Merci pour ces précisions.
Si vraiment je constate encore des difficultés sur ce point, je remplacerai, compte tenu de tes conseils ci-dessus, la règles de "la deuxième vie" des dés par un tirage au sort sur la liste des thèmes (des inflorescences).
Inconvénient : un deuxième jet de dé.
Avantages :
- possibilité d'obtenir n'importe quel thème avec un seul dé (par exemple d'obtenir "corruption" avec une puissance, c'est à dire un résultat de 11 ou 12);
- et surtout unicité de la procédure d'écriture des sentences (avec ou sans conflit).
En fait, ça se passe maintenant comme ça dans les nouvelles règles :)
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"Il n'y a pas de lumière sans ombre" (Aragon)
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MAL'CUNCILIU
Cette séance part du théâtre "La Corse de Millevaux par Orlov". Brainstorming ici.
Préparation :
Mes trois joueurs savent ce qu’est un JDR mais un seul a joué (à Cthulhu, longtemps). En revanche, tous sont des fans de jeux de plateau à la blood Bowl et Talisman. J’essaye de ne pas les noyer sous les détails et présente Inflo comme un jeu dans lequel on va essayer de créer une histoire ensemble. J’explique en quoi consiste mon rôle de confident mais ne rentre ni dans le détail des règles, ni dans les conflits, ni dans les différents modes de jeu. Je ne leur explique pas que nous jouons sans instance.
Je lis la présentation d’Inflo et du monde de Millevaux en lisant la page 17 d’Inflorenza. J’explique ce qu’est le syndrome de l’oubli. J’annonce qu’on va jouer en Corse. Je dis pourquoi (parce que je veux tester ce théâtre, parce que je peux recycler des éléments de mon folklore personnel). Je dis rapidement en quoi la Corse fantastique est différente de celle de nos vacances. Le Maquis est omniprésent, la mer s’est retirée et le fond marin est à nu. Les gens sont superstitieux J’explique comment on crée des personnages et comment on écrit ses phrases. J’ai du mal à expliquer ce qu’est un thème, alors je compare cela à un signe astral et à un horoscope.
Je choisis de décomposer la création des perso en trois phases. D’abord je lis la phrase d’accroche, ensuite chacun détermine ce qu’il est en fonction de son thème. Je ne lis en détail que les thèmes qui sont tirés (j’ai finalement opté pour ne pas distribuer la feuille d’adjectifs). Puis, chaque personnage indique deux objets qu’il a sur lui et où il est par rapport à la scène qui comprend le vent, la barque et le feu du bivouac.
Création des personnages
- Mista Rock : Il tire le thème Fa (la religion) et me pose beaucoup de questions. Mista Rock incarne Fra Ghjuvani, un frère qui veut exhumer une statuette de Sainte Rita da Cascia, la sainte patronne des cas désespérés. Il choisit d’avoir un missel et une couronne d’épines du Christ (je lui propose que celle-lui soit du fil de fer barbelé).
- Tranber: Il tire, lui aussi le thème Fa (la religion) mais ne me pose pas de questions. Il se décrit comme Fra Angelicu, le novice de Fra Ghjuvani et veut protéger son maître pendant son voyage. Mista Rock accepte que son personnage soit plus âgé. Tranber choisit une médaille porte-bonheur de Sainte Rita da Cascia et une fiole de vin béni comme équipement pour son héros.
- Tahar: Il tire le thème de Mauru (Le Maure, la mort). Il joue Hassan Il Corso, un pirate maure d’origine corse qui a déserté son navire pour aller chercher un trésor. Il possède une barque et une carte au trésor.
Les trois joueurs conviennent qu’ils se connaissent tous les trois. Les deux frères ont décidé de louer la barque de Tahar pour aller chercher la statue qui fait partie du trésor que le pirate convoite. Elle se trouve dans une île de l'autre côté du détroit.
DĂ©roulement:
Les joueurs veulent partir de suite, je leur rappelle qu’il fait noir et que le vent souffle (comme dans la description). Ils insistent en m’expliquant qu’Hassan utilise ses talents de pirate tandis que les deux frères l’accompagnent par leurs prières. C'est un conflit en alliance. J'en profite pour expliquer les règles du conflit. Pendant le voyage, les deux frères ont mal au cœur, mais l’île est en vue mais Il Corso reçoit la certitude qu'il a la baraka. Tout le monde écrit une nouvelle phrase.
Lorsque les trois voyageurs arrivent sur l’île, le jour commence à poindre. Une aube violacée, sanglante. Je leur décris l’île en pensant à l’Agonie de la Sémillante. J’imagine les îles Lavezzi, les rochers, le maquis et les tombes antiques des marins. J'introduis un PNJ. Je m'inspire du berger du récit de Daudet. Je dis aux joueurs qu’un ermite hideux vient les accueillir. Il est muet, mais les invite de la main dans son caseddu.
