Arbre est le troisième système pour jouer à Millevaux. Il se focalise sur l'exploration, l'ambiance, le chair et sang, et la micro-gestion de ressources.
Comptes-rendus :
* : partie enregistrée
** : partie enregistrée, sans compte-rendu écrit
1. Balade pour un Missile
(campagne Balade pour un Missile 1/5)
2. L'Envers du Sommeil
(campagne Balade pour un Missile 2/5)
3. Les ForĂŞts Limbiques
(campagne Balade pour un Missile 3/5)
6. Les Tréfonds
(campagne Balade pour un Missile 4/5)
7. Face au Roi en Jaune
(campagne Balade pour un Missile 5/5)
9. La Traque
(Animalia, 2ème test)
10. La Source
(Troisième séance d'Animalia, premier test des codes de sécurité.)
11. Le Manoir
(S'installer dans un château abandonné : un épisode-pilote réussi)
12. Balade pour trois zonards
(Mad Max & Tarentino, scènes gourmandes, chaudes et poisseuses pour ce deuxième test de Balade pour un Pick-Up)
13. Tunnel Poursuite
(Nouvelle incursion dans le tunnel sous la manche, un système de résolution narratif efficace mais qui me laisse un arrière-goût de manque.)
14. Pour elle
(Nouveau playtest de Balade pour un Pick-up : la beauté des techniques de fusion.)
15. Styx
(Premier test de la règle du Goupil, premier test du cadre de campagne Les Tréfonds, pour une plongée crapoteuse dans les bas-fonds de Métro.)
16. Les Jardiniers Fous
(Deuxième test du bac à sable Les Tréfonds, premier test de la résolution par choix mortels, réflexions sur la gestion de l'humour.)
17. Balade pour une tribu *
(Quatrième test du bac à sable Balade pour un missile, quand la virée tourne au cauchemar)
18. La Lande *
(Une nouvelle forêt pour Arbre : La Lande, désert de sel, de vent et de désolation.)
19. Monstres en famille
(Quatrième test du bac à sable Animalia. L'élégance des tours invisibles.)
20. Cobayes en cavale
(Deuxième test de La Lande, pour une échappée humain-animal, où les règles montrent leur aboutissement.)
21. Retour au Laboratoire
(Suite de Cobayes en Cavale, un épisode imprégné d'amour, de compassion, de haine et de mort.)
22. Vampires de Morinie
(Premier test d'un scénario où l'on joue des vampires clochards dans un convoi de réfugiés ! )
23. À l'intérieur de la nuit *
(La découverte douloureuse de la condition vampirique au cours d'une nuit sans fin.)
24. L'Éden.
(Troisième session de La Lande, de la jungle, du râpeux, du manimal, du mindfuck, pour le dernier test officiel du jeu avant sa finalisation ! )
25. Animalia **
Quand des éleveurs de chiens de chasse se réveillent séparés de leur meute dans un étrange village qui obéit à un code inquiétant, qui questionne le rapport entre l’humain et l’animal.
Hors ligne
BALADE POUR UN MISSILE
Joué le 07/09/2013 avec Anna (Ezekiel), Melody (Elizabeth) et Martin (Lahache)
« Ce système ne me convient pas pour explorer Millevaux. ». C’est ce que j’ai souvent entendu pour Millevaux Sombre, pour Inflorenza, et même pour les anciens systèmes que j’employais avant. L’univers de Millevaux était trop fouillé (fouillis) pour se contenter d’un seul système. J’avais Sombre, parfait pour de l’horreur survivaliste sous l’angle ludiste, j’ai ensuite eu Inflorenza, pour l’horreur épique centrée sur l’histoire. Mais ni l’un ni l’autre ne permettait d’explorer Millevaux. Sombre limitait l’exploration à des huis-clos mortels. Inflorenza, en donnant la main aux joueurs pour imaginer l’univers, les dépossédait de l’exploration. Il fallait un troisième système, entièrement dédié à l’exploration. Lâchons le mot : il fallait qu’il encourage la démarche créative simulationniste.
(dessin : Ezekiel, par Anna)
Alors Arbre est né pour satisfaire les attentes de certains joueurs et pour moi-même redécouvrir Millevaux. C’était en mars, avril. Entre la publication du Livre Source de Millevaux Sombre et les playtests d’Inflorenza, je n’avais pas le temps de playtester. J’ai noirci deux pages de notes puis laissé retomber le soufflé.
Arrivé à la rentrée, je n’ai plus besoin de tester Inflorenza. Je suis en train de tester mes scénarios Sombre Zero pour Putride N°2, mais je les avais déjà tous testés avec mon groupe habituel. A l’occasion de se remettre à table , j’ai ressorti ce vieil Arbre de son tiroir.
Voici le cahier des charges :
+ La priorité, c’est d’explorer l’univers.
+ C’est un jeu d’ambiance et c’est « chair et sang », basé sur l’attrition.
+ C’est un jeu de rôle traditionnel. Le MJ, c’est le boss. Il permet aux joueurs d’explorer en révélant l’univers au fur et à mesure des errances des PJ.
+ C’est un jeu de rôle à la saveur old school. Il s’adresse aux joueurs qui ont de la bouteille et recherchent une approche nostalgique.
+ C’est fait pour faire des séances longues (min. 3-4h) et de la campagne. On ne calcule pas la fin des parties comme dans Sombre ou Inflorenza. On mange dans le sandwich tant qu’on a faim, ensuite on le repose pour le reprendre la prochaine fois.
+ C’est sans préparation. Le MJ assimile l’univers puis écrit son bac à sable en même temps que les joueurs créent leurs persos.
+ La mortalité est contrôlée. On a des chances de garder le même perso jusqu’à la fin de la campagne, de plus en plus sale, de plus en cabossé. On descend aux enfers, on crève pas au premier round.
+ C’est diceless. On joue avec des cartes écrites par les joueurs. Ces cartes, ce sont des post-it ou des feuilles de bloc notes. Une carte = un mot. On fait de la simulation avec un système simple et free form. Rien n’est chiffré. Pas d’inventaire, de listes d’effets.
+ Le jeu est basé sur la micro-gestion du matériel. Tout est matériel. Ton équipement, tes provisions, tes véhicules, tes animaux, mais aussi tes amis, tes amours, tes emmerdes. C’est un jeu d’attrition parce que le rôle du MJ, c’est de taper dans ta réserve de cartes.
Ce cahier des charges ne devrait pas beaucoup varier.
Les règles
La feuille de personnage, c’est sept compartiments : cœur, crâne, mémoire, viande, viscères, matériel, microcosme. Hormis certains compartiments invalides (le joueur se choisit des infirmités à la création), chaque compartiment contient des cartes écrites par le joueur, comme « fusil », « chien », « Marion », « mal de ventre », « pistage ». Les cartes changent de signification selon le compartiment où elles se trouvent.
Le MJ a aussi une feuille de perso, qui couvre la forêt toute entière et constitue son scénario bac à sable. Il a aussi 7 compartiments : hommes, bêtes, horlas, nature, outils, corruption, égrégore.
Le jeu alterne entre deux phases. Au début de chaque phases, toutes les cartes sont face cachée :
+ Phase d’Ambiance : Y’a pas de rounds ou d’initiative. On est dans du jeu lent, du jeu d’ambiance. A chaque fois qu’un perso ou que le MJ révèle un de ses aspects, il retourne une carte (ex : je sors mon flingue, je dévoile ma carte « flingue » dans le compartiment Matériel. Je parle de ma tante décédée, je dévoile ma carte « tante » dans le compartiment Mémoire. Le MJ parle d’une rumeur sur des pillards qui zonent dans le coin, il dévoile sa carte « pillards » dans le compartiment Hommes.
Pour faire des tests de compétence, le joueur doit prouver que son perso est capable de réussir parce qu’il a l’équipement ad hoc. Tu veux monter dans un arbre, tu dévoiles ta carte « corde », tu veux enquêter sur la mort de ton père, tu dévoile « père », etc… Tout le troc, l’acquisition de nouveau matériel, la découvertes de nouvelles choses se fait par échange de cartes avec le MJ (qui peut créer jusqu’à trois cartes à la volée, sinon il tape dans ses compartiments).
+ Phase de Mêlée : C’est quand il y a un gros truc qui se passe et tout le monde agit, ou alors un moment où tout le monde fait des actions étendues. Ça se déclenche quand le MJ ou tous les joueurs ont dévoilé 7 cartes ou sur un déclenchement forcé (un joueur ou le MJ enterre volontairement une carte). Il y a un plateau au milieu du jeu avec une série d’actions. Dans le désordre : détruire, enterrer, déterrer, cacher, dévoiler, traîner, pétrifier, donner, chasser, troquer. Toutes ces actions ont une traduction dans la fiction et un effet sur les cartes. La mêlée se déroule en un round unique où chaque joueur mise sur une action, le MJ mise sur 1 à 3 actions. La mise, c’est des cartes dévoilées (« pelle » pour enterrer, « biceps » pour pétrifier…) et des cartes cachées pour faire monter la mise, mais qui sont alors sacrifiées.
Toutes les actions consistent à faire circuler des cartes entre les compartiments des joueurs, du MJ, le cimetière et une zone de non-retour où vont les cartes détruites. Les cartes sont aussi des points de vie ! A chaque fois que le compartiment d’un PJ est vidé de ces cartes, le compartiment est fermé, invalide. Un PJ qui n’a plus que deux compartiments valides meurt. Quand au MJ, si un de ses compartiments est vidé de ses cartes, il ne devient pas invalide mais le MJ perd une action lors de la prochaine mêlée.
La fiction :
Nous avons situé l’intrigue de cette séance juste à la suite de notre partie de Barbaque !, un scénario pour Millevaux Sombre Zero. Cette transition d’un système vers l’autre illustre les différences de braquet entre les deux : Sombre pour le survival court, Arbre pour la campagne à PJ récurrents.
Les joueurs ont créé leur perso, et moi mon bac à sable. En tout vingt minutes. On a ensuite joué 4 à 5 heures. On commence, toutes les cartes sont face cachée. Je sais pas ce que les joueurs ont écrit, ils savent pas ce que j’ai écrit.
Ezekiel l’albinos (Anna) vient de Métro, marchant sur la Voie Déchue, couvert de poussière. Elizabeth la rousse hirsute (Melo) marche aussi sur la Voie Déchue, mais elle vient de la Saxe, plus exactement du port pirate de Rottendam. Quand à Lahache (Martin), le bûcheron, il vient de la forêt. Ils se rencontrent parce qu’ils ont été attirés par la même chose : le buggy de Julio. A bord, les cadavres égorgés de Julio, Moïse, Lavoie et du chien Enrique, couverts de mouches. Sur la plateforme, une mystérieuse malle noire. Partant du buggy, des traces de sang et des pages d’almanachs abandonnées.
Lahache pète le cadenas de la malle. (système : il dévoile sa carte « Hache » en Matériel) Elle contient… un missile ! Il porte d’indéchiffrables inscriptions en alphabet cyrillique. Le groupe se met d’accord pour exploiter ensemble la découverte du buggy et du missile. Personne n’a envie de se battre à mort ou de gérer seul ce riche mais dangereux fardeau (système : le groupe a un compartiment en commun, Crâne, qui indique une association de raison, un but commun).
Ezekiel dégage les cadavres. Sauf celui du chien. Lahache le coupe en trois et partage (système : Le MJ crée une carte « Chien » et la donne à Lahache. Mais Lahache montre sa carte « Hache », il lui rend la carte « Chien » et le MJ lui refait trois cartes : « Tête du Chien », « Torse du Chien » et « Cul du Chien », et Lahache les distribue aux autres joueurs). Ezekiel prend le volant du Buggy (système : le MJ prend la carte « Buggy » dans son compartiment Outils et la donne à Ezekiel qui la met en Matériel), Elizabeth et Lahache montent à bord. Après un débat entre deux destinations, Métro et la Saxe, le groupe vote pour Métro, une ville où il serait possible de revendre le missile à bon prix.
Le buggy repart vers l’ouest. Dans leur rétro, ils voient un quad qui s’approche, ils accélèrent. Lahache observe dans le rétro (système : il dévoile sa carte « œil de lynx » en Viscères) ; en fait les gars en quad sont des carjackeurs, il les voient attaquer un véhicule garé sur le bas-côté. Sur la route, un panneau de bois cloué sur un panneau d’aire de repos : Auberge Campagnile. Ça tombe bien, c’est l’heure du déjeuner, personne n’a envie de manger de chien, on s’arrête. Le parking bétonné est désert. L’auberge, installée dans les ruines d’un restoroute, est barricadée, conçue pour tenir un petit siège. Ezekiel planque le buggy (système : il mise une carte sur l’action « cacher ») et c’est bien parce que plus tard les pillards en quad feront un rapide tour de piste sur le parking.
Le groupe fait connaissance avec les aubergistes, le truculent Briochon et la plantureuse Croûtelle, très gentils, très bavards, très bizarres. Lahache paye Croûtelle avec un torse de chien pour planquer la malle (système : il mise « torse de chien » sur la carte « cacher ») dans l’écurie sous la paille. Il y a un autre convive… Mr Clément.
Mr Clément est un sympathique vendeur d’almanach. Sauf qu’en vrai sa nuque est infestée par un Ver Vorace qui en fait un psychopathe amateur de chair humaine. Mr Clément fait tout pour sympathiser avec les PJ qui forcément le trouvent chelou (Mr Clément a becqueté les occupants du buggy, dont deux étaient les anciens PJ d’Anna et Martin). Il propose d’écrire leur épopée et de les accompagner dans le buggy. Quand aux aubergistes, ils assaillent les PJ de questions. Ils veulent en savoir un maximum sur eux pour leur préparer une tartacroûte « personnalisée ». En fait, ces larrons ne sont pas que des bocuses en herbe, ce sont des gastromanciens. Des sorciers de la bouffe. Ils servent des tartacroûtes envoûtées. Celle qui fonctionne le mieux, c’est celle de Lahache, qui le force à prendre sauvagement Croûtelle dans la pâte à tarte, à deux reprises.
