay that woke,
- Pariah
- un carnet d'Écheveuille sur une tonalitĂ© prĂ© Millevaux / Jardins des esprits, inspirĂ©e de SCP ou de RWBY ou directement dans l'univers en cours de dĂ©veloppement d'Alex avec l'aide de Gabrielle.

B. Oui de trĂšs beaux moments

C. Nous avons joué les tonalités un peu dans le désordre.


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(C) Claude FĂ©ry


Thomas :

1. Tout un programme ! Qu'est-ce que SCP et RWBY ?


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(C) Claude FĂ©ry


Claude :

1. SCP est un univers de jeu oĂč une organisation la SCP recense et neutralise des manifestations paranormales. Fandom trĂšs actif avec toutes les fiches des bestioles.
RWBY est une série animée ou quatre jeunes apprenties maßtrisent les pouvoirs issus de poussiÚres de cristaux pour lutter contre les méchants.

D. Nous prĂ©parons un systĂšme de rĂ©solution qui reprend une discussion avec Alex sur ses attentes Ă  la table dĂ©diĂ© Ă  un futur carnet d'Écheveuille. [Note de Thomas : il est sorti depuis, il s'appelle Marche II]


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(C) Claude FĂ©ry


Thomas :

J’ai Ă©coutĂ© la deuxiĂšme partie !

Voici mes retours :
A. Sympa le moment oĂč tu bugue en rĂ©citant la mĂȘme proposition en boucle
B. Une boisson qui peut avoir un goĂ»t et un aspect particulier, c’est du kĂ©fir
C. La transformation de ton personnage en Visage Familier est bien flippante


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Xavier joue HĂ©lio. (C) Claude FĂ©ry


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(C) Alex Begyn


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Alex Begyn


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Alex Begyn


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Claude FĂ©ry

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Représentation de Hélio. (C) Xavier Féry


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(C) Claude FĂ©ry


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(C) Alex Begyn


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(C) Claude FĂ©ry


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#95 23 Jun 2023 15:12

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

TROISIÈME ÉTÉ DANS LE VENTRE DE MEJGORIÉ

Le troisiÚme été est à son orée, les enfants ont grandi et la Russie de Mejgorié a totalement fusionné avec l'enclave panasiatique de Little HÎ-Chi-Minh-Ville. Le cycle se boucle sur une totalité douce-amÚre et slavo-khmer.

(temps de lecture : 1 min / temps d’écoute : 1h58)

Joué le 27/06/2020

Le jeu : Trois Ă©tĂ©s Ă  Bonneville, un jeu de rĂŽle intimiste, aventureux et plein d’espoir, par Chestel

Jeu annexe : Little HĂŽ-Chi-Minh-Ville, du panasiatique-dystopique-biopunk par Thomas Munier

Univers : la forĂȘt de Millevaux


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Ars Electronica, cc-by-nc-nd



Suite de L'Appel du 18 de Chien


L'histoire :

V utrobe Mezhgor'ya

Tret'ye leto

Ou

nowknong tikrong hau chi mi nh

rdauv ktaw tibei


Je joue kaula, commissaire du peuple, Khmer, un artifice.


Gabrielle joue Farben, un techie.

Xavier joue He li nanh, surnommé Prisme, un organo.

Alex joue E Li Ssa Baï, surnommée Confiance, une caïd

Nous avons joué notre troisiÚme été dans le ventre de Mejgorié cet aprÚs-midi avec Little HÎ Chi Minh Ville.
Une session qui a pleinement satisfait les joueuses.
Nos commandos ont délivré les Dormeurs de leur sommeil artificiel, mais à quel prix ?
Deviendront-ils des crĂšve la faim?
A quelle créature ont ils livré passage dans le sillage de leur mission ?
KaulaĂŻ, a fusionnĂ© avec E Li Ssa BaĂŻ pour repousser le horla, mais que deviendra-t-elle maintenant qu'elle a deux cƓurs, dont un de hantu, elle qui dĂ©jĂ  entendait la voix des morts ?


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#96 06 Sep 2023 14:51

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LA MAISON OÙ PERSONNE N’HABITE

Un solo court, et inhabituellement mystérieux et contemplatif, par Damien LagauzÚre

(temps de lecture : 2 min)

Joué le 26/12/2019

Le jeu : Home, par Shrinebuilder, un court jeu solo sur la mémoire, la nostalgie et les difficultés familiales.

Univers : la forĂȘt de Millevaux


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road less trvled, cc-by-nc

L'histoire :

    Ces derniers temps, je suis La Brindille. Je ne sais pas pourquoi on m’appelle comme ça. Je n’ai rien d’une brindille. La vie est rude dans ces bois mais je m’en contente. En fait, je passe le plus clair de mon temps Ă  rĂȘver. Et mes rĂȘves, ces derniers temps, me disent de rentrer chez moi, lĂ  oĂč je suis nĂ©, lĂ  oĂč j’ai grandi. Alors, j’ai pris la route mais
 je ne sais pas vraiment pour oĂč.
    Pourtant, j’ai des images qui me reviennent
 de trĂšs trĂšs loin. Je vois une maison. D’un cĂŽtĂ©, cela me remplit de joie mais d’un autre j’ai peur. Que vais-je trouver ? Et pourquoi suis-je parti ?
    J’ai marchĂ© longtemps et traversĂ© bien des villes, des villages, parfois en ruines. Mais lĂ , je sais que c’est le bon endroit. Ce ne sont pas tant des souvenirs qui remontent que des Ă©motions. Ce ne sont pas des images, ni des sons. Ce sont des sentiments qui ne trompent pas. C’est ici que j’ai grandi, dans ces montagnes. Mon regard se porte sur une grosse araignĂ©e filant entre mes jambes et je me demande si j’ai bien fait de venir lĂ .
    Plus tard, je marche dans les bois prĂšs de la maison oĂč j’ai grandi, mĂ©ditant sur ce qui m’a attirĂ© Ă  cet endroit. Je me souviens vaguement avoir fait un rĂȘve il y a quelques mois Ă  propos de ces bois, d'une figure et de la maison de mon enfance.
    Un rĂȘve m’a dit de venir mais l’éveil me dit de partir. Pourtant, je reste. Je ne parviens pas Ă  me dĂ©cider Ă  quitter ces lieux dĂ©solĂ©s, abandonnĂ©s. J’ai peur. Cet endroit est-il vraiment aussi Ă  l’abandon qu’il en a l’air ? J’ai l’impression de ne pas ĂȘtre seul. J’ai l’impression qu’on m’observe depuis
 un rĂȘve. J’ai peur que quelqu’un en train de rĂȘver ne m’espionne.
    Comme je me dirige vers ce qui me semble ĂȘtre ce qui reste de la maison de mon enfance, j’aperçois quelqu'un. Sa tĂȘte me dit quelque chose. Il me sourit. Il dit s’appeler Sieben. Ça ne me dit rien. Il me propose une partie d’osselets. Ça me rappelle quelque chose.
    Nous nous quittons aprĂšs quelques parties. Je retourne vers cette maison, « ma » maison ? C'est le crĂ©puscule, et je m’approche, plein d’hĂ©sitation. Cette maison est mal en point et a besoin de travaux.
    Je gravis quelques marches. Quelqu’un que je ne connais pas me parle Ă  travers la porte entrouverte. Il y a une chaĂźnette. Je n’ai pas le temps de prononcer un mot que l’autre crie : « Il n’y a personne ici ! Personne ne vit plus ici ! » Pourtant, il vit lĂ , lui

    Je fais demi-tour. Je tourne et je vire dans ce village abandonnĂ©. Mes pas me ramĂšnent toujours non loin de cette maison. « Ma » maison ? Ce ne sont pas de souvenirs, plutĂŽt des intuitions. J’ai vĂ©cu ici et il s’est passĂ© quelque chose. Quoi ? OĂč est passĂ© ma
 famille ? Parfois, j’ai l’impression de voir de la lumiĂšre Ă  travers les fenĂȘtres de certaines maisons. Mais, je crois que ce n’est qu’une impression ou seulement des reflets. Je crois que je suis seul ici. Seul avec le joueur d’osselets et l’autre habitant. Je ne suis pas seul mais qui sont-ils ? Qui sont-ils, pour moi ? L’air se charge alors d’une mĂ©lodie. Ça me dit quelque chose

    Et soudain, je me rĂ©veille. Je suis toujours dans ce village abandonnĂ© mais ailleurs. Je suis lĂ , debout et ma tĂȘte est envahie par toutes ces choses qui ont dĂ©chirĂ© ma famille. Alors, je cours ! Je cherche ma maison. Les ronces et les branches dĂ©chirent mes vĂȘtements et Ă©gratignent mes bras. Mais alors, mais c’est un rĂȘve, je trouve un de mes parents, et tombe dans ses bras. Et il me rĂ©conforte.
    Mais c’est un rĂȘve
 Et dans mon rĂȘve, je traverse les bois, jusqu’à un champ. Au loin, je vois de la lumiĂšre aux fenĂȘtres d’une maison. Je me remets Ă  courir


    La nuit derniĂšre, j'ai fait un rĂȘve Ă©trange ... J'Ă©tais un enfant, perdu dans les pins, et j’essayais de rentrer Ă  la maison avant que l'obscuritĂ© ne tombe. Je savais oĂč j’allais. Je courrais en direction de cette maison, ma maison. « Ma » maison ?


Auteur de Millevaux.
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#97 24 Nov 2023 15:23

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LE RITUEL DE PASSAGE

Encore une fresque solo épique centrée sur les pratiques magiques déviantes avec le zeste de folie pure qu'il convient au crossover avec les univers de Batronoban ! Un récit par Damien LagauzÚre

(temps de lecture : 45 minutes)

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kr, libre de droits


Joué le 28/12/2019

Les jeux utilisés:

Les crimes ont été « joués » avec Arkham Noir
Les journaux ont été joués avec The Thousand Years Old Vampire.
Les lettres ont été joué avec la campagne Quill : Ink & Shadows.
Les lettres de la Mort ont Ă©tĂ© jouĂ©es avec The Reaper’s Almanac.
Corso a Ă©tĂ© jouĂ© avec MantoĂŻd Universe et Le Tarot de l’Aventure ImprĂ©vue et Bois-Saule.

Univers : la forĂȘt de Millevaux


L’histoire:
    Je suis « Gragasanil » Corso. Je suis un Soar, chevalier d’or en exil et collectionneur de machines Ă  Ă©crire. Mon but dans la vie : tout savoir ! Je veux percer les secrets de l’univers et d’Azathoth. Mais, pour l’instant, je veux tout savoir sur la mort de Roularik et Putium, respectivement CafaroĂŻde, chevalier d’or en exil lui aussi, et Clone prĂȘtre d’Azathoth de leur Ă©tat. Cette affaire ne m’aurait concernĂ© en rien si, Azathoth seul sait pourquoi, je ne m’étais retrouvĂ© tĂ©lĂ©portĂ© sur la premiĂšre scĂšne de crime.
    En tant qu’ancien chevalier d’or, j’avais entendu parler de Roularik mĂȘme si je ne l’avais jamais rencontrĂ©. Le Joueur, mĂȘme si cela lui paraissait plus que capillotractĂ©, se rappela les Watchmen et se demanda si quelqu’un ou quelque chose n’en avait pas aprĂšs les chevaliers d’or exilĂ©s justement. Aussi, il devenait lĂ©gitime que je mĂšne l’enquĂȘte, ne serait-ce que pour Ă©ventuellement sauver ma peau de porc.
    Pour des raisons historiques qui maintenant nous Ă©chappent un peu Ă  tous, Azathoth partage son royaume du Chaos avec la forĂȘt de Millevaux, tout Ă  la fois domaine et avatar de Shub-Niggurath. Le corps de Roularik se trouvait donc dans les bois les plus profonds. LĂ , je remarquai des marques laissĂ©es par la foudre sur un arbre. Or, ces marques diffĂ©raient de celles qui avaient foudroyĂ© le chevalier. LĂ , sur le tronc, un symbole Ă©tait tracĂ©. Et, cachĂ©es au pied de l’arbre, je trouvais Ă©galement un paquet de lettres. RĂ©digĂ©es Ă  diffĂ©rentes dates par diffĂ©rentes personnes, elles avaient nĂ©anmoins en commun d’évoquer les Anciens, la forĂȘt ainsi qu’un ouvrage appelĂ© le Vir Stellas.
    De retour dans l’Interzone, je me rendis chez mon ami Randolf Carter et lui fit part de mes dĂ©couvertes. Cela lui Ă©voqua un Ancien OubliĂ©. Je pensais Ă  Shub-Niggurath bien sĂ»r et Carter me le confirma. Cette mort Ă©tait donc liĂ©e Ă  la ChĂšvre Noire. Mais comment et pourquoi ? Carter me fit alors goĂ»ter une de ses drogues, un « cadeau » d’un de ses fournisseurs MantoĂŻdes. LĂ , sous l’effet de la drogue psychĂ©dĂ©lique, le temps s’accĂ©lĂ©ra et je me retrouvais dans une salle piĂ©gĂ© d’un donjon technomagique. Il s’agissait lĂ  d’une ancienne arĂšne dĂ©sertĂ©e. LĂ , je trouvais un journal entre les mains du cadavre horriblement mutilĂ© et mĂ©connaissable d’un homme-porc.
    Et en substance, voici le contenu du journal :

                            « Graga veut dominer le monde. Parfois, il pĂšte les plombs et doit ĂȘtre calmĂ©. J’ai rĂ©ussi Ă  immobiliser, mais pour combien de temps, la structure dans laquelle il baigne en bloquant un mĂ©canisme avec un vinyle de void mĂ©tal. J’espĂšre qu’il ne m’en veut pas trop. Yargalac veut que j’utilise un des sorts contenu dans mon livre pour l’aider dans sa vengeance mais
 les voies d’Azathoth sont impĂ©nĂ©trables et cela ne marche pas comme ça. Ce n’est pas aussi simple. Je ne suis pas sĂ»r qu’il l’ait vraiment ni compris, ni acceptĂ©. Yargalac est toujours en quĂȘte d’artefacts d’origine voyvode. Aussi, il m’invite dans un tripot en plein cƓur de l’Interzone et me fait part d’une rumeur concernant des trĂ©sors repĂ©rĂ©s dans la forĂȘt. Je me mĂ©fie car c’est un des fameux plans de Yargalac qui m’ont mis face au SumĂ©rien. Mais son enthousiasme me gagne et nous partons pour la forĂȘt. LĂ , je suis pris d’un Ă©trange malaise. Je me sens mal. Yargalac ne montre aucun signe de gĂȘne. Je me concentre, regarde et Ă©coute partout autour de moi. Mais c’est au-dessus que se trouve la source de mon mal-ĂȘtre. Nous passons sous un groupe d’arbres auxquels sont suspendues d’innombrables petites poupĂ©es faites de brindilles et de chiffons. Je les montre Ă  Yargalac qui s’en moque Ă©perdument. Pourtant, le vent les fait chanter dans cette Langue Putride qui me fait comprendre que nous sommes lĂ  en un territoire appartenant Ă  des adorateurs de Shub-Niggurath. Que dois-je comprendre ? Suis-je devenu allergique Ă  la Langue Putride ou dois-je me mĂ©fier des serviteurs de la ChĂšvre Noire ? Nous finissons par trouver ce que nous cherchons mais il ne s’agit pas des trĂ©sors espĂ©rĂ©s. Aussi, c’est sans regret que je laisse toutes ces babioles Ă  Yargalac. Yargalac n’est plus. En vĂ©ritĂ©, je m’en moque un peu mais, pourtant, mes pas me portent vers l’une des demeures que nous avons partagĂ©e Ă  une Ă©poque oĂč nous Ă©tions beaucoup plus actifs dans notre chasse aux artefacts voyvodes. En vĂ©ritĂ©, je m’attendais Ă  ce que cet endroit soit de nouveau occupĂ© mais il n’en est rien. Tout a Ă©tĂ© laissĂ© Ă  l’abandon. Je en sais pas si les lieux ont Ă©tĂ© occupĂ©s depuis notre dĂ©part mais il ne reste rien. J’ai l’impression d’ĂȘtre dans une boĂźte vide
 comme mon Ăąme  »
    Qu’est-ce que tout cela pouvait bien signifier ? Les lettres relatives au Vir Stellas mentionnaient un rituel sanglant automutilatoire, des crĂ©atures venues d’une autre dimension, Nyarlathotep et Millevaux. LĂ , il s’agissait de retrouver des artefacts voyvodes dans la forĂȘt. Mais ce fameux Yargalac semblait mort et l’auteur de ce journal restait pour l’heure anonyme. Mais cette histoire Ă©tait elle aussi liĂ©e Ă  Shub-Niggurath et Millevaux.
    Je quittais cet endroit aprĂšs avoir dĂ©couvert l’entrĂ©e d’un tunnel souterrain. Je regagnais donc l’Interzone mais non sans avoir Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  l’existence du TroisiĂšme Rituel Aklo dont, Ă  ce moment-lĂ , je ne comprenais ni la prĂ©sence ni la signification.
    Les choses devinrent Ă  peine moins floues quand je pris connaissance de la mort de Putium, Ă©galement foudroyĂ© dans la forĂȘt. Pas de marques sur un arbre cette fois mais un passage dissimulĂ© menant jusqu’à un mur de hiĂ©roglyphes parmi lesquels je reconnus le symbole du TroisiĂšme Rituel Aklo. Je trouvais lĂ  Ă©galement un autre journal, beaucoup plus court celui-là :
        « Voyvodes ! Mal TĂȘte ! Langue Putride ! Batterie
 Vide ! Yargalac, mort ! [
] Sang pourri ! Malade ! Sang Putride de langue Putride ! Malade ! Pas boire sang de Langue Putride ! [
] Sang Putride partout ! Malade ! Batterie vide
 Sommeil
 Oubli. [
] Animaux forĂȘt fuient ! Courent loin ! Volent haut ! Animaux forĂȘt peur de moi ! »
    Je ne comprenais rien. Je suivis le tunnel et, Ă  sa sortie, me retrouvais face Ă  une tombe envahie par la vĂ©gĂ©tation. MalgrĂ© cela, l’épitaphe Ă©tait lisible. Il s’agissait de la tombe d’un certain Moulesanil, Soar Cyborg. Et l’épitaphe disait : « L’électricitĂ© garantit la rĂ©forme biscornue. » Je notais toutefois qu’il y avait un Ă©cart dans le mot « biscornue » qui pouvait donc aussi ĂȘtre lu « Bis Cornue ». Deux cornes ? Comme ce Horla qui m’apparut alors que se mit soudain Ă  tomber un violent orage n’ayant rien de naturel ? Et sur la tombe, invisible jusqu’alors, se mit Ă  luire le symbole du TroisiĂšme Rituel Aklo. Je sortais mon flingue et m’apprĂȘtais Ă  quitter ces bois, espĂ©rant que le Horla n’en aurait pas aprĂšs moi. Pas de chance, il me suit. Coup de chance, j’ai Ă©tĂ© bien inspirĂ© de dessiner dans l’air, du bout de mon flingue, le symbole Aklo qui l’a fait fuir.
    De retour dans l’Interzone, je m’enfermai chez moi et me plongeai dans le paquet de lettres, y cherchant un lien avec les deux journaux que j’avais trouvĂ©s. La premiĂšre avait Ă©tĂ© Ă©crite par un certain Damon Hesse dont je sais qu’il s’agit lĂ  d’un des pseudonymes du Joueur. Il s’adressait Ă  un certain Pierre :
                    « Londres, le 3 septembre 1887

    Cher Pierre


    Je suis encore Ă  Londres. Je pensais rentrer plus tĂŽt mais j’avoue consacrer un temps considĂ©rable Ă  l’un de ses opus dont je fais la collection. Vous connaissez ma passion pour les livres anciens, notamment ceux traitant de sujets Ă©sotĂ©riques, occultes mĂȘme, soit tout ce qui se situe Ă  la frontiĂšre de la rationalitĂ©. Nombre de mes collĂšgues refusent de leur accorder le moindre intĂ©rĂȘt. Pourtant, ces ouvrages existent et ils sont des tĂ©moins de leur temps, eux aussi. Ainsi, un de ces ouvrages Ă©tait mis aux enchĂšre Ă  Londres. Je me suis empressĂ© de m’y rendre et d’en faire l’acquisition. La lutte fut Ăąpre. Je n’étais pas le seul intĂ©ressĂ© par le fameux Vir Stellas. Mais, aprĂšs avoir payĂ© le prix fort dans tous les sens du terme, je repartais avec l’ouvrage.
    J’avais prĂ©vu de rendre visite Ă  quelques vieux amis mais, finalement, je ne quitte quasiment plus ma chambre d’hĂŽtel. Je consacre en effet toutes mes journĂ©es, et mes nuits, Ă  l’étude du Vir Stellas. Étude est un mot peut-ĂȘtre bien inadaptĂ© car, en vĂ©ritĂ©, je « subis » littĂ©ralement l’emprise de cet Ă©trange tome. En effet, aprĂšs des heures et des jours plongĂ© dans ses pages, que puis-je en retirer si ce n’est d’étranges sentiments mĂȘlĂ©s faits de fascination et de
 dĂ©goĂ»t.
    En vĂ©ritĂ©, force m’est de reconnaĂźtre qu’une Ă©norme partie du contenu du Vir Stellas me demeure interdite. Ce texte n’est pas uniquement rĂ©digĂ© en anglais. Et je ne suis mĂȘme pas certain que toutes ses parties soient Ă©crites en langues
 humaines. En vĂ©ritĂ©, le peu de comprĂ©hension que j’ai de cette ouvrage est plus « intuitif » que rationnel et je tiens cette comprĂ©hension plus des songes inspirĂ©s par la vision de ces mots et de ces images que d’une vĂ©ritable « intelligence » des propos consignĂ©s. En effet, Ă  la lecture, je ne comprends que d’infimes parties de ce texte. La nuit par contre, quand j’arrive finalement Ă  dormir, c’est autre chose.
    Pierre ! J’ai vu en rĂȘve ce que j’ai lu dans le livre ! Une forĂȘt, mais pas une simple forĂȘt comme on en visite dans nos contrĂ©es. LĂ , c’était autre chose. C’était.. dĂ©rangeant
 Cette forĂȘt est le domaine de quelque chose de terrible. Je ne sais si c’est le maĂźtre des lieux qui m’est apparu mais j’ai vu, dans le ciel de cette forĂȘt, un gigantesque buste de pierre. Je ne me rappelle que de son casque Ă  cimier rappelant celui d’un soldat romain. Son regard portait loin devant lui. Il ne m’a pas vu, je l’espĂšre. Pierre ! Avez-vous dĂ©jĂ  entendu parler de ce livre ? Connaissez-vous le Vir Stellas ? Quelqu’un vous a-t-il dĂ©jĂ  racontĂ© une histoire comme la mienne ? J’ai besoin de votre aide, Pierre. Je dois en savoir plus. Accepteriez-vous de me recevoir et de me dire ce que vous comprenez du Vir Stellas ?

