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#11 23 Jun 2016 08:17

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LA FEMME MÉDECIN QUI EN SAVAIT TROP

Quatre soldats et une call-girl. Le début d'une mauvaise blague.

Jeu : Summerland, jeu de rôle de l'errance forestière le jour d'après l'apocalypse, par Greg Saunders

Joué le 13/02/2016 au festival CLIPP à Le Sourn (Morbihan)

Personnages : Bushido Zenmetsu, Bushido Akumetsu, Rambo, John Smith, Summer Lane

Summerland_vl01.jpg
(images tirées du livre de base de Summerland)


Le contexte :

J'ai fait jouer autour de l'enclave de White Hospital, décrite dans le livre de base.


L'histoire :

Ils sont cinq Errants, à approcher cette clairière.
D'abord quatre anciens militaires, rappelés d'Afghanistan vers l'Angleterre, la mère patrie, peu de temps après l'Evènement, pour gérer l'ingérable, et puis bien vite ils ont perdu leur régiment.
Et la cinquième, Summer Lane, une ancienne call-girl. Comment s'est-elle retrouvée avec eux ? Une longue histoire. Avant l'évènement, grâce aux hommes riches, elle avait tout ce qu'elle voulait. Quand tout s'est crashé, quand tous ces types furent morts ou disparus, elle a tout perdu de cette vie de rêve.

Ils ont entendu des gémissements, et c'est ce qui les a attirés vers la clairière. Un môme le pied pris dans un piège à loup. Son blazer est en loques, et il semble incapable de parler un langage articulé. Un de ces Egarés dont l'Appel de la Forêt à réduit la raison en bouillie.

L'un des anciens militaires, le sniper, alias "Rambo", a repéré un groupe d'Errants armés qui se rapproche de leur zone. Il s'est tellement focalisés sur eux qu'il ne voit pas débarquer une autre personne, une femme médecin, errante elle aussi, Jessica Longburn. Pendant l'Evènement, un arbre est tombé sur son bébé et elle n'a pas pu le sauver : c'est ça son traumatisme qui fait qu'elle résiste à l'Appel. Elle parcourt la forêt pour soigner les blessés qu'elle rencontre. Elle vient de l'enclave de White Hospital, mais elle veut y retourner pour soigner ce môme. Qu'il ne sache plus parler n'en fait pas moins de lui une victime dont il faut prendre soin. Parmi les anciens militaires, il y a deux japs, des frères inséparables. L'un d'eux, le guerrier du groupe, prend l'enfant sur son dos. Summer Lane et Rambo se planquent dans les arbres.

Les Errants qui débarquent sont menés par un type maigre, avec une sale trogne et un fusil. Ils les bombardent de questions. Jessica Longburn, si elle joue les naïves, le fait à merveille. Elle leur dit qu'ils vont à White Hospital. Alors les gars disent qu'ils vont les accompagner. N'empêche que Rambo, qui les a pris à revers, les a entendus dire en arrivant : "ça y est, je la vois, c'est la pétasse qu'on recherche." Ces gars en veulent à la femme médecin.

Bivouac. Les gars ont placé leur lits en quinquonce, ce qui fait que nos héros sont obligés de dormir séparés les uns des autres. Le chef des gars prend le premier quart avec Bushido. Ils commencent à causer. Bushido sent le coup fourré venir, alors il le plante. Deux autres se réveillent, qui faisaient semblant de dormir. John Smith, un des militaires qui lui aussi avait pris sur ses réserves morales pour faire semblant de dormir, arrive à en planter un sur son lit de camp, mais il pète un câble et se barre dans la forêt.
Rambo, qui surveillait le bivouac de loin, tire deux coups et descend un gars, puis il pète aussi un câble et se barre aussi dans la forêt. Un autre gars se réveille en sursaut, la main encore glissée dans son caleçon. Les deux gars se rendent. Ils expliquent qu'en effet ils ont été payés par un gars de White Hospital, un certain Jean Hirst, pour retrouver Jessica, la tuer et lui rapporter son corps. Jessica explique qu'elle sait un secret sur Jean Hirst : ce type dirige une bande d'individus masqués qui chopent tous les Errants qui passent et les bombardent de questions sur les autres enclaves. Elle en savait trop, et Hirst voulait la faire disparaître. Les gars jurent que leur chef ne leur avait pas expliqué qu'il fallait tuer la fille. Nos héros les laissent partir avec une machette chacun pour qu'ils puissent survivre dans la forêt.

John Smith et Rambo courent dans la forêt. Ils sont pourchassés par quatre humains qui courent à quatre pattes : des Sauvages. Le combat s'engage. Rambo en descend un avec son fusil, à bout portant. John Smith est aux prises avec une femme couverte de terre, qui le laboure de ses mains griffues, et un homme au cou de taureau. Ses nerfs lâchent et il prend la fuite aussi vite qu'il peut, abandonnant John Smith. John poursuit le corps à corps, puis ses nerfs lâchent à leur tour.

Quand il reprend son esprit, il est dans une grotte avec une dizaine de Sauvages. Il a perdu sa chemise et son fusil, il a mal partout. Il s'est pris à piège à loup dans le pied. Les Sauvages sont en train de dévorer un des gars que nos héros ont libéré, celui qui se mettait la main dans le caleçon. Il y a des pièges à loup empilés : les Sauvages doivent rester assez intelligents pour piéger les personnes isolées.
En face de lui, il y a celle qui doit être leur cheffe, une femme au physique d'altérophile, avec des deltoïdes impressionnants. Son visage est couvert de sang, elle fixe Rambo avec une ferme insistance. Elle arrache l'oeil du gars et mord dedands, ça fait shpluic, puis croc. Rambo mange un bout de la jambe du gars pour se faire passer pour un Sauvage, avec une grande répugnance. Il s'éclipse de la caverne peu après. Il laisse juste un piège à loup sur leur chemin, en souvenir.

Il passe la nuit dans un arbre. Pendant cette nuit, il voit des silhouettes encercler l'arbre et le fixer. Ils sont en turbans, ensanglantés. Ce sont les talibans qu'il a tués et torturés. Ils l'appellent.
A l'aube, Rambo reprend ses jumelles et voit au loin la forme d'un hĂ´pital.

Après toutes ces vicissitudes, nos héros arrivent à se retrouver à l'entrée de White Hospital. L'Hôpital est bien barricadé, avec des gardes armés en faction et une seule entrée protégée par une soldate armée d'un FAMAS. On voit des serres derrières l'Hôpital.
Comme ils ont sauvé la femme médecin et qu'ils ont un blessé, on leur accorde l'entrée. Et puis Bushido Akumetsu, l'autre frère jap, est aussi médecin. Ils font la connaissance du médecin en chef de l'hopîtal, c'est un peu le cerveau des lieux. Mais Akumetsu voit bien qu'il est en phase terminale de son cancer, il ne lui reste pas longtemps à vivre et s'il meurt sans remplaçant, l'hôpital va partir à vau-l'eau. Akumetsu se dévoue pour prendre sa place, et son frère reste aussi dans l'enclave, car il ne vit plus que pour le protéger, et il plus que tout peur de le perdre.
Summer Lane fait connaissance avec Jean Hirst. Elle couche avec lui pour lui tirer les vers du nez. Hirst lui explique qu'il fait tout ça pour protéger White Hospital. Ce qu'il veut au final, c'est tuer toute personne qui irait répéter dans les autres enclaves l'existence de White Hospital : tuer les convoitises dans l'oeuf. Il fait goûter de la morphine à Summer. Alors elle a une vision, elle se voit avec Hirst dans la suite princière d'un hôtel de luxe. Par les fenêtres, elles voit les immeubles qui bordent la Tamise. Un instantané de sa vie d'avant.

Jessica Longburn veut repartir, bien entendu, pour poursuivre son sacerdoce. Hirst missionne Summer pour la faire disparaître : si elle révèle aux autres enclaves l'existence de White Hospital, ce serait une catastrophe, et elle risque de le faire parce qu'elle sera trop tentée d'y ramener des blessés.

Justement, Jessica les fait venir dans une des chambres de l'hôpital. Installé sur un lit, le bras en perfusion, le petit Egaré se remet doucement. Jessica explique qu'il a même recommencé à parler un peu. Le gamin leur sourit et leur dit : "M... Merci."

John Smith et Rambo se dévouent pour raccompagner Jessica jusqu'à la prochaine enclave. Ils ont reçu de Summer la mission de l'éliminer.

Premier Bivouac. Rambo flingue John Smith dans le dos, puis il dit Ă  Jessica de fuir.

Rambo essaye de retourner à White Hospital avec le corps de John Smith. Il fera croire qu'il a tué Jessica, que John a voulu l'en empêcher et qu'il est mort.

Il est pris en chasse par une dizaine de Sauvages, l'altérophile à leurs têtes. A nouveau, il veut jouer la comédie du Sauvage. Mais l'altérophile a l'air fermement décidé à le voir dévorer John Smith pour prouver son allégeance.

Alors Rambo prend la fuite. Ils sont déjà sur lui.

Il a juste le temps de sortir son fusil et de tirer une balle dans sa propre bouche.

Deux jours plus tard, ne voyant revenir ni John Smith ni Rambo, Jean Hirst commence à avoir des soupçons. Il veut partir vérifier ce qui s'est passé, et entraîne Summer Lane avec elle, qu'il juge indispensable. Les deux frères japonais refusent de les accompagner, au titre que l'un est maintenant le médecin de l'enclave et que l'autre doit rester protéger son frère.

Quand Summer Lane et Hirst sont partis assez loin, Summer tire une balle dans la jambe de Hirst, et repart en courant vers l'enclave.

Elle l'entend crier, derrière lui, blessé à mort, à la merci des Sauvages :

"... S... Salope !"


Commentaires sur le jeu :

J'avoue être arrivé sur cette partie un peu les mains dans les poches. J'avais fait une première lecture du jeu il y a un mois, j'ai omis de le relire. J'ai en revanche imprimé les feuilles de perso et les aides de jeu créées par Tony Martin, qui m'ont été fort utiles, et en cours de jeu, je me suis reporté au livre à chaque fois que c'était nécessaire. J'ai expliqué les prétirés aux joueurs, mais ils ont tous préféré créer leurs personnages. Je me suis dit que c'était dommage, parce que j'aimais beaucoup le concept de Jessica Longburn, l'Errante médecin. Comme j'étais arrivé sans préparation, j'ai décidé à la volée de la reprendre comme figurante, et je me suis dit que je me reporterais à une enclave pour me servir de canevas de jeu. En l'occurrence, j'ai choisi White Hospital parce qu'il exploitait le personnage de Jessica.
Il y avait aussi un prétiré qui avait une intrigue avec Jessica, mais du coup j'ai passé ça sous silence.

Après ce test, j'ai trouvé que Summerland fonctionnait bien en jeu moral. Les prétirés comme les enclaves sont source de dilemmes, donc j'ai joué là-dessus à fond. En revanche, je trouve le système de résolution un tout petit peu trop compliqué (une somme de carac+traits comparé à un seuil de difficulté sous forme de nombre de dés à lancer, avec prise en compte de la marge de réussite, plus des incidences sur les scores de trauma et de stress) pour un jeu moral.

J'ai un peu cafouillé dans ma gestion du stress. On perd du stress sur des scores trop élevés aux dés, et quand on tombe à zéro, le personnage pète un câble. J'ai opté pour décrire le pétage de câble, d'une façon qui ne blesse pas le perso mais le place dans une nouvelle situation, un peu difficile. Mais en fait, le manuel préconise que ce soit le joueur qui décrive son pétage de câble, ce qui aurait changé vachement la dynamique de jeu. J'ai aussi mésinterprété la règle des nouveaux pétages de plomb : normalement, quand on est tombé à zéro en stress, on refait un pétage de câble à chaque 6 aux dés, alors que moi j'ai fait remonter la jauge à 5 et on rebaissait sur des 4-5-6 aux dés.

Autre chose non prévue dans le jeu : j'ai parfois rajouté des dilemmes du genre : "si tu fais semblant de dormir, tu vas perdre 2 stress" ou "si tu manges de la chair humaine, tu vas gagner 2 trauma".

En tout cas, je suis ravi de ce test et je recommande Summerland pour ceux qui veulent expérimenter du post-apocalyptique très ras de terre, avec peu de fantastique ou de SF et des problématiques très humaines.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#12 29 Jul 2016 11:13

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

PARTICULES

Sphynx, moteur idéal pour jouer les révélations sur l'histoire de Millevaux au lieu de simplement les raconter

Jeu : Sphynx de Fabien Hildwein, exploration et errances métaphysiques au cœur des ruines de civilisations disparues.

Joué le 05/03/2016 à Nantes au Colloque Bob le Rôliste, lors de la tournée Nantes est Millevaux 1

Personnages :
Le paléontologue, Simon Herman l'anthropologue, Alan l'historien du génie, Conaal Uriabaas le linguiste, la parapsychologue

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crédits : man under stress, Nasa Johnson, paulo geordio, sy parrish, Theo Junior, Vince O'Sullivan, licence cc-by-nc, galeries sur flickr.com


L'histoire :

Ils sont cinq scientifiques du Centre Espoir, en Suisse, l'un des derniers lieux de civilisation et de technologie à Millevaux. Le Centre les envoie explorer des vestiges en France, dans le Massif Central, qui pourraient bien receler des informations cruciales sur l'Âge d'Or. Tous ont un intérêt à trouver un remède à la forêt et aux autres maux qui menacent l'humanité, comme l'oubli, qui leur impose chaque matin de s'injecter une dose de sérum de mémoire cellulaire.

Ils forment une équipe et partent vers leur destination dans un véhicule volant qui ressemble beaucoup à une navette spatiale. L'atmosphère en France est saturée de particules d'emprise, il faut prendre toutes les précautions nécessaires.

Ils arrivent de nuit au-dessus des montagnes majestueuses d'Auvergne et se posent à l'entrée du site. Ils descendent de la navette, équipés de scaphandres massifs pour se protéger de l'emprise.

Devant eux, entre les arbres, se dressent la face émergée de l'iceberg : des immenses silos à grain, corrodés et couverts de végétation. De quoi nourrir plusieurs millions de personnes. L'Europe était-il devenu le grenier à blé du monde ?