En faisant une inspection des alentours (système : pendant une Mêlée, Melo mise des cartes sur l’action « chasser »), Elizabeth se fait infecter par un Ver Vorace accroché à une gouttière. Mr Clément l’accoste et lui explique sa vraie nature. Maintenant, ils sont pareils. Le truc, c’est qu’Elizabeth n’a pas de compartiment Crâne. Sa tête est trop dure pour que le Ver agisse sur son cerveau. Il est dans sa Viande mais ne peut pas la manipuler. Elizabeth finira par l’extraire avec sa carte « Couteau ». Mais en attendant, les PJ ont officiellement compris les plans de Mr Clément : les bouffer tous. Ils comprennent aussi que les aubergistes sont pas des marmitons ordinaires. Ils arrivent à entraîner tout le monde sur le parking pour une grande confrontation.
On provoque une Mêlée. Dans la baston, Mr Clément ouvre la gorge de Croûtelle, puis Briochon explose Mr Clément à coup de fusil. Elizabeth immobilise Briochon et Lahache lui prend la carte « fusil » et la carte « mitraille » qui va avec. (système : le MJ créé ces deux cartes à la volée pour les donner). Lahache donne ça à Elizabeth et il récupère la malle. Briochon avait remplacé par un cadavre de chevreugne, mais pour éviter les baffes, il révèle où était le missile, planqué dans la paille par précaution. Le groupe repart alors avec le buggy avec la malle, le missile et le chevreugne, laissant sur place Briochon, dévasté.
Résultat, le soir, il faut bivouaquer. Ezekiel arrête de conduire et on campe en forêt hors de vue du bas-côté de la Voie Déchue (pour éviter les pillards en quad qui zonent et attaquent les dormeurs). Moi, dans la dernière Mêlée, j’ai récupéré des cartes que Melo a misées. Deux noms de PNJ qu’elle avait dans son Cœur. Karl le chasseur, et Tara. Ils croisent Karl le chasseur. C’est lui qui livre du gibier à l’auberge. A discuter, c’est un gars tout ce qu’il y a de plus réglo, du coup on l’accepte dans le bivouac. Mêlée. Le groupe mange le chevreugne, mais ce dernier est trop faisandé. Je viens de miser sur l’action enterrer et j’attaque les Viscères des PJ. Ezekiel n’a pas de Viscères, ça ne lui fait rien mais Elizabeth et Lahache perdent chacun deux cartes de ce compartiment. Lahache sacrifie « très bonne assimilation » et « œil de lynx » : ce chevreugne daubé vient de lui flinguer sa flore bactérienne et sa vue ! Elizabeth mise sur dévoiler et vise le Cœur de Lahache. Lahache dévoile la carte « amitié fraternelle » et lui raconte les sentiments profonds qui l’unit à son frère.
On essaye de dormir. Mais pendant le premier tour de garde, on repère un sapin-goule dont les aiguilles tranchantes s’agitent. Le groupe se met en branle, mais trop tard pour Karl qui se fait hacher menu.
Du coup, le groupe lève le camp. Tant pis pour le dodo ! Marly-Gomont n’est pas loin, le buggy s’y rend à route forcée. Dans la fangeuse ville champignon, carrefour des Voies Déchues, il s’agit de s’organiser. Elizabeth paye le parking sécurisé pour le buggy en donnant sa carte « Fusil » au gardien. Ce dernier sent sa nervosité et insiste pour avoir aussi la carte « Mitraille ». A Marly, tout s’achète. La ville va grignoter leurs compartiments presque plus vite que la forêt. Il faut trouver un contact en affaire, parce que convoyer le missile à trois jusqu’à Metro, ça sera vraiment trop risqué. Je suggère Tara, contact d’Elizabeth (j’avais récupéré cette carte de son Cœur). Melo ne savait rien au sujet de ce PNJ à part son nom. Je brode alors que c’est une contrebandière de haut niveau, une slave, disciple de Khlyst. Elizabeth a fait affaire avec elle à Rottendam. Elle est très forte mais indigne de confiance à cause de sa religion axée sur le péché. Ezekiel la connaît aussi, de réputation. Tara a quitté Rottendam pour Marly quelques temps avant Elizabeth. Elle s’est installée dans une yourte au milieu des bidonvilles de Marly, avec ses deux gardes du corps, des cosaques pas jouasses et gueules cassées.
Ezekiel recopie les inscriptions en cyrillique du missile (système : je lui crée une carte « copie des inscriptions ») et le groupe va voir Tara avec ça. Leur amorce, c’est de demander à Tara de traduire vu qu’elle est slave, ça donnera une base. Mais Tara flaire le gros coup. Elle refuse les cartes de troc qu’on lui propose, elle veut en guise de paiement être mise au parfum de toute l’affaire, s’associer avec les PJ en somme. Elle est manipulatrice, érotique, dangereuse. Finalement, les PJ prennent congé sans lui laisser ni inscriptions à traduire ni promesse de marché.
La tension monte parce que maintenant Tara sait qu’un truc se trame. Les PJ vont à l’auberge dans l’église fortifiée de Marly (qui arbore maintenant à son fronton la tête coupée de Desireless, kamikaze expiatiste !) et payent l’aubergiste pour de la bière de lichen, et surtout pour des infos. Il s’avère qu’il y a moyen de faire affaire avec trois autres factions :
+ La Musaraigne, correspondant local de la Guilde de Châtelet, une mafia qui ceinture tout le trafic entre Métro et Marly.
+ les Templiers, qui encadrent les pélerins en route vers Compostelle.
+ L’Ost de Guerre, armée de chevaliers errants en provenance de Germanie , qui progresse vers l’Ouest pour une mystérieuse raison. Paraît qu’ils recrutent, et c’est la plus formidable force de frappe de la région.
On se promet d’aller passer un entretien avec chacune des factions et on se quitte là -dessus. La dangereuse balade pour un missile ne fait que commencer !
Les plus du playtest :
+ Déjà , on peut jouer. J’avais aucune assurance que ma première mouture d’Arbre tienne la route. Cette séance était un playstorming où j’ai changé pas mal de trucs à la volée sur mes intuitions et celles des joueurs.
+ Avec la circulation des cartes, je tiens un truc. Le geste physique de se passer des cartes, ça appuie le sentiment d’y être, de micro-gérer ses ressources en vrai. Plein de souvenirs : la tête que Melo a faite quand je lui ai demandé de me passer la carte « Mitraille » en plus de la carte « Fusil », la distribution des parts de chien, l’attribution de la carte « Buggy » et de la carte « Malle », le « j’te la donne, j’te la donne pas » entre Anna et Tara avec la carte « inscriptions ».
+ Le principe des compartiments et des cartes cachées est super évocateur. Quand Melo dévoile une carte du Cœur de Martin pour avoir une confidence, super. Le fait que moi-même, le MJ, je découvre les PJ au fur et à mesure, super. Toutes les saloperies de mon bac à sable planquées dans mes compartiments, super. En fait, pour jouer des bacs à sable sans préparation, c’est presque une martingale. Je visais le « Oltrée ! » du Grümph, mais avec zero préparation.
Les moins :
+ Pendant les phases d’Ambiance, ça tourne impeccable, c’est très proche des tests de compétence classiques, avec des cartes au lieu des dés. Mes bons souvenirs viennent de là . En revanche, c’est une phase de power gaming, où je donne aux joueurs des cartes créées à la volée ou issues de mes compartiments, sans leur prendre grand-chose en échange, à part vers la fin, à Marly, où j’ai commencé à faire payer plus cher. Martin m’a signalé qu’il ne craignait pas pour la vie de son perso. L’attrition aurait pu être plus sévère.
+ Pendant les phases de Mêlée, c’est l’usine à gaz. Il faut demander aux joueurs ce qu’ils veulent faire et traduire ça sous forme d’actions qui ont des effets sur les cartes. Quand Ezekiel demande à fuir la zone en buggy, je vois pas quel impact ça a sur les cartes. Au final, je lui ai fais jouer « Pétrifier », qui bloque la mise d’un autre, en l’occurrence le MJ pour l’attaque de Mr Clément.
+ La Mêlée, c’est presque du pur jeu de plateau. On mise des cartes sur des actions, l’objectif c’est de perdre le moins de cartes en contrant les saloperies des autres. Deux risques : désolidariser les enjeux fictifs des enjeux mécaniques, et produire un jeu déséquilibré en faveur des PJ. Même avec trois actions, j’ai trouvé que le MJ en bavait. Il misait trop de cartes, et du coup laissait ses compartiments vides à la merci d’une attaque, et perdait donc des actions pour la prochaine mêlée. J’ai retesté en solo, même constat. Le MJ se ferait encore plus panner avec des joueurs pro de jeux de cartes ou de jeux de plateau. Si le deuxième risque peut être réparé en revoyant les mécanismes, le premier est très préoccupant. Je ne veux pas qu’un joueur fasse telle ou telle action juste pour niquer des cartes au MJ et se cherche ensuite une raison fictionnelle bidon. Cf article de Frédéric Sintes, L’Analogie du jeu d’échecs. Dans l’état actuel, la Mêlée (équivalent d’un combat avec rounds et initiatives dans les jdr classiques) ne fonctionne pas alors que l’Ambiance (équivalent d’un test de compétences ou de gestion de matériel), plus free form, est pas loin d’être au point.
+ L’autre truc qui cloche en Mêlée, c’est quand tu récupères tes cartes misées à la fin. Parce que soit tu dois te rappeler dans quel compartiment elles étaient (et on peut avoir jusqu’à 6 compartiments), soit tu remets dans les compartiments que tu veux au risque de contrarier la fiction. (genre j’ai une carte « balle » en viande parce que je me suis pris une balle et en la misant et en la récupérant, je la remets en Matériel. On peut raconter que la balle a été extraite, mais quel lien avec l’Action entreprise lors de la Mêlée ?)
Les pistes :
+ Lors d’un deuxième playtest en solo, j’ai amendé ainsi les règles de Mêlée : on peut miser des cartes dévoilées et des cartes cachées, mais les cartes cachées sont enterrées. Mais ça pose presque autant de problèmes que ça n’en résout. Notamment que les joueurs accumulent des mises de cartes dévoilées avec des justifications bidon : Pour tuer l’Ours, j’utilise les cartes dévoilées Hache + Entonnoir + Mal de tête + Bisou. What the fuck ? Les joueurs les plus verbieux seront toujours capables de me sortir un assemblage narratif improbable pour justifier ces quatre cartes.
+ Ça m’ennuie parce que dans le premier playtest, les cartes misées retombaient dans la main du MJ, sauf si le joueur acceptait de réduire de moitié l’effet de l’action sur laquelle il avait misée. Pas hyper intuitif, mais au moins ça renflouait le MJ, et c’est super bon que le MJ récupère des cartes des PJ. J’ai récupéré Karl le Chasseur et Tara comme çà . Une façon d’utiliser le BG des persos bien plus efficace que n’importe quelle relation map. Faut que je remette ça au cœur du jeu.
+ Du coup, une piste pour les mises : tu mise cartes dévoilées + cartes cachées et de base le MJ récupère toute les cartes cachées.
A ce stade je suis aussi enthousiaste que dubitatif à l’idée de m’attaquer à ces corrélations entre cartes et fiction. Je suis preneur de toute remarque qui pourrait m’aider à bâtir une cohérence autour de ce concept qui m’est cher et promet une expérience de jeu aussi nouvelle que nostalgique.
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La mécanique des cartes très intéressante et parfaitement adaptée à la gestion des ressources.
Pour évacuer les difficultés détectées, pourquoi ne pas intégrer un jet de dé ?
Désolé, je reste un partisan absolu du bon vieux dé. Pour moi, c'est consubstantiel au jeu de rôle.
Sinon, petite remarque en passant : les dessins sont formidables !
"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)
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Merci de ton intérêt pour Arbre !
En fait, réintégrer le dé ça signifie retourner dans une logique d'équilibrages, de listes, de calculs... Chose que je veux tout à fait éviter. Le dé est la dernière des choses à être consubstantielle au jeu de rôle. ça n'est pas plus indispensable qu'un écran, qu'un MJ, qu'une feuille de perso.
Tous les dessins publiés dans mes rapports récemment sont d'Anna, un des playtesteuses. Elle a beaucoup de talent en effet. Surtout qu'il ne s'agit que de simples croquis griffonnés pendant la partie. Bien que je sois un grand fan des croquis, je sais qu'elle est capable de mieux dans ses réalisations finales.
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L’ENVERS DU SOMMEIL
Deuxième épisode de la campagne d’Arbre « Balade pour un Missile »
Joué le 28/09/13 avec Anna (Ezekiel), Melody (Elizabeth) et Martin (Lahache)
Arbre ne se conçoit qu’en campagne. Il était donc tout naturel que pour ce nouveau playtest, nous remordions dans le sandwich exactement là où nous l’avions laissé.
(illustration : Ezekiel, Lahache et Elizabeth, par Anna)
Entretemps, j’ai pas mal cogité sur le système. Concernant la phase d’Ambiance, je l’ai fluidifiée en décrétant que l’on pouvait obtenir une carte sans en avoir à montrer une (ex : je veux voler la bourse d’un passant, si je fais un bon roleplay pour décrire comment je le distrais et comment je suis agile, alors je peux avoir la carte Bourse), et qu’une carte peut avoir des effets infinis (ex : avec ma carte Flingue je peux tuer autant de gens que je veux du moment que je ne tombe pas à court de munitions et qu’ils ne trouvent pas un moyen de fuir ou de se défendre). En quelque sorte, ma phase d’Ambiance, c’est du système zero avec des cartes.