    Pierre, j’ai tardĂ© Ă  poster cette lettre et peut-ĂȘtre que j’ai bien fait. J’ai de nouveau rĂȘvĂ© du Vir Stellas la nuit derniĂšre. Ou plutĂŽt, j’ai rĂȘvĂ© de cette forĂȘt qu’il dĂ©crit. Je me suis de nouveau retrouvĂ© plongĂ© dans ses illustrations. Cette forĂȘt est plus qu’une forĂȘt, je l’ai dĂ©jĂ  dit. Mais ce n’est pas seulement le domaine de la chose qui rĂšgne sur ces bois. Je crois que cette forĂȘt est LA chose en elle-mĂȘme, l’EntitĂ© dominante. Je n’ai pas revu cet Ă©trange buste gĂ©ant dans les cieux de ces bois. Mais j’ai ressenti autre chose. C’était plus insidieux. C’était
 pire. Cet endroit baigne dans une « énergie » malsaine, Pierre. Une sorte d’éther que certains des habitants de ces bois manient grĂące des rĂšgles qui seraient interdites dans notre monde. Sont-ce ses rĂšgles qui sont dĂ©crites dans le Vir Stellas ? J’ai besoin de votre aide, Pierre, pour me dĂ©barrasser de ces rĂȘves, de ces tourments, mais aussi pour comprendre ce que sont ces bois, ce qu’est
 Millevaux !

                                        Damon Hesse »

    La seconde Ă©tait l’Ɠuvre d’un certain Paul. Je savais qu’il s’agissait de Paul Singer, un autre avatar du Joueur :
                « ChĂšre Jemima,
    Je suis en ce moment mĂȘme Ă  Arkham, au chevet d’un ami mal en point. Toutefois, ce n’est pas de cela dont je veux te parler. Tu le sais, mes grands-parents sont dĂ©cĂ©dĂ©s rĂ©cemment. Ce n’est pas de cela non plus dont je veux te parler. Pourtant
 Parmi toutes les choses qu’ils m’ont laissĂ©, il y a une chose qui ne pourra qu’attirer ton attention. Il s’agit d’un livre intitulĂ© Vir Stellas. C’est un recueil bien Ă©trange. Il est Ă©crit dans divers langages auxquels je ne comprends que peu de choses. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi d’étranges hiĂ©roglyphes semblables Ă  certains que tu m’as dĂ©jĂ  montrĂ©s. Oui, je te parle d’occultisme !
    En ce qui me concerne, je ne peux prĂ©tendre avoir une vĂ©ritable comprĂ©hension du contenu de ce livre. Mais je ne suis pas le seul dans ce cas. En fait, le livre est accompagnĂ© d’une sĂ©rie de notes rĂ©digĂ©es par un ami de la famille. Il a Ă©tudiĂ© l’ouvrage et confirme que le principal de ce que l’on peut saisir du Vir Stellas ne provient pas tant du texte que des visions que suscitent ses mots et ses gravures. Et j’ai Ă©tĂ© moi aussi la proie de ces visions Ă©tranges. Et j’ai vu, en songes, les choses dĂ©crites par Pierre Durand ainsi que par celui qui lui avait confiĂ© le livre. Et comme eux, j’ai vu des fragments de cette forĂȘt qu’ils appellent Millevaux.
    Mais ce n’est pas tout est loin de là ! Durand a Ă©tudiĂ© aussi profondĂ©ment que possible le texte mĂȘme du Vir Stellas et il a mis en Ă©vidence les diverses Ă©tapes d’un rituel. Oui, un rituel qui permettrait de gagner cette Ă©trange forĂȘt non plus en rĂȘve mais en rĂ©alitĂ©. Or, pour cela, il faut ĂȘtre au moins deux. C’est pour cela que j’ai besoin de toi. Je te sais fĂ©rue d’occultisme et il n’y a que toi pour m’aider Ă  rĂ©aliser ce rituel.
    Je sais que tu es trĂšs occupĂ©e. Je sais aussi que tu es trĂšs susceptible et que tu croiras peut-ĂȘtre que tout cela n’est qu’une plaisanterie. Mais cela n’est pas le cas. Je te supplie de me croire. J’ai lu et relu les notes de Durand. Je me suis plongĂ©e encore et encore dans les gravures et les symboles Ă©tranges du Vir Stellas. Il y a des mots qui ne pourront que trouver Ă©cho en toi et achever de te convaincre. As-tu entendu parler de Millevaux ? Peut-ĂȘtre pas. Mais, as-tu entendu parler de Shub-Niggurath ? Je ne suis sĂ»r de rien Ă©videmment et c’est aussi pour ça que j’ai besoin de toi, de ton expertise. Mais il est d’ores et dĂ©jĂ  certain que cette forĂȘt de Millevaux et ce ou cette Shub-Niggurath sont intimement liĂ©s. Je veux en savoir plus. Et je sais que toi aussi, aprĂšs avoir lu cette lettre, tu voudras en savoir plus. Alors, m’aideras-tu Ă  rĂ©aliser cette invocation ?
    Je te l’ai dit, je suis Ă  Arkham en ce moment. Aussi, rejoins-moi ! LĂ , dans les bois bordant la Miskatonic, ou n’importe quel autre endroit qui te semblera le plus propice, nous rĂ©aliserons ensemble ce rituel et percerons ces secrets qui ne furent que frĂŽlĂ©s par Durand. Toi comme moi ne pouvons que saisir cette incroyable opportunitĂ©. Rejoins-moi Ă  Arkham. Je te montrerai le livre. Je te raconterai mes rĂȘves. Nous verrons Millevaux.

Paul »

    La troisiĂšme, Ă©crite par un certain Hatecroft, Ă©tait adressĂ©e Ă  Paul :
                                        « Paul, mon ami

    J’ai besoin de ton aide. Je suis actuellement Ă  Arkham. Venu lĂ  Ă  la demande d’une amie, je ne pouvais un seul instant me douter de ce qui m’attendait. Et pourtant, j’aurais peut-ĂȘtre pu m’en douter. Tu le sais, en tant que linguiste, il m’arrive de faire profiter de mes lumiĂšres quelques-unes de mes connaissances fĂ©rues de livres rares, anciens et traitant le plus souvent de phĂ©nomĂšnes occultes. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de celle qui allait devenir une grande amie : Jemima Carter. Mais, je le rĂ©pĂšte, comment aurai-je pu prĂ©voir ce qui m’attendait ?. Paul, par avance je t’en conjure, pardonne-moi.
    Jemima s’était rendue Ă  Arkham Ă  la demande d’un de ses amis. Celui-ci prĂ©tendait ĂȘtre en possession d’un ouvrage rare et il avait Ă©veillĂ© sa curiositĂ©. Toutefois, Jemima m’a Ă©galement fait part de ses inquiĂ©tudes quant Ă  la santĂ© de son ami. En effet, ce dernier Ă©tait littĂ©ralement obsĂ©dĂ© par sa lecture, ce qui visiblement ne lui ressemblait pas. L’essentiel de ses propos tournaient donc autour de la rĂ©alisation d’un sort et c’est pour cela qu’il avait besoin de l’aide de mon amie.
    Face Ă  l’inquiĂ©tude de Jemima, je me dĂ©cidais donc Ă  me rendre Ă  Arkham. Mais j’arrivais trop tard. Au lieu de Jemima et de son ami, je trouvais deux corps horriblement mutilĂ©s. Mais, plus Ă©trange encore est la « mise en scĂšne ». Tous deux Ă©taient en effet recouvert de cicatrices et de plaies reproduisant en grande partie les symboles Ă©tranges dessinĂ©s sur les murs de la piĂšce oĂč je les ai dĂ©couverts. Ces mĂȘmes symboles se trouvaient dans diverses notes Ă©parpillĂ©es autour des cadavres. Évidemment, j’ai tout de suite prĂ©venu la police qui a conclu Ă  un suicide particuliĂšrement macabre.
    Pour ma part, je ne pouvais croire Ă  un suicide. Non ! Il s’était passĂ© autre chose. J’ai alors entrepris d’interroger les plus proches voisins et j’ai appris quelques faits Ă©tranges, questionnants en tout cas. Ainsi, ils m’ont racontĂ© avoir entendu une vĂ©ritable cacophonie en provenance des bois cette fameuse et terrible nuit. Et pour ce que j’ai pu saisir des notes avant que la police ne les mette sous scellĂ©s, il semble bien que la forĂȘt joue un rĂŽle important dans toute cette histoire.
    Ce n’est pas tout. On m’a aussi rapportĂ© avoir vu d’étranges lumiĂšres cette nuit-lĂ , toujours dans les bois alentours. En vĂ©ritĂ©, je suis convaincu que Jemima et son ami se sont rendus dans la forĂȘt cette nuit-lĂ . Je ne sais pas ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont vu mais je suis prĂȘt Ă  parier que cela les a suivis jusqu’à cette piĂšce oĂč je les ai trouvĂ©s. Je ne suis pas superstitieux. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, j’essaye et j’espĂšre ĂȘtre un homme Ă  l’esprit ouvert mais, toutefois, sans ĂȘtre crĂ©dule. Pourtant, aprĂšs ce que j’ai vu dans cette piĂšce et avoir entendu le rĂ©cit des voisins, je me demande vraiment si Jemima n’a pas vĂ©ritablement participĂ© Ă  quelque chose de magique. Et si c’est vraiment le cas, elle en a payĂ© le prix fort. La police va trĂšs certainement classer l’affaire. Pour ma part, cette affaire ne sera jamais classĂ©e tant que je ne saurai pas ce qui s’est rĂ©ellement passĂ© dans les bois cette nuit-lĂ . Et pour cela, j’ai besoin de ton aide. Puis-je compter sur toi ?

Patrick Hatecroft »

    L’auteur de la quatriĂšme lettre, par contre, ne me disait rien :
                                        « Je vis prĂšs de ces bois depuis maintenant prĂšs de dix ans. Je les connais bien. Je m’y promĂšne souvent avec mon chien. Ce sont des lieux tranquilles, des lieu de paix. Mais ce n’est plus le cas depuis maintenant un mois. Il se passe des choses Ă©tranges dans nos bois. Étranges et tragiques, criminels.
    Vous vous rappelez sĂ»rement la dĂ©couverte de ces deux corps horriblement mutilĂ©s, recouverts de coupures et autres plaies. Il ne s’agit pas d’un cas isolĂ©. Loin s’en faut. Un de mes plus proches amis s’est intĂ©ressĂ© Ă  cette affaire.
    Charlie, mon ami, a vu les corps. Il a Ă©galement vue la scĂšne de crime. Il a vu ces Ă©tranges scarifications et les notes, le livres qui les ont inspirĂ©es. Cela l‘a traumatisĂ©. Depuis ce jour, il ne fut plus le mĂȘme, littĂ©ralement obsĂ©dĂ© par ce qu’il avait vu. ObsĂ©dĂ© au point de les
 reproduire. Je ne sais pas comment cela est arrivĂ© mais, Ă  la faveur d’une promenade, c’est moi qui est retrouvĂ© le corps de Charlie dans les bois, marquĂ©s de la mĂȘme façon que ces deux autres corps. Je n’en croyais pas mes yeux. J’ai encore du mal Ă  y croire.
    Je n’ai pas l’ñme d’un flic. Pourtant, je me devais d’agir. Surtout face Ă  l’inertie des forces de l’ordre. Alors, je me suis rendu, de nuit, dans les bois. Car, cette nuit encore, on y entendait d’étranges clameurs. Et, sans rĂ©ellement comprendre ce dont j’étais tĂ©moin, je ne peux que vous rapporter cette horrible scĂšne qui, si elle n’explique rien, aura au moins le mĂ©rite de vous faire saisir l’ampleur de ce qui se trame.
    Ainsi, me guidant dans la nuit au son de ces chants, j’arrivais bientĂŽt Ă  l’orĂ©e d’une clairiĂšre. LĂ , j’ai vu, une dizaine de personnes, nues et aux corps recouverts de ces cicatrices mystĂ©rieuses, danser autour d’un homme, que dis-je, un gĂ©ant ! richement vĂȘtu. Le gĂ©ant ricanait devant les contorsions des danseurs. Il Ă©manait de lui quelque chose de monstrueux. Je ne sais pas dans quelle langue ils chantaient mais je me rappellerai pourtant toute ma vie ces mots : « Ie, ie Nyarlathotep, thusai cul nubula Nyarlathotep ! » Je ne sais pas qui sont ces gens, mais je serais pas surpris si nous dĂ©couvrions bientĂŽt de nouveaux corps scarifiĂ©s dans les bois. La police ne semble pas trĂšs prompte Ă  agir. Pourtant, il faut que cela cesse. Aussi, je m’en remets Ă  vous et Ă  votre bon sens civique.

                                        Lewis Johnson »

    Et la derniĂšre me laissa on ne peut plus perplexe :
                                «     Qu’est-ce qui m’a pris ? Pourquoi j’ai voulu me mĂȘler de cette histoire ? Lewis ! Aurais-je vraiment pu laisser un autre se confronter à
 ça ?! Oui, non ! Je ne sais plus. Je ne sais plus par oĂč commencer. Le commencement ? La lettre de Lewis au journal ? Pourquoi Ă©crire au journal et non pas me contacter directement ? A-t-il cherchĂ© Ă  me protĂ©ger tout en tentant de prĂ©venir les gens ? Il a vu, lui aussi, il a vu ça ! Je le sais, j’en suis sĂ»r ! Est-ce pour ça qu’il s’est
 dissipĂ© dans la nature ? Et Betsy, pauvre bĂȘte ! Non, jamais Lewis n’aurait abandonnĂ© Betsy. Que lui est-il arrivé ? Que m’est-il arrivé ? Rien ! Rien, tout cela n’est qu’un rĂȘve, une fiction, un horrible cauchemar !
    Mais qu’ai-je vu en rĂ©alité ? Ou, qu’ai-je cru voir ? Quel tour m’a jouĂ© mon esprit ? Dans les bois, une trentaine de personnes, nues, Ă©corchĂ©es et scarifiĂ©es autour d’un homme, cet homme, un gĂ©ant ! Ils dansaient au son d’une horrible symphonie. Et le gĂ©ant riait ! Puis, un autre son a remplacĂ© la musique. Je crois que c’était lĂ  depuis le dĂ©but mais
 mon esprit refusait de le voir.
    Les danseurs ne dansaient plus. Ils Ă©taient Ă  terre, corps ruinĂ©s, tordus et
 dĂ©vorĂ©s ! En train d’ĂȘtre dĂ©vorĂ©s par des
 des crĂ©atures indescriptibles ! Des ombres grises recouvertes de
 pustules et dotĂ©es d’ailes membraneuses se repaissaient des viscĂšres des danseurs. Les hurlements de douleurs se mĂȘlaient aux rires et aux chants. Et aux horribles bruits de mastications.
    Je pose ces mots sur le papier pour faire sortir ces visions de moi. Il y a quelque chose dans les bois. Quelque chose qui provoque ces hallucinations. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, des hallucinations ! Tout cela n’est que le fruit de mon imagination, stimulĂ©e par ou Ă  cause de la lettre de Lewis. Je couche ces visions sur le papier. Je les transforme en mots pour les faire sortir de moi. Ensuite, je mettrai cette lettre dans une enveloppe et je ne l’ouvrirai plus jamais !

    IL Y AVAIT DE LA JOIE DANS LE REGARD DE CETTE HOMME ! PLUS QUE DE LA JOIE. DE L’EXTASE ! IL PLEURAIT ET RIAIT EN MÊME TEMPS ! ET IL ME REGARDAIT ALORS QUE CES CHOSES LUI AVAIENT DÉJÀ DÉVORÉ LES JAMBES ! C’EST AU-DELÀ DE TOUT CE QUE L’ESPRIT HUMAIN PEUT CONCEVOIR. ET IL A DIT « NYARLATHOTEP NOUS A APPORTE LE PARADIS, QU’IL EN SOIT BIEN !«  »

    De retour dans l’Interzone, je me mets face Ă  ma machine Ă  Ă©crire. Je vĂ©rifie que le rĂ©servoir de PĂ©trol’magie est plein et je fais une place dans ma cervelle de porc pour le Joueur. Je reprends les journaux et lettres que j’ai trouvĂ©s et les relis tout en tapant quelques notes Ă  propos de divers Ă©lĂ©ments rĂ©currents et de leurs potentiels liens.
    Ainsi, je pense que ce livre, le Vir Stellas, est peut-ĂȘtre bien Ă©crit, au moins en partie, en Langue Putride. Cela expliquerait que les auteurs des lettres aient eu tant de mal Ă  le dĂ©chiffrer tout autant qu’ils furent les objets de visions millevaliennes. Et ces mĂȘmes visions auraient comme consĂ©quences, voire comme but, de les inciter Ă  se livrer Ă  ce rituel d’invocation de Nyarlathotep.
    Ce rituel, qui est peut-ĂȘtre le TroisiĂšme Rituel Aklo, suppose des pratiques automutilatoires. Et n’est-ce pas l’automutilation ultime que de se laisser dĂ©vorer par des crĂ©atures qui sont, peut-ĂȘtre, des Horlas Ă©missaires de Shub-Niggurath ? En fait, je me demande si le rituel contenu dans le Vir Stellas n’a pas pour but d’obtenir de Nyarlathotep qu’il intercĂšde avec la ChĂšvre Noire en faveur des invocateurs ? Peut-ĂȘtre que ces derniers ne savaient comment s’adresser directement Ă  la ChĂšvre Noire ? Mais, qu’attendaient-ils vraiment d’elle ? Le paradis ? Vraiment ?
    Il est un fait connu que les SumĂ©riens sont adeptes des tatouages et autres scarifications. Est-il possible que le SumĂ©rien mentionnĂ© dans les journaux est eu le Vir Stellas entre les mains ? A-t-il eu lui aussi des visions ? D’ailleurs, est-il possible de trouver cette tĂȘte gĂ©ante dont parle l’auteur de la premiĂšre lettre ?
    Il apparaĂźt Ă©galement que ces lettres viennent d’ailleurs. Un monde, une dimension qui ne connaĂźt pas « concrĂštement » Millevaux. Ont-ils tentĂ© d’attirer l’attention de Shub-Niggurath de leur propre chef ou s’agit-il d’un plan de la ChĂšvre Noire pour se rĂ©pandre dans d’autres mondes ? Compte-t-elle trahir Azathoth ?
    Mais les journaux parlent aussi de « batterie » et donc d’énergie, d’électricitĂ© comme celle qui a foudroyĂ© la premiĂšre victime. Ils parlent aussi d’artefacts voyvodes et de Cyborgs, certainement alimentĂ©s eux-aussi par de l’électricitĂ©. Alors, quel est leur lien avec la ChĂšvre Noire ? Comment comprendre ce malaise que ressent l’auteur du journal par rapport Ă  la Langue Putride ? Y a-t-il une sorte d’incompatibilitĂ© entre l’électricitĂ©, ou n’importe quelle Ă©nergie alimentant les Voyvodes et les Cyborgs, et Shub-Niggurath ? Et si, bien que les influences d’Azathoth et Shub-Niggurath puissent cohabiter, il n’en Ă©tait pas de mĂȘme pour les Cyborgs et les Voyvodes ?
    Je tiens peut-ĂȘtre lĂ  un dĂ©but de piste. Maintenant, je dois tout de mĂȘme comprendre en quoi tout cela concerne les Chevalier d’Or exilĂ©s. Je devrais peut-ĂȘtre aussi me renseigner sur ces Graga et Yargalac.