Ils trouvent une grande rampe qui descend dans les profondeurs, et accèdent à un gigantesque hall enténébré. Ils y trouvent une collection d'animaux conservés dans des cuves à stase, mais aussi une femme dans une des cuves. Le linguiste lit des instructions de réveil faisant référence à un "prince charmant", et la seule autre cuve qui porte l'inscription "prince charmant" est une cuve contenant... un crapaud. Ils déverouillent la cuve de la femme, qui sort alors d'un sommeil de deux-cents ans. Sa mémoire est aussi vierge qu'un enfant qui vient de naître. Ils lui font alors embrasser le crapaud, et celui-ci déverse à l'intérieur de sa gorge un fluide qui contenait toute sa mémoire. La femme reprend ses esprits. Elle dit s'appeler Genèse. Elle leur explique que c'est ici un centre de génétique créé pour augmenter les rendements des cultures et de l'élevage en Europe, condamnée par ses envahisseurs (les Etats-Unis et la Chine) à devenir leur grenier maintenant qu'eux avaient détruit leur propre environnement. Elle explique le principe du crapeau de la façon suivante : ils ont découvert que la mémoire ne s'inscrivait pas uniquement dans nos neurones : une copie se faisait dans les gènes mêmes. Les gènes, sont la mémoire.

Guidé par son chien qui vient de ramener un os colossal, le paléontologue poursuit l'exploration du hall. Plus il s'enfonce, plus les cuves deviennent énormes et les animaux étranges. Il découvre beaucoup de nouvelles espèces crées par l'homme. Un éléphant conservé dans une cuve. Plus loin, un cochon-baleine : un cochon de quinze tonnes, sans peau ni yeux ni sabots, une viande vivante. Le chien s'agite autour d'un tas d'ossements pachydermiques, près de cuves éclatées. Il escalade les ossements et remonte à la surface. Il découvre des bovidés colossaux et laineux, avec des cornes impressionnantes, en train de brouter les arbres au dehors. Les humains sont allés loin dans leur manipulation des animaux d'élevage.

Ils avisent une porte avec le symbole "danger biologique". Ils passent dans les serres. Celles-ci sont quasiment comblées par la végétation qui s'est développées de façon anarchique, il reste juste un passage d'homme, ils se laissent guider par Genèse qui semble savoir se repérer dans les lieux. Ils évitent une passiflore géante dotée de pinces à bouches carnivores. Ils découvrent une plante dont les fruits sont des foetus de veaux. Genèse leur explique que l'ADN de ces plantes est maintenant "intelligent". Leurs gènes apprennent, évoluent.

Elle explique qu'ils ont modifié les plantes pour qu'elles secrètent des toxines pour lutter contre les ravageurs, ce qui a permis des rendements miraculeux sans emploi de pesticides. L'ADN des plantes dialoguait avec son environnement. Les ravageurs ont évolué à leurs tours. On a commencé à créer des "bio-agents", des microorganismes aériens qui produisaient les toxines à la place des plantes, et qui s'adaptaient aux ravageurs en permanence. On a continué en produisant des "bio-agents" affectés à d'autres tâches.
Les populations pauvres les plus exposées aux bio-agents ont commencé à souffrir de maladies congénitales. Les humains venaient de créer l'emprise, ce phénomène biologique qui altère les êtres et les choses, qui est aujourd'hui présent dans tout Millevaux, à haute dose.

Genèse leur montre ensuite une collection de seringues contenant une variété de produits biologiques. Elle montre qu'on a perfectionné le principe des bio-agents pour qu'ils dialoguent avec l'ADN humain. Elle a un cathéter au bras et s'implante une seringue de jouvence. Son visage de quarante ans en paraît maintenant vingt. Elle leur montre des seringues de mémoire qui contiennent les mémoires des grands de ce monde. Elle propose à la paléontologue (et le fantôme qui l'accompagne lui conseille d'accepter) de tester, avec une seringue qui contient l'ADN de grands danseurs de tango. Elle accepte de se faire piquer, et c'est alors comme si elle s'entraînait au tango pendant vingt ans dans les bras de Genèse.

Ils arrivent dans la salle de l'ordinateur central. C'est une immense console avec un écran de quatre mètres de haut et un clavier démesuré, couverte de poussière. Pour la démarrer, il faut se "brancher" aux perfusions qui dépassent de la console. Simon Herman l'anthropologue est toujours accompagné d'un secrétaire, Mickael, qui note tout ce qu'il dit. Il l'invite à se brancher à la console. Mickael reçoit alors les fluides vitaux de l'ordinateur dans son propre sang, il se met à baver et de la mousse lui sort des oreilles et du nez. Il se met alors à parler avec une voix monocorde, possédé par l'ordinateur : "Posez... votre... question..."

Ils posent des questions et des hologrammes d'archives apparaissent autour d'eux. Ce ne sont pas des hologrammes classiques, mais des nuages intelligents d'emprise qui se forment, éclairés par un projecteur.

Il y a eu des attaques terroristes contre les installations du gouvernement. Le gouvernement a commencé à concevoir des armes biologiques pour marquer les esprits et faire des "frappes chirurgicales" sur des populations rebelles. Ainsi, ils ont inversé le principe du sérum de mémoire et ont créé des bio-agents qui se nourissaient de mémoire et altéraient la mémoire génétique : ils ont créé une bombe d'oubli. Mais les terroristes l'ont volée. La suite, les explorateurs la connaissent : ils ont fait usage de la bombe, répandant un oubli héréditaire sur tout le continent.

Genèse profite un instant que les explorateurs ont le dos tournĂ© pour activer l'ouverture de la "salle des specimens".  Quand ils lui demandent pourquoi elle a fait ça, elle rĂ©pond : "Parce que vous ne les auriez pas laissĂ©s vivre." Ils comprennent que Genèse n'Ă©tait pas qu'une scientifique comme elle le prĂ©tendait : elle Ă©tait aussi une terroriste infiltrĂ©e. DĂ©sormais, ils ne la quittent plus du regard un instant, et la maintiennent sous bonne garde.

La parapsychologue voit dans les caméras une autre personne qui erre dans le complexe : c'est une femme vêtue d'une robe blanche, comme transparente. Genèse explique que c'est sûrement une brume de bio-agents. L'âme, les émotions, comme la mémoire, sont inscrites dans les gènes. Les bio-agents dialoguent aussi avec eux. Cette apparition est sûrement le fruit de leurs croyances : l'égrégore est aussi le fait de bio-agents.

Les assistants du paléontologue l'avertissent que deux de ses hommes, John et William ont fait une très mauvaise rencontre dans un des secteurs : ils ont été attaqué par des "specimens". Leurs compagnons n'ont pas eu le choix que de fermer le sas, enfermant John et William avec les specimens. La parapsychologue observe le secteur par les caméras. L'un des specimens, masse noire en perpetuelle évolution, avec des foetus de veaux qui pendent à son cou fixe la caméra. Il prend le visage de la parapsychologue. Elle demande à travers la caméra : "Qui êtes-vous ?" et le specimen, qui s'avère être un des premiers horlas, fruits de l'emprise et de l'égrégore, répond avec une voix horrible : "Nous... sommes... l'avenir..."

Les explorateurs envoient leurs mercenaires faire une expédition de sauvetage. Ils sauvent William, mais un mercenaire trouve la mort, dévoré par un horla. Le casque de William est fracturé. Alan, dont l'indignation a monté en puissance tout au long de l'exploration, abat William d'une balle dans la tête. Exposé à l'emprise, il pouvait être dangereux.

Ils décident d'évacuer les ruines en hâte. Le pilote demande s'ils veulent lâcher un missile thermo-nucléaire sur la zone. Alan est pour, mais les autres préfèrent préserver le site, à moins qu'ils craignent que l'explosion créé plus de problèmes qu'elle n'en résolvent. Ils décident de remonter le rapport vidéo pour que le Centre Espoir croient qu'ils ont visité des ruines désertes et sans intérêt. Ils gardent le secret pour eux.

Plus tard, le linguiste découvrira une langue faite d'ADN intelligent, la langue putride, que peuvent parler humains, animaux et horlas.

La parapsychologue ne désespère pas de trouver un remède à Millevaux.

Les autres continuent leurs recherches, et taisent leurs craintes.

Il y a cette dernière chose que Genèse leur a dit dans la navette : le fait que les bio-agents d'emprise et d'égrégore se seraient agglomérés en une gigantesque psyché collective, que les scientifiques ont nommés par un acronyme d'une série de protéines : S.H.U.B.N.I.G.G.U.R.A.T.H.

Les humains ont-ils créé Dieu où était-il présent de toute éternité avant de s'incarner ironiquement dans cette forme ?


Feuilles de personnage :

La Parapsychologue
Question Métaphysique : Qu'est-ce que l'âme ? Existe-t-elle ? Comment / que va-t-elle faire après la mort ?
Alan : je peux pas le blairer au boulot
Le paléontologue : admirative de son travail, impressionnée
Allié : un fantôme aux conseils hasardeux mais convainquants

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crédits : Salomé, par courtoisie

Conaal Uriabaas
Linguiste
QM : Pourquoi la vie a été créée ? Dans quel but ?
Le paléontologue : je l'admire car il étudie le passé
Simon Herman : je l'apprécie
Partenaire : un apprenti qui suit ma voie

Le paléontologue
QM : Y a-t-il une fin heureuse à l'avenir de l'humanité ?
La parapsychologue : reconnaît le talent, mais a du mal avec la personnalité
Coniaal Uriabaas : grand ami de son maître, impatient de le voir faire ses preuves
Allié : mon chien qui a un super flair pour trouver les fossiles et qui m'aide à les déterrer

Simon Herman
Anthropologue
QM : Dieu existe-t-il ?
Allié : Michel, mon secrétaire qui note tout ce que je dis.
Inventaire : appareil photo, carnet de notes, stylo, sac, gourde

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crédits : Anièle, par courtoisie

Alan
Historien du GĂ©nie
QM : Poudre noire, railgun, uranium appauvri ou tĂŞte creuse ?
Simon Herman : moyen
La parapsychologue : bas
Allié : Hyène avec mâchoire mécanique et venin
âge : 36 ans
origine : une colonie au nord de l'Europe
Inventaire : pistolet semi-auto (60) avec silencieux, couteau de combat, cestes (2), gourde (1L), pastilles purificatrices (10), lampe frontale, lunettes enveloppantes, carnet, stylo, masque à gaz, cartouches charbon (2), vivres (3 jours), grenades (3), sac à dos (50 litres), monoculaire, boussole, briquet tempête, couteau pliant, encyclopédie universelle (électronique), appareil d'enregistrement universel, projecteur toxique (5) (bras gauche), corde (20 m), poulpes mécaniques d'exploration (3), lame jaillissante (bras droit), montre, loupe, blague à cigares (6), détecteur d'emprise, fusil à verrou (30), découpeur thermique, machette, trousse de secours, trousse à outils, communicateur, mouchards (2)


Notes de ruines :

Savoir transcendantal : utiliser la vie, la vie nous utilise
Pourquoi la civilisation a disparu : guerre, égrégore, emprise, hubris
OĂą : Noirmont-ferrant / NRA (= INRA de Clermont-Ferrand= institut de recherche agronomique)
Lieux : serres, labos de génétique, labos de bio-agents, ferme de mégavaches, labo de bio-agents pour humains (mémoire, cosmétique)
Evenements du passé : missiles d'oubli, agriculture ultra-intensive, remède contre Alzheimer, médias, terrorisme
Objets : seringues, graines et oeufs totipotents, armes et technologies Ă©ternelles
Mythes : Nature contrôlée, fin de la pollution, gouvernement unique après la guerre, technologie éternelle
Survivants : Horlas, IA
Habitants : mutants, autochtones perdus, savants fous
Image : symbole "danger biologique"

J'ai omis de faire une liste de révélations, considérant que mes notes de ruines et ma connaissance de la genèse de Millevaux en constituaient déjà une plus qu'exhaustive.


Commentaires :

Durée :
1/2 h création de personnage, 2h1/2 d'aventure

DĂ©fis :
Le Colloque Bob le Rôliste est "le festival du jeu de rôle à la bonne franquette", le ton est toujours à la bonne humeur et les parties de première partie de soirée, chronométrées à trois heures, sont souvent placées sous le sceau de l'humour, avec des orgas qui viennent soumettre au MJ des évènements aléatoires complètement loufoques. Plus intello que moi tu meurs, mais c'était quand même un défi dans le défi que de venir proposer du Sphynx, un jeu qui se prend au sérieux, dans ces conditions.

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les évènements aléatoires que j'ai tirés... et appliqués en jeu

Mise en jeu :

Lors de la création de personnage, j'ai tout simplement confié à la table le malaise que je pouvais ressentir à leur proposer un jeu intello, et j'ai mentionné que si les persos étaient très intellos (avec leur discipline scientifique et leur question métaphysique), rien ne nous empêchait de rigoler entre joueurs. En reléguant le rire au méta, ça nous a permis de jouer une aventure sérieuse en restant dans la convivialité.

Au vu du temps limité, j'ai un peu simplifié la création de personnage : au lieu de faire des liens entre tous les personnages, chaque joueur.se s'est contenté de décrire le lien que son personnage avait avec les personnages joués par la personne à sa gauche et la personne à sa droite. J'aurais pu demander de faire des liens avec les personnes en face pour davantage de circulation de la parole, mais ce festival étant très bruyant, j'ai préféré limiter les interactions.
L'un des joueurs a créé un personnage suréquipé (Alan), c'est a priori inutile avec ce jeu mais j'ai laissé faire, je trouvais que ça en disait long sur l'attitude du personnage, sur sa défiance vis-à-vis des ruines.

J'ai donné des jetons et des points de voyage aux joueur.se.s selon les règles du jeu à chaque fois que j'y pensais (et j'ai constaté que c'était difficile d'en donner aux personnes en bout de table, car j'entendais moins bien ce qu'elles disaient), ça m'a permis de récompenser les comportements recherchés par le jeu. Pour autant, j'ai toujours donné les révélations gratuitement, les joueur.se.s n'ont jamais eu besoin de prendre l'initiative de dépenser des jetons. Je l'ai fait parce qu'à chaque fois la table se posait les bonnes questions et méritait sa révélation gratuite, et aussi parce qu'en tant que meneur, j'avais un temps limité et l'envie de placer mes 8 révélations.

Debriefing :

Au final, j'ai trouvé que l'aventure était une franche réussite, malgré mes a priori de départ. L'historique de Millevaux est complexe, qui plus est après dix ans de réflexion sur le sujet, et il n'est que rarement mis en jeu, puisque justement il appartient au passé du jeu et non à son présent. Sphynx était le jeu idéal pour révéler la genèse de Millevaux en restant complètement dans le jeu. Quelque part, je suis beaucoup plus enthousiaste sur ce jeu après mes propres expériences sur Innommable (dont Sphynx est un hack lointain) et sur du jeu diceless (Inflorenza Minima) que je ne l'étais après mon premier test


Retour à froid de la joueuse de la parapsychologue :

C'était ma première fois en JDR et j'ai beaucoup aimé.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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#13 24 Nov 2016 18:04

Thomas Munier
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

AUTRUCHES & CRAPAUDS

Autruches by the book, création de personnage en roleplay, aventures pittoresques à ras de terre.