Autre nuance pour la phase d’Ambiance : on peut maintenant réussir une action en montrant une carte cachée au MJ. C’est valable si le PJ peut raisonnablement utiliser directement des ressources dissimulées.
J’ai aussi bien revu la phase de Mêlée. J’ai revu le barême d’effet des cartes et j’ai décrété qu’on ne pouvait miser que des cartes dévoilées pour quantifier l’effet de l’action. Les mises de cartes cachées (et aussitôt défaussées) ne servent plus alors qu’à booster l’initiative.
Lors de ce playtest, la phase de Mêlée a encore montré ses limites, mais dans l’ensemble le système à mieux tourné que la fois précédente.
Plusieurs vertus du système se sont avérées lors de ce playtest :
+ L’absence (et l’impossibilité) de scénarisation entraîne une grande liberté pour les joueurs. A chacun de leur choix, je pouvais rebondir avec les cartes que j’avais en main, ou en créer de nouvelles, sans me sentir frustré parce que je n’arrivais pas à caser les scènes de mon scénar. En fait, ça me rappelle beaucoup ma première campagne de Millevaux, où je ne scénarisais pas. Les joueurs sont vraiment très libres pour explorer et ça me botte.
+ Le fait de définir un compartiment et un objectif commun aux PJ structure la campagne et le groupe juste ce qu’il faut. Sans scénarisation, il y a juste le fil conducteur du missile à suivre. C’est compliqué parce qu’en fait c’est un assez mauvais choix de vouloir garder la mainmise sur le missile : il est tellement convoité que cela entraîne bien trop d’ennuis pour l’hypothétique fortune promise. Mais je crois que les joueurs l’ont bien intégré. Notamment parce qu’on a presque défini comme une règle qu’ils cherchaient à exploiter cette ressource, de plus le système encourage vraiment à gérer et sauvegarder ses ressources, quand bien même parfois cela amène plus d’ennuis qu’autre chose. Enfin, l’attachement des persos au missile leur donne un côté pied nickelé. Ce sont un peu des bleus qui croient pouvoir blouser tout le monde et qui finalement sont au milieu d’un nid de guêpes où ils empilent mauvaise décision sur mauvaise décision. Très attachant.
+ Alors même que la résistance est encore floue dans le système (i.e. il apparaît difficile de mourir et un joueur tactique comprendrait vite l’inanité des cartes), le principe des cartes encourage drôlement à se battre pour la moindre ressource. Et c’est super parce que ça crée du jeu. Quand les PJ tuent un cosaque, leur premier reflexe est de le dépouiller, ce qui leur rapporte deux, trois cartes. Mais à ce moment-là , pour avoir plus de cartes, ils me demandent s’ils ne peuvent pas prélever ses organes pour les vendre au marché noir ! Seul un esprit d’amassement peut justifier une telle décision, dont les conséquences seront aussi calamiteuses. Ça, c’est super. Je me rappelle un épisode de ma première campagne de Millevaux ou deux PJ s’étaient entretués pour récupérer une tronçonneuse. Ils étaient tous les deux déjà armés, seule une convoitise exacerbée par la pénurie justifiait qu’ils prennent autant de risque pour une ressource ! C’est intéressant parce qu’il y a du jeu quand un perso perd une carte, mais il y en a aussi quand il en gagne une, dans les choix qu’il fait pour gagner cette carte, et dans les conséquences de la possession de la carte.
Fiction :
Après leur entrevue avec Tara, nos héros comprennent qu’ils ne peuvent pas lui faire confiance. Ils décident de rencontrer d’autres partenaires potentiels, histoire de faire jouer la concurrence. Lahache rencontre la chevalière errante Clelia d’Arc au comptoir de l’Ost de Guerre. Pour le tester, elle l’affronte en combat singulier. Lahache se défend si bien qu’elle lui offre une bague symbolisant son entrée dans l’Ost de Guerre. Lahache explique à demi mot qu’il a du matériel à refourguer et Clelia d’Arc semble intéressée. Elle lui dit que l’Ost campe au sud et part demain après-midi. S’il est présent à ce moment, il y a aura moyen de faire affaire.
De son côté, Elizabeth va voir les Templiers qui stationnent à la porte de Metro, près de la léproserie. Elle discute avec un jeune Templier qui semble lire dans son âme. Il lui dit qu’ils pourront rejoindre le convoi de pélerins qu’ils encadrent vers Métro puis Compostelle, à condition qu’elle et ses amis soient entendus en confession.
Les PJ repassent au parking sécurisé. Ils découvrent une foule amassée près du buggy. Le jeune garde posté auprès du véhicule a été poignardé par un rôdeur. Elizabeth entrevoit l’un des cosaques de Tara dans la foule mais trop tard pour le prendre en chasse. Il faut aussi dire que les PJ ont fait nuit blanche. Ils sont crevés et je me suis créé une carte Sommeil dans mon bac à sable pour justifier qu’ils font régulièrement des micro-sommeils et que leurs sens s’émoussent.
Les PJ palabrent avec le gérant du parking sécurisé, qui semble plus attristé par la perte logistique que représente la mort de son employé que par la perte humaine. Il force plus ou moins les PJ à accepter de transférer le buggy dans un hangar fermé, sinon il les vire du parking. Les PJ acceptent mais c’est cher et le gérant veut des caps sonnants et trébuchants. Lahache et Elizabeth filent du matériel en guise d’avance, Ezekiel promet qu’il revient dans deux heures avec du cash.
Ezekiel va faire affaire dans un bazar vietnamien tenu par un vieil apothicaire. Il revend quelques produits étranges glanés la fois précédente, comme la larve de Litote, le tout un très bon prix ! L’apothicaire lui sous-entend qu’il peut le mettre en relation avec la Musaraigne, représentant local de la Guilde de Châtelet, une mafia qui serait à coup sûr intéressée par le missile.
Les PJ se retrouvent dans un bar à complots. Ces établissements, typiques de Marly-Gomont, sont des bars formés d’une salle centrale qui donne sur une dizaine de loges en tôle pour discuter à l’abri des oreilles indiscrètes. Alors qu’ils commandent leurs conso au bar central, la Musaraigne les accoste. Près de lui, deux gardes du corps l’encadrent discrètement. Les PJ prennent une loge à ses frais et commencent à discuter. La Musaraigne veut bien faire affaire, mais avant de prendre une décision, il veut voir le matériel. Logique.
Les PJ acceptent. Ils accordent ce qu’ils avaient refusé à Tara et le conduisent avec ses deux gardes du corps au hangar. Une fois que La Musaraigne a vu le missile, il semble tout décidé à faire affaire sérieusement avec les PJ. Il leur propose même de partir pour Metro avec son convoi, l’un des mieux équipés de la Voie Déchue, et ce dans une heure. Sommés de prendre une décision à la hâte, les PJ acceptent.
La Musaraigne repart, les PJ restent dans le hangar. C’est alors qu’Elizabeth entend du bruit au-dehors. Elle sort et tombe sur le cosaque, armé d’un sabre. La baston éclate et Elizabeth tue le cosaque mais se fait transpercer la mâchoire. Techniquement, je lui ai pris une carte dans son Compartiment Viscères et je suis tombé sur la carte Mâchoire. Ça, c’est une super surprise liée au système ! Je m’offre une description gore de la blessure. Techniquement, il ne serait rien passé si les PJ n’avaient rien fait par la suite (à moins qu’en tant que MJ je décrète une infection et la traduise en terme de gain ou de pertes de cartes), la description fait que les PJ se sentent obligés de prodiger des soins à Elizabeth à la hâte. C’est aussi à ce moment là que les PJ veulent détrousser le cadavre du cosaque et que pour glaner des cartes supplémentaires, ils envisagent de revendre ses organes. On convient qu’on les revendra à l’apothicaire vietnamien en même temps qu’on y amènera Elizabeth se faire soigner. Lahache arrache le cœur du cosaque et lui coupe la tête. C’est avec ces macabres trophées qu’Ezekiel et Elizabeth vont chez le vieux viet-cong.
L’apothicaire prend le cœur et la tête en paiement de ses soins. Il propose d’anesthésier Elizabeth avec de l’opium jaune, et en propose aussi à Ezekiel. Il comprend qu’ils auront besoin de veiller sur la route et l’opium jaune leur permettra de tenir une semaine sans dormir. Il prépare l’opium et y mêle la pulpe de l’oeil du cosaque. Il leur confie une pipe d’opium qu’ils pourront donner à Lahache et les fait fumer. Là , gros kif de ma part car l’opium jaune, opium lié au Roi en Jaune, est un artefact récurrent dans le background de Millevaux mais je ne l’avais encore jamais introduit en jeu. Elizabeth et Ezekiel partent en plein trip, ils se croient en plein milieu de Little Ho Chi Minh Ville, le Chaos des Reliques. Cette idée de l’opium qui transporte dans une ville va structurer toutes les visions opiacées que je leur donnerai ensuite. Je force Elizabeth et Ezekiel (les deux Ez) à dévoiler une carte dans leur Cœur. Ce sont des personnages qui vont apparaître dans le trip et essayer de faire parler les deux Ez pour le compte du vieil apothicaire. Ce dernier répare la mâchoire d’Elizabeth avec du liquide sarcomantique. En lui faisant fondre le thorax avec le liquide sarcomantique, il place aussi dans son Cœur la carte Larve de Litote qu’Ezekiel lui a vendue tout à l’heure. Il place une Carte Champignon Noir, tiré de mon bac à sable, dans le Cœur d’Ezekiel. Cette carte est un Parasite, qui reste toujours dévoilé et empêche Ezekiel d’utiliser les cartes de son Cœur.
Quel est le but sournois de cette opération chirurgicale ? Nous le saurons peut-être un jour. J’ai effectué ces deux opérations dans le cadre d’une Mêlée.
J’avoue ne pas avoir été très satisfait de cette Mêlée. Les règles étaient encore peu intuitives, et les joueurs ne savaient pas quelle action faire. Les catégories d’effets étant graduées ainsi : 1, 1 carte à soi ; 2, 2 cartes à soi ; 3, 1 carte d’un autre ; 4, 2 cartes d’un autres. Quand on contrait un effet adverse ,on pouvait retourner l’effet contre lui, mais dans la fiction c’était toujours compliqué d’expliquer cet effet boomerang.
Pourtant, la Mêlée a apporté des choses intéressantes ! Tout d’abord parce que n’ayant pas créé de carte pour l’Apothicaire, j’ai utilisé ma carte Shub-Niggurath (c’est un Fléau, qui a la valeur de quatre cartes) pour ses actions, ce qui l’a alors placé sous le signe de la magie noire. Et parce que les deux parasites dans le cœur, c’est quelque chose qui a vachement fait tripper les joueurs. Mais ces mises et ces effets, malgré une refonte après le premier playtest, ça fonctionne pas. C’est à la fois compliqué et décorrellé de la fiction. Lors de ma prochaine séance, je vais faire autrement. Je vais tout simplement jouer la Mêlée comme l’Ambiance : on mise une seule carte et c’est le jugement du MJ qui juge de la puissance de l’action. Ou on mise plus de cartes si et seulement si le MJ l’exige. Idem pour le sacrifice de cartes. Quand à l’initiative, je vais encore accorder le sacrifice de cartes supplémentaires pour la booster. Tu veux être le premier, alors dans la bataille tu perds une carte. Le MJ va-t-il surenchérir ? A tester.
Pendant que les deux Ez sont en plein trip, Lahache fait le guet à l’entrée du hangar. Il se fait alors accoster par Tara, qui profite de l’absence des deux Ez pour lui faire le jeu de la séduction. Elle le cajole tout en lui sussurant qu’il aura tout à gagner à lâcher les deux Ez pour s’associer avec elle. Elle essaye de l’embrasser. Lahache se laisse pas faire et l’assomme avec le manche de sa hache. Quand les deux Ez reviennent, ils découvrent la scène. Bien sûr, ils dépouillent Tara, glanant une carte Poignard courbe et une carte Poudre à lèvres rouge, dont Ezekiel, dans un accès lunatique, s’empresse de se barioler le visage. Lahache va cacher Tara derrière le hangar et tombe face au deuxième cosaque, mais parvient à le tuer sans dommage. Il laisse Tara inconsciente (j’aurais vraiment pensé qu’il l’aurait tuée ! Mes joueurs sont gentils ! A moins que Lahache se soit emmarouchée de la venimeuse khlysty ?) et revient au hangar.
La Musaraigne est là , on lève le camp. On passe devant la porte de Métro. Le jeune Templier essaye de persuader Elizabeth à renoncer à les suivre, mais c’est trop tard.
Le convoi de la Musaraigne est costaud : un buggy surdimensionné équipé d’une mitrailleuse, un camion de type transport de troupe contenant un mystérieux chargement, et deux choppers tout-terrain. En tout 15 hommes dont la Borgne, solide bûcheronne à qui il manque un orbite, et l’Arrangeur, joli cœur bien habillé qui tranche avec l’équipage de mutants.
Escortant le buggy des PJ, le convoi s’engouffre sur la Voie Déchue vers Metro. Lahache commence à souffrir de la fatigue alors que les deux Ez accumulent les trips lucides. Alors qu’ils sont à bord du buggy, ils se croient en train de traverser Little Ho Chi Minh Ville. Leur trip est toujours interrompu de la même façon : l’eau monte et quand il leur arrive jusqu’aux genoux, ils reprennent leurs esprits. J’utilise pour cela la carte Inondation de mon bac à sable. Ça n’est pas venu comme je l’attendais (j’avais prévu une vraie inondation), mais c’est bien ainsi. Peut-être que ces trips sont prémonitoires ? Le vieil apothicaire les a grugés : si ils ne vont pas dormir pendant une semaine, les trips vont les handicaper tout autant.