    Qu’est-ce que je fous là ? La tĂȘte me tourne Ă  cause de la gravitĂ© inversĂ©e. Cette antique sphĂšre voyvode paraissait abandonnĂ©e. Et pourtant, les Millevaliens vivant lĂ  l’ont reconvertie en arĂšne. Je ne sais mĂȘme pas comment ils me sont tombĂ©s dessus. En attendant, je fais face Ă  un Soar, comme moi ? Pas vraiment. Son groin s’est transformĂ© en ce bec caractĂ©ristique des PĂ©trol’head. Le cochon doit ĂȘtre dĂ©foncĂ© comme pas permis. il n’a pas d’arme. Je ne sais pas si je dois ĂȘtre rassurĂ© ou d’autant plus inquiet. Quant Ă  moi, on m’a Ă©videmment dĂ©lestĂ© de mon flingue et de mon armure d’or. Je rĂ©flĂ©chis. Je tente d’évaluer la situation. Je ne devrais pas. Le Soar me saute dessus ! Mais j’ai quand mĂȘme des restes de mon passĂ© de chevalier d’or. J’esquive d’un bond, roule sur le cĂŽtĂ©, me redresse et lui saute dessus Ă  mon tour. Le porc est rĂ©sistant. Je me heurte Ă  un mur. Il vacille Ă  peine. Mais j’ai de la chance. ComplĂštement dĂ©foncĂ© qu’il est, ses attaques sont complĂštement chaotiques et finalement assez faciles Ă  Ă©viter, pour l’instant. Je me jette Ă  nouveau sur lui. Mais, cette fois, je vise Ă  hauteur des genoux et parviens Ă  le faire tomber. Je le tourne sur le ventre, m’assois sur son dos et m’empare de son bras pour lui infliger une sĂ©vĂšre clĂ©. Je ne souhaite pas spĂ©cialement le tuer. J’espĂšre qu’il va abandonner et qu’on va en rester lĂ . Je ne sais pas s’il comprend un traĂźtre mot de ce que je raconte mais je lui demande d’abandonner. Et il doit ĂȘtre finalement moins fracassĂ© du crane que je ne le pensais. Il lĂšve son bras libre et frappe plusieurs fois le sol en signe d’abandon. L’espace d’un instant, j’ai eu peur que la foule n’exige sa mise Ă  mort mais, au contraire, elle se montre Ă©tonnamment clĂ©mente.
    J’ai gagnĂ© et on me permet de quitter l’arĂšne. On me rend mĂȘme mes affaires. Je demande Ă  rencontrer le ou les maĂźtres des lieux. Les gardes ne sont pas contre mais
 Ils Ă©changent un regard un peu gĂȘnĂ©. Je leur demande ce qu’il y a. Veulent-ils un baquechiche ? Ils sourient. Le Joueur a de la chance et doit ĂȘtre d’humeur taquine. Il a mis dans mes poches une poignĂ©e de Noix et de Billes qui les emmĂšneront trĂšs trĂšs loin
 au pays des CƓlacanthes, peut-ĂȘtre ? Mais je en devrais pas parler d’eux, ça risquerait de les attirer.
    On me conduit dans le bureau d’un des responsable de cette arĂšne : un Voyvode ! Je ne comprends pas. Je croyais cette arĂšne construite dans un artefact abandonnĂ© par les Voyvodes. Il me le confirme. La sphĂšre a Ă©tĂ© abandonnĂ©, conquise par Millevaux puis plus ou moins reconquise par les Voyvodes qui en ont fait ce lieu festif. Bon, OK, pourquoi pas

    Je plonge mon regard dans ce qui pourrait ĂȘtre l’équivalent chez ce Voyvode. En rĂ©alitĂ©, il me fait plutĂŽt bonne impression et je pense pouvoir lui parler franchement. Aussi, je lui explique m’ĂȘtre retrouvĂ© sur deux scĂšnes de crimes. Tout ça part un peu dans tous les sens mais il y aurait un lien entre Azathoth, Shub-Niggurath mais aussi l’électricitĂ©, les Cyborgs, d’anciens chevaliers d’or et
 les Voyvodes. Je lui fait part de mon hypothĂšse selon laquelle si l’alliance entre Azathoth et la ChĂšvre Noire fonctionne plutĂŽt bien, ce n’est peut-ĂȘtre pas le cas vis-Ă -vis des Cyborgs, Voyvodes et tout ce qui fonctionnerait avec de l’électricitĂ©. Et puis, je soupçonne Ă©galement la ChĂšvre Noire d’avoir des projets d’expansion incluant des SumĂ©riens. C’est pas facile d’interprĂ©ter l’attitude d’un Voyvode mais je lui trouve l’air
 circonspect. Alors, a-t-il un avis sur la question ? Les Voyvodes ont-ils sentis des « problĂšmes » de « compatibilité » entre l’électricitĂ© et l’ÉgrĂ©gore ? Et le Voyvode, qui me donne l’impression d’ĂȘtre Ă©tonnĂ© par tout ce que je lui raconte, me rĂ©pond par l’affirmative. Alors, d’aprĂšs lui, est-il possible que, dans le dos d’Azathoth, Shub-Niggurath ait ourdi quelques plans contre les eux et les Cyborgs ? Et lĂ  encore, j’obtiens une rĂ©ponse affirmative.
    Les livres d’histoire nous enseignent que les Voyvodes et les SumĂ©riens sont tous deux ennemis du Royaume qu’ils Ă©taient censĂ©s servir. Pour autant, Ă  choisir, il n’est guĂšre Ă©tonnant que la ChĂšvre Noire ait jetĂ© son dĂ©volu sur les SumĂ©riens plutĂŽt que sur les Voyvodes. Aussi, il est trĂšs possible qu’elle ait corrompu certains SumĂ©riens afin qu’ils servent ses intĂ©rĂȘts. Mais ça ne me dit rien quant au lien avec les chevaliers d’or en exil. Le Voyvode a bien une idĂ©e mais
 ce n’est qu’une idĂ©e


    Et sur les bons conseils du Voyvode, je me retrouve de nouveau sous terre, en pleine forĂȘt. D’aprĂšs lui, ce n’est pas un hasard si je me suis retrouvĂ© sous terre aprĂšs la dĂ©couverte de ces crimes. Et ce n’est pas un hasard si moi, un ancien chevalier d’or, j’ai Ă©tĂ© mis en face du symbole du TroisiĂšme Rituel Aklo. Le Voyvode n’a pas voulu s’avancer mais m’a tout de mĂȘme laissĂ© entendre que, pourquoi pas ?, certains chevaliers d’or auraient eu entre les mains de quoi rĂ©aliser ce rituel. Et lĂ , je pensais au Vir Stellas. Mais je pensais aussi Ă  ce mur de hiĂ©roglyphes. Je devais le retrouver. Mais force me fut de constater que j’étais bel et bien perdu. Perdu mais
 pas seul pour autant. On me suivait. Je me cachais et reconnus la silhouette d’un MantoĂŻde. En fait, il s’agissait de plusieurs MantoĂŻdes. Non, d’un seul ! Alors, un ou plein ? En vĂ©ritĂ©, il s’agissait d’un Mille-pattes humain, ou plutĂŽt d’un Mille-pattes MantoĂŻde. Je ne savais pas que ces trucs-lĂ  pouvaient exister. Je ne savais pas non plus qu’ils avaient une bonne vue car il m’avait manifestement repĂ©rĂ© et me demandait de sortir de l’ombre. Mon flingue Ă  la main, je m’approchais du monstre. Je sentais en lui comme une animositĂ© contenue. Je crois qu’il aurait bien voulu me sauter dessus mais il avait manifestement quelque chose Ă  me dire. Il se prĂ©senta comme Ă©tant un certain Korium. Il vivait dans l’Interzone, il y a longtemps. Puis, il est devenu ce que j’avais sous les yeux et se cachait sous terre. Il ne cacha ni son envie ni la facilitĂ© avec laquelle il pourrait me dĂ©couper en tranches de bacon mais il y avait plus important. Je devais le suivre.

    Je ne sais plus oĂč j’en suis aprĂšs les rĂ©vĂ©lations de Korium. Ce dernier m’a conduit jusqu’au fond de son repaire souterrain et m’a racontĂ© une bien Ă©trange histoire, son histoire
 celle d’avant qu’il ne devienne un mille-pattes MantoĂŻde.
Korium est plus vieux qu’il en a l’air et, reconnaĂźt-il, sa mĂ©moire lui joue des tours. Mais, il sait que sa « mort » est liĂ© Ă  l’histoire d’un de ses proches, un certain Trashalak. Je me demandais si j’avais vraiment du temps Ă  perdre avec cette histoire et sus que oui dĂšs que Korium mentionna que Trashalak Ă©tait un Cyborg chasseur de reliques Voyvodes, accompagnĂ© dans cette tĂąche par un certain
 Yargalac, passionnĂ© lui aussi de reliques Voyvodes et
 chevalier d’or en exil !
    Korium m’expliqua comment Trashalak Ă©tait revenu « diffĂ©rent » d’une de ses chasses dans la forĂȘt. Yargalac l’avait informĂ© de l’existence d’une sphĂšre voyvode abandonnĂ©e mais il s’était passĂ© quelque chose lĂ -bas. Trashalak avait changĂ©. Physiquement et mentalement ! Il avait expliquĂ© cela par son intĂ©rĂȘt nouveau pour la magie du Chaos mais il y avait autre chose. Sinon, comment expliquer que, peu Ă  peu, tous soient mort, Yargalak, Graga et lui-mĂȘme ? Lui avait eu la chance que ses mille-pattes esclaves sexuels le ressuscitent sous cette forme pleine de potentiels mais les autres
 MĂȘme Trashalak avait fini par disparaĂźtre entre temps. Pourtant, Korium avait entendu des rumeurs comme quoi quelqu’un lui ressemblant avait Ă©tĂ© aperçu dans l’Interzone. Il Ă©tait facilement reconnaissable Ă  sa peau Ă©cailleuse mais aussi parce que, parfois, il portait encore le chapeau « magique » qu’il lui avait offert autrefois. Attention toutefois, ce chapeau est un vecteur de maladies contagieuses.
    VoilĂ  ce qu’avait pu me dire Korium. Et tout prenait semblant de sens. Des Cyborgs, des reliques voyvodes, les chevaliers d’or, Millevaux
 Tous ces Ă©lĂ©ments Ă©taient dĂ©jĂ  liĂ©s dans une autre histoire. Et il semblait que ce fameux Trashalak erre dans l’Interzone. Etait-il liĂ© aux meurtres actuels ? Je devais le trouver pour m’en assurer et aussi savoir en quoi les chevaliers d’or d’aujourd’hui Ă©taient liĂ©s Ă  cette vieille histoire.

    Et me voilĂ  zonant dans l’Interzone Ă  la recherche de ce fameux Trashalak, Cyborg Ă  la peau de serpent. Mais, alors que je dĂ©ambule, posant des questions Ă  travers des glory holes et n’ayant pas souvent une rĂ©ponse intĂ©ressante, je me rends compte que je suis moi-mĂȘme suivi. Je tourne et vire dans les ruelles sombres et Ă©troites de cette partie de l’Interzone. Je fais une boucle. Je ne tente pas tant de semer mon poursuivant que d’inverser les rĂŽles. Et quand je parviens Ă  m’approcher assez prĂšs, sa peau ! Des Ă©cailles !
    « Trashalak ? »
    Le Cyborg-serpent se fige, demeure immobile et ne me rĂ©pond pas.
    « Trashalak. Tu es Trashalak, c’est ça ? J’ai Ă  te parler. Retournes-toi lentement, j’ai un flingue. »
    Mais celui dont je quasiment certain qu’il s’agit de celui que je cherche se met soudain Ă  courir tout droit. Je vise les jambes. Je tire. Mais il est rapide, le con ! Je me mets Ă  courir. Mais il zigzague Ă  toute vitesse et je le perds rapidement. Je me retrouve au milieu d’une petite place. Au-dessus de moi flotte un rocher. Et sur ce rocher, un portail d’une dizaine de mĂštres de haut irradie d’énergie technomagique. Tout autour flottent de petits objets et de petites crĂ©atures fusionnant les uns avec les autres. Trashalak a-t-il empruntĂ© ce portail ? Dois-je le suivre ? Je sens que je suis en train de prendre la dĂ©cision la plus conne de toute ma vie mais
 je m’élance et traverse le portail. Je verrais bien ce qu’il y a de l’autre cĂŽtĂ©.

    L’atterrissage est rude. J’ai l’impression que mes os ont tenu bon mais je m’inquiĂšte pour mes organes internes. Je me palpe et constate qu’on dirait bien, malgrĂ© la douleur, que tout est restĂ© Ă  sa place. Je ne peux en rendre grĂące qu’à mon armure d’or. Mais, alors que je m’ausculte, je remarque que mon corps est dĂ©sormais couvert de tatouages qui changent de formes en permanence et Ă©voquent tour Ă  tour des scarifications et des symboles chaotiques. Et parmi eux, je reconnais les symboles du TroisiĂšme Rituel Aklo !
    Mais, maintenant, la question Ă  1000 litres de PĂ©trol’magie. OĂč suis-je ?

    Une forĂȘt
 Je reconnais Millevaux Ă  son Emprise. Mais il y a quelque chose de diffĂ©rent. Ce n’est pas le Millevaux que je connais, d’oĂč je viens. Ce n’est pas le Millevaux de chez moi. Non loin, il y a un vieux manoir envahi par la forĂȘt. Prudemment, l’arme au poing, je m’approche. Aussi discrĂštement que possible, je me colle Ă  une fenĂȘtre et entends du bruit. Il y a quelqu’un, qui parle tout seul. Non, c’est Ă  moi qu’il parle. Il me dit de me tirer. Il y a quelque chose de menaçant dans sa voix mais pas seulement. Quelque chose me dit que ce serait mĂȘme plutĂŽt pour mon bien qu’il m’enjoindrait Ă  ne pas rester lĂ . Je raffermis ma prise sur mon flingue et me montre Ă  la fenĂȘtre. LĂ , je fais face Ă  la Mort. Pas LA Mort, mais la Mort. Enfin, une Mort. Quand elle me voit, elle a l’air agacĂ©. Je remarque qu’elle tient une liasse de feuilles Ă  la main.
    Comme je n’ai pas l’impression que cette mort soit vraiment un ennemi, je rentre dans cette ruine et me prĂ©sente. La Mort a l’air surpris. Elle jette un Ɠil sur les feuilles puis sur moi. Elle hoche la tĂȘte et me les tend. Elle m’explique ne pas ĂȘtre la maĂźtresse des lieux. Elle n’est venu lĂ  que pour rendre visite Ă  l’auteur de ces lettres. Mais il est introuvable. Toutefois, maintenant que je suis lĂ , ce n’est plus son affaire. C’est la mienne. D’un geste du menton, elle montre les lettres que j’ai maintenant dans la main et s’en va. Je ne cherche pas Ă  la retenir. Je m’assois sur une vieille chaise et commence Ă  lire.

    « LETTRE 1 :

    Hey,
    Comment va ?
    Un petit mot car il m’est arrivĂ© un truc bizarre. J’ai eu une Ăąme Ă  faire passer de l’autre cĂŽtĂ©. En soi, rien d’étrange lĂ -dedans mais
 ce sont les circonstances de sa venue qui m’ont Ă©tonnĂ©. Le type s’appelle Raymond Guts. Il est, ou Ă©tait journaliste. Il enquĂȘtait sur des faits bizarres et potentiellement criminels ayant lieu dans la forĂȘt autour de la ville oĂč il vivait. En fait, il est convaincu d’ĂȘtre mort
 mais AVANT d’ĂȘtre arrivĂ© jusqu’à mon manoir !
    As-tu dĂ©jĂ  eu une expĂ©rience similaire ? Normalement, les Ăąmes dont nous avons la charge viennent directement de lĂ  oĂč elles vivaient. Il n’y a pas d’étape, ou de « plan », intermĂ©diaire. La personne meurt et arrive directement chez nous. C’est nous, l’étape intermĂ©diaire, non ?
    Comme Ă  mon habitude, j’ai invitĂ© mon Ăąme en peine Ă  ma table. Je fais ainsi d’une pierre deux coups. Je favorise le passage d’une Ăąme vers l’autre monde et je prends soin de cette vieille bĂątisse dont j’ai Ă©galement la responsabilitĂ©. Ces dĂźners sont plutĂŽt agrĂ©ables finalement. Ça met un peu de vie dans ces murs. Et mes Ăąmes semblent apprĂ©cier un dernier repas. C’est aussi l’occasion de discuter, d’en apprendre plus sur eux.
    Sur Raymond, je n’aurais pas appris grand-chose finalement tant il Ă©tait obsĂ©dĂ© par les circonstances de sa mort. Il m’a racontĂ© avoir Ă©tĂ© tĂ©moin d’un sabbat dans les bois en l’honneur d’une divinitĂ© nommĂ©e Nyarlathotep. Tu connais ? Et, en fait, il pense ĂȘtre mort lĂ -bas. Il m’a ainsi racontĂ© s’ĂȘtre certes rĂ©veillĂ© dans sa chambre d’hĂŽtel mais l’établissement, toute la ville Ă©tait vide ! Et c’est lĂ  que les crĂ©atures monstrueuses qu’il a vues dans les bois lui ont sautĂ© dessus pour le dĂ©vorer. Mais, il est convaincu que ces crĂ©ature l’avaient dĂ©jĂ  dĂ©vorĂ© la nuit prĂ©cĂ©dente.
    Tu imagines bien que j’ai tentĂ© de le rassurer. Je lui ai expliquĂ© la procĂ©dure et qu’il n’avait finalement rien Ă  craindre de ce qui l‘attendait de l’autre cĂŽtĂ©. Mais cela n’a pas Ă©tĂ© facile tant il Ă©tait en proie Ă  la panique aprĂšs ce
 rĂȘve ? Je ne sais pas trop comment appeler cette expĂ©rience.
    A la fin du repas, Raymond avait retrouvĂ© un peu de son calme. Il semblait apaisĂ© et j’ai donc pu le conduire de l’autre cĂŽtĂ©, le vĂ©ritable autre cĂŽtĂ© cette fois. Mais, alors que je faisais un peu de rangement, j’ai remarquĂ© quelque chose, au niveau du manoir. Tu me prendras pour un imbĂ©cile mais je te jure que j’ai vu de la mauvaises herbe et quelques racines s’infiltrer entre les pierres, en bas du mur. Et je te jure aussi qu’il n’a pas Ă©tĂ© facile de s’en dĂ©barrasser. Est-ce que tu crois que ça a un lien avec son histoire de sabbat forestier ? Ou alors, ce ne serait qu’une coĂŻncidence ?

    Et toi, que deviens-tu ?

LETTRE 2 :

    M’as-tu portĂ© la poisse ?!
    Pour ĂȘtre franc, que tu ne te moque pas de moi aprĂšs ma derniĂšre lettre m’avait fait plaisir mais je ne pensais pas susciter une telle rĂ©action. Mais bon, je comprends bien, surtout aprĂšs ce que tu m’as racontĂ© Ă  propos de cette femme venant de Millevaux, c’est ça ?
    Bon, il faut moi aussi que je te raconte. On ne va pas jouer Ă  celui qui aura eu l’ñme la plus dingue Ă  faire passer mais
 j’ai reçu une espĂšce de mouche humaine ! Je te jure. Cette chose pouvait prendre forme humaine mais, en dessous, elle a des yeux d’insecte, des ailes de mouches et une espĂšce de bec en ferraille qui a fusionnĂ© avec la moitiĂ© de son visage. C’est horrible. Et je ne te raconte mĂȘme pas comment il se nourrit quand il a cette forme-lĂ .
    Bref, tout ça pour dire que ce Corso m’a racontĂ© son histoire et que c’était complĂštement dingue. Il dit venir de l’OcĂ©an du Chaos, le domaine d’Azathoth. Il prĂ©tend avoir fui sur la planĂšte du dieu de la glace aprĂšs qu’il fut chassĂ© par Azathoth et
 Shub-Niggurath. Ce dernier serait, si j’ai bien compris le nom compliquĂ© de
 je te laisse deviner
 Millevaux ! Cela ne te rappelle rien ?
    J’ai interrogĂ© Corso Ă  ce sujet. D’aprĂšs lui, c’est finalement assez simple. Un certain Y’mo-Thog a dĂ©clenchĂ© une Ă©norme glaciation qui a recouvert le domaine d’Azathoth. Aussi, les habitants ont dĂ» fuir et certains se rendus chez Shub-Niggurath, Ă  Millevaux donc. Mais la glace continuait de se rĂ©pandre, de mĂȘme que la forĂȘt a elle aussi une certaine propension Ă  se rĂ©pandre. Alors, Azathoth et Shub-Niggurath se sont rendus sur la planĂšte d’Y’mo-Thog pour en finir avec lui. Ensuite, ils se sont partagĂ©s les lieux. Mais, Corso n’est plus sĂ»r de rien car il m’a avouĂ© ĂȘtre dĂ©pendant au PĂ©trol’magie et il se demande si une partie de son histoire n’est pas juste un horrible dĂ©lire dĂ» au manque.
    Tu te doutes bien que je n’ai pas fait traĂźner le dĂźner et que ça a Ă©tĂ© fromage OU dessert mais certainement pas les deux. De toutes façons, Corso n’était pas vraiment inquiet par ce qui l’attendait de l’autre cĂŽtĂ©. Il Ă©tait certain de se rĂ©incarner trĂšs bientĂŽt car il n’en avait pas fini avec toute cette histoire.
    Et moi non plus, c’est bien le problĂšme ! En vĂ©ritĂ© je te le dis, je crois que mon manoir a Ă©tĂ© contaminĂ© par
 Millevaux ! Tu sais, je t’ai dit, dĂ©jĂ , que de la mauvaise herbe s’était infiltrĂ© entre les murs. Et bien c’est allĂ© crescendo aprĂšs le dĂ©part de Corso. Je ne sais pas ce que ce truc a fait Ă  mon manoir mais en Ă  peine une nuit tout le rez-de-chaussĂ©e Ă©tait envahi par la vĂ©gĂ©tation. Et dehors ! Les murs Ă©taient recouvert de lierre. MĂȘme le jardin entourant le manoir Ă©tait mĂ©connaissable. Autant te dire que je ne pouvais plus rien faire Ă  ce stade-lĂ . Si j’en crois le rĂ©cit de Corso, cela voudrait dire que Shub-Niggurath s’est mis en tĂȘte de s’approprier ma demeure.
    Je n’étais pas fier quand j’ai annoncĂ© la nouvelle Ă  qui tu sais. Mais, Ă  ma grande surprise, elle a fait preuve d’une certaine comprĂ©hension et m’a mĂȘme proposĂ© une nouvelle charge. Mais, j’aime mon manoir, mĂȘme s’il est en proie Ă  une folie vĂ©gĂ©tale. Alors, j’ai demandĂ© Ă  rester. Et elle a acceptĂ©. Je continuerai donc de recevoir ici mes Ăąmes trĂ©passĂ©es et j’essaierai, sinon d’endiguer le phĂ©nomĂšne, au moins de le comprendre.
    Mais bon, si de ton cĂŽtĂ© tu as des choses Ă  m’apprendre, surtout n’hĂ©sites pas.