Jeu : Dragon de Poche (2ème édition), jeu de rôle médiéval-fantastique dans une ambiance old school et pittoresque, par Le Grümph

Joué le 02/05/2016 sur google hangout
Personnages : Soque la gnome chapardeuse, Grum l'ogre veneur, Vrisse le chevalier sidhe

Partie enregistrée ici et ici
 
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illustration : (C) Le GrĂĽmph


L'histoire :

La croisée des chemins. Deux caravanes se sont arrêtées dans ce carrefour et font bivouac commun. Tonneaux mis en perce pour taverne improvisée. Estrade de théâtre de bric et de broc. Tentes qui claquent au vent. Des sidhes ont chauffé de l'eau par magie dans des barriques et proposent un service de bains.

Hommes, femmes, enfants, vieillards sont massés devant la scène de théâtre. Quand on perd ses souvenirs comme l'air qu'on expire, les histoires valent de l'or. Sur l'estrade, Ovidie et son masque de bois, et tous les autres masques accrochés à son long manteau, et les enfant pour les porter et faire défiler les différents personnages, et les effets de théâtre d'ombre, de pyrotechnie et les roulements de tambour. Ovidie raconte la création du monde.

Puis elle fait monter sur scène trois nouveaux-venu qui payent leur passage dans ce grand bivouac en se prêtant à un jeu de geste. Ce soir, c'est leur histoire qui servira de pitance aux gens de la caravane. Ovidie leur donne des masques de bois magique : l'histoire qu'ils raconteront sera la leur, pourtant le public croira que c'est pure invention. Qu'ils avouent être là pour assassiner une personne du public, et aucun ne prendra garde. Seule Ovidie verra les choses sans filtre.

Les trois aventuriers sont Vrisse, chevalier idéaliste, de mousse et de feuilles, qui fut banni par ses pairs pour sa trop grande fragilité d'esprit, il est le chef de la bande, ou d'aucuns diraient leur bouc émissaire. Il y a Grum, l'ogre veneur. D'aucuns disent qu'il est laid, lui préfère dire qu'il est différent. Connaisseur des pistes et des plantes, il aime les animaux tout doux mais se voit contraint d'en tuer beaucoup pour se nourrir, aussi fort que naïf, il apprendra bientôt le sens du mot "subterfuge" et se hasardera même à en commettre certains. Il y a aussi Soque, une gnome de la race des monte-en-l'air, des faufileuses, des subtilisatrices.

Ils racontent au public qu'ils forment une bande pour prouver au monde l'amitié entre les peuples, et comptent bien rendre service à qui le demande pour l'illustrer.

A la fin de la représentation, Ovidie les fait dialoguer entre eux. Où l'on apprend que Soque a tatoué sur l'épaule de Grum le symbole des trappeurs-fourreurs, une guilde que Grum déteste parce qu'ils tuent les bêtes de façon industrielle. Cela s'est passé dans l'arrière-salle d'une taverne et c'était sous la menace d'un salopard sur qui il faut encore remettre la main.

Où l'on apprend que les familles de Grum et de Vrisse sont en guerre, mais que Vrisse a obtenu du père de Grum que Grum l'accompagne, en échange d'une dette d'honneur. Dette magique qu'il se devra d'acquitter, et son propre père le tuera pour ça quand il l'apprendra.

La première caravane est une caravane de pionniers en route vers la Ville sans Nom, une ville fantôme envahie par la forêt (ou une forêt envahie par une ville fantôme ?) qui regorge d'objets-souvenirs que les pionniers rêvent d'extraire. Vrisse est déjà passé par là et ne s'est pas attardé. La deuxième caravane est une croisades de pauvres gens partis massacrer les trolls et les gobelins qu'on dit terrés en masse dans la Grotte aux Mille Voix, une grotte devant laquelle Grum est déjà passé. Il avait entendu des milliers de voix de trolls et de gobelins parler dans les cavernes.

Où l'on apprend enfin que Vrisse a fait une remarque maladroite au chef ogre de la caravane des pionniers, comme quoi il aurait une jambe plus courte que l'autre, et ce chef, Grand-Dahu qu'il s'appelle, l'a pris fort mal. Soque n'a rien arrangé en volant quelques menus objets, dont le livre de contes de Grand-Dahu, où il recense toutes les histoires laissées en gage par les usagers de sa caravane contre promesse de paiement ultérieur en monnaie. Il y en a pour une fortune.

Or, justement, voilĂ  Grand-Dahu qui sort de sa tente en fureur, Ă  la recherche de son livre.
Puisque les aventuriers ont dit chercher à rendre service, Soupière, la cuisinière gnome de la caravane des pionniers, une femme très musclée vu la quantité de casseroles et d'ustensiles qu'elle porte sur elle, leur demande de retrouver son jeu de cartes fétiche, celui avec lequel elle gagnait toujours. On le lui a volé, et avec, c'est toute la chance de la caravane qu'on a volée, la preuve avec la disparition du livre de contes.
Granite, la cheffe sidhe de la croisade des pauvres gens, leur demande de rejoindre leurs rangs. Elle veut qu'ils retrouvent Yodu, un chef gobelin envers qui elle semble avoir de sérieux griefs personnels, même si quand Soque veut développer le sujet, elle répond : "Ce sont pas vos oignons."

Les aventuriers choisissent de rejoindre les rangs des petites gens, dans l'espoir de les dissuader de tuer les trolls et les gobelins : pour eux, le concept de l'amitié entre les peuples s'étend aussi aux peuples du Sauvage.

Ovidie demande à Vrisse à quel type d'histoire ressemblera leur aventure. Il répond que ce sera un fabliau : une affaire de petites gens avec leur mesquinerie et leurs grandeurs misérables.

Le rideau de la scène de théâtre se ferme devant eux. Ovidie leur fait alors du chantage. S'ils ne lui ramènent pas le très rare renard bleu qui vit dans la forêt des champignons avant que les trappeurs-fourreurs ne le trouvent et n'en fassent un manteau, elle caftera au sujet du livre de contes.

Sous couvert de partir en éclaireur pour les petites gens, les aventuriers quittent aussitôt le bivouac. C'est aussi un prétexte pour fausser compagnie à Grand-Dahu et à Ovidie. Ils informent Granite de leur départ mais ne préviennent personne d'autre et filent en catimini. Vrisse est si discret qu'il fait des ondes dans l'égrégore et que tous les caravaniers oublient jusqu'à leur existence : ils ne s'en rappelleront que lorsque les aventuriers se présenteront à eux à nouveau.

Ils bivouaquent à quelques heures de marche de là, dans la forêt des ronces d'oubli au bord du chemin. Vrisse prend le premier tour de garde. Il entend un chariot approcher sur la route. Il se couche en lisière de route et voit en effet un chariot tiré par un cochon géant. Son seul passager, c'est le père de Grum. Vrisse se fait aussi discret qu'un courant d'air. Le père de Grum s'arrête pour faire une pause. Sa vessie est aussi gonflée qu'une cornemuse et à son insu, il se soulage sur Vrisse qui fait des efforts colossaux pour rester immobile et invisible. Le père reprend sa route, et Vrisse voit un costume de marié accroché au dos du chariot. Un costume à taille de sidhe. Or, Ursulette, la soeur cadette de Grum, est bonne à marier. Vision d'horreur dans la tête de Vrisse. La dette d'honneur se rapproche.

Vrisse revient au bivouac, chamboulé et puant. Il cède le quart à Soque. Soque lit un extrait du livre de contes à la lueur du feu. Le conte est un témoignage de Granite, la cheffe des petites gens, en paiement de l'intégration de sa caravane au bivouac. C'est l'histoire de crapauds mâles qui traversent la route pour rejoindre le marais des crapauds femelles, et qui repartent avec elles pour les féconder dans leurs marais d'origine. Lorsqu'ils retraversent la route, tous les chariots de la caravane des pauvres gens leur roulent dessus. Et des crapauds et crapaudes qui survivent, les enfants de la caravane s'en saisissent et leur font fumer des cigarettes de mousse pour les faire exploser. Crapaudin, le seul survivant, se gorge de haine comme une grenouille qui se fait plus grosse que le boeuf, et devient un Grand-Horla déterminé à se venger.

Soque referme le livre, en proie à l'effroi. Elle tend l'oreille, et entend un vaste coassement qui appelle à la guerre. Et elle voit aussi une terrible araignée-sanglier, grosse comme un ogre, se faufiler au-dessus de leurs têtes ! Soque réveille tout le monde et ils prennent la fuite dans le seul sentier à peu près à l'abri des ronces d'oubli, un passage de gibier. L'araignée-sanglier les suit et les bombarde de toile. Soque monte aux arbres et lui crève un oeil, Vrisse la suit et crève son abdomen, tuant un des marcassins qu'elle couvait. Elle finit par prendre la fuite. Mais dans son escalade, Vrisse a été piqué par une ronce d'oubli et perd le souvenir du passage du chariot du père de Grume.

Nos amis préfèrent lever le camp. C'est l'aurore, Soque monte aux arbres. On entend déjà les deux caravanes se remettre en route. Il voit le Mont Rouge, mentionné par Grume comme un repère sur la route de la grotte aux mille voix. Au sommet du mont, il aperçoit un gigantesque crapaud qui appelle ses congénères.

Ils décident d'aller à la rencontre de Crapaudin. Ils sont obligés de traverser les marais de vase rouge, infestés de moustiques suceurs de magie et d'autruches de vase, qui encercle le pied du Mont Rouge. Ils ont bientôt de la boue jusque sous les épaules. Quand quatre tête d'autruces carnassières émergent de la vase et les attaquent ! Cris à faire glacer le sang, féroces picorages d'une violence sans égale. Soque, qui était juchée sur les épaules de Grum, tombe inconsciente sous leurs coups de becs. Grum la cache dans son poitrail mais lui aussi tombe sous leurs coups. Vrisse pousse un cri de guerre désespéré et décapite quatre d'entre elles. La dernière, une autruche noire, s'enfuit dans la vase. Il a tué toute sa famille, elle se vengera.

Vrisse réveille ses compagnons mais se fait piquer par un moustique suce-magie. Ils se traînent jusqu'au pied du Mont Rouge et se soignent, puis font l'ascension du Mont, armes au fourreau, rapidement escortés par des centaines de crapauds. Ils arrivent au sommet et découvrent Crapaudin, immense, baveux, d'énormes pustules qui accouchent de têtards. En proie à une terreur sainte, Grum fausse compagnie à ses camarades. C'était hélas le seul à pouvoir communiquer avec les animaux ! Soque demande s'il y a un interprète. Un crapaud blanc se propose, mais exige un baiser en échange. Avec la langue. Sinon il fera exprès de mal traduire. Soque s'y refuse, alors Vrisse se dévoue. Il s'étonne à y prendre du plaisir mais joue ensuite la comédie du dégoût.
Soque et Vrisse expliquent à Crapaudin que s'il lance ses troupes à la guerre contre les pauvres gens, beaucoup de crapauds vont mourir dans l'assaut et dans les représailles. Elle lui demande de trouver une autre solution. Crapaudin exige d'abord la tête de Granite, puis il se résout à leur imposer de répandre la rumeur suivante : quiconque tuerait un crapaud mourrait la nuit suivante d'une crise d'aérophagie fatale. Soque et Vrisse s'y engagent solennellement.

Ils retrouvent Grum en contrebas et se rendent à la Grotte aux Mille Voix. Grum s'aventure en premier dans le tunnel. Il espionne la caverne et réalise qu'il y a seulement un gobelin et une trolle, qui font plein de voix différents et des bruits avec du métal, du bois et de la pierre, utilisant l'écho pour se faire passer pour mille. Ils protègent un vaste champ de champignons-cerveaux : des champignons qui rendent la mémoire, ressource précieuse pour chacun des peuples de l'humanité comme du sauvage.

Vrisse et Soque sont restés à l'arrière du tunnel. Quand sortant la tête d'un autre conduit, l'autruche noire jaillit et picore violemment Vrisse ! Vengeance ! Mais Vrisse n'en peut plus, il pète un cable et défonce l'autruche. Fini de se faire rouler dessus ! Soque, une remarque ?
Vrisse s'empare de la bourse de l'autruche et y trouve un jeu d'Ă©checs avec des pions Ă  tĂŞte d'autruche.

Nos aventuriers veulent parlementer avec le gobelin et la trolle, mais ils ne maîtrisent pas leur langage. Alors, Vrisse sort un carnet de notes de son sac, et Soque le bricole pour en faire un livre magique, c'est-à-dire un livre avec des images qui se déploient quand on tourne les pages et des languettes pour faire bouger les personnages.

Ils balancent le livre dans la caverne. Au début, la trolle veut se torcher avec, mais le gobelin arrive à sauver l'ouvrage. Ils lisent et comprennent la menace qui pèse sur eux : dans une demi-journée, les pauvres gens seront sur eux. Alors avant de se sauver, ils mettent le feu aux champignons-cerveaux.

Grum et Soque se faufilent pour en sauver quelques-uns du massacre. Ils aspirent un peu de fumée, rien qui les mette hors d'usage, mais suffisamment pour faire renaître un souvenir. Dans la caverne, ils se voient en double, et le décor prend l'allure d'une arrière-salle de taverne. Le double de Soque tatoue l'épaule de Grum du sigle des trappeurs-fourreurs. Et menaçant Soque, ils voient cette personne en cape noire au sourire d'acier, ce terrible assassin... le Fossoyeur !