Le convoi fait une halte pour faire le plein à une réserve d’essence fortifiée. Pendant cette pause, la paranoïa monte. La Borgne brûle un bonhomme de fagots dans le feu « pour porter chance au voyage », ce qui ne rassure pas les PJ. Lahache discute avec un boucher itinérant à qui les mafieux achètent de la viande. Le boucher lui fait signe de se méfier. Ezekiel discute avec l’Arrangeur pour lui extorquer des infos. Ce dernier, homosexuel, demande à être payé en baiser. Ezekiel accepte. Mais ce qui ne devait être qu’un baiser volé se transforme en embrassade affamée : la poudre rouge de Tara dont Ezekiel s’est barbouillé est un puissant philtre d’amour (Tara comptait l’utiliser sur Lahache). L’arrangeur tombe fou amoureux d’Ezekiel et devient de facto son plus fidèle partenaire. Il lui explique que si la Musaraigne semble être sincère, rien ne certifie que le chef de la Guilde de Châtelet soit aussi réglo avec les PJ quand ils seront arrivés à Métro. Il explique aussi que la bande de la Musaraigne n’est en aucun cas composée d’enfants de chœur, puisque par exemple le camion contient des jeunes femmes kidnappées à Marly qu’on amène à Métro pour les prostituer. L’Arrangeur avait pour rôle de séduire ces jeunes femmes pour les attirer dans le camion…
Le convoi repart. L’Arrangeur monte dans le buggy des PJ pour peaufiner un plan. On décide de fausser compagnie à la Musaraigne. Lahache a toujours sa bague de l’Ost de Guerre, on devrait pouvoir rallier leur bannière…
Sur le trajet, on entend au loin des bruits de tronçonnage : l’Ost de Guerre s’est mise en route vers l’ouest plus tôt que prévu, et abat les arbres sur son passage. Dérangée par ce bûcheronnage à grande échelle, un Sangleloup traverse la Voie Déchue au galop. Si Ezekiel a juste le réflexe qu’il faut pour dévier la course du buggy, l’un des choppers est fauché par l’impact. On dépose les morts sur le bas-côté, on entasse des pierres dessus, et la route reprend.
La nuit. Premier bivouac, un peu enfoncé dans la forêt pour se dérober à la vue des pillards en quad. Le buggy de guerre et le chopper restant se positionnent de façon à protéger le camion. Avec l’aide de l’Arrangeur, les PJ mettent leur plan à exécution. Elizabeth fait une danse du ventre autour du feu, prétextant une coutume de bonne fortune similaire au bûcher du bonhomme fagot. Les mutants grivois sont vite subjugués par le spectacle. Elizabeth en profite pour jeter dans le feu le contenu de la pipe à opium et se couvre aussitôt le visage. Tous les mafieux partent en plein trip. Les PJ libèrent les femmes du camion et les exhortent à s’enfuir avec le camion. Excellente diversion. Puis ils partent en trombe à travers la forêt avec le buggy.
Seuls la Musaraigne et la Borgne trouvent assez de force pour les prendre en chasse. La Musaraigne conduit le buggy de guerre et la Borgne sulfate à la mitrailleuse. Mais Lahache, au volant du buggy, grille des cartes pour les semer, et Elizabeth grille sa carte Carreaux en tirant à l’arbalète sur la Borgne pour l’empêcher d’aligner ses tirs de mitrailleuse.
Au final, le buggy des PJ s’engouffre dans une passe trop étroite pour que le buggy de guerre le suive. Les PJ ont échappé à la Musaraigne mais ils sont maintenant perdus en pleine forêt et assurés de s’être fait un nouvel ennemi !
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LES FORETS LIMBIQUES
Joué le 24/11/2013 avec Anna (Ezekiel), Melody (Elizabeth), Martin (Lahache) et Benji (L'Arrangeur)
Pour cette nouvelle séance de la campagne d'Arbre, Benji nous rejoint pour incarner l'Arrangeur, dandy et mafieux repenti qui a suivi les PJ par amour pour Ezekiel, amour provoqué par la poudre à lèvres ensorcelée dont Ezekiel s'était barbouillé le visage.
Alors que le buggy, suite à la course-poursuite effrénée qui a permis d'échapper aux hommes de la Musaraigne, montre des signes de faiblesse, les PJ bivouaquent. Comme l'Arrangeur et Lahache sont crevés, ils s'endorment, tandis qu'Ezekiel et Elizabeth, maintenus en état de veille permanente par le shoot d'opium jaune qu'ils ont pris chez l'apothicaire, montent la garde. Evidemment, ils ont un nouveau trip d'Ho Chi Minh Ville, vision d'un cerf blanc avec des bras de Shiva à la place des bois, moines en sari s'approchant entre les arbres, pluies de pétales rouges à travers les cimes des arbres, pluie de mille petites gouttes.
L'eau monte, ruisseaux devenus torrents.
Cette fois-ci l'inondation ne fait plus uniquement partie de leur trip : elle est bien réelle ! Elle force à lever le camp dans la précipitation. Lahache conduit le buggy a travers les flots de boue pour gagner une zone à l'abri : une petite montagne à la terre noire, couverte de conifères noirs. Bonne nouvelle : le passage de gués et l'inondation va couvrir les traces du buggy, compliquant la tâche de la Musaraigne si jamais il était encore à leurs trousses.
Les PJ reposent un bivouac au sommet de cette montagne. Ils découvrent que dans les cahots, Elizabeth a laissé tomber son échantillon de lichen noir. Problème : il s'est fixé sous le chassis du buggy et menace de le ronger entièrement si on ne fait rien. Ezekiel sacrifie alors sa carte Briquet pour brûler le lichen.
L'Arrangeur emprunte la ceinture d'Elizabeth et s'en sert pour grimper à un arbre. Là -haut, il a une vue imprenable sur le ciel blanc comme un plafond, la Voie Déchue, les voies de passage du Sangleloup et de l'Ost de Guerre. Il voit aussi s'approcher un homme couvert de peaux de renard, marchant avec un bâton. Dans le doute, il envoie son faucon dressé l'attaquer. L'étranger crie alors que le faucon lui lacère le visage. Lahache reconnaît ce cri : c'est son bienaimé frère, Amon ! J'avais vu cette carte dans le coeur de Lahache lors de la première séance, et j'attendais le moment de m'en servir. J'ai alors utilisé un PNJ de mon setting de Marly-Gomont en le renommant Amon et j'en ai fait le frère de Lahache. L'avantage de cette méthode, c'est que je n'avais pas besoin de créer une carte pour Amon, alors que mon compartiment Hommes était déjà plein (la Musaraigne, la Borgne et Tara). Lahache introduit Amon dans le groupe. Amon est un guide forestier, surdoué dans son domaine.
Les PJ s'installent un moment au coin du feu auprès d'Amon. Pour instaurer de la confiance, j'invite chacun à dévoiler une carte de son Coeur ou de sa Mémoire et faire une petite confidence. J'apprends ainsi que le père de l'Arrangeur est un marchand d'armes de Métro. Je le note précieusement car il pourrait être fort intéressé par le missile, et ça tombe bien parce que les PJ se sont grillés auprès de leur seul acheteur potentiel à Métro, le maître de la Guilde de Châtelet, patron de la Musaraigne.
Il explique qu'il était à Marly-Gomont et qu'il a compris que son frère avait des problèmes quand Tara a mis sa tête à prix. Il est allé la voir et elle l'a engagé pour le retrouver. Amon n'a aucune intention de livrer les PJ à Tara, mais il était préférable qu'il prenne le job avant qu'un chasseur de primes sans scrupules ne le fasse. Il se doute que la supercherie ne tiendra pas longtemps, mais cela permettra de leur donner une avance.
Les PJ expliquent à Amon qu'ils veulent se rendre à Metro. Amon demande à savoir pourquoi, et ils finissent par lui dévoiler le missille, ainsi qu'à l'Arrangeur. Amon leur dit qu'il connaît un raccourci qui leur permettra de gagner Metro en un jour plutôt qu'en une semaine comme ils l'auraient fait en buggy. Il s'agit de passer par les forêts limbiques, sorte de passage astral constitué des cauchemars des habitants de la forêt. C'est pas forcément rassurant dit comme ça, mais prendre une telle avance leur permettrait de se débarasser de Tara et de la Musaraigne. Problème : on ne peut traverser les forêts limbiques qu'à pied. Ils pourront porter la malle mais il faudra laisser le buggy sur place.
Et là , j'assiste à un putain de dilemme. Les joueurs se résignent enfin à abandonner le buggy, mais je sens que tout le monde a le coeur gros, y compris moi. J'atteinds enfin le sentiment de perte que je veux provoquer avec Arbre. C'est génial.
Les joueurs demandent à pouvoir récupérer ce qu'ils peuvent sur le fidèle buggy. Je leur accorde trois cartes. Ils récupèrent deux jerricans d'essence et une corde fabriquée avec les ceintures de sécurité. Ils se servent de cette corde pour s'attacher les uns aux autres : Amon les a mis en garde contre le risque de se séparer du groupe dans les Forêts Limbiques et de se perdre à jamais.
Amon avise un arbre creux qui leur servira de passage vers les Forêts Limbiques. Problème, il faut payer une entrée en sacrifiant des souvenirs. Tous ceux qui ont un compartiment Mémoire doivent défausser une carte. L'oubli de péripéties phares des premières séances renforce alors le sentiment de perte des joueurs.
Quand Benji doit choisir de perdre une carte du compartiment Mémoire de l'Arrangeur, il choisit une carte où il est écrit Refuge. Je suppose qu'il s'agit d'un endroit à Métro où il pouvait se cacher et dont il va oublier l'existence, je lui demande de me le décrire. Benji n'y avait pas trop réfléchi en écrivant cette carte. Alors il me répond en impro : "Cet endroit, ce sont les bras de ma mère". L'occasion d'une belle scène où il a une vision de sa mère qui lui tend les bras en pleurant et qu'il choisit d'ignorer pour entrer dans les Forêts Limbiques.
Les Forêts Limbiques ressemblent à la forêt de conifères noirs qu'ils viennent juste de quitter. Sauf que les arbres et la terre sont encore plus noirs et que derrière il y a comme un horizon d'un blanc aveuglant. L'égrégore en grande concentration brouille l'air comme s'il y avait un incendie.
Amon crie aux PJ de courir. Il n'y a pas de temps à perdre. Déjà des silhouettes de Horlas se profilent en bordure, notamment un cerf blanc avec des bras de Shiva à la place des bois. Cette fois-ci, ce n'est pas un trip d'opium jaune, tout le monde le voit. Des feuilles commencent à bourgeonner sur le corps des PJ, symbolisant leurs ressources intérieures, une feuille par carte dans les compartiments Coeur, Viande, Viscères, Crâne et Mémoire.
A ce moment là , je lance la seule et unique Mêlée de la partie. J'applique les nouvelles règles, c'est-à -dire qu'on peut se contenter de miser une seule carte pour une action, et que je gère l'effet de la carte et sa puissance au feeling. On peut poser des cartes supplémentaires qui seront sacrifiées pour jouer en premier. Au final, seuls Mélody et Anna miseront des cartes supplémentaires, ce qui permettra à Mélody de commencer.
Elizabeth arrive à arracher la feuille qui représente le Champignon noir dans son coeur. Excellente idée de Melody. C'était sans doute une des seules façons de s'en débarasser hormis faire appel à un grand médecin ou un grand sorcier qui aurait demandé de solides contreparties.
Ezekiel, qui ferme la marche, sent une masse sur son dos. C'est le vieil apothicaire. Tel un singe du besoin, il est accroché à ses épaules comme pour se repaître de sa moelle. Il explique à Ezekiel qu'il peut encore lui apporter le missile. En échange, il connaîtra une éternité de paradis artificiels à Little Ho Chi Minh Ville. Mais Ezekiel tient bon. Il refuse. Alors l'apothicaire enfonce ses griffes dans sa chair et lui vole trois cartes de Viande : ses deux montres et son masque à gaz. Cela peut paraître anedoctique, mais je crois qu'Ezekiel y tenait vraiment beaucoup ! Ce sont des éléments qu'Anna avait dessinés sur le portrait de son personnage, ils définissaient une bonne part de son identité.
Puis l'apothicaire repart et Ezekiel parvient Ă enlever de son Coeur la feuille correspondant Ă la larve de litote.
Quand à l'Arrangeur, il joue l'action "Déterrer". Sa mère apparaît dans les Forêts Limbiques. Au péril de sa vie, il s'écarte un temps de la file et parvient à la récupérer.
Les Horlas en bordure de forĂŞt se multiplient. Shub-Niggurath en personne remonte Ă la surface et les agresse, les blesse.
Pour finir, Tara se matérialise aux côtés de Lahache. Est-ce la vraie Tara, auquelle cas elle connaît les forêts limbiques, ou une manifestation de l'égrégore, ou des cauchemars de Lahache ? Elle l'enlace langoureusement, le cajole. "Rejoins-moi avec le missile, je ne serai pas une ingrate. Oublie les autres losers, ils t'entraînent vers ta perte.". Mais Lahache tient bon, il la repousse. Alors elle passe en mode méchante. Elle donne dans la violence psychologique. Explique à l'Arrangeur qu'Ezekiel l'a ensorcelé, qu'il n'est qu'un pion pour lui et qu'elle peut le libérer de ce maléfice. Explique à Elizabeth que les hommes de la Musaraigne vont faire subir les pires des tortures aux femmes qu'elle a libérées.