    En espĂ©rant que les choses soient plus simples de ton cĂŽtĂ©.

LETTRE 3 :

    Salut,
    Je suis bien content d’apprendre que tu as de la visite. Ici, rien ! Personne ! Je ne peux pas croire qu’il n’y a plus assez de morts pour qu’on m’en envoie quelques-uns. Ou alors, c’est le revers de la mĂ©daille. Elle m’a laissĂ© le manoir mais me prive de compagnie ? Tu crois qu’elle ferait un truc pareil ?
    Je dois t’avouer quelque chose. Sa demande n’était pas explicite mais je crois qu’elle aurait voulu que je « nettoie » le manoir de la prĂ©sence de ce « Millevaux ». Mais, en vĂ©ritĂ©, je n’en ai rien fait. Je n’ai mĂȘme pas essayĂ©. DĂ©jĂ , je te jure, c’est une entreprise titanesque. Impossible pour une seule personne ! Je ne peux que constater l’étendue des dĂ©gĂąts et essayer de comprendre. Mais, un moment, j’ai pensĂ© que si mon manoir Ă©tait envahi par la forĂȘt, je recevrais les Ăąmes de ceux qui y vivaient. J’aurais alors eu l’occasion d’en apprendre plus. Mais si personne ne vient ! Est-ce que ça veut dire que personne ne meurt lĂ -bas ? Je sais bien que c’est impossible.
    Alors, je me suis inventĂ© un nouveau boulot. Oui, je laisse le manoir tomber en dĂ©crĂ©pitude, en proie Ă  Millevaux. Et moi, et bien j’en profite pour explorer cette Ă©trange forĂȘt. Il y a plein d’endroits bizarres qui sont apparus avec elle. Mais tous ont en commun d’ĂȘtre envahi par la vĂ©gĂ©tation. J’ai visitĂ© de vieux bunkers, des camps nomades, des lieux de cultes, des taniĂšres de monstres. J’ai vu des monstres ! Et j’ai vu, de loin, des sorciers manipuler cette matiĂšre bizarre dans laquelle baigne Millevaux pour remodeler la rĂ©alitĂ© selon leurs fantasmes. Cette forĂȘt est tout Ă  la fois effrayante et fascinante. Je crois que je n’en ferai jamais le tour.
    J’achĂšve ici cette lettre car le soleil se couche et je n’aurai bientĂŽt plus de lumiĂšre.
    A bientĂŽt


LETTRE 4 :

    Un homme Ă  tĂȘte de porc ! Tu m’entends ! Et plus que ça mĂȘme. C’est un porc, un vrai porc sur deux pattes mais avec des pieds et des mains comme nous ! Et lui aussi dit s’appeler Corso ! Il dit se souvenir ĂȘtre dĂ©jĂ  venu, quand il Ă©tait une mouche ! Et il m’a racontĂ© notre prĂ©cĂ©dent dĂźner. Comment peut-il savoir ? Comment ce porc peut savoir ? Il a mĂȘme fait des commentaires sur l’état du manoir.
    Tu veux que je te dise quelque chose ? Cela reste entre nous mais
 c’est lui qui m’a rassĂ©rĂ©nĂ©. Il m’a expliquĂ© que tout Ă©tait normal. Il s’est mĂȘme excusĂ© car il n’exclut pas que ce soit un peu sa faute si Millevaux a envahi le manoir. Il souriait, il a vraiment tout fait pour ĂȘtre rassurant. Les rĂŽles Ă©taient complĂštement inversĂ©s.
    Ce Corso m’a racontĂ© vivre dans un endroit qu’il appelle l’Interzone. LĂ , il fait office, en quelque sorte, de dĂ©tective. Pour l’instant, il est mort, il ne l’a jamais niĂ© mais il m’a aussi jurĂ© qu’il devait retourner dans l’Interzone car une nouvelle affaire l’attendait et que tout cela devrait normalement ĂȘtre liĂ© Ă  Millevaux. Mais pas seulement. Il a aussi parlĂ© de Nyarlathotep. Tu te rappelles de ce nom ? Ce truc serait le messager des dieux. De certains dieux en tous les cas. D’aprĂšs lui, il s’est passĂ© des choses aux alentours d’une ville nommĂ©e Arkham et des gens ont attirĂ© l’attention de ce Nyarlathotep. Et ce dernier a rĂ©pondu Ă  l’appel. Et il aurait Ă  son tour appelĂ© Shub-Niggurath Ă  venir se repaĂźtre de ce nouveau monde.
    Corso le porc n’a pas pu m’en dire plus. Il a reconnu que, dans cette histoire, tout Ă©tait Ă  dĂ©couvrir. Et il a mĂȘme regrettĂ© que le « passage » suppose d’oublier une partie de tout ce qu’il m’a dĂ©jĂ  racontĂ©. Il espĂšre juste que, quelque part, il restera une trace de tout ça. Lui, est convaincu de se rĂ©incarner une nouvelle fois en cochon et de mener une nouvelle enquĂȘte dans l’Interzone.
    Alors, chose Ă©tonnante, il m’a ensuite pris dans ses bras et m’a jurĂ© que tout allait bien se passer.
    Et toi, tu crois que tout va bien se passer ? Tu crois que tout ça va bien finir ?

LETTRE 5 :

    J’abandonne
 Mais en rĂ©alitĂ©, est-ce moi qui abandonne ou m’a-t-on abandonné ? Quelle erreur ai-je commis pour en arriver là ? Franchement, dis-moi, est-ce qu’il y avait vraiment un moyen de prĂ©server le manoir de Millevaux ? Tu crois vraiment que j’aurais pu faire quelque chose ? Tu crois vraiment que, tout seul, j’aurais pu freiner l’influence de
 Shub-Niggurath ?
    Elle ne me rĂ©pond plus. Plus personne ne me rĂ©pond. RĂ©ponds-moi, s’il te plaĂźt


    J’espĂšre que Corso va rĂ©soudre son enquĂȘte  »

    C’est dingue ! Cela n’a aucun sens ! Ces lettres parlent non seulement de toute cette histoire mais elles parlent aussi
 de moi ! L’auteur de ces lettres affirment me connaĂźtre, m’avoir vu. Deux fois ! Une fois sous forme de MouchoĂŻde et une autre sous ma forme actuelle. Et lĂ  encore, il est question d’un rituel concernant Nyarlathotep, Shub-Niggurath et Millevaux. En rĂ©alitĂ©, j’ai l’impression que l’auteur de ces lettres a Ă©galement reçu ceux des autres lettres que j’ai dĂ©jĂ  trouvĂ©es.
    J’ai des doutes quant au fait que le Millevaux qui a envahi ces lieux soit le mĂȘme que celui qui entoure l’Interzone. Pourtant, ce doit ĂȘtre lĂ  que je trouverai Trashalak, voire mĂȘme peut-ĂȘtre l’auteur de ces nouvelles lettres. Alors


    Je m’enfonce dans ce nouveau Millevaux, cette forĂȘt que je ne connais pas. Il fait presque nuit et une tempĂȘte s’est levĂ©e. J’ai marchĂ© trop longtemps pour faire demi-tour et me mettre Ă  l’abri dans cette Ă©trange demeure d’oĂč je viens. Alors, je marche encore. Mon armure d’or dĂ©gouline de pluie. Elle me protĂšge de bien des choses mais pas du vent. Et c’est en vain que je cherche une trace du passage de Trashalak.
    Au bout d’un moment, je distingue une faible lueur dans l’obscuritĂ©. J’approche et dĂ©boule dans une clairiĂšre. LĂ , s’élĂšvent les restes d’une demeure semblable Ă  celle que j’ai quittĂ©e. Il n’y a aucune lumiĂšre, sauf cette lueur Ă  l’étage qui, dĂ©jĂ , montre des signes de faiblesse. Je fais le tour et ne trouve aucune entrĂ©e praticable. Soit elles ont Ă©tĂ© condamnĂ©es, cimentĂ©es, soit elles sont tellement envahies par la vĂ©gĂ©tation qu’il est impossible de se frayer un chemin. Je tente d’escalader un mur mais la pluie l’a rendu trop glissant. Je reviens sous la fenĂȘtre oĂč il y avait de la lumiĂšre. J’ai l’impression qu’elle s’est encore affaiblie. J’appelle. Aucune rĂ©ponse. Je n’entends aucun bruit venant de l’intĂ©rieur. Et lĂ  encore, impossible de trouver une bonne prise pour grimper. Vais-je devoir rester sous la pluie ? Je ramasse une pierre et vise la fenĂȘtre Ă©clairĂ©e. Ma pierre entre, elle, et moi
 je glisse sur l’herbe mouillĂ©e. Je me retrouve le cul dans la boue Ă  espĂ©rer avoir attirĂ© l’attention de quelqu’un. Mais il ne se passe rien et la lumiĂšre finit par s’éteindre.
    Alors, la terre tremble ! La terre s’ouvre juste devant moi et un mur d’eau s’élĂšve, menaçant de s’abattre sur moi. ApparaĂźt alors, surgi de je ne sais oĂč, un homme, nu, dont la tĂȘte est comme une espĂšce de sculpture de chair malhabile reprĂ©sentant une tĂȘte de lion. Il semble recouvert d’un Ă©norme masse de chair rougeĂątre et presque liquide, palpitante. Il tend la main dans ma direction et promet de me sauver de ce tsunami en Ă©change de mon Ăąme. Je dois venir avec lui pour ĂȘtre sauvĂ©. Et mon Ăąme, je la rĂ©cupĂ©rerai plus tard. Le mur tremble au-dessus de ma tĂȘte mais ne s’abat toujours pas sur nous. Et l’ĂȘtre Ă©trange, cette espĂšce de boursouflure se fait encore plus pressante. Ça sent le piĂšge Ă  plein nez. Ça sent le Horla aussi.
    Calmement, je retire une des protections de mon armure et observe les tatouages mouvant sur mon avant-bras. Quand ceux-ci prennent la forme du symbole du TroisiĂšme Rituel Aklo, je l’exhibe Ă  cette chose. Et elle se met alors Ă  paniquer. Le masque de chair se liquĂ©fie et toute cette chair superflue glisse le long du corps de l’homme pour se rĂ©fugier dans les bois. Il ne reste plus lĂ  qu’un homme, nu et transi de froid, au regard aussi explosĂ© que s’il s’était gavĂ© d’hallucinogĂšnes. Je retire l’impermĂ©able qui recouvre mon armure et le donne Ă  l’homme qui, peu Ă  peu, sort de son hĂ©bĂ©tude. Je me prĂ©sente.
    Il s’appelle MĂźm. Il est sorcier. Il est tombĂ©, il y a fort longtemps, sous la coupe de ce Horla qui l’a, en quelque sorte, parasitĂ© et contraint Ă  utiliser ses talents afin de piĂ©ger d’autres victimes pour se nourrir. En fait, ce Horla ne peut parler. Aussi, il avait surtout besoin d’une voix. Il aurait pu user de la force mais il n’était pas encore assez dĂ©veloppĂ© pour cela. MĂźm me remercie de l’avoir sorti de lĂ  mais je le sens bien amer aprĂšs cette expĂ©rience. Évidemment, le mur d’eau a disparu avec le Horla mais
 la tempĂȘte souffle toujours et nous devons trouver un abris. MĂźm n’a aucune idĂ©e de lĂ  oĂč nous pourrions aller. Le Horla s’est enfui avec ses connaissances de la forĂȘt. Quand je lui pose la question, il lui semble reconnaĂźtre cette demeure devant laquelle nous sommes mais ses souvenirs sont trĂšs flous. Il me semblait que le Horla se servait peut-ĂȘtre de cette lueur Ă  l’étage pour attirer des proies mais MĂźm est incapable de me le confirmer. En tout cas, la crĂ©ature s’est enfuie dans les bois. On peut donc espĂ©rer que le manoir est vide et que, pour peu qu’on puisse entrer, nous y serons Ă  l’abri.
    MĂźm ne prend pas le risque d’escalader la façade mais il trouve quand mĂȘme une sorte de soupirail par lequel nous gagnons les sous-sols du manoir. Il ne fait pas chaud mais au moins nous sommes Ă  l’abri de la tempĂȘte. J’observe le sorcier. Je lui trouve un air prĂ©occupĂ© malgrĂ© l’impassibilitĂ© qu’il affiche. J’hĂ©site Ă  lui poser des questions, Ă  lui demander ce qui ne va pas. Mais je ne dois pas oublier ce que je fais lĂ . Je cherche Trashalak. Je dois savoir en quoi les chevalier d’or sont mĂȘlĂ©s Ă  cette histoire entre Azathoth, l’électricitĂ© et Millevaux. Je ne dois pas me laisser distraire. Je vais attendre la fin de cette tempĂȘte puis je reprendrai ma route. Mais, peut-ĂȘtre que ce sorcier pourrait quand mĂȘme m’aider


    J’explique au sorcier les raisons de ma prĂ©sence en ces lieux. Je veux en savoir plus sur les plans de la ChĂšvre Noire et les liens avec l’électricitĂ© et les Cyborgs, Voyvodes et chevaliers d’or en exil. Peut-il m’aider ? Sait-il quelque chose ? A-t-il dĂ©jĂ  entendu parlĂ© d’artefacts voyvodes, ou mĂȘme du Vir Stellas ?
    MĂźm affirme ne rien entendre Ă  ce que je lui raconte. Et il me demande mĂȘme, assez brutalement, de ne plus aborder ce sujet. Cette rĂ©ponse ne me convient pas. Aussi, je me saisis de mon flingue par le canon et fracasse la tĂȘte du sorcier Ă  coups de crosse en rĂ©pĂ©tant mes questions. Quand j’en ai fini, mon arme est inutilisable mais, la gueule en sang, MĂźm gargouille qu’il peut peut-ĂȘtre quelque chose pour moi mais

    « Mais quoi, Bordel ?! »
    MĂźm m’explique qu’il ne sait rien. Il me rappelle que moi non plus, je ne sais rien. Mais, il y a ici des gens, des choses, qui savent. Il suffit de devenir ces gens, ces choses et
 je saurai. Mais que dois-je devenir ? Un arbre ! Un noyer, dont les racines auront baignĂ© dans l’ÉgrĂ©gore et le PĂ©trol'magie, dont les Noix ouvrent les portes de la connaissance. Et comment devient-on un tel arbre ? LĂ , MĂźm dit pouvoir faire quelque chose pour moi.
    La tempĂȘte est passĂ©e. La nuit est tombĂ©e et devenue brune. MĂźm et moi quittons cette Ă©trange ruine et nous enfonçons dans les bois. Ils sont de plus en plus touffus, denses. Nous devons nous frayer un passage en repoussant les branches dont je soupçonne certaines de ne vraiment pas vouloir que nous atteignons notre but. Pourtant, nous y parvenons. Je m’attendais Ă  un clairiĂšre mais ce n’est pas le cas. Au-dessus de nous, dans les branches, sont (sus)pendues des petites poupĂ©es faites de branches et de boue. MĂźm m’indique un endroit, entre deux arbres, et me demande d’y prendre place. Il s’agenouille devant moi et recouvre mes pieds, jusqu’aux chevilles de terre et de mousses. Il me demande ensuite de lever les bras. Je m’exĂ©cute. Autour de moi, il dispose des bougies, des poupĂ©es, des soucoupes remplies de liquides odorifĂ©rant. Je n’ai aucune idĂ©e d’oĂč il a sorti tout ça puisque, Ă  part mon impermĂ©able, il n’a rien sur le dos. Pourtant

    MĂźm se fige devant moi. Il ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Alors, il fait honneur Ă  son nom et se lance sous mes yeux Ă  une Ă©trange et quelque peu dĂ©rangeante pantomime. Il tourne sur lui-mĂȘme. Il tourne autour de moi, toujours silencieux. Et je sens. Je sens les tatouages qui me recouvrent s’agiter. Je sens ma peau de porc changer de texture, durcir. Je sens mon sang se transformer lui aussi. Je sens mes pieds s’allonger, se fondre dans la terre. Mes bras s’allongent et se couvrent de feuilles. Mes pieds s’enfoncent dans la terre et deviennent des racines. Ils traversent la terre et se gorgent d’ÉgrĂ©gore. Et l’ÉgrĂ©gore se mĂȘle Ă  la sĂšve qui coure dans mes veines et remonte jusqu’au bout de mes branches. Mes racines s’enfoncent et creusent la terre jusqu’à
 Une grotte !
    Quel Ă©trange endroit. Je suis toujours un arbre figĂ© dans le sol. Pourtant, mon regard se porte partout oĂč mon esprit le veut. J’erre dans cet endroit. C’est bizarre. Ce n’est pas mon regard qui obĂ©it Ă  ma volontĂ©, c’est ma volontĂ© qui obĂ©it Ă  mon regard, Ă  son besoin maintenant obsessionnel de se poser partout oĂč il le peut. Mais une autre pulsion me pousse pourtant Ă  m’enfuir. Cet endroit est malsain. Il est
 sale, polluĂ© et corrompu. Il y a ici quelque chose qui, si je reste trop longtemps, va me contaminer. Qu’est-ce ? Il ne s’agit pas d’ÉgrĂ©gore., ni de PĂ©trol’magie. Je tente de reprendre le contrĂŽle de mon regard. En vain ! La sanction est mĂȘme immĂ©diate. Je sens des centaines, des milliers de cafards et autres insectes surgir de partout dans cette grotte. Ils courent vers mes racines et remontent jusqu’à mon tronc. LĂ , ils gravissent mes branches et s’infiltrent en moi. Ils rampent dans mes veines et se gorgent de l’ÉgrĂ©gore qui s’est mĂȘlĂ© Ă  ma sĂšve, Ă  mon sang. Tout Ă  ma douleur, je laisse mon regard errer, voler jusqu’à
 la Mort !
    La Mort est là !, dans cette grotte. Et quand elle tombe sous le poids de mon regard, elle se retourne et « me » fixe de ses orbites vides. Que fait-elle là ? je tente de lui parler, de lui communiquer mes pensĂ©es. Mais lĂ  encore, la sanction est immĂ©diate, sous la forme d’une pluie acide qui ronge mes feuilles et mes branches. MalgrĂ© tout, j’espĂšre que cette mort a saisi. Saisi quoi ? Que j’étais lĂ , que je voulais savoir

    Mais la mort demeure impassible. Ses orbites vides fixent un espace vide. Je ne sais pas, je ne pense pas qu’elle a perçu ma prĂ©sence. Mais, que fait-elle ici ? J’attends, j’espĂšre qu’elle va reprendre sa tĂąche et que j’apprendrai quand mĂȘme quelque chose. La mort dĂ©tourne son regard du mien, qu’elle ne semble toujours pas avoir perçu. Par-dessus son Ă©paule, je vois lĂ  un livre : le Vir Stellas ! La Mort a mis la main sur le Vir Stellas ! Elle tient l’ouvrage Ă  deux mains. Elle est fĂ©brile, euphorique. Puis elle s’en va en courant.
    Je redeviens un homme-porc dans le silence le plus total. MĂźm en a fini avec son Ă©trange magie mais on dirait que tout autour de nous s’est mis Ă  la page de son art et a dĂ©cidĂ© de vivre, encore un peu, dans le silence. Silence que je n’ose troubler. MĂźm demeure imperturbable. Quand j’entends de nouveaux les bruit de la forĂȘt, je prononce enfin quelques mots. J’informe le sorcier que je vais retourner dans la maison de la Mort. Il est toujours muet. Il parait heureux. Nous prenons la route ensemble.