Commentaires :

Durée :
1h de création de personnage en roleplay, 3h1/2 de jeu

Règles utilisées :
J'ai tenté de jouer au plus près des règles, à l'exception de quelques modifs, exercées pour incorporer l'univers de Millevaux ou pour permettre un jeu plus rapide (séance unique oblige) :
+ Les dragons sont remplacés par les Grands-Horlas, pour converger vers Millevaux
+ Cela se passe sur les ruines d'un ancien empire (comme dans Oltrée !) que la forêt a envahi, pour converger vers Millevaux.
+ Rajout des marqueurs de Millevaux : ruines, forêt, oubli, emprise, égrégore, horlas.
+ Présentation de l'univers, création du décor en commun et création des personnages ont été joués en roleplay à travers le jeu de geste.
+ Pour raccourcir cette préparation, j'ai limité les questions à poser aux personnages (un seul lieu par personnage, pas de plan, une seule question d'historique croisé par personnage). On a pris les questions d'historique croisée du livre et on les a tirées au hasard (il y en a 16, je demandais un chiffre entre 1 et 16).
+ Pour l'attribution des compétences, j'ai demandé à chaque joueur.se de me dire ce que son personnage savait faire, et je leur disais à quelle compétence de la liste ça collait le mieux. On a fait aussi quelques tirages aléatoires de compétence, les joueur.se.s me donnaient une lettre de l'alphabet et je leur disais les compétences qui commençaient par cette lettre, ou la lettre d'après s'ils voulaient un autre choix.
+ Au lieu de décider moi même si on jouait en mode Chanson de geste / roman courtois / fabliau, j'ai demandé à la table pendant le jeu de geste.
+ Suppression du dé spécial (un des trois dés lancés qui donnait le score de dommages). A la place, le score des dommages est égal au score le plus élevé des trois dés (il explose toujours sur un 6). Dans le cadre d'une séance unique, je voulais rendre les combats plus rapides, plus létaux.
+ J'ai fait jouer des personnages niveau 1

Profils des joueur.se.s :
+ Expérimenté.e.s. Seule la joueuse de Soque avait déjà joué à Dragon de Poche, une fois.

DĂ©fis :
+ Jouer sans préparation initiale (j'avais juste en tête la scène d'intro du jeu de geste).
+ Se limiter à une séance unique alors qu'on a affaire à un jeu de campagne.
+ Fusionner l'univers pittoresque de Dragon de Poche avec l'univers forestier de Millevaux.
+ Comprendre ce que le jeu a dans le ventre.
+ Parvenir Ă  jouer en hangout.
+ Tenter une création de personnage en roleplay.

Mise en jeu :

+ On a utilisé la feuille de perso de Dragon de Poche 1 qui présente le mérite de lister une partie des règles (j'ai juste fait raturer les quelques changements de la deuxième édition).
+ J'ai oublié les modificateurs de peuple...
+ J'ai demandé aux joueur.se.s de reporter sur leur feuille de perso les options d'utilisation des points de chance et des sacs.
+ J'ai utilisé les stats de Caïd pour l'araignée-sanglier, de Gros Boeuf pour Crapaudin, des Autruches des Neiges du supplément Les Contes du Dragon pour mes Autruches de Vase.
+ J'ai utilisé des tables et des listes du livre à chaque fois qu'il me fallait une idée. Crapaudin le destructeur, son nom vient d'une table, de même que Fossoyeur l'assassin. Derrière, je me faisais mon film.
+ Comme chaque monstre donne des points de trésor, je me suis amusé à dire que l'autruche noire avait une bourse sur elle. Son jeu d'échec vient d'une liste. C'est un clin d'oeil à Philippe Tromeur qui permet de piller des Profonds quand il mène old school, les Profonds ont des bourses dans son jeu !

Retour du Joueur de Vrisse :
+ La créa est longue par rapport à l'utilité en jeu.
+ La créa roleplay, ça a bien marché.
+ C'est centré sur l'identité du groupe, moins sur l'identité du personnage.

Retour de la joueuse de Soque :
+ On avait trop d'infos sur notre feuille de perso pour penser à tout utiliser. On s'en sort pas parce qu'on connaît mal toutes les règles et toutes les options. Avec de la bouteille, on les aurait davantage utilisées.
+ Au terme de la séance, je ne cernais pas encore qui était mon personnage.
+ Nous joueurs nous n'avons pas utilisé nos anecdotes tirées au sort pour donner de l'épaisseur aux PJ.

Retour du joueur de Grum :
+ Un tel système, si tu fais pas de campagne, pas d'intérêt.
+ Malgré la complexité, tout se ressemble, y'a la même logique.
+ Le jeu est fait pour bosser un background.


Retour personnel :

+ J'ai trouvé dans Dragon de Poche exactement ce que j'y attendais : une ambiance old school mais avec beaucoup de modernité dans la répartition de qui pilote l'aventure, des tables aléatoires pour improviser en restant dans le ton si pittoresque que j'adore chez Le Grümph.
+ J'y ai trouvé des surprises : beaucoup plus d'options de jeu que je m'y attendais, et une aisance à mener sur le pouce pour peu qu'on ait digéré les conseils de maîtrise et qu'on sache tirer parti des tables qui, loin de tout couvrir, sont en revanche toujours inspirantes.
+ J'ai adoré la séance, ça m'a fait un effet Madeleine de Proust. On a joué poétique pendant le jeu de geste, et un peu débilos pendant l'aventure qui a suivi, mais j'avais besoin de détente entre deux séances plus graves.
+ J'ai eu quelques difficultés, parce que le jeu contient beaucoup de règles, mais rien d'insurmontable.
+ Trouver les tables me prenait du temps, parce qu'elles sont réparties dans tout le livre.
+ Je croyais me rappeler d'une table des intrigues, mais j'ai dĂ» la rĂŞver. J'aurais pu utiliser mes propres tables, mais je me suis abstenu.
+ A rejouer, je noterais des chiffres à chaque entrée de chaque liste pour faire des tirages aléatoires.
+ Sur un jeu tactique, avec toutes ces options, les sorts, les compétences, les capacités, les points de magie, les points de chance, les points de sac, y'a moyen de se faire plaisir. Je retrouve le plaisir tactique que j'avais sur DK2 (par Le Grümph, Orlanth, Yslaire d'Argolh), mais en plus accessible. J'apprécie le retour à la magie vancienne par rapport à la magie freeform du DK2, parce que le jeu est alors plus cadré, plus décontracté, ça correspond mieux à ce que je cherchais sur le moment. http://www.legrog.org/jeux/dk-system/dk-2eme-ed-fr
+ J'ignore encore ce que le jeu favorise en priorité, je dirais avec le recul d'une séance, une grosse basse de jeu tactique (mais qui peut se jouer en mode touriste tant les jokers sont nombreux) avec de temps en temps quelques choix moraux pour corser la sauce, et une esthétique forte (qui peut écraser le côté tactique si justement on joue en mode touriste avec des adversaires pas trop balaises et en se gavant de points de chance, sac, magie).
+ Le jeu remplit la mission old school dans le sens que les mécaniques sont assez dissociées : on peut facilement bricoler une règle sans que l'ensemble ne se casse la binette.
+ S'il limite la possibilitĂ© de jouer en player skill par l'existence des jokers, Dragon de Poche est encore ce qu'il y a de plus proche de mon fantasme de jouer old school et tactique en campagne dans Millevaux, Ă  l'heure oĂą mon projet personnel d'OSR tactique dans Millevaux (Empreintes & Horlas, renommĂ© Grogne) prend la vase. 
+ Pour jouer old school et moral, en revanche je garde Marchebranche, qui est déjà un hommage aux jeux du Grümph, sauf si j'ai envie de varier la teinte d'univers, ou si j'ai envie d'un jeu moral qui soit moins frontal, plus subtil, alors Dragon de Poche sera mon ami.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#14 24 Nov 2016 20:45

Peggy
video killed the radio star
Inscription : 11 Dec 2015

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

c'est  un rĂ©bus  ?  XD

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#15 25 Nov 2016 12:36

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

j'ai modifié le message, c'est sans doute plus clair maintenant :)


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#16 25 Oct 2017 10:09

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

DESTINS FORESTIERS

Six MJ contre un joueur, en rotation. Pour cinq destins forestiers déchirés.

Jeu : Le Fast-Food du Jeu Moral, un jeu de dilemmes moraux express par Valentin T.

Joué le 11/03/17 au Colloque Bob le Rôliste dans le cadre de la tournée Nantes est Millevaux 2

Personnages : Le bûcheron, L'enfant transformiste, Le paria, John Taylor le trader, Le prêtre

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crédit : Martin Peterdamm Photography, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


L'accroche :

Préparez-vous à un bon gros kif rôliste rapide et digeste avec le jeu de rôle "Le Fast-Food du Jeu Moral" par Valentin T.

Un jeu sans compromis, qui vous plaquera au sol comme un clip de trap et vous plongera dans les affres de choix moraux abominables.

Ce désastreux fait divers se passera dans la moiteur boisée et putride de l'univers de Millevaux !


L'histoire du bûcheron :

C'est un vagabond. Il va de communauté en communauté, vendant ses services, ici pour du bûcheronnage, ici pour braconner ou pister, là pour aider à renforcer des défenses.

Avant il était dans une communauté fixe et il était heureux. Sa famille était son village, son village était sa famille. Mais il a réalisé que son oncle rackettait les autres communautés, et il a parfois fait couler le sang pour ça. Le bûcheron n'a pas accepté que son village soit en fait un repère de brigands, moralement ça le choquait et puis au final ça allait attirer des ennuis au village. Alors il a tué son oncle. Les gens du village n'ont pas compris alors il a été banni. Il rêve toujours de revenir un jour, mais il repousse toujours au lendemain son projet de rentrer. Il espère qu'on oubliera son crime, mais on risque avec le temps de l'oublier tout à fait.

Et un jour, au hasard d'un chemin, il croise un convoi de réfugiés. Il reconnaît des rescapés de son village. Suite à la mort de l'oncle et à son départ, les défenses du village ont été fragilisées, ils ont subi une attaque et ce convoi est tout ce qui reste aux survivants. Dans le convoi, il reconnaît avant tout trois personnes. Sa petite amie, qui visiblement l'a oublié. Son fils, qui se rappelle de lui et l'admire. Et sa tante, qui se rappelle de lui et le déteste pour avoir tué son mari : elle sortira son épée s'il revient dans le convoi, encore le sang coulera, sans doute il lui faudra tuer la tante et ce qui reste de la communauté va alors se scinder en deux camps : ceux qui en veulent au bûcheron et partiront survivre de leur côté, sans trop de chances d'y arriver, et ceux qui resteront auprès du bûcheron et profiteront de son expertise en défense.

Le bûcheron passe son chemin sans se faire connaître. Il continuera à suivre le convoi discrètement, et à les protéger à leur insu.


L'histoire de l'enfant transformiste :

C'est un enfant qui a perdu toute sa famille lors d'une attaque de pillards. Depuis, l'enfant erre sur les routes avec son chien Wouf, le seul rescapé. L'enfant a un pouvoir : il peut prendre l'apparence de son choix, tant qu'il reste de la même taille. Il s'en sert pour attirer la pitié des communautés qu'il croise, ou tromper les brigands qui pourraient l'attaquer.

L'enfant suit le sillage de la même communauté ambulante à travers la forêt, depuis quelques temps. Il vit de leurs miettes. Il voudrait bien se poser quelque part, avoir une maison, mais il ne fait confiance à personne pour le moment.

Un jour, Wouf tombe malade. Alors, l'enfant va voir le médicastre de la caravane, un homme qui pratique la médecine de façon... empirique. L'enfant interroge le médicastre et apprend qu'il a perdu sa fille. Il l'a perdu sur la table d'opération sans pouvoir la sauver. Alors l'enfant se dit qu'il pourrait prendre l'apparence de sa fille pour apitoyer le médicastre et qu'il accepte de soigner Wouf. Mais il comprend que Wouf a besoin de soins constants, il faudra rester tout le temps avec le médicastre. Et le médicastre s'appuie sur des techniques de chirurgie et des remèdes trop complexes pour que l'enfant puisse espérer les apprendre à son tour. Donc il faudra vraiment rester avec lui tant que Wouf vivra. Et le médicastre est alcoolique. Et le médicastre était violent avec sa fille. Il sera violent avec l'enfant.

Alors l'enfant quitte la roulotte du médicastre puis s'éloigne dans la forêt avec son chien. L'enfant accompagne son brave Wouf jusque dans ses derniers instants. Et reprend la route, effondré.


L'histoire du paria :

Le paria est un homme qui a toujours été rejeté par les autres. Un jour, il est arrivé dans cette communauté. C'était surtout des anciens, mais il y avait cette femme dont il est tombé amoureux. Et il lui a fait un enfant. Elle va bientôt accoucher, et la tradition veut que le couple emménage dans une nouvelle maison. Le paria s'est vu confier la restauration d'une vieille cabane en dehors des palissades du village. Tous les jours, il va travailler au chantier tandis que sa femme reste à l'abri dans le village. Mais le chantier n'avance pas. Et pour cause : il passe toute la journée à défricher et quand il revient le lendemain, les ronces et les bosquets ont déjà repoussé.

Le paria se sent mal accepté par cette communauté percluse et sectaire. S'il échoue à restaurer la cabane, ça se passera encore plus mal. Et il veut y arriver, il veut se poser quelque part et profiter de son nouveau foyer. De toute façon, avec l'enfant à naître, sa femme ne prendra jamais le risque de quitter la communauté.

Un démon-horla vient se présenter à lui. C'est lui qui envoie la friche tous les jours. Il lui dit qu'il peut arrêter ça du jour au lendemain. Il peut lui offrir la maison la plus sûre du village. Elle résistera aux intempéries et les horlas et les prédateurs passeront leur chemin. Des bois rares et précieux pousseront à côté, qu'il pourra revendre à prix d'or. Pour tout cela, le démon ne veut qu'une seule chose : que le paria lui confie son enfant à naître. Qu'il se rassure, personne ne sera jamais au courant de leur accord. La mort dans l'âme, le paria accepte.

Le lendemain, sa femme met l'enfant au monde. Pendant la nuit, le démon vient le chercher. Le lendemain, la friche a disparu, la maison est prête. Mais la femme du paria ne pourra jamais avoir d'autres enfants. Elle s'enfonce peu à peu dans la dépression.

Parfois, dans la forêt, on aperçoit un enfant sauvage.


L'histoire de John Taylor, le trader :

John Taylor est un trader haute frĂ©quence. Ă€ part quelques ennuis qu'il avait avec la mafia, le monde Ă©tait Ă  ses pieds. Jusqu'Ă  la catastrophe forestière. Alors il a tout perdu. Sa femme est morte et son empire s'est effondrĂ©. Depuis, il vit reclus avec sa maĂ®tresse dans la panic room de son appartement au sommet d'un immeuble que tout le monde a dĂ©sertĂ© et qu'encercle la forĂŞt. Seule sa maĂ®tresse se risque Ă  tenter des sorties dans la forĂŞt, John Taylor reste dans la panic room au milieu des objets qui lui rappellent sa vie passĂ©e. Il rumine. Il doit y avoir un moyen de restaurer son empire. Sans ça, il n'est plus personne. John  passe son temps Ă  prier. Il Ă©tait dĂ©jĂ  pieux avant la catastrophe, et lĂ  ça confine Ă  la bigoterie.