Lorsque tous sont installés dans la noire cahute remplie de coquillages marins, le lépreux leur sert un peu de fromages. Celui-ci grouille de vers noirs gros comme un pouce. Curieusement, personne ne veut manger. Les joueurs miment leurs gestes de refus.
Tahar me demande s’il a vu des animaux sur l’île. Je lui dis qu’il n’a rien vu. Il prend prétexte de cela pour explorer l'île à la recherche du trésor. Pendant ce temps là , les autres restent au Caseddu. Fra Ghjovani et Fra Angelico psalmodient leurs prières tandis que le lépreux dévore son fromage répugnant.
De son côté, Il Corso cherche le trésor. Il fait appel à sa connaissance des étoiles pour localiser le trésor, ce qui lui donne droit à deux dés. Je demande aux autres s’ils s’opposent ou voient des complications. Mista Roch décide que le trésor est gardé par un esprit. J'invente un autre PNJ et décide qu'il s'agit du Capitaine de la Sémillante. Il garde le trésor et vole le souffle de tous ceux qui s'en approchent.
Je fais préciser par Tahar quels sont les enjeux du conflit : il me dit qu’il veut arriver au trésor sans rencontrer le capitaine de la Sémillante. Je lui donne deux dés en disant que l’objectif du capitaine de la Sémillante est de le trouver et de le tuer. Tahar tire deux dés et obtient un dé de souffrance et un de sacrifice. J’explique les règles sur le confit et Tahar me dit qu’il s’est emparé du trésor mais qu'il a largement utilisé sa baraka.
Dans le caseddu, les deux frères se montrent charitables envers leur hôte et lui proposent du vin béni. Celui-ci refuse et fait mine de s’endormir. Je rappelle aux frères qu’ils sont fatigués et un peu malades. Mais ceux-ci préfèrent rester debout. Comme ils n’ont pas mangé du fromage, ils ne sont pas empoisonnés et le Mazzeru ne peut pas les chasser dans leurs rêves.
Les deux frères décident de sortir se mettre en quête d’Il Corso. Je demande à Tahar où se trouve son personnage et il me répond qu’il est tétanisé et psalmodie dans un coin. Fra Angelico utilise son vin béni pour guérir Il Corso. Celui-ci se met à raconter ce qui lui est arrivé.
Fra Ghjovani propose de dissiper l’esprit du Capitaine à l’aide de son missel. Fra Angelico l’assistera en utilisant la phrase « je veux protéger Fra Ghjovani ». Le résultat est deux dés de souffrance et un dé de puissance. Mista Rock détruit le capitaine de la Sémillante et attribue ses dés de souffrance à ses camarades. Il Corso s'éloigne définitivement de Dieu tandis que Fra Angelico devient obsédé par le trésor.
Après avoir trouvé le trésor, les personnages remontent dans leurs barques. Le Mazzeru leur jette un sort pour les empêcher de repartir avec le trésor. Fra Ghjovani écope d’un dé de sacrifice, Il Corso également. Fra Angelico obtient un dé de souffrance. Mon Mazzeru parvient à jeter tout le monde sur la côte. La barque se fracasse comme la Sémillante autrefois. Drossés sur la carte, les trois chercheurs de trésor sont trempés et épuisés.
Je demande un conflit simple aux joueurs pour ne pas s’endormir. S’ils s’endorment, le Mazzeru va les chasser et les tuer. Tout le monde est épuisé. Fra Ghjovani et Fra Angelico obtiennent chacun un dé de souffrance, Corso un dé de puissance. Il reste debout mais ses deux camarades perdent le duel. Je leur laisse décrire leur rêve. Tranber accepte que son personnage meure. Les autres creusent leur tombe. Fra Ghjovani jette sur la dépouille de son ami sa couronne d’épines pour que le sommeil ne soit pas troublé.
Nous décidons, faute de temps de nous arrêter là .
Les phrases:
Fra Ghjuvanu:
Fa: "Je suis un moine qui veut retrouver la statue de Santa Rita da Cascia"
Fa (barré): "Ma foi, mes prières et mon missel me permettent d’arriver à l’île".
U Populu: "Mes exploits d'exorciste font de moi le plus célèbre des moines de l'Ile".
Mauru (rêve) : "Je croise une procession, toutes les pleureuses annoncent : "Fra Angelico est mort ! Fra Angelico est mort !" Lorsque je me réveille, c’est vrai. Mon cher frère novice est mort"
Fra Angelico (mort)
(Fa): "Je suis le novice de Fra Ghjuvanu. Je veux le protéger"
(Mauru) (barré): "J’ai cru mourir mais le Maure m’a sauvé."