Elle plonge la main dans le Coeur de Lahache, puis dans celui des autres : elle vole une carte dans le Coeur de chaque PJ. Le moment fort, c'est quand elle vole la carte "Mon frère" dans le Coeur de Elizabeth. Au moment où j'enlève la carte, Melody me dit : "si tu m'enlève ça, je n'aurai vraiment plus rien à perdre". J'ai conscience qu'Elizabeth va glisser. Mais j'y vais quand même.
Amon aperçoit un nouvel arbre creux, dont le creux est organique et humide, une matrice. La sortie. Il est temps car ça devenait l'enfer.
Tout le monde traverse, avec la malle.
Et l'instant d'après, ils ne sont plus dans la forêt.
Une immense salle souterraine obscure. Des piliers et des arcs de voûte comme des arbres minéraux. Le bruit des gouttes d'eau qui suintent. On sent tout le poids du monde au-dessus de sa tête. Loin au fond de salle, de minuscules traits de lumière.
"Nous sommes arrivés à Metro.", conclut Amon.
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LE TUNNEL DES MORTS
Joué le 11/01/2014 à la Convention CLIPP à Le Sourn, avec Tommy (Ragnar l'Eclaireur), Aurélie (la Chasseuse), Ludo (Galaad le Chevalier), Pierre (Merlydinn le Druide), Hugo (Randall l'Alchimiste), Flavien (Le Camoufleur)
C’est la rentrée 2014 des conventions ! Je commence tranquillement avec le CLIPP, évènement ludique à deux pas de chez moi, qui en est à sa deuxième édition, et dont les orgas m’ont très gentiment convié.
Après une après-midi stand où je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer, j’avais prévu d’animer en soirée mon premier playtest d’Arbre en convention. Voulant privilégier le jeu d’ambiance, et loin d’être sûr de la robustesse de mon système, j’avais écris « 4-5 joueurs maximum » sur l’affiche. Mais n’ayant pu me retenir de vanter les mérites du jeu pendant l’après-midi, je me suis retrouvé avec 6 inscrits et je n’ai pas eu le cœur de refuser ! Ce playtest allait donc s’avérer un double challenge : tester le jeu avec des inconnus et avec une table élargie.
Heureusement, les orgas sont aux petits oignons avec moi. Ils me placent dans une petite pièce à l’écart du bruit et bien chauffée. Je dispose trois petites tables en L, je m’installe dans le creux du L, sans écran (il n’y en a pas besoin à Arbre), de façon à être au plus près des joueurs. Ça a bien fonctionné parce que personne n’a eu besoin de hausser la voix pour se faire entendre pendant la partie. Mais il faut vraiment des petits tables, parce que sinon on tourne le dos aux joueurs qui sont dans les pointes du L.
Ce soir, je teste un bac à sable optimisé démo : Le Tunnel sous la Manche. Les teasers de la série TV « Tunnel », ainsi qu’un laïus post-apocalyptique au sujet du Tunnel sous la Manche dans le livre « Homo Disparitus » m’ont donné envie de mettre en scène cet endroit si particulier en le projetant dans Millevaux : le tunnel est alors abandonné, et envahie par une forêt d’arbres morts et de champignons. Un road-movie obscur et oppressant dans l’un des endroits les plus dangereux de Millevaux.
Je le répète, Arbre n’est pas pensé pour les one-shots. L’idée, et je l’explique ainsi aux joueurs, et de leur donner un aperçu. En gros, ce soir, on joue le pilote d’une série. L’histoire ne sera pas terminée à la fin de la soirée. Les joueurs pourront ressentir de la frustration, mais cette frustration sera un signe de réussite pour le jeu. Je fais créer les personnages en début de partie parce que ce n’est pas excessivement long (une vingtaine de minutes), parce que c’est un des aspects que je veux faire découvrir aux joueurs, et parce que j’ai grave besoin de les voir éprouver le système dans cet exercice.
Création de personnage :
J’avais imaginé que je jouerais avec trois ou quatre joueurs, auquel cas ça n’aurait pas gêné de faire créer des personnages un peu polyvalents et ne pas trop expliquer la raison de leur présence dans le tunnel. A six, je sais que je vais devoir structurer le truc davantage. Aussi, je leur demande de se choisir chacun une profession (pour que les joueurs retiennent mieux qui est qui, et que chacun ait son utilité), de choisir la raison commune de leur présence ici (qui va leur donner une raison de rester ensemble, une cohésion qu’ils n’auraient pas eu le temps de mettre en place par le RP), et de créer des liens entre eux (l’idée étant que quand je gérais certains joueurs, les autres pouvaient s’occuper en faisant du RP ensemble).
J’ai proposé six professions adaptées au contexte :
+Egoutier
+Luminicien (un mec qui gère l’éclairage parce que plus aucune lumière ne fonctionne dans le tunnel)
+ Eclaireur
+ Guide
+ Camoufleur (un mec qui sait ĂŞtre discret et rendre le groupe discret)
+ Chasseur
J’ai aussi proposé des raisons expliquant que les PJ soient partis des Terres Franques pour s’aventurer dans le tunnel en direction d’Albion :
+ QuĂŞte du Graal
+ fuite de zombies
+ capturés et jetés
+ Ă©preuve initiatique
+ s'Ă©chapper de Millevaux
+ Convoyer une personne
+ Echapper à une pluie de météores
+ Conquérir Albion
+ Repris de justice
Je fais mon petit sondage et ce sont la quête du graal (l’un des persos se voit déjà en chevalier de la table ronde, un archétype définitivement récurrent à Millevaux) et la fuite d’une invasion zombie (qui m’avait été suggérée par Flavien l’après-midi même). Plutôt que je jeter un des deux concepts, je les fusionne : Les Terres Franques sont le siège d’une invasion zombies, et les PJ n’ont eu d’autre choix que de s’engouffrer dans le tunnel pour la fuir. L’un d’eux a déjà fait le trajet une fois. À Albion, il a été adoubé par un chevalier de la table ronde, et on lui a raconté la fabuleuse légende du Mur d’Hadrien, au-delà duquel se trouverait un endroit merveilleux, à l’abri de la forêt hantée de Millevaux. J’ai un peu transformé la quête du Graal en proposant un objectif qui intéresserait tout le groupe, et je place aussi en contrebande l’objectif « s’échapper de Millevaux ». Je réalise en l’écrivant que j’aurais aussi pu décrire le Graal comme un antidote au virus zombie… Atteindre le Mur d’Hadrien (et même atteindre la sortie du tunnel) est complètement hors de portée pour un one-shot, mais ça accentue le côté « épisode pilote ». Et la menace zombie me fournit un enjeu directement exploitable pendant le one-shot. En fait, ça faisait longtemps que je n’avais pas fait du zombie ! Enfin l’occasion d’exploiter la lecture du « Guide de survie en territoire zombie » de Max Brooks ! Je pars sur des zombies lents. Pas particulièrement réactifs, certains rentrent même en torpeur quand ils ne se sont pas nourris depuis longtemps. Le passage d’humains à proximité les réveille, mais ce réveil peut prendre du temps.
Ensuite, il nous faut définir le Compartiment que les PJ ont en commun. Les joueurs optent pour la Mémoire. On décide qu’ils viennent tous du même village, ils se connaissent de longue date et grâce à ça, le Syndrome de l’Oubli a eu peu d’emprise sur eux. Pour expliquer comment les PJ peuvent utiliser des cartes dans le compartiment Mémoire des autres PJ, je raconte qu’ils ont beaucoup de souvenirs en commun, qu’ils se racontent à tour de rôle lors des veillées, et chacun sert donc d’aide-mémoire à un autre. Si on utilise la carte « Nager » dans le compartiment mémoire d’un autre PJ, c’est parce qu’on se rappelle de l’avoir nu nager, ou qu’on se rappelle des cours de natation qu’il donnait…
On passe enfin à la création de perso proprement dite. Je constate alors que tout le monde n’est pas égal, certains vont mettre plus de temps que d’autres à écrire leurs 18 cartes. J’ai rappelé les astuces pour compléter : créer des objets anodins ou inutiles, penser à créer des cartes négatives, créer des cartes en 2 à 3 exemplaires pour renforcer leur durée de vie (ainsi, Ludo a créé son épée Excalibur en trois exemplaires, résultat, elle a duré tout le scénar). Vers la fin, je propose aux retardataires de leur écrire quelques cartes, mais finalement je n’aurai besoin d’en écrire qu’une, pour Hugo : un Cadavre de noyé dans sa Mémoire.
Les Personnages :
J'ignore si c'est l'effet « Je suis une légende » ou ma référence aux sans-abri, mais les PJ avaient toute une ménagerie avec eux. L'Eclaireur avait un Berger Allemand nommé Wouf, Galaad un chien nommé Kerdu. La Chasseuse avait aussi un chien, un Berger Blanc Suisse nommé Nimlot... et un furet apprivoisé pour la chasse !
Ludo, Hugo et Pierre ont imaginé des professions qui n'étaient pas dans la liste, puisque Galaad était un chevalier de la table ronde, Merlydinn un druide blanc et Randall un alchimiste !
Enfin, au rayon des détails qui tuent... le Camoufleur n'avait pas de nom.
L'alchimiste était carrément muet ! Mais un traumatisme subi pendant le scénario lui a rendu la parole.
Le Bac Ă Sable :
Le Tunnel sous la Manche
Hommes : MĂ©dicastre / Chasseur de reliques / Foreur (devient une taupe)
Horlas : Elfe (ordinateur de bord de maintenance du tunnel), L’imprimeur (sarcomantien qui invente une imprimante à visages), Le visage familier (Horla mimique)
BĂŞtes : Chauve-Souris Ventouse, Cerf Blanc, Mer de racines
Nature : Froid, Ténèbres, Champignons phosphorescents
Outils : goulasch de vermine, Naphte, Couvertures
Egrégore : Fantastique, Train Fantôme, Dame Blanche
Corruption : Compartiment invalide
Crédit : Jasmin Cormier, licence CC by-nc, galerie sur flickr.com
J’avais au départ prévu de laisser le Compartiment Corruption en invalide. Mais vu le nombre de joueurs, et pour m’adapter à notre brainstorming commun, je vais finalement y mettre trois cartes. Invasion Zombie est une Calamité (pouvant détruire une carte dans le compartiment Viande de tous les PJ), Virus Zombie 1 est un Parasite (s’incrustant dans le compartiment Crâne, bloquant l’accès à toutes ses cartes, et transformant en zombie à la prochaine situation de crise), Virus Zombie 2 est une Plaie (s’incrustant dans le compartiment Viande, empêchant l’ajout de nouvelles cartes et détruisant une Carte à chaque Crise, et transformant en zombie une fois le compartiment vide).
Fiction :
Au début de la partie, les PJ sont entré dans le tunnel depuis la matinée, les zombies à leurs trousses. Ils ont couru toute la journée à travers la dense forêt pétrifiée du tunnel, sans aucune source de lumière naturelle, parcourant dix kilomètres. L’avancée était rendue pénible par une véritable mer de racines gonflées, veinées, organiques. Le soir arrive. Impossible de savoir quelle heure il est exactement, mais les PJ sont rompus de fatigue. À bout de forces, ils s’arrêtent devant la carcasse d’un wagon de train renversé sur le côté. Il fait noir comme dans un four, il fait froid (-10°C), il n’y a aucun bruit sinon celui des gouttes qui tombent et l’incessant grondement de la mer au-dessus de leurs têtes. La Manche a doublé de volume depuis la construction du tunnel, et nul ne sait combien de temps le plafond tiendra.
Le Chasseur allume un feu près du tunnel. Je précise qu’il va falloir s’alimenter. Mais quasiment personne n’a prévu de nourriture ou d’eau dans ses cartes. En plus, les PJ ont aussi rien moins que trois chiens à nourrir ! La zone, une forêt pétrifiée, ne fournit que quelques lianes et du bois mort pour le feu. L’Eclaireur et la Chasseuse partent en avant, direction Albion. Ils découvrent une zone aux murs couverts de champignons phosphorescents, puis à nouveau une zone de bois pétrifié. Grâce à sa carte Vue perçante en Viscères, la Chasseuse aperçoit des rongeurs dans le bois. La Chasseuse me sort une carte Bestiaire qu’elle a dans son Compartiment Viande. Elle me dit qu’il y a toutes les sortes d’animaux et que ça mentionne ce qui est comestible. Du coup, je lui demande si elle peut me montrer une Carte prouvant qu’elle sait lire. Pas de chance, Aurélie n’a pas entendu, lors de la création de personnage, qu’il fallait préciser si on savait lire. Je pars alors du principe que la Chasseuse a besoin d’un lettré (comme le Druide) pour déchiffrer son précieux Bestiaire. Elle envoie quand même son furet faire la chasse, et je lui permets ainsi de récupérer la carte Goulasch de vermine dans mon compartiment Outils (anticipant sur le fait que la Chasseuse, également excellente cuisinière, allait cuisiner ses captures dès le retour au campement). Ouf ! C’est comestible.