Une croix du Christ se met à lui parler. C'est Dieu au bout du fil. Il peut tout arranger. Il peut le renvoyer dans le passé. Il aura alors un avantage sur tout le monde : il saura ce qui va arriver. Cela devrait être suffisant pour maintenir son empire ou en créer un nouveau autour du survivalisme.

Mais sa maîtresse est enceinte. Tous les deux le niaient, mais là elle est de plus en plus mal, elle a besoin de soins, et il faudrait tenter une sortie tous les deux dans la forêt pour trouver un toubib. Sauf que Dieu refuse d'aider John s'il s'accroche à sa maîtresse. Cela fait partie de l'épreuve qu'il lui envoie. Soit il reste dans le présent avec tous les risques que ça implique, soit il lâche tout pour retourner dans le passé.

John choisit le passé. Son empire s'effondre à nouveau mais entretemps il a réussi à concevoir une parade, il a réuni un groupe de préparateurs qui le vénèrent comme un gourou. Un jour, deux hommes en costume noir viennent chercher John. Ils l'amènent au milieu de la forêt et l'abattent.


L'histoire du prĂŞtre :

C'est dans une ville au cœur de Millevaux. Le prêtre est à la tête d'une église pseudo-chrétienne, qui rassemble des éléments sacrés et profanes dans le même sac. Il peut faire pression sur les dirigeants de la ville : son culte rassemble la majorité des habitants. Il y a bien quelques dissidents, et aussi quelques ennemis : essentiellement les familles de ceux qui ont été bannis pour divers péchés... comme le péché de commettre l'amour avant le mariage.

Sauf que le prêtre se tape une de ses fidèles. Il enfreint une de ses propres règles. Et il sent que ça va très bientôt se savoir. Bonjour les ennuis.

Un beau jour, il prépare la messe. Il sort les différents appareils, comme ce radio-cassettes qui lui sert à passer la voix sacrée de Céline Dion.

Alors le radio-cassettes se met à lui parler. Il dit qu'il est le vrai Dieu. Pas le dieu de son culte de pacotille. Le vrai Dieu. Il lui offre d'être son porte-parole. Tôt ou tard, son faux culte sera mis à jour et jeté à terre. Devenir le porte-parole du vrai culte est sa seule porte de sortie. Mais il doit savoir une chose : le vrai culte est basé sur la transparence totale. Chacun devra avouer ses péchés, à commencer par le prêtre lui-même. La tentation est grande de fracasser ce radio-cassettes importun à coup de marteau.

Le prêtre accepte pourtant. Il devient le héraut du vrai culte. Il fait son autocritique. Et tout le monde embraye. Et dans une ville soumise à la transparence totale, les gens apprennent à se passer de toute autorité régulatrice. Le prêtre ne sert plus à rien. Il quitte la ville avec sa maîtresse.


Commentaires :

Durée :

1h3/4 jeu + 1/4h debriefing

Profil de l'Ă©quipe :

Expérimentée.

Le joueur de l'enfant transformiste avait déjà joué à Odysséa avec moi (il jouait Achille dans une des scènes les plus mémorables de la campagne).

Règles utilisées :

Ce jeu est conçu pour être joué à deux : un MJ et un personnage. Je l'ai un peu adapté aux circonstances : ici je maîtrisais juste après un atelier MJ sur le narrativisme.
Cette partie était une sorte de démonstration. Je l'avais pensé comme une table ouverte mais en fait les 6 participants sont restés tout du long. Alors on a fait 6 MJ et un personnage. On jouait l'histoire d'un personnage, puis le joueur concernait rejoignait l'équipe des MJ et un autre prenait le relais.
Autre modification : la phase de questions/réponse est censée durer 10 à 20 minutes, je l'ai écourtée à 7 minutes, montre en main. L'objectif était de passer un maximum d'histoires avant la fin. Au final, tout le monde a joué un personnage, sauf moi et un autre joueur.

Retour du joueur de l'enfant transformiste :

+ Qu'est-ce qui se passe si on joue un tyran sanguinaire ? [réponse : le jeu t'impose quand même de définir les êtres et les choses qui comptent pour toi. Si tu joues un tyran sanguinaire, c'est soit que c'est pas un jeu pour toi, soit que tu cherches à nous challenger.]
+ Plutôt que de connaître les conséquences d'un choix à l'avance, on pourrait les faire jouer par un autre joueur qui aurait un PJ avec un destin lié au nôtre. [Réponse : on est sur la question de l'information. À quel point on veut être informé ? C'est du registre des goûts et des couleurs. Si tu regrettes d'avoir eu trop d'informations sur les conséquences des choix, je pense aussi que c'est du au fait qu'au lieu d'être un seul MJ, on était 6 MJ. Donc on se concertait à voix haute et forcément on apportait plus d'info.]

Retour du joueur du prĂŞtre :

+ Cela peut être intéressant comme méthode de création de PJ. Tu peux fait jouer tout ou partie des étapes pendant la création.
+ Tu as connaissance de conséquences qui en fait sont difficilement anticipables. Cela donne l'impression que le PJ est prescient et c'est un défaut. [Réponse : sauf que tu es jamais obligé de demander les conséquences à l'avance.]

Retour personnel :

+ Essai très concluant du jeu. On voit les similitudes avec Inflorenza Minima, pour autant il y a plein de nuances très intéressantes.
+ Pour limiter le sentiment de prescience du personnage, on pourrait s’astreindre à apporter des informations sur les conséquences uniquement de façon diégétique : un figurant explique au personnage ce qui va se passer, des indices laissent entrevoir les conséquences, etc.

Un retour à froid de Gulix sur son blog :

Gulix a Ă©crit :

Un Colloque sous le signe de la Nouveauté ! - Le Repaire de Gulix

Il s’agissait d’un jeu rapide, où un joueur incarnait un personnage, et où tous les autres lui posaient des questions sur son personnage pendant quelques minutes. Puis, une fois les informations utiles recueillies, on proposait, en commun, un dilemme au personnage. Deux choix, deux conséquences peu plaisantes. Et c’est tout !
Et ça fonctionne ! Déjà, j’ai pu découvrir l’univers de Millevaux. Comme me l’a précisé Thomas, il a juste défini 6 axiomes pour son univers, et le reste est ensuite émergent. Les joueurs remplissent les trous, et ça suffit parfaitement à instiller l’ambiance. J’ai trouvé que ça marchait bien, on a eu des histoires assez terribles. J’ai pour ma part donné mon premier-né à un Horla, ma femme est tombé dans la dépression, mais j’ai pu vivre avec elle plutôt que de sombrer dans la solitude.
Le système de jeu, quasi-absent, fonctionne bien et je le garde de côté pour patienter en attendant un joueur, ou pour tester le tout sur une pause-déjeuner, par exemple.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.

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#17 07 Dec 2017 16:32

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
Inscription : 05 Feb 2008

Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

L'ARBRE DES VIES

Krystal, un jeu de rĂ´le post-apocalyptique forestier porteur d'espoir : je me devais absolument de le tester !

Jeu : Krystal par JĂ©rĂ´me Barthas, post-apocalyptique forestier porteur d'espoir

Joué le 17/03/17 sur google hangout.
Partie enregistrée à écouter ici.

Personnages : Mathilde le chevalier de l'été, Fantine la paria du printemps, Fadette la paria de la mousson

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crédits : derekbruff, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com


[Alerte Spoiler : scénario officiel]

L'histoire :

Le Havre de Carcassone.

Fantine et Fadette, les deux soeurs jumelles, les parias, vivent dans une cabane au pied des murailles.

Cette nuit, Fantine rĂŞve d'une forĂŞt idyllique. Elle rencontre un cristal qui fusionne avec elle.
Elle se réveille sur les murailles, face à la forêt réelle, corrompue et toxique.

Fadette rêve aussi de la forêt. Elle croise une fille qui pleure. Elle lui parle dans le langage qu'elle a inventé avec sa soeur jumelle : la langue des oiseaux et des insectes. La fille ne répond pas, elle disparaît. Seules ses larmes restent, suspendues en l'air. Un cristal se déplace vers Fadette et fusionne avec elle. Fadette se réveille sur le toit d'une tour de la muraille. Elle peut voir sa soeur depuis cet observatoire incongru.

Mathilde la chevalière rêve aussi d'une forêt idyllique. Elle y croise une assemblée de gens. Elle protège un enfant aux cheveux bouclés. Un cristal se dirige vers eux, elle fait rempart de son corps pour épargner l'enfant et le cristal fusionne avec elle.

Au réveil, toutes trois se découvrent un tatouage de cristal sur la peau. Comprennant que ce cristal les désigne comme des héraults porteurs d'espoir, Fadette la petite voleuse se réjouit à l'idée que les gens vont peut-être enfin la respecter. Le tatouage est apparu en haut de son corps, elle dégrafe suffisamment sa tunique pour qu'il soit bien apparent.

Toutes trois ont une vision du sud : c'est là qu'il faut aller. Mais avant, Fantine va prendre conseil aurpès de Charlotte, qui mène le culte du minéral (chargé de protéger les humains de la forêt toxique). Charlotte est bouleversée d'apprendre que Fantine porte la marque du cristal : c'est un grand espoir pour la communauté. Mais Fantine désapprouve les actions du culte du minéral, alors elle s'en va. Fadette, qui la suivait en catimini, brise un vitrail de la chapelle du minéral avec sa fronde.

Du coup, elle est repérée par le culte, et de fil en aiguille, Mathilde est aussi identifiée comme ayant la marque du cristal. On les conduit au Révérend Thomas qui leur dit avec joie qu'elles sont les porte-paroles d'Europa (la déesse positive de la Nature). Elles apprennent que l'essentiel de leur rôle est de purifier des zones toxiques afin d'y bâtir de nouveaux havres. Elles réclament de l'équipement. Fadette se rappelle que quand Fantine erre dans l'auberge pour y faire quelques rapines, il y a un objet en exposition qu'elle convoitait plus que tout : une boussole. Fadette dit que le cristal leur a dit que cette boussolle était indispensable, alors le Révérend leur octroie.

Elles entreprennent d'aller au sud sans prendre de masque contre les émanations toxiques, mais elles découvrent (elles en étaient de toute façon persuadées) qu'elles sont immunisées, et même qu'elles protègent les autres personnes qui se tiennent auprès d'elles.
Mathilde croise un campement et fait ses adieux Ă  un chevalier qu'elle aime bien.

Sur le chemin du sud, elles rencontrent plusieurs personnes qui leur confie des missions : retrouver des batteries, retrouver une personne disparue...

Elles passent devant des ruines mais le cristal ne leur dit rien alors elles ne s'y attardent pas.

Elles découvrent un cercle de pierres levées. Fantine se poste discrètement quelques temps mais sans y découvrir rien de particulier.

Puis elles découvrent un lac surlequel il y a un bâtiment étrange, aux machines rouillées et hors d'usage. Visiblement, le bâtiment a pour fonction de purifier le lac. Elles prévoient d'aller chercher des ouvriers pour qu'ils le remettent en marche.

Mais sur le chemin, elles se perdent dans un labyrinthe végétal. Fadette est persuadée que tout ceci a un sens. Plutôt que d'essayer de sortir du labyrinthe, il faut plutôt aller en son coeur. Elles y découvrent un arbre maléfique qui se nourrit du sang de cadavres humains à ses pieds. Elles étreignent l'arbre pour l'apaiser et comprennent qu'il faut purifier l'endroit en y déversant l'eau du barrage.

Avec une équipe d'ouvriers, elles se rendent au barrage. Quand la digue s'ouvre, elles sont emportées par les hauts. Mathilde résiste au courant, mais Fadette prend la main de Fantine. Dans la langue des insectes et les oiseaux, elle lui propose de lâcher prise. Le courant les emporte, mais sans dommage.

De retour au Havre, le Révérend les comble de remerciements. Un grand banquet est organisé. Fadette apprend à Mathilde son premier mot en langage des insectes et des oiseaux : "Amie."


Commentaires :

Durée :
1/4 h briefing et choix des prétirés, 2h1/2 jeu, 3/4h debriefing

Profil de l'Ă©quipe :
Expérimentée, mais le MJ et le joueur de Fantine sont peu à l'aise avec les jeux MJ-carac-compétences. La joueuse de Mathilde n'a qu'une dizaine de parties au compteur, mais elle est assez à l'aise.

Briefing :
Les prétirés de Krystal ont une particularité : chaque personnage est décliné en deux versions. Moi et un autre joueur étions attirés par le personnage de Fantine, mais sur deux versions différentes. Le MJ nous a accordé d'interpréter chacun une version, du coup j'ai proposé qu'on joue des sœurs jumelles. Du fait qu'on était des parias proches de la nature, je me suis inspiré du fim Tess pour décréter qu'on avait notre propre langage. Pour justifier le fait qu'on dépendait de saisons différentes, j'ai dit qu'on était nées à une minute d'écart, juste au moment du passage des saisons, ce qui faisait qu'on avait des caractères et des profils subtilement différents.

Retour de la joueuse de Mathilde :
+ J'ai aimé la découverte.
+ C'était difficile d'apporter avec son personnage vu le poids de la narration du MJ/scénario.
+ J'aurais aimé voir sur la longueur.
+ Cela m'a plu. Je ne me suis jamais ennuyée.

Retour du MJ :
+ 2h1/2, c'était vraiment raide [note de moi-même : j'avais l'impression que le scénario était calibré pour jouer 4 à 6h]. On a ellipsé les passages de fouilles qui devaient développer les quêtes annexes [note de moi-même : en effet, on a omis de rechercher les batteries et la personne disparue]. Au lac, on pouvait se faire attaquer par des dragons-lianes mais j'ai manqué de temps pour le faire jouer.