(A Rabia) : "le trésor m’a rendu fou, je veux le posséder seul."
(Lamentu): "j’ai perdu ma médaille dans la tempête, pauvre de moi !"
(U Ceppu) (rĂŞve): " Je rĂŞve que je suis le Christ et que je suis mort."
Il Corso
(Mauru) : "Je suis un pirate algérien mais j'ai déserté et je cherche un trésor."
(Signu) (barré): "J'ai la baraka ! Je sais lire les signes que me fait Dieu pour naviguer et trouver le trésor"
(U Ceppu) (barré) :"Grâce au trésor, je redeviendrai populaire auprès de mon équipage".
(Fa): "j'ai bu du vin et jamais je ne verrai le visage de Dieu".
Comment j'ai utilisé les thèmes pour animer la partie.
J'ai utilisé les thèmes pour me donner de l'inspiration dans le récit:
Pour le décor:
Les deux scènes sur mer était placées sous le signe de Core (d'où le mal de mer), de Mal'Cunciliu (pour le sort du Mazzeru).
Lorsque les perso sont arrivés sur l'île, j'ai tiré Mauru. Cela m'a permis de filer l'histoire de l'Agonie de la Sémillante.
Pour les PNJ
J'ai crée deux PNJ en donnant un thème à chacun:
Le berger lépreux est placé sous le signe de Mal'Cunciliu: c'était donc simple d'imaginer un Mazzeru et d'en faire un antagoniste.
Le gardien du trésor (proposition des joueurs): placé sous le signe de Rabia. J'ai donc décrit un capitaine dépassé par le chagrin et la solitude, enragé contre tous les vivants.
Premières impressions:
La partie s'est conclue de manière précipitée (au bout de deux heures trente en raison des RER), ce qui nous a empêché d'inventer une fin à cette histoire. C'est plutôt frustrant.
Les joueurs se sont amusés, et j'ai trouvé qu'ils ont eu des idées chouettes: celle du mort vivant gardien du trésor et la description de leurs objets. J'aime bien les scènes de rêves. On a eu aussi un bon moment de role play avec la scène où les joueurs mimaient leurs refus.
J'ai un peu tâtonné sur les conflits mais le mode sans instance m'a permis d'être créatif et de créer des PNJ. Je me suis également bien amusé à donner des thèmes aux décors. En revanche, mais c'était prévisible, mon intervention sur l'histoire était assez lourde. Mes bonnes résolutions pour de futures parties, jouer en mode carte rouge avec instances.
Autre surprise: la linéarité de l'aléatoire. J'ai tiré quasiment tous les résultats en double ou en triple. C'est une drôle de série ! Le plus souvent, c'est bien tombé: je désirais secrètement que mon lépreux soit un sérieux et avec un 4 (Mal'Cunciliu), c'était juste nickel.
PS: Je ne sais pas si ce post se trouve à la bonne place. Je le place ici en continuité de la présentation du décor mais il a peut être sa place ailleurs. Que notre bien aimé hôte me pardonne et fasse tous les déplacements nécessaires.
Dernière modification par Orlov (05 May 2014 22:54)
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Il est vraiment classe ton théâtre. J'adore Signu ! C'est super malin, dans le cadre d'Inflorenza, de créer une inflorescence qui s'insère dans le processus de création de la fiction.
Merci. J'ai pas réussi à l'utiliser dans l'Agonie de la Sémillante mais c'est vrai que ça ouvre des perspectives.
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Merci beaucoup Orlov pour ce compte-rendu, le premier dans cette rubrique depuis la parution d'Inflorenza ! ça me fait très plaisir !
Pour revenir sur tes impressions !
S'il te faut conclure une partie dans la précipitation alors que tu joue sans instance, déclare un conflit de masse dans les 10 dernières minutes, pour clore les arcs narratifs des persos.
C'est une excellente idée de tirer des thèmes pour improviser tes décors ou tes figurants. Mais tu peux le combiner ou le remplacer par une autre méthode : improviser tes décors ou tes figurants en les liant à une des phrases d'un perso. Exemple : Fra Angelico : (A Rabia) : "le trésor m’a rendu fou, je veux le posséder seul." => improviser un figurant qui a aussi été rendu fou par le trésor, ou un figurant qui a le pouvoir de rendre la raison à Fra Angelico ... quitte à lui demander une contrepartie comme la statue de Santa Rita da Cascia (cf Fra Ghjuvanu / Fa: "Je suis un moine qui veut retrouver la statue de Santa Rita da Cascia"). L'avantage de cette méthode c'est qu'elle renforce l'esprit character-centered du jeu, et du coup, les joueurs sont plus impliqués, et en tant que Confident tu peux te contenter de réagir à leurs propositions, donc tu prends moins de place, même en mode Carte Blanche. Dans ce compte-rendu, c'est ainsi que je procède.