Restés au campement, Galaad et le Camoufleur inspectent le wagon. Il est rempli de cadavres, qui semblent être là depuis quelques semaines. Comme le wagon est renversé sur le côté, tout le contenu des portes-bagages a tombé dans le porte-bagage qui se retrouve maintenant en bas. Galaad, passant près du porte-bagage se fait happer la main par un zombie qui y était couché. Je demande à Galaad ce qu’il fait. Il dit qu’il frappe du pied sur le crâne du zombie. Je lui demande de me montrer une carte qui montre qu’il arrive à éclater le crâne du mort-vivant sans se faire mordre, comme une carte Force hors du commun, Bonnes chaussures, ou Super réflexes. Rien de tout ça. Gnap. Galaad se fait mordre le pied, une des rares zones que ne protège pas sa carte Armure de boîtes de conserve. Il massacre aussitôt le zombie à coup d’épée mais c’est trop tard. Je récupère la carte Virus Zombie de mon compartiment Corruption et je la lui tends face cachée, pour qu’il la range dans sa Viande. Le Camoufleur tombera sur un autre zombie mais lui explosera le crâne à coup de couteau. Plus tard, l’Alchimiste refera un tour dans le wagon pour découper un morceau de cadavre afin de faire une culture pour les champignons phosphorescents. Pas de bol, l’inspection du Camoufleur n’était pas complète. Alors que l’Alchimiste se penche sur un cadavre, ce dernier se redresse et lui arrache ses gants. Heureusement, l’Alchimiste a le temps de fuir et le Camoufleur rapplique pour achever ce dernier zombie.
Galaad sort aussitôt du wagon, il laisse le Camoufleur finir l’inspection. Il fait inspecter sa blessure par le Druide, qui me sort une carte Connaissances des infections, qui lui permet d’identifier le Virus Zombie (Galaad doit lui montrer sa carte). Bim. Le Druide prend alors une décision difficile : il entame un rituel de purification. Assisté de l’Alchimiste, il ampute le pied de Galaad et lui applique ensuite une emplâtre. Son pied est jeté dans le feu. Quand la chasseuse revient, elle se retrouve obligée de préparer la tambouille au-dessus d’un feu ou achève de se carboniser le pied de Galaad ! Sans que je lui demande rien, le joueur de Galaad décrète qu’il s’évanouit pendant l’opération. Je ne me rendrai compte qu’une demi-heure plus tard qu’il jouait toujours comme s’il était évanoui ! Décidément, ce soir, mes joueurs étaient fin prêts pour l’ambiance chair et sang.
Le Camoufleur, le Druide et l’Alchimiste s’aventurent en avant pour récupérer des champignons phosphorescent. L’Alchimiste en place dans un bouillon de culture qu’il a préparé : une carte Fiole, contenant la main du zombie qui l’avait agressé, étreignant encore son gant gauche. Au loin, côté Angleterre, ils aperçoivent un Visage Familier. Cette créature, issue de mon compartiment Horla est faite de naphte et prend l’apparence d’un être issu des souvenirs de ceux qui l’aperçoivent. Je demande à savoir ce qu’il y a dans les compartiments Mémoire des PJ présents. Seul l’Alchimiste en a un ! Le seul nom de personne dans son compartiment, c’est le Cadavre de Noyé, un souvenir désagréable que j’ai moi-même écrit pour aider Hugo à finaliser sa création de personnage. Le Visage Familier a donc l’aspect hideux d’un cadavre de noyé, gonflé et titubant. Les PJ refilent au campement sans demander leur reste.
Les joueurs ont révélé 7 cartes depuis longtemps. Je me dépêche de finir d’en dévoiler 7 en balançant quelques rumeurs, notamment sur la mer de racines. Je vais pouvoir mettre en place une Mêlée (que je renomme Crise pour l’occasion). Je décrète qu’il est temps de se coucher. Pour dormir, Galaad, le Camoufleur, le Druide et l’Alchimiste déplacent le feu au milieu du wagon, sous une fenêtre qui laisse évacuer la fumée, et s’installent en rond, à un mètre des flammes. On sait que le feu attire drôlement les zombies, comme toute source de lumière. On en a fait l’expérience puisque le zombie « apprivoisé » du Camoufleur essayait de se jeter dans le feu et qu’il fallait le tenir en laisse à bonne distance. Mais on mise sur le fait qu’ils sont encore trop loin. Autour des dormeurs, les cadavres, qui n’ont pas été évacués, personne n’en ayant l’énergie. L’Eclaireur et la Chasseuse prennent le premier quart. Ils s’installent avec le chien de la Chasseuse au sommet du wagon, à côté de la fenêtre du milieu pour bénéficier de la chaleur du feu qui monte.
Au début de leur tour de garde, je fais faire des cauchemars aux quatre dormeurs, histoire de leur remettre en bouche les évènements passés et d’utiliser ce qu’il y a dans leurs compartiments Mémoire, ou Cœur. L’Alchimiste se remémore en rêve une fois où il a eu la chance de prendre un bain chaud. Rêve très agréable… Jusqu’au moment où la tête du cadavre de noyé émerge entre ses jambes…
J’explique que tous les dormeurs se réveillent à cause de leurs cauchemars respectifs et je lance ma situation de Crise. J’explique qu’ils vont avoir affaire à la Mer de racines, à l’Invasion zombie et au Visage familier.
Je ne suis pas certain que les joueurs s’en soient aperçus, mais personnellement, j’ai trouvé que ma situation de Crise était pleine de couacs. D’abord, j’avais prévu de jouer autant d’actions que de joueurs, c'est-à -dire six. Problème, le tableau n’est pas assez grand, j’ai été réduit à en jouer 3 ou 4. Je n’ai pas pu être aussi agressif que je le voulais, car certains joueurs ont été plus rapides que moi pour poser une Carte sur les actions les plus violentes. Et surtout, j’ai eu l’impression que ça n’était pas intuitif pour les joueurs, qui ne savent pas à quoi ils doivent réagir, et prévoient donc des actions qui ont toutes chances d’être rendues obsolètes ou suboptimales vis-à -vis des actions que je vais faire. En gros, j’en suis à l’équivalent de dire : « Une crise survient. Que faites-vous ? ». Pas une très bonne formule pour du jeu de rôle…
Le gros de la crise, c’est la Mer de Racines, qui comme par un effet de marée, submerge le campement en détruisant tout sur son passage. Elle traverse littéralement le wagon, soufflant le feu et démolissant les cloisons d’entrée (côté France) et de sortie (côté Angleterre). L’armature du wagon est épargnée car elle est orthogonale à la vague, elle est juste pliée en accordéon côté France.
Trois des dormeurs ont le temps de se lever et de se hausser sur les portes bagages pour éviter les racines, mais le Camoufleur est littéralement submergé et emporté à 50 mètres de là . Ça lui en coûte trois cartes de son compartiment Viande (la Mer des Racines est un Fléau, je l’avais joué sur détruire, elle peut donc agir sur trois cartes). Flavien me réplique qu’il était le plus agile de tous, il ne comprend pas comment il est le seul à se faire avoir. Je lui réponds qu’il ne s’est pas réveillé assez tôt, ce qui n’a rien à voir avec l’agilité. Mais le voilà maintenant devenu un infirme. Je pars en fait du principe qu’il fallait jouer une action contre cette carte (empêcher, enterrer, déplacer…), or le Camoufleur avait prévu comme action de donner à quelqu’un la barre de fer qu’il avait récolté dans le wagon. Mais quand même, je trouve ça encore défaillant. Manque de choix informé pour les joueurs et de possibilité de faire valoir les atouts de leurs PJ. J’ai eu de la chance que mes joueurs étaient fair-play (Flavien est allé jusqu’à me signaler que sa Carte Zombie apprivoisé en Microcosme était forcément détruite par la Mer de Racines) mais je dois prévoir le cas où ils ne le sont pas et trouver un moyen, soit d’être plus permissif, soit d’être plus clair dans mes contraintes.
La Mer de Racines a charrié des zombies dans son sillage. Nouveau problème !
Le Visage Familier débarque dans le wagon. Il saute dans le porte-bagage où est planqué l’Alchimiste. Je veux en faire un monstre dangereux mais affectueux. Le Visage Familier donne à l’Alchimiste la Carte Couverture que j’avais dans mon compartiment Outils, en répétant d’une voix fluette « Froid » tout en vomissant du naphte et des crabes. (j’avais joué l’action « Donner »). Comme j’avais aussi joué l’action « Créer », je décrète que le Visage Familier est capable de mitose : il se duplique alors et voilà que deux Visages Familiers se rapprochent dangereusement de l’Alchimiste !
La situation de Crise est finie mais on est toujours dans l’action ! Donc je range le plateau mais les joueurs ont encore deux dangers à gérer : les Visages Familiers et les zombies.
Le Druide extirpe à temps l’Alchimiste du porte-bagage. Il soupçonne – à raison – le Visage Familier d’être corrosif et maléfique. Avec l’Alchimiste, il s’enfuit hors du wagon, côté Angleterre. L’Eclaireur saute à terre, arrache une racine et y met le feu. La Chasseuse est toujours sur le sommet du wagon et n’ose pas en descendre. Quand elle voit les zombies débarquer, elle comprend qu’il est temps de jouer la file de l’air, et saute aussi à terre, côté paroi. Les deux Visages Familiers veulent attaquer, et je décrète qu’ils attaquent en Viscères. La plus proche avec des Viscères, c’est la Chasseuse. Ils sortent des wagons par une fenêtre, et faisant preuve d’une souplesse et d’une rapidité fulgurante, fondent sur la chasseuse. L’Eclaireur a juste eu le temps de jeter sur eux sa racine enflammée. Faits de pétrole, ils s’embrasent instantanément. La Chasseuse écope une brûlure superficielle (je crois que je lui ai supprimé une carte, mais je ne me rappelle plus dans quel compartiment).
Les zombies se relèvent et rappliquent en force. Des zombies pénètrent dans le wagon et Galaad, resté en défense, les aligne un par un avec son arbalète. En fait, Galaad, désormais infirme, se sent l’âme d’un héros. Il est prêt à camper là pour donner quelques minutes de répit aux autres. Mais ça ne convient pas aux autres PJ (très bel esprit d’entraide sur cette partie !). L’Alchimiste et le Druide retournent dans le wagon et en sortent Galaad de force. Il faut ralentir la marée zombie. Le Camoufleur (Flavien, fan de zombies, sait à peu près ce qu’il fait) avance vers eux en se cachant (forme et odeur) derrière la flamme d’une torche. Ben oui, les zombies sont très sensibles à la lumière, du coup pour eux une torche c’est perçu comme un énorme cercle de lumière qui occulte ce qu’il y a derrière. Il allume un feu un peu devant le wagon, côté France, et se carapate. Ça ne loupe pas, tous les zombies convergent vers le feu. Problème : les zombies deviennent rapidement des torches vivantes puis s’égayent et boutent le feu aux racines.
Cette diversion permet aux PJ de fuir mais maintenant toute une portion du tunnel est en feu ! La fumée finit par les atteindre et l’air devient irrespirable.
Ils visent une poste de secours mais elle est déjà habitée par le Médicastre (une Carte de mon Compartiment Hommes). Ce médecin-chirurgien à la gueule déformée est hyper chelou. Mais les PJ ont besoin d’un abri. Galaad et le Druide ont tous deux des Cartes qui prouvent leur éloquence, alors le chirurgien accepte de les accueillir. Ça m’arrange bien parce qu’à ce stade du jeu, les PJ sont sur les rotules. Je leur ai ponctionné beaucoup de Cartes et ils ont besoin d’un répit. Si je n’étais pas bien fixé au début de mon bac à sable sur les intentions du Médicastre, je décide maintenant que c’est un brave type, juste un brin inquiétant. Dans son poste de secours, c’est un bordel monstre, il y a une table d’opération couverte de sang et d’instruments baroques. Les PJ lui demandent de monter une jambe de bois à Galaad. Il va chercher du matériel dans l’arrière-salle. C’est un véritable laboratoire où le médicastre entrepose des zombies neutralisés (pieds, mains et mâchoires amputés). Ils sont allongés, cloués au sol par des entraves de fer et leur crâne est passé dans une sorte de pilori. Le médicastre leur a tous ouvert la colonne pour faire des expériences sur leur cerveau. Il est proche du but, il pense avoir compris que les zombies sont parasités par une « animalcule », mais il n’a pas pu le vérifier car il n’a pas de microscope.
Les PJ lui demandent si on peut condamner des sections. Impossible. Dans le tunnel, il n’y a de sas qu’à l’entrée et à la sortie. Ils lui demandent s’il aurait le contrôle sur des vannes d’eau pour inonder le tronçon incendié. Il dit que le problème, c’est qu’il ne faut pas louper son coup, car l’eau éteindra l’incendie mais pourrait colporter les animalcules zombies. Et il n’a aucune idée de leur durée de vie dans l’eau !
Il n’a pas accès aux vannes d’eau, mais il connaît un type qui y a accès : Le foreur (qui fait partie de mon Compartiment Hommes). Il va les aider à convaincre le foreur car il a autant envie qu’eux d’endiguer l’incendie et l’invasion zombie.
Les PJ et le médicastre repartent en direction de l’Angleterre (tant pis, on dormira plus tard) pour aller à la rencontre du Foreur. Ils arrivent dans une zone aux parois crépies de galeries. Entre les rails, il y a un immense puits, qui a été fraîchement excavé à travers le béton. Il descend sur 5 m (on peut le descendre grâce à une colonne d’échelons de fer) pour atteindre un réseau de galeries, repère du Foreur. Galaad, l’Eclaireur et l’Alchimiste sont trop mal en point pour pouvoir descendre. Ils restent en haut, montent le guet et gardent les chiens.
Le médicastre, le Druide, la Chasseuse et le Camoufleur descendent, empruntent une galerie et arrive dans une petite grotte qui communique avec d’autres galeries. C’est là qu’ils rencontrent le foreur, un gars bizarre, avec un long nez et des grosses mains crochues. Ce type passe son temps à creuser, il est rendu à creuser sous le béton du tunnel, directement dans le sous-sol de la mer. Visiblement, il n’a jamais dû lire un manuel de sécurité de sa vie…
Le Foreur est un peu réticent au départ, mais les PJ trouvent les bons arguments. Il leur demande de suivre dans un tout petit tunnel couvert de moellons où on peut progresser qu’en rampant. Le Druide, trop diminué physiquement, ne peut suivre et reste dans la grotte. Quelques instants suivants, une grosse masse poilue le frôle et part dans une autre galerie en creusant. Qu’est-ce que c’était ?