Retour personnel :

+ On pouvait gratter 3/4h au début. Les scènes avec Charlotte et le Révérend étaient assez laborieuses, surtout la quête d'un équipement (entre les hésitations de l'équipe sur ce qui est utile et le temps de recherche du MJ dans l'inventaire).
+ On voit que c'est un jeu pour des séances longues et pour de la campagne, donc forcément en le faisant jouer en 2h1/2 on passe à côté du plaisir. Sur un format plus long, même des scènes fastidieuses comme la quête d'équipement auraient pris leur sens. Ceci dit, et c'est là du pur registre du goût et des couleurs, j'ai une préférence personnelle pour les séances courtes (entre 2h et 4h) où on se concentre sur les enjeux principaux et le développement des personnages, en abrégeant tout ce qui relève de l'épicerie.
+ Je suis très fan de l'univers de jeu et de la proposition de jouer des gentils avec une perspective d'espoir dans un monde post-apocalyptique forestier. C'était très important pour moi de tester ça parce que c'est instructif pour le développement de mon univers post-apocalyptique forestier qu'est Millevaux. Sur ce point-là, Krystal est une grande réussite parce qu'il apporte une fraîcheur, et on sent qu'il y a tout un univers derrière, des choses à découvrir.
+ On a un peu débattu sur l'intérêt d'un système MJ-carac-compétences, axé survivalisme plutôt qu'ambiance (abstraction faite du dK lié au cristal, mais sans une connexion vraiment forte). Pour ma part, j'y suis favorable parce que ça nous laisse prendre des initiatives de roleplay sur des choses non techniquées, comme l'empathie avec les lieux corrompus dont on a fait preuve lors de la rencontre avec l'arbre buveur de sang. Au moins, on est pas téléguidés vers ça, c'est à nous de réfléchir notre rapport à la nature. De surcroît, on sent que les carac-compétences sont là pour permettre aux joueuses d'actionner l'univers, mais que l'ambiance du jeu est moins dans ses carac-compétences que dans les scénarios et dans l'univers de jeu.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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Hors ligne

#18 02 Feb 2018 10:04

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

LE REPENTIR

Retrouver l'ambiance roots des premiers Millevaux en jouant en mode théâtre de l'esprit : un MJ, des joueurs, et aucune règle !

Le jeu : théâtre de l'esprit, autrement dit jeu sans règles.

Joué le 25/03/17 au festival Ramène tes jeux (Theix, Morbihan)

Personnages : Le filtreur, le jardinier, le druide aux champignons, la rĂ´deuse

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crédits : michelle grimord eggers, licence cc-by-nc, galerie sur flickr.com

L'histoire :

Une petite troupe remonte un sentier escarpé sur un talus au milieu de la terre molle et des arbres spongieux et couverts de champignons blancs. Il y a le filtreur, qui recycle sa propre urine grâce à un appareil à distiller, le jardinier qui se trimballe avec sa houe et tout un tas de cultures sur un petit chariot à roues tiré par sa fidèle chèvre, il y a le druide qu'ils ont récupéré sur le chemin, qui a l'air d'un doux dingue et qui passe son temps à manger les champignons sur les arbres, sans se formaliser du fait que maintenant des champignons lui poussent dessus (et il les mange aussi), et enfin il y a la rôdeuse qui pense surtout à sa gueule mais qui accompagne les autres car (elle s'en rendra compte), ils peuvent toujours servir de distraction en cas d'attaque de prédateur. Elle peut se montrer très utile grâce au pouvoir qu'elle a de discerner la faune et la flore bénéfique de celle qui est dangereuse.

La troupe est dans une zone de la forêt où l'eau est en pénurie. La rivière locale est gorgée de limon, une matière terreuse qui charrie la maladie, et donc son eau est impropre à la consommation. Le filtreur est bien content d'avoir son distillateur, il recherche également le mythique cactus de chair qui serait gorgé d'eau, et la rôdeuse est persuadée qu'on peut trouver de l'eau potable par mille façons différentes, en commençant par en récupérer sur les végétaux. Cela fait trois semaines qu'il pleut sans discontinuer, tout est détrempé. Tout le monde dans la troupe a évité de boire de l'eau de la rivière, et s'est nourri sur les cultures du jardinier, sauf le druide qui a ses champignons, et la chèvre qui s'abreuve et se nourrit dans la nature, c'est juste une chèvre après tout. Bon, le jardinier a bien remarqué qu'elle surbave un peu et qu'elle a des veines noires dans le fond des yeux, comme des branches, mais ça va sûrement passer, alors il n'en a parlé à personne. Bon, c'est vrai que la nuit, sa chèvre lui parle en langue putride, mais c'est quand même plutôt sympa d'avoir une chèvre qui parle, alors le jardinier a gardé çà secret pour le moment.

Une personne vient à leur rencontre en tirant un caddie chargé de sacs poubelles et de babioles diverses, dont un enfant coiffé d'une chapka de travers qui les observe avec son visage aussi crasseux que curieux. La personne qui tire le caddie est une dame sans âge, la peau jaunie, les ongles noirs, les cheveux gluants. Elle leur dit qu'elle vient du village de Roncecreux, et qu'ils auraient bien besoin de leur aide, ça fait trois jours qu'ils se rationnent sur l'eau et les compétences de cette troupe leur seraient bien utiles. Ceux de la troupe se dévisagent. Le jardinier se rappelle avoir entendu parler de Roncecreux, mais dans son souvenir, on disait que le village avait été envahi par des horlas. La rôdeuse observe la dame. Ses ongles noirs pourraient être un signe d'infection par le limon. Le filtreur se penche sur le caddie. En-dessous du gamin à la chapka et des sacs poubelles, il voit un objet qui pourrait être intéressant : une grosse lampe halogène à dynamo. Dessous la lampe il voit aussi dépasser une petite main d'enfant.

Dans le doute, le jardinier tue la dame d'un bon coup de houe en travers de la gueule. Le gamin panique, alors le filtreur le tue avec son couteau pour pas faire de témoin. Le caddie se casse la gueule dans le fossé, le filtreur dévale à la suite pour récupérer la dynamo. Au milieu des sacs poubelles, il y a aussi un cadavre de gamin qui roule, la peau violette, tout ligoté et qui visiblement a été tué au couteau. Le frère jumeau du môme à la chapka.

La rôdeuse a repéré un truc pas net entre les arbres, des branches et des mousses qui bougent qui sont pas ce qu'elles semblent être, alors leur dit de se manier. Mais le filtreur est parti au fond du fossé récupérer la dynamo qui est rendue avec le cadavre du gamin violet. Il poignarde le cadavre pour être sûr. Et le jardinier est occupé à frapper à nouveau la dame, au cas où. La rôdeuse a aussi repéré que parmi les champignons qui poussent sur le druide, il y a en a des bleus et globuleux, qui sont gorgés d'emprise, et ça c'est pas bon.

Le truc que la rôdeuse a repéré sort de sa cachette, c'est un horla mimétique, il a une vingtaine de pattes qui ressemblent à des branches, avec les feuilles et les bourgeons et les mousses et tout, et un corps et une gueule bien dégueulasses, avec des mandibules qui claquent et ça fonce vers la troupe sans faire aucun bruit, à part le floc-floc-floc des pattes dans l'humus et le tic-tic-tic des autres pattes qui s'accrochent dans les branches avec l'agilité d'un singe. Le truc fonce sur la chèvre en premier, mais le jardinier fait rempart de son corps, et donc c'est le jardinier qui trinque, la bestiole lui arrache son bras, le jardinier voit avec horreur des morceaux de bidoche voler dans tous les sens : c'est ses doigts !

Le filtreur actionne la dynamo à toute berzingue et il aveugle le horla avec la lumière de l'halogène. Tout le monde plisse les yeux parce que ça fait une grande lumière blanche et personne ici n'est habitué à la lumière parce que celle du soleil on la voit jamais. Puis le filtreur refourgue la dynamo à la rôdeuse, faut dire qu'il est accaparé par autre chose. Depuis qu'il est sorti du fossé, il a tout le temps le gamin violet dans son champ de vision, tout raide, tout ligoté, qui le fixe, et bien sûr personne d'autre que lui le voit. Il a été marabouté !

La rôdeuse s'enfuit dans une direction orthogonale au reste du groupe tout en flashant le monstre. Mais elle faisait cette manœuvre pour attirer le monstre à elle, sauf que le monstre préfère se reporter sur le reste de la troupe, là où il ressent le moins de gêne. Pour autant, la lumière halogène l'a déstabilisé alors il perd un peu de champ, la troupe gagne du temps et le druide le met à profit pour lancer des champignons globuleux sur le horla. Le filtreur porte le jardinier sur son dos, son sang lui dégouline dessus, tandis que la rôdeuse opère une manœuvre de contournement pour rejoindre le monstre sur le flanc.

Le filtreur a récupéré la couverture de survie de la rôdeuse, couverte de la graisse d'écureuil que confectionne le druide, et il la lance sur le horla. Alors que le monstre est un temps privé de la vue, le filtreur lui saute dessus et il frappe au couteau, heurte une matière dure, frappe plus loin, toujours du dur, frappe et frappe encore jusqu'à rencontrer une matière molle et s'acharner dessus. La bestiole se raidit et s'écroule tandis qu'un jus brun éclabousse le filtreur. Mais le horla n'est pas mort sans se battre. Il a replié ses pattes et labouré le dos du filtreur, lui arrachant toute la peau et une partie des muscles au niveau de la colonne vertébrale ! Les vertèbres sont à vif par endroit et la moelle épinière est à ça d'être touchée.

Le filtreur utilise ses dernières forces pour allumer un feu, la rôdeuse lui emprunte son couteau et cautérise le moignon du jardinier et aussi le dos du filtreur comme elle peut. Elle fabrique aussi un corset au filtreur avec une couverture. Il peut maintenant se déplacer un peu mais doit toujours prendre des précautions pour éviter de léser sa moelle épinière et se retrouver paralysé. Il apparaît également que le jardinier et le filtreur présente les premiers symptômes d'infection par le limon. Le jardinier envoie sa chèvre chercher de l'aide. Le druide part en cueillette aux environs et déniche des herbes jaunes qu'il sait pouvoir contrer l'infection. Elles poussent dans une zone assez putride au pied d'un monticule qui porte trois pierres levées noires et gibbeuses qui se fixent les unes les autres comme des monstres fossilisés. Au milieu pousse une fleur brune que le druide sait pouvoir contrer l'emprise. Mais il préfère éviter de monter jusqu'au cercle de pierres.

Alors que la troupe campe du mieux qu'elle peut, la chèvre revient et à sa suite un homme dans une rube de bure avec une capuche rabattue qui masque tous ses traits et sa silhouette. On ne voit que son menton. L'homme dit être également un druide, il se considère comme nettement plus expérimenté que le druide au champignon qu'il qualifie d'apprenti. Il dit pouvoir les aider. Il se penche sur le jardinier pour l'examiner, le jardinier essaye de voir un peu mieux sa physionomie, mais le druide fait beaucoup d'efforts pour ne rien lui dévoiler de son visage. Pour autant, le jardinier a quand même découvert quelque chose : le druide a une haleine de mille poneys morts, c'est comme si le jardinier était enterré vivant avec sa famille morte et qu'il se réveillait comme ça, au milieu de la terre et du charnier.

La rôdeuse se demande quel effet peuvent avoir les champignons globuleux qui ont poussé sur le corps du horla. Elle les fixe en se préparant au pire.

Le filtreur est toujours hanté par le gamin violet (qu’il a depuis baptisé du nom de Billy). Il est dans son dos, il sent sa peau collée contre son visage et sa bave lui couler dans le cou. Le filtreur lui demande ce qu'il veut pour disparaître, le gamin répond : "Que tu fasses preuve de repentir." Le filtreur lui demande comment, mais le gamin est incapable d'être plus précis.

Alors que tout le monde a perdu son temps en palabres, le horla se redresse. Les champignons globuleux ont émis du mycélium qui anime ses pattes. La rôdeuse prend la fuite et attire le monstre vers le cercle de pierres, d'où elle décèle qu'une grosse quantité d'emprise se dégage. Elle contourne le cercle et voit que le horla le contourne aussi, preuve qu'il y a quelque chose dans le cercle qui le gêne. Elle entre alors dans le cercle. L'air est tout tordu et migraineux, et elle sent une quantité phénoménale d'emprise sous ses pieds. Un truc immonde se met à lui parler dans sa tête, où plutôt il assemble des borborygmes, des vrombissements, des cliquetis et des gargouillis jusqu'à ce que le tout forme une parodie de syllabes humaines. La chose lui dit qu'elle peut la protéger, mais en échange, elle lui demande de lui offrir une partie de son corps. La rôdeuse s'enfuit du cercle de pierres, mais elle perd du temps en arrachant une botte de fleurs brunes au cas où. Le horla met ce retard à profit pour lui empaler l'épaule avec une de ses pattes. La rôdeuse sent aussitôt des champignons blancs lui pousser dans l'épaule alors que la patte elle-même se désagrège et moisit à l'intérieur de la blessure. La rôdeuse dévale le monticule et revient vers la troupe. La troupe a enflammé une couverture graissée et la jette sur le horla, ce qui leur permet de le tuer à nouveau. Le druide aux champignons appose quelques-uns de ses champignons sur la blessure de la rôdeuse, ceux-ci font du mycélium et régulent le développement du champignon globuleux. Mais les champignons ont un effet cotonneux sur elle et elle sent que son pouvoir de détection de l'emprise s'en trouve affaibli.

Le druide encapuchonné les entraîne vers son domaine, un marais où le sol est si boueux que la troupe s'y enfonce jusqu'aux genoux. Ils arrivent au pied d'un arbre aussi massif que noueux, percé de nombreux creux servant de niche à des choses, où se perche une centaine de corbeaux albinos et déplumés. Le maître des lieux leur propose de "fusionner" avec l'Arbre-Dieu, c'est notamment ce qui permettra au jardinier et au filtreur de guérir. La rôdeuse se montre très sceptique envers cette solution. Elle prend la main du druide et remarque qu'il a des veines végétales sur le dos de la main et des branches plantées dans le poignet. La troupe refuse la fusion et au lieu de ça, la rôdeuse fabrique du charbon de bois et fais ingérer aux deux malades pour les purger du limon. Le filtreur est toujours très agité, il s'adresse au gamin violet qu'il est le seul à voir (maintenant il croit que le gamin est ligoté dans son dos). Il l’appelle maintenant Marabilly (le Billy du maraboutage) et le gamin lui répond. Les autres le voient juste tordre la bouche et parler dans deux voix différentes, une pour chaque coin de la bouche. Le druide aux champignons donne à la rôdeuse des herbes capables d'apaiser les troubles mentaux, la rôdeuse en fait une infusion chaude qu'elle sert au filtreur. Le filtreur est pour un temps débarrassé de son fantôme mais il est dans un état second : il voit en noir et blanc, certains sons lui arrivent étouffés et d'autres amplifiés.