    Et nous parvenons en vue de ce manoir. C’est une ruine envahie par la vĂ©gĂ©tation. Il n’y a aucune lumiĂšre mais un Ă©trange comitĂ© d’accueil. PrĂšs de l’entrĂ©e, il y a une huitaine de silhouettes qui se dressent tant bien que mal et s’approchent de nous en claudiquant. Ils sont tous vĂȘtus de capes crasseuses et exhibent devant nous les moignons de leurs bras et jambes amputĂ©s. Ils ne parlent pas. On leur a aussi coupĂ© la langue. Ils ricanent seulement. Ils nous frĂŽlent de leurs moignons mais ne nous empĂȘchent pas d’avancer. Au moment d’entrĂ©e, je me tourne vers MĂźm. Toujours silencieux, il me fait un signe Ă©loquent de la tĂȘte. Je vais devoir entrer seul.
    A l’intĂ©rieur, tout est sombre. J’éprouve une sensation bizarre Ă  la surface de tout mon corps. J’ai l’impression que, l’espace d’un instant fugace, ma peau se durcit, redevient Ă©corce. Mais quand je palpe mes avant-bras, ils sont normaux, seulement recouvert d’une substance un peu collante rappelant de la sĂšve. Je tends l’oreille mais n’entends rien. J’appelle. Personne ne me rĂ©pond. J’avise un escalier. Je monte. Je fais attention Ă  lĂ  oĂč je mets les pieds mais pas de piĂšges ou des racines malignes. Enfin, on dirait

    Soudain, un zazamon surgit de nulle part. Dans le noir, je crois reconnaĂźtre un Bur’kwek Ă  son gros cerveau gĂ©latineux. Il me braque avec cette technologie Ă  vapeur qui va cracher de l’acide si je ne fais rien. Je saute de cĂŽtĂ© et Ă©vite de justesse le flot d’acide. Je n’ai plus de flingue mais un bon coup de poing en plein dans sa masse cĂ©rĂ©brale spongieuse me libĂšre le passage. J’appelle de nouveau. Mais toujours rien. Et j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien non plus. Pourtant, je suis certain de ne pas ĂȘtre seul ici. Ce Bur’kwek n’est pas apparu tout seul. Quelqu’un l’a invoquĂ©. Et je soupçonne cette mort de l’avoir fait Ă  l’aide du Vir Stellas. Le problĂšme est que, Ă  ma connaissance, le Vir Stellas contient des rituels bien plus dangereux que l’invocation d’un zazamon et comme je n’ai aucune idĂ©e ni des projets ni des compĂ©tences en sorcellerie de cette mort

    En haut des marches, je suis accueilli par un hibou. Il dĂ©ploie ses ailes. Il a l’air
 heureux. Mais
 les hiboux ne sont pas ce qu’ils paraissent. Dans une vie antĂ©rieure, je possĂ©dais des clĂ©s « magiques » permettant d’altĂ©rer le rĂ©el. Est-il-possible de puiser dans cette rĂ©miniscence de quoi rendre sa vĂ©ritable apparence Ă  cet oiseau ? Je n’ai pas de clĂ© mais, pourtant, l’image du hibou se met Ă  onduler, Ă  se tordre. Il devient flou. Et cette tache de flou dans le vide se compresse pour devenir
 un cadenas qui tombe lourdement au sol. Maintenant, il me faut une clĂ©.
    Deux idĂ©es me viennent Ă  l’esprit. Et si je pouvais ouvrir ce cadenas Ă  l’aide du symbole-clĂ© du TroisiĂšme Rituel Aklo ? Ou s’il s’agissait plutĂŽt de la foudre ? Si je brandissais ce cadenas et attirais un Ă©clair, que se passerait-il ? Mais avant tout, je veux trouver cette mort et le Vis Stellas. Et je rĂ©agis ! Je suis dans un manoir en ruine, sombre et envahi par la forĂȘt de Millevaux, domaine et avatar de Shub-Niggurath. Et, je cherche la mort
 Est-ce vraiment une bonne idĂ©e ? Et d’oĂč me vient cette image fugace d’une
 chaise Ă©lectrique ? J’ai le cadenas. Ai-je besoin de plus ?
    Je redescends les marches en courant. Je me prĂ©cipite vers la sortie. En vĂ©ritĂ©, rien ne s’oppose Ă  ma fuite mais j’entends derriĂšre moi une voix grave avec quelque chose d’à la fois racoleur et mesquin dans le ton. C’est ironique, sarcastique mais, l’air de rien, cette voix me met en garde quant au fait de rĂ©unir des objets dĂ©fectueux. S’agit-il du cadenas ? Juste avant de sortir, je jette un coup d’Ɠil par-dessus mon Ă©paule, il y a bien quelqu’un dans les escaliers mais je ne parviens pas Ă  l’identifier nettement. Je sors !
    Dehors, les Ă©clopĂ©s ne sont plus lĂ . MĂźm non plus. Le brouillard s’est levĂ©. Je sens que je suis en danger. Il souffle un vent sec. Je m’enfonce dans la forĂȘt pour mettre une distance de sĂ©curitĂ© entre cet endroit et moi. Puis, j’examine le cadenas. Je remarque qu’il porte quelques inscriptions dont je ne connais pas le sens. Je soulĂšve une partie de mon armure et compare ces symboles avec ceux que prennent mes tatouages mouvants. Mais il n’y a aucun rapport. Alors, si mes tatouages ne semblent pas destinĂ©s Ă  l’ouvrir, il me reste la foudre. Vais-je devoir attendre qu’un orage Ă©clate ou puis-je compter sur les rĂ©serves d’énergie d’un vieil artefact cyborg ou voyvode ? Mais vais-je en trouver dans ce Millevaux lĂ  ou vais-je devoir trouver un moyen de rentrer chez moi ?
    J’erre dans la forĂȘt. Je n’ai aucune idĂ©e de comment regagner l’Interzone. J’aurais dĂ» mettre la main sur le Vir Stellas. Il y a peut-ĂȘtre une formule, un rituel dedans. Je marche pendant des heures. Mes pensĂ©es, comme moi, vagabondent et se posent de nouveau sur cette image de chaise Ă©lectrique. Dans le manoir, j’ai cherchĂ© aprĂšs une mort. Dans les bois, je cherche une source d’électricitĂ©. Avec une chaise Ă©lectrique, j’ai les deux, non ? Mourir sur une chaise Ă©lectrique ouvrirait ce cadenas ? Trouverais-je une telle chaise au fond d’un vieux vaisseau voyvode ?
    Et j’arrive en bordure d’un cours d’eau. Il fait presque nuit et une tempĂȘte se lĂšve. Je ne sais plus trop ce que je fais lĂ . Je sers le cadenas dans ma main mais, est-ce sous l’effet de la forĂȘt, des pans de ma mĂ©moire se sont dĂ©jĂ  Ă©chappĂ©s. En fait, je crois qu’une partie de moi a dĂ©jĂ  quittĂ© les lieux. Je retrouverais peut-ĂȘtre la mĂ©moire quand je serai de retour dans l’Interzone. Mon histoire m’attend peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  lĂ -bas. Mais en attendant, j’ai besoin de souvenir pour avancer. Alors, je me replonge dans ces lettres et ces journaux. Je me rappelle la chasse aux artefacts voyvodes avec Yargalac. Je me rappelle aussi de la tombe de ce Soar Cyborg et de cette Ă©pitaphe : « L’électricitĂ© garantit la rĂ©forme biscornue. » Et je me souviens m’ĂȘtre fait cette rĂ©flexion comme quoi biscornue pouvait signifier tordu mais aussi Ă©voquer « deux cornes ». Qu’est-ce qui a deux cornes tordues ? Qu’est-ce que l’électricitĂ© pourrait tordre ? Est-ce que l’électricitĂ© pourrait tordre un ĂȘtre Ă  deux cornes ? Mais un bruit me tire de mes pensĂ©es. Sans faire attention, je me suis aventurĂ© sur le territoire d’un Horla.
    Et une silhouette reptilienne sort de l’eau. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d‘un Horla. C’est un cyborg. Je le vois Ă  son implant lanceur de vinyles et Ă  sa batterie. Il y a quelque chose d’à la fois vif et vide dans son regard. Il a un Ă©trange chapeau sur la tĂȘte, trop grand. Dans une main, il tient un livre – un exemplaire du Vir Stellas ? – et dans l’autre, un petit conteneur en verre. A l’intĂ©rieur, il y a un cƓur.
    Et je rĂ©agis ! La batterie ! Elle contient forcĂ©ment de l’électricitĂ© ou une Ă©nergie du mĂȘme genre qui ouvrira le cadenas. Je ne sais pas si ce cyborg reptilien acceptera de m’aider, ni mĂȘme s’il comprend quand on lui parle mais je lui demande quand mĂȘme. AprĂšs tout, on ne sait jamais. A ma grande surprise, il accepte mais, car il y a un mais, il dit vouloir se souvenir de certaines choses. De quoi ? De sa vie d’avant. Je lui demande de patienter un peu car je crois pouvoir faire quelque chose.
    Je prends les deux journaux attribuĂ©s Ă  Trashalak. Je les relis. Quelque chose me dit que ce cyborg pourrait bien ĂȘtre celui que je cherche mais j’ai un doute. Alors, je me fies Ă  cette rĂ©miniscence d’une autre vie, celle oĂč j’avais les clĂ©s qui permettaient de changer le monde, et j’espĂšre pouvoir changer les choses. Sous le coup d’une intense fatigue, je tombe Ă  genoux. Mais, quand mon regard se porte sur l’un des journaux, je lis :
                                        « Je m’appelle Trashalak. Je suis, ou plutĂŽt j’étais, un clone cyborg qui admire les Voyvodes. Mon plaisir dans la vie : dĂ©truire ! Enfin ça, c’était avant
 Cela fait maintenant plusieurs annĂ©e que j’erre ainsi. J’ai rĂ©ussi Ă  cacher ma nouvelle nature Ă  mes proches. La nuit, quand je suis seul, je m’exerce avec ces nouvelles facultĂ©s qui sont les miennes. C’est Ă©trange, bizarre et fascinant de ne pas mourir
 Mais, mĂȘme si cela m’apporte beaucoup, ce n’est pas gratuit. Je ne sais pas si c’est l’influence de mon immortalitĂ© ou du chapeau mais, parfois, je ressens une subite envie de mourir. Cela passe vite mais cela revient souvent
 En tout cas, je ne sais pas si c’est Ă  cause ou grĂące Ă  cette nouvelle nature, mais les sorts contenus dans le livre sont dĂ©sormais miens et je peux les utiliser sans mĂȘme avoir besoin du livre. Dans la foulĂ©e, je me suis initiĂ© Ă  quelques mystĂšres et mes recherches m'ont permis de mettre la main sur un Ă©clat d’épĂ©e magique brisĂ©e lors d’une bataille. Cette Ă©clat me permettra de crĂ©er de nouveaux sorts ou d’amĂ©liorer ceux que je maĂźtrise dĂ©jĂ . LĂ  encore, est-ce un effet de la magie d’Azathoth (en tout cas, c’est que j’ai dit Ă  tout le monde) ou une consĂ©quence de mon immortalitĂ©, mais me voilĂ  recouvert d’écailles reptiliennes qui renforcent ma longĂ©vitĂ© et ma rĂ©sistance. Il m’a retrouvé ! Le SumĂ©rien ! Il est venu chez moi et je n’ai pu que m’incliner face Ă  sa puissance. Nous ne nous sommes pas affrontĂ©s, pas la peine. Je sais qu’il est plus fort que moi. Il vient d’arriver en ville avec un plan dont il ne veut rien me dire mais je dois le servir. Cela ne me plaĂźt guĂšre mais je ne peux qu’accepter, d’autant plus qu’il fait montre d’une Ă©tonnante gĂ©nĂ©rositĂ© Ă  mon Ă©gard. Mais qu'attend-il vraiment de moi ? Et quels sont ses buts ? Je ne sais pas qui est cet homme et je veux l’oublier. Aussi, certes je consigne ici cet Ă©vĂ©nement Ă©trange mais je m’en vais aussitĂŽt perdre ces notes. Pour oublier. Peut-ĂȘtre que cela fera sens pour celui ou celle qui lira ces lignes. Mais pour moi, cela n’en a aucun. Cet homme m’a sautĂ© dessus, dans les bois. Il m’a menacĂ© de son couteau en exigeant que je lui explique ce que, selon moi, valait la vie. Comment rĂ©pondre Ă  cette question quand, comme moi, on ne meurt plus ? Alors, je lui ai expliquĂ© que pour moi la vie ne valait rien. Que peut-elle valoir pour celui qui se nourrit de sang humain et d’insectes ? Et j’ai profitĂ© d’un moment d’hĂ©sitation de sa part pour me repaĂźtre de son sang. Son sang Ă©tait Ă©cƓurant, Putride ! »
    Je tends le journal au cyborg reptile. Il lit. Il a l’air heureux.

    Trashalak me conduit dans un sous-sol de bĂ©ton suintant l’humiditĂ©. Il rĂšgne un silence qui me plaĂźt assez. Trashalak m’explique qu’il partage cet endroit avec un Horla qui se nourrit du son. Aussi, autant ne pas attirer son attention en faisant trop de bruit. Sur le trajet, il ramasse quelques poignĂ©es de lichen et des racines. Nous arrivons dans une salle dont les murs, le sol et le plafond grouillent de larves et de vers. Trashalak, avalant une grosse poignĂ©e d’asticots, m’explique qu’aprĂšs sa transformation par le SumĂ©rien il ne pouvait plus se nourrir que de sang et d’insectes. Mais, avec le temps, il a rĂ©ussit Ă  varier un peu son alimentation. Nous sommes donc ici dans son
 garde-manger.
    Trashalak ouvre son gros livre. J’essaye de lire le titre mais n’y parviens pas. Il me tend la main. Je lui donne le cadenas. Il m’explique ensuite que mĂȘme si sa batterie est pleine, il n’a qu’un nombre limitĂ© de tentatives pour ouvrir le cadenas. Il va donc certes utiliser cette Ă©lectricitĂ© mais doit Ă©galement recourir Ă  la technomagie d’Azathoth. Et lĂ , il me prĂ©vient, tout peut arriver. Je suis sous terre, dans une salle grouillante de vers dĂ©gueulasse, en compagnie d’un cyborg reptilien adepte de technomagie. Je ne suis plus Ă  ça prĂšs.
    « Quand faut y aller  »
    Trashalak lance une incantation. Il ne se passe rien mais il me demande de retirer mon armure. Je m’exĂ©cute et il parcourt du doigt mes tatouages polymorphes. Je ne comprends rien Ă  ces symboles. Lui, au contraire, semblent les connaĂźtre. Il marmonne des mots que je ne saisis pas. Il tourne quelques pages de son livre et rĂ©cite une formule. Une flaque de PĂ©trol’magie apparaĂźt. Il s’agit en rĂ©alitĂ© d’un Buggarzak pustulant qui s’approche de moi avec un air concupiscent. Trashalak lĂąche le livre et se tord les mains jusqu’à s’arracher les ongles en hurlant. Une fois fait, il ramasse le livre du bouts de ses doigts ensanglantĂ©s et, maladroitement, tourne encore quelques pages. Je fais un pas dans sa direction, pour l’aider. Mais je n’arrive plus Ă  bouger. Je suis littĂ©ralement paralysĂ©. Pas par la peur ou le dĂ©goĂ»t, mais par la technomagie. Et quand je parviens de nouveau Ă  bouger, c’est pour me retrouver pliĂ© en deux en train de vomir un flot d’excrĂ©ments. Quand les vomissements cessent, ils sont remplacĂ©s par une crise de tremblements incontrĂŽlable. Je regarde Trashalak. A quoi joue-t-il ?
    Trashalak lĂšve les yeux vers moi. Si j’ai des questions Ă  poser Ă  Azathoth, c’est maintenant !
    « Azathoth, vais-je rentrer chez moi ?
    NON !, me rĂ©pond-il par la bouche de Trashalak.
    Vais-je mourir ici ?
    OUI, ET TU VAS SOUFFRIR !
    Connais-tu les plans secrets de la ChĂšvre Noire ?
    OUI !
    Les Chevaliers d’Or ont-ils un rĂŽle Ă  jouer dans tout ça ?
    NON, ET ILS N’ONT JAMAIS EU UNE QUELCONQUE IMPORTANCE DANS TOUT CELA ! »
    Trashalak reste immobile. Je crois que, cette fois, il attend mon assentiment avant de tourner les pages et lancer un autre sort. Au point oĂč j’en suis, je lui fais signe d’y aller. Un gros Ɠil se met Ă  flotter en l’air. C’est un Bur’kwek aux dents pointues. Pour l’instant, il dort. MĂȘme en sommeil, son Ɠil reste ouvert. Et d’ouvert, tout vert, moi je deviens
 violet ! Et alors que ma peau change de couleur, mes tatouages eux aussi changent de couleur et deviennent dorĂ©s. Puis, les couleurs changent et alternent Ă  toute vitesse. On dirait que je
 clignote. Et mes tatouages changent eux aussi de forme et de couleur. Je ne comprends rien mais Azathoth l’a dit, je vais crever !
    Trashalak ne me demande pas mon avis et se lance dans une nouvelle formule. Il sourit. Un Portail Dimensionnel s’ouvre enfin. DerriĂšre, je reconnais les ForĂȘts Limbiques. Alors, le Bur’kwek se rĂ©veille et me saute dessus pendant que Trashalak emprunte le Portail qui se referme derriĂšre lui. Et moi

    Moi, je me vide de mon sang. Le Bur’kwek m’a sautĂ© Ă  la gorge et arrachĂ© un bon bout de bidoche. Je suis par terre, au milieu des vers et des asticots et un zazamon est en train de se repaĂźtre de mon sang.
    Et voila comment ça se termine pour moi. Je voulais tout savoir mais Azathoth savait dĂ©jĂ  et
 on dirait bien qu’il s’en fout complĂštement


    Trashalak a traversĂ© les ForĂȘts Limbiques et a pu regagner l’Interzone. Depuis, on raconte qu’un tueur en sĂ©rie dĂ©coupe des jeunes hommes de 15 ans en 12 morceaux avec une scie de bĂ»cheron. On dit qu’il pratique des rituels sanglants au nom d’Azathoth qui laisse faire


Commentaires de Thomas :

A. Je consacre en effet toutes mes journĂ©es, et mes nuits, Ă  l’étude du Vir Stellas. Étude est un mot peut-ĂȘtre bien inadaptĂ© car, en vĂ©ritĂ©, je « subis » littĂ©ralement l’emprise de cet Ă©trange tome.
J'adore :)

B. « Cette forĂȘt est plus qu’une forĂȘt, je l’ai dĂ©jĂ  dit. Mais ce n’est pas seulement le domaine de la chose qui rĂšgne sur ces bois. Je crois que cette forĂȘt est LA chose en elle-mĂȘme, l’EntitĂ© dominante. Je n’ai pas revu cet Ă©trange buste gĂ©ant dans les cieux de ces bois. Mais j’ai ressenti autre chose. C’était plus insidieux. C’était
 pire. Cet endroit baigne dans une « énergie » malsaine, Pierre. Une sorte d’éther que certains des habitants de ces bois manient grĂące des rĂšgles qui seraient interdites dans notre monde. »
J'aime bien comme tu dĂ©cris la forĂȘt de Millevaux sans nommer les termes techniques, en mode le personnage dĂ©couvre totalement.

C. « Oui, un rituel qui permettrait de gagner cette Ă©trange forĂȘt non plus en rĂȘve mais en rĂ©alitĂ©. Or, pour cela, il faut ĂȘtre au moins deux. C’est pour cela que j’ai besoin de toi. Je te sais fĂ©rue d’occultisme et il n’y a que toi pour m’aider Ă  rĂ©aliser ce rituel. »
Hum, bonne idée :)

D. « Au lieu de Jemima et de son ami, je trouvais deux corps horriblement mutilĂ©s. Mais, plus Ă©trange encore est la "mise en scĂšne". Tous deux Ă©taient en effet recouvert de cicatrices et de plaies reproduisant en grande partie les symboles Ă©tranges dessinĂ©s sur les murs de la piĂšce oĂč je les ai dĂ©couverts. Ces mĂȘmes symboles se trouvaient dans diverses notes Ă©parpillĂ©es autour des cadavres. Évidemment, j’ai tout de suite prĂ©venu la police qui a conclu Ă  un suicide particuliĂšrement macabre. »
Je suppose que c'est le rituel pour partir Ă  Millevaux :)

E. L'échange de lettres est réussi, dans le plus pur style lovecraftien.

F. Tu rencontres la Mort dans une cabane qui te tend du courrier Ă  lire ? On se croirait dans du Pratchett :)

G. J'aime bien l'idĂ©e du manoir du passeur d'Ăąmes qui se fait peu Ă  peu envahir par Millevaux et le passeur d'Ăąmes qui dĂ©cide de quand mĂȘme y rester, parce qu'il se sent chez lui :)

H. J'aime bien les chassés-croisés dans le temps, en mode vertige logique : Corso qui lit des lettres qui ne seront écrites que plus tard, puis qui découvre un manoir qui est le futur du manoir précédemment visité...

I.J'aime beaucoup le look de l'homme-lion, et le fait que la tĂȘte lĂ©onine soit en fait un horla qui recouvre un humain.

J. « Il me semblait que le Horla se servait peut-ĂȘtre de cette lueur Ă  l’étage pour attirer des proies mais MĂźm est incapable de me le confirmer. » Je crois reconnaĂźtre une entrĂ©e proche dans Nervure (des brigands qui allument une lanterne dans une maison pour attirer des voyageurs Ă  dĂ©trousser). Utilise-tu de temps en temps Nervure ?

K. « PrĂšs de l’entrĂ©e, il y a une huitaine de silhouettes qui se dressent tant bien que mal et s’approchent de nous en claudiquant. Ils sont tous vĂȘtus de capes crasseuses et exhibent devant nous les moignons de leurs bras et jambes amputĂ©s. Ils ne parlent pas. On leur a aussi coupĂ© la langue. Ils ricanent seulement. Ils nous frĂŽlent de leurs moignons mais ne nous empĂȘchent pas d’avancer. »
Sont-ce les survivants des rituels de passage dans Millevaux ?