Le Foreur les conduits à la cabine des vannes, il y a un plan du tunnel et une vanne par section. Le Foreur leur demande dans quelle section se trouve l’incendie. Mais pas de bol, ni la Chasseuse ni le Camoufleur n’ont de compartiment Mémoire… Ils n’ont pas la notion du temps ! Dans le noir, avec la précipitation de la course, ils sont infichus de dire à quelle distance est l’incendie. Le Foreur propose alors d’inonder trois sections pour être sûr. Trop, ce serait prendre le risque d’inonder tout le tunnel et de répandre les animalcules zombies. Problème : les vannes sont hyper corrodées. Quand le Foreur veut les refermer, deux d’entre elles se bloquent. En s’y mettant à deux, ils arrivent à refermer la deuxième, mais la troisième résiste. Ils coincent un bâton dans le volant mais ça ne tiendra pas longtemps : il leur faut une barre de fer… comme celle que le Camoufleur a donné à l’Alchimiste pendant la Crise ! La Chasseuse fait l’aller et retour en quatrième vitesse et revient avec la barre de fer pour coincer la vanne. Mais l’eau s’est déjà écoulée bien plus que désiré, et elle arrive à toute vitesse depuis la section de l’incendie vers le puits. Les PJ à la surface se réfugient vers le puits, dans lequel des trombes d’eau se déversent. En bas, c’est la débandade, tout le monde essaye de se frayer un chemin vers la surface. Le Foreur se métamorphose en taupe géante et sort du puits à toute vitesse. La Chasseuse et le Camoufleur parviennent à monter les échelons. Le Druide et le médicastre sont moins rapide, et déjà les galeries sont inondées. Le Druide s’accroche aux echelons, il perd sa Carte Totem protecteur… Il commence à monter, quand le médicastre s’accroche à lui. Le Druide emploie ses dernières forces à remonter le Médicastre. En haut, les PJ tendent un bâton au Médicastre pour le hisser… Je demande au Druide de sacrifier deux cartes en Viscères… Mais il n’a aucune carte logiquement défaussable dans ce cas. Je me reporte alors à une de ces cartes en Cœur : Cardiaque. A bout de forces, le Druide fait une crise cardiaque ! Il lâche les échelons et tombent dans l’eau en furie.
Galaad, n’écoutant que son esprit chevaleresque saute du haut du puits. Déjà le Druide est sous l’eau. Galaad plonge et emploie l’énergie du désespoir à retrouver le Druide sous l’eau et à le remonter à la surface.
Alors que les PJ tentent de réanimer le Druide, les vagues charrient des zombies carbonisés autour du groupe. Galaad est allongé. Pour sauver le Druide, je lui ai demandé de sacrifier deux Cartes. C’en était trop pour lui. Il ne lui reste plus que deux Compartiments : le preux Galaad est mort.
L’inondation nous a fourni un parfait climax, les zombies charriés un cliffhanger qui valide le scénario comme pilote d’une série, et la mort de Galaad a surpris tout le monde, moi y compris. En appliquant une attrition constante, j’en suis venu à tuer un PJ alors que je ne le pensais pas possible en one-shot !
Pour conclure, je garde un excellent souvenir de ce premier crash-test en convention. Il reste bien des choses à revoir mais le fun a été au rendez-vous !
Notes sur le système :
Compartiment que les PJ ont en commun = limiter l'utilisation à une fois par joueur et par séance, le schématiser par un post-it
Mêlée = renommer Crise ou Situation de Crise, pb = on est appelé à réagir sans savoir à quoi ressemble la situation
Pb = à la description, on peut déjà révéler plus de 7 cartes -> possibilité de déclencher une crise dès le départ ?
Crise = avant de permettre de poser des actions, annoncer clairement quels sont les Cartes qu’on va jouer en tant que MJ, et brosser pour chacune d’elle un portrait de leur entrée en scène (« La Mer de Racines arrive droit sur vous comme un raz-de-marée », « Le Visage Familier court vers le wagon. Il est à quatre pattes et ses membres prennent des angles pas naturels », « l’Invasion Zombie est charriée vers vous par la Mer de Racines », etc…).
Je me rends aussi compte que si je prémédite contre qui je dirige une action, rien ne m’empêche d’oublier ou de changer comme ça m’arrange, pour rendre obsolète les actions de défense de chacun. Je vais rémédier à cela en créant une Carte pour chaque PJ et en la plaçant face cachée à côté de chaque Carte que je mise dans une action (ex : « Mer de racines » + carte « Camoufleur »), quitte à prévoir aussi une Carte « Autre » au cas où je voudrais cibler autre chose qu’un PJ.
Crise = Tout au long de la partie, j’ai complètement oublié de mettre les cartes défaussées au Cimetière ! On va mettre ça sur l’effet stress+convention+6 joueurs. Résultat, l’action « Déterrer » était complètement inutile, on ne l’a pas jouée lors de la Crise…
A la création, trouver un équilibre en carte positives et cartes négatives (1 par compartiment ?).
Autoriser une seule carte « exceptionnelle » (mutation positive, équipement hi-tech, pouvoir magique).
PB = que faire quand on demande de sacrifier des cartes d'un compartiment quand c'est impossible ou quand c'est illogique ? Partir sur l’idée de déclencher l’effet d’une carte négative me paraît bien, la crise cardiaque du Druide était super cool.
Quand on joue un effet qui détruit des Cartes et qu’un joueur propose des dégâts collatéraux = ajoute des destructions supplémentaires. => L’essentiel dans Arbre, c’est de ne jamais sacraliser la mécanique : la cohérence et la logique priment, donc toujours dire oui aux propositions logiques des joueurs (dans le sens d’un pire ou d’un mieux). Ça va être difficile d’expliquer comment fonctionne cette « logique floue » dans le livre de base, mais c’est réalisable. Ça n’est pas si différent des jeux de rôles à carac / compétences /dé où les choses ne sont pas si mécanisées ou équilibrées que ça (hormis dans des jeux tels que D&D 3.5 avec les facteurs de puissance et les niveaux).
Quand on veut réussir un test de compétence mais qu’on n’a aucune Carte qui le permette = possibilité de sacrifier 1 à 3 cartes pour réussir malgré tout (i.e. le perso fait un effort hors-norme pour réussir là où il est incapable, et ça lui coûte des ressources).
Quand on veut réussir un test de force, mais qu’on n’a aucune Carte qui le permette = possibilité de réussir le test en s’y mettant à deux.
Hors ligne
LE TUNNEL AUX CENT VISAGES
Joué le 22/02/2014 au Festival Terminus Ludi à Rennes avec Cyril (l’Alchimiste), Adrien (Le Bricoleur), Hervé (le Rebouteux Hydrocéphale), Arthur (le Chirurgien) et Michel (Dimis le Braconnier)
Je continue à crash-tester Arbre en convention avec ce nouvelle partie de mon bac à sable Le Tunnel sous la Manche, cette fois-ci à Terminus Ludi, une convention dont je suis un fidèle depuis quelques années (un salut à Etienne Bar et aux autres orgas, qui comme d’hab ont fait du super boulot), et qui a connu une belle affluence cette fois-ci (occasionnant même un problème de ravitaillement à la buvette, qui me semble a été heureusement solutionné). Pourvu que ça dure !
Je pars sur les mêmes bases que mon premier test du Tunnel sous la Manche au CLIPP : présentation rapide du setting, choix de l’objectif du groupe, choix du compartiment en commun, choix des professions des PJ, création de perso.
Exit les zombies, cette fois-ci on décide que les PJ se sont engouffrés dans le tunnel pour échapper à un gigantesque incendie qui ravage toute la côte ouest. On se garde d’en déterminer la cause, mais on établit qu’il a entièrement ravagé le village des PJ et que ceux-ci ont perdu tout ce qu’ils aimaient. Une fois arrivés en Angleterre, ils espèrent trouver le Mur de la Honte et l’escalader pour s’échapper de Millevaux, ce continent si inhospitalier avec ses arbres si inflammables.
Les joueurs choisissent de mettre le compartiment Cœur en commun. C’est une fort intéressante nouveauté. Le groupe est donc soudé par une amitié durable. Certains joueurs, comme Michel et Arthur, renforceront ce fait en écrivant des post-it avec les noms d’ autres personnages.
Pour le choix des professions, Hervé et Arthur optent tous deux pour la médecine. On décide de typer davantage : Hervé sera rebouteux et Arthur chirurgien. Adrien et Michel veulent tous deux êtres chasseurs. Michel type alors son personnage en en faisant plutôt un poseur de pièges, et l’apprenti du perso d’Adrien. Adrien se « bi-classe » en s’improvisant chasseur-bricoleur. Cette finesse au niveau des métiers m’a intéressé, car elle reflète mon but d’avoir des persos pragmatiques, connaissant plusieurs métiers.
Michel demande s’il ne faudrait pas un chef pour guider le groupe, mais cette idée ne remporte pas de suffrage. Je propose à Michel de tenter de s’imposer comme chef plus tard, en roleplay, mais Michel abandonne cette idée en rajeunissant son personnage, qui se place alors en position d’apprenti, d’admirateur, de protégé. Jeunesse qui lui sauvera la vie à la fin de la partie…
La proposition de Michel m’a intéressé dans le sens où elle pose la question de comment gérer le leadership avec le système. Je suppose qu’on l’aurait fait avec des post-it portant les noms des persos, répartis dans les compartiments Crâne, Cœur et Viscères, mais on n’a pas eu l’occasion de l’expérimenter.
Enfin, je renouvelle une position de table qui me paraît bien adaptée à Arbre : la table en L. Je me place dans l’aisselle du L et les joueurs sur les deux tranches. Moyennant quelques torsions (une chaise à roulettes serait l’idéal), je peux voir tous les joueurs, et je reste proche d’eux. Sensation de proximité qui me paraît bienvenue pour du jeu gritty, me permet de surveiller les feuilles de perso, et permet aux joueurs de surveiller ma feuille de bac à sable. (Arbre se mène sans écran).
Je crois que je vais renouveler l’expérience avec Inflorenza et Sombre… ça n’est valable qu’en conventions où on dispose de petites tables modulables, mais ça vaut le coup d’être retenu.
Fiction :
Je fais une même intro in media res que la dernière fois : les PJ sont entré dans le tunnel, ils ont couru toute la journée dans la mer de racines pétrifiées, et là ils sont crevés, vannés, leurs jambes leur font mal, il faut qu’ils bivouaquent fissa parce que je ne leur autoriserai pas beaucoup de déplacements supplémentaires.
Je demande qui a déjà pris le tunnel sous la manche : Michel répond oui.
Je commence à décrire mon tunnel comme un immense tunnel de 50 m de large, et là , Michel m’arrête : il n’y a pas un tunnel mais 5 tunnels parallèles : 4 tunnels de circulation, et un tunnel de maintenance.
Là -dessus, j’explique que je n’ai pas de recherches au préalables, et je valide aussitôt la version de Michel : cet après-midi, notre tunnel sera donc divisé en 5 tunnels, avec des voies de passage entre eux tous les 100 m.
J’en viens à une réflexion sur la simulation que je mène depuis un moment. Quand en tant que MJ, je décris des lieux ou des aspects techniques que je ne maîtrise pas sur le bout des doigts, je me renseigne auparavant pour savoir qui, à la table, est l’expert dans ce domaine. Ce peut être un vrai expert (ainsi, lors d’un playtest de Rottendam, scénar pirate pour Millevaux Sombre, il y avait un marin à ma table) ou quelqu’un qui croit l’être, ça n’a pas d’importance. Ce qui est important, c’est qu’il soit le plus exigeant et que les autres reconnaissent son autorité dans le domaine. Par conséquent, pour respecter la suspension d’incrédulité de tout le monde, je m’aligne sur son avis. Ça a toujours bien fonctionné quand je l’ai fait, mal fonctionné quand je ne l’ai pas fait (grosse déconvenue à ma table de Warsaw quand j’ai tenté d’imposer ma propre vision sur les armes à feu à des geeks de la deuxième guerre mondiale).
Bien sûr, on ne pense pas toujours à demander qui est l’expert. Mais ce dernier se fera toujours connaître. A ce moment-là , il faut être prêt à se ranger à son avis. On a beau être dans un jeu de rôle tradi, partager certaines responsabilités narratives est salutaire pour la simulation.
En l’occurrence, je viens de vérifier sur wikipedia. Il n’y a ni un ni cinq tunnels, mais trois ! Qu’à cela ne tienne, lors de notre partie, Michel était l’expert, et du moment que j’ai mis cinq tunnels comme il l’avait dit, la crédibilité de la fiction était assurée.
Première étape, faire du feu. La chose s’avère très compliquée parce que les racines sont détrempées et qu’aucun PJ n’a de quoi faire du feu ! En revanche, le tunnel commence à être envahi par la fumée de l’incendie, qui stationne en hauteur. En se faisant la courte, les PJ arrivent à récupérer des branches séchées par la fumée. Pour y allumer le feu, on va faire appel à l’Alchimiste, et à sa passion pour les explosifs.
Dimis est parti en éclaireur. Quand notre alchimiste expert (Cyril avait consacré une demi-douzaine de post-it à cette activité) fait péter la charge, Dimis aperçoit un cerf blanc au bout du tunnel, côté Angleterre. Il va aussi faire la rencontre du Visage Familier, un Horla mimétique fait de naphte (déjà rencontré dans le playtest précédent, « Le Tunnel des Morts », qui a temporairement pris l’apparence du Chirurgien. Mais il ne le voit pas, il le sent juste qui le frôle alors qu’il s’était réfugié dans un conduit de passage vers le tunnel central, et il sent une odeur et un souffle qui lui rappellent le Chirurgien (le Horla imite aussi la voix et les odeurs…).