La chèvre se frotte à l'Arbre-Dieu avec volupté. La troupe somme le druide encapuchonné d'en dire plus sur les effets de la fusion. Alors celui-ci relève sa capuche. Il révèle que son corps est couvert de branches qui lui rentrent dans le système sanguin, et son crâne est tronqué au-dessus de la mâchoire. Des branches lui rentrent dans ce qui reste de son tronc cérébral et le maintiennent en vie. Il a donné le haut de son crâne au Dieu des pierres levées et le reste de son corps à l'Arbre-Dieu. Cette démonstration est loin de convaincre la troupe. Le druide aux champignons offre des champignons bleus et globuleux au druide encapuchonné, il en implante aussi sur l'Arbre-Dieu en espérant que ça les fasse pourrir, à terme.

La troupe lève le camp et part dans la direction supposée de la communauté la plus proche, qu'on nomme le Patelin. Ils sont surpris par la nuit. Ils essayent d'abord de bivouaquer dans une grotte, mais elle est habitée par un ours. La rôdeuse ne sent pas d'emprise sur lui, mais elle commence à douter de son pouvoir. Le druide jette des champignons et la troupe file de là. La rôdeuse leur trouve un nouvel endroit pour bivouaquer. Grâce à son pouvoir, elle choisit un lieu dépourvu d'arbres carnivores. Il y a un sol de feuilles et de lichens sur des pierres. Le filtreur veut dormir en s'enfouissant sous les feuilles (gorgées de lombrics) mais la rôdeuse l'en dissuade et les invite à dormir sur les roches couvertes de lichen.

Le filtreur s'endort d'un sommeil si profond que c'est comme s'il était mort. Le jardinier rêve qu'il fait un baiser langoureux à une personne qu'il aime. Il se réveille et constate avec effroi que sa chèvre est en train de lui lécher le visage. Elle veut l'entraîner à l'extérieur du bivouac. Le jardinier gueule après sa chèvre qui le réveille pour loin. Tout le monde se réveille. La rôdeuse perçoit une vague masse d'emprise dans la direction où la chèvre veut aller. Mais c'est difficile d'en savoir plus car son pouvoir décroît à mesure que les champignons colonisent son épaule. D'ailleurs, elle n'a pas vu hier soir qu'elle les a fait coucher sur des lichens carnivores ! Les lichens ont dévoré le dos de son manteau et ont même attaqué sa peau ! La rôdeuse leur fait lever le camp aussitôt.

C'est donc à la fin de la nuit qu'ils arrivent au fond de la vallée où se trouve le Patelin. Encaissé dans le repli de deux collines, le Patelin est entouré de palissades en bois où sont perchés des cadavres qui portent armures, lances et torches. Un dispositif pour intimider les pillards. A l'exception du druide aux champignons qui reste en retrait, la troupe se présente à l'entrée, une personne bien vivante leur demande de préciser leurs intentions, et les fait entrer par une sous-porte. Ils passent dans un tunnel de bois que la personne surplombe. Elle leur demande de laisser leurs armes là.

La troupe peut ainsi accéder au dispensaire du Patelin. Il est géré par un enfant livide qui porte des circuits imprimés greffés sur son crâne rasé. Un dispositif qui semble lui accorder des connaissances médicales datant de l'Âge d'Or.

L'enfant-médecin installe un poumon d'acier autour du corps du filtreur, ce qui lui permettra de marcher à nouveau sans encombre. Il lui confie aussi des anxiolytiques puissants qui écarteront la vision du gamin violet un temps, mais le plongeront dans un état profondément désagréable. Entre deux crises de léthargie, le filtreur entrevoit le gamin, il lui dit qu'il part vers une plus grande ville "à la recherche du repentir", mais en réalité il part dans l'espoir de trouver un traitement plus efficace contre la possession.

Le jardinier s'installe au Patelin, il devient l'assistant du forgeron à qui il rend de menus services. A sa demande, l'enfant-médecin lui a implanté une prothèse en bois et en métal : un bras-épée. Une nuit, le jardinier dort dans la petite cabane prêtée par le forgeron. Sa chèvre passe la tête par la petite lucarne qui communique avec sa niche. Elle bave noir, parle au jardinier en langue putride. Des racines lui sortent du cul.

Le druide reste un temps dans la vallée, mais il n'y trouve pas ses champignons habituels, et l'écosystème mycélien qui lui sert maintenant de corps refuse toute autre nourriture. Alors il retourne dans son ancienne forêt, au moins pour le temps d'y récolter à nouveaux ses champignons.

Comme la rôdeuse veut conserver son pouvoir, elle demande à l'enfant-médecin de lui amputer le bras afin qu'elle soit débarrassée du mycélium. L'enfant-médecin lui installe une prothèse-griffe en bois et en métal à la place, puis la rôdeuse part avec le filtreur en direction d'une plus grande ville où elle espère pouvoir se faire implanter un bras cybernétique.


Commentaires :

Durée :
2h1/2

Profil de l'Ă©quipe :
Je suppose un peu expérimentée, mais je n'avais jamais joué avec eux, sauf une fois avec le joueur du druide.

Bilan :
C'était une partie importante, puisque j'ai testé de jouer sans règle, c'est-à-dire uniquement en théâtre de l'esprit : ni hasard, ni chiffres, ni prise de notes, ni procédures, ni préparation, ni aide de jeu telle que des tables aléatoires. Au final, j'ai en quelque sorte maîtrisé quelque chose qui s'approche du système 0 de Jérôme Larré : un jeu sans autre règle que un MJ qui contrôle le décor et les figurants, et le reste de l'équipe qui contrôle ses personnages. On aurait pu partir dans des trucs plus foufous comme un contrôle complètement libre du décor, des figurants, et des personnages, mais je pense que ça n'aurait été possible qu'avec une équipe plus habituée à moi et aux jeux sans MJ.

J'avais espéré une expérience quasi-chamanique, on en était proche, mais pas tout à fait. Les conditions de jeu étaient plutôt contraires à ça (en convention sur un coin de stand, quasiment au débotté, avec une équipe nouvelle plus portée sur la tactique que sur l'ambiance, sans aucun élément d'ambiance sonore ou visuelle, et le fait même que j'ai carrément omis de briefer l'équipe sur le fait qu'on jouait sans règles...).

En revanche, je suis parti sur un jeu mi-tactique, mi-esthétique (avec une petite pointe de moral autour du gamin violet et de sa famille massacrée par les personnages) qui m'a beaucoup rappelé le Millevaux roots des débuts. L'ajout de règles au fur et à mesure de ma carrière d'auteur m'a finalement éloigné de mon ambiance du départ (à l'exception d'Arbre, qui y revient, mais encore de façon différente, parce qu'amenant peut-être un peu trop de choses nouvelles).

J'ai découvert qu'il m'était possible d'installer une tension sans l'appui des règles !

Je craignais qu'en jouant sans règles, je parte par défaut sur du Inflorenza Minima (des prix à payer pour réussir ses actions), et fort heureusement je n'en ai fait qu'à 25 %, + 25% de Millevaux Choc en retour (les actions réussissent toujours mais on subit ensuite des revers de fortune), +25% de jeu tactique en narratif pur, +25 % de techniques indéfinissables (sans doute pas mal de "dire oui à tout", du recyclage de mes anciennes parties ou de mes réflexions sur l'univers de Millevaux).

J'ai beaucoup joué sur les envies de l'équipe (par exemple, j'ai commencé par questionner la joueuse de la rôdeuse, elle m'a dit qu'elle jouait beaucoup en mode survivaliste, tout-pour-ma-gueule, et qu'il fallait que son personnage ait un pouvoir magique, du coup je lui ai accordé son pouvoir et ça a aussi influé sur l'ambiance et les enjeux de la partie), j'ai joué en mode miroir (donnant corps aux spéculations de l'équipe), et j'ai aussi appliqué une technique d'impro que j'ai seulement verbalisé récemment : donner de l'importance à ce qui attire l'attention des personnages : ainsi quand les personnages s'intéressent au contenu du caddie, je sens à la fois qu'ils y cherchent quelque chose à piller mais aussi quelque chose de louche, alors j'improvise que le caddie contient la dynamo mais aussi le cadavre du gamin.

Au final, j'ai trouvé que jouer sans règles m'était plus fluide qu'Inflorenza Minima et même que Millevaux choc en retour. Cela tient au fait que pour une situation donnée, je n'ai pas une procédure unique à appliquer (qui m'impose de prendre un temps de réflexion), j'ai toutes les procédures que je veux, y compris celle qui consiste à juste dire la première chose qui me passe par la tête. Donc on a deux heures et demie de jeu très denses en narration parce que le temps procédural est pour ainsi dire réduit à zéro.

Une expérience très enrichissante, que je conseille à tout le monde de tenter un jour.


Auteur de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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#19 29 May 2018 12:38

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

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#20 29 May 2018 12:57

Thomas Munier
un jeu par mois, tranquille
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Re : [Systèmes Millevaux] Comptes-rendus de partie

NOS JOURS COUPABLES

Une rencontre avec un horla dans un grenier qui tourne au jeu du chat et de la souris. Une expérience dont il est difficile de ressortir indemne.

Jeu : The Beast, un jeu de rôle solo érotique et dérangeant par Aleksandra Sontowska et Kamil Wegrzynowicz

Joué en solo durant le mois de mai 2016


AVERTISSEMENT :

Vous pourriez préférer éviter de lire ce compte-rendu pour deux raisons. :

+ Vous voulez éviter de heurter votre sensibilité. The Beast est un jeu érotique et dérangeant, et ce compte-rendu l'est aussi.

+ Vous prévoyez d'y jouer vous-même et voulez vous garder la surprise intacte. Le jeu fonctionne en piochant des cartes-questions, j'en ai tiré 20 sur 30, dont le contenu vous est dévoilé ici. On peut encore jouer après avoir lu un compte-rendu, c'est mon cas, mais le plaisir est atténué.

Si c'est votre cas, vous pouvez descendre directement aux commentaires.

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crédits : keightdee, practical owl, cc-by-nc & ssubbotin, domaine public

L'histoire :

Je commets du sexe avec la BĂŞte. C'est un secret.

Son odeur me rappelle celle de la Viande Noire.

C'est mou et poreux au toucher.

Je la cache dans un grenier qui ne connaît pas de fin et que la forêt envahit.

Je suis attiré par la sensualité de la Bête.

Je suis repoussé et dégoûté par les appêtits de la Bête.

Je pense Ă  la BĂŞte en tant qu'"elle".


Jour 1 : De quelle façon - et à quelle fréquence - la Bête montre de l'affection ?

Parfois, je ne saurais me souvenir combien de fois, je me réveille et trouve la Bête à mes côtés. Je réalise qu'elle a abusé de moi pendant mon sommeil. Alors elle prend ma tête dans ses bras et me murmure des choses à l'oreille. Des choses en langue putride dont le sens m'échappe.

Jour 2 : Comment ton programme de la journée a-t-il changé depuis que la Bête est apparue dans ta vie ?

Je reste beaucoup plus dans cette demeure et je monte la garde, à l'exception des moments où je dois partir en forêt chasser ou rabattre les personnes que la Bête que m'a mentionnées. Je dors aussi beaucoup plus, sous son influence, car elle tient à me rendre visite aussi dans mes rêves, là où les choses deviennent plus fantasmagoriques.

Jour 3 : La BĂŞte t'a fait un cadeau. Quel Ă©tait-ce ?

Elle m'a rendu le plus intense de mes souvenirs d'amour. Je peux maintenant le revisiter et le revivre Ă  loisir. Je tente Ă  chaque fois de nouvelles configurations. Parfois, elle m'y accompagne et participe.

Jour 4 : De quoi la BĂŞte se nourrit-elle ? Comment le fait-elle ? A quel point est-ce difficile de lui procurer sa nourriture ?

La Bête se nourrit uniquement de choses qu'on trouve dans les souvenirs, mais elle refuse de consommer ce qu'il y a dans les miens. Elle me charge de séduire des personnes et dès qu'elles éprouvent quelques sentiments pour moi, je peux m'aventurer dans leurs souvenirs. La Bête me suit discrètement. Elle a besoin que je m'occupe du corps de ces personnes à l'intérieur de leurs souvenirs, parce que ça lui permet de piller leur garde-manger et parce qu'elle veut me regarder faire. Moi, quand je suis attaché au corps de la personne, pervertissant ses souvenirs, je garde les yeux rivés sur la Bête en train de se délecter des choses succulentes, moelleuses ou immondes qu'elle trouve chez mes hôtes.

Jour 5 : Ton corps a commencé à se transformer après les contacts répétés avec la Bête. Comment cela se manifeste ?

J'ai d'abord changé d'apparence et de corpulence. J'étais chaque jour une personne différente. Façonné par les fantasmes de la Bête. Ou par les miens ? Et puis un matin au réveil, j'avais changé de sexe. Jusqu'où cela ira-t-il ? Je suis partagé entre angoisse et fascination. La Bête, elle, se réjouit de pouvoir me proposer de nouveaux jeux.

Jour 6 : Ton ami insiste pour que tu lui présentes ton "nouvel ami spécial". Qu'est-ce que tu lui dis ?

Cela m'inquiète. Je lui dis qu'il est parti, que je n'ai pas de nouvel ami, que je l'ai inventé. Je n'arrive pas à construire un mensonge cohérent. Je suis empêtré dans une couverture pour cacher mon changement de sexe, cela m'est encore plus difficile de résister aux questions de mon ami. Je lui dis de s'en aller de ma maison, qu'il est en danger.

Il ne me prend pas au sérieux. Il monte les escaliers grinçants qui conduisent au grenier. Je ressens à la fois une grande peur et une grande excitation à l'idée de ce qu'il va lui arriver. De ce qui va nous arriver. Ma couverture tombe.

Jour 7 : Combien de temps a-tu pu tenir sans connaître du sexe avec la Bête ?

C'est difficile à dire parce que l'emprise que la Bête a sur moi me fait perdre la notion du temps. Une fois, j'ai réussi à l'enfermer dans le grenier. J'ai mis des chaînes et je l'entendais battre de l'autre côté. Puis elle a respiré dans ma tête. Elle avait faim de moi. Et c'était très difficile à résister parce que chaque espace de ma peau avait envie d'elle aussi, même si cela m'est douloureux de l'admettre. J'ai plongé dans une baignoire d'eau froide et j'ai attendu que ça passe. Mais c'est comme si mes mains ne m'obéïssaient plus, je n'arrêtais pas de penser à elle, comme si elle était en train d'envahir mon esprit. J'ai ressenti comme une onde de choc et j'ai compris alors que la Bête était plus forte que moi, qu'il s'agisse de me dominer ou de m'apitoyer.

Jour 8 : La Bête n'était pas là quand tu es allé la visiter. Comment te satisfais-tu ?