Concernant l'aléatoire qui se répète, je te rappelle que si les joueurs sont lassés d'un thème, ils peuvent demander à l'ignorer (en mode carte blanche) ou l'ignorer d'office (en mode carte rouge).
Si à l'inverse, tu veux être sûr de placer un thème, tu peux lui donner plusieurs scores dans le tableau.
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Absolument ! à moins que ce soit 04 Mal'Cunciliu ou alors le thème fierté que j'ai pas inclus mais qui mériterait quelque chose ... une sorte d'égrégore corse.
Au fait à l'occaze, tu pourrais en dire un peu sur la Baltique dans l'Atlas (régions Lituanie / Courlande / Kaliningrad) ? j'ai des choses qui trottent dans ma tête.
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Je devrais rejouer samedi, avec des gens qui ne connaissent pas du tout le jeu voire avec des gens qui ne savent pas du tout ce qu'est un JDR.
Ca se passera en Corse sûrement en carte rouge avec instances, parce que tout ce que tu me dis Thomas, me rappelle que je suis intrinsèquement un MD (donjoneur et fier de l'être ) et qu'il faut donc que je me décale un peu.
La proposition devrait ĂŞtre extraite d'une chanson de Canta U Populu Corsu
Citadella da Fa'
" Car tout est Ă©change et lien entre nous
entre la guerre et la paix dont tu jouis
et comprends-moi à présent si tu le veux bien
toi qui voudrais unir
l’amitié du pain
et le sang partagé
avec des morsures de chien "
Dernière modification par Orlov (08 May 2014 12:02)
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OK... alors tu veux sortir de ta zone de confort !
Pense Ă relire les Conseils de Jeu : Allegro avant de te lancer en Carte Rouge.
Si tu as cette phrase de départ, à la fois forte, évocatrice et mystérieuse, ne surcharge pas en inventant une scène de départ. Si tu veux laisser de la place à tes joueurs, demande à quelqu'un d'autre que toi de commencer la première instance, et si tu joue un personnage, joue en dernier, tu auras le rôle délicat de nouer ensemble tous les fils qu'ont tissé les autres joueurs.
Pour ne pas saturer les joueurs d'infos, demande au premier joueur de tirer le thème de sa première instance avant qu'il commence à imaginer quelque chose, et lis le thème à haute voix, mais vraiment tout le thème, pas juste un résumé. Ensuite, tu liras les thèmes suivants seulement quand ils se présenteront. (quitte à peut-être pas lire en entier quand tu en es au 5ème, 6ème thème).
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La partie s'est conclue de manière précipitée (au bout de deux heures trente en raison des RER), ce qui nous a empêché d'inventer une fin à cette histoire. C'est plutôt frustrant.
Bah, même sans fin la partie a de la gueule ! Mais sinon je pense qu'il ne faut pas hésiter à utiliser au max la plasticité du système de jeu pour abréger/condenser la fiction. Par exemple, tu décrètes : "La partie s'arrête dans 3 tours, faites en sorte qu'ils comptent !". Et en principe* tes joueurs devraient se lâcher sur les conflits de masse et autres joyeusetés pour rapidement donner une conclusion au récit.
* je dis en principe car je n'ai que 4 parties d'Inflorenza Ă mon actif, je suis loooin d'ĂŞtre un expert.
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Je plussoie Gauvain, et j'ajouterai que ce qui compte, ce sont les objectifs définis pour les derniers conflits, on doit veiller à ce qu'ils clôturent. L'avantage du système, c'est que quand on est bien rôdé, un conflit peut être joué en 5 minutes, donc on peut faire un climax en vitesse si on n'a pas le temps de finasser.
Pendant la partie Corbeaux des Balkans, il nous restait 10 minutes avant qu'on doive ranger. j'ai demandé aux joueurs ce qu'il ne leur paraissait pas abouti, ils m'ont dit "ces mafieux qui voulaient nous faire la peau, on va aller leur rendre une petite visite." On s'est fait un conflit pour leur péter la gueule, vite fait bien fait, on a appris quelque chose (les personnages ont tendance à devenir bestiaux dans l'adversité), on a botté les culs qui devaient être bottés, et on a pu se quitter sans avoir l'impression de laisser les choses en plan. Même si il y avait de la matière à faire une deuxième séance, on avait trouvé une vraie conclusion.
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