L. « Deux idĂ©es me viennent Ă  l’esprit. Et si je pouvais ouvrir ce cadenas Ă  l’aide du symbole-clĂ© du TroisiĂšme Rituel Aklo ? Ou s’il s’agissait plutĂŽt de la foudre ? Si je brandissais ce cadenas et attirais un Ă©clair, que se passerait-il ? Mais avant tout, je veux trouver cette mort et le Vis Stellas. Et je rĂ©agis ! Je suis dans un manoir en ruine, sombre et envahi par la forĂȘt de Millevaux, domaine et avatar de Shub-Niggurath. Et, je cherche la mort
 Est-ce vraiment une bonne idĂ©e ? »
En fait, tous ces rituels de passage me font penser Ă  la conclusion du jeu de rĂŽle S'Ă©chapper des Faubourgs :)

M. « Trashalak lĂąche le livre et se tord les mains jusqu’à s’arracher les ongles en hurlant. Une fois fait, il ramasse le livre du bouts de ses doigts ensanglantĂ©s et, maladroitement, tourne encore quelques pages. Je fais un pas dans sa direction, pour l’aider. Mais je n’arrive plus Ă  bouger. Je suis littĂ©ralement paralysĂ©. Pas par la peur ou le dĂ©goĂ»t, mais par la technomagie. Et quand je parviens de nouveau Ă  bouger, c’est pour me retrouver pliĂ© en deux en train de vomir un flot d’excrĂ©ments. Quand les vomissements cessent, ils sont remplacĂ©s par une crise de tremblements incontrĂŽlable. Je regarde Trashalak. A quoi joue-t-il ? »
Ah ça rigole pas ces rituels :)


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#98 15 Dec 2023 18:32

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

IL FAUT TUER LA REINE DES ELFES

Un solo Millevaux qui vire Ă  la high / dark fantasy la plus Ă©chevelĂ©e, c'est ce que vous aurez droit avec ce retour d'expĂ©rience oĂč je prends le temps de dĂ©tailler les mĂ©caniques de cet Ă©mulateur de MJ efficace qu'est 9 Questions !

(temps de lecture : 10 min)

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Eric, cc-by-nc-nd


Joué en solo le 15/12/2023

Le jeu : 9 Questions, par John Fiore, un moteur pour le jeu de rĂŽle solo

Univers : la forĂȘt de Millevaux

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Hyperion par Krallice, un black metal spatial et instrumental, lumineux, intense et habité.

Le contexte :

Voilà un moment que je voulais tester 9 Questions via un solo qui serait ensuite diffusé, et je me mets enfin le pied à l'étrier, car je suis assez avancé dans l'écriture de Biomasse et donc si je veux tirer quelques leçons de 9 Questions, il est plus que temps de le tester. Je me permets de vous faire un CR solo un peu sale, avec beaucoup de commentaires méta, pour que vous puissiez voir l'impact du moteur.
J'ai dĂ©cidĂ© de me lancer sans lecture prĂ©alable du jeu. Il est court, j'avais la flemme et surtout je voulais me garder la surprise. PremiĂšre bonne surprise, ça fonctionne en plug and play. Le jeu est une suite de questions orientĂ©es avec une procĂ©dure qui mĂȘle jets de dĂ©s, directives et mentions d'emploi de gĂ©nĂ©rateurs alĂ©atoires externes et d'un systĂšme de jdr choisi par la personne qui joue. Du fait de sa rĂ©daction (dissociant actions de PJ et actions de MJ), ce me semble aussi ĂȘtre un bon moteur du jdr 1 MJ / 1 PJ.

Mon personnage (créé avec cette table) :

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075_Roberto Rizatto _Pixjockey_ Facebook resident, cc-by-nc & Agathe Pons, libre de droits

Mission de vie : Je suis VIVELIANE
Je suis de nature féerique. J'aspire à maßtriser tous les arcanes de la magie pour devenir insurpassable. Je veux voler les secrets magiques d'une personne que j'aime et je veux enfermer une personne rivale en sortilÚge.

Destin
GUERRE

La grande guerre qui fait rage au loin dans la forĂȘt va avoir de grandes rĂ©percussions ici et je vais me retrouver au centre de cette tourmente. Je vais reprocher Ă  une personne d'importer le conflit et je vais dĂ©velopper un amour romantique pour un autre personne, alors que je crois que c'est le pire moment pour s'attacher.

(J'ai hésité avant de garder cette premiÚre image tirée, puisque je la considÚre comme un des portraits les plus gore de Nervure mais je me suis dit que j'allais me forcer à utiliser les premiers tirages. Je pars donc sur le principe que Viveliane, mon personnage, a utilisé le visage d'une personne qu'elle aimait pour s'accaparer ses secrets magiques (cf sa mission de vie).)


Question 1a : Quelle est l'hostilité inhérente au cadre du jeu qui entre inopinément en conflit avec la motivation héroïque des PJ et menace de s'aggraver avec le temps ?

Le monde est en train de pourrir. Les forces tĂ©nĂ©breuses prennent le dessus. La forĂȘt devient dĂ©moniaque et les hommes sont pris de folie. C'est contraire avec les valeurs de beautĂ© et de poĂ©sie que je recherchais en tant que membre du peuple fae.

Cette accĂ©lĂ©ration de la dĂ©crĂ©pitude, on le doit Ă  Bevaraiz, la reine des elfes corrompus. [je me suis aidĂ© d'un des gĂ©nĂ©rateurs prescrits dans le jeu, Seventh Sanctum. Elle absorbe la puretĂ© du monde pour nourrir son cƓur et se maintenir en vie. [inspirĂ© de ce gĂ©nĂ©rateur d'icĂŽnes assez cool prescrit par le jeu, Zero Dice]

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Dead in the woods par Grey Daturas, du stoner/sludge bruitiste, instrumental et chamanique, lourd, lent, rotatif, fuzzy, décérébré, jouissif, planant

L'ennemi poursuit de nouveaux objectifs (tirage de dĂ© demandĂ© par le jeu). Bevaraiz a envoyĂ© ses sbires, les araignĂ©es archivistes, Ă  ma poursuite. Elle veut absorber mon pouvoir. Les monstrueux et gigantesques arachnides Ă  tĂȘte de grimoire courent dans les frondaisons Ă  ma recherche.

{en tant que PJ :
‱ Utilisez les rĂšgles du JdR et les capacitĂ©s des hĂ©ros pour rĂ©pondre Ă  la menace selon leurs motivations hĂ©roĂŻques]

[je vais utiliser le systÚme de résolution de Nervure]

J'essaye de tuer les araignĂ©es archivistes avec des papillons de sang qui sortent de mes yeux. Cela ne marche pas, les papillons s'Ă©crasent sur leurs champs de force mentaux et elles me capturent dans leur toile. J'en profite pour lire Ă  la dĂ©robĂ©e quelques unes des glyphes Ă©crites sur leurs grimoires. J'en dĂ©duis que cela faisait partie de mon destin d'ĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă  la reine des elfes.

(rĂ©solution : Vous Ă©chouez mais vous apprenez quelque chose d’utile pour la suite.)

(je réalise que je devais choisir entre question 1a et question 1b alors que je pensais enchaßner les deux)

Question 2 : Quel événement inhabituel se produit peu de temps aprÚs ?

(tirage d'oracles : shuriken et pancarte fléchée ; tirage d'événement : un combat)

Je suis portĂ© sur une poutre portĂ©e par les deux araignĂ©es archivistes. Nous arrivons dans la cour d'automne de la reine, ou ce qu'il en reste. Toute la vallĂ©e trempe dans un bain bactĂ©riologique, il ne demeure de son palais d'automne que les colonnes boisĂ©es Ă  tĂȘte de dragon, dĂ©sormais pourries de moisissure.

C'est alors que des goupils attaquent la cour à coups de shurikens (j'ai choisi des goupils car c'est l'espÚce la plus ninja-compatible), ils sont visiblement là pour m'exfiltrer. La reine réagit, du haut de son trÎne de ronces flétries, elle envoie des vagues de putréfaction sur les goupils. L'un d'eux meurt, un autre est "seulement" touché et la troupe arrive à m'emporter au loin.
(rĂ©solution : L’une des protagonistes se transforme en horla.)

Alors qu'ils me délient et que je veux les remercier, je réalise que leur chef, Rocambole (nom tiré de ma table des noms de goupils, encore inédite), est celui qui a été atteint par la souillure. Il cache tant bien que mal son bras et la partie de sa gueule qui ont été touchés, mais je me doute qu'il va mourir ou se transformer en horla. Je sais que c'est le pire moment pour s'attacher, mais j'ai le coup de foudre pour ce farouche guerrier. [je joue un élément de mon destin "Guerre"]

Rocambole n'est pas du genre à se perdre en effusions. Il me morigÚne plutÎt pour mon imprudence et dit qu'il ne m'a pas fait libérer gratis. je vais devoir mettre mes pouvoirs au service de leur guérilla.


Question 3 : Quels éléments des résultats de la Question 1a ou 1b et de la Question 2 se retrouvent soudainement liés de maniÚre surprenante, mettant encore plus en péril les PJ et leur motivation héroïque ?

Au coin du feu, Rocambole m'avoue que les goupils seraient peut-ĂȘtre responsables de la corruption de la reine des elfes. Ils ont jadis voulu la capturer pour utiliser son Ă©nergie magique afin de se dĂ©fendre des humains mais disons... que l'expĂ©rience a mal tournĂ©. La reine des elfes leur a Ă©chappĂ©e, griĂšvement corrompue et elle est ainsi devenue cette menace globale pour tout habitant de la forĂȘt. Les goupils sont aujourd'hui considĂ©rĂ©s comme combattants de la libertĂ© parce qu'ils sont parmi les derniers Ă  l'affronter, mais ils ont aussi une lourde responsabilitĂ© dans cette guerre.

Ceci n'altĂšre pas ma rĂ©solution Ă  m'allier avec les goupils. Je passe du temps avec Rocambole mĂȘme si je ne suis pas au stade de lui avouer mes sentiments. J'ai cependant rĂ©ussi Ă  gagner assez sa confiance pour m'occuper de ses soins. Ses jours ne sont pas en danger, mais cela se confirme qu'il va devenir un horla. La corruption s'est Ă©tendue et il doit dĂ©sormais porter une capuche pour le cacher des siens.


Question 4 : Comment les PJ peuvent gagner du terrain sur l’ennemi/la menace grĂące Ă  leur motivation hĂ©roĂŻque ?

(jet de dé : 3 -> poursuite)

Nous devons prendre l'initiative. Actuellement, nous ne sommes pas de taille Ă  affronter la reine des elfes, notre courte confrontation m'en a donnĂ© la certitude. Il nous faut un artefact, le cristal de ciel, qui est dĂ©tenu par les corax, qui jusqu'Ă  prĂ©sent sont restĂ©s neutres dans cette guerre. Les espions goupils savent qu'une cohorte de corax s'est mise en charge de dĂ©placer le diamant qui attire trop de convoitises lĂ  oĂč il est, Ă  la Cour Corbelle. Chance pour nous, le cristal est trop pour qu'ils puissent le transporter sous forme corbeau. Ils le dĂ©placent dans un coffre, et ils sont sous forme humaine et doivent marcher.

Avec Rocambole, deux autres goupils d'élite (Morsure et Crispe) et une grourse de combat (Gueularde), nous nous lançons à leurs trousses.

Quand nous arrivons Ă  rattraper la cohorte, nous comprenons que les corax avaient anticipĂ© une attaque. Ils ont avec eux un ignoble troll des marais et Ă©galement Sourire, une redoutable sorciĂšre corax de la Voie du Cercle Noir. À peine avons-nous assimilĂ© cette information que la magie noire fait son Ɠuvre et nous sentons nos rythmes cardiaques devenir fous.

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(je réalise un peu tard que Zero Dice permet de copier-coller simplement les icÎnes des tirages en version PHP. Je vous les mets donc ici).

Le combat fait rage. Gueularde parvient Ă  terrasser le troll des marais mais Morsure meurt d'une crise cardiaque. Les corax passent au plan B. Ils ouvrent le coffre. A l'intĂ©rieur, le diamant du ciel, tendu de filets, est emportĂ© par des corax mĂ©tamorphosĂ©s en corbeaux. Mais nous avons capturĂ© Sourire. C'est une puissante sorciĂšre. À dĂ©faut d'avoir le cristal du ciel, nous allons la forcer Ă  travailler pour nous.
(résolution : Vous échouez mais vous avez une bonne surprise.)

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Mademoiselle Chaos CC, cc-by-nc


Question 5 : Comment les gains hĂ©roĂŻques tirĂ©s des rĂ©sultats de la Question 4 peuvent-ils soudainement ĂȘtre remis en cause lorsque de nouvelles informations sur le vrai visage / le vrai plan / le vrai pouvoir de l'ennemi est connu ?

Sourire nous rit au nez : "Vous vous y prenez trop tard de toute façon. La reine va tuer le roi Obéron et c'en sera fini de toute pureté dans ce monde."

Pour l'avoir vu une fois, je sais que le roi est extrĂȘmement bizarre. Ses yeux sĂ©duisants sont azur. Ses cheveux sont la couleur des amĂ©thystes. Sa voix est hypnotique et convaincante. Il y a une Ă©lĂ©gance Ă  ses lĂšvres qui est trĂšs sĂ©duisante. Il a des cicatrices sur le bras droit - discuter de ce moyen sĂ»r de l'amener aux larmes. (littĂ©ralement un tirage alĂ©atoire de Seventh Sanctum)

Nous nous prĂ©cipitons vers la cour d'hiver du roi ObĂ©ron pour empĂȘcher le pire. Si Sourire ne nous aide pas, je l'emprisonnerai en sortilĂšge (cf ma mission de vie).

Nous arrivons Ă  la cour du roi ObĂ©ron, mais nous n'avons que quelques minutes d'avance sur la reine des elfes et Sourire ne se montre pas trĂšs coopĂ©rative. J'emprisonne alors son Ăąme dans une pomme et j'utilise cet objet, piquĂ© d'aiguilles pour dĂ©placer le roi ObĂ©ron avec nous dans les forĂȘts limbiques.

(rĂ©solution : Vous optez pour l’attitude la plus vile.)

ObĂ©ron ne se montre pas vraiment reconnaissant. Il m'accuse d'avoir dĂ©truit le corps de Sourire pour mon agenda personnel. Il semble ĂȘtre si amoureux de la reine qu'il pourrait mourir pour elle.


Question 6 : Comment les rĂ©sultats nĂ©gatifs des Questions 4 et 5 peuvent-ils encore ĂȘtre intensifiĂ©s, en forçant les hĂ©ros Ă  s'engager dans une action de type "agir ou mourir" conformĂ©ment Ă  la motivation hĂ©roĂŻque ?

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La peau de Carambole se desquame sous forme de feuilles mortes. Sa transformation en horla semble ĂȘtre imminente. Il grogne et n'a plus toute sa tĂȘte. je lui avoue mon amour mais j'ignore s'il comprend. Je dois tirer une flĂšche-harpon dans le cƓur de la reine des elfes pour m'en servir pour guĂ©rir Carambole.

(je tire une poursuite mais là encore je me suis déjà fait une idée, donc on part plutÎt sur un combat).

PortĂ© par Gueularde, Carambole et moi nous portons Ă  la rencontre du convoi maudit de la reine des elfes. AnimĂ© par l'Ă©nergie du dĂ©sespoir et par mon pouvoir magique dĂ©cuplĂ© par les deux sacrifices passĂ©s, je rĂ©ussis mon tir et j'arrache le cƓur de la reine. Je le fais manger Ă  Carambole qui retrouve forme humaine... euh, renarde. Je l'embrasse passionnĂ©ment.

J'ai l'impression d'ĂȘtre moins monstrueux moi aussi.

(rĂ©solution : L’une des protagonistes retrouve son humanitĂ© perdue.)

Par contre, la reine des elfes, privĂ©e de son cƓur, perd toute cohĂ©sion, elle se rĂ©pand en branches et en racines griffues dans toutes les directions.

Question 7 : OĂč la motivation hĂ©roĂŻque peut-elle s’exprimer le plus efficacement ?

(tirage : combat)

Il est temps de faire face Ă  la situation. Je dois mettre toute mon Ă©nergie magique dans la bataille dĂ©cisive contre la reine des elfes, tant que le roi ObĂ©ron est Ă  l'abri dans les forĂȘts limbiques.

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The storm bells chime  par Sol, entre dark ambient et gothique, le dialogue entre un ange et un bĂ»cheron avec en fond la tristesse du piano et l'Ă©corce des guitares.

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Alors que l'orage fait rage, je me vide de ma substance pour contrer les attaques mortelles de la reine-hydre.

Mais je me suis dĂ©finitivement attaquĂ© Ă  plus fort que moi. Elle plante ses racines dans mon cƓur et je comprends que je vais bientĂŽt mourir.

Mais j'ai compris sa faille. Je murmure quelque chose à Carambole. Il retient ses larmes et acquiesce. Il prend ma pomme piquée d'aiguilles, et fuit dans un passage limbique. Les tentacules végétaux de la reine s'engouffrent aussitÎt à sa poursuite.

Question 8 : OĂč se dĂ©roule l'Ă©preuve de force finale entre les hĂ©ros et l'ennemi par rapport aux rĂ©sultats de la Question 7 ?

(je vais au plus vite, donc j'ignore les tirages aléatoires hors résolution pour me centrer sur les procédures)

Dans les forĂȘts limbiques, une version dĂ©gradĂ©e et dĂ©crĂ©pie de la cour d'hiver s'est dĂ©veloppĂ©e autour du Roi ObĂ©ron. Carambole lui fait avaler de force la pomme plantĂ©e d'aiguilles qui contient l'Ăąme de Sourire.

Les tentacules végétaux se précipitent vers le roi. Carambole fait mine de s'interposer, mais au dernier moment il fait une esquive qui donne l'impression que les tentacules l'ont balayé (alors qu'ils visaient à le tuer).

Les tentacules prolongĂ©s de petites mains et de bouches avec la voix de la reine implorent le roi de se laisser dĂ©vorer, ce qu'il accepte de bon cƓur, par amour. Il se fait aspirer par des troncs d'arbres creux qui forment les plus gros tentacules de la reine.

Carambole jubile. Le ver était dans le fruit. La "nourriture" était piégée.

Les tentacules explosent. La reine n'a pas supporté le poison qu'était la pomme. Une pluie d'écorces pourries retombe sur la parodie de la cour d'hiver.

(rĂ©solution : Les choses se passent comme on vous l’avais prĂ©dit.)

Question 9 : OĂč en est le monde suite aux rĂ©sultats des Questions 7 et 8 ?

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Depuis la mort de la reine des elfes, le monde n'est pas meilleur qu'avant sa corruption. Il n'est juste plus voué à sa perte. La guerre perdure. Entre humains et goupils. Entre goupils et corax.

Et moi, en terre, je repose.
Dans le cƓur de Carambole, je vis encore.
Et son cƓur de guĂ©rillero bat trĂšs fort.


Bilan :

Je ne prétends pas que 9 Questions a été rédigé spécifiquement pour une approche plug and play mais ça s'en rapproche beaucoup.

Il y a cependant un dĂ©faut d'Ă©criture si on se fie Ă  cette approche, c'est qu'au dĂ©but de chaque question, on nous demande d'imaginer quelque chose puis on nous fait tirer sur une table pour prĂ©ciser ce quelque chose mais Ă  ce moment je trouve que c'est trop tard car mon idĂ©e est dĂ©jĂ  figĂ©e. Cela me semble important de bien grouper les procĂ©dures qui doivent ĂȘtre appliquĂ©es en mĂȘme temps ou de penser Ă  l'ordre de prĂ©sentation (j'aurais moins fait l'erreur si la procĂ©dure avait Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e en sens inverse). Autre problĂšme, il y a un gĂ©nĂ©rateur de PNJ mais il est Ă  la toute fin, sans mention prĂ©alable de son existence, du coup je l'ai pas utilisĂ©, c'est dommage. Ce sont des leçons que je peux tirer pour mes propres rĂ©dactions.

C'Ă©tait trĂšs long Ă  jouer puisque ça m'a pris deux heures et demie, mais je dois reconnaĂźtre que j'ai perdu beaucoup de temps en retranscription, Ă  vouloir vous montrer mes tirages et tout. Je ne suis pas certain de dire que cette longueur de traitement est un dĂ©faut, on peut au contraire parler de haut potentiel ludique, et puis ça serait allĂ© beaucoup plus vite si j'avais juste jouĂ© dans ma tĂȘte avec des aides de jeu physique.

Mon tirage de perso de départ (un féerique) plus les générateurs plutÎt typés fantasy ont orienté l'histoire vers de la hi-fantasy. C'était intéressant mais pas forcément ce que j'avais envie de jouer. En rÚgle générale, 9 Questions reste orienté pour jouer de l'héroïsme, ceci dit.

Au final, 9 Questions tient bien la route si vous comprenez bien que ce n'est pas du tout un systÚme autonome mais un guide pour transformer vos aides de jeu en émulateur de MJ cohérent. Il y a sûrement quelques leçons à en tirer pour Biomasse sans que je puisse aujourd'hui dire lesquels. Je dois dormir dessus.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

Hors ligne

#99 24 Jan 2024 18:03

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

FORÊTS JAUNES

Humeur noir et mindfuck au menu d'un opium jaune corsé à souhait. Un récit de partie solo par Damien LagauzÚre

Temps de lecture : 21 mn

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(image par Dall.e)


Joué le : 03/01/2020

Le jeu principal : Lacuna par Jared Sorensen, un jeu de rîle d’inception onirique et conspirationniste
Univers : la forĂȘt de Millevaux
Jeux secondaires :
Bois-Saule, jeu de rÎle solo pour vagabonder dans les ténÚbres sauvages de Millevaux
Oriente, perdre ses repĂšres en traversant la forĂȘt de Millevaux



L'histoire :

Le personnage de « Cobra Verde », AKA l’Agent Fowler, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© et jouĂ© avec un mix de Lacuna LIEN, Mantra LIEN, Omniscience LIEN.
Les scĂšnes des premiĂšres missions ont Ă©tĂ© dĂ©fini avec Dream Askew. J’ai utilisĂ© Bois-Saule LIEN, Oriente LIEN ainsi que Mantra 2 LIEN pour les suivante

    Avant, il Ă©tait un Serpent. « Cobra Verde », le toxico, le dealer, le chimiste concepteur de doux poisons hallucinogĂšnes.
    Maintenant, il est l’Agent Fowler. Pour le compte de l’ « Organisation », il explore ce monde Ă©trange oĂč sont propulsĂ©s ceux qui sont addicts Ă  cette nouvelle drogue qu’on appelle « La Bille ».