Quand j'ai réouvert la trappe du grenier, la Bête n'était plus là. Ne restait plus que l'odeur de Viande Noire dans l'air. Au début, j'ai ressenti du soulagement, puis de la culpabilité, et enfin du manque. Un manque profond qui circulait dans mon sang. Je me rends vraiment compte de l'emprise que la Bête avait sur moi.

J'ai touché avec compulsion chaque chose que la Bête a touchée dans le grenier. Chaque objet imprégné de sa trace d'égrégore. Embrassé les vieux portraits qu'elle a envoûtés. J'ai cherché des caresses auprès de toutes ces breloques du grenier qui portent la marque de la Bête, des horloges, des candélabres, des conques.

Et comme c'était loin de suffire, j'ai enlevé le verrou de la chambre où mon ami est détenu depuis l'autre jour.

Jour 9 : Comment peux-tu dire que la Bête perçoit ta présence ?

J'ignore si elle me voit. Je pense plutôt qu'elle perçoit ma signature d'égrégore. Elle voit mes pensées. Quelque part, elle me voit comme je suis vraiment, non pas avec la chair qui m'entoure, celle qu'elle a façonnée, mais comme je me vois vraiment. Elle lit dans mes fanstasmes et mes rêves et pour elle, c'est ce qui constitue mon vrai moi.

Elle me pousse à révéler ce qui se trame au fond de mon inconscient, et quand je viens avec elle, elle me voit vraiment dans ma nudité, et alors elle transforme mon corps à cette image. J'attends qu'elle me revienne parce que je me languis de ça et que la force me manque de m'échapper et de brûler cette maison avant son retour.

Jour 10 : Qui a commis du sexe avec la BĂŞte avant toi ?

C'est le chasseur qui a ramené la Bête de la forêt. Il était fier d'avoir capturé un horla. Il a cru la posséder, mais c'est elle qui l'a possédé. Puis elle s'est lassée de lui et elle lui a demandé de lui ramener un trophée. Ce trophée, c'était moi. Je me demande ce qui lui est arrivé depuis, mais j'ai peur de savoir.

Jour 11 : Quelle est la dernière fois où tu as commis du sexe avec une autre personne que la Bête ?

Puisque la Bête n'était toujours pas revenue, j'ai cru que son emprise sur moi s'était relâchée. J'ai fait venir le chasseur. Je lui ai dit qu'on allait vider les lieux. Il a pris un air grave, il avait l'air de comprendre et de vouloir m'aider. Sa barbe avait plus drue et noire que la dernière fois où je l'ai vu. Il m'a demandé si nous détenions des personnes. Assez curieusement, j'avais failli oublié ce détail. J'ai remonté les escaliers. Dans le grenier, il y a plusieurs portes cadenassées qui ferment des conduits en sous-pente. J'ai ouvert la première porte. Derrière, il y avait cette femme. Je la désirais et la Bête m'a ordonné de la capturer. Sa peau est blanche, elle respire lentement. Elle est enchaînée et nue.

J'ai cru qu'elle allait me remercier de la libérer, mais avant que je pusse enlever ses chaînes, j'ai remarqué qu'elle était lascive. Consentante. Tout son corps tremblait à l'idée de ce que j'allais pouvoir lui faire. Etait-elle sous l'emprise de la Bête ?

J'ai tourné la tête. Et le chasseur se tenait à l'entrée de la porte.

Jour 12 : Quelles sécrétions (ou autres choses) dois-tu nettoyer après chaque accouplement avec la Bête ?

Aujourd'hui la Bête est revenue. Elle a tenu a ce que nous ayons un moment juste tous les deux. Ce fut très intense, est-ce qu'elle voulait me punir ou est-ce que je lui ai manqué ?
Après cela, la Bête dormait, de ce sommeil inquiétant qui présage la tempête. Et moi, comme à chaque fois, j'ai ramassé dans la glu de nos draps, la peau et les flaques de mes souvenirs.

Parfois, il m'arrive de lécher mes doigts ou ceux de la Bête qui en sont imprégnés. Je retourne en arrière, et je recommence certains bals exquis ou douloureux.

Jour 13 : Quels sont les symptômes de la maladie que tu as attrapée de la Bête ?

Ma peau se recouvre d'une sorte de glu. J'ai vraiment peur de l'effet que l'emprise a sur moi. La personne qui me soigne est dans le secret de l'existence de la Bête. Je la soupçonne d'être un de ses agents, mais j'ai besoin d'elle.

Elle a essayé plusieurs remèdes. D'abord, elle a léché la glu. Cela a pris beaucoup de temps et la glu est revenue.

Elle m'a ordonné de me plonger dans un bain d'eau très froide. La glu a solidifié aussitôt et j'étais incapable de bouger davantage.

La personne s'est chargée de mon corps. Elle a enlevé la gangue par étapes. A chaque étape, comme j'étais incapable de bouger tout ce qui était sous la gangue, elle accomplissait ses petits jeux avec ce qu'elle venait de libérer.

J'attends avec impatience qu'elle soit à son tour contaminée. J'ignore à quoi est dû cette impatience, je devrais plutôt ressentir une sourde inquiétude à l'idée du monde que la Bête est en train de façonner.

Jour 14 : Comment permets-tu à la Bête d'atteindre l'orgasme ? De quelle façon est-ce dangereux pour ta santé et ta vie ?

La Bête est incapable d'atteindre l'orgasme par elle-même, alors elle me vole les souvenirs de mes propres orgasmes. C'est dangereux pour moi car ce sont les plus beaux instants de ma vie qu'elle me vole. C'est dangereux pour ma volonté de vivre. Finalement, peut-être est-ce seule la dépendance à la Bête qui me tient. Mais le jour où la Bête m'aura vidé de mon dernier soupir, de mon dernier frisson, va-t-elle m'abandonner ? C'est pour cela que je lui confie de plus en plus souvent mon corps à son bon plaisir, à ses caprices. Pour renouveler le stock de souvenirs en permanence.

Jour 15 : La BĂŞte est malade. Commets-tu toujours du sexe avec elle ? Que dois-tu changer pour le faire ?

La BĂŞte est malade. Elle Ă©tait horla et elle en train de devenir humaine. Cela la remplit de rage.

J'avoue ressentir alors beaucoup de désir pour elle parce que cela change les rapports de force. Elle me fait languir longtemps avant de m'accepter, elle se sent fragile, et ni elle ni moi n'avons l'habitude à ce que je prenne les devants. Mais sa maladie lui permet d'atteindre l'orgasme par elle-même. Ce moment nous paralyse et me plonge dans l'effroi.

Jour 16 : Comment ton corps a-t-il réagi après le premier contact avec la Bête ? Comment réagit-il maintenant ?

Au début, je ressentais du dégoût au moindre contact avec la peau de la bête. Ma peau se couvrait de frissons. Je sentais des infimes transformations opérer sous elle. Mes cellules se remplissaient de souvenirs nouveaux, ma chair de sensations nouvelles.

Maintenant que la Bête devient humaine, les choses ont changé. Après avoir découvrir le plaisir de toucher un monstre, je découvre le plaisir de toucher une amante.

Jour 17 : Une personne autour de toi sait ou a su que tu as commis du sexe avec la BĂŞte. Pourquoi se tait-elle ?

Il s'agit d'une personne qui faisait du braconnage en forêt, une nuit. Elle a vu la lumière de notre grenier et a observé notre manège dans un jeu d'ombre chinoises. Elle est revenue et m'a vu aller et venir hors de la maison. Elle a frappé à ma porte sous prétexte de m'offrir une partie de sa récolte en dédommagement de son passage ici.

Elle est venue me rendre souvent visite, si bien que nous avons lié une sorte d'amitié.

Puis elle a fini par me dire qu'elle savait pour moi et la BĂŞte, et qu'elle se tairait Ă  condition que je lui fasse la mĂŞme chose.

Je lui ai demandé de prendre un bain et je lui ai fait la même chose dans le bain. Puis je l'ai laissée se reposer. A la merci de la Bête.

Jour 18 : Tu as mis fin à une relation avec une personne quand tu as commencé à commettre du sexe avec la Bête. Qui était-ce ?

Cette personne faisait des recherches archéologiques dans la forêt. C'est elle qui a découvert la maison, avec le grenier. Elle y a trouvé beaucoup d'objets rares et anciens, et des collections de photographies avec des visages ambigus. C'est elle qui m'a amené dans la maison pour m'aider sur le chantier. C'était une personne très douce.

Un jour, je fus la proie du chasseur qui me conduit à la Bête. Et une fois, j'ai eu le dessus sur la Bête et c'est moi qui l'ai conduit dans ce grenier. J'ignorerais que l'égrégore contenue dans de grenier allait nourrir sa puissance. J'ai chassé l'archéologue de la maison, c'était pour son bien.

Et ce matin, j'ai vu l'archéologue approcher de la maison. Cette personne est de retour. Je vais lui ouvrir les bras. La Bête et moi allons lui ouvrir les bras.

Jour 19 : Utilises-tu une protection quand tu commets du sexe avec la BĂŞte ? Si oui, laquelle ?

Ma hantise est d'avoir un enfant de la Bête. Pour l'éviter, nous nous rendons toujours dans un souvenir pour commettre du sexe. Quelque part, la vraie personne que je suis n'a jamais commis de sexe avec la Bête, ça s'est toujours passé dans des mondes parallèles. Dans les salles de classe de mon enfance, dans des bunkers, dans des forêts noires au sol chargé de boue et d'épines, dans mille versions de ce grenier où nous avons tour à tour chamboulé, brûlé ou caressé toutes ses breloques poussiéreuses, journaux intimes, vieilles robes, mannequins de couture. Nous l'avons fait dans mes souvenirs et dans tous les souvenirs du grenier, nous l'avons fait dans les tranchées, dans des palais, dans des prisons.

Et pourtant, c'est bien dans la vie réelle que mon corps change. Et si ?

Jour 20 : La BĂŞte va bientĂ´t donner naissance. En ressens-tu de la joie ?

Absolument pas. J'ai cherché à me protéger, mais la Bête n'en a rien fait de son côté. A quoi va-t-elle donner naissance ? Va-t-elle accoucher de moi, ou d'elle-même ? Est-ce la fin de notre relation ? N'ai-je été qu'un véhicule ? Je m'abandonne à la Bête comme si c'était la dernière fois.

Jour 21 : Je quitte la BĂŞte

Ce matin, je suis allé au chevet de la Bête et elle était devenue complètement humaine. Nous avons fait l'amour une dernière fois, passionément.

Puis je l'ai laissée dormir, avant de m'en aller. M'en aller du grenier, m'en aller de la maison, m'en aller de cette forêt.

Chercher de nouvelles proies.

Maintenant que c'est moi, la BĂŞte.


Commentaires :

Durée :
22 jours, 5 Ă  10 minutes par jour.

Règles utilisées :
J'ai joué le jeu à la lettre, mais je me suis forcé d'intégrer les marqueurs de l'univers de Millevaux : les ruines, la forêt, l'oubli, l'emprise, l'égrégore, les horlas.

Profil du joueur :
J'ai déjà fait du jeu de rôle solo, notamment sur Inflorenza :
Le Pélérinage des Morts
Le Bagne Rouge
Le Totem du Roi des Vosges
Tes paroles ne m'atteignent pas

Je m'ouvre de mon expérience dans le podcast Des Rôlistes dans la cave consacré au jeu de rôle solo

J'ai découvert l'existence de jeu par le compte-rendu de partie d'Arjuna Khan, qui y a, il me semble, joué dans l'esprit que ça se passait à Millevaux, sans pour autant faire aucune référence explicite à l'univers.

J'ai trouvé comme elle que l'ambiance du jeu évoquait beaucoup Millevaux et c'est pour cela que j'ai entrepris de le tester moi-même en faisant sciemment référence à des éléments de l'univers de Millevaux.

DĂ©fis :
Jouer le jeu en gardant à l'esprit que j'allais rendre publiques mes réponses.

Mise en jeu :
Je jouais tous les matins, après le petit-déjeuner. J'ai tapé directement les réponses aux questions à l'ordinateur. Le reste du temps, le jeu de cartes restait caché.

Debriefing :

+ Tout d'abord, publier un compte-rendu de The Beast, c'est se mettre à nu. Pour atténuer cela, j'ai évité de faire comme Arjuna Khan qui avait fait un compte-rendu jour par jour, je suis parti dans l'idée que je publierais le compte-rendu à la fin.

+ Ceci dit, le fait de savoir que je publierais a eu un impact sur ma façon de jouer.

+ D'une, j'ai écrit mes réponses alors que sinon, j'aurais juste répondu dans ma tête.

+ De deux, je me suis censuré. Je suis resté très elliptique. Ceci dit, le caractère elliptique de mes réponses, a permis, pour le coup, que le jeu soit érotique et non pornographique. Cela m'a permis de développer une aventure imaginaire dans ma tête le reste de la journée.

+ De trois, j'ai été elliptique sur le genre des personnages. J'avais peur que mon imaginaire érotique apparaisse comme ce qu'il est : celui d'un homme blanc cis-genre hétérosexuel [étiquette que je définirais sans doute différemment aujourd'hui]. En restant elliptique, je pense l'avoir évité, développant une intrigue qui faisait plutôt fi de la notion de genres. Cela a amélioré l'expérience, enrichi mon imaginaire d'autant d'aventures potentielles. Le jeu de rôle solo, c'est des aventures, et non une aventure, comme on joue tout seul dans sa tête, on joue plein de versions différentes.

+ Le fait d'avoir lu le compte-rendu d'Arjuna a peut-être un peu diminué mon plaisir, forcément une partie des questions ont été les mêmes, même si dans un ordre différent. Et bien que j'ai oublié le détail de l'aventure qu'elle avait raconté, j'avais à l'esprit de m'en écarter. D'où mon avertissement au début du compte-rendu. Ceci dit, je n'aurais jamais connu le jeu ni été tenté d'y jouer sans son compte-rendu.

+ Le mariage de The Beast avec Millevaux a très bien pris. Il y en a en effet des thèmes de The Beast (la monstruosité, la transformation, l'emprise mentale) qui sont communs avec Millevaux, et en rajoutant d'autres thèmes (la forêt, l'oubli, l'égrégore), on crée une ambiance complètement dingue.

+ Comme l'a fait remarquer Arjuna Khan, je trouve que le jeu a un ventre mou. Certaines questions sont moins percutantes que les autres. Mais d'une c'est sûrement subjectif, et de deux, j'ai eu la chance d'avoir une succession ultra-cohérente de questions sur la fin, qui m'a offert un super climax, quoique plus dérangeant qu'érotique.


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