A la lueur du feu, les PJ remarquent des cadavres transpercés dans les racines. Il comprennent que la mer de racines est un organisme vivant et mortel, et décident de se rabattre sur le tunnel central.
Dans le tunnel central, ils trouvent une camionnette de maintenance d’Eurotunnel renversée qui semble servir d’abri à quelqu’un (cadavres de boîtes de conserves, déjections humains et canines). Ne souhaitant pas squatter son abri ou faire sa connaissance (j’avais alors décidé qu’il s’agissait du repère du Médicastre, un PNJ non hostile), ils piquent juste une couverture (il fait -10°C et très humide) et passent dans le troisième tunnel.
Dans ce troisième tunnel, il y a un train prisonnier des racines, seule la loco dépasse. Apparemment, si la mer de racines a pu avoir une importante activité, ce n’est plus le cas, et les PJ optent enfin pour ce troisième tunnel pour bivouaquer. Ils allument le feu au pied de la loco et fabriquent une corde avec la couverture pour monter dans la loco et y dormir. Au fond de la loco, une porte qui mène à l’intérieur du train. Enfilade de wagons, et ténèbres. Les PJ renoncent à explorer les wagons. L’alchimiste monte la garde devant l’entrée des wagons, le Bricoleur monte la garde au pied de la loco. J’ai voulu enquiquiner les joueurs avec la bouffe, mais il se trouve que 4 joueurs sur 5 ont barré le compartiment Viscères. Ils ont un appêtit d’oiseau. J’ai été un peu enquiquiné par ce fait. En l’occurrence, comme les joueurs savaient pas trop quoi mettre en viscères, ils ont tous barré ce compartiment, et je me suis retrouvé avec des squelettes sur pattes, qui mangeaient jamais. Je n’arrive pas encore à savoir si c’est grave ou pas. Ça me paraît pourtant cool de barrer des compartiments au départ, mais là , ça s’est clairement avéré un avantage pour les PJ. A méditer. Peut-être simplement prévoir un conseil au MJ : dans ce genre de cas, multiplier les situations ou l’absence de viscères est un désavantage ? Oui, mais justement, quel genre de situation ? Dresser un inventaire des avantages / désavantages de chaque compartiment barré.
On entend des appels étranges. C’est le Visage Familier qui hèle les PJ avec la voix du Chirurgien.
Le Bricoleur voit un feu s’allumer à deux cent mètres devant eux, côté Angleterre. En masquant son feu avec son blouson, il envoie des signes de pseudo-morse. En face, ça répond, avec les mêmes signes. C’est l’Imprimeur, un monstre que je n’avais pas eu l’occasion d’exploiter lors du premier playtest.
Le Bricoleur réveille tout le monde. Le Rebouteux part se planquer dans les chiottes de la loco. Sur la cavette des toilettes, il découvre… un visage humain. Un masque de peau vivant, avec des yeux qui clignent. Les PJ ne le savent pas encore, mais c’est l’œuvre de l’Imprimeur, un Horla qui imprime des visages. Le Rebouteux déchire le visage d’un coup de couteau et le met dans sa besace. C’est alors que je découvre… que le Rebouteux est un gros psychopathe. Je ne sais plus comment c’est venu, s’il a dévoilé un post-it pour justifier qu’il collectionnait les restes humains ou quoi … Mais ensuite, je me débrouillerai pour lui faire dévoiler un maximum de post-it… et tous confirmaient que c’était un gros psychopathe !
Ça, c’est vraiment un effet cool du système. En tant que MJ, j’étais autant surpris que les autres joueurs !
Mais le Rebouteux a à peine le temps de ranger sa trouvaille qu’un truc lui tombe sur la tête : une chauve-souris ventouse ! Mais il se trouve que ces bestioles attaquent le Crâne et le crâne hydrocéphale du rebouteux est surmonté d’appareillage en métal. La chauve-souris n’a pas de prise sur lui et le Rebouteux arrive à la tuer facilement.
Pendant ce temps, le Chirurgien tape les parties métalliques de l’habitacle de la loco pour attirer l’attention des gens près du deuxième feu. Mais ça a alors pour effet d’attirer une nuée de chauve-souris ventouses qui déferlent depuis les wagons. Le Chirurgien bloque la porte tant bien que mal, tandis que les chauve-souris se collent aux vitres par dizaines, dans un atroce bruit d’ailes et de succion. Les vitres commencent à se fissurer.
Les PJ comprennent que c’est le bruit qui les attirent. Ils se calment un moment.
En bas, le Bricoleur remonte, et l’Alchimiste descend. Il se fait alpaguer par le Visage Familier, qui prend l’apparence du Chirurgien et le harcèle. L’Alchimiste lui jette son vélo pliable à la gueule, ça ne lui fait pas mal mais splotch, l’Alchimiste réalise que le Visage Familier est fait de goudron. Il parvient à lui lancer une torche et le monstre se transforme en colonne de flammes.
Je crois qu’au final, l’Alchimiste règle ça à coups d’explosifs, mais toujours est-t-il que les PJ arrivent à se carapater indemnes de la loco.
Ils partent vers le deuxième feu. Quand ils y arrivent, il n’y a plus personne. Mais il y a des imprimantes, des vieilles imprimantes laser et des imprimantes 3D rafistolées et connectées à des générateurs électriques. Et l’une d’elle est en train d’imprimer… un visage !
Il y a des hauts-parleurs au plafond, et ils répandent des ricanements dans le tunnel. Les ricanements de l’Imprimeur.
Le visage qui sort de l’imprimante, c’est celui de la femme du Chirurgien, visage atrocement brûlée parce que sa femme est morte dans les flammes. Quand Arthur a créé son personnage, il m’avait demandé de lui écrire un post-it, j’avais écrit « le visage de ta femme » dans sa Mémoire et lui avait expliqué ce qu’il lui était arrivé.
A ce moment-là , le Chirurgien pète grave les plombs. Il révèle plein de post-it qui racontent qu’il était déjà sur la corde raide depuis le début.
C’est le moment rêvé pour moi pour déclarer une situation de Crise. A ce moment-là , certains joueurs me révèlent spontanément des post-it : j’apprends notamment que l’Alchimiste est pourchassé par une bête sanguinaire, et que le Chirurgien a aussi peur d’une bête. Cyril me donne carrément son post-it correspondant à la bête sanguinaire.
Alors, je trouve une idée qui donne une cohérence à tout ça. Le Chirurgien avait épousé en secret Clarice, une sorcière de la forêt que craignait son village. Mais un jour, le Rebouteux et l’Alchimiste ont trouvé la sorcière et son familier, un hideux loup albinos et glabre. L’Alchimiste a brisé une patte du loup et le loup s’est enfui. Le Rebouteux a capturé Clarice et lui a arraché le visage. Ils ont ramené Clarice au village et les villageois l’ont mise au bûcher. Le Rebouteux a alors nonchalamment jeté le visage dans le feu. C’est peu après la mort atroce de la sorcière que le feu a pris à la forêt. Assurément une manifestation de l’égrégore.
La voix de la sorcière se met à résonner dans les hauts parleurs. Un loup albinos, glabre et boiteux surgit des ténèbres et fonce sur l’Alchimiste. Le loup est ultra-puissant, il dégage une égrégore qui donne de violents maux de têtes, et crée le froid et les ténèbres autour de lui.
J’ai encore changé le système de la situation de crise. Ici, les joueurs pouvaient miser sur l’action qu’ils voulaient, et ils pouvaient sacrifier des post-it pour augmenter l’initiative, et d’autres pour augmenter la puissance.
Ce qui a été bizarre, c’est que l’Alchimiste, pour esquiver l’attaque du loup, a sacrifié des post-it de Crâne qui étaient des trucs négatifs. J’ai justifié ça en disant que l’égrégore, combinée à l’effort de concentration qu’il faisait pour allumer un feu autour de lui et se protéger du loup faisaient que sa personnalité se délitait. Mais c’était pas hyper satisfaisant. En fait, moi ça me satisfaisait, parce que perdre des post-it, fussent-ils négatifs, c’est perdre des PV, mais Cyril ça ne le satisfaisait pas, et ça c’est problématique, que les joueurs ne sentent pas l’attrition.
J’ai fait des attaques physiques avec mon loup, qui n’ont pas marché, parce que Cyril a joué « empêché », se protégeant du loup par un cercle de feu, et parce que le Bricoleur et Dimis se sont mis à deux sur « détruire » et ont démonté la gueule de mon loup. Par contre, j’ai fait des attaques mentales sur le Rebouteux et le Chirurgien, jouant des « donner » pour donner une tête imprimée au Chirurgien, et des « dévoiler » pour dévoiler un max de post-it chelous du Rebouteux. Le Chirurgien, de sa propre initiative, joue une action pour être possédé par Clarice, il parle alors avec sa voix et porte sur le visage une expression maléfique. On découvre aussi que le Rebouteux se trimballe aussi avec une tête, depuis le début, celle de son petit frère. Il avoue alors au groupe qu’il aime tuer. Ça ne fait pourtant pas de lui un mauvais camarade !
A la suite de cette Crise, les PJ défoncent les imprimantes et restent bivouaquer sur place, trop crevés pour aller plus loin. Je demande qui monte la garde… et les PJ laissent le Rebouteux et le Chirurgien s’en charger alors que ceux-ci ont visiblement pété les plombs !
Hyper chelou. Je prends Hervé et Arthur en aparté et leur annonce que le climax leur appartient. Ils décident d’assommer le Bricoleur et l’Alchimiste pour venger la mémoire de Clarice en leur découpant le visage. Ils me disent qu’ils s’occuperont de Dimis plus tard. C’est le plus jeune, il est neutre dans l’histoire, ils le prennent un peu en pitié.
On revient dans la salle. Moi, je me rappelle d’un truc important, c’est que Dimis a le post-it « Sommeil léger » (Michel est un vieux singe à qui on n’apprend pas à faire des grimaces). Le truc qui lui sauve la vie ! Il se réveille juste après que les deux cinglés aient assommé ses copains.
La situation tourne à l’affrontement. Tous trois sont armés. Plutôt que de faire une passe d’armes by the book qui durerait des plombes avant que quelqu’un ne meure, je décrète (et je vais le graver dans le marbre du sytème) que deux PJ contre un PJ = le PJ tout seul est tué. C’est alors qu’Arthur décrète qu’il lutte contre la possession par Clarice, et prend la défense de Dimis ! Dimis et le Chirurgien tuent le Rebouteux. Fin de l’histoire.
Un playtest assez intense, marqué par des joueurs très immergés et pro-actifs, et qui m’ont fait plein de remarques à la fin !
Remarques sur le système :
+ Diceless + post-it + simplicité = Très favorable à l’immersion
+ Problème = pénalités / avantages rangés dans le même lot. Codes couleur ou code + et - pour les post-it?
+ Feuille de perso = faire des colonnes au lieu des cercles. A3 ou 1 feuille A4 4 colonne + une feuille 3 colonnes
+ barrer des compartiments se fait au détriment de la logique / n'est pas un handicap
+ généraliser l’écriture d’un post-it par le MJ pour chaque perso ? le joueur choisit dans quel compartiment ?
+ Crise = censé accélerer l'action mais ralentit l'action. Jouer sans plateau ?
+ Quand on perd des cartes, il faut une explication logique. Ce n’était pas toujours le cas, ou plutôt des fois c’était juste logique pour le MJ, par pour les joueurs.
+ Crise -> Sablier ? Carte d'actions qu'on empile devant soi
+ Blessure = choix entre perdre des post-it ou se manger une pénalité ? (comme dans Apocalypse World)
+ Tank a beaucoup de points de vie, contre esquiveur qui a peu de points de vie... (remarque de Michel, que j’ai pas hyper bien compris dans le cadre de ce système)
+ et si les handicap deviennent de plus en plus négatifs ?
+ et si les post-it défaut ne comptaient pas comme des point de vie ?
+ compartiment en commun : jamais utilisé. Quel rôle dans la crise ? Et si le compartiment en commun était un compartiment unique à mettre au milieu de la table, chaque joueur y ajoutant un post-it ?
Quelques exemples de post-it :
velo pliable
vengeance
bache de camouflage
javelot
portrait de mes parents
abri anti-atomique
aucun avis personnel
amitié avec le Bricoleur
nostalgique de son enfance
ne supporte pas la solitude
arachnophobe
connait les champignons
pisteur
dormeur léger
pisteur
maladroit
boiteux
résiste à la douleur
fil de fer pour les collets
visage de ma femme
médecin
peur de la BĂŞte
cuisine
foulard de Clarice
onguents troubles
torche
Ă©motif
paranoĂŻa latente
poches
bandages
adroit
Clarice (ma femme morte dans l'incendie)
tĂŞte de mule
increvable
la BĂŞte
Demi-tĂŞte de Dimis
boîte à outils usés
Le Bricoleur
les ignorants
dosette d'explosif
manuel encyclopédique de chimie
cerf blanc
ignore la douleur
braise
surnaturel
froid (plaie)
visage familier
L'alchimiste
couteau
branche sèche
nerveux
bonne gueule
couvertures
champignons
digestion rapide
L'elfe
L'imprimeur
couvertures
mer de racines (fléau)
cerf blanc (pandémie)
dame blanche
goulasch de vermine
naphte
médicastre
train fantĂ´me
chasseur de reliques
foreur
champignons phosphorescents
ténèbres
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