Mission 1 :
    Random Connect : Digital Realm

    ProblĂšme ! Je ne suis pas lĂ  oĂč je suis censĂ© ĂȘtre. Mais il y a quelque chose Ă  trouver ! Cet endroit est un grand vide mais je sens pourtant une « prĂ©sence » pleine de
 vĂ©nĂ©ration ? Une sorte de gardien invisible qui m’observe.
    Le gardien sort de l’ombre. Il me laissera accĂ©der au Royaume de la Bille si je lui rends sa mĂ©moire. Je pourrais lui concocter une drogue Ă  cet effet mais j’ai besoin de matĂ©riel. Je contacte « Ctrl » qui me fournit l’équivalent d’un petit laboratoire de chimie. Le gardien a l’air satisfait de ce que la drogue lui procure comme mĂ©moire. Il me laisse passer.

Infos pour l’Organisation : le Domaine Digital est une sorte de check-point entre notre monde et celui de la Bille. Il y a un gardien.

Mission 2 :
    Random Connect : Varied Scarcities

    C’est une usine gĂ©ante ou une plateforme pĂ©troliĂšre plantĂ©e dans le dĂ©sert. LĂ  encore, je me sens observĂ©. Ça sent la mort, la charogne. Une femme me rejoint. Je la connais de vue. Je l’ai croisĂ©e au siĂšge de l’ « Organisation ». Elle a Ă©tĂ© recalĂ©e Ă  l’entretien. Quand je lui demande ce qu’elle fait lĂ , elle me rĂ©pond : « Le croquis embrasse les consĂ©quences. Le soleil se souvient d’une chose. »
    Elle est dĂ©foncĂ©e. A la Bille ? Je lui demande qui est son fournisseur. Je dois la secouer pour obtenir une rĂ©ponse : La Magicienne ! Je le trouverai dans un endroit nommĂ© Le Chaudron. Mais le Chaudron n’est pas dans notre monde. Il est ici, dans le monde de la Bille.

Infos pour l’Organisation : l’ « Organisation » n’a visiblement pas le monopole de la Bille. Celle qu’on appelle La Magicienne est un fournisseur. Mais elle se cache ici, dans le monde de la Bille. Comment fait -elle pour accĂ©der Ă  notre monde ?

Mission 3 :

    Random Connect : Outlying Gangs

    Je cherche La Magicienne et son chaudron. Je traverse le dĂ©sert jusqu’à une arche de pierre taillĂ©e par le vent. J’entre alors sur le territoire de ceux qu’on appelle « La Gracieuse ArmĂ©e du Sacrifice », une bande de mutants motorisĂ©s. Est-ce la Bille qui les a fait muter ? Vais-je muter moi aussi ? S’agit-il d’anciens toxs venus de mon monde ou bien sont-ils des
 indigĂšnes du monde de la Bille ?
    En attendant, trois engins Ă  moteur foncent vers moi. On me tire dessus. Le tireur a des tentacules et le corps recouvert de boursouflures verdĂątres. J’esquive, roule au sol et saute. Je dĂ©sarçonne un motard. J’appelle « Ctrl ». J’ai besoin d’aide. Trois agents apparaissent et la lutte est dĂ©jĂ  plus Ă©gale.
    Nous capturons un mutant mais il refuse de parler. Les agents m’expliquent ne pas pouvoir le ramener chez nous. Je passe une dizaine de minutes Ă  le torturer et apprends oĂč trouver ce fameux Chaudron.

Infos pour l’Organisation : le monde de la Bille est peuplĂ© mais je ne sais pas si ce sont des toxs issus de notre monde ou des gens qui sont « nĂ©s » ici. Certains ont manifestement mutĂ©, sous l’effet de la Bille ? J’ai localisĂ© le Chaudron.

Mission 4 :
    Random Connect : Varied Scarcities

    C’est un vaste marchĂ© fait de bric et de broc qui s’étend au fond d’un cratĂšre poussiĂ©reux et ensablĂ©. LĂ , je cherche La Magicienne. Soudain, une femme est prise d’un violent hoquet. Elle se tord de douleur et crache quelque chose de bien trop gros pour tenir dans sa gorge. C’est une
 arbalĂšte !
    C’est un signe. Je veux cette arbalĂšte ! La femme est sur la dĂ©fensive. Elle me dit vouloir ĂȘtre tranquille et me prĂ©vient que cette arme est Ă  usage unique. Je promets de la laisser tranquille si elle me donne l’arme.
    Il n’y a qu’un seul carreau. Je pointe l’arbalĂšte tout droit au-dessus de ma tĂȘte et tire, mais aprĂšs avoir gobĂ© une Bille. Le carreau monte trĂšs haut puis prend la direction des Abattoirs. C’est lĂ  que se cache La Magicienne.

Infos pour l’Organisation : La Magicienne se cache dans les Abattoirs. Avec de la Bille, je peux altĂ©rer la rĂ©alitĂ© de ce monde.

Mission 5 :
    Random Connect : The Earth Itself

    Ces Abattoirs ne ressemblent pas tout Ă  fait aux nĂŽtres. La viande suspendue aux crochets n’est pas morte. Elle attend d’ĂȘtre trempĂ©e dans un bain sombre dont l’odeur rappelle la Bille.
    La viande n’est pas morte et elle est agressive. J’esquive, je cours. Je me fie Ă  mon instinct et Ă  la Bille pour trouver mon chemin jusqu’à La Magicienne.
    J’ouvre une porte et manque de tomber dans un gouffre. Au fond souffle un vĂ©ritable ouragan. Sur le cĂŽtĂ©, La Magicienne, les bras croisĂ©s, scrute le fond d’un chaudron. Elle me laisse m’approcher et regarder.
    Dans le chaudron, il y a un Ă©pais liquide noir. C’est le mĂȘme Ă  partir duquel on fabrique la Bille. Je plonge la tĂȘte dedans et avale de grandes gorgĂ©es. Mais, sous l’eau, je vois un visage. Une femme plante son regard dans le mien. Quand je ressors la tĂȘte du chaudron, je sens un truc se tortiller dans mon cerveau.
    Quand je me tourne vers elle, La Magicienne affiche un air indiffĂ©rent. Je lui explique qui je suis et pourquoi je suis lĂ . J’explore le monde de la Bille pour le compte de l’ « Organisation ». Peut-elle m’aider ? Elle dit que non.
    « Ctrl » me dit de lui proposer un job. Elle doit beaucoup d’argent et l’ « Organisation » la paiera bien. Je transmets l’offre. La Magicienne a l’air triste. Elle accepte.

Infos pour l’Organisation : La Magicienne a acceptĂ© l’offre d’emploi. J’ai un truc vivant dans le crĂąne.

Mission 6 :
    Random Connect : The Earth Itself ?

    Ce n’est plus le dĂ©sert. C’est une forĂȘt. Est-ce une autre rĂ©gion du monde de la Bille oĂč ai-je atterri « ailleurs » ?
    J’aperçois une petite maison en ruine. Il y a de la lumiĂšre. Un feu est allumĂ© mais la maison est vide et ne montre aucune trace d’occupation rĂ©cente. Je m’approche du feu. Je gobe une Bille et une fine tige de fer apparaĂźt dans ma main. Je la fais tourner dans le feu et l’enfonce dans ma narine jusqu’à mon cerveau. Je farfouille pour dĂ©loger le « truc ».
    Flashback !
    Je me souviens avoir fait preuve d’altruisme. Une nana voulait du matos mais n’avait pas d’argent. J’étais en position de force et aurait pu exiger d’elle tout ce que je voulais. Elle me l’a mĂȘme proposĂ©. Elle m’a flattĂ©, caressĂ© dans le sens du poil et Ă©tĂ© prĂȘte Ă  tout pour sa dose. Mais j’ai refusĂ©. J’ai refusĂ© ses flatteries et tout ce qu’elle avait Ă  m’offrir. GĂ©nĂ©reusement, je lui ai donnĂ© sa dose parce que
 je ne suis pas un monstre sans scrupule. Je suis quelqu’un de bien.

Infos pour l’Organisation : c’est faux ! Je ne suis pas quelqu’un de bien et je n’ai agi que par pur orgueil. Ce n’était pas un acte de gĂ©nĂ©rositĂ©, ni de bontĂ©. Si cela avait Ă©tĂ© le cas, je ne lui aurais pas donnĂ© sa dose. Je lui aurais conseillĂ© de dĂ©crocher et donnĂ© l’adresse d’un centre de dĂ©sintox. Ce n’est pas la bontĂ© qui m’a poussĂ© Ă  agi ainsi, c’est l’orgueil, la fiertĂ© que j’ai ressenti de la voir s’humilier ainsi. Je n’ai pris ni son argent, ni son corps, ni ses flatteries. J’ai pris sa dignitĂ©. J’ai toujours ce truc vivant dans le crĂąne.

Infos pour l’Organisation 2 : d’aprĂšs l’ « Organisation, cette forĂȘt ne fait pas partie du monde de la Bille. Mais cela leur parait « intĂ©ressant » que ces mondes communiquent et je dois explorer cette forĂȘt.

Mission 7 :
    Random Connect : Une mangrove.

Une fois de plus, j’atterris dans cette forĂȘt. Je ne sais pas si c’est que le monde de la Bille ne veut plus de moi ou si c’est cette forĂȘt qui tient absolument Ă  ma prĂ©sence. J’ai atterri Ă  plat ventre dans cette boue. Je suis dĂ©gueulasse. Je relĂšve la tĂȘte. Il est lĂ . Il est vĂȘtu de peaux de bĂȘtes cousues un peu n’importe comment. Il porte plusieurs besaces en bandouliĂšre. Je ne vois pas son visage. Il porte un masque en peau Ă©galement, surmontĂ© de deux paires de cornes. Un cerf ou un daim. Un truc comme ça. Il me tend la main. Il ne dit rien. Il s’appelle Oriente.
Oriente ne parle pas. Enfin, il parle trĂšs peu. De toutes façons, il arrive Ă  parler sans ouvrir la bouche. Ce n’est pas de la tĂ©lĂ©pathie. Ce n’est pas non plus le genre de communication que je peux avoir avec « Ctrl ». C’est autre chose.
    L’ « Organisation » veut que j’explore cette forĂȘt. Oriente sera mon guide. Mais Oriente ne fait pas partie de l’ « Organisation ».
    Nous atteignons une portion de forĂȘt envahie par le brouillard. Oriente me fait signe de m’arrĂȘter. Il farfouille dans l’une de ses besaces et en sort une espĂšce de bĂąton avec des trucs qui pendouillent. Il se met Ă  parler dans une langue que je ne comprends pas. Il me dira ensuite que c’est la Langue Putride. La langue des Horlas. Mais en attendant, le brouillard se dissipe. Oriente m’explique que ce brouillard est en fait constituĂ© des spores vampiriques Ă©mis par un Horla-champignon. Je le crois.
    Oriente tend le bras dans une direction. Je dois continuer seul. Je marche tout droit jusqu’à un ossuaire. Plus j’avance, plus je me fais discret. Je vois deux personnes, deux femmes. L’une possĂšde un casque Ă  corne. L’autre exhibe une grosse bague. La premiĂšre porte de nombreuses marques de morsures un peu partout sur les bras. L’autre, celle Ă  la bague, saigne du nez mais les deux s’en fichent.
    J’écoute. Elles se plaignent que leur mĂ©moire est « à sec ». Elles en accusent la forĂȘt. La femme au casque montre alors une feuille. LĂ , elles lisent ensemble et Ă  haute voix. Il existe un lieu oĂč elles pourraient changer de vie
 et mĂȘme plus. Ce papier est-il une carte ? Je le veux ! Je bondis de ma cachette et saute sur celle au casque, celle qui m’a l’air la plus forte. L’ « Organisation » m’a dotĂ© d’un flingue. Je ne sais pas combien j’ai de munitions. Alors, je m’en saisis par le canon et fracasse la mĂąchoire de la femme. Puis, j’empoigne mon arme dans le bon sens et tire une unique balle. Pile lĂ  oĂč il faut pour qu’elle ne se relĂšve pas. Je me retourne vers l’autre. Elle est sans rĂ©action. Son visage affiche juste une trĂšs grande tristesse. Je tends la main et exige le papier. Mais elle refuse. Elle fait un pas en arriĂšre mais ne semble pas dĂ©cidĂ©e, pas capable, de m’attaquer. Je brandis mon flingue. Je tire.
    Je rĂ©cupĂšre la feuille sur son cadavre. Il s’agit bien d’une carte.
    Je rejoins Oriente. Je lui montre la carte. Je lui dis que c’est lĂ  que je veux aller. Mais avant, je dois faire mon rapport Ă  l’ « Organisation ».

Infos pour l’Organisation : Oriente parle la Langue Putride, la langue des Horlas. Il s’agirait des « monstres » peuplant la forĂȘt. Pour autant, Oriente ne me parait pas hostile. Je crois qu’on a pas besoin d’ĂȘtre un monstre pour apprendre cette langue. En tout cas, Oriente m’a l’air d’en savoir long sur pas mal de choses. Il n’est pas bavard et il faudra ĂȘtre patient pour lui soutirer ses secrets.

Infos pour l’Organisation 2 : j’ai mis la main sur une carte indiquant un endroit plus ou moins important. D’aprĂšs les propriĂ©taires de la carte, ce lieu permet de « changer de vie ». Je ne sais rien de leurs projets et plus personne n’en saura rien maintenant. Oriente semble capable de me conduire Ă  cet endroit.

Infos pour l’Organisation 3 : je tenais Ă©galement Ă  remercier l’ « Organisation » d’avoir acceptĂ© ma demande concernant la formation aux diverses techniques de MĂ©ditation. Pour l’instant, je fais des allers et retours plus ou moins Ă  ma convenance en direction de cette forĂȘt mais cela ne durera peut-ĂȘtre pas et il se pourrait aussi qu’il me soit difficile de m’approvisionner en Bille.

Mission 8 :
    Random Connect : un rivage.

    De retour dans cette forĂȘt, Oriente monte un campement de fortune au bord d’un fleuve. Nous avons marchĂ© longtemps. La nuit est brune. Il y a quelque chose de bizarre dans l’air. Il ne fait, ni chaud ni froid. Ni sec, ni humide. Je ne sais pas d’oĂč me viennent ces mots. Peut-ĂȘtre est-ce Oriente qui me les suggĂšre, mais je pense Ă  l’Emprise et Ă  l’ÉgrĂ©gore, mĂȘme si je ne comprends pas trop ce que cela implique. En tout, il y a de la magie dans l’air.
    Oriente n’a pas besoin de moi. Alors, je m’assois au bord de l’eau et je rĂ©flĂ©chis Ă  ce que je fais ici. Ça fait bizarre mais ça me demande un effort de me rappeler. Je me concentre pour organiser mes pensĂ©es et me souvenir que je suis en mission pour l’ « Organisation ». Je me rappelle vaguement le monde de la Bille et la Magicienne. Cela me semble si loin. MĂȘme notre monde me semble loin. En fait, cette forĂȘt commence Ă  me sembler plus rĂ©elle que tout le reste. Et je me surprends Ă  me forcer Ă  me rappeler que je ne suis pas d’ici. Je suis lĂ  en mission d’exploration. En quelque sorte, je dois cartographier cette forĂȘt. La carte ! Oui, je dois aussi trouver cet endroit qui paraissait si important Ă  ces deux femmes que j’ai tuĂ©es. Ça aussi, ça parait si loin.
    Je dois localiser cet endroit pour
 changer de vie

    Non ! Ce ne sont pas mes souvenirs. Ce sont ceux de ses femmes. Qu’est-ce qui se passe ? pourquoi cette idĂ©e apparaĂźt soudain dans ma tĂȘte et pourquoi elle essaye de s’y incruster, de s’y faire une place comme
 ce truc ?Et je songe que ça fait un moment que le truc en question ne s’est pas tortillĂ© dans ma tĂȘte. Et lĂ , je l’entends ricaner. Puis, une main sur mon Ă©paule. Oriente ! Quelqu’un est avec lui. Il porte une robe de bure. Il s’assoit Ă  cĂŽtĂ© de moi. Il dit :
    « Le bien s’envole sans une Ă©gratignure. C’est une faible supposition. La pyramide alerte le philosophe. C’est comique ! »
    Puis, il se lĂšve et s’en va. J’attends un moment puis je me lĂšve Ă  mon tour. Le moine n’est plus lĂ . Oriente est assis et allume un feu. Quand je lui pose la question, il m’explique que le moine parle la Langue des Oiseaux. Et il ne m’en dira pas plus ce soir.

Infos pour l’Organisation : en plus de la Langue Putride, il existe une Langue des Oiseaux. On comprends les mots mais il n’est pas forcĂ©ment Ă©vident d’en saisir le sens. Cette forĂȘt exerce une drĂŽle d’influence sur moi.

Mission 9 :
    Random Connect : la forĂȘt, en pleine nuit. Le vent souffle.

    J’ai mal dans ma tĂȘte. Le truc s’agite et me fait voir des choses. A travers les arbres, je vois des silhouettes, des ombres qui s’agitent. Le bruit du vent, c’est leur voix, leurs incantations. Le dĂ©sert, c’est le monde de la Bille. C’est
 chimique. La forĂȘt, c’est le monde de l’ÉgrĂ©gore et de l’Emprise. C’est
 magique. Et ça me fait peur, beaucoup plus que la chimie.
    Je veux autre chose. Oriente est lĂ  mais ne fait rien. Pourquoi ? Je me sens mal. J’ai peur de la magie. Alors, je m’en remets Ă  la chimie. Je gobe une Bille. La forĂȘt devient floue. Oriente et moi sommes toujours dans la forĂȘt mais ailleurs. Loin de ces ombres qui chantent comme le vent. Devant nous se dresse une pyramide du genre aztĂšque ou maya. Elle est recouverte de lianes et de racines. Je lĂšve les yeux. Des tĂąches noires flottent dans le ciel, sous la canopĂ©e. C’est liquide. Ces tĂąches sont constituĂ©es de l’ingrĂ©dient principal entrant dans la composition de la Bille. Je me tourne vers Oriente. A la place de sa tĂȘte, je lis le mot « cannibale » ! Il porte maintenant une lyre et se met Ă  jouer. Mais aucun son ne sort.
    Je regarde autour de moi. Nous sommes seuls sur les lieux. Je devine que cet endroit doit pourtant susciter bien des convoitises. Je n’ai aucune idĂ©e de ce qu’il peut bien y avoir Ă  l’intĂ©rieur de cette pyramide, mais ces flaques volantes
 J’appelle « Ctrl ». Je lui explique la situation, la nĂ©cessitĂ© selon de sĂ©curiser les lieux et de s’approprier cette ressource. J’explique aussi qu’il est possible que cette pyramide soit le refuge d’une bande de cannibales et que, peut-ĂȘtre, d’autres sont dĂ©jĂ  en route pour prendre possession de l’endroit. Par contre, je ne peux faire ça seul. Et puis, je ne crois pas pouvoir vraiment compter sur Oriente.
    « Ctrl », dans son infinie bontĂ©, accĂšde Ă  ma demande. Je suis toujours seul mais j’ai des armes et des munitions en quantitĂ© suffisante. Et ça tombe bien car j’entends du bruit venant de la forĂȘt. C’est EXACTEMENT ce que je craignais ! Des types venus d’on ne sait oĂč veulent faire main basse sur la pyramide et ces flaques volantes. Et moi, je suis seul, avec un Oriente hors d’état de nuire. Heureusement, je suis Ă©quipĂ© et prĂȘt Ă  les recevoir.
    Je n’attends pas leur autorisation, ni celle d’Oriente, pour leur tirer dessus. Je ne suis pas trĂšs douĂ© pour comprendre les tenants et aboutissants de cet endroit mais je le suis assez pour tirer dans le tas bien comme il faut. A voir leurs armes automatiques, je me doute que ce ne sont pas des autochtones. Mais je peux me tromper. En tout cas, je pense que, comme pour le monde de la Bille, on n'est pas les seuls Ă  pouvoir y accĂ©der. J’évite leurs rafales et me mets Ă  couvert. Je choisis une arme un peu plus puissante et vise le conducteur de leur 4x4. Le chauffeur perd la vie et le contrĂŽle du vĂ©hicule qui s’écrase contre un arbre. Balle perforante pour faire exploser le rĂ©servoir ! Et le 4x4 !
    La menace est passĂ©e. Je me tourne vers Oriente dont la tĂȘte affiche toujours le mĂȘme mot. Il continue de pincer les cordes de sa lyre muette. « Cannibale » ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne sais pas s’il veut me mettre en garde contre un danger ou s’il m’insulte. Pourquoi ne peut-il pas s’exprimer normalement ?
    Je sĂ©curise l’endroit. J’y pose les outils Ă©lectroniques fournis par « Ctrl ». C’est complĂštement hors-sujet dans un tel environnement mais « Ctrl » est certain que cela suffira Ă  leur garantir l’exclusivitĂ© de cette ressource planante. OK, moi, je ne fais qu’obĂ©ir aux ordres. Une fois fait, je me tourne vers Oriente. Je crois que je comprends.
    Je ne sais pas si les types sur le 4x4 Ă©taient des gens de la forĂȘt ou d’ailleurs. Mais, ce dont je suis sĂ»r, c’est qu’Oriente est bien un gars du coin. Cette forĂȘt est magique. Donc lui aussi doit ĂȘtre magique quelque part. et peut-ĂȘtre aussi que, finalement, il ne parle pas si bien que ça ma langue. AprĂšs tout, les langues des Oiseaux et Putrides lui semblent plus familiĂšres. Peut-ĂȘtre que j’ai tort d’attendre de lui qu’il me parle dans ma langue comme si c’était sa langue maternelle. Peut-ĂȘtre qu’il fait de son mieux pour communiquer avec moi et m’aider. Peut-ĂȘtre que je peux l’aider aussi ?
    Je gobe une Bille. La tĂȘte-mot d’Oriente frissonne. C’est maintenant ! Le vrai danger, le Cannibale

    Autour de nous, les arbres changent de forme. Ce sont maintenant des membres amputĂ©s et sanguinolents plantĂ©s dans la terre, terre qu’ils inondent de sang. Et de la pyramide sort un homme Ă  tĂȘte de chien. Il est nu, si ce n’est le chapelet de tripailles enroulĂ©es autour de ses Ă©paules et qui lui tombent sur le torse. Il n’a pas de bras. Des ses moignons, le sang coule Ă  flot mais cela n’a pas l’air de le dĂ©ranger. La lyre se met, enfin, Ă  faire du bruit. Le son est mĂ©lodieux mais la mĂ©lodie est trĂšs lente et triste. Je me suis donnĂ© Ă  fond contre les autres types et je ne suis plus au top de ma forme. Il me reste une partie du matĂ©riel fourni par « Ctrl » et une poignĂ©e de Bille. J’espĂšre que ça va suffire.
    Une Bille me permet de ralentir le canidĂ©-cannibale suffisamment longtemps pour prendre l’initiative et en profiter au mieux. J’en aurai d’autant plus besoin qu’une meute de chiens amputĂ©s, rampant sur leurs moignons ensanglantĂ©s, sort de la pyramide. Je touche l’homme-chien avec ma balle spĂ©ciale anti-clĂ©bard, ma « cani-balle » ! J’ai une chance pas croyable, Ă  moins que la mĂ©lodie jouĂ©e par Oriente y soit pour quelque chose, mais le Cannibale s’écroule net et les autres chiens regagnent l’intĂ©rieur en
 miaulant !
    Oriente a repris sa tĂȘte normale mais a toujours la lyre Ă  la main. Il continue de jouer pendant que je l’attrape par l’épaule pour nous Ă©loigner. J’ai fait ce que j’avais Ă  faire. Maintenant, l’ « Organisation » va envoyer d’autres agents pour finir le boulot.

Infos pour l’Organisation : communiquer avec Oriente n’est pas toujours Ă©vident mais je suis convaincu que malgrĂ© ça c’est un bon guide et que je peux compter sur lui. La pyramide a Ă©tĂ© sĂ©curisĂ©e conformĂ©ment aux instructions de « Ctrl » et l’ « Organisation » pourra trĂšs bientĂŽt profiter de cette nouvelle source de « je ne sais quoi » pour fabriquer de la Bille. Toutefois, et aussi idiot que cela puisse paraĂźtre, j’attire l’attention de mes supĂ©rieurs sur le fait que, non seulement cette forĂȘt communique avec le monde de la Bille, mais abrite Ă©galement une forme de vie constituĂ©e du composant principal de ladite Bille. La Magicienne est-elle au courant ?

Mission 10 :
    Random Connect : un chĂąteau !!!

    Je n’ai aucune idĂ©e de ce que l’ « Organisation » a mis en place autour de la pyramide. On m’a fait comprendre qu’il serait mieux vu que je ne pose pas de question. Jamais ! Alors, je n’en pose pas. Mais je m’en pose quand mĂȘme quand Oriente et moi approchons de ce chĂąteau.
    Le soleil se lĂšve. Une fois n’est pas coutume, la mĂ©tĂ©o n’a rien Ă  voir avec ce que nous connaissons dans notre monde. L’air est chargĂ© de cette magie qui façonne la forĂȘt et confĂšre au climat quelque chose de spĂ©cifique et indĂ©finissable. Toutefois, le ciel est couvert. Et j’ai faim ! Oriente propose que nous nous abritions dans ce chĂąteau, le temps de nous restaurer. J’accepte Ă©videmment.
    Ce qui est bizarre, c’est que ce chĂąteau n’est pas au milieu d’une clairiĂšre ou au sommet d’une butte. Il est en plein au milieu des arbres. Certains, d’ailleurs, traversent mĂȘme ses murailles et le toit de certaines de ses tours, pour celles qui tiennent encore debout.
    Le repas traĂźne un peu en longueur. J’avoue manquer de motivation Ă  l’idĂ©e de marcher dans ces bois pendant des heures. Puis, nous entendons du bruit Ă  l’extĂ©rieur. Oriente se lĂšve et s’approche discrĂštement d’une ouverture. Il me fait signe que deux personnes approchent. Il y a lĂ  un grand blond, plutĂŽt fin, voire maigre. L’autre, je ne sais pas trop si c’est un homme ou une femme. Mais il ou elle a les cheveux longs et mĂąchouille une de ses mĂšches. A voir leur accoutrement, nul doute que ce sont des natifs de cette forĂȘt. Ou, en tout cas, ils vivent lĂ  depuis longtemps.
    Le couple entre dans une piĂšce vide. Nous avons pris soin de nous cacher. Bonne surprise, il parle une langue que je comprends. Et ils parlent d’un trĂ©sor qui serait cachĂ© en ces lieux. Mais ils ne disent rien de la nature mĂȘme de ce trĂ©sor. Moins bonne surprise, ils restent lĂ  et commencent Ă  fouiller les lieux. J’aurais prĂ©fĂ©rĂ© qu’ils commencent leurs recherches ailleurs, que nous puissions quitter notre cachette.
    La patience n’est pas mon fort. Je craque et dĂ©cide de me montrer. J’ai mon arme Ă  la main mais ne la braque pas sur eux. Pour autant, je leur pose clairement la question quant Ă  l’objet de leur recherche. Ils se regardent, l’ai mĂ©fiant, et gardent le silence. LĂ , je braque mon arme en direction du blond. Bizarrement, ils ne semblent pas armĂ©s. En tout cas, ils ne rĂ©agissent pas. L’autre continue mĂȘme Ă  mĂącher ses mĂšches avec une certaine nonchalance. Je rĂ©itĂšre ma question. Que sont-ils venus chercher ici ?
    Entre deux mĂąchouillages, l’autre parle d’un coutelas mais refuse de m’en dire plus, ni de m’expliquer en quoi cet objet a une quelconque valeur. Je commence Ă  m’inquiĂ©ter un peu. Oriente est toujours dissimulĂ©. Et aucun des deux ne semblent vĂ©ritablement inquiet par la situation. Pourtant, je les menace de mon arme alors qu’ils n’en ont pas. Ça sent mauvais. Sans baisser mon arme, je contacte « Ctrl » et lui demande son avis sur la situation. « Ctrl » rĂ©pond immĂ©diatement. Je sens qu’il est tendu. Il me prĂ©vient aussi calmement que possible de prendre garde. La situation va se dĂ©grader trĂšs vite !
    Et lĂ , le sol et les murs se recouvrent de vers, de larves et asticots. C’est vĂ©ritablement dĂ©gueulasse. Le blond se baisse et passe la main au milieu de ces horreurs dans un geste plein de douceur. L’autre observe attentivement. Je regarde mes chaussures. Elles sont dĂ©jĂ  recouvertes de vermines. Je les secoues mais ça ne sert pas Ă  grand-chose. Quand je lui pose la question, l’autre m’explique que cet endroit est hantĂ©. C’est la demeure d’un Horla dont cette vermine est la manifestation.
    Le blond m’explique que ce truc est un Kukac. Ce Horla habite les insectes et autres types de vermines comme celle-lĂ . Elle ne pense qu’à se nourrir. Elle est capable de dĂ©tecter toute trace de vie jusqu’à plusieurs centaines de mĂštres. Il ne sert Ă  rien d’essayer de communiquer avec lui, mĂȘme en utilisant la Langue Putride. Toutefois, certains talismans permettent de le « dompter » provisoirement.
    C’est donc ça ? Ces deux-lĂ  possĂ©deraient de tels talismans. Ils ont peut-ĂȘtre d’autres amulettes, d’oĂč cette confiance en eux faisant qu’ils se moquent de mon arme ? En tout cas, le Horla parait pour l’heure inoffensif. Et le coutelas en question, est-il magique lui aussi ? Pas de rĂ©ponse !
    Je me sens coincĂ©. Je pourrais tirer mais j’ai peur que cela ne mette fin au contrĂŽle exercĂ© sur le Horla. Pour autant, puis-je vraiment laisser ces deux-lĂ  faire ce qu’ils veulent ? Et puis, me laisseront-ils partir en vie ? Et Oriente, oĂč est-il et que fait-il ? Je propose alors aux deux de les aider Ă  trouver ce coutelas. Je leur promets de le leur laisser. Tout ce que je veux en Ă©change, c’est pouvoir quitter les lieux en vie. Mais ma proposition ne leur convient pas. Que veulent-ils alors ?
    Et ils partent dans un dĂ©lire, m’expliquant qu’ils veulent connaĂźtre leur avenir et dĂ©couvrir l’emplacement d’un trĂ©sor et
 ça n’a aucun sens. OK, je braque mon arme sur celui, ou celle, aux cheveux longs et tire ! Il ou elle tombe Ă  terre en gĂ©missant. DĂ©jĂ , les vers commencent Ă  le recouvrir. On dirait que le contrĂŽle exercĂ© sur le Horla faiblit dĂ©jĂ . Je me tourne vers le blond qui, tĂ©tanisĂ©, ne s’attendait pas Ă  ça. Double headshot ! Il s’écroule au milieu des vers.
    Alors que je m’attends Ă  ce que le Horla, libĂ©rĂ© de tout contrĂŽle, s’en prenne Ă  moi, la masse grouillante n’en fait rien. Mais, une silhouette sort de l’ombre. Elle porte le mĂȘme costume noir que moi. C’est un agent de l’ « Organisation ». Il se prĂ©sente : « Agent spĂ©cial Sadler ». Dans sa main droit, un coutelas. Il s’approche de moi d’un pas rĂ©solu. J’ai la trouille qu’il ne me plante. Pourtant, je ne bouge pas. A ma grande surprise, il m’attrape par le bras et me fourre le coutelas dans la main avec pour consigne de le remettre Ă  l’ « Organisation ». Toutefois, il me demande de ne pas mentionner sa prĂ©sence en ces lieux.
    Éjection !

Infos pour l’Organisation : j’ai trouvĂ© ce coutelas dans un chĂąteau hantĂ© par un Horla. Il semblait de grande valeur pour les chasseurs de trĂ©sors Ă  qui je l’ai pris.

Mission 11 :
    Random Connect : un port en ruines.

    Oriente est lĂ . Nous longeons la riviĂšre et arrivons dans ce qui fut un petit port. Il y a les traces d’un campement rĂ©cent. Je commence Ă  remonter la piste mais Oriente me saisit par le bras et agite la tĂȘte. Son visage s’estompe et devient le mot « cannibale ». C’est une obsession chez lui ou quoi ?! Quoi qu’il en soit, je farfouille quand mĂȘme et trouve, dans ce qui reste du feu Ă©teint, des ossements
 humains !
    Il fait nuit et, comme souvent, il y a du vent. Par moment, j’ai l’impression que le vent est le langage de la forĂȘt au mĂȘme titre que la Langue des Oiseaux et la Langue Putride sont les langages de ceux qui la peuplent. Alors, la forĂȘt tente-t-elle de me dire quelque chose ? Je me tourne vers Oriente et lui trouve, malgrĂ© son masque, un air des plus circonspects.
    Je demande Ă  Oriente de rallumer le feu. Je veux que nous fassions halte ici car le truc dans mon cerveau s’agite Ă  nouveau et me fait mal. Il me montre une chauve-souris du doigt et s’assoit autour du feu. Il me dit alors que les hiboux ne sont pas ce qu’ils paraissent. Et pour cause, il m’a montrĂ© lĂ  une chauve-souris. J’ai trop mal Ă  la tĂȘte pour essayer de comprendre ce qu’il cherche Ă  me dire.
    Je me suis finalement endormi. Et je suis rĂ©veillĂ© par des voix. Oriente est en plein discussion avec des gens. Ils ont des chevaux et autres animaux de traits. Il s’agit d’une caravane nocturne. Je fais semblant de dormir et Ă©coute leur conversation. Un membre de la caravane me montre du doigt et explique qu’ils se rendent vers mon destin fatal. Oriente ne rĂ©pond rien. Il Ă©coute attentivement. Le gars parle d’un phare. Il veut m’y emmener.
    Je me lĂšve et lui demande alors pourquoi il veut m’emmener si mon destin doit ĂȘtre fatal. Mais il refuse de me rĂ©pondre. Il fixe Oriente et rĂ©pĂšte que je dois partir avec eux. Ils sont nombreux. MĂȘme armĂ©, je ne suis pas du tout certain de faire le poids. Et il ne me reste que deux Billes. Et Oriente n’a pas l’air dĂ©cidĂ© Ă  prendre mon parti. Est-ce la fin pour moi ? Je botte en touche. Je demande quelques instants au type et contacte « Ctrl ». Que dois-je faire ?
    Je crois que je pĂąlis. « Ctrl » m’ordonne de suivre ces types. Il me dit que tout cela, ma mission, n’était qu’une diversion. Il m’ordonne d’échouer, volontairement. Est-il vraiment en train de me demander de mourir ? Juste parce que le vĂ©ritable objectif de l’ « Organisation » viendrait d’ĂȘtre atteint et que je ne leur servirais plus Ă  rien ? Non, se dĂ©fend « Ctrl », au contraire ! Certes cette mission d’exploration de la forĂȘt n’était qu’un prĂ©texte, une couverture dissimulant un autre plan. Mais cette mission a sa propre importance et doit ĂȘtre menĂ©e Ă  bien. Et pour ça, je dois suivre ces types. Bon, je veux bien Ă©chouer mais
 pour Ă©chouer, il faut tenter quelque chose. Alors, je prends mon flingue et tire dans le tas, sans mĂȘme prendre la peine de viser. Maintenant, soit ils me tuent, soit ils m’embarquent.
    Ha ! MĂȘme sans viser je fais mouche ! Et eux sont plus mauvais que je ne le pensais. Vraiment, ce sont des marchands, pas des soldats. A ce rythme-lĂ , je sens que ça va ĂȘtre long d’échouer. Alors, je me prends volontairement les pieds dans une racine. Je m’écroule et les laisse me sauter dessus. Quelqu’un m’assomme et ça a le mĂ©rite de stopper net le truc qui s’agite dans mon cerveau.

Infos pour l’Organisation : j’aurais aimĂ© ĂȘtre informĂ© des tenants et aboutissants de cette mission. J’aurais moins eu cette dĂ©sagrĂ©able impression d’ĂȘtre un pion.

Mission 12 :
    Random Connect : un phare !

    Je me rĂ©veille Ă  l’intĂ©rieur d’une piĂšce circulaire. Je devine qu’il s’agit d’un phare. DU phare. Évidemment, je suis attachĂ©. Oriente est lĂ , lui aussi, mais il est toujours inconscient. Je crois que je vais essayer d’oublier les derniĂšres heures et le fait qu’il n’a rien fait pour me venir en aide. AprĂšs, je suis Ă©tonnĂ© qu’il soit ligotĂ© lui aussi. Je pensais que ces types lui rĂ©serveraient un autre sort. En fait, je suis mĂȘme Ă©tonnĂ© qu’il soit lĂ . Mais j’ai un autre souci. J’ai besoin de Bille, maintenant !
    Je tire sur mes liens et parviens Ă  suffisamment les distendre pour me libĂ©rer et gober une Bille. Je me sens mieux. Il ne m’en reste plus qu’une. Il va falloir la jouer Ă  l’économie ou
 en payer les consĂ©quences.
    On cogne Ă  la fenĂȘtre. C’est
 le vent. Avant mĂȘme de libĂ©rer Oriente, je m’approche et ouvre la fenĂȘtre. Le vent s’engouffre et sans vraiment comprendre les mots qu’il emploie, j’en comprends le sens. Il chante mon Ă©pitaphe. Vais-je vraiment mourir ici ?
    Je ne me dĂ©cide pas encore Ă  libĂ©rer Oriente. Avant, je rĂ©cupĂšre la carte que j’ai prise aux deux femmes. Je regarde l’endroit oĂč elles voulaient se rendre. Ce n’est pas un phare mais
 sous mes yeux, le dessin change et indique
 un phare ! Je gobe ma derniĂšre Bille en espĂ©rant que la carte change encore mais


    
 Je suis ailleurs
 je suis autre
 je ne comprends rien
 je comprends tout. Non, je ne comprends rien. Je me souviens. Les deux pieds dans la terre, mes racines profondĂ©ment enfoncĂ©es dans cette terre gorgĂ©e d’ÉgrĂ©gore, j’ai vu ! Qu’ai-je vu ? Je ne m’en rappelle pas. Il faudrait que je m’enfonce encore plus dans la terre, que je m’enterre
 Il faudrait que je dĂ©ploie mes branches, que je les offre au vent.
    Je me rappelle de tout. Je ne me rappelle de rien. Je crois que le truc dans mon cerveau est en train d’éclore mais ça ne me fait pas mal. Au contraire


Infos pour l’Organisation : Ă©jection ! ÉJECTION !!!

Commentaires de Thomas :

A. « Elle se tord de douleur et crache quelque chose de bien trop gros pour tenir dans sa gorge. C’est une
 arbalĂšte ! »
Celle-lĂ  je l'ai vraiment pas vu venir XD

B. « Je gobe une Bille et une fine tige de fer apparaĂźt dans ma main. Je la fais tourner dans le feu et l’enfonce dans ma narine jusqu’à mon cerveau. Je farfouille pour dĂ©loger le « truc ». »

ça me fait tellement penser à un test Covid :p

C. « La viande suspendue aux crochets n’est pas morte. Elle attend d’ĂȘtre trempĂ©e dans un bain sombre dont l’odeur rappelle la Bille.
    La viande n’est pas morte et elle est agressive.  »

Je trouve que c'est une tellement chouette Ă©vocation de la Viande Noire

D. « Dans le chaudron, il y a un Ă©pais liquide noir. C’est le mĂȘme Ă  partir duquel on fabrique la Bille. Je plonge la tĂȘte dedans et avale de grandes gorgĂ©es. »
J'adore le comportement totalement irrationnel du PJ

E. « J’ai refusĂ© ses flatteries et tout ce qu’elle avait Ă  m’offrir. GĂ©nĂ©reusement, je lui ai donnĂ© sa dose parce que
 je ne suis pas un monstre sans scrupule. Je suis quelqu’un de bien. »
Je crois que cette partie est ta plus drĂŽle que j'ai jamais lu :)

F. « Je n’ai pris ni son argent, ni son corps, ni ses flatteries. J’ai pris sa dignitĂ©. »
C'est tellement fort. Tu es dans une forme olympienne sur ce solo.

G. « Je touche l’homme-chien avec ma balle spĂ©ciale anti-clĂ©bard, ma « cani-balle » ! »
On est en plein dans la langue des oiseaux.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie crĂ©ative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#100 08 Feb 2024 15:28

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [SystĂšmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

ÉCUREUIL BLANC

la promesse d'un écureuil et la lutte aux cÎtés de Wagner le cosaque pour la Makhnovchtchina. Un récit de partie par Claude Féry.

Temps de lecture : 2 mn

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(image par Dall.e)

Toutes les photos suivantes sont de Claude FĂ©ry (par courtoisie).


Joué le : 25/07/2020

Le jeu : Pour la Commune par Nitz, un jeu descendant de la Reine pour rejouer le Grand Soir.



L'histoire :

Cette aprĂšs-midi nous jouerons les pages 24, 35, 40, 41 et 42 de notre carnet Écheveuille encore avec le systĂšme de rĂ©solution l'inflorescence puis avec Pour la commune, nous jouerons l'instance de Wagner le cosaque selon ce livret.

Nous n'avons joué que la page 35 et Pour la Makhnovchtchina.

Nous avons tenté de remémorer à l'écureuil sa promesse faite à Rayon de soleil puis changeant de tactique nous avons obtenu qu'il nous guide.


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Xavier a joué blanc écureuil le moment venu, (nous jouions en transparence).

Le Furet a récolté la balle perdue du maton qu'a éliminé Wagner.

Dans un second temps Pour la Makhnovchtchina nous avons lutté aux cÎtés du cosaque Wagner pour voir notre cause triompher.

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Nestor Makhno en 1921 (domaine public)


Thomas :

Encore un grand merci pour ce nouveau retour de partie ! Je constate qu'Ă  chaque sĂ©ance vous ne jouez qu'une ou deux fiches d'Écheveuille. Le vois-tu comme une rĂ©ussite (i.e. les fiches sont Ă  haut potentiel ludique / c'est cohĂ©rent avec vos habitudes de jeu qui tournent autour d'une ou deux scĂšnes par sĂ©ance) ou comme un Ă©chec (i.e. la promesse de profondeur d'Echeveuille ne serait pas atteinte Ă  ta table) ?


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Claude :

Je considùre qu'Écheveuille offre un trùs haut potentiel ludique.
Et avoir joué le contenu principal ou manifeste d'une page du carnet ne signifie pas qu'on en a épuisé le potentiel tragique ou dramatique.


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Le format de nos sessions est court en fiction (rarement plus de 2 heures) mais je pense intense.
Le découpage est lié à nos disponibilités, pas nécessairement à notre volonté de couper court.
Respecter l'horaire convenu permet de renouveler réguliÚrement l'expérience, quitte à écourter un arc narratif ou à en reporter la mise en jeu